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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),
PAR M. Jean-René CAZENEUVE,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 43
SÉCURITÉS :
SÉCURITÉ CIVILE
Rapporteur spécial : M. Florian CHAUCHE
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl
1. Les avions et les moyens déployés contre les feux de forêt
2. Le renouvellement en cours de la flotte d’hélicoptères
3. Les dépenses relatives au maintien en condition opérationnelle
4. Le besoin d’adapter les indicateurs relatifs aux moyens aériens
B. Les autres moyens opérationnels et la prÉvention (actions 11, 12 et 14)
3. Les crédits de l’action 12 qui financent les moyens terrestres (FORMISC)
A. Les moyens en faveur des « pactes capacitaires »
B. les moyens en faveur DE LA BRIGADE DES SAPEURS POMPIERS DE PARIS
C. L’impasse du modèle actuel de soutien aux associations –
1. Le rôle essentiel des associations agréées
2. Le caractère insuffisant de l’accompagnement financier de l’État
D. nexsis18-112 : UN CHANGEMENT DE DOCTRINE ET des retards de déploiement
1. L’ANSC, opérateur du programme, en charge du développement du projet NexSIS 18-112
3. Pour 2024, une nouvelle stratégie financière qui présente des risques
principaux éléments relatifs à la saison des feux 2022 apportés par la DGSCGC au rapporteur spécial
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
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PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl – Le rapporteur spécial considère que les crédits attribués au programme 161 sont loin d’être suffisants, que ce soit au regard de l’inflation, ou encore en comparaison avec les crédits attribués aux autres programmes de la mission Sécurités mais surtout au regard de la progression des risques naturels qui résulte du changement climatique, et de la mobilisation croissante des moyens consacrés à la protection des populations et à la gestion des crises. – Il s’inquiète tout particulièrement du renouvellement et de l’agrandissement de la flotte d’aéronefs de la sécurité civile, au regard des incertitudes pesant sur la capacité du constructeur De Havilland de tenir les délais de fabrication et de livraison d’avions bombardiers d’eau amphibie. Pour lui, il est nécessaire d’envisager d’autres pistes pour renforcer la flotte de la sécurité civile. À ce titre, le rapporteur spécial constate le caractère complémentaire des hélicoptères lourds bombardiers d’eau aux côtés des Canadair et des DASH et plaide pour l’acquisition par l’État de tels appareils. Ces appareils sont également utilisés et loués par certains SIS ainsi que par la DGSCGC, dont le coût est important et qui posent par ailleurs des problèmes opérationnels et ne permettent pas les vols de nuit. – Il s’étonne de l’absence d’augmentation des crédits consacrés aux subventions aux organismes de recherche et de prévention par rapport dont les subventions stagnent depuis plusieurs années, d’autant que leurs montants lui semblent particulièrement sous-dimensionné par rapport au rôle essentiel de ces organismes dans la compréhension et l’anticipation des crises. – Cette préoccupation du rapporteur spécial s’applique aussi au montant de la participation de l’État au financement de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, nettement inférieure aux besoins exprimés par cette institution. Il évalue à un minimum de 3 millions d’euros le besoin de financements supplémentaires à l’action 13, en AE et en CP. – Le rapporteur spécial souhaite également insister sur la fragilité du mode de financement actuel de nos associations agréées de sécurité. Fortes de 250 000 bénévoles, les associations agréées de sécurité civile sont un acteur majeur de la sécurité civile. Elles sont toutefois insuffisamment reconnues et considérées pour les missions qu’elles réalisent et le rapporteur spécial demande à l’État de prendre la mesure de la gravité de la situation et d‘agir de toute urgence. Il prône enfin la mise en place de pactes capacitaires au profit de nos AASC sur le modèle de ce qui a été fait pour les SDIS. – Le rapporteur spécial s’inquiète des forts retards dans le déploiement par l’ANSC, seul opérateur du programme, du projet NexSIS 18-112. Si l’ANSC a présenté des arguments solides pour justifier d’un changement de doctrine dans le déploiement du système NexSIS 18-112, il n’en demeure pas moins que ce changement se traduit par un nouveau retard dans le déploiement du système NexSIS18-112. |
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Évolution des crÉdits du programme SÉcuritÉ civile (en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU programme SÉcuritÉ civile (en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires. RÉpartition des CP DU programme 161, par fonction
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires. |
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Le programme 161 Sécurité civile relève de la mission Sécurités. Il porterait en 2024 2,74 % de ses autorisations d’engagement (AE) soit 686,48 millions d’euros et 3 % de ses crédits de paiement (CP) soit 734,64 millions d’euros.
Le rapporteur spécial rappelle d’emblée que si l’État est « garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national » et s’il « en définit la doctrine et les moyens » ([1]), le programme 161 n’est pas le principal vecteur de financement de la sécurité civile au quotidien. En effet, la sécurité civile est assurée en large partie par les services d’incendie et de secours (SIS), dont les budgets reposent notamment sur de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales (fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – TSCA). De plus, d’autres programmes du budget général financent l’effort de l’État en la matière.
S’agissant du programme 161, les crédits demandés pour 2023 s’inscrivent en recul de 53,36 % en AE et en légère hausse de 2,87 % en CP. Le rapporteur spécial souhaite faire remarquer que les diminutions importantes entre la LFI 2023 et le PLF 2024 en AE, résultent de la contractualisation en 2023 d’importants marchés de renouvellement des moyens opérationnels : 150 millions d’euros en AE pour les pactes capacitaires ; 471,6 millions d’euros en AE pour l’acquisition de 36 hélicoptères du type H 145 ; 240 millions d’euros en AE pour le renouvellement et l’extension de la flotte d’avions bombardiers d’eau amphibie
Après un important programme d’auditions et de déplacements, le rapporteur spécial ne peut que qualifier d’insuffisantes les dotations proposées, qui permettent à peine de prendre en compte l’évolution de l’inflation et les différentes revalorisations salariales (mise en œuvre par exemple du décret du 28 juin 2023 portant revalorisation du point d’indice, différentes mesures visant à favoriser le pouvoir d’achat des personnels civils et militaires de l’État). Le budget alloué au programme 161, est, de l’avis du rapporteur, insuffisant au regard des enjeux majeurs auxquels les moyens nationaux de la sécurité civile sont confrontés.
Il fait également remarquer que la hausse en crédits de paiement est la hausse la plus faible, tant en valeur réelle que relative, des quatre programmes composant la mission Sécurités. Si l’on prend en considération les perspectives actuelles d’inflation pour l’année 2024 (+ 2,6 %), telles qu’inscrites dans le rapport économique, social et financier annexé au PLF pour l’année 2024, la hausse des crédits de paiement est inférieure à 0,3 %. Ce budget stagne alors qu’encore une fois, de l’avis du rapporteur, il devrait augmenter considérablement pour préparer nos forces de sécurité civile aux défis à venir.
*
*…..*
Le programme 161 se décompose en 4 actions :
– l’action 11 Prévention et gestion des crises est dotée de 49,5 millions d’euros en AE et de 75,78 millions d’euros en CP pour 2024. Cette action comprend la veille, l’alerte et la gestion interministérielle des crises, la solidarité nationale – et à ce titre les colonnes de renfort et les crédits d’extrêmes urgences – ainsi que la prévention opérationnelle et la protection des populations. ;
– l’action 12 Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux porte la majorité des crédits du programme et est dotée de 414 millions d’euros en AE et 442,9 millions d’euros en CP. Cette action porte les moyens aériens nationaux (avions et hélicoptères de la sécurité civile), les moyens terrestres (Formations militaires de la sécurité civile), les moyens nationaux dédiés au déminage et les moyens nationaux de soutien ;
– l’action 13 Soutien aux acteurs de la sécurité civile est dotée de 190,2 millions d’euros en AE et de 183,9 millions d’euros en CP, en faveur des activités de coordination et de formation des autres acteurs de la sécurité civile ;
– l’action 14 Fonctionnement, soutien et logistique est dotée de 32,8 millions d’euros de crédits en AE et de 32 millions d’euros en CP, elle regroupe les fonctions de soutien général du programme, à l’instar des dépenses informatiques mutualisées, du carburant des véhicules terrestres ou des services d’état-major. Elle connaîtrait la hausse la plus importante du programme, soit 127,9 % des AE et + 122,2 % des CP. Le rapporteur tient toutefois à relativiser cette hausse qui relève du transfert de 16,4 millions d’euros en AE et 15,6 millions d’euros en CP en provenance du programme 216 Conduite et pilotage des politiques du ministère de l’intérieur » en vue d’une réintégration des dépenses liées aux systèmes d’information au sein de chaque direction « métier ».
Évolution des crédits par action du programme Sécurité civile en plf 2024
(en millions d’euros)
Actions |
Autorisation d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution |
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution |
|
11. Prévention et gestion des crises |
76,2 |
49,5 |
– 53,4 |
55,3 |
75,8 |
+ 37,1 |
12. Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux |
1 060 |
414 |
– 35,1 |
442,1 |
442,9 |
+0,2 |
13. Soutien aux acteurs de la sécurité civile |
321,4 |
190,2 |
– 61 |
202,3 |
184 |
-9 |
14. Fonctionnement, soutien et logistique |
14,4 |
32,8 |
+ 128 |
14,4 |
32 |
+ 122,2 |
Total programme 161 |
1 472 |
686,5 |
– 53,4 |
714,1 |
734,6 |
+ 2,9 |
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.
Le plafond d’emplois du programme en PLF 2024 s’élève à 2 477,36 ETPT contre 2 467,28 ETPT en 2023, soit une augmentation de 10,08 ETPT. Cette évolution s’explique notamment par l’impact du schéma d’emplois 2023 sur 2024 (+ 28,71 ETPT) et une mesure de périmètre (+ 1 ETPT) compte tenu de la transformation en janvier 2023 d’un emploi de personnel navigant relevant aujourd’hui du statut militaire de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, et mis à disposition du groupement des moyens aériens (titre 3) en un emploi de personnel technique (titre 2).
Le rapporteur spécial a interrogé la DGSCGC sur les crédits et les emplois prévus traduisant les engagements de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) : les projets structurants soutenus au titre de la loi LOPMI représenteraient 66,9 millions d’euros en AE et 137,4 millions d’euros en CP sur l’exercice 2024, pour une enveloppe globale de 817,1 millions d’euros en AE et 729,5 millions d’euros en CP sur la période 2023-2027.
Mise en œuvre des engagements de la loi d’orientation
et de programmation du ministère de l’intérieur
(en millions d’euros)
Source : DGSCGC, questionnaire budgétaire.
