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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),
PAR M. Jean-René CAZENEUVE,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 7
COHéSION DES TERRITOIRES
LOGEMENT ET HÉBERGEMENT
Rapporteur spécial : M. françois jolivet
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl
I. Le programme 177 : un nombre de places d’hébergement d’urgence maintenu à un niveau record
A. L’accent mis sur la veille sociale (212,5 millions d’euros)
1. La modernisation et le renforcement des SIAO
B. un parc d’hébergement d’urgence maintenu à 203 000 places en 2024 (2,105 milliards d’euros en CP)
1. Le maintien d’un niveau de places très élevé
2. L’impact de l’inflation en 2023 et la nécessité d’entreprendre un plan de rénovation du bâti
3. La mise en œuvre du desserrement de l’Île-de-France
1. Des objectifs ambitieux sur l’ensemble de la durée du plan…
2. … qui donneront lieu à des réalisations concrètes dès cette année
II. le programme 109 : une hausse de plus d’un demi‑milliard d’euros pour les aides au logement
A. la revalorisation des aides au logement sanctuarisée
1. Un retour à la normale dans le traitement des demandes
3. La lutte contre la fraude et l’indécence : une mission impossible par rapport aux moyens des CAF
1. L’amélioration des dispositifs d’accès à la propriété
2. Le soutien au logement locatif intermédiaire
a. L’entrée de nouvelles communes en zone tendue pour pouvoir bénéficier du LLI
b. L’élargissement du LLI aux particuliers
3. Une révision de la fiscalité locative qui démarre
B. les crédits du programme 135 : une hausse très forte en faveur de la rénovation énergétique
a. Une hausse de 1 milliard d’euros en AE et 500 millions d’euros en CP des moyens de l’ANAH
b. Les deux piliers des aides à la rénovation énergétique
c. La réduction du reste à charge pour les ménages les plus modestes
d. Le lancement de MaPrimeAdapt’
2. Les difficultés financières du secteur social
a. Une situation financière qui s’obscurcit
b. Des dispositifs bienvenus pour aider les bailleurs à rénover leur parc
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 85 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. |
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PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl
S’installe aujourd’hui en France, une crise inédite et inconnue jusqu’alors concernant la production de logements neufs. Cela signifie que les crises territoriales de l’habitat et les crises de parcours résidentiels de l’habitant ne pourront que s’accroître dans les années à venir : le temps de la production de logement est un temps long. Dans la moins défavorable des hypothèses, la production de logements neufs pourrait s’affaisser de 100 000 : ce qui signifie qu’à un prix moyen de 240 000 euros TTC – il faut pouvoir anticiper une baisse de TVA de l’ordre de 4 milliards d’euros. Dans le meilleur scénario. Par ailleurs, il est communément admis qu’un logement neuf permet la création ou le maintien de 1,8 emploi : ce qui signifie que la filière immobilière dans son ensemble perdra 180 000 emplois en 2024.
Les pertes de ressources n’impacteront pas que les finances de l’État mais également celles des départements et des régions. S’agissant des départements, ils prendront de plein fouet la baisse des DMTO liés à l’effondrement des transactions immobilières. La baisse de dynamique de la TVA de l’État impliquera, par répercussion, une baisse des ressources des départements et des régions.
Le rapporteur ne nie pas les efforts engagés par le Gouvernement dans le PLF 2024 et au cours de la discussion parlementaire, mais les mesures budgétaires connues au jour de la rédaction de ce rapport ne permettront pas de répondre à la crise nationale de la production de logements neufs.
Le PLF 2024 comporte de nombreux points positifs en ce qui concerne les trois programmes 177, 109 et 135 dont la hausse en crédits de paiement atteint 8 %.
– Il permet d’abord de pleinement s’approprier le défi de la rénovation énergétique. Un effort sans précédent est consenti pour les particuliers avec une augmentation des moyens de l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH) de près de 1 milliard d’euros en AE. La solvabilisation des ménages en cas de rénovation globale est accrue. L’objectif de 200 000 rénovations globales par an peut ainsi être atteint si la filière du bâtiment se met en ordre de marche. L’enveloppe de 400 millions d’euros par an pendant trois ans pour la rénovation des logements locatifs sociaux est, quant à elle, indispensable aux bailleurs sociaux pour entamer des opérations coûteuses et dont la rentabilité économique est faible.
– Le niveau de places en hébergement d’urgence demeure à un niveau historiquement haut (203 000 places en 2024), preuve d’une attention réelle portée aux plus modestes. Le plan « Logement d’abord » demeure la priorité avec l’augmentation des places en intermédiation locative, dans les foyers et en pensions de famille. L’indexation des aides personnelles au logement est sanctuarisée dans un contexte de forte inflation.
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Évolution des crÉdits logement et hÉbergement d’urgence (en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.
pouvoir d’achat immobilier et variation des facteurs
Source : Banque de France.
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évolution des taux d’intérêts des nouveaux crédits à l’habitat
(en %)
Source : Banque centrale européenne.
Mais cette crise de la demande, liée au nouvel environnement monétaire, se conjugue à une crise de l’offre plus structurelle, variant sensiblement sur les territoires : manque de foncier disponible, refus des maires de construire, mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) dans le cadre de la nouvelle loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021, hausse du prix du foncier. Si la situation se caractérise par la juxtaposition de plusieurs « crises territoriales du logement », on observe une baisse importante du nombre de permis de construire et de mises en chantier au niveau national, proche de celle observée lors de la crise sanitaire de 2020.
évolution trimestrielle du nombre d’autorisations
et de mises en chantiers de logements
Source : Commission des finances d’après les données du Service des données et études statistiques (SDES).
Avec 152 300 logements commencés de janvier à juin 2023, le nombre de mises en chantier au premier semestre 2023 se situe à son point le plus bas depuis 2000 (y compris le premier semestre 2020). Cette baisse se traduit immédiatement pour la filière de la promotion immobilière par une baisse brutale de l’activité : au second semestre 2023, les mises en vente et les ventes baissent respectivement de -28,8 % et de -30,8 % selon les données de la Fédération des promoteurs immobiliers de France. La crise de la promotion immobilière a déjà des effets directs sur la production de nouveaux logements neufs. En outre, 54 % ([1]) des agréments de logements sociaux relevaient d’opérations mixtes de promotion immobilière. Avec la chute des opérations de promotion, on peut redouter une baisse très importante de la production de logements sociaux en France.
Les autres conséquences d’une telle crise inédite de l’offre et de la demande sont également bien identifiées :
– elle produit d’abord un blocage du parcours résidentiel avec une chute des offres de location ([2]) les ménages, ne pouvant plus accéder à la propriété faute de capacité d’emprunt, demeurant dans le logement qui aurait pu bénéficier à de nouveaux entrants. On enregistre ainsi une hausse significative du nombre de ménages demandeurs d’un logement social de 7 % en 2023, soit 2 400 000 de ménages inscrits au SNE en attente. Cette augmentation est continue depuis 5 ans. Les Français peinent à se loger ;
– elle conduit à des faillites de plus en plus nombreuses parmi les entreprises du secteur immobilier (agences immobilières, promotion immobilière, agences notariales, entreprises du bâtiment et des travaux publics – BTP) : la destruction de plusieurs dizaines de milliers d’emplois est attendue dans les prochains mois lorsque la crise atteindra la filière du bâtiment. La rénovation énergétique ne pourra pas suffire pour servir de relais de croissance. La disparition prévisible des promoteurs locaux est une mauvaise nouvelle pour les territoires qui connaîtront une perte de savoir-faire en matière de construction immobilière.
Le Gouvernement a décidé de l’entrée de plus de 200 communes en zone A ou B1 permettant d’ouvrir ces territoires à de nouveaux dispositifs : le logement locatif intermédiaire institutionnel et le prêt à taux zéro (PTZ) en premier lieu. Il a également décidé de relever les barèmes et des plafonds d’éligibilité du PTZ comme l’avait demandé le rapporteur spécial depuis de nombreux mois. Il a par ailleurs sollicité Action Logement et CDC Habitat pour qu’ils se portent acquéreurs de 47 000 logements invendus dans des programmes existants. Pour autant, ces deux groupes sont soumis au modèle économique de la production et ne pourront pas faire face à l’ensemble des demandes. Par ailleurs, le métier de la promotion s’inscrit dans un temps long et cette mesure d’urgence ne permet pas de donner la visibilité aux opérateurs de la filière immobilière. Le rapporteur spécial considère que ces mesures, qui vont dans le bon sens, ne sont pas à la hauteur de cette crise inédite et appelle de ses vœux un plan de sauvetage de la production neuve, à la fois robuste et limité dans le temps, sans que cela n’empêche d’envisager dès maintenant des réformes plus structurelles de long terme. Si le rapporteur spécial ne croit pas à l’existence d’une crise nationale du logement mais pense plutôt à l’existence de crises territoriales de l’habitat et à des crises du parcours résidentiel de l’habitat, il est contestable que la crise de production de logements concerne l’ensemble du pays
Fort de ce diagnostic, le rapporteur spécial a proposé un certain nombre d’amendements d’ordre fiscal en première partie du PLF 2024 :
– relance exceptionnelle du PTZ (prêt à taux zéro) en suspendant son recentrage pour l’année 2023 avec une augmentation des barèmes et des plafonds d’éligibilité, et ce pour la seule année 2024 pour permettre à des ménages accédants à la propriété de poursuivre leur parcours résidentiel et de permettre aux programmes immobiliers achevés de trouver des acquéreurs ;
– exonération des droits de mutation à titre gratuit (« droits de succession ») pour l’acquisition d’un logement neuf (mesure « Balladur » mise en œuvre en 1994 pour faire face au retournement brutal du marché immobilier et à la faillite de nombreux promoteurs causés par les évènements de la guerre du Golfe à partir de 1990) ;
– renforcement des avantages fiscaux au bénéfice du logement locatif institutionnel (LLI) et élargissement du dispositif aux personnes physiques ainsi qu’à l’ensemble des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), avec le même souci de préservation du modèle économique des opérations mixtes ;
– allègement des droits de mutation à titre onéreux et de la taxe foncière pour les logements neufs sur décision des collectivités territoriales.
Les trois des six programmes de la mission Cohésion des territoires couverts par le rapport Logement et hébergement ne peuvent pas, par définition, répondre aux enjeux de la crise actuelle qui appellent une réponse fiscale davantage que budgétaire. Cela dit, le budget proposé pour les programmes 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, 109 Aide à l'accès au logement et 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat est assurément très positif pour les champs qu’il couvre : il signe une ambition forte en matière de rénovation thermique, de soutien aux plus défavorisés et aux ménages modestes du parc locatif. Ses crédits atteignent 18 315,2 millions d’euros en AE et 18 365,8 en CP soit une hausse respective de + 7,7 % et + 8,0 %.
Évolution des crÉdits du rapport logement et hÉbergement d’urgence
(en millions d’euros)
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Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution 2023-2024 |
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution 2023-2024 |
Programme 177 |
2 825,8 |
2 900,9 |
+ 2,7 % |
2 850,6 |
2 925,7 |
+ 2,6 % |
Programme 109 |
13 371,3 |
13 901,4 |
+ 4,0 % |
13 371,3 |
13 901,4 |
+ 4,0 % |
Programme 135 |
803,1 |
1 512,9 |
+ 88,4 % |
780,8 |
1 538,7 |
+ 97,1 % |
Total |
17 000,2 |
18 315,2 |
+ 7,7 % |
17 002,7 |
18 365,8 |
+ 8,0 % |
Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.
I. Le programme 177 : un nombre de places d’hébergement d’urgence maintenu à un niveau record
2,901 milliards d’euros en AE et 2,926 milliards d’euros en CP sont prévus au titre du programme 177 dans le PLF 2024 soit une augmentation de 75 millions d’euros en AE=CP par rapport à la LFI 2023.
