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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (n° 1176)
PAR M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur
Députés
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TOME I – AVANT-PROPOS – INTRODUCTION –
COMMENTAIRES DES ARTICLES
Voir le numéro : 1176.
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SOMMAIRE
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Pages
Avant-Propos de M. Inaki Echaniz, rapporteur
avant-propos de MME annaÏg le meur, rapporteure
a. Les locaux meublés peuvent avoir des effets bénéfiques ciblés
b. Une tension sociale alimentée par une guérilla juridique et contentieuse
3. Une attrition résultante de l’offre de logement
4. L’attrition du logement a un impact récessif sur l’économie locale
B. un effort de rÉgulation concentrÉ dans certaines zones et aux effets largement insuffisants
1. Des outils ont été créés, à la main des territoires
a. La déclaration préalable en mairie
b. La réglementation du changement d’usage
c. Le régime de l’enregistrement
i. La déclaration préalable soumise à enregistrement
ii. La faculté des communes de demander des informations aux plateformes
iii. La création de l’interface « API meublés »
iv. La réglementation européenne en cours d’élaboration
v. Les dispositions du projet de loi SREN en cours de navette
d. Le plafonnement du nombre de nuitées en résidence principale
2. Les outils déployés présentent des faiblesses, qui empêchent leur plein effet
3. Les résultats, insuffisants, justifient un nouvel effort législatif
4. De nouveaux outils sont possibles
a. La généralisation de l’enregistrement
c. La mobilisation d’une servitude d’urbanisme
d. Le rééquilibrage ou l’inversion des dispositions fiscales
Liste des personnes auditionnÉes À Paris
Liste des personnes auditionnÉes À ajaccio
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Avant-Propos
de M. Inaki Echaniz, rapporteur
Le logement, à bien des égards, est devenu un outil d’optimisation fiscale et de rendement permettant une exonération exagérée de l’impôt.
Dans les zones les plus tendues, de nombreux travailleurs ne peuvent plus vivre sur le lieu de leur travail, et des entreprises déménagent par manque de logements pour leurs salariés. Des soignants, des employés territoriaux sont contraints de dormir dans leurs voitures ou au camping en été tandis que l’appartement qu’ils louaient se retrouve au même moment sur un site de location de vacances.
Des locataires, en règle, sont exclus de leurs logements pour que ces derniers soient transformés en meublés de tourisme. Des familles ne sont plus en capacité de vivre dans le lieu où ils ont grandi car la spéculation immobilière a fait exploser les prix et transforme nos villes et villages en résidences de vacances.
Dans des villes universitaires, le manque de logements pour les étudiants est inversement proportionnel à l’augmentation du nombre de meublés de tourisme et 12 % de ces jeunes abandonnent leurs études sans solutions de locations.
Les appels à l’aide des élus locaux se multiplient face au nombre croissant de sollicitations qu’ils reçoivent concernant l’accès au logement. Or, force est de constater que l’État encourage ce déséquilibre délétère, et ainsi la crise du logement, par des avantages fiscaux injustifiés et une absence de réglementation efficace.
Par le biais de cette proposition de loi transpartisane, nous avons tenté d’apporter une réponse à ces problématiques. Du Sud-Ouest à la Bretagne, du littoral à la montagne, des villes aux villages, ce texte porte un objectif commun : encadrer les meublés de tourisme et favoriser le logement permanent. C’est un enjeu de justice sociale, de justice fiscale et de cohésion des territoires.
Car ce phénomène ne touche pas seulement Biarritz ou Saint Malo, Marseille ou Paris mais se propage partout, jusqu’à Bourges, Orléans ou Caen, ce type d’opération est très lucratif. Durant nos auditions, nous avons entendu le cri d’alarme de nombreux élus locaux, de toute tendances politiques et de tous les territoires. Nous devons agir.
Au lendemain du congrès des maires, ce texte entend leur permettre de pouvoir mettre en œuvre une politique du logement juste et équilibrée, au plus près des besoins de leur population et de leur territoire.
Si louer un meublé de tourisme permet un complément de revenu pour certains, il participe surtout à l’augmentation du prix des loyers, l’impossibilité d’acheter pour les ménages de classes moyennes, l’accroissement du mal‑logement et la précarisation des plus fragiles. En somme, le régime actuel crée beaucoup de perdants et chacun peut comprendre qu’avec un plafond d’abattement fiscal allant jusqu’à 77 700 euros, nous nous trouvons assez loin d’un simple complément de revenus.
Par ailleurs, n’oublions pas que la location longue durée permet, elle aussi, un complément de revenu, et possède des garanties mises en place par le législateur, comme le service gratuit contre les loyers impayés, dit « Visale ».
Cette proposition de loi n’a pas pour visée d’interdire les locations de type « Airbnb », ou de mettre en œuvre une règlementation drastique comme dans certains pays pourtant très libéraux comme récemment à New York, par exemple, mais bien de trouver l’équilibre entre « activité touristique saisonnière » et « vie du territoire le reste de l’année ».
N’oublions pas que le caractère culturel exceptionnel de nos territoires est le fruit de plusieurs générations d’hommes et de femmes qui l’ont façonné et valorisé. Voir les habitants d’une commune s’en aller, c’est voir disparaitre une partie de sa mémoire vivante et de son identité. C’est aussi ces mêmes habitants permanents qui permettent la présence de services publics ou de commerces de proximité aujourd’hui menacés.