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I. Les crÉdits en faveur des moyens opérationnels nationaux et de la prÉvention : la part prépondérante des moyens opérationnels, la prÉvention, grande oubliée du programme
Cette première partie présente les crédits des actions consacrées aux moyens opérationnels, de pilotage, et à la prévention (actions 11 Prévention et gestion des crises, 12 Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux et 14 Fonctionnement, soutien et logistique) par ordre d’importance numérique.
Il convient de commencer par les moyens aériens et leur maintien en condition opérationnelle (MCO), à l’action 12, au regard de la part des crédits qui leur sont dédiés dans le programme ainsi qu’au regard des récentes annonces en termes de choix et priorité d’investissement. Les autres crédits et notamment la portion congrue attribuée à la prévention est présentée dans une seconde sous-partie.
Le rapporteur spécial rappelle que l’action 12 porte au total 60,3 % des crédits de la mission, pour la préparation opérationnelle et l’emploi « des moyens nationaux que l’État entretient et mobilise sans délai en toutes circonstances, pour le secours aux personnes, la préservation des biens et de l’environnement, au quotidien, lors de catastrophes ou de crises de sécurité civile, en France ou à l’étranger. » ([2]).
Il s’agit principalement des moyens aériens (avions et hélicoptères), de leur maintien en condition opérationnelle et des moyens terrestres (crédits prévus pour les formations militaires de la sécurité civile, FORMISC). S’y ajoutent les crédits relatifs aux opérations de déminage.
L’action porte la très large majorité des dépenses de titre 2 (charges de personnel) du programme Sécurité civile, soit 194,2 millions d’euros en AE et en CP sur 215,8 millions d’euros prévus, ce qui correspond à 2 268 emplois ETP sur les 2 477,4 emplois ETP de la mission (schéma d’emploi en hausse de 10,07 ETP). Les autres crédits relèvent de l’entretien du matériel existant (dépenses de fonctionnement – titre 3) et l’acquisition de nouveaux appareils (dépenses d’investissement – titre 5).
Évolution des DÉPENSES DE L’ACTION 12 par nature en 2024
(en millions d’euros)
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Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution |
LFI 2 023 |
PLF 2024 |
Évolution |
|
Titre 2 Dépenses de personnel |
182 |
194,2 |
6,28 |
171,3 |
182 |
5,88 |
Titre 3 Dépenses de fonctionnement |
116,9 |
169,3 |
30,95 |
113,8 |
125,3 |
9,18 |
Titre 5 Dépenses d’investissement |
761,2 |
50,5 |
– 1 407,33 |
92,9 |
105,9 |
12,28 |
Total |
1 060 |
414 |
– 156,04 |
377,9 |
413,1 |
8,52 |
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.
La chute des crédits de titre 5 au titre des AE trouve son explication dans le caractère exceptionnel des dépenses d’investissement en 2023 (lancement de la campagne de renouvellement de 36 hélicoptères H-145 remplaçant les EC-145.) D’après la DGSCGC, « la baisse des crédits en AE, en PLF 2024, tient à la contractualisation sur 2023 d’importants marchés de renouvellement des moyens opérationnels qui sont engagés sur plusieurs exercices : l’acquisition de quatre avions bombardiers d’eau amphibie, dont 2 financés par la communauté européenne [dans le cadre du mécanisme RescEU] et deux sur le budget général de la sécurité civile. Une première tranche de financement a été ouverte en 2023 pour un montant de 240 millions d’euros d’AE et de 24 millions d’euros de CP ; le renouvellement de la flotte des hélicoptères, à hauteur de 36 appareils neufs acquis auprès du constructeur Airbus, pour un montant total de 471 millions d’euros, avec un échéancier de paiements courant jusqu’en 2029. » ([3])
Pour le rapporteur spécial, les éléments présentés en annexe sur le bilan des interventions récentes des groupements de moyens aériens et terriens témoignent du retard pris dans le renouvellement des flottes et des équipements et de la nécessité de revoir les acquisitions à la hausse.
A. LA PART TOUJOURS PRÉPONDÉRANTE DES CRÉDITS DES MOYENS OPÉRATIONNELS NATIONAUX DE LA SÉCURITÉ CIVILE, À L’ACTION 12 : DES PLANS DE RENOUVELLEMENT INSUFFISANTS ET TROP LENTS AU REGARD DES ENJEUX
1. Les avions et les moyens déployés contre les feux de forêt
S’agissant des avions, la flotte est constituée de :
– 12 Canadair CL-415, avions bombardiers d’eau amphibies spécialisés dans la lutte contre les feux de forêts – dont l’âge moyen est de plus de 25 ans ;
– 8 bombardiers d’eau ravitaillés au sol Dash 8 Q400, avions multirôles (bombardier d’eau et transport de fret ou de personnes) bimoteurs à turbopropulseurs rapides venus remplacer la flotte des Tracker. Dans le cadre du marché d’acquisition de Dash 8 en 2018 auprès de la société CONAIR, huit appareils ont été livrés progressivement depuis 2019 dont le dernier en mai 2023. Il s’agit, dans le détail, de 6 avions Dash 8 MRBet, dont l’âge moyen est de 22 ans et 2 Dash 8 MR dont l’âge moyen est d’un peu plus de 2 ans et demi.
– 3 avions Beechcraft King 200 dits « d’investigation, de coordination et de liaison », qui ont fait l’objet d’une rénovation totale achevée fin 2019, dont l’âge moyen est de plus de 38 ans et demi.
Comme rappelée plus haut, la commande de quatre Canadair de nouvelle génération, de type DHC-515, est en cours de contractualisation.
Le renouvellement de la flotte des avions bombardiers d’eau de type Canadair
« Au terme d’un long processus entre les 6 pays candidats (France, Espagne, Italie, Croatie, Grèce, Portugal), la Commission Européenne (DG ECHO) et l’entreprise Viking (devenue De Havilland Canada - DHC), le lancement effectif de la chaîne de production des nouveaux « CANADAIR » (DHC-515) a été officiellement annoncé le 31 mars 2022, sécurisant ainsi le programme RescUE avec au total une expression de commande pour 22 appareils. En termes budgétaires, l’Europe finance, a minima, 90 % des coûts d’acquisition de 12 avions DHC-515, soit 2 par pays demandeur.
« Au vu des dernières estimations, l’ordre de grandeur se monte désormais à 62,11 millions d’euros TTC par avion avec frais de douane inclus (2,7 %) pour les 22 premiers appareils (hors provisions et rechange).
« Il est à noter qu’il a été confirmé que l’UE prendra bien à sa charge 100 % du prix HT, la TVA restera à charge et sera à payer une fois les livraisons effectuées.
« Le 27 janvier 2023 à Bruxelles, DHC n’a pas rejeté la demande de porter à 24 le nombre d’avions (+ 2 supplémentaires pour la France) mais a prévenu, en raison des hausses économiques liées au planning de livraison, que les conditions commerciales de ces deux avions seraient différentes soit 67,4 M€ TTC par avion avec les frais de douane inclus (2,7%), hors provisions et rechanges.
« Le prix de ces 2 avions complémentaires ne fait pas partie de l’accord conclu par la DG ECHO [de la Commission européenne]et doit encore être discuté lors des discussions bilatérales.]
« De par la primauté de son contrat de subvention avec la Commission Européenne, la France est prioritaire dans le calendrier de livraison des appareils, qui doit cependant tenir compte du niveau d’urgence rencontré par certains pays, dont la Grèce. Aujourd’hui, selon les prévisions les plus optimistes, le premier avion français serait désormais ainsi attendu pour 2027, le deuxième en 2028. »
Source : DGSCGC, questionnaire budgétaire.
Le rapporteur spécial souhaite insister sur le délai de livraison des nouveaux Canadair et sur les incertitudes qui pèsent encore sur le constructeur De Havilland pour tenir les délais. La flotte actuelle de la sécurité est vieillissante et on constate que les premiers appareils n’arriveront pas, au minimum, avant 5 ans. Le rapporteur spécial estime donc qu’il conviendrait de réfléchir à des solutions alternatives pour augmenter à court terme notre flotte d’aéronefs.
Le dimensionnement actuel de la flotte aérienne de la sécurité civile est semblable à ce qu’il était il y a une trentaine d’années. Or le contexte a fortement évolué et le changement climatique se traduit notamment par une extension géographique et temporelle du risque incendie comme nous l’avons constaté en 2022 et 2023. En effet, la « saison des feux » est désormais de plus en plus étendue, ce qui se traduit par une sollicitation accrue de la flotte aérienne de la sécurité civile sur des périodes autrefois dédiées à l’entretien ou à l’entraînement. Dans le même temps, le risque incendie s’est disséminé sur le territoire national et la flotte aérienne de la sécurité civile doit désormais protéger une surface bien plus étendue.
Il convient ainsi d’adapter le dimensionnement de notre flotte aérienne de la sécurité civile, qui visait hier à faire face à un risque incendie circonscrit au pourtour méditerranéen.
Comme les années précédentes, face à l’ampleur des incendies, la DGSCGC a dû procéder en 2023 à la location de différents appareils. Le rapporteur spécial souhaite faire remarquer qu’un marché pluriannuel de location d’hélicoptères bombardiers d’eau a été signé pour 4 ans en 2023, pour un maximum de dix hélicoptères dont 4 relevant de la classe des onze tonnes. Il regrette que la représentation nationale n’est pas pu débattre sur la pertinence ou non de valider un tel contrat pluriannuel ou de privilégier l’acquisition de moyens en propre.
Les locations et réquisitions d’appareils pendant la « saison feux » 2 023
« La saison feux 2023 a été préparée autour d’un dispositif très renforcé de moyens aériens comprenant la location de 10 hélicoptères bombardiers d’eau (HBE), de 3 avions bombardiers d’eau de type air tractors et d’un avion DASH similaire à ceux de la flotte actuelle de la Sécurité Civile. Au global, ces appareils ont effectué 583 heures de vol. Le coût des locations devrait atteindre près de 29 millions d’euros compte tenu de ce prépositionnement efficace dans les zones identifiées comme à risque durant la saison. »
Source : DGSC, questionnaire budgétaire.
2. Le renouvellement en cours de la flotte d’hélicoptères
La flotte d’hélicoptères comporte 33 hélicoptères EC-145 et 4 hélicoptères de type Airbus H-145 acquis et livrés dans le cadre du Plan de relance, « plus performants que l’actuel EC-145 » ([4]), portant la flotte à un total de 37 appareils. Ces hélicoptères concourent à l’ensemble des missions de la sécurité civile (secours, reconnaissance aérienne, transport de personnels…).