Les crédits de l’action 11 – Prévention de l’exclusion – sont stables à hauteur de 31,8 millions d’euros. Ces crédits permettent de financer l’allocation de logement temporaire (ALT2) au bénéfice des gestionnaires des aires d’accueil des gens du voyage, des actions en faveur de la résorption des bidonvilles et des actions de prévention des expulsions locatives. Le rôle des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) soutenues par l’État à hauteur de 2,9 millions d’euros pour le financement de 65 postes de chargés de mission, est renforcé par la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite : elles seront dorénavant décisionnaires en matière de maintien ou de suspension de l’allocation logement en cas d’impayé locatif. Le dispositif d’équipes mobiles de prévention des expulsions locatives est par ailleurs pérennisé dans le cadre du deuxième plan quinquennal « Logement d’abord ».
Les crédits de l’action 14 – Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale – sont stables à hauteur de 8,3 millions d’euros en AE=CP. Ils servent au financement des systèmes d’information SI‑ENC et SI‑SIAO ainsi qu’au soutien des associations têtes de réseaux intervenant dans le secteur AHI (accueil‑hébergement–insertion).
98,6 % des crédits du programme sont portés par l’action 12 – Hébergement et logement adapté – qui finance les dispositifs de veille sociale, le parc d’hébergement généraliste et les dispositifs de logement adaptés développés dans le cadre du plan « Logement d’abord ». L’action bénéficie d’une hausse des crédits de 75,1 millions d’euros en AE=CP par rapport à la LFI 2023. Cette hausse doit permettre de maintenir un parc d’hébergement à 203 000 places.
Le budget de l’hébergement sera sous tension en 2024 en raison des pressions qui s’exercent sur le parc d’hébergement. Pour un même niveau de places ouvertes qu’en 2024, une enveloppe de 113 millions d’euros en AE=CP est ouverte dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2023. Le rapporteur spécial constate que cette ouverture en fin de gestion est supérieure à l’augmentation du budget de l’action 14 prévue en 2024 par rapport à la LFI 2023.
A. L’accent mis sur la veille sociale (212,5 millions d’euros)
La veille sociale bénéficie d’une hausse substantielle de 19 millions d’euros dans le PLF 2024 par rapport à la LIF 2023. 212,5 millions d’euros en AE=CP seront dédiés aux services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), au « 115 » – numéro vert pour les personnes sans abri –, les équipes mobiles professionnelles (maraudes) et les accueils de jour.
1. La modernisation et le renforcement des SIAO
Le deuxième plan quinquennal pour le « Logement d’abord » 2023‑2027 prévoit un plan important de modernisation des SIAO afin d’avoir une meilleure connaissance des personnes sans-abri et d’intervenir le plus rapidement possible pour les orienter vers le logement. Les SIAO doivent devenir le pivot des parcours d’accompagnement vers et dans le logement.
L’instruction du 31 mars 2022 a déjà précisé les attentes de l’État envers les SIAO, en matière de gouvernance et de missions pour la mise en œuvre du service public de la rue au logement. Les missions du SIAO doivent ainsi aller au-delà de la régulation de la demande et de l’octroi des places pour assurer le suivi de la progression des parcours vers le logement des personnes sans domicile en prévoyant :
– de s’assurer que toutes les personnes identifiées comme sans domicile font l’objet d’une évaluation en sollicitant les acteurs locaux si besoin ;
– de s’organiser pour mettre en œuvre une orientation par défaut vers le logement. Cela passe notamment par une commission interne unique d’examen et, pour les situations complexes, la mise en place d’une commission partenariale d’orientation ;
– que le SIAO devienne le pôle d’expertise et de ressources disposant de la connaissance élargie des partenaires locaux et des accompagnements qu’ils proposent ;
– que le SIAO suive les indicateurs de performance globale du secteur en s’appuyant sur les informations dont il dispose et celles de ses partenaires.
Ces missions doivent être inscrites et précisées dans une convention pluriannuelle qui déclinera les axes stratégiques de l’instruction et les objectifs d’activité du SIAO.
En 2023, les SIAO sont dotés d’environ 1 400 ETP. Afin d’accompagner les SIAO et leurs partenaires dans la mise en œuvre des objectifs de l’instruction, il est prévu un renfort des postes à hauteur de 500 ETP. Ces postes seront créés en SIAO ou dans des structures partenaires qui contribuent à leurs côtés à la mise en œuvre opérationnelle des chantiers fixés par l’instruction (en particulier les structures de veille sociale et les équipes mobiles d’accompagnement).
2. Un système d’information des services intégrés d’accueil et d’orientation qui s’est amélioré (SI SIAO)
Le SI-SIAO, issu de la fusion de deux logiciels (115 et Insertion) assure aujourd’hui le recensement des demandes et des places, l’orientation des ménages et le suivi de leurs parcours. Après sa mise en service à l’automne 2020, l’outil a été fortement décrié par les SIAO, l’écosystème des acteurs de l’hébergement et du logement ainsi que par les travailleurs sociaux.
Repris par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) en avril 2021, le SI SIAO a fait l’objet d’une refonte et d’investissements massifs permettant de corriger les anomalies historiques et restaurer la confiance des utilisateurs. Une première étape importante de la feuille de route a été franchie en 2022 avec la refonte de la gestion des données des ménages bénéficiaires : simplification et amélioration de l’expérience utilisateurs, traçabilité des actions réalisées, valorisation de l’évaluation sociale dans le parcours des ménages, minimisation des données collectées.
Cette première étape ouvre la voie aux autres chantiers majeurs, dont certains ont démarré :
– la mise en conformité et la sécurisation des données avec la mise en place d’une authentification forte, la refonte des profils des utilisateurs nécessitant une nouvelle homologation et un décret modificatif ;
– le lancement d’un module efficace de description et de pilotage des dispositifs d’hébergement, de logement et d’accompagnement social basé sur une nomenclature nationale (la conception est achevée et la phase de développement doit débuter) ;
– le renforcement du cadre des évaluations des travailleurs sociaux pour mieux identifier les besoins et améliorer les solutions apportées aux personnes ;
– la redéfinition des demandes adressées au 115 et des demandes d’insertion. Cette redéfinition nécessite d’uniformiser, de simplifier et d’enrichir le processus de demande, d’allonger la durée de validité d’une demande d’urgence, et de pouvoir envoyer des demandes aux partenaires ;
– la visualisation des parcours de prise en charge des ménages afin de mieux prévenir les ruptures d’accompagnement et coordonner les acteurs autour d’un référent de parcours ;
– la mise en œuvre d’un droit à l’oubli, d’une base d’archive et d’une base de pilotage statistique anonymisée ;
– la création d’un accès des publics à leurs démarches via une application, participant à décharger l’activité téléphonique des 115.
Le rapporteur spécial souligne, comme l’année dernière, l’intérêt de disposer d’indicateurs précis permettant d’objectiver la demande d’hébergement et de suivre les demandeurs tout au long de leur parcours. La constitution d’une base de données fiables des demandes comme de l’occupation des places d’hébergement constitue en ce sens un outil puissant de pilotage.
B. un parc d’hébergement d’urgence maintenu à 203 000 places en 2024 (2,105 milliards d’euros en CP)
La LFI 2023 devait permettre de financer 195 000 places auxquelles s’ajoutaient 3 600 places au titre du desserrement parisien. La demande est restée forte dans de nombreux territoires et les alertes des services de l’État et des acteurs associatifs ont conduit à maintenir le parc d’hébergement généraliste à un niveau très élevé en 2023, en moyenne supérieur à 200 000 places ouvertes et occupées chaque soir.
1. Le maintien d’un niveau de places très élevé
Dans le PLF 2024, 1 322,6 millions d’euros en AE et 1 347,3 millions d’euros en CP (+ 23,5 millions d’euros par rapport à la LFI 2023) sont consacrés au parc d’hébergement généraliste (centres d’hébergement d’urgence – CHU -, résidences hôtelières à vocation sociale, hôtels). Ces crédits devraient permettre de financer le maintien des capacités d’accueil à hauteur de 203 000 places en moyenne annuelle. Cette dotation intègre également le financement en année pleine des 1 000 nouvelles places dédiées aux femmes victimes de violences intrafamiliales dont l’ouverture a été annoncée par la Première ministre suite au Grenelle contre les violences conjugales et qui seront ouvertes dès 2023 grâce à une dotation dans le projet de loi de finances de fin de gestion. Cette enveloppe comprend par ailleurs le financement de deux mesures du Pacte des solidarités à hauteur de 30 millions d’euros : le maintien des places dédiées aux femmes enceintes ou sortant de maternité sans solution (22 millions d’euros) et le financement de tiers‑lieux alimentaires à l’hôtel (8 millions d’euros).
758,3 millions d’euros en AE=CP sont consacrés aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale – CHRS – (+ 22 millions d’euros par rapport à la LFI 2023). Cette dotation porte le fonctionnement de ces établissements sociaux qui assurent des missions d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement à la réinsertion sociale des personnes en difficulté qui ne trouvent pas de réponses satisfaisantes dans les dispositifs sociaux habituels. L’augmentation des crédits permet de financer les opérations de transformation de l’offre d’hébergement d’urgence avec 1 989 places complémentaires ouvertes en 2023. Le nouveau plan quinquennal « Logement d’abord » prévoit une réforme de la tarification des CHRS afin de valoriser l’accompagnement social délivré. La part des CHRS ayant signé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) demeure modeste mais le projet de réforme de la tarification des CHRS initié en 2021 doit être l’occasion d’affiner la démarche de contractualisation, en identifiant notamment de nouveaux indicateurs de résultats à inscrire au sein des CPOM, pour en faire des outils qui permettent le pilotage du parc d’hébergement et des capacités d’accompagnement qui lui sont liées.
évolution du nombre de places d’hébergement ouvertes
de 2017 à 2022 par type de place
Source : Commission des finances d’après les données de la Dihal.
Ce maintien à un niveau élevé du nombre de places d’hébergement est la réponse à une pression importante qui s’exerce aujourd’hui sur le parc. Le nombre de demandes non pourvues serait estimé selon les chiffres les plus récents de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) à 4 908 places la nuit, correspondant à près de 6 000 personnes.
Régions |
Personnes en demandes non pourvues au 21/08/23 |
Personnes en demandes non pourvues au 25/09/23 |
Auvergne-Rhône-Alpes |
476 |
616 |
Bourgogne-Franche-Comté |
16 |
16 |
Bretagne |
112 |
113 |
Centre-Val-de-Loire |
85 |
132 |
DOM |
35 |
15 |
Grand-Est |
222 |
227 |
Hauts-de-France |
416 |
377 |
Ile-de-France |
1 598 |
2 378 |
Normandie |
99 |
165 |
Nouvelle-Aquitaine |
168 |
245 |
Occitanie |
314 |
359 |
Pays-de-la-Loire |
110 |
127 |
PACA |
84 |
138 |
Total |
3 735 |
4 908 |
Source : Fédération des acteurs de la solidarité.
2. L’impact de l’inflation en 2023 et la nécessité d’entreprendre un plan de rénovation du bâti
Les structures d’hébergement bénéficient d’une enveloppe exceptionnelle de 64 millions d’euros au titre de la compensation de l’inflation subie en 2023 dans le projet de loi de finances de fin de gestion.
La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a, lors de son audition, souligné la nécessité d’accompagner les opérations de rénovation des structures d’accueil. La transition écologique du bâti doit être menée sur l’ensemble du parc, soit les 2,5 millions de mètres carrés que compte le parc d’hébergement (en établissements collectifs et en diffus), mais également sur les 800 structures d’accueil de jour et les 1 600 résidences sociales. Au-delà de la nécessité de limiter les surcoûts sur la consommation des fluides, il s’agit également de traiter les enjeux de salubrité des lieux d’accueil et de protéger la santé des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur. Le fonds humanisation du plan de relance était insuffisamment doté pour entreprendre un plan d’ampleur, comme la reconnaît la DIHAL.
L’organisation à grande échelle de la réhabilitation du parc et l’accompagnement d’opérations d’ampleur nécessitent des compétences spécialisées à centraliser afin de venir en appui aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et associations. Elle pourrait prendre la forme d’une task force au sein de la DIHAL, selon cette dernière. Le rapporteur spécial estime que les bailleurs sociaux étant propriétaires des murs d’un certain nombre de centres, une part de l’enveloppe annuelle de 400 millions d’euros dont bénéficieront les bailleurs sociaux sur les trois prochaines années pour la rénovation du parc social (cf. infra) pourrait être fléchée vers le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion (AHI). Par ailleurs, il considère que les structures de gestion des centres d’hébergement ne disposent pas des compétences suffisantes en matière immobilière. Cela devrait conduire les organismes, encore propriétaires des centres qu’ils occupent, à devenir locataires et ainsi adopter un nouveau mode de gestion plus souple.