Dans certains quartiers, nous constatons pourtant leur évincement par la montée des prix mais aussi par le développement de pratiques illégales. En effet, l’intérêt économique des meublés de tourisme est un terreau qui insécurise gravement les locataires : baux mobilité abusifs visant à générer un double revenu issu de la location saisonnière et longue durée, faux congés pour vente ou pour reprise. À titre d’exemple, 302 procédures pour congés ont été comptabilisées au tribunal de Bayonne, c’est plus qu’à Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunis.
Sur une thématique si importante que celle de l’habitat, il est indispensable que des mesures préventives priment sur des mesures curatives. Le logement n’est pas une marchandise comme une autre et ne doit pas être traité comme tel.
C’est avec cette conviction que j’avais porté dès le mois de février, avec mon groupe, une proposition de loi en ce sens. Je me réjouis aujourd’hui que nous puissions travailler ensemble avec ma corapporteure Annaïg Le Meur autour d’un texte commun qui, même s’il ne peut résoudre à lui seul l’ampleur de la crise en cours, est une première initiative pour permettre concrètement et rapidement aux français de se loger.
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avant-propos
de MME annaÏg le meur, rapporteure
Notre pays connaît actuellement une crise du logement sans précédent.
Pour nos concitoyens, la croissance exponentielle du nombre de meublés de tourisme et du poids des plateformes numériques en est probablement le symptôme le plus visible. En quelques années, près d’un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements « classiques » destinés à l’habitat permanant.
Cette réalité n’épargne aucun territoire. Nous la constatons quotidiennement en tant qu’élus. Les zones périphériques, périurbaines et rurales sont désormais autant concernées par ce phénomène que les métropoles, les zones touristiques, littorales, insulaires et de montagne.
Les études et les rapports qui s’accumulent, y compris provenant de la part d’organes gouvernementaux, attestent et étayent ce phénomène d’attrition du logement. J’ai moi-même eu l’occasion de travailler sous cette législature sur deux rapports, dont l’un sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (hors Île-de-France), qui confirment ce phénomène.
Les 800 000 meublés de tourisme sur le territoire constituent une réserve locative indéniable et se concentrent particulièrement dans les zones qui connaissent des tensions locatives à l’année. En outre, elles créent une tension supplémentaire, qui nuit aux capacités de recrutement de nos entreprises et donc à la dynamique de réindustrialisation en cours.
L’objectif de de ce texte n’est pas d’interdire l’usage des plateformes ni des meublés de tourisme. Nous avons besoin d’avoir une offre de tourisme adaptée et attractive sur l’ensemble de notre territoire, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment d’une offre de location à l’année. Dans ma circonscription, des villages entiers se vident sous le poids des meublés de tourisme et se transforment en villages vacances. Ce n’est pas ma conception du vivre-ensemble.
Les locations de courte durée ont permis de renforcer une offre touristique parfois insuffisante ou inexistante, et continuerons de le faire là où nous en avons le plus besoin. Cependant, la proportion des meublés de tourisme est telle dans certains territoires qu’elle déséquilibre en profondeur nos villes, assèche considérablement l’offre locative résidentielle et modifie durablement les équilibres économiques et sociaux de nos cœurs de villes. Tout est une question d’équilibre.
Les locations de courte durée ne sont pas soumises aux mêmes réglementations environnementales, énergétiques et de sécurité que les locations de longue durée, ce qui engendre un effet d’éviction qu’il convient de corriger d’urgence avant qu’il ne soit trop tard. Les règles doivent être les mêmes pour tous.
Avec ce texte, nous proposons plusieurs dispositions dans une optique de décentralisation concrète : la majorité des instruments proposés reposent sur une mise en œuvre à la main des élus locaux, qui sont les mieux placés pour connaître les difficultés de logement propres à leurs territoires. C’est notamment le sens de la « boîte à outils » que nous mettons à disposition dans l’article 2 avec différents dispositifs renforcés pour agir au plus près du terrain.
Je me réjouis que ces dispositions aient été nettement musclées et enrichies lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques.
Au-delà de ces aspects, ce texte traite également de la fiscalité spécifique des meublés de tourisme, dont les dispositions ont pendant trop longtemps laissé survivre des abattements avantageux qui s’ajoutent au profil de rentabilité déjà élevé du marché touristique.
C’est pourquoi nous proposons de rééquilibrer la fiscalité de location touristique pour aboutir à une solution de compromis et d’équilibre budgétaire. La mission sur la refonte de la fiscalité locative que la Première ministre m’a confiée, avec ma collègue Marina Ferrari, « pour favoriser les locations de longue durée », rendra ses conclusions au cours de la navette parlementaire et permettra, si besoin, d’affiner la proposition retenue en proposant éventuellement un dispositif complémentaire pour favoriser la location de longue durée.
Car je ne sais pas expliquer à nos concitoyens, aux travailleurs et aux étudiants, que nous continuons à encourager les locations de courte durée alors qu’ils n’arrivent plus à se loger.
Je ne sais pas non plus expliquer aux entreprises, dont plus d’un quart rencontrent des difficultés de recrutement liées au manque de logement, que nous préférons favoriser l’économie saisonnière à l’économie productive, au risque de sacrifier l’élan de réindustrialisation voulu par notre majorité.
Enfin, je ne sais pas expliquer aux élus locaux qui nous alertent depuis des mois, voire des années, que nous ne sommes pas en capacité de mobiliser, au niveau national, le levier fiscal pour répondre à leurs attentes.