« Les 37 hélicoptères de la flotte sont désormais nécessaires pour remplir le contrat opérationnel d’ouverture 7 J/7, 24 heures/24 » ([5]), eu égard au calendrier des visites techniques lourdes au centre de maintenance du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile situé à Nîmes, soit jusqu’à 29 appareils basés :
– dans les 23 bases de métropole et outre-mer (25 appareils basés),
– dans les détachements saisonniers temporaires supplémentaires en montagne (Alpes et Pyrénées) et sur les littoraux atlantique (Lacanau) et méditerranéen (Le Luc) pendant les périodes de forte fréquentation touristique.
La DGSCGC a lancé en 2023 le renouvellement complet de la flotte des 33 hélicoptères EC145, compte tenu de l’âge des appareils et de leurs sollicitations, par des H145. Le marché en cours de lancement par l’intermédiaire de la direction générale de l’armement (DGA). La notification « pourrait intervenir fin 2023 pour 36 appareils, voire début 2024. »
D’après les informations communiquées au rapporteur spécial, l’objectif cible est de 40 hélicoptères (36 appareils en remplacement des EC 145 s’ajoutant aux 4 H145 nouvellement acquis) afin de pouvoir armer toutes les bases et détachements de la sécurité civile, en hiver comme en été.
Le renforcement des moyens aériens de la sécurité civile
Négocié par la direction générale des armées (DGA), le marché est prévu d’être notifié fin 2023 pour l’acquisition de 36 hélicoptères, pour un montant total de 471 millions d’euros en AE et des crédits de paiement échelonnés jusqu’en 2029, dont 65 millions d’euros en 2024. Le marché viendra compléter les 4 H145 de nouvelle génération livrés en 2021 et 2022 et porter la flotte de la sécurité civile à 40 appareils ;
Le processus d’acquisition de nouveaux Canadair, également lancé par la DGA, prévoit l’achat de 2 appareils via des financements européens et 2 autres via les crédits du programme 161. Une première tranche de financement a été ouverte en 2023 pour un montant de 240 M€ d’AE et de 24 M€ de CP.
Source : questionnaire budgétaire.
– Le rapporteur spécial salue le programme d’acquisition de nouveaux avions bombardiers d’eau mais regrette le manque d’anticipation du Gouvernement, le premier DHC-515 français étant attendu, dans les prévisions les plus optimistes, et de moins en moins réalistes, de la DGSCGC, pour 2026 et le second, en 2027. Ces livraisons lointaines sont d’autant plus préoccupantes que la flotte de Canadair CL 415 est vieillissante, impliquant une moins grande disponibilité de ces appareils du fait d’un entretien plus conséquent.
– Il constate que les retards pris obligent la DGSCGC à poursuivre sa politique de location d’hélicoptères pour pallier le manque d’avions bombardiers d’eau. 7 millions d’euros en AE et en CP sont demandés à cet effet pour 2024. Le rapporteur spécial regrette et s’étonne que le contrat pluriannuel de location d’hélicoptères bombardiers n’ait fait l’objet d’aucun débat devant la représentation nationale.
– Le rapporteur spécial constate le caractère complémentaire des hélicoptères lourds vis-à-vis des Canadair et des DASH et plaide pour l’acquisition par l’État de tels appareils, également utilisés et loués par certains SIS de manière ponctuelle, pour éviter la répétition des réquisitions et des locations, au coût non négligeable.
– Après la signature, le 11 avril 2023, d’un protocole d’accord entre le ministère de l’intérieur et les représentants syndicaux des personnels navigants de la sécurité civile en vue de revalorisations salariales et de la création d’une fonction spécifique d’instructeur « bombardiers d’eau », le rapporteur spécial relève sa traduction en PLF 2024 par deux mesures catégorielles, auxquelles il apporte son soutien. Pour lui, il est urgent d’ouvrir également des négociations en vue de revaloriser les salaires des personnels au sol. Dans le contexte d’un marché du travail hyperconcurrentiel, cette mesure s’entendrait aussi comme un moyen de sécuriser l’opérabilité et la maintenance des appareils. C’est le sens de son amendement n° II-814. Il souhaite par ailleurs faire remarquer qu’on constate en 2023 une diminution du volume horaire d’heures de vol des hélicoptères de la sécurité civile, qui résulte pour partie de « questions de disponibilité des appareils en lien avec les difficultés d’exécution et de performance du marché de maintien en condition opérationnelle. Il ajoute enfin que bien que dans le cadre de la LOPMI des crédits soient prévus pour l’ouverture d’une septième ligne de visite, seules cinq lignes de visite sont actuellement en état de fonctionnement faute de personnel.
Le rapporteur spécial présente ci-après les nombreux avantages que présente l’acquisition d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau par la sécurité civile plutôt que le recours, année après année, à la location.
Les atouts des hélicoptères lourds bombardiers d’eau
Les hélicoptères lourds bombardiers d’eau sont des appareils polyvalents et qui sont complémentaires des aéronefs composant la flotte aérienne de la sécurité civile. En matière de lutte contre les incendies, les hélicoptères lourds bombardier d’eau disposent d’une capacité d’emport de 4 000 litres d’eau, rappelons que les Canadair disposent d’une capacité d’emport de 6 000 litres d’eau. En outre, les hélicoptères lourds bombardiers d’eau peuvent accéder à des zones montagneuses ou péri-urbaines où ne peuvent opérer les Canadair, par exemple, et disposent d’une plus grande flexibilité pour leur ravitaillement en eau, pouvant même se ravitailler dans des « piscines » déployés par des camions citernes feux de forêts super-lourds.
Les hélicoptères lourds permettent également de mener d’autres types de missions, comme le transport de personnels, le secours à personnes (notamment lors d’évènements climatiques extrêmes comme les inondations), le transport de matériel…
De plus, acquérir ce type d’appareils permettrait à la sécurité civile d’être en capacité d’utiliser ces appareils de nuit, ce qui n’est pas possible avec la location, ce qui permettrait de poursuivre la lutte contre les incendies alors qu’aujourd’hui la flotte aérienne de la sécurité civile doit attendre le lever du jour. Ajoutons que de nuit, les conditions météorologiques sont parfois plus clémentes et plus propices pour permettre d’éteindre les incendies.
Le recours à des sociétés privées pour la location d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau s’accompagne de difficultés opérationnelles. Les pilotes mis à disposition par les sociétés ne sont pas toujours formées à la doctrine française d’attaque des feux naissants et parfois ils ne sont mêmes pas francophones ce qui rend plus difficile la coordination avec le commandement et les forces présentes au sol.
La location représente un coût important. Ainsi la loi de finances pour 2023 avait prévu un montant de 10 millions d'euros destinés à la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau. La DGSCGC a consacré, pour la seule année 2022, 14 millions d'euros à la location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau.
3. Les dépenses relatives au maintien en condition opérationnelle
Les crédits de l’action 12 sont également destinés au financement du maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs.
Celui-ci constitue la majorité des dépenses de fonctionnement de l’action 12 Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux. Les crédits associés à ces dépenses en 2024 représenteraient 131 millions d’euros en AE et 103 millions d’euros en CP.
Pour les avions, l’engagement des AE ayant été réalisé en LFI 2022 ([6]), lors du renouvellement du marché de MCO des avions passé entre la DGSCGC et Sabena Technics FNI, l’estimation des AE pour 2024 concerne le dépassement du montant minimum du marché, ainsi que les postes à bons de commande.
Pour les hélicoptères, le MCO est assuré à titre principal par l’organisme d’entretien du groupement des hélicoptères de la sécurité civile (GHSC) situé à la base de Nîmes et par les marchés négociés de maintenance aéronautique de la direction de la maintenance aéronautique (dépendant du ministère des armées), dans un souci de rationalisation et d’optimisation des coûts.
Un nouveau marché devrait être engagé en 2024 pour les hélicoptères de l’ancienne génération (EC-145) et pour l’arrivée des appareils de « nouvelle génération » arrivant de manière échelonnée (HC-145).
D’après les informations communiquées par la DGSCGC sur le bilan d’activité des hélicoptères en 2023, au 15 août 2023, « le nombre d’heures de vol [était] en légère baisse (8 811 en 2 023 contre 9 247 à la même date en 2022). Cette diminution est en partie liée à des questions de disponibilité des appareils en lien avec les difficultés d’exécution et de performance du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) ». Le rapporteur spécial avait déjà signalé à l’occasion de son rapport portant sur le PLF 2023 les difficultés majeures d’ordre logistique et financier de ce marché assuré en régie. Pour lui, tous les moyens nécessaires doivent être pris pour un retour à la normale de la situation.
Le rapporteur spécial déplore également l’augmentation significative des coûts liés à la maintenance en raison du retard pris dans le renouvellement de la flotte d’aéronefs. À ce titre, il convient de rappeler qu’en 2010 déjà une mission interministérielle appelait à ce que l’État anticipe et adapte le dimensionnement de la flotte aérienne de la sécurité civile à l’évolution du risque. Ces recommandations n’ont pas été suivies d’effets et la DGSCGC se retrouve aujourd’hui avec une flotte sous-dimensionnée et vieillissante.
4. Le besoin d’adapter les indicateurs relatifs aux moyens aériens
Le rapporteur spécial relève la présence sur le programme Sécurité civile d’un nouvel indicateur de performance intitulé « taux de disponibilité technique des hélicoptères de la sécurité civile » illustrant l’objectif d’« assurer la disponibilité des moyens aériens et leur conformité aux besoins opérationnels », objectif qui prend en compte l’ensemble des causes d’indisponibilité des appareils (maintenance programmée, entretien immobilisant l’appareil, réparations non programmées, incidents provoquant le maintien au sol de l’appareil…) et mesure, à un instant « t » moyen, le nombre d’appareils en état de voler. Ce nouvel indicateur doit permettre de suivre les difficultés de maintenance des appareils et les incidents subis par le parc, afin d’offrir une vision plus technique de la disponibilité de la flotte d’hélicoptères.
Pour le rapporteur spécial, ce nouvel indicateur, qui offre une vision « technique » de la disponibilité de la flotte d’hélicoptères, s’il est bienvenu, ne répond toutefois pas aux difficultés qu’il a déjà signalées. Dans le prolongement de son rapport sur les crédits du PLF pour 2023, il présente plusieurs amendements qui tirent les conséquences du caractère inédit de la « saison feux » 2022 et des nouveaux enjeux qui s’imposent aux moyens aériens dans la lutte contre les feux de forêt. Ses propositions sont les suivantes :
● Il propose, d’une part, d’étendre l’indicateur « efficacité du dispositif de protection des forêts pendant la campagne " feux ", qui se limite actuellement au pourtour méditerranéen, à l’ensemble des départements métropolitains et ultramarins. C’est l’objet de son amendement n°II-811.