3. La mise en œuvre du desserrement de l’Île-de-France
Afin de désengorger les centres d’hébergement d’Île-de-France, notamment en vue de préparer l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), l’orientation des personnes sans-abri vers des centres d’hébergement en province est organisée. Le rapporteur spécial observe que ces territoires ne disposent pas des structures d’accompagnement idoines pour prendre en charge ces publics. Il souhaite qu’une attention particulière soit portée par l’État à cet état de fait.
Le Gouvernement a notamment décidé la mise en place de structures d’accueil temporaire, (ou SAS régionaux) situés hors de l’Ile-de-France pour permettre, sur la base du volontariat, la prise en charge en urgence de publics sans-abri présents dans les campements franciliens. Ces SAS sont des lieux d'accueil où les personnes mises à l’abri bénéficient d'un hébergement et d'un réexamen complet de leur situation administrative, ainsi que d'un accompagnement social et sanitaire le cas échéant. À l’issue de la période d’hébergement de trois semaines, les personnes sont orientées vers une solution de sortie adaptée à leur situation.
À ce jour, vingt-cinq opérations à destination de dix SAS ont permis l’orientation de 2 189 personnes. La moitié du public orienté a une demande d’asile en cours d’instruction ou est éligible à la demande d’asile. Plus de 557 personnes ont été orientées vers le dispositif national d’accueil. Les réfugiés constituent près de 25 % du public pris en charge dans les SAS. Le coût du dispositif est de 6 millions d’euros en 2023, financé à parité sur le programme 177 et le programme 303.
Plus structurellement, le programme « Engagés pour la mobilité et l’insertion par le logement et l’emploi » (EMILE) accompagne des personnes volontaires à la mobilité résidant en zone tendue, qui rencontrent des difficultés d’accès au logement et d’insertion professionnelle, vers un département d’accueil partenaire qui dispose d’opportunités d’emploi et de logement. Les candidats sont accompagnés en Île-de-France et à Lyon (à partir de novembre 2023) pour élaborer leur projet, puis sur les territoires d’accueil pour le concrétiser. Le programme répond aux enjeux de saturation du parc d’hébergement de l’Île-de-France et de Lyon, aux territoires disposant de logements vacants et aux tensions de recrutement des employeurs locaux. Le coût du programme est de 2,5 millions d’euros en 2023, financé par les programmes 103, 104 et 177. Il devrait s’élever à 2,9 millions d’euros en 2024 pour un objectif de 300 personnes installées.
L’organisation des JOP en 2024 : un effet sur l’offre hôtelière maîtrisé
38,5 % des places régionales d’hébergement d’urgence à l’hôtel se situent à Paris (9 000 places) et en Seine-Saint-Denis (11 000 places). Or, ces deux départements sont également en première ligne pour accueillir la famille olympique et les spectateurs qui logeront dans les hôtels lors des JOP.
Les services de l'État en Ile-de-France ont été mobilisés pour anticiper une possible contraction du parc hôtelier et mettre en place des solutions pour maintenir dans l’hébergement les personnes vulnérables :
– de nouveaux sites pérennes ou temporaires permettant d’accueillir les personnes sans domicile en alternative à l’hôtel sont identifiés. Un travail d’adaptation du parc d’hébergement a été lancé, par ailleurs, avec une transformation de places de nuitées hôtelières en centres d’hébergement pour un volume d’environ 150 places en 2022 et près de 600 prévues en 2023 ;
– le système de réservation et de gestion de ces places, centralisé au niveau d’un opérateur unique, permet de disposer d’une bonne visibilité sur le parc hôtelier et d’évaluer en continue le risque ;
– le nouveau marché public d'acquisition dynamique des nuitées hôtelières permet de sécuriser des partenariats hôteliers.
Par ailleurs, le risque d’attrition de l’offre hôtelière pourrait être moins important que prévu, les établissements touristiques mobilisés pour les acteurs des JOP n’étant pas les mêmes que ceux utilisés pour l’hébergement d’urgence et de nombreux hôtels ayant intérêt à maintenir leur partenariat social pour conserver une occupation à 100 % tout au long de l’année avec une garantie de paiement de l’État.
Source : DIHAL.
C. Les crédits dédiés au logement adapté (567,5 millions d’euros) marqués par la poursuivre du dispositif « logement d’abord »
Le premier plan « Logement d’abord » couvrant la période 2018-2022 a montré sa pertinence. Durant la période, 44 819 attributions de logements sociaux ont eu lieu pour des ménages se déclarant « sans abri ou en habitat de fortune » correspondant à environ 113 000 personnes. Près de 440 000 personnes ont été sorties de la rue et de l’hébergement d’urgence pour accéder à un logement pérenne.
nombre de personnes sans abri ou hébergéEs
ayant obtenu un logement pérenne
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Estimation du nombre de personnes hébergées ayant obtenu un logement social dans l’année |
30 000 |
32 000 |
31 000 |
38 000 |
38 500 |
Estimation du nombre de personnes sans abri ayant obtenu un logement social dans l’année |
16 000 |
18 000 |
18 000 |
23 000 |
23 550 |
Estimation du nombre de personnes ayant obtenu une place en pension de famille |
4 000 |
4 500 |
5 000 |
5 000 |
5 800 |
Estimation du nombre de personnes ayant obtenu un logement dans le parc privé via l’IML |
20 000 |
25 500 |
31 000 |
34 000 |
36 100 |
|
70 000 |
80 000 |
85 000 |
100 000 |
104 000 |
Source : Réponse au questionnaire budgétaire.
40 088 places en intermédiation locative (IML) et 7 210 places en pensions de famille ont été créées durant la durée du plan. Les 44 territoires volontaires souhaitant accélérer la mise en œuvre du plan ont bénéficié de crédits supplémentaires (46 millions d’euros entre 2018 et 2022 dédiés à l’ingénierie et l’expérimentation, en plus des crédits de droit commun de l’État) et mis en œuvre des actions diverses : modernisation et évolution des SIAO, création de plateformes de captation de logements privés pour l’intermédiation locative, production renforcée de pensions de famille, élaboration de programmes de formation pour les acteurs locaux, développement des observatoires locaux du sans‑abrisme et des opérations de recensement des personnes sans abri, optimisation et reconfiguration de l’offre d’accompagnement disponible. 2 200 places ont été ouvertes dans le cadre du dispositif « Un chez-soi d’abord » pour des personnes sans-abri présentant un trouble de santé mentale sévère, dans l’ensemble des grandes métropoles et plusieurs grandes villes (2 570 places ouvertes en tout).
Le lancement du nouveau plan quinquennal « Logement d’abord » 2023-2027 permet de prolonger l’ambition de 2018.
1. Des objectifs ambitieux sur l’ensemble de la durée du plan…
Outre la montée en puissance et la modernisation des SIAO, l’objectif d’attribuer chaque année un logement social à 10 000 personnes se déclarant sans abri ou en habitat de fortune et la production de nouveaux logements très sociaux, le nouveau plan quinquennal « Logement d’abord » a fixé des objectifs chiffrés en matière de création de places de 2023 à 2027 :
– 10 000 nouvelles places de pensions de famille (pour 22 659 existantes au 31 décembre 2022 dans les pensions de famille et résidences accueil) ;
– 25 000 nouveaux logements en résidences sociales en métropole (agréés en PLAI) et en outre-mer (pour 150 581 places en résidences sociales et 29 888 places en foyers au 31 décembre 2022) ;
– 30 000 nouvelles places d’IML (pour 74 050 places financées au 31 décembre 2022).
L’aide à la gestion locative sociale doit par ailleurs être revalorisée pour mieux accompagner les personnes logées tout en étant simplifiée dans ses règles d’octroi.
2. … qui donneront lieu à des réalisations concrètes dès cette année
La dotation consacrée au « logement adapté » atteint 567,5 millions d’euros dans le PLF 2024, soit une hausse de 11 millions d’euros par rapport à la LFI 2023. Cette dotation doit permettre :
– le financement des places de pension de famille créées en 2023 et l’ouverture de 1 600 nouvelles places en 2024 ;
– la poursuite du développement de l’intermédiation locative avec la pérennisation des places créées en 2023 et la création de 6 000 nouvelles places en 2024 ;
– le renforcement des moyens du programme EMILE dans le cadre du Pacte des solidarités afin d’amplifier les dispositifs mis en œuvre dans l’accompagnement personnalisé à l’accès à l’emploi et au logement de personnes sans domicile dans les territoires tendus (voir supra).
Par ailleurs, la dotation permettra le financement de 34 sites de 50 à 100 places chacun, déjà ouverts à pleine capacité ou en cours de montée en charge et l’ouverture de 4 nouveaux sites de 55 places en zone rurale au titre du dispositif « Un chez soi d’abord ». Elle finance également l’augmentation de 5 millions d’euros de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS), comme prévu par le deuxième plan « Logement d’abord » destinée à mieux soutenir les résidences sociales dans la mise en œuvre de leur mission sociale. Le programme de production de nouvelles résidences sociales n’est cependant pas décliné en jalons annuels.
II. le programme 109 : une hausse de plus d’un demi‑milliard d’euros pour les aides au logement
Le programme 109 est composé de deux actions :
– l’action 01 – Aides personnelles – qui porte la contribution budgétaire de l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) soit 13 892 millions d’euros en 2024 (contre 13 362 millions d’euros en 2023 soit une hausse de + 530 millions d’euros) ;
– l’action 02 – Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté – qui porte la subvention perçue par chaque agence départementale d’information sur le logement (ADIL) et l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL). Ce soutien de l’État est stable dans le PLF 2024 (9,4 millions d’euros contre 9,3 millions d’euros en 2023).
A. la revalorisation des aides au logement sanctuarisée
Le FNAL assume depuis 2016 le financement des différentes aides personnelles au logement : l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement à caractère social (ALS), l’allocation de logement à caractère familial (ALF) ainsi que la prime de déménagement (pour les bénéficiaires de l’APL ou de l’ALF). 5,797 millions de ménages étaient bénéficiaires des aides au logement en 2022 contre 6,034 millions en 2021, la baisse ayant été rendue possible par l’amélioration de la situation macro-économique.
évolution prévue des charges et des recettes du fnal
(en millions d’euros)
|
Exécution 2020 |
Exécution 2021 |
Exécution 2022 |
2023 (prévision PLF 2023) |
2024 |
Charges du FNAL |
16 950 |
15 989 |
15 876 |
16 315 |
16 966 |
Prestations APL |
7 291 |
6 892 |
6 925 |
7 227 |
7 626 |
Prestations ALS |
5 341 |
5 166 |
5 121 |
5 190 |
5 454 |
Prestations ALF |
3 986 |
3 617 |
3 519 |
3 578 |
3 555 |
Frais de gestion |
332 |
314 |
311 |
320 |
333 |
Ressources du FNAL |
17 016 |
16 136 |
15 876 |
16 315 |
16 966 |
Contribution employeurs |
2 477 |
2 600 |
2 740 |
2 887 |
3008 |
Surtaxe sur les plus-values immobilières |
43 |
43 |
|
|
|
Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux |
116 |
66 |
66 |
66 |
66 |
Contribution exceptionnelle Action Logement |
500 |
1000 |
|
|
|
Contribution État |
13 880 |
12 427 |
13 070 |
13 362 |
13 892 |
Source : Documents budgétaires.
En LFI 2023, les dépenses d’aides personnelles au logement (hors frais de gestion) étaient de 15 995 millions d’euros. Pour le PLF 2024, ces mêmes dépenses sont estimées à hauteur de 16 633 millions d’euros, soit une dépense supplémentaire prévisionnelle de 638 millions d’euros par rapport à la LFI 2023 (+ 3,8 %).