Je sais en revanche expliquer au Gouvernement, à mes collègues et à nos concitoyens, que le temps est enfin venu de rééquilibrer le marché locatif en faveur de la longue durée.
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I. La croissance excessive de l’immobilier touristique a eu des incidences nuisibles que n’ont pas permis d’enrayer les rÉgulations adoptÉes À ce jour
Face aux carences en logement suscitées notamment par l’essor de la transformation d’une partie du parc en biens à vocation touristique, l’État et les collectivités les plus affectées ont pris des mesures de régulation qui n’ont toutefois pas permis d’inverser les tendances constatées.
A. L’explosion de l’immobilier touristique a suscitÉ une attrition du logement disponible dans les zones tendues
Le pays se trouve actuellement dans une situation critique en matière de logement, avec un problème récurrent de carence de l’offre face à une demande dynamique, qui résulte notamment du développement de l’immobilier de tourisme, et pèse à son tour sur l’économie des territoires affectés.
1. L’essor incontestable de l’immobilier de tourisme depuis 2008, particulièrement prononcé dans les zones les plus tendues
Apparu dans la deuxième moitié de la décennie 2000, le marché des hébergements saisonniers proposés par des particuliers via des plateformes n’a cessé de se développer et de se structurer, pour devenir un acteur incontournable du secteur de l’hébergement touristique. Actuellement, près de 20 % des nuitées saisonnières réalisées en France le sont dans un meublé de tourisme mis à la location par un particulier. L’évolution rapide de ces nouveaux modes d’hébergement peut s’expliquer, selon la direction générale des entreprises (DGE) dans une note sur ce sujet, par des changements dans les comportements touristiques et de nouvelles attentes des clients, en quête d’un voyage plus autonome et indépendant ([1]).
Les évolutions des technologies numériques dans les années 2000 ont permis la montée en puissance de nouveaux acteurs de l’offre saisonnière. Ces années ont vu naître une multitude de plateformes proposant aux particuliers et aux professionnels de réserver en ligne les différentes composantes de leur voyage, en particulier l’hébergement. Les plateformes de location saisonnière entre particuliers sont devenues des acteurs majeurs du marché français de la location saisonnière, désormais dominé par un petit nombre d’entreprises : Airbnb, Leboncoin, Booking, Tripadvisor et Expedia Group. Pour la plupart, ces plateformes étaient initialement ancrées dans l’ « économie collaborative », et certaines études parlent encore, de ce fait, du secteur collaboratif ou non marchand, par opposition au secteur touristique traditionnel, professionnel ou marchand.
Selon la note de la DGE citée plus haut, qui est basée sur les données du tableau de bord de la plateforme InsideAirbnb, Airbnb est la principale plateforme de locations saisonnières en France, avec plus de 600 000 annonces à son actif, dont près de 60 000 annonces pour le seul marché parisien (voir illustration), ce qui la classe très nettement devant Abritel et Cybevasion, éditeur du comparateur gite.fr, qui rassemblent environ 130 000 annonces chacun.
Prenant acte de cet essor, le pouvoir réglementaire a défini pour la première fois les meublés de tourisme en 2006. Selon le code du tourisme, « les meublés de tourisme sont des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois » ([2]). Ces locations dites de « courte durée » (LCD) sont à distinguer des locations de longue durée (LLD), conclues avec une finalité résidentielle, et qui relèvent le plus souvent du régime du bail locatif défini par la loi du 6 juillet 1989. Ne sont donc pas considérés comme des meublés de tourisme les logements faisant l’objet d’un bail d’habitation, même si celui-ci est un bail meublé ou un bail mobilité. Ne rentrent pas non plus dans cette définition les chambres chez l’habitant, qui ne sont pas à la disposition exclusive du locataire. Les meublés de tourisme se distinguent également des hôtels, des résidences de tourisme et des chambres d’hôtes, en ce qu’ils ne comportent ni accueil, ni hall de réception, ni services et équipements communs.
Bien que l’Union nationale pour la promotion et le développement de la location de vacances (UNPLV) ([3]), qui représente le secteur, ait fait valoir lors de son audition par vos rapporteurs que de tels dispositifs ont toujours existé, rapprochant notamment les meublés touristiques d’aujourd’hui des hôtels garnis du XXe siècle, un consensus existe sur leur explosion quantitative au cours des deux dernières décennies. Du reste, l’analogie avec les garnis, aussi appelés hôtels meublés ou hôtel préfecture, n’est pas probante : ces hôtels, qui n’assuraient pas de services ou de prestations, se caractérisaient par une location au mois, et les chambres étaient souvent occupées à demeure, pendant plusieurs mois, voire années, par des personnes y ayant leur domicile effectif.
marchÉ parisien des locations Airbnb en novembre 2023 (inside airbnb)
Source : Inside Airbnb pour Paris, consulté le 25 novembre 2023.
L’Insee, qui compte les logements de tourisme proposés par des particuliers à travers les principales plateformes, a ainsi noté, à titre d’illustration, une croissance de fréquentation, en nuits x logements, de 25 % en 2016, de 19 % en 2017 et de 15 % en 2018 ([4]). En 2018, les hébergements touristiques proposés par des particuliers via des plateformes internet représentaient 14 % de la fréquentation des hébergements touristiques marchands en matière de logements mesurée en nuits x logements. En 2015, ils n’en représentaient que 9 %.