● Constatant les difficultés de la DGSCGC pour recruter et fidéliser ses pilotes, le rapporteur spécial propose également un amendement portant sur les effectifs de commandants de bords et de co-pilotes pour chaque catégorie d’aéronefs. Le rapporteur spécial fait remarquer qu’un tel indicateur sera particulièrement pertinent pour savoir si la sécurité civile dispose des effectifs suffisants au regard de la flotte d’aéronefs et si les effectifs évolueront en fonction pour s’adapter à l’élargissement de la flotte aérienne de la sécurité civile.
● Il propose également, dans le prolongement de ses remarques sur le caractère limité et vieillissant de la flotte aérienne, un amendement créant un indicateur portant sur le nombre d’aéronefs et montants alloués par les services départementaux d’incendie et de secours ainsi que par l’État à la location d’aéronefs pendant la campagne "saison feux", » et un amendement présentant les temps cumulés de maintenance (amendements n° II-814).
B. Les autres moyens opérationnels et la prÉvention (actions 11, 12 et 14)
L’action 11 Prévention et gestion de crises porte sur la veille, l’alerte et la gestion interministérielle des crises, sur la solidarité nationale en cas de survenance d’une crise, sur la prévention opérationnelle et la protection des populations et, enfin, sur l’activité opérationnelle lors de crises.
Ses crédits seraient en baisse de 35,1 % en AE, s’établissant à 49,5 millions d’euros, et en hausse de 37,1 % en CP, à 75,8 millions d’euros. D’après la DGSCGC, la baisse des AE « s’explique par la programmation pluriannuelle de la mesure en faveur de la lutte contre les menaces NRBC. L’essentiel des commandes d’équipement étant prévues à l’engagement 2023 pour des paiements réalisés sur l’exercice 2024. Par ailleurs, la LFI 2 023 intégrait les crédits de l’amendement gouvernemental en faveur des colonnes de renfort. » ([7]).
L’action 14 Fonctionnement, soutien et logistique, consacrée aux moyens logistiques, verraient ses crédits en hausse de 128 % en AE, s’établissant à 32,8 millions d’euros, et en hausse de 122 % en CP, à hauteur de 32 millions d’euros.
Les trois dotations suivantes, inscrites à l’action 11, soutiennent l’activité des moyens aériens :
– L’achat de carburant des avions et des hélicoptères, qui devrait s’élever en 2024 à 15,45 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 25,6 % ;
– l’acquisition de produit retardant, d’un montant estimé à 7,8 millions d’euros en AE et en CP pour 2023, en hausse 69,6 %. D’usage terrestre ou aérien, il est un élément essentiel de la lutte contre les feux de forêt ;
– les dépenses liées au déploiement des colonnes de renfort mobilisées par l’État en cas d’engagement opérationnel, à hauteur de 7 millions d’euros en AE et en CP. Participant à la solidarité nationale, il s’agit de sapeurs-pompiers des SDIS mis à disposition des préfets ou du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises pouvant être mobilisés en cas de catastrophe ou à titre préventif, lorsque les moyens locaux sont fortement sollicités.
Le rapporteur spécial prend acte de la progression des crédits. Il espère qu’a été prise en compte, au-delà du facteur de la hausse anticipée de l’inflation, la fréquence accrue des différents risques. Il rappelle que ces dépenses ont précisément un caractère difficilement prévisible, d’où l’impératif de privilégier des hypothèses haussières. Il signale, à titre d’exemple, que le coût pour l’État de la mobilisation des colonnes de renfort a, par exemple, été multiplié par deux entre 2021 (4,94 millions d’euros) et 2022 (11,4 millions d’euros).
2. Présentation des crédits de l’action 11 en faveur du financement d’actions de recherche et de prévention en matière de feux de forêt et de végétation
Il s’agit des subventions à des organismes de recherche et à des acteurs de la gestion de crise parmi lesquels figurent Météo France, le centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) ou le haut comité français pour la résilience nationale, à hauteur de 790 000 euros en AE et en CP. Le rapporteur spécial s’étonne du caractère inchangé des crédits ces cinq dernières années, d’autant que le montant lui semble ridiculement bas comparé au rôle essentiel de ces organismes dans la compréhension et l’anticipation des crises.
Après avoir rencontré les personnels de Météo-France à Toulouse dans le cadre de ses travaux sur le PLF 2024, et après avoir précédemment visité la structure de l’Entente Valabre ([8]), il mesure à quel point la dotation prévue au programme Sécurité civile mériterait une réévaluation significative. C’est le sens des amendements qu’il a défendu en faveur :
– d’une hausse des subventions dédiées aux organismes de recherche et acteurs de la gestion des crises ;
– d’une hausse des subventions dédiées aux actions de prévention des feux de forêts
L’action 12 finance également l’ensemble du spectre des missions des formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) qui relèvent du groupement des moyens nationaux terrestres (GMNT).
Présentation des Formations Militaires de la Sécurité Civile (ForMiSC)
« Les Formations Militaires de la Sécurité Civile (ForMiSC) sont des unités de l’Armée de Terre qui appartiennent à l’arme du Génie. Elles sont, conformément au décret 88-286 du 24 mars 1988, mises pour emploi à la disposition de ministère de l’intérieur au sein de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion de Crises (DGSCGC).
« Fortes de 1402 sapeurs-sauveteurs hautement qualifiés, elles sont commandées par un officier supérieur, commandant des formations militaires de la sécurité civile.
« Elles maintiennent en alerte permanente des détachements spécialisés et autonomes aptes à intervenir sur toutes catastrophes naturelles ou technologiques, en temps de paix, de crise ou de guerre tant en France qu’à l’étranger. Elles disposent d’équipements rares et spécialisés dans leurs différents domaines d’intervention, complémentaires des moyens locaux ou territoriaux.
« En France, elles agissent dans l’urgence en renfort des sapeurs-pompiers et également en appui des forces de police. À l’étranger, elles interviennent sur demande d’assistance de pays frappés par une catastrophe. Elles assurent aussi de nombreuses actions de formation pour les armées et les sapeurs-pompiers en France et à l’étranger. »
D’après la DGSCGC, sont notamment prévus les crédits nécessaires :
– au MCO des trois unités dites UIISC (unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile), à Nogent-le-Rotrou, Corte et Brignoles, et de leur état-major, l’entretien et à l’acquisition des véhicules et matériels
– au maintien d’une capacité de projection permanente de 262 militaires en trois heures « sortie du quartier » et jusqu’à 600 militaires en 72 heures, pour intervenir en métropole, en outre-mer et à l’international. « Les missions confiées peuvent résulter des conséquences de catastrophes d’origine naturelle ou technologique (NRBC), de crises sanitaires, d’un impératif d’assistance aux populations et prendre diverses autres formes de participation à la gestion de crises, en France ou à l’étranger. »
Le rapporteur spécial constate que le groupement des moyens nationaux terrestres (GMNT) fait face à des missions de plus en plus diverses et fréquentes qui nécessitent :
– une accélération du renouvellement de ses moyens matériels, au regard de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes et le caractère désormais récurrent d’événements de grande ampleur (feux de végétation, inondations…).
– des moyens humains plus importants, pour renforcer l’action des trois unités existantes.
L’encart ci-dessous fait état de leurs engagements opérationnels en 2022 et 2023.
« En 2022 et 2023, les ForMiSC ont maintenu leurs missions d’analyse et d’identification des menaces NRBC, de sécurisation de grands évènements et de visites officielles. La présidence française de l’Union Européenne, les sommets et certaines rencontres sportives ont accru les sollicitations dans ce domaine.
« Sur le plan des interventions à l’extérieur, dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’UE (MPCU), les ForMiSC sont intervenus en février 2022 à Madagascar avec un détachement de traitement de l’eau à 60 sauveteurs. Au deuxième semestre, ce sont deux détachements supplémentaires à hauteur de 40 personnes chacun qui se sont déployés sous mandat européen au Pakistan, puis au Tchad pour produire de l’eau potable au profit des populations sinistrées. Enfin, toujours sous mandat du mécanisme européen, les FORMISC ont œuvré à l’organisation et à l’escorte de quatre convois de dons à destination de l’Ukraine et engagé trois experts européens au sein d’une équipe de coordination en Pologne et en Moldavie face à la guerre en Ukraine.
« Au 1er semestre 2023, les ForMiSC ont été fortement sollicités à l’étranger via le MPCU avec la projection massive en Turquie d’un module de recherche sous décombres et d’un hôpital de campagne après le tremblement de terre meurtrier de février en mobilisant 120 sapeurs-sauveteurs. Un module de lutte contre les feux de forêts de 40 personnes a également été envoyé au même moment pour appuyer les autorités chiliennes faisant face à de violents incendies. Enfin, un détachement de pompage lourd de 40 sapeurs sauveteurs a été engagé au printemps suite aux inondations qui ont touché le nord de l’Italie. À Mayotte, les ForMiSC ont apporté leur expertise en traitement de l’eau et en travaux publics au profit des Forces de Sécurité Intérieure et de la préfecture de mi-avril à mi-juillet. »
Source : DGSCGC, questionnaire budgétaire.
Le rapporteur spécial salue la décision d’une 4ème UIISC qui serait implantée à Libourne, dans le prolongement de l’annonce du Président de la République à l’automne 2022. D’après la DGSCGC, « la constitution de la 4e unité ForMiSC est progressive et les études sont en cours pour chiffrer de manière exhaustive les besoins de crédits, notamment pour les travaux d’aménagement immobilier du site de Libourne, choisi pour accueillir les 565 ETP. Les recrutements ont toutefois commencé en 2023 (65 ETP), ainsi que l’achat des premiers équipements (paquetages et véhicules), qui sont financés sous plafond. »
Les crédits nécessaires à l’ouverture de cette quatrième unité devraient être proposés au Parlement par amendement du Gouvernement.
« La création de la 4ème unité a été annoncée par le président de la république, le 28 octobre 2022, suite à une saison feux particulièrement intense. Elle doit permettre de densifier le maillage de sécurité civile à l’horizon 2027, sa mise en œuvre s’échelonnant sur 5 ans à compter de 2023. « Le choix du site d’implantation a répondu à 4 critères :
Proximité par rapport aux bassins de risques naturels majeurs, attractivité et dynamisme en termes d’emploi, éducation, santé, transport, logement, accessibilité avec des dessertes possibles via l’autoroute et un aéroport, disponibilité du site.
« Le choix s’est porté, au cours de l’été 2023, sur le site de Libourne, avec l’objectif d’accueillir à terme 1145 personnes, soit 565 sapeurs- pompiers, accompagnés de leurs familles.