Cette évolution est liée aux facteurs suivants :
– diverses mesures sur les APL (+ 18 millions d’euros) : extinction de l'APL accession, partage de l’aide au logement pour les familles ayant des enfants en situation de résidence alternée, hausse du nombre d’étudiants boursiers (en raison de l’augmentation des échelons de bourses) ;
– la revalorisation des paramètres de dépense de logement selon l'indice de référence des loyers – IRL – (+ 513 millions d’euros) ;
– la revalorisation à l'IRL des forfaits applicables aux ressources des étudiants (– 122 millions d’euros) ;
– la revalorisation de l’abattement forfaitaire sur les ressources dit « R0 » selon l’indice des prix à la consommation – IPC (+ 269 millions d’euros) ;
– l’amélioration de la situation de l’emploi (– 92 millions d’euros) ;
– l’évolution naturelle des dépenses APL (+ 52 millions d’euros).
Le 1er octobre 2023 ([3]), les paramètres de dépense des aides personnelles au logement ont été revalorisés au niveau de l’IRL du deuxième trimestre plafonné à 3,5 %. Au 1er janvier 2024, le montant forfaitaire applicable aux ressources des étudiants sera revalorisé au niveau de l’IRL du troisième trimestre 2023 plafonné à 3,5 % et l’abattement forfaitaire des ressources R0 sera revalorisé au niveau de l’IPC estimé à 4,9 %.
Les règles de calcul des aides personnelles au logement ([4])
Les règles de calcul en vigueur des aides personnelles au logement peuvent être formalisées de la manière suivante.
APL versée = L + C – (P0 + Tp * (R – R0)) – 5
L désigne le loyer éligible, correspondant au loyer principal pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté en fonction de la zone géographique et de la composition familiale, à partir desquels il y a d’abord dégressivité puis annulation des APL. Concrètement, si le loyer réel de l’allocataire est supérieur au loyer plafond, le montant retenu pour le calcul est celui du plafond pertinent. En sus, deux seuils de loyers ont été créés en 2016 (premier seuil à partir duquel l’aide est dégressive, deuxième seuil à partir duquel l’aide est annulée) pour lutter contre les loyers élevés et favoriser l’optimisation de l’occupation du parc de logements, selon les capacités financières et la taille des ménages. Les aides personnelles au logement et le niveau des loyers sont aujourd’hui décorrélés, la grande majorité des loyers du parc privé étant supérieurs aux plafonds fixés.
C désigne le montant des charges forfaitaires, dit « forfait charges », qui dépend de la composition du foyer.
P0 désigne la participation minimale du ménage.
R représente les ressources du ménage, arrondies à la centaine d’euros supérieure. Pour les étudiants et depuis la réforme du versement contemporain des aides, R est remplacé par une constante dite montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants. Il est à noter que les ressources des parents ne sont pas prises en compte dans le calcul des aides pour les étudiants bénéficiaires rattachés à leur foyer fiscal.
R0 est un abattement forfaitaire appliqué aux ressources du ménage, son montant étant donc déduit de celui des ressources du bénéficiaire.
Tp représente le taux de prise en compte des ressources du ménage, calculé en fonction de la composition du foyer, du loyer éligible L et d’un loyer de référence.
Les paramètres de dépenses (variables L et C) ainsi que le montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants sont normalement revalorisés chaque année suivant l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL), qui correspond à la variation de la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’indice des prix à la consommation (IPC). La variable R0 est quant à elle revalorisée selon l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPC).
Source : Commission des finances.
En 2024, les recettes du FNAL provenant des taxes affectées sont estimées à 66 millions d’euros pour la taxe sur les bureaux en Île-de-France et à 3 008 millions d’euros pour la cotisation employeurs, soit un total de recettes de taxes affectées de 3 074 millions d’euros. La hausse de 121 millions du produit de la cotisation employeurs, + 4,2 % par rapport à 2023, résulte des hypothèses de croissance de la masse salariale.
B. la gestion des aides au logement par les caisses d’allocations familiales : la lutte contre les fraudes, une mission titanesque
Les caisses d’allocations familiales (CAF) sont aujourd’hui chargées du calcul et du versement des aides personnelles au logement. La nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) renouvelle le rôle des CAF en la matière.
1. Un retour à la normale dans le traitement des demandes
Alors que le rapporteur spécial avait souligné les difficultés de traitement des demandes afférentes aux aides au logement pour les CAF depuis la contemporanéisation du calcul des aides, la situation s’est améliorée en un an.
99 242 demandes d’aide au logement sont en stock au 30 septembre 2023 contre 173 419 l’année dernière à la même date, soit une diminution de près de 43 %. Les demandes d’aide au logement sont traitées en moyenne en 39,5 jours sur la période de janvier à septembre 2023 contre 42,9 jours en 2022. Près de la moitié des demandes d’aide au logement (45,6 %) sont traitées en moins de deux semaines et 20,4 % des demandes d’aide au logement sont traitées en plus de deux mois contre 24 % en 2022. Concernant les « anomalies » relatives à l’aide au logement, la volumétrie est en baisse constante depuis 2021.
nombre d’anomalies relatives aux aides au logement
Source : Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF).
Le plan de maîtrise de la production du service (PMPS) pour 2023 et la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) 2023‑2027 accentuent encore l’effort de gestion porté par les CAF pour un meilleur traitement des demandes. L’accent est porté sur les publics précaires, les étudiants en premier lieu, alors que les délais de traitement des aides au logement se sont détériorés pour cette catégorie (près d’un tiers de ces demandes ont fait l’objet d’un traitement de plus de 60 jours en 2022).
2. Les nouvelles orientations de la convention d’objectifs et de gestion (COG) en matière d’aides au logement
Pour contribuer à l’accès et au maintien dans le logement, la branche famille s’est vue dotée, lors de la dernière COG 2018-2022, d’une enveloppe de 800 000 euros abondant le fonds public et territoires (FPT) du fonds national d’activités sociales des entreprises (FNAS). Pour la COG 2023-2027, cette enveloppe est reconduite en tenant compte du tendanciel (passage du budget annuel de 800 000 à 1 000 000 d’euros). Cette enveloppe contribuera à l’émergence de solutions permettant l’accès au logement des jeunes et des personnes en difficulté à travers le soutien à la mise en relation entre l’offre et la demande (intergénérationnel notamment), le développement de solutions innovantes de logement (Tiny House, habitat inclusif ou partagé, etc.).
Par ailleurs, la branche famille s’est vue dotée d’une enveloppe supplémentaire de 5 millions d’euros par an à compter de 2024 pour la réalisation des diagnostics de non-décence suite à l’élargissement du périmètre des logements non décents aux logements énergivores et infestés par des nuisibles (notamment les punaises de lit).
3. La lutte contre la fraude et l’indécence : une mission impossible par rapport aux moyens des CAF
Pour lutter contre la fraude et les indus (les indus peuvent être générés de manière involontaire par les allocataires alors que la fraude se caractérise par l’intentionnalité de l’auteur pour un acte dont la matérialité est prouvée) les moyens des CAF sont aujourd’hui limités : environ 700 contrôleurs pour l’ensemble des aides de la branche famille.
Si les contrôles automatisés permettent de traiter un nombre important de dossiers (plus de 32 millions de contrôles en 2022 pour un taux d’indus et de rappels respectivement de 4 % et 3 %), les contrôles sur place sont nettement moins importants alors même qu’ils révèlent un taux d’indus et de rappels élevés (ce qui s’explique en partie par le ciblage des contrôles sur les dossiers les plus douteux) : 134 653 contrôles ont eu lieu pour la branche famille dans son ensemble en 2022, sans que les contrôles portant sur les aides au logement fassent l’objet d’une comptabilisation propre, révélant un taux d’indus de 65 % et un taux de rappels (régularisation à la hausse du montant de l’aide accordée) de 48 %. En 2022 au niveau de la branche famille, 30 390 allocataires ont été sanctionnés par une pénalité pour un montant global de 22,8 millions d’euros, soit un montant moyen de pénalité de 751 euros. Dans le cas des aides au logement, le caractère indu voir frauduleux de l’aide peut être lié à divers facteurs (déclaration de domiciliation, situation conjugale, etc.).
Au-delà des fraudes ou erreurs individuelles, la fraude à enjeux, réalisée par des bandes organisées, est aujourd’hui combattue par la création d’un service national de lutte contre la fraude à enjeux. Ce service est composé de 30 contrôleurs spécialisés provenant de différentes administrations (CAF, URSSAF, services des impôts, gendarmerie), et répartis dans cinq unités qui couvrent le territoire national.
Au total, le montant de la fraude détectée sur le champ des prestations d’aides au logement représente 43,4 millions, soit 12,4 % des cas de fraude en masse financière.
Enfin, au-delà de la question des fraudes, la CNAF est aussi chargée du contrôle de la non-décence des logements qui engage la responsabilité des propriétaires.
Le contrôle de la décence des logements par les CAF
Les allocations logement ne peuvent être versées que si le logement occupé respecte les critères de décence prévus à l’article R. 822‑24 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Si l’organisme payeur des APL constate que le logement ne satisfait pas à ses caractéristiques de décence, il suspend le versement et procède à la conservation de l’aide (selon les termes de l’article L. 843‑1 du CCH) dans l’attente de la mise en conformité du logement par le propriétaire. Pendant la période de conservation, seul le montant résiduel du loyer (soit le montant total du loyer duquel est soustrait le montant de l’allocation logement) reste à la charge du locataire. Une fois la mise en conformité du logement réalisée, le montant d’aide conservé est débloqué et versé soit directement au bailleur en cas de tiers-payant, soit à l’allocataire. Dans le cas contraire, l’aide est définitivement perdue. L’aide personnalisée au logement n’est pas concernée par ce dispositif.
Depuis le 1er janvier 2023, le non-respect du critère de performance énergétique minimale prévu à l’article R. 823-2 du CCH justifie la mise en place d’une procédure de conservation des aides pour non-décence du logement (article R. 843-4 du CCH).
Les CNAF sont dorénavant habilitées, suite à un signalement de non-décence, à demander le diagnostic de performance énergétique (DPE) lors des contrôles réalisés afin de vérifier la classe énergétique du logement et de mettre en place une conservation de l’aide le cas échéant. La branche famille s’engage également à exploiter les informations en provenance de nouveaux partenaires dont Histologe, service numérique déployé par l’État qui a vocation à devenir l’outil centralisé de recueil de l’ensemble des signalements liés au mal logement (insalubrité, défauts structurels, indécence, infractions aux règles sanitaires applicables aux logements, etc.). La hausse de 5 millions d’euros prévue par la COG doit permettre de financer les diagnostics de non-décence.
Si le nombre de conservations est en augmentation (1 952 conservations en cours au 1er janvier 2019 contre 2 912 conservations en cours en mars 2023 au titre de l’ensemble des indécences) et si le déploiement de la plateforme Histologe doit permettre la centralisation de tous les signalements et la simplification de la procédure de repérage des logements non-décents, le rapporteur spécial observe que les CAF ne disposent pas de moyens suffisants pour lutter contre les fraudes concernant les aides au logement :
– absence de moyens pour mener des contrôles sur place concernant la décence de logements, ce qui signifie que certains locataires ou leurs propriétaires pourraient percevoir des aides pour des logements qui ne réunissent pas les conditions décentes d’habitabilité ;
– absence de moyens pour mener des contrôles sur place concernant les occupants réels du logement, notamment pour détecter la fraude aux ressources des occupants, ce qui signifie que les CAF pourraient verser des aides au logement à des foyers qui n’y auraient pas droit ;
– absence de moyens pour contrôler le DPE des logements loués, ce qui signifie que des aides aux logements solvabilisent des locataires occupant des passoires thermiques.
Le législateur s’est manifestement trompé d’opérateur. Le rapporteur spécial rappelle que les CAF ont pour mission de verser des aides à la personne et non de gérer les données relatives aux diagnostics thermiques des logements. Elles ont déjà échoué concernant le contrôle de la décence du logement.
III. le programme 135 : un effort budgétaire majeur pour la rénovation énergétique et des dispositions fiscales pour relancer la production
La crise du logement neuf est réelle : Avec 152 300 logements commencés de janvier à juin 2023, le nombre de mises en chantier au premier semestre 2023 est à son point le plus bas depuis 2000 (y compris le premier semestre 2020). Le volume de mises en chantier au premier semestre 2023 est inférieur de 21 % par rapport au volume moyen enregistré au premier semestre sur la période 2010-2022. Cette baisse se traduit très directement pour la filière de la promotion immobilière : au second semestre 2023, les mises en vente et les ventes baissent respectivement de -28,8 % et de -30,8 %. Cette crise de la promotion immobilière risque d’avoir des effets directs sur la construction de nouveaux logements sociaux qui dépend pour plus de la moitié des programmes de vente de promoteurs immobiliers.