Les statistiques expérimentales sur les hébergements de courte durée proposées par Eurostat permettent d’étayer ce constat en mesurant le nombre de nuitées enregistrées sur ces plateformes : en 2019, ce sont 109 millions de nuitées qui ont été enregistrées en France, soit un cinquième du nombre total de nuitées enregistrées dans l’Union européenne (554 millions de nuitées) ([5]) et l’équivalent, en ordre de grandeur, de 25 % des nuitées enregistrées au total en France en hébergement collectif touristique au cours de la même année (442 millions de nuitées) ([6]), représentant donc un cinquième du total de nuitées enregistrées en cumulant les secteurs « professionnel » et « collaboratif ». La cartographie des nuitées enregistrées dans les meublés de tourisme donne à voir l’ampleur de ce phénomène, notamment dans les départements littoraux et de montagne (voir carte).
nuitÉes passÉes dans les hÉbergements de courte durÉe proposÉs par des particuliers via des plateformes en ligne en 2019, par dÉpartement
Source : données Eurostat, cartographie direction générale des entreprises.
Les dynamiques locales continuent d’être très importantes. À Ajaccio, où vos rapporteurs se sont rendus 2 787 annonces actives ont été recensées en 2022 sur les plateformes locatives, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2021 ([7]). M. Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté d’agglomération du Pays basque, auditionné par vos rapporteurs, a rapporté une évolution du nombre de meublés de tourisme entre 2016 et 2020 de + 160 %. M. Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille, a mentionné un taux de 10 % de meublés de tourisme dans le parc résidentiel du deuxième arrondissement. Dans le quartier du Panier, M. Anthony Krehmeier, maire des deuxième et troisième arrondissements, a confirmé que ce taux peut s’élever à 30 % ou 40 % du parc.
Comme le note la DGE, les plateformes de location saisonnière ont des modèles de rémunération variés, regroupant généralement le prélèvement d’une commission sur les réservations ou « frais de service », souvent compris entre 5 à 20 % du prix hors taxe de la nuitée, selon les opérateurs.
Selon ADN Tourisme, qui publie annuellement un état des lieux du parc de meublés de tourisme classés, 186 000 meublés classés étaient comptabilisés au 31 décembre 2022, ce qui constitue une progression de 11 % sur une année. Ces unités, avec une capacité moyenne de 4,9 personnes par meublé, représentent 910 400 lits ([8]). Les départements les plus concernés sont, selon ADN Tourisme, deux départements de montagne : la Savoie, avec 16 500 unités, et la Haute-Savoie, avec 11 400 unités. Suivent trois départements littoraux : le Var, avec 9 300 unités, la Charente-Maritime, avec 8 200 unités, et les Landes, avec 7 300 unités.
Les meublés de tourisme classés
Afin d’offrir à la clientèle un certain nombre de garanties en matière d’accueil et de confort, il est possible de demander le classement de son meublé de tourisme, procédure qui résulte de l’article L. 324-1 du code du tourisme.
Le classement n’est pas obligatoire. Il s’agit d’un label de qualité, allant de 1 à 5 étoiles, avec une validité de cinq ans, période à l’issue de laquelle le loueur doit effectuer une nouvelle demande de classement s’il souhaite que son hébergement continue de bénéficier d’un classement. La décision de classement relève d’un organisme homologué auprès du ministère chargé du tourisme. Pour la visite de son logement, le loueur du meublé (ou son mandataire) s’adresse à l’organisme de son choix parmi ceux figurant sur la liste des organismes accrédités ou agréés.
Dans le mois suivant la visite du meublé, l’organisme transmet au loueur (ou à son mandataire) un certificat de visite comportant trois documents dont les modèles sont fixés par un arrêté du 8 mai 2012 :
– le rapport de contrôle ;
– la grille de contrôle dûment remplie par l’organisme évaluateur ;
– une proposition de décision de classement.
Le loueur (ou son mandataire) dispose d’un délai de quinze jours pour refuser la proposition de classement. Passé ce délai, le classement est acquis.
Les décisions de classement sont transmises par les organismes chargés des visites de contrôle à l’organisme départemental du tourisme concerné, qui met à disposition et tient à jour la liste des meublés classés dans le département.
La grille de classement contient 133 critères répartis en trois grands chapitres : équipements, services au client, accessibilité et développement durable.
L’agence de développement touristique de la France dénommée « Atout France » publie chaque année un recensement des meublés classés.
Les données d’Eurostat permettent de constater que l’essor de ces plateformes, au niveau européen et notamment en France (voir carte), se poursuit même depuis la crise sanitaire de 2020. La plupart des pays d’Europe sont en effet confrontés à ce phénomène. Au Royaume-Uni, en 2020, les meublés de tourisme constituaient, dans certaines zones, jusqu’au quart du parc résidentiel ([9]).
nuitÉes enregistrÉes dans un meublÉ de tourisme AIRBNB, BOOKING,
EXPEDIA, ou TRIPADVISOR : Évolution par rÉgion entre 2019 et 2022
Source : Eurostat, données expérimentales sur les séjours de courte durée via des plateformes numériques collaboratives (pour les régions de niveau NUTS-2, soit les anciennes régions pour le cas de la France), juin 2023.
Le recensement d’ADN Tourisme ne concernant que les seuls meublés classés, les données concernant l’ensemble du parc des meublés de tourisme sont peu disponibles. Une réponse écrite de la ministre chargée du tourisme à une question du Sénat fait état d’une estimation de plus de 800 000 meublés de tourisme, sans étayer les sources de cette estimation ([10]). En réponse à vos rapporteurs, le ministère a partagé les éléments suivants sur ce qui a guidé cette estimation (cf. encadré).