« Le site de Libourne est constitué de 3 emprises distantes de 15 ha environ. Une première phase de l’opération immobilière d’installation nécessite l’ouverture de 150,1 millions d’euros en AE et 18,6 millions d’euros de CP en 2024. Ces crédits doivent notamment permettre d’engager un marché global de performance (conception et travaux) en vue de réaliser le site d’accueil pérenne estimé à ce stade à 133 millions d’euros, de procéder aux acquisitions foncières estimées à 10 millions d’euros, d’installer des bâtiments modulaires provisoires, de lancer les fouilles archéologiques (site classé), diverses études et diagnostics préalables et enfin de démarrer les études de maîtrise d’œuvre. L’objectif est d’installer le premier échelon de la compagnie, soit 163 recrues, dans des bâtiments provisoires dès l’été 2024, le temps de réceptionner les locaux définitifs. Le 2ème échelon est prévu d’être accueilli à l’été 2025. Le site sera également doté d’un bureau des moyens logistiques amélioré.
« Au total, l’opération d’installation de la 4ème unité FORMISC est estimée à 174,4 millions d’euros.
« Ces crédits non prévus au PLF 2024 récemment déposé au parlement devraient être financés dans le cadre d’un amendement du gouvernement. »
Source : DGSCGC, questionnaire budgétaire.
Le rapporteur spécial regrette le procédé consistant à recourir à l’ouverture des crédits par voie d’amendements, déjà observé lors de la discussion du PLF 2023, et appelle le Gouvernement à privilégier à l’avenir l’insertion de toutes les mesures nouvelles dans le projet de loi de finances soumis aux parlementaires. Il fait remarquer en outre que les amendements introduits en dernière minute par le gouvernement modifient parfois de manière importante les crédits alloués au programme 161, ce qui ne permet pas au rapporteur spécial de mener son travail d’évaluation dans de bonnes conditions.
4. La multiplication par deux des crédits de l’action 14 Fonctionnement, soutien et logistique, hausse artificielle, conséquence d’une mesure de transfert
Les crédits de l’action 14, qui regroupe les fonctions de soutien général du programme, à l’instar des dépenses informatiques mutualisées, du carburant des véhicules terrestres ou des services d’état-major, seraient multipliés par deux, atteignant 32,8 millions d’euros en AE et 32 millions d’euros en CP.
D’après les réponses apportées par la DGSCGC, « l’évolution de l’action 14 s’explique par le transfert de 16,4 millions d’euros en AE et 15,6 millions d’euros en CP en provenance du programme 216 du ministère de l’intérieur. Ce transfert de crédits traduit la réintégration des dépenses liées aux systèmes d’information, antérieurement prise en charge par la DNUM du MIOM, au sein de chaque direction « métier ». Pour le rapporteur spécial, cette augmentation n’est donc qu’artificielle et doit donc bien être remise dans son contexte.
Il relève par ailleurs une progression des crédits consacrés à la gestion de crise, notamment les dépenses de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle de la cellule interministérielle de crise (CIC). D’après la DGSCGC, « à compter de 2024, les crédits précités permettront de lancer la CIC « de nouvelle génération » dont les finalités et les modalités d’organisation et de fonctionnement sont présentées dans le rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI). » ([9]).
D’après la DGSCGC, « afin de garantir le rôle central du MIAM dans la gestion de crise, les recrutements prévus dans le cadre de la LOPMI permettront de doter la SIC d’un directeur 365 jours par an, avec une "équipe dédiée" (conception, organisation, outils, animation du vivier). »
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II. l’urgence de mieux considÉrer les autres acteurs qui contribuent à la sÉcurité civile et de prendre en compte le changement de doctrine opérationnelLe et financiÈre de l’agence nationale de la sÉcurité civile (action 13)
Les crédits de l’action 13 Soutien aux acteurs de la sécurité civile, contribue aux activités d’acteurs publics très divers : elle porte par exemple la participation de l’État au budget spécial de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, les subventions à des associations et organismes concourant à des missions de sécurité civile, ou encore la subvention pour charge de service public de l’Agence nationale de la sécurité civile (ANSC), opérateur de la mission.
Le premier poste de l’action concernerait, à hauteur de 27,9 millions d’euros en AE et en CP, les versements au régime d’indemnisation spécifique aux sapeurs-pompiers volontaires (RISP) géré par la Caisse des dépôts, et mis en place par la loi n° 75-1 358 du 27 septembre 1975 puis par la loi n° 91-1 389 du 30 septembre 1991.
A. Les moyens en faveur des « pactes capacitaires »
L’action 13 porte le financement de l’État en vue appuyer les équipements structurants des services d’incendie et de secours. D’après les documents annexés au PLF 2024 relatifs à la mission Sécurités, 9,7 millions d’euros en AE et en CP seraient en l’état prévus au profit des services d’incendie et de secours (SIS), afin de répondre à l’évolution des risques complexes ou émergents, dans une démarche de cofinancement, pour l’acquisition de nouveaux moyens opérationnels.
Depuis la LFI pour 2023, l’action porte les crédits des « pactes capacitaires » ont pour objectif de renforcer, dans une démarche de cofinancement État-département, les capacités des services d’incendie et de secours. 150 millions d’euros en AE et 38,5 millions en CP ont été ouverts en LFI 2023, afin d’améliorer spécifiquement les moyens de détection et de lutte contre les feux de forêts, de même que 8 millions d’euros en AE et 1 million d’euros en CP pour financer les « pactes capacitaires » destinés à répondre aux autres risques de sécurité civile qu’ils soient naturels ou technologiques.
D’après la DGSCGC, « la signature de conventions spécifiques entre l’État et les 100 services d’information et de secours (SIS) porteurs de projets permettra d’engager avant la fin de l’année les 150 millions d’euros en AE prévus à cet effet. Les 37,5 millions d’euros en CP seront consommés en 2023 et versées aux SIS au titre des avances prévues dans le cadre de ce cofinancement. Pour les pactes capacitaires consacrés aux autres risques de sécurité civile, l’éligibilité et la planification pluriannuelle des projets sont en cours de consolidation en lien avec les états-majors interministériels de zone de défense et de sécurité (EMIZDS). (…) 8 millions d’euros en AE devraient être engagés par l’État dans ce cadre en 2023, selon le même dispositif de cofinancement que pour les risques feux de forêts. »
Présentation des pactes capacitaires
« Jusqu’alors structurée autour de deux instructions ministérielles datant de 2018 et 2019, la démarche des pactes capacitaires est confortée par la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, introduisant dans le code de la sécurité intérieure l’article L. 742-11-1 :
« L’État, les collectivités territoriales et les services d’incendie et de secours peuvent conclure une convention, dans chaque département, afin de répondre aux fragilités capacitaires face aux risques particuliers, à l’émergence et à l’évolution des risques complexes, identifiées dans les contrats territoriaux de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces (CoTRRiM) définis au présent code. Cette convention, intitulée pacte capacitaire, précise la participation financière de chacune des parties signataires. Dans ce cadre, l’État peut recourir à la dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours prévue à l’article L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales. »
« Cette démarche vise à renforcer les moyens opérationnels des services d’incendie et de secours (SIS), par l’acquisition de matériels rares ou spécifiques cofinancés par l’État. Elle a vocation à améliorer les dispositifs de solidarité nationale en matière de réponse de sécurité civile. (…) « Ce financement de l’État est porté par le dispositif de la dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours (DSIS2). L’instruction NOR IOME2300605C du 31 janvier 2023 en fixe la mise en œuvre.
« Pour l’année 2023, la démarche, coordonnée par les services de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), avec l’appui des états-majors interministériels de zone de défense et de sécurité (EMIZDS), a permis de définir l’ensemble des projets éligibles aux pactes capacitaires en matière de détection et de lutte contre les feux de forêts. « Les critères de financement de l’État ont été déterminés en concertation avec l’assemblée des Départements de France (ADF) et l’association des maires de France (AMF). « Les crédits dédiés aux pactes capacitaires « feux de forêts » devraient permettre aux SIS d’acquérir 1079 engins et matériels au profit d’une centaine de SIS métropolitains et ultra-marins, soit près de 43 colonnes de renfort feux de forêts supplémentaires. (…)
« Le dénominateur commun de ce cofinancement par l’État d’acquisition de matériels par les SIS consiste en l’affectation de moyens supplémentaires sur les territoires, mobilisables au titre de la solidarité nationale.
« Le suivi des projets et du versement des subventions de l’État aux SIS est assuré par les services de la DGSCGC. Enfin, l’instruction prévoit que ce dispositif fera l’objet d’une évaluation dont les modalités seront définies par le ministre de l’intérieur avec l’inspection générale de l’administration.
Source : DGSCGC, questionnaire budgétaire.
Les prévisions pour 2024 sont :
– l’ouverture 10,5 millions d’euros en AE pour les pactes capacitaires consacrés aux risques de sécurité civile hors incendies ;
– une seconde tranche d’avances ou d’acomptes aux services d’incendie et de secours qui ont passé des commandes dans le cadre des conventions signées en 2023 avec l’État. « Les crédits nécessaires sont en cours de calibrage et devraient faire l’objet d’un amendement au PLF 2024 », a indiqué la DGSCGC au rapporteur spécial.
Le rapporteur spécial, s’il se félicite de l’engagement de l’État au travers des pactes capacitaires fait remarquer qu’il ne s’agit que d’un rattrapage. En effet, le programme 161 prévoyait auparavant une dotation de soutien à l’investissement des services d’incendie et de secours, dotation qui a été progressivement détournée de son usage pour ne plus servir qu’au financement du programme NexSIS18-112. Les pactes capacitaires font donc suite à un désengagement en matière de soutien à l’investissement des SDIS, il s’agit d’un rattrapage, certes bienvenu mais qui n’est pas à la hauteur des défis auxquels vont être confrontés les SDIS.
À titre d’exemple, le parc de camion de citernes feux de forêts est passé de 5 117 en 2012 à 3 845 en 2020, le taux de vétusté de ces équipements s’est également accru sur la période. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) estime qu’il faudra demain 10 000 CCF pour faire face aux conséquences du changement climatique. Le coût moyen d’un CCF dépassant les 200 000 euros on constate ainsi que les efforts d’investissements vont être considérables (1,2 milliard d’euros juste pour les CCF) et que les 150 millions prévus dans le cadre des pactes capacitaires ne sont qu’un premier pas.
B. les moyens en faveur DE LA BRIGADE DES SAPEURS POMPIERS DE PARIS
Le présent projet de loi de finances prévoit pour 2024 un financement de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), à hauteur de 106,9 millions d’euros en AE et en CP, dans le cadre de l’habituelle participation de l’État au budget de la ville de Paris, dans le cadre des dispositions du code général des collectivités territoriales présentées ci-après.