Source : SDES.
Au-delà du logement neuf, le nombre de transactions est également en baisse sensible, même s’il convient de souligner que cette baisse succède à des années exceptionnelles en matière de ventes. La FNAIM estime à 900 000 le nombre de ventes en 2023 soit une baisse marquée de 20 % des transactions par rapport à 2022. La baisse des prix, qui varie sensiblement selon les territoires (plus forte dans les métropoles où le prix des logements avait fortement augmenté ces dernières années et beaucoup plus faible en zone détendue), pourrait atteindre 5 % en moyenne en 2023 et paraît encore largement insuffisante pour compenser la perte du pouvoir d’achat immobilier lié à la hausse des taux d’intérêts.
L’autre enjeu majeur du logement, actuel et pour les années à venir, relève de la rénovation du bâti : le secteur résidentiel concentre 11 % des émissions de gaz à effet de serre, soit près de 47 MtCO2eq par an. La loi dite « Climat et résilience », notamment pour le parc locatif privé, a fixé un calendrier ambitieux de résorption des passoires thermiques. Le rapporteur spécial a déjà exprimé ses doutes sur la possibilité de tenir le calendrier fixé au regard du rythme d’avancée et des copropriétés et pour certains biens particuliers : bâtiments anciens, petites superficies, etc.
Les contraintes importantes de la loi dite « Climat et Résilience »
L’article 159 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit un gel des loyers pour les logements les plus énergivores.
Les hausses de loyers pour tous les logements des classes F et G quelles que soient les circonstances (nouvelle mise en location, reconduction ou renouvellement du bail) ont été interdites à partir du 25 août 2022 en métropole et à compter du 1er juillet 2024 en Guadeloupe, Martinique, Guyane, à la Réunion et à Mayotte.
Il sera également interdit de proposer à la location :
– dès le 1er janvier 2023 les logements classés G et considérés comme des « logements indécents » (consommation supérieure à 450 kWh/m² par an) ;
– à compter du 1er janvier 2025 en métropole (et du 1er janvier 2028 en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte), les logements dont le DPE est classé G ;
– à compter du 1er janvier 2028 en métropole (et du 1er janvier 2031 en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte), les logements dont le DPE est classé F ;
– à compter du 1er janvier 2034 en métropole, les logements dont le DPE est classé E.
Si le programme 135 n’a pas vocation à répondre aux crises territoriales du logement en matière de construction neuve en dépit des effets directs sur le nombre d’agréments de nouveaux logements sociaux, il fait en revanche montre d’une ambition sans précédent pour accélérer la rénovation énergétique du bâti. L’examen du PLF en première partie a permis d’améliorer un certain nombre de dispositifs, correspondant à des dépenses fiscales rattachées au programme 135, afin de permettre de relancer le secteur de la construction neuve. Il faut aller plus loin.
A. de nombreuses mesures en première partie de la loi de finances qui vont dans le bon sens mais qui doivent être renforcées
La « bombe sociale » à laquelle de nombreux acteurs politiques font maintenant référence est prise au sérieux par les pouvoirs publics. La première partie du projet de loi de finances, considérée comme adoptée en vertu de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, et complétée par certaines mesures d’ordre réglementaire, comportent plusieurs dispositifs permettant à la fois de solvabiliser davantage les ménages modestes et de classe moyenne tout en soutenant la production.
1. L’amélioration des dispositifs d’accès à la propriété
Le rapporteur spécial ne peut que regretter le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) pour le neuf en zone A et B1 que prévoit l’article 6 du PLF 2024 (à l’exception des opérations d’accession sociale à la propriété et des opérations réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville). Une telle mesure condamne l’accession à la propriété pour de nombreux habitants de territoires ruraux alors que les zones rurales résistent mieux à la baisse de la production de logements neufs que les zones tendues. En 2022, plus de 60 % des bénéficiaires du PTZ résidaient en zone détendue.
Le recentrage opéré s’est néanmoins accompagné d’une prorogation du dispositif avec plusieurs améliorations qui doivent être précisées :
– le plafond de ressources, qui n’avait pas été rehaussé depuis 2016, devrait permettre à 29 millions de ménages de devenir éligibles au PTZ, soit 73 % de la population française contre 23 millions auparavant, soit 61 % de la population française. Une hausse des plafonds de ressources de plus de 32 % en zone A et A bis, entre 15 et 20 % pour les autres zones serait ainsi prévue, accompagnée de la création d’une quatrième tranche ;
– le coefficient familial pris en compte dans le calcul du PTZ sera revalorisé pour mieux refléter les compositions familiales actuelles ;
– la quotité du coût total de l’opération finançable par le PTZ pour les ménages aux revenus les plus modestes passera de 40 à 50 % pour la première tranche.
La DHUP n’a pas été en mesure de transmettre une estimation du coût représenté par l’ensemble de la réforme du PTZ, dont les mesures d’amélioration ont été actées postérieurement à la transmission du PLF au Parlement. Le projet annuel de performances associe le PTZ à une dépense fiscale de 756 millions d’euros associée à un volume prévisionnel de 26 000 prêts émis dans le cadre du recentrage du dispositif, soit un coût générationnel d’environ 700 millions d’euros, contre 1,33 milliard d’euros de coût générationnel initialement prévu pour 2023 pour un effectif de prêts de 65 000.
Les plafonds d’éligibilité au bail réel solidaire (BRS) devraient également être rehaussés. La période récente a été marquée par un décrochage entre l’évolution des plafonds de ressources du BRS et du prêt social location-accession (PSLA) et celle des prix de ces logements. En outre, les plafonds de revenus BRS/PSLA ont augmenté moins vite que les revenus des ménages et des primo-accédants. Pour pallier ces difficultés, il est prévu de relever prochainement les plafonds de ressources des ménages éligibles au BRS/PSLA en les alignant sur ceux du PLS accession, avec une revalorisation sur la base de la variation annuelle de l’indice de référence des loyers (IRL) du troisième trimestre et non plus en fonction de l'évolution annuelle de l'indice des prix à la consommation.
2. Le soutien au logement locatif intermédiaire
Le soutien au logement locatif intermédiaire (LLI), régime dont peuvent bénéficier les investisseurs institutionnels, est une priorité des pouvoirs publics. Cette priorité se justifie par la non-reconduction du dispositif « Pinel » dont le terme est prévu au 31 décembre 2024 et qui est soumis aux mêmes plafonds de ressources et de loyers (inférieurs de 10 à 15 % au marché locatif social) comme de localisation en zone tendue. Le régime du LLI, qui a pour but d’aider les classes moyennes à se loger, est à la fois moins coûteux pour les pouvoirs publics que le dispositif « Pinel » et davantage pilotable et contrôlable que l’investissement de dizaines de milliers de personnes physiques. Les logements construits et l’entretien du parc sont également réputés de meilleure qualité que les logements des bailleurs privés ayant investi pour des raisons essentiellement fiscales. Le rapporteur spécial constate cependant qu’un tel choix, visant à promouvoir la « pierre papier » s’oppose à la tradition locative française caractérisée par un « attachement charnel » du propriétaire du propriétaire bailleur à son bien.
Institué à compter de 2014, le LLI institutionnel repose sur deux principaux avantages : un taux réduit de TVA de 10 % qui s’applique à l’acquisition ou à la livraison à soi-même du logement (art. 279 0‑bis A du code général des impôts), et une créance d’impôt sur les sociétés correspondant à l’exonération de TFPB d’une durée de vingt ans dont bénéficiaient les investisseurs avant la mise en œuvre de l’article 81 de la LFI 2022. Il bénéficie du prêt locatif intermédiaire (PLI) octroyé par la Banque des territoires et les établissements bancaires ayant conventionné avec elle. Une enveloppe de 5 milliards d’euros pour la période 2024‑2026 a été annoncée par la Banque des territoires pour son développement.
a. L’entrée de nouvelles communes en zone tendue pour pouvoir bénéficier du LLI
L’arrêté du 2 octobre 2023 modifiant l'arrêté du 1er août 2014 pris en application de l'article D. 304‑1 du code de la construction et de l'habitation a permis de procéder au reclassement de 209 communes en zone A bis, A et B1 (dont 153 en zone A et A bis), pour lesquelles le zonage ne correspondait plus à la réalité des tensions sur le marché du logement. Cet arrêté permet ainsi d’ouvrir le dispositif de LLI (ainsi que d’autres dispositifs comme le BRS ou le PTZ) à ces communes. La révision a été conduite pour cibler les communes ayant une profondeur de marché importante pour le développement du LLI. Les reclassements ont ainsi été opérés pour des communes de plus de 5 000 logements (selon les données de l’INSEE de 2019) sur la base des critères de tension suivants : des prix immobiliers dans l’ancien (évalués selon les données des bases notariales de 2021), et des loyers de marché hors charges dans le parc privé élevés (selon les données de la carte des loyers 2022 réalisée par l’ANIL).
Avec ces reclassements, le nombre de logements dans les communes éligibles au LLI s’est accru de 11 %. Il convient par ailleurs de noter que l’article 6 du PLF 2024 ouvre également le bénéfice du taux réduit de TVA à 10 % à certains territoires prioritaires ([5]) – certains territoires non tendus ont des besoins de développement du parc de logement notamment pour ceux où il existe des programmes de revitalisation ou qui se réindustrialisent – ainsi qu’aux logements résultant d’opérations d’acquisition-amélioration conduisant à une amélioration de la performance énergétique et aux travaux d’amélioration conduits dans le cadre de ces opérations d’acquisition-amélioration.
b. L’élargissement du LLI aux particuliers
L’article 6 confirme également l’éligibilité des sociétés civiles de placement immobilier dont le capital est détenu en totalité, directement ou indirectement, par des personnes passibles de l’IS. Le rapporteur spécial a plaidé pour un élargissement plus franc vers les SCPI dont le capital est détenu par des personnes passibles à l’IR. Le Gouvernement a permis d’élargir dans cette direction le LLI en reprenant plusieurs amendements parlementaires qui vont dans ce sens, afin de drainer l’épargne des particuliers, à côté de l’intervention des investisseurs institutionnels.
L’ensemble de ces mesures vont dans le bon sens pour le rapporteur spécial. Il doute cependant que les avantages fiscaux du LLI produisent une rentabilité locative suffisante pour attirer les investisseurs institutionnels alors que la dette publique non risquée est rémunérée à des niveaux élevés ([6]). D’autres mesures, d’ordre ni budgétaire ni fiscal, pourraient également être prises pour favoriser le déploiement du LLI (favoriser l’accession de logements intermédiaires en étendant notamment le périmètre de compétence des sociétés de vente HLM, ouvrir la possibilité pour les entreprises sociales de l’habitat de détenir plus de 10 % de leur patrimoine en LLI, etc.).
3. Une révision de la fiscalité locative qui démarre
Tous les acteurs du logement s’accordent à dire qu’il est absolument nécessaire de redonner un cadre fiscal plus simple et plus juste pour éviter tout effet de déport de biens du marché du logement vers le marché de la location touristique de courte durée. Les simplifications et allègements dont bénéficie la location de locaux classés meublés de tourisme par l’application du régime micro-BIC apparaissent aujourd’hui disproportionnés au regard de ceux applicables à la location de locaux meublés classiques et plus encore à la location nue. Ce constat est accentué par les rehaussements opérés depuis 2018 des seuils du régime micro-BIC applicables aux locations classées (de 82 800 euros à 170 000 euros et, depuis le 1er janvier 2023, à 188 700 euros). Si la réflexion n’est pas encore aboutie et devra être prolongée, le Gouvernement propose dans le PLF 2024 de revoir le régime forfaitaire d’imposition micro-BIC en proposant deux seuils d’application différents en fonction du chiffre d’affaires, et deux abattements différents, selon la catégorie d’activité exercée.