Fondements de l’estimation de 800 000 meublés de tourisme
Estimation des acteurs :
– UNPLV: 700 000 meublés en France en 2019 (évolution du marché depuis).
– Géoconfluences ENS Lyon, via du moissonage de données, établit le chiffre de 600 000 pour la seule plateforme Airbnb (données moisonnées, donc fiables).
Estimation historique DGE (utilisation de proxy) :
Il existe près de 3,33 millions de résidences secondaires en France. En faisant l’hypothèse que seule 1 résidence secondaire sur 4 fait l’objet de location saisonnière, on estime le nombre de meublés à près de 740 000 à l’échelle nationale.
Données expérimentales (proxy, part de marché Airbnb) :
Des données (expérimentales) produites par Eurostat renseignent sur le volume de nuitées réalisées dans un meublé mis à la location sur chacune des quatre plateformes dominantes (Airbnb, Expedia, Booking, Tripadvisor) et donc sur la part de marché de Airbnb, près de 80 % en moyenne. Cette part de marché est combinée avec les données de moissonage Airbnb. Via cette méthode, le nombre de meublés en France s’élève à :
Nombre meublés Airbnb x [1-PdM Airbnb] + Nombre de meublés Airbnb = 600 000 x [0,20] + 600 000 = 720 000.
Enfin, on compte près de 190 000 meublés classés (source ADN tourisme), dont une partie n’est pas mis à la location sur les sites type Airbnb.(hypothèse raisonnable: la moitié des meublés classés ne sont pas mis à la location sur les sites de réservation type Airbnb, soit 95 000).
Ainsi, ces quelques méthodes d’estimation (acteurs du secteur, utilisation de proxy, données expérimentales, combinaison avec meublés classés) évaluent le marché à près de 800 000 meublés.
Source : ministère chargé du tourisme.
rÉpartition des meublÉs de tourisme classÉs par dÉpartement en 2022
Source : données plateforme CLASS, cartographie ADN Tourisme.
Les acteurs auditionnés ont tous souligné l’ampleur du phénomène. France urbaine, par exemple, en insistant sur le caractère massif de l’essor de cette classe d’actifs, a rapporté une rapide augmentation du nombre de ses adhérents concernés au fil des années, cette thématique impliquant aujourd’hui des territoires qui n’y auraient pas pensé il y a quelques années. Il s’agit donc non seulement d’une augmentation au sein des communes historiquement touristiques, mais aussi d’une croissance du nombre de communes concernées. À Bourges, qui a enregistré 500 nouveaux meublés de tourisme en un semestre, occasionnant un déséquilibre locatif sur son centre-ville, à Saint-Nazaire, à Saint-Ouen, à Caen, à Rennes, les élus interpellent désormais régulièrement l’association sur les « vagues de meublés qui déferlent dans les territoires ».
a. Les locaux meublés peuvent avoir des effets bénéfiques ciblés
Vos rapporteurs ne contestent pas que certaines locations meublées de courte durée puissent avoir un sens, notamment quand elles concernent des résidences principales. De façon générale, et contrairement aux caricatures, les personnes auditionnées ont tenu des propos mesurés. France urbaine a ainsi rappelé que les territoires concernés vivent des situations contrastées : bien qu’un grand nombre de territoires souffrent de situations excessives, certaines villes peuvent se satisfaire d’un développement de l’offre d’immobilier touristique, tant que celle-ci reste modérée, puisqu’elle permet d’amener une nouvelle clientèle, plus jeune et qui passe uniquement par ces plateformes.
L’UNPLV, quant à elle, fait valoir les retombées économiques positives pour les territoires, en soulignant notamment que la création d’une offre de meublés touristiques permet d’élargir la saison d’usage pour les résidences secondaires, notamment « en aile de saison », ce qui peut emporter des impacts économiques bénéfiques pour le tissu commercial local.
Mme Pascale Bicchieray, secrétaire générale adjointe de l’Umih de Corse, a insisté sur le rôle crucial joué par les plateformes dans la redynamisation des campagnes, du fait de la meilleure agilité de l’offre d’immobilier touristique par rapport à l’offre hôtelière traditionnelle, dans la mesure où, hors-saison, l’ouverture d’une offre de locaux touristiques peut avoir un sens tandis que l’hôtel n’est pas rentable.
Comme l’avait observé la mission d’information sur les coûts du logement en zone tendue, dont votre rapporteure était co-rapporteure, l’arrivée de ces acteurs sur les marchés locaux du logement a également été de pair avec un enrichissement de l’offre d’hébergement touristique, une montée en gamme de la qualité des hébergements proposés et, enfin, une collecte de la taxe de séjour assurée dans des conditions de transparence plus grande favorisant, en un sens, une attrition du marché de la location touristique parallèle. Plusieurs acteurs ont soulevé à cet égard le risque de favoriser à nouveau l’émergence d’une offre moins régulée, pointant notamment l’émergence d’un phénomène, encore réduit, de mise sur le marché irrégulier, « au noir », via des plateformes moins réglementées que les majors.