La brigade de sapeurs-pompiers de Paris
La brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une unité du génie de l’Armée de terre française, placée sous l’autorité du préfet de police de Paris. Elle est commandée par le général de brigade Joseph Dupré La Tour depuis le 1er août 2022.
Cette brigade, au statut militaire, intervient sur le territoire de l’agglomération parisienne, dans Paris et ses trois départements limitrophes : Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne. La BSPP comprenait 8 550 sapeurs-pompiers en 2021, dont un peu plus de 300 officiers, environ 1 500 sous-officiers, le reste étant composé de militaires du rang.
Aux termes des articles L. 2512-19 et suivants du code général des collectivités territoriales, les ressources de la BSPP proviennent de la Ville de Paris, de l’État, des trois départements de la petite couronne et des 123 communes qui la composent. Les recettes et les dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police.
L’État participe aux dépenses de fonctionnement de la BSPP, y compris aux dépenses d’entretien et de réparation. Cette participation, imputée au budget de la DGSCGC, est égale à 25 % des dépenses inscrites au budget spécial hors dépenses d’investissement immobilier. Elles sont constituées à 80 % de dépenses de personnel.
Source : commission des finances.
Ces crédits s’inscriraient en hausse de 2 millions d’euros, une hausse qui ne correspond toutefois pas à la hausse des dépenses contraintes de la BSPP, présentées par cette dernière à la DGSCGC en vue d’une réévaluation, selon les éléments communiqués au rapporteur spécial.
Compte tenu d’un budget établi au plus juste, tenant uniquement compte des facteurs strictement impératifs (revalorisations salariales, nouvelle politique de rémunération des militaires etc.), la participation demandée à l’État s’établit à 109 929 485 euros, soit une participation en hausse de 5,05 millions d’euros, pour un budget global, tous contributeurs confondus, souhaité en hausse de 20,2 millions d’euros.
L’effort consenti par la BSPP dans ce projet de budget est tel que n’ont pas été intégrés les effets de l’inflation ni les mesures du plan de modernisation – la hausse n’aurait pas été dans ce cas de 20,2 millions d’euros mais de l’ordre de 29,3 millions d’euros.
Le rapporteur spécial regrette que la DGSCGC n’ait pas, à ce stade, entendu la BSPP, en dépit des demandes répétées formulées par cette dernière. Il n’est pour l’instant pas question de revenir sur les 106,9 millions d’euros présentés dans les documents annexés au PLF 2024 relatifs à la mission Sécurités.
Étant donné la règle de répartition entre les 4 contributeurs (État, Ville de Paris, départements et communes de la « petite couronne »), le montant de participation de l’État se répercutant sur le celle des autres financeurs, la progression du budget primitif pour 2024 serait par conséquent limitée à 8 millions d’euros, en regard, d’après la BSPP, d’un besoin de financement du budget de la Brigade d’environ 12 millions d’euros.
Présentation de la construction du budget 2024 de la BSPP
« Dans ses travaux de construction du budget primitif 2024, la BSPP avait identifié un besoin brut [tous contributeurs] de + 30 millions d’euros, porté par la 5ème tranche du plan de modernisation (part fonctionnement), mais aussi les évolutions salariales imposées par le gouvernement et les surcoûts liés à l’inflation. Compte tenu de l’actuel sous-effectif et de la nécessité de participer à la maîtrise de la dépense publique, la Brigade a identifié des pistes d’économie et réduit ses besoins à + 23 millions d’euros, besoins qu’elle a exprimés dans un courrier à la DGSCGC en juillet.
« Dans sa réponse à la Brigade, la DGSCGC indique que son niveau de financement de la « part État » pour le BP 2024 de la BSPP sera de 2,04 millions d’euros. L’évolution totale financée au budget primitif pour 2024 serait donc de 8,16 millions d’euros, induisant un sous-financement de 14,84 millions d’euros (23 millions d’euros - 8,16 millions d’euros). La DGSCGC propose de rattraper cet écart ultérieurement en gestion au budget supplémentaire (BS).
« La BSPP accepte de réduire encore son besoin à + 20,2 millions d’euros, au prix de renoncements supplémentaires (étalement du plan de recrutement), mais souhaite que 100 % du budget soit versé au BP 2024 sans recourir au budget supplémentaire de juillet 2024. En effet, la préparation des JOP 2024 nécessite de disposer dès le début de l’année de l’ensemble de la ressource.
« La DGSCGC doit absolument contribuer à hauteur de 5,05 millions d’euros au budget primitif 2024 de la BSPP, qui atteindra ainsi + 20,2 millions d’euros.
« En cas de sous-financement, la seule variable d’ajustement serait celle des effectifs. Ce serait un très mauvais signal donné alors que le pays en général, et Paris plus particulièrement s’apprête à accueillir les JOP 2024. Si la Brigade n’a pas suffisamment d’effectifs, elle ne pourra armer le nombre d’engins nécessaires au quotidien et surtout pour la période cruciale des JOP 2024. »
Source : BSPP, réponse au questionnaire.
Pour le rapporteur spécial, la proposition de la DGSCGC de compléter dans un second temps la dotation à la BSPP n’est pas une solution satisfaisante, le montant de la dotation complémentaire risquant d’être marginal, et la date du versement restant à préciser, source d’instabilité en gestion.
Pour lui, le moment est particulièrement mal choisi pour mettre en difficulté la BSPP au regard du besoin de stabilité en vue de la conduite des opérations relatives aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Il alerte sur le fait que le besoin de financement de 12 millions d’euros se traduira mécaniquement par un moindre recrutement de jeunes sapeurs-pompiers, seule variable d’ajustement en masse salariale. C’est pour lui un calcul « court‑termisme » étant donné que :
– ce sous-financement dégradera significativement la qualité de la réponse opérationnelle notamment face aux détresses vitales prises en charge par la BSPP ;
– comme les jeunes recrues qui arment les VSAV en début de carrière forment au bout de quelques années l’ossature de la BSPP de demain, il manquera à moyen terme une cohorte de cadres pour faire fonctionner la BSPP.
Le rapporteur spécial appuie la demande de la BSPP, qui apparaît raisonnable, justifiée et indispensable, d’obtenir un effort supplémentaire de 3 millions d’euros sur l’action 14, pour atteindre 110 millions d’euros. C’est le sens de ses amendements II-820, II-821, II-822.
C. L’impasse du modèle actuel de soutien aux associations –
1. Le rôle essentiel des associations agréées
Le modèle français de sécurité civile se caractérise par la place donnée aux associations agréées de sécurité civile (AASC), qu’elles soient généralistes (à l’instar de l’Ordre de Malte-France ou de la Croix-Rouge) ou spécialisées (telle la Société nationale de sauvetage en mer). Grâce à la mobilisation de leurs bénévoles, ces associations peuvent agir aux côtés des sapeurs-pompiers et apporter un concours lors d’opérations de sauvetage ou de soutien à la population, monter des dispositifs prévisionnels de secours lors de grands rassemblements ou assurer des formations de secourisme.
Le rapporteur spécial rappelle à quel point les AASC ont été particulièrement sollicitées pendant la crise sanitaire liée à la pandémie de la
Covid-19 (transport de malades, aide aux centres hospitaliers et aux personnes les plus vulnérables, missions inédites effectuées pour le compte du ministère de la santé telles que l’organisation de tests de dépistage dans les aéroports sur demande du préfet, la participation aux cellules territoriales d’appui à l’isolement, la participation aux campagnes de vaccination). Elles sont actuellement associées à la préparation de l’organisation des secours pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024, dans le cadre d’un groupe de travail « sécurité civile ». Cette participation découle de leur compétence pour tenir les dispositifs prévisionnels de secours (article L. 725-3 du code de la sécurité intérieure).
Pour participer à des missions de sécurité civile, ces associations doivent obtenir un agrément délivré par le préfet (agrément départemental) ou par le ministre chargé de la sécurité civile (agrément national ou interdépartemental).
Présentation des agréments
Il existe quatre types d’agréments, qui habilitent les associations à quatre types de missions :
– Participation aux opérations de secours (agrément « A ») ;
– Soutien et accompagnement des populations victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes (agrément « B ») ;
– Encadrement des bénévoles (agrément « C ») ;
– Mise en place de dispositifs prévisionnels de secours lors de rassemblements de personnes (agrément « D »).
À titre d’exemple, la Croix-Rouge bénéficie des quatre types d’agréments et le Secours catholique n’est titulaire que des agréments « B » et « C ».
Source : commission des finances.
Le rapporteur spécial regrette que plusieurs dispositions récentes limitent les actions des AASC en matière de formation :
– la mise en place d’une certification QUALIOPI pour dispenser des formations de secourisme ;
– le fait que certaines formations « aux gestes qui sauvent » ne soient plus éligibles à un financement par le biais du Compte personnel de formation, ce qui apparaît en contradiction avec la volonté du chef de l’État de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours ;
– la concurrence de centres de formation que le rapporteur spécial qualifie de peu scrupuleux et effectuant parfois en toute illégalité des formations (comme celle de sauveteur secouriste du travail) de secourisme.
2. Le caractère insuffisant de l’accompagnement financier de l’État
250 000 euros seraient consacrés en 2024 aux subventions aux associations concourant à des missions de sécurité civile (associations du réseau des sapeurs-pompiers de France, associations agréées de sécurité civile, associations participant à une politique publique portée par la DGSCGC) dont 160 000 euros au profit des 17 associations agréées de sécurité civile
Le rapporteur spécial fait remarquer, à titre d’exemple, que la Fédération Nationale de la Protection Civile perçoit ainsi 16 000 euros de subvention alors qu’elle compte près de 32 000 bénévoles, soit 50 centimes d’euro par bénévole. Le coût d’une assurance pour un bénévole est de 10 euros par an pour la FNPC et le coût moyen d’intégration d’un nouveau bénévole est estimé à 700 euros. Le montant des subventions allouées est non seulement insuffisant mais frôle même l’irrévérence.
Pour le rapporteur spécial, l’orientation actuelle de la politique de soutien aux associations, qui ne confie au programme Sécurité civile qu’un accompagnement à la marge, met en danger le tissu associatif et ne répond pas aux problématiques actuelles auxquelles les associations sont confrontées.
Le rapporteur spécial rappelle en effet les éléments suivants :
– Pour les missions correspondant aux agréments A, B et C, les associations agréées ne perçoivent aucune rémunération ; elles sont seulement remboursées de leurs frais. Les associations se rémunèrent principalement par la mise en place de dispositifs prévisionnels de secours (agrément D) et par des formations de secourisme.