Une première mesure de rééquilibrage dans le PLF 2024
Afin de lutter contre le phénomène d’attrition des résidences principales dans les zones touristiques, l’amendement déposé par le Gouvernement en vue de l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale (I-5117) aligne les conditions d’application du régime de simplification micro-BIC applicables à la location de locaux classés meublés de tourisme sur celui de la location de locaux meublés classiques. Dès lors, la location de locaux classés meublés de tourisme relèvera désormais du second seuil, celui de 77 700 euros, et bénéficiera de l’abattement forfaitaire représentatif de charges de 50 %.
En complément, afin de soutenir l’offre de logements touristiques en zone rurale, le même amendement instaure un dispositif incitatif au maintien et au développement d’une offre de locaux classés meublés de tourisme dans les territoires en déficit d’offre touristique, non concernés par la problématique d’attrition des résidences principales. Ainsi, les contribuables imposés au régime micro-BIC et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 000 euros au titre de leurs activités de location meublée, proposant à la location des locaux classés meublés de tourisme en zone rurale, devraient bénéficier d’un abattement supplémentaire de 21 %. Ce dispositif s’appliquera à la location de locaux classés meublés de tourisme situés dans des zones géographiques ne se caractérisant pas par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements. Le seuil de chiffre d’affaires sera actualisé régulièrement dans les mêmes conditions et aux mêmes intervalles que les seuils d’application du régime d’imposition micro-BIC.
Le rapporteur spécial salue cette première mesure, qui est toutefois encore largement insuffisante. À l’initiative du groupe « Horizons », la commission des finances avait adopté un amendement plus ambitieux proposant d’inverser le régime fiscal avec un taux d’abattement et un plafond permettant de bénéficier du régime micro-foncier pour les locations de longue durée supérieur au taux d’abattement pour les locations touristiques de courte durée (pour celles qui ne sont pas classées au moins 3 étoiles). Plus largement, une réflexion doit être conduite sur les avantages dont bénéficie la location meublée par rapport à la location en matière de régime d’amortissement et de taxation des plus-values lorsque les revenus locatifs ont été déclarés au régime réel.
Dit autrement, et dans la perspective de la remise à plat de la fiscalité locative pour 2025, annoncée par le ministre en charge du logement Patrice Vergriete, il est urgent de distinguer les services rendus par des logements sous bail (meublés ou nus) et les services de logements facturés.
B. les crédits du programme 135 : une hausse très forte en faveur de la rénovation énergétique
Le programme 135 comporte une dotation de 1,513 milliard d’euros en AE et 1,538 milliard d’euros en CP, soit une augmentation très importante de 88 % en AE et 92 % en CP.
évolution des crédits du programme 135
(en millions d’euros)
|
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution entre le PLF 2024 et la LFI 2023 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
01 – Construction locative et amélioration du parc |
43 |
18 |
15 |
34,8 |
– 28 |
+ 16,8 |
02 – Soutien à l’accession à la propriété |
4,1 |
4,1 |
4,2 |
4,2 |
+ 0,1 |
+ 0,1 |
03 – Lutte contre l’habitat indigne |
15,5 |
15,5 |
15,5 |
15,5 |
0 |
0 |
04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction |
455,3 |
455,3 |
1 179,5 |
1 179,5 |
+ 724,2 |
+ 724,2 |
05 – Innovation, territorialisation et services numériques |
35,3 |
33 |
39 |
39 |
+ 3,7 |
+ 6 |
07 – Urbanisme et aménagement |
249,9 |
254,9 |
259,7 |
265,7 |
+ 9,8 |
+ 10,8 |
TOTAL |
803,1 |
780,8 |
1 512,9 |
1 538,7 |
+ 709,8 |
+ 757,9 |
Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.
L’action 01 porte les crédits du Fonds national des aides à la pierre, versés au programme 135 par voie de fonds de concours (voir infra). Sur le noyau budgétaire, elle finance le système national d’enregistrement de la demande de logement social (SNE) et accueille les subventions accordées aux collectivités territoriales au titre de l’accueil des gens du voyage. Pour la première année, elle porte les crédits de compensation de l’exonération de TFPB au profit du logement social (7 millions d’euros). La baisse en AE est liée au fait que la totalité des AE au titre de l’engagement pour le renouveau du bassin minier dans les départements du Nord et du Pas de Calais ont été exécutées en 2022 et 2023.
L’action 02 correspond aux commissions de gestion versées à la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS).
L’action 03 finance différents dispositifs de lutte contre l’habitat indigne et l’exposition au plomb : diagnostics et contrôles, travaux d’office en cas de carence du propriétaire, accueil des occupants en cas de défaillance des propriétaires, majoration des aides de l’ANAH pour les propriétaires modestes.
En dehors des crédits dédiés aux contentieux de l’habitat (astreintes versées au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement – FNAVDL – au titre du droit au logement opposable) et de l’urbanisme, aux recherches et études dédiées à la politique de la construction ainsi qu’à l’observatoire des loyers, l’action 04 contient principalement les subventions allouées à l’ANAH au titre de son fonctionnement, des aides à la rénovation énergétique et d’adaptation à la perte d’autonomie et au handicap.
L’action 05 regroupe les crédits de l’activité des commissions de médiation du droit au logement opposable, des études en matière de logement (notamment l’enquête nationale logement 2023), des activités de communication et d’information du public et des professionnels du secteur, des activités liées à la maintenance et au développement des services et applications informatiques nationales (ORTHI, système d’information des aides à la pierre, etc.) dont les crédits sont en hausse, des activités liées à l’accompagnement numérique, des activités de formation continue des agents.
L’action 07 permet principalement de financer les EPA (établissements publics d’aménagement), qui bénéficient d’une enveloppe supplémentaire de près de 9 millions d’euros dans le PLF 2024 (64,3 millions d’euros en CP), notamment au titre des OIN (opérations d’intérêt national), et de compenser les effets de la réforme de la taxe spéciale d’équipement pour les EPF (établissements publics fonciers). Elle finance également divers dispositifs d’évaluation et d’élaboration des politiques d’urbanisme. En ce qui concerne les OIN, le rapporteur spécial s’interroge sur la plus-value de l’État à piloter localement un dispositif de production de logements. Dans les débats à venir sur une hypothétique décentralisation de la politique du logement, il juge que les métropoles seraient de bien meilleurs pilotes.
1. L’augmentation massive des moyens de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) : une ambition sans précédent pour la rénovation thermique des logements des particuliers
L’ANAH bénéfice d’une hausse massive de ses dotations dans le PLF 2024 au titre du programme 135 : 1,038 milliard d’euros pour la rénovation énergétique des logements privés (+ 669,4 millions d’euros par rapport à la LFI 2023), 67 millions d’euros au bénéfice de la perte d’autonomie et du handicap (+ 32 millions d’euros par rapport à la LFI 2023) ainsi qu’une nouvelle enveloppe pour les dépenses de fonctionnement de l’Agence (+ 19 millions d’euros). Cette enveloppe s’ajoute au financement en provenance du programme 174 Énergie, climat et après-mines.
a. Une hausse de 1 milliard d’euros en AE et 500 millions d’euros en CP des moyens de l’ANAH
financements budgétaires de l’anah
(en millions d’euros)
|
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Écart PLF 2024 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
Financement P174 |
2 450,0 |
2 300,0 |
2 700,9 |
2 069,0 |
+ 250,9 |
– 231,0 |
dont rénovation énergétique (pilier "efficacité" ainsi que le financement des aides pour les ménages intermédiaires et supérieurs du pilier "performance") |
2 450,0 |
2 300,0 |
2 700,9 |
2 069,0 |
+ 250,9 |
– 231,0 |
Financement P135 (hors expérimentation de la lutte contre l’habitat indigne de 10 millions d’euros) |
403,9 |
403,9 |
1 124,7 |
1 124,7 |
+ 720,8 |
+ 720,8 |
dont rénovation énergétique (copropriétés et pour les ménages aux revenus modestes et très modestes du pilier "performance") |
368,9 |
368,9 |
1 037,8 |
1 037,8 |
+668,9 |
+668,9 |
dont MaPrimeAdapt’ |
35,0 |
35,0 |
67,0 |
67,0 |
+ 32,0 |
+ 32,0 |
dont fonctionnement, investissement et personnel |
– |
– |
19,4 |
19,4 |
+ 19,4 |
+ 19,4 |
Total versement |
2 853,9 |
2 703,9 |
3 825,6 |
3 193,7 |
+ 971,7 |
+ 489,8 |
Source : DHUP.
Par ailleurs, plusieurs mesures complémentaires devraient être mises en œuvre sur la base de dispositifs existants :
– un renforcement de l’intervention de l’ANAH en Outre-mer par l’adaptation de « MaPrimeRénov’ (MPR) Copropriétés » (+ 10 millions d’euros), la hausse de 35 % à 50 % du taux de financement des propriétaires bailleurs pour des travaux sur l’habitat dégradé (+ 3 millions d’euros) et de l’ouverture de MPR à Saint-Pierre-et-Miquelon (+ 1 million d’euros), soit une enveloppe totale de 14 millions d’euros ;
– le déplafonnement des avances pour les copropriétés en difficulté et dégradées (soit un décaissement anticipé de 17 millions d’euros par an de 2024 à 2027) ;
– la prestation complémentaire de MonAccompagnateurRénov’ « très social » dont le surcoût est estimé à 2 000 euros par prestation en complément de l’aide socle apportée par le programme des certificats d’économie d’énergie – CEE – (+ 17 millions d’euros financés en partie par le transfert de l’ensemble des prestations d’accompagnement de la rénovation énergétique pour « MPR Sérénité » et « MPR Copropriétés » sous financement des CEE).
L’ANAH bénéficie par ailleurs d’une hausse de 55 nouveaux ETP (le plafond d’emplois est de 452 ETPT dans le PLF 2024). Les objectifs sont multiples : internalisation de certaines missions confiées à des prestataires externes, sécurisation de la distribution de MPR en garantissant un traitement rapide des dossiers en difficulté, lutte contre la fraude, soutien de l’accélération des dispositifs d’intervention.
b. Les deux piliers des aides à la rénovation énergétique
À partir du 1er janvier 2024, le système des aides à la rénovation énergétique du parc résidentiel privé est réformé en profondeur. L’objectif est de respecter la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre du parc résidentiel et de réaliser 200 000 rénovations globales par an (contre près de 70 000 en 2022). Les trois dispositifs existants – MPR, MPR Sérénité, MPR Copropriétés – sont restructurés autour de deux parcours :
– le pilier « performance » est destiné aux propriétaires qui souhaitent financer des projets de rénovation d’ampleur en une ou deux étapes. Face à des travaux complexes, le recours à un accompagnateur « MonAccompagnateurRénov’ » devient obligatoire et l’aide est proportionnelle au coût des travaux. Les passoires énergétiques bénéficieront d’un financement majoré ;
– le pilier « efficacité » est destiné aux propriétaires qui ciblent la décarbonation du chauffage dans les logements qui ne sont pas des passoires thermiques (lettrage thermique A, B, C, D ou E objectivé par un diagnostic de performance énergétique – DPE) ouvert à tous les ménages à l’exception des ménages aux ressources supérieures. Cette modification est pleinement cohérente avec la recommandation adressée par le rapporteur spécial dans son évaluation du printemps 2023. L’installation d’un système de chauffage renouvelable (chauffage des locaux, ou de l’eau chaude sanitaire) en remplacement d’un système de chauffage fossile sera obligatoire pour bénéficier des aides du pilier efficacité. Il sera possible de demander des forfaits complémentaires, par exemple pour les gestes d’isolation réalisés sur le modèle actuel du barème forfaitaire de MPR.
Pour le parcours accompagné, les travaux réalisés devront permettre de réaliser au moins deux sauts de classe thermique. La prise en compte à chaque fois d’une assiette plus grande de travaux subventionnables en passant à la classe thermique supérieure vise à encourager les rénovations les plus ambitieuses possible. Afin de simplifier les parcours, les CEE seront valorisés directement par l’ANAH ([7]) : le ménage n’aura donc pas besoin de constituer un deuxième dossier pour solliciter une aide CEE et ainsi minimiser son reste à charge. Les taux de subvention seront dégressifs en fonction des revenus des ménages et seront largement revalorisés par rapport à la situation actuelle. Les propriétaires bailleurs modestes et très modestes pourraient avoir accès à cette aide à partir du 1er juillet 2024.