L’effet concurrentiel de l’arrivée des plateformes sur le secteur touristique traditionnel est, selon un rapport d’information de la commission des affaires économiques du Sénat réalisé à ce sujet en 2018, « peu documenté », la direction générale des entreprises ayant estimé à entre 2 et 3 % le transfert de clientèle en faveur du secteur dit « non marchand » ([11]). La Confédération des acteurs du tourisme (CAT) a insisté sur l’importance, pour l’attractivité d’un territoire touristique, d’assurer une « offre importante dans sa quantité, sa qualité et sa diversité ». Elle conclut donc à l’importance, pour certains territoires, de préserver l’offre existante de meublés touristiques, tout en s’assurant de sa qualité.
Dans le même sens, DSF a souligné que, dans les stations de sports d’hiver, 50 % des hébergements sont des « lits froids », fermés la plupart de l’année, et qu’il est nécessaire d’inciter les propriétaires à aller vers une mise en marché du bien.
Lors des auditions menées sur ce sujet dans le cadre des travaux de la mission, avec des élus locaux notamment, il est apparu que ces acteurs jouent un rôle important en matière d’attractivité touristique pour certains territoires, en plus d’offrir des solutions complémentaires à l’hébergement classique.
L’un des arguments les plus régulièrement mis en avant, notamment par les parties prenantes du secteur, consiste à voir dans la location, entre particuliers, de logements de courte durée via des plateformes électroniques, un gain de pouvoir d’achat, qui pourrait s’apparenter par exemple à une forme de « treizième mois ». Selon le président de l’UNPLV, une telle rentabilisation de la résidence principale par le « partage » est un facteur, devenu important pour les ménages, dans une période inflationniste, d’amélioration des conditions de vie. D’après les calculs du cabinet d’études Asterès, mandaté par Airbnb pour estimer les gains de pouvoir d’achat des loueurs de meublés, dits « hôtes », ceux-ci ont dégagé un revenu médian de 3 916 euros brut en 2022, soit 3 086 euros après impôts et prélèvements sociaux ([12]), une augmentation moyenne de 6 % du pouvoir d’achat.
b. Une tension sociale alimentée par une guérilla juridique et contentieuse
Les élus interrogés évoquent tous une tension croissante sur ces sujets dans les territoires. Les populations qui ont de moins en moins la possibilité d’accéder au logement – étudiants, personnes âgées, personnes sans emploi ou en contrat précaire, familles monoparentales – ressentent de plus en plus vivement l’attrition du logement sous la pression de l’offre touristique. Comme l’a remarqué le président de la CAT, le sujet du taux d’acceptabilité de l’activité touristique sur un territoire devient plus prégnant à mesure que la crise du logement se creuse et attise un ressentiment des populations à l’égard des touristes.
Les tensions sociales sont récurrentes sur ce sujet. Comme l’a fait remarquer M. Anthony Krehmeier, maire des deuxième et troisième arrondissements de Marseille, le phénomène engendre des nuisances, notamment sonores, qui gênent les travailleurs qui doivent se lever tôt, notamment dans les quartiers populaires. Il modifie l’offre commerciale : cordonniers, pressings, boulangers, sont remplacés par des boutiques de souvenirs. Une confrontation larvée peut s’installer entre habitants et touristes, alimentée aussi par la coexistence, côte à côte, de l’habitat indigne et des meublés de tourisme. De nombreux élus décrivent des velléités croissantes de la part d’organisations locales en vue de « squatter les Airbnb » ou encore de « casser les boîtes à clefs ».
France urbaine décrit ainsi une « ambiance de tension, de pression, d’agression sur les élus, de chantage, de guérilla juridique », en particulier en ce qui concerne le régime du changement d’usage et les contentieux autour des mesures de compensation de la transformation d’un logement en local de tourisme. C’est un phénomène qui « oblige les collectivités à s’équiper en observatoire et en personnel pour essayer de réguler et de contrôler le phénomène ». L’association insiste encore sur une situation, qui va en s’aggravant, où « les particuliers, les professionnels du tourisme, les restaurateurs ont de grandes difficultés à loger leurs salariés : face à eux, des associations d’hôtes, outillées juridiquement par les plateformes ».
2. L’avantage compétitif du local touristique par rapport au logement résulte en partie d’avantages réglementaires
L’essor de la mise en location pour des courtes durées des biens à vocation de logement peut s’expliquer en partie par des facteurs de marché, qui dotent ce secteur doté d’avantages compétitifs par rapport au secteur de la location résidentielle de longue durée :
– un avantage d’ordre financier, lié à la rentabilité locative brute de l’activité d’hébergement de courte durée, qui est généralement nettement plus élevée que celle du logement de longue durée ;
– des avantages en termes de sécurisation des transactions, notamment le système de facturation préalable, qui prémunit le loueur contre le défaut de paiement, aléa très présent sur le marché locatif sous la forme de l’impayé de loyer, et celui de la cotation des demandeurs, qui permet de se prémunir, en principe, contre les dégradations locatives.
Toutefois, au-delà de ces avantages de marché, le secteur jouit également d’avantages qui sont moins liés à son propre modèle ou à sa propre performance mais résultent plutôt de dispositions réglementaires ou législatives.
Depuis l’adoption de la loi Climat et résilience en 2021 ([13]), l’ensemble du parc locatif est concerné par un calendrier de rénovation énergétique obligatoire des logements, qui organise l’interdiction successive à la location, respectivement aux 1er janvier 2023, 2025, 2028 et 2034, des logements des classes énergétique G +, G, F et E (voir commentaire de l’article 2). Ces interdictions font peser sur les propriétaires bailleurs, particulièrement ceux dont les biens sont des « passoires énergétiques » au sens de la loi, une obligation de rénovation rapide des biens, dans un contexte également marqué par l’inflation, la hausse des coûts des matériaux de construction, et une demande croissante de travaux de rénovation qui occasionne une hausse de leur coût.