– Si les frais des AASC dans le cadre de leurs activités de vaccination ont été pris en charge par le ministère de l’intérieur (dans les centres de vaccination dépendant d’un SDIS) ou par les agences régionales de santé, la crise sanitaire a profondément bouleversé l’équilibre financier de nombre d’entre elles, du fait de l’annulation de grands événements publics pour lesquels elles auraient pu exercer des missions rémunérées ;
– Les associations souffrent également de la concurrence de nouveaux intervenants qui leur disputent injustement leur place de pourvoyeur en formations de secourisme.
Le rapporteur spécial insiste sur la fragilité du modèle de financement actuel de nos associations agréées de sécurité civile. Il invite le ministre de l’intérieur à se saisir de ce sujet et à lancer une mission « flash » sur cette question afin d’apporter des solutions aux problématiques évoquées précédemment. Il prône également la mise en œuvre de pactes capacitaires au profit des associations agréées de sécurité civile sur le modèle de ce qui a été fait pour les SDIS.
Le rapporteur spécial reconnaît que la somme de 21,2 millions d’euros ouverts dans la loi de finances rectificative du 30 novembre 2020 au bénéfice des AASC a été particulièrement utile.
Le rapporteur spécial constate également un besoin de meilleure reconnaissance de leur rôle au sein des forces de sécurité civile, d’une meilleure valorisation de l’engagement associatif.
Pour l’ensemble de ces raisons, il a déposé plusieurs amendements pour défendre un soutien financier aux associations agréées de sécurité civile. C’est le sens de ses amendements II-816, II-818, II-819.
D. nexsis18-112 : UN CHANGEMENT DE DOCTRINE ET des retards de déploiement
Pour le rapporteur spécial, la croissance des interventions des SIS au regard des nouveaux défis climatiques et météorologiques rend indispensable une meilleure communication et un système d’information et de commandement unifié pour l’ensemble des acteurs de la sécurité civile.
« Actuellement, il n’existe aucun système d’information permettant de recevoir les appels d’urgence et de coordonner les opérations sur tout le territoire et pour l’ensemble des forces concourant à la sécurité civile (SIS, SAMU, police, gendarmerie). Chaque SIS dispose en effet de son propre abonnement et de sa propre solution logicielle, qu’il obtient auprès d’un fournisseur tiers. À ce jour, seuls deux des 99 SIS peuvent interagir entre eux, et aucun SIS n’est interfacé avec les systèmes des forces de police ou de gendarmerie. Cette situation pose des difficultés d’efficacité et de sécurité des données.
« Dans ce contexte, le projet conduit par l’ANSC constitue une double opportunité de modernisation en offrant d’une part un outil intégré de réception et de traitement des appels d’urgence et en permettant d’autre part une gestion opérationnelle unifiée aux sapeurs-pompiers dont l’interopérabilité avec les services de santé et de sécurité sera renforcée ou créée. Cette interopérabilité permettra des gains d’efficacité importants et constituera une réponse à la sur-sollicitation des forces de sécurité civile. »
Source : rapport de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, annexe Sécurité civile, M. Florian Chauche, rapporteur spécial.
Les missions de l’ANSC, qui a la particularité d’avoir une gouvernance partagée entre l’État et les SIS, sont présentées ci-dessous.
Missions confiées à l’agence
« – la conception, le développement, la maintenance et l’exploitation des systèmes et applications nécessaires au traitement des alertes issues des numéros d’appel d’urgence 18 et 112, aux communications entre la population et les services de secours d’urgence ainsi qu’à la gestion opérationnelle et à la gestion de crise assurées par les SIS et par la sécurité civile. À ce titre, l’ANSC a développé le dispositif d’Advance Mobile Location (AML, voir encadré infra) ;
« – la participation à la définition des normes relatives au traitement des alertes issues des numéros d’appels d’urgence 18 et 112 ainsi qu’aux systèmes de gestion opérationnelle et de gestion de crise utilisés par les SIS et par la sécurité civile, la contribution à l’évolution de ces normes et à la surveillance de l’interopérabilité des dispositifs techniques correspondants ;
« – l’hébergement, la collecte et la distribution des données liées au fonctionnement des systèmes d’information et de commandement des SIS et de la sécurité civile ;
« – le déploiement et la mise à disposition des systèmes d’information et de commandement à l’intention des SIS et de la sécurité civile, ainsi que les applications destinées aux communications entre la population et les services de secours d’urgence ;
« – la formation, l’assistance, le conseil et le soutien des SIS et de la sécurité civile, notamment dans le cadre de la préfiguration puis de la mise en service des systèmes d’information et de commandement des SIS et de la sécurité civile. »
Source : rapport de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, annexe Sécurité civile.
L’ambition de NexSIS 18-112 est ainsi de proposer :
– un dispositif reposant sur un triple système : un système de gestion des alertes (appels et communications d’urgence), un système d’information géographique avancé, un système de gestion des opérations (envoi des moyens de secours, suivi des opérations) ;
– un dispositif développé avec le concours direct des sapeurs-pompiers, pour proposer des solutions prenant en compte les besoins spécifiques des SIS, aucune solution utilisée actuellement par les SIS n’ayant été développée spécifiquement à leurs usages. Elles ne couvrent donc pas tous leurs besoins en gestion de crise.
2. Une nouvelle stratégie de déploiement, plus tardive que prévu, présentée comme incontournable pour un accompagnement « sur mesure » pour chaque SIS
L’indicateur 4.1 « taux de déploiement du système NexSIS 18-112 au sein des SIS » du PAP 2024 fait état d’une cible de déploiement de 9 départements en 2023. Pourtant, le rapporteur spécial constate qu’aucun déploiement n’a encore eu lieu. De plus, cette cible a été réduite d’année en année eu égard aux retards de développement (la cible était de 17 en 2023 et de 6 en 2022 en PLF 2 023).
D’après les informations obtenues auprès de la DGSCGC et de l’ANSC, quatre SDIS (SDIS 77 / SDIS 83 / SDIS 37 / SDIS 2A) utiliseraient actuellement le nouveau système sous la forme de mises à l’épreuve du réel, mais uniquement pendant quelques heures dans la journée. Il s’agit, selon l’ANSC, de nourrir le système de tous les retours d’expérience et de le corriger, afin, le temps venu, de procéder à un basculement au cas par cas, à la demande des SIS, dans les meilleures conditions.
Le rapporteur spécial s’étonne de l’évolution de la situation depuis les informations communiquées à l’automne 2022 lors de la préparation du PLF 2023. En effet, lors de son entretien avec l’ANSC en octobre 2022, il lui avait indiqué que le dispositif NexSIS 18-112 serait déployé dans les départements franciliens pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024, le directeur de l’Agence du Numérique et de la Sécurité civile ayant déclaré « nous n’avons d’autres choix que de réussir ». Il renvoie par ailleurs aux conclusions de son rapport sur le projet de budget pour 2023 quant aux difficultés qui ont pesé sur les premières années de développement de NexSIS 18-112, parmi lesquelles un sous-dimensionnement des moyens humains et financiers, qui s’est d’ailleurs traduit par un recours accru à des prestataires extérieurs et a contribué à faire augmenter considérablement le coût du projet.
Si le rapporteur spécial continue de faire confiance à l’ANSC pour mener à bien le projet NexSIS 18-112, il regrette néanmoins que le changement de doctrine dans le déploiement du système soit présenté comme naturel et tiens à faire remarquer que cela se traduit par un retard dans le déploiement de NexSIS 18-112.
3. Pour 2024, une nouvelle stratégie financière qui présente des risques
Le rapporteur spécial a interrogé la DGSCGC et l’ANSC sur les moyens financiers et humains de l’agence prévus en 2024, étant rappelé que le modèle financier de l’agence repose principalement sur les contributions des SIS parties au projet (subventions des SIS au titre du préfinancement de NexSIS qui s’élèvent au total à 30 millions d’euros depuis le début du projet ([10])), au-delà des financements prévus au programme Sécurité civile.
En 2024, la subvention pour charge de service public serait en hausse, passant de 5,28 millions d’euros à 16,6 millions d’euros, traduisant des besoins à la hausse du fait de l’imminence des premiers basculements.
Évolution du financement apporté à l’ANSC par le budget de l’État (AE = CP)
(en milliers d’euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2 023 |
PLF 2024 |
Subvention pour charges de service public |
3 200 |
3 150 |
4 500 |
5 000 |
5 280 |
16 641 |
Dotation en fonds propre |
3 800 |
3 850 |
2 500 |
2 000 |
- |
- |
Subvention pour charges d’investissement |
- |
- |
- |
- |
4 630 |
- |
TOTAL |
7 000 |
7 000 |
7 000 |
7 000 |
9 910 |
16 641 |
Source : commission des finances, documents budgétaires.
Le plafond d’emplois serait également en hausse et porté à 22 emplois ETP sous plafond et 24 emplois hors plafond, soit 8 emplois ETP supplémentaires par rapport à l’exercice précédent, une augmentation prévue dans le cadre de la LOPMI
évolution du plafond d’emplois de l’ANSC
(en ETPT)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2 023 |
PLF 2024 |
Plafond d’emplois de l’ANSC |
12 |
12 |
12 |
12 |
15 |
24 |
Source : commission des finances, documents budgétaires.
D’après les documents annexés au projet de loi de finances pour 2024, « ces effectifs complémentaires permettront à l’ANSC d’assurer les activités cumulées de conception, de réalisation, de déploiement, et d’exploitation. La mise en œuvre progressive d’un centre de services permettra de répondre aux besoins d’exploitation de NexSIS 18-112 et de l’AML, ainsi qu’aux activités de soutien des utilisateurs. Ces nouveaux ETPT seront dédiés aux travaux de déploiement technique de la solution dans les SIS et au maintien en condition opérationnelle 24/7 des différents modules de la solution NexSIS 18-112. »
Le rapporteur spécial s’interroge sur la trajectoire budgétaire de l’ANSC pour les prochains mois, malgré la forte hausse de la dotation pour service public, eu égard aux difficultés à maintenir la dynamique de financement par les SIS constatée en 2023, et qui s’est traduit par un nouveau modèle de financement, exposé ci-après.
« Les attentes de l’ANSC vis-à-vis des SIS ont été estimées à 50 millions d’euros en vue de participer au financement du projet. En fin d’exercice 2023, l’ANSC devra avoir perçu près de 32 millions d’euros de la part des SIS.
« En raison de difficulté à maintenir la dynamique de financement par les SIS, le conseil d’administration de l’ANSC du 27 juin 2023 a adopté un nouveau modèle de financement du projet par les SIS.