« Mon Accompagnateur Rénov’ » (MAR’) :
l’acteur clé des rénovations performantes
Définie par la loi dite « Climat et Résilience » de 2021, la mission d’accompagnement du service public est entrée en vigueur au 1er janvier 2023, sous l’appellation « Mon Accompagnateur Rénov’ » (MAR’), qui de manière transitoire désigne les opérateurs de l’ANAH intervenant dans le cadre de MPR Sérénité et Loc’Avantages (déjà soumis à obligation d’accompagnement) ainsi que dans les espaces conseil « France rénov’ » assurant la mission d’accompagnement du programme SARE (service d’accompagnement à la rénovation énergétique) piloté par l’ADEME.
L’ANAH a lancé le 1er mai 2023 la plateforme d’agrément des acteurs souhaitant devenir MAR’. Au 1er octobre, 1 285 comptes ont été créés, 333 dossiers ont été déposés en demande d'agrément, et 61 agréments ont été délivrés. Un stock suffisant d’acteurs privés et publics devra être constitué en 2024 sur l’ensemble du territoire.
À partir de janvier 2024, les acteurs devront être agréés pour assurer la mission d’accompagnement. Le cahier des charges des MAR’ défini par l’arrêté du 21 décembre 2022 entrera en vigueur à cette occasion (sauf pour les opérations programmées de l’habitat et pour les programmes d’intérêt général en cours, dont l’intégration des missions complètes du MAR’ se fera au 1er janvier 2026).
À compter du 1er janvier 2024, le financement de la prestation d’accompagnement sera porté uniquement par l’ANAH et doté d’une enveloppe de 300 millions d’euros :
– la prestation d’accompagnement sera financée à hauteur de 100 % pour les ménages aux revenus très modestes, 80 % pour les ménages modestes, 40 % pour les ménages intermédiaires et 20 % pour les ménages supérieurs, dans la limite d’un coût plafond de 2 000 euros ;
– la subvention sera versée directement au ménage, conjointement avec l’aide finançant les travaux ;
– en 2025, un canal unique et simplifié pour cumuler l’aide de l’ANAH et celle des collectivités territoriales au titre de l’accompagnement des ménages devrait être créé.
Outre ces enjeux de cofinancement entre l’ANAH et les collectivités territoriales, la concertation nationale pour un pacte territorial entre l’État et les collectivités sur le service public France Rénov’, lancée le 11 mai dernier, a permis d’acter le principe d’une animation territoriale par les collectivités des accompagnateurs agréés. L’objectif est de créer un écosystème vertueux France Rénov’ et d’articuler l’ensemble des acteurs du service public autour de parcours usagers adaptés aux enjeux locaux de rénovation des logements.
Source : DHUP.
Le soutien aux copropriétés sera maintenu dans la version « MPR Copropriétés » actuelle à court terme pour ne pas bousculer les projets actuellement en cours de montage mais les aides seront revalorisées (taux de subvention passant de 25 % à 30 %, augmentation du bonus de « sortie de passoire », transformation de la prime dédiée aux copropriétés fragiles de 3 000 euros par logement en une prime de 20 % du montant des travaux financés).
c. La réduction du reste à charge pour les ménages les plus modestes
Le taux de prise en charge pourra atteindre 90 % pour les ménages très modestes réalisant une rénovation énergétique de leur logement F ou G qui atteint la classe D après rénovation. Les ménages modestes bénéficieront d'un financement pouvant aller jusqu'à 70 % avec les mêmes plafonds de dépenses éligibles. L'enveloppe d’aide pourra atteindre 70 000 euros hors taxes pour des projets permettant un saut de quatre classes du DPE. Ces taux de prise en charge sont en forte augmentation par rapport à l'aide MPR Sérénité actuelle qui était, avant le 1er octobre 2023, de 50 % pour les ménages très modestes et 35 % pour les ménages modestes, dans la limite d'un plafond de dépenses éligibles de 35 000 euros.
Le reste à charge pourra continuer à être financé en 2024 par le dispositif des éco‑PTZ dont le couplage avec les aides de l'ANAH est renforcé. L’article 6 du PLF 2024 prévoit que le plafond et la durée du prêt pour les rénovations d'ampleur pourront atteindre 50 000 euros pour une durée d’emprunt de 20 ans. Des progrès sont d’ores et déjà enregistrés en 2023 avec l’émission de 100 000 éco‑PTZ, soit un record depuis le lancement du dispositif en 2009.
d. Le lancement de MaPrimeAdapt’
Aujourd’hui, les travaux d’adaptation des logements au vieillissement et au handicap sont financés par différentes aides de l’État : le dispositif « Habiter Facile » de l’ANAH, le dispositif « Habitat cadre de vie » de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et le plan « douches » d’Action Logement achevé en avril 2021. Sur la période 2019‑2022, le nombre de logements aidés avec les aides actuelles s’élève à 30 000 en moyenne par an.
Pour accélérer encore davantage la dynamique d’adaptation des logements et pour simplifier les procédures pour les demandeurs, une aide unique MaPrimeAdapt’ (MPA) entre en vigueur au 1er janvier 2024. Ciblée sur les personnes modestes ou très modestes, cette aide bénéficiera aux personnes d’au moins 70 ans sans condition de perte d’autonomie. Elle sera également ouverte aux personnes de 60 à 69 ans en perte d’autonomie précoce, ainsi qu’aux personnes en situation de handicap quel que soit leur âge. Le taux de subvention est de 70 % pour les ménages très modestes et 50 % pour les ménages modestes.
L’objectif est de soutenir l’adaptation de 680 000 logements aidés sur les dix prochaines années, A horizon 2027, cette trajectoire permettra de doubler le nombre de logements adaptés par an (60 000 logements adaptés en 2027 contre 30 000 actuellement).
En parallèle du lancement de MPA, le crédit d’impôt autonomie qui permet à un ménage d’obtenir jusqu’à 10 000 euros pour réaliser des travaux d’accessibilité ou d’adaptation de son logement, a été prolongé jusqu’en 2025. Cette prolongation temporaire du crédit d’impôts permet d’offrir une solution de financement aux ménages aux revenus intermédiaires non éligibles à MPA et présentant néanmoins des fragilités avérées dans l’attente du déploiement de mesures ciblant ces publics (extension de MPA, mise en place d’un diagnostic universel pour tous, etc.).
2. Les difficultés financières du secteur social
Les crédits du fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui permet de subventionner les organismes de logement social pour produire des logements, sont versés sur l’action 01 du programme 135 via des fonds de concours.
recettes du fnap de 2018 à 2023
(en millions d’euros)
Recettes |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
CGLLS |
375 |
375 |
75 |
75 |
75 |
75 |
Action Logement |
50 |
50 |
350 |
350 |
350 |
300 |
État |
38,8 |
0 |
0 |
8 |
0 |
0 |
Prélèvements SRU |
0,38 |
0,43 |
0,5 |
1 |
0,4 |
0,5 |
Majoration SRU |
28,35 |
27,6 |
25 |
35,5 |
27 |
35 |
Remboursement des fonds de concours |
0 |
0 |
79,5 |
40,1 |
243,9 |
0 |
Fonds d’aménagement urbain |
0 |
5,7 |
2,9 |
2,2 |
0,3 |
0 |
Total |
492,6 |
458,9 |
533 |
503,8 |
696,6 |
410,5 |
Les données de 2017 à 2022 proviennent des comptes financiers, les données 2023 proviennent du budget rectificatif n° 1 de 2023 voté le 2 mars 2023.
Source : DHUP.
Pour 2024, la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) est maintenue à 75 millions d’euros et le montant de la contribution d’Action Logement diminue de moitié pour atteindre 150 millions d’euros. 2023 devrait être la dernière année de contribution au FNAP, conformément à la nouvelle convention quinquennale qui lie Action Logement à l’État. Si en 2024, le niveau de trésorerie du FNAP devrait être suffisant pour financer la construction des logements sociaux nouvellement agréés, les interrogations demeurent concernant les ressources du FNAP à partir de 2025 alors qu’une décentralisation de son financement est évoquée par certains acteurs.
Dans le projet annuel de performances, une ouverture de 541,7 millions d’euros en AE et de 284,1 millions d’euros en CP est prévue au titre des fonds de concours de l’action 01 du programme 135, provenant principalement du FNAP.
Le rapporteur spécial s’interroge sur la capacité du FNAP à faire face à l’ensemble des engagements pris et qui donneront lieu à des décaissements sur plusieurs années (la « dette » du FNAP). Une éventuelle décentralisation de la compétence du logement social ne peut être envisagée sérieusement que, si et seulement si, cette situation est assainie. Le rapporteur spécial pourrait se saisir de ce sujet lors du prochain printemps de l’évaluation.
La nouvelle convention quinquennale d’Action Logement
marque une ambition renouvelée
La convention quinquennale 2023-2027 prévoit :
– le soutien au secteur de la construction à hauteur de 10,75 millions d’euros à destination des bailleurs et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine à travers des prêts bonifiés, des subventions, des apports fonds propres ou des titres participatifs. Les filiales immobilières d’ALI devront produit 200 000 logements sur la période et en rénoveront autant ;
– une contribution à la transition écologique et à la stratégie bas-carbone, visant à réduire de 55 % les émissions de carbone en 2030 et à éradiquer les passoires thermiques de son parc en devançant les obligations de la loi « Climat et résilience » ;
– le soutien à l’emploi et la réindustrialisation par l’attribution aux salariés de 650 000 logements proches du lieu de travail. Plusieurs autres dispositifs sont également prévus (aides à la mobilité, investissements dédiés aux territoires d’implantation des entreprises) ;
– le soutien à l’accession à la propriété, Action Logement devant y consacrer 1 % de ses constructions et de ses ventes HLM ;
– la sécurisation des salariés via la garantie Visale avec l’extension aux saisonniers et aux indépendants, ce qui représente l’octroi de la garantie à 2 millions de ménages supplémentaires à droit constant.
La ventilation des engagements totaux 2023-2027 de 14,44 milliards d’euros est la suivante : 3,67 milliards d’euros pour les prêts, aides et services aux personnes physiques, 5,475 milliards d’euros pour le financement des bailleurs sociaux et intermédiaires, 5,3 milliards d’euros pour les politiques publiques.
Le montant des émissions obligataires d’ALS est limité à 3,3 milliards d’euros sur la période 2023-2027.
Le respect du principe de non‑discrimination (attribution équitable du produit de la PEEC entre l’ensemble des OHLM, indépendamment du lien capitalistique de l’organisme avec Action Logement) sera au cœur de l’attention des pouvoirs publics.
a. Une situation financière qui s’obscurcit
Alors que 123 000 agréments avaient été accordés en 2016, moins de 90 000 agréments devraient être délivrés en 2023 contre un objectif de 110 000 agréments prévus pour cette année : la décélération de la production de logements sociaux se poursuit. Celle-ci est liée pour partie à la faible disponibilité du foncier, à l’augmentation du coût de construction et à la dégradation de la santé financière des promoteurs immobiliers. Le rapporteur spécial rappelle que 54 % des logements sociaux produits le sont aujourd’hui dans des opérations mixtes de promotion immobilière : la première mesure à prendre pour sauver la production de logements sociaux consiste à soutenir la promotion immobilière, aussi paradoxal qu’un tel constat puisse paraître ! Par ailleurs, la vente à perte est le modèle des opérations dites mixtes ou complexes puisque c’est l’accédant à la propriété ou l’investisseur qui déficit le déficit des opérations HLM.
Le plan d’achat de CDC Habitat et d’Action Logement
pour donner un peu d’oxygène aux promoteurs
Suite aux annonces du Conseil national de la refondation (CNR) pour le volet logement, CDC Habitat et Action Logement déploient chacun un programme d'investissement pour acquérir 47 000 nouveaux logements (30 000 par Action Logement et 17 000 par CDC Habitat). Cette initiative vise à faciliter les projets avec les promoteurs, en se concentrant principalement sur l'acquisition de programmes de logements intermédiaires et sociaux en vente en état futur d'achèvement (VEFA), en préparation ou même déjà en construction.