Face à ce défi, et prenant en compte le gel des loyers des « passoires énergétiques » depuis le 22 août 2022 en application de la même loi, de nombreux propriétaires peuvent se trouver tentés de retirer leur bien du marché locatif résidentiel pour le positionner plutôt, via une plateforme, sur le marché de la location de courte durée, sur lequel les obligations ne s’appliquent pas. Cette distinction a été retenue par le législateur en 2021, celui-ci ayant alors estimé que le poids de la facture énergétique ne repose pas sur l’occupant du meublé de tourisme de la même façon que sur le locataire d’un logement.
Or il s’avère aujourd’hui que le risque de déport d’une partie du marché locatif vers la location touristique de courte durée est très réel et ne fait que s’accentuer à mesure que les premières interdictions massives de louer s’approchent – celle qui s’applique déjà, adoptée dans la loi Énergie-climat ([14]) concernant les logements qui consomme plus de 450 kwh.m².an, ne touche qu’un nombre relativement faible de logements.
Le développement des hébergements touristiques procède notamment d’un cadre fiscal avantageux défini par la loi. La fiscalité locative repose sur une dichotomie entre le régime foncier applicable à la location nue et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), applicable à la location meublée. Les locations de meublés de tourisme peuvent être soumises au régime spécifique dit du « micro-BIC », régi par l’article 50-0 du code général des impôts.
Le régime du micro-BIC comprend une valorisation fiscale majeure, ouvrant droit à un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés non classés, dont le plafond est fixé à 77 700 euros. S’agissant des meublés de tourisme classés au titre du code du tourisme (voir supra), ils bénéficient d’un abattement de 71 % et d’un plafond de 188 700 euros de recettes tirées de la location des biens. Il est donc particulièrement avantageux pour le propriétaire de classer son meublé afin de bénéficier d’un abattement supérieur, d’autant plus que le classement est relativement peu contraignant pour les propriétaires.
Il faut comparer ce régime avec celui de la location de logements nus, qui relève du régime foncier, et accorde un avantage fiscal moindre. Si les revenus locatifs annuels sont supérieurs à 15 000 euros, le régime réel s’applique : celui-ci permet de déduire des revenus fonciers les charges et les frais liés au bien. Si les revenus locatifs annuels sont inférieurs à 15 000 euros, le régime micro (dit aussi régime forfaitaire) s’applique et permet un abattement fiscal de 30 % des revenus.
Les propriétaires sont donc incités à mettre leur logement en location meublée, plutôt qu’en location nue, afin de bénéficier d’un abattement fiscal plus élevé, et donc de maximiser leurs revenus. La rentabilité après impôt de la location meublée est ainsi généralement supérieure à celle de la location nue d’un même bien. Selon une simulation de rendement locatif réalisée par l’inspection générale des finances et le conseil général de l’environnement et du développement durable en 2016, en régime réel, l’écart de taux de rentabilité interne au profit de la location meublée était compris en 0,6 et 2,1 points de pourcentage ([15]).
En outre, les seuils du régime micro-BIC applicables aux locations meublées ont fait l’objet de revalorisations fréquentes, renforçant l’attractivité fiscale de ce régime. La loi de finances pour 2018 portait notamment un doublement des seuils du régime micro-BIC, passant de 82 800 euros à 170 000 euros pour les locations meublées classées, et de 33 200 euros à 70 000 euros pour les locations meublées non classées.
Certaines personnes auditionnées attirent l’attention sur les risques d’une baisse trop forte des abattements sur les meublés, en particulier classés : ainsi, selon l’Unem, la baisse de l’incitation à faire classer ses meublés amènerait une baisse du nombre de classés, et donc à un risque de perte du classement de station de tourisme de montagne, qui engendrerait la perte des recettes fiscales associées et de la possibilité d’ouvrir un office du tourisme, entre autres effets négatifs. Domaines skiables de France a estimé que le taux différencié se justifiait initialement, à sa création, par une surcharge de fonctionnement occasionnée par le caractère saisonnier de l’activité et les conditions spécifiques des stations de ski, et était destiné à des stations de vacances balnéaires ou de montagne, les plateformes ayant ensuite « surfé sur cette possibilité pour une ouverture à tout le territoire ».
Le classement des communes touristiques
Les premières stations classées de tourisme sont apparues dès 1912 et correspondaient à l’émergence du développement touristique dans des villes d’eaux. La loi du 24 septembre 1919 a donné un cadre juridique à la station classée et a défini six catégories possibles de commune en station classée balnéaire, hydrominérale (thermale), climatique, uvale (pour les cures à base de raisin), de tourisme ou de sports d’hiver et d’alpinisme. Après plusieurs rapports en ce sens, la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme a réformé les textes relatifs à la procédure de classement en station classée de tourisme. Le dispositif mis en place repose sur deux échelons de qualité :
– la « commune touristique » ([16]) est l’échelon de base, qui reconnaît le caractère touristique de la commune ; elle est attribuée par arrêté préfectoral pour une durée de cinq ans aux communes qui « mettent en oeuvre une politique du tourisme et qui offrent des capacités d’hébergement pour l’accueil d’une population non résidente » ainsi qu’à celles qui perçoivent la dotation particulière, au titre de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF), prévue au deuxième alinéa du II de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales ;
– la « station classée de tourisme » ([17]) traduit la reconnaissance par l’État des efforts accomplis par les communes concernées pour structurer une offre touristique d’excellence. Elle est attribuée pour une durée de douze ans aux communes ayant préalablement obtenu la dénomination de commune touristique, à condition qu’elles « mettent en oeuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives ». Les stations classées bénéficient de majoration d’indemnités de fonction pour les élus locaux.