« L’ANSC consacrant une part importante de ses dépenses en investissement (soit environ la moitié du coût total estimé du projet qui est de 300 millions d’euros), le nouveau modèle permet aux SIS de contribuer au projet NexSIS 8-112 par des versements en investissement, pour la durée durant laquelle ces investissements sont réalisés par l’ANSC. Ce dispositif répond à une attente de la plupart des SIS, qui souhaitent qu’une part plus importante de leurs contributions soit constituée de subventions d’investissement. L’application de ce mécanisme est prévue pour les SIS qui réaliseront une migration durant les années 2023 à 2025.
« Désormais, la part des recettes en provenance des SIS utilisateurs de NexSIS 18-112 est ainsi scindée en deux parts distinctes :
« – une première part concerne le financement des éléments majeurs de déploiement. Il s’agit d’un forfait de 300 000 euros applicable à l’ensemble des SIS.
« – une seconde part correspond aux dépenses de réalisation et de fonctionnement. Elle résulte d’une répartition entre les SIS, selon des critères de populations défendues, encadrés par un principe de seuil et de plafond. Cette seconde part est fixée chaque année pour chacun des SIS et évolue selon l’augmentation possible de l’IPC et l’évolution de la population DGF.
« Pour autant, la perception des subventions d’investissement et des premières contributions des SIS au cours de l’exercice 2024 n’est pas garantie. En effet, certains SIS rencontrent des difficultés financières ne leur permettant pas toujours d’honorer leur engagement à la hauteur des besoins prédéfinis par l’ANSC.
« En outre, certains SIS préfèrent attendre la mise en exploitation permanente de NexSIS avant de s’engager dans un dispositif de financement du projet.
« De ce fait, la mise en œuvre du modèle de financement de l’ANSC demeure fragile.
« En parallèle, l’ANSC recherche des financements supplémentaires. »
Source : ANSC, réponse au questionnaire budgétaire.
Sur la période 2019-2023, 62 SIS sont comptabilisés comme contribuant au projet NexSIS 18-112. « En parallèle, 12 SIS ont exprimé leur volonté de subventionner, mais sans mener à son terme le dispositif de conventionnement avec l’ANSC », a indiqué l’agence au rapporteur spécial.
Le rapporteur spécial propose que suite au changement de doctrine opéré par l’ANSC, l’indicateur de performances évolue en conséquence. C’est le sens de son amendement n°II-801 qui propose de mesurer le taux de déploiement du système NexSIS 18-112 sur trois aspects complémentaires :
– le nombre de SDIS qui contribuent au financement de l’ANSC pour savoir combien de SDIS manifestent leur intérêt pour le projet par une contribution financière.
– le nombre de SDIS qui sont en phase d’adaptation et de formation et qui effectuent des mises à l’épreuve du réel, pour savoir combien de SDIS sont dans une situation intermédiaire de familiarisation avec l’outil.
– le nombre de SDIS qui utilisent uniquement le système NexSIS 18‑112 pour le traitement des appels d’urgence, pour savoir dans combien de SDIS le système est utilisé comme outil exclusif de traitement des appels d’urgence.
— 1 —
Au cours de sa réunion du 24 octobre 2023, à 17 heures 15, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Sécurités.
Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.
Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté les amendements n° II CF128 et n° II CF847, la commission a adopté, ne suivant pas l’avis défavorable du rapporteur spécial, les crédits de la mission Sécurités ainsi modifiés.
L'enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.
*
* *
— 1 —
principaux éléments relatifs à la saison des feux 2022 apportés par la DGSCGC au rapporteur spécial
« Les phénomènes de sécheresse et vagues de chaleur caniculaires qui ont touché le territoire métropolitain à l’occasion de l’été 2022 sont des facteurs aggravants à porter au lourd bilan de la campagne de lutte contre les feux de forêts menée par la sécurité civile.
« Ainsi, le bilan de l’année 2022 présente 72 000 ha de surfaces incendiées, sans commune mesure avec la moyenne décennale (12 000 ha, proche du bilan 2021).
« Les 4 feux hors norme qui ont touché le département de la Gironde (Landiras – 12 500 ha, La Teste-de-Buch 5 700 ha, Saint Magne – 7 100 ha, Saumos – 3 000 ha) sont responsables à eux seuls de plus de 41 % de la superficie brûlée, 67 500 ha, entre le 1er juin et le 30 septembre 2022.
« Au-delà de la superficie brûlée, c’est le nombre de départs d’incendie qui illustre le mieux l’intensité de cette campagne estivale. Plus de 7 800 incendies ont été recensés en métropole entre le 1er juin et le 30 septembre 2022, soit 3 fois plus que la moyenne décennale qui s’établit à 2 715.
« Plus de la moitié des incendies se sont déclarés dans la moitié sud (28 % en zone Sud et 26 % en zone Sud-Ouest) mais le reste de la métropole a également dû faire face à une activité opérationnelle particulièrement élevée avec plus de 3 500 incendies, particulièrement dans les zones Ouest et Est. Ont notamment été relevés des incendies de plus de 1 000 ha en Bretagne (1 826 ha – Braspart – 29) et dans le Maine-et-Loire (1 286 ha – Bauge-en-Anjou) ainsi qu’une quinzaine de sinistres ayant brûlé plusieurs centaines d’hectares chacun dans des régions jusqu’alors peu concernées par cette problématique (559 ha – Cernon 39 / 497 ha – Campénéac 56 / 265 ha –Téloche 72).
« Ce niveau d’activité particulièrement élevé a nécessité une forte adaptation de la réponse opérationnelle des SIS et de la DGSCGC mais a pu confirmer la pertinence de la doctrine visant à la maîtrise des feux dans leur phase initiale par le pré-positionnement d’un dispositif aéroterrestre. Ainsi, plus de 95 % des incendies ont été stoppés avant d’atteindre 5 ha alors que les conditions étaient particulièrement défavorables.
« Le bilan opérationnel de l’exercice 2022 se décline ci-dessous :
« ● 44 colonnes de renfort ont été engagées (contre 25 colonnes planifiées en début de saison). Le déploiement a ainsi largement dépassé les 40 000 hommes-jours (contre 25 000 en moyenne).
« ● Renfort de près de 700 sapeurs sauveteurs FORMISC traduisant une forte sollicitation des moyens nationaux terrestres. La quasi-totalité des sections d’intervention (à l’exception des modules spécifiques) aura été déployée.
« ● 7 500 largages par avions (contre 3 975 en 2021) pour un total annuel de 7 416 heures de vol (4 044 HDV sur la seule saison feux).
« ● 5 737 largages par hélicoptères, soit 10 appareils mobilisés et 752 heures de vol, dont le renfort de 5 hélicoptères bombardiers d’eau (HBE) réquisitionnés (pour 306 HDV et 2 391 largages).
« ● 5 400 tonnes de produit retardant utilisées (4 300 tonnes larguées par voie aérienne et 1 100 tonnes utilisées par les moyens terrestres). »
— 1 —
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)
– M. Julien Marion, directeur général ; M. Stéphane Thébault, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie ; M. Bertrand Vidot ; M. Daniel Partouche
Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)
– Général Joseph Dupré la Tour, général commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris ; Lieutenant-colonel Christophe Allo ; Capitaine Jean-Baptiste Thomas
Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC)
– M. Pierre Casciola, directeur ; M. Jean-Yves Lambrouin, directeur adjoint ; M. Yann Boukouya, secrétaire général
Représentants du personnel de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes Garons :
– M. Pierre Bernet, secrétaire général adjoint FO-GMA ; M. Xavier Roy, secrétaire général du SAPNSC ; M. Fabrice Chrétien, représentant syndical des pilotes d’hélicoptères SNPNAC ; M. Benoît Quennepoix, représentant syndical des pilotes bombardiers d'eau SNPNAC ; M. Pierre Ferrer, secrétaire général du SAP GMA
France Assureurs*
– M. Christophe Delcamp, directeur des Assurances de dommages et responsabilité ; Mme Viviana Mitrache*, directrice des Affaires publiques France ; M. Arnaud Giros*, conseiller parlementaire
ENSOSP
– M. David Swan, chercheur et auteur d’un mémoire académique « Approche économique pour les SDIS : valeur du sauvé et valeur économique de l’activité »
Audition conjointe :
– Fédération nationale de la Protection Civile : M. François Richez, président ; M. François-Xavier Volot, directeur aux affaires générales
– Union départementale des premiers secours du Territoire de Belfort (UDPS90) : M. Alexandre Tamé, président ; M Gilles Dias, coordinateur national de l'ANPS
– Association Nationale des Premiers Secours (ANPS) : M. Jérémy Lavergne, président
*
* *
Déplacement à Toulouse dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi de finances pour 2024
Congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
– M. Christophe Marchal et M. Eric Florès, vice-présidents de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ; M. Bellanger, directeur de cabinet de la FNSPF ;
– M. Eric-Pierre Rodriguez, SUD SDIS, expert dans le domaine du secours et des soins d'urgence aux personnes (SSUAP)
– M. Christophe Sansou, SG union nationale Force Ouvrière des Services d'Incendie et de Secours
Météo-France
– Virginie Schwarz, présidente – directrice générale de Météo France.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
([1]) Article 1er de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile
([2]) PLF 2024, annexe budgétaire Sécurité civile.
([3]) Source : questionnaire budgétaire.
([4]) PLF 2024, annexe budgétaire Sécurité civile.
([5]) idem.
([6]) 199 millions d’euros en AE ayant été programmés en LFI 2022 pour le réengagement du marché de MCO « avions » sur cinq ans.
([7]) Source : questionnaire budgétaire.
([8]) Cet organisme, dont la dotation serait inchangée en PLF 2024 par rapport à la LFI 2 023 (500 000 euros en AE et en CP), organise des formations à la lutte contre les feux de forêt, contribue à la recherche en la matière et développe des systèmes d’information géographique. Pour le rapporteur spécial, ses activités sont d’une grande pertinence pour la bonne préparation des forces de sécurité civile face aux feux de forêt et de végétation.
([9]) PLF 2024, annexe Sécurité civile.
([10]) « Lors de la création de l’agence, l’Etat a amorcé le financement de la réalisation du programme NexSIS 18-112, le complément du financement du produit NexSIS 18-112 revenant aux SIS. L’ANSC propose ainsi aux SIS souhaitant disposer du produit, un dispositif de préfinancement au moyen de subventions d’investissement, telles que prévues dans le décret institutif au 3ème alinéa de l’article R.732-11-17 du code de la sécurité intérieure. Ce dispositif, convenu entre l’Etat et les représentants des collectivités territoriales, a été formalisé par une délibération du conseil d’administration de l’ANSC en 2019. » ANSC, réponse au questionnaire budgétaire.