Pour Action Logement, 400 promoteurs ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt comprenant 94 000 logements proposés à l’acquisition par les filiales du groupe. Plus de 20 000 ont fait l’objet d’un accord et 51 000 sont en cours d’étude. Il a été ainsi demandé aux filiales immobilières du Groupe d’acheter des logements dans le plus grand nombre de programmes pour en débloquer le maximum.
Source : Commission des finances d’après les informations transmises par Action Logement.
Mais la baisse du nombre d’agréments est aussi due en grande partie à la dégradation financière des bailleurs sociaux, directement affectés par la hausse du taux du livret A (TLA) qui alourdit automatiquement la charge de la dette, alors que le niveau d’endettement des bailleurs est déjà élevé. D’autres facteurs contribuent à la hausse des coûts des organismes de logement social : la hausse de la taxe foncière, la hausse du coût du foncier et de la construction, l’augmentation des frais de gestion. Ces dépenses en hausse ne sont que partiellement compensées par la hausse des loyers qui suit l’IRL.
Selon les informations transmises par l’Union sociale pour l’habitat, l’autofinancement net des organismes Hlm pourrait passer de 16 % en 2021 à 8 % en 2024, limitant d’autant la capacité d’investissement. La capacité pour les organismes de logement social à absorber cette forte hausse dépend de la durée de maintien du TLA à un haut niveau.
projections financières de l’USH
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Recettes |
21,4 |
21,7 |
22,8 |
23,9 |
25,0 |
Loyers avant RLS |
22,8 |
23,2 |
24,3 |
25,3 |
26,5 |
RLS |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
Loyers quittancés |
21,6 |
22,0 |
23,1 |
24,2 |
25,3 |
Autres produits |
0,2 |
0,2 |
0,2 |
0,2 |
0,2 |
Pertes liées à la vacance et aux impayés |
– 0,5 |
– 0,5 |
– 0,5 |
– 0,5 |
– 0,5 |
Dépenses hors annuités |
11,0 |
11,3 |
11,9 |
12,3 |
12,7 |
Frais de gestion nets et hors TFPB |
5,1 |
5,3 |
5,5 |
5,7 |
5,8 |
dont cotisation CGLLS |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Entretien courant et gros entretien |
3,5 |
3,6 |
3,7 |
3,9 |
4,0 |
TFPB montant net |
2,4 |
2,5 |
2,6 |
2,8 |
2,9 |
Solde avant annuités |
10,4 |
10,4 |
10,9 |
11,6 |
12,2 |
Intérêts des emprunts locatifs |
1,9 |
2,1 |
4,0 |
6,0 |
6,1 |
ICNE |
0,0 |
1,2 |
1,3 |
0,0 |
0,0 |
Solde avant amortissement |
8,5 |
7,1, |
5,6 |
5,6 |
6,1 |
Amortissement des emprunts locatifs |
6,2 |
5,7 |
4,5 |
4,6 |
5,0 |
Autofinancement locatif |
2,3 |
1,4 |
1,1 |
1,0 |
1,1 |
en % des loyers |
11 % |
6 % |
5 % |
4 % |
4 % |
Produit de la vente |
1,2 |
1,2 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
Autofinancement global |
3,5 |
2,6 |
2,1 |
1,9 |
2,1 |
en % des loyers |
16 % |
12 % |
9 % |
8 % |
8 % |
Source : USH.
b. Des dispositifs bienvenus pour aider les bailleurs à rénover leur parc
L’édition « Perspectives » de 2023 de la Banque des territoires permet d’objectiver la difficulté pour les bailleurs sociaux de mener à bien deux missions majeures – construire des logements neufs et rénover le parc social dans le cadre de la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone – :
« Dans notre scénario volontariste en termes de rénovation, le secteur pourrait progressivement augmenter son effort et arriver au niveau important de 125 000 logements rénovés par an en 2026 et 2027. Une fois cette phase d’accélération passée, notre scénario prévoit que la trajectoire de réhabilitations reviendrait à un rythme de 80 000 unités par an, soit un niveau toujours ambitieux et supérieur à celui des constructions neuves de longue période (66 000 unités par an). Cet effort conséquent pèserait de manière différenciée sur les bailleurs sociaux, selon leur situation financière initiale et les caractéristiques de leur parc. »
Autrement dit, dans l’hypothèse où l’ensemble de l’effort des bailleurs sociaux serait porté à la rénovation de leur parc, le nombre de logements sociaux construits annuellement baisserait sensiblement (hors mesures d’accompagnement de l’État). Dans ce contexte, plusieurs mesures permettant de soutenir la rénovation du parc social ont été annoncées :
– le dispositif de « seconde vie » propose de faire bénéficier d’une exonération de TFPB de 15 ou 25 ans les logements sociaux ayant fait l’objet d’une rénovation lourde. Il poursuit la rénovation de 10 000 logements sociaux (de classe énergétique F et G) pour les amener à des niveaux de consommation équivalents aux logements neufs (étiquette B au moins), ce qui représente un coût annuel par génération de 6,5 millions d’euros et un coût générationnel sur 25 ans de 163 millions d’euros ;
– une enveloppe budgétaire de 1,2 milliard d’euros sur trois ans annoncée par le ministre du logement lors du Congrès de l’USH au mois d’octobre. Cette enveloppe a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement de 400 millions d’euros en AE et 40 millions d’euros en CP. Cette enveloppe substantielle fait suite aux aides du plan de relance et de l’ouverture d’une enveloppe dédiée de 200 millions d’euros en LFI 2023 (objectif de 37 277 logements rénovés), une partie de cette enveloppe étant affectée à la restructure lourde (79 millions d’euros) et une autre à l’expérimentation « seconde vie des logements locatifs sociaux » (15 millions d’euros) visant les logements achevés et agréés depuis au moins 40 ans, disposant d’une étiquette énergétique avant travaux F ou G et pouvant, après travaux, atteindre au minimum l’étiquette C. L’enveloppe de 500 millions d’euros ouverte en 2021 et 2022 au titre du plan de relance a permis la rénovation de 50 800 logements sociaux (contre un objectif de 40 000).
Au-delà de ces deux mesures d’ordre fiscal et budgétaire, la Banque des territoires a également annoncé une série de mesures visant à soutenir les OLS aussi bien au titre de la construction que de la rénovation : enveloppe de 6 milliards d’euros de prêts PLAI sur la période 2024‑2026 avec une bonification doublée, enveloppe de 2 milliards de prêts PLUS à impacts bonifiés, la pérennisation du financement pour la « seconde vie des bâtiments », enveloppe de 6 milliards d’euros sur la période 2023-2027 pour l’éco-prêt destiné aux logements sociaux PLS, lancement d’une troisième tranche de titres participatifs de 150 millions d’euros, le doublement de la capacité d’investissement de sa filiale « Tonus Territoires » pour financer la construction de près de 5 000 logements sur la période 2023-2025, lancement d’un prêt bonifié par l’ADEME pour financer les changements de vecteur énergétique et les raccordements aux réseaux de chaleur. Ces engagements se traduiraient par un apport de 650 millions d’euros en équivalent de subventions dans le secteur du logement social de 2024 à 2026.
Enfin, dans un contexte financier dégradé, la réduction de loyer de solidarité – RLS – qui représente une ponction de fonds propres de 1,2 milliard d’euros paraît peu pertinente pour le rapporteur spécial. S’il n’est pas possible pour l’État d’alourdir le montant des aides au logement de 1,2 milliard d’euros du jour au lendemain, la suppression de la RLS pourrait avoir comme contrepartie la suppression de l’exonération d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les bailleurs en tant que SIEG (service d’intérêt économique général) qui représente environ 1 milliard d’euros : une telle disposition aurait pour effet de soulager les organismes dont les besoins d’investissement, dans la production neuve comme dans la rénovation, sont les plus importants tout en faisant contribuer davantage les organismes qui n’ont pas besoin de construire ou de rénover leur parc.
— 1 —
Au cours de sa réunion du 27 octobre 2023 de 9h, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Cohésion des territoires.
La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.
Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté 42 d’entre eux (II‑CF233, II-CF691, II-CF1144, II-CF2232, II-CF2255, II-CF2267 et II‑CF1401 (identiques), II‑CF 2268 et II-CF1395 (identiques), II-CF2269, II‑CF2279, II‑CF2280, II-CF2297, II-CF2298, II-CF2304 et II‑CF 2371 (identiques), II‑CF2328 et II-CF3056 (identiques), II-CF2330 et II-CF3057 (identiques), II‑CF2332 et II-CF 3059(identiques), II-CF2335 et II‑CF1401 (identiques), II‑CF2342 et II-CF1395, II-CF2345, II-CF2365 et II-CF3051 (identiques), II‑CF2372 et II-CF 3062 (identiques), II-CF2380, II-CF2384 et II‑CF3068 (identiques), II-CF2385, II-CF2424, II-CF2430, II-CF2618, II‑CF2625, II‑CF3069, II-CF3215, II‑CF3216, et ne suivant pas les avis du rapporteur spécial Politique des territoires et du rapporteur spécial Logement et hébergement (qui se sont abstenus tous deux), la commission a adopté les crédits de la mission Cohésion des territoires.
La commission a ensuite adopté les amendements II‑CF418, II‑CF2279 portant articles additionnels rattachés.
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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Table ronde avec les acteurs économiques :
– FFB* : M. Philippe Servalli, président de la Commission économique ; M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques ; M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles
– FNAIM : M. Loïc Cantin, président ; M. Jérôme de Champsavin, président adjoint
– FPI* : M. Pascal Boulanger, président ; Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles ; M. Didier Bellier‑Ganière, délégué général
Union sociale pour l’habitat (USH)* :
– Mme Marianne Louis, directrice générale ; M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires ; M. Christophe Canu, direction des études économiques et financières
Fédération des acteurs de la solidarité* :
– M. Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie analyse des politiques publiques ; M. Nicolas Paolino, chargé de mission veille sociale/ hébergement
Banque de France :
– Mme Agnès Benassy-Quéré, sous-gouverneur de la Banque de France ; Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire du Gouverneur de la Banque de France
Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) :
– M. Nicolas Grivel, directeur général ; M. Jérôme Lepage, directeur adjoint des politiques familiales et sociales ; et Mme Anna Morvan, chargée des relations institutionnelles
OCDE :
– M. Boris Cournède, chef par intérim de la division de l’économie publique, Département des affaires économiques ; Mme Marissa Plouin, économiste, division des Politiques sociales, Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales
Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) :
– M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel ; M. Jérôme d'Harcourt, adjoint au délégué interministériel ; M. Sylvain Budillon, chargé de mission budgétaire ; Mme Manon Cousseau, chargée de mission budgétaire
Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP) :
– M. Philippe Mazenc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature ; M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement de l'économie ; M. Benoît Ameye, adjoint au sous-directeur du financement de l'économie ; M. Charles Tamazount, adjoint au sous-directeur des politiques de l'habitat
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
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([1]) 54 % des logements sociaux agréés en 2020 selon les données de SISAL faisaient l’objet d’une VEFA (vente en l’état futur d’achèvement).
([2]) Les deux tiers des adhérents de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) témoignent d’une baisse du nombre de biens disponibles à la location par rapport à l’année dernière de 34 % par rapport à 2022.
([3]) Cf. arrêté du 22 septembre 2023 relatif au calcul des aides personnelles au logement et de l'aide à l'accession sociale et à la sortie de l'insalubrité spécifique à l'outre-mer.
([4]) Les règles de calcul diffèrent dans un certain nombre de cas particuliers : les personnes résidant en foyers, les ménages bénéficiant de l’APL accession.
([5]) Il s’agit des territoires faisant l’objet d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) (1 130 communes au 1er juin 2023), d’un projet partenarial d’aménagement (57 communes), d’une grande opération d’urbanisme (GOU) comportant la transformation d’une zone d’activité économique (ZAE), des opérations programmes d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou des opérations de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD).
([6]) Les obligations assimilables du trésor (OAT) à 10 ans proposaient un rendement de près de 3,5 % au 1er novembre 2023.
([7]) Dans son rapport d’information sur les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’ANAH, (Rapport d’information n° 1242, Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mai 2023), le rapporteur spécial avait noté que près d’un tiers des ménages ayant obtenu une subvention MPR ne demandait pas à bénéficier des aides CEE pour des travaux pour lesquels ils sont pourtant éligibles.