Après une dizaine d’années de mise en application et l’extinction des anciens classements au 1er janvier 2018, le Conseil interministériel du tourisme du 19 juillet 2018 a décidé de procéder à une refonte des critères de classement en station de tourisme et de simplifier la procédure administrative. L’objectif de cette réforme est d’une part de rationaliser les critères de classement, en les simplifiant et en supprimant les moins pertinents, et d’autre part en prenant davantage en compte les besoins et les attentes des touristes, notamment en matière d’accès au numérique et à des services de proximité. La nouvelle grille de critères est ainsi fixée par l’arrêté du 16 avril 2019, entré en vigueur le 1er juillet 2019 et le décret du 27 avril 2020 a déconcentré la procédure qui est désormais entièrement du ressort des préfets de département.
Source : direction générale des entreprises, « Guide méthodologique des procédures relatives aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme », septembre 2020.
Interrogée, la direction de la législation fiscale (DLF) a reconnu la « vétusté » des règles fiscales en matière de location touristique, et plus largement de location, qui a justifié que le Gouvernement confie le 16 novembre une mission sur le sujet à votre rapporteure Annaïg Le Meur et à la députée Marine Ferrari.
Le régime des loueurs en meublé, une « incongruité fiscale » dès 2008
Le régime des loueurs en meublé présente plusieurs spécificités dont la légitimité paraît d’autant plus fragile qu’aucune contrepartie n’est exigée des contribuables en bénéficiant.
Le dispositif est, en effet, ouvert non seulement à des logements neufs mais aussi à des logements anciens et, en tout état de cause, sans aucune condition quant aux modalités de la location. Le seul critère conditionnant le bénéfice du régime est, en effet, la présence de meubles dans le logement, présence dont on peine à voir pourquoi les pouvoirs publics l’encouragent. En particulier, on peut se demander pourquoi un logement ancien loué meublé aux conditions du marché peut, sans aucune condition, être intégralement amorti lorsque l’amortissement d’un logement loué nu constitue un avantage fiscal qui n’est ouvert que dans certains régimes spéciaux contraignants pour les propriétaires (…).
L’ensemble des avantages du régime des loueurs professionnels en meublé mérite donc d’être remis à plat. C’est manifestement le cas s’agissant des conditions particulières dans lesquelles cette activité peut être considérée comme professionnelle. Les deux critères imposés, l’inscription au registre du commerce et des sociétés, d’une part, et un montant annuel de recettes supérieur à 23 000 euros ou à 50 % du revenu total, d’autre part, ne garantissent en effet nullement la réalité de l’activité professionnelle et permettent au contraire à un pur investisseur d’être considéré comme un professionnel (…).
On ne peut dès lors que se demander si la vraie difficulté n’est pas plutôt, en amont, dans la soumission au régime des activités commerciales d’une activité qui est, en réalité, bien souvent, de nature foncière. Il convient donc de distinguer dans les activités de location en meublé celles d’entre elles qui présentent un certain caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) et qui pourraient conserver le bénéfice du régime des bénéfices industriels et commerciaux des autres dont les revenus ont vocation à être imposés selon les modalités de droit commun applicables aux revenus fonciers.
Par ailleurs, même pour des locations présentant un caractère commercial marqué, le bénéfice de l’abattement prévu par le régime micro-BIC n’apparaît pas justifié et il conviendrait de prévoir l’application d’un abattement au même taux que celui prévu par le régime micro-foncier (soit 30 %).
Proposition n° 9 : Normaliser le régime des loueurs en meublé professionnels
9.1/ Réserver le bénéfice du dispositif aux revenus locatifs présentant un réel caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) ou, éventuellement, un intérêt général particulier (notamment les résidences avec services dont le développement est prioritaire) ;
9.2/ Appliquer, dans les autres cas, le droit commun des revenus fonciers ;
9.3/ Ramener à 30 % le taux de l’abattement applicable dans le cadre du régime micro aux revenus locatifs imposés dans la catégorie des revenus industriels et commerciaux.
Source : Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d’information sur les niches fiscales, juin 2008.
Les interrogations sur le régime très avantageux du meublé, et en particulier des meublés de tourisme, ne sont pas nouvelles. Un rapport parlementaire de Didier Migaud, président de la commission des finances et de Gilles Carrez, rapporteur général du budget, s’interrogeait dès 2008 sur la légitimité des disparités fiscales en la matière (voir encadré à la page suivante). La Fondation Abbé Pierre a considéré pour sa part que le statut fiscal des locaux de tourisme constitue « le nerf de la guerre » et que son traitement serait de nature à ralentir la croissance du parc d’hébergements touristiques. Toutefois, elle a insisté, comme d’autres personnes auditionnées, sur l’importance de s’attaquer au régime réel et non seulement au micro-BIC. Le Collectif national des habitants permanents (CNHP) a abondé dans ce sens, estimant qu’il y aurait un réel risque de déport des investisseurs sur le régime réel dans le cas où la loi ne modifierait que le régime micro-BIC.
3. Une attrition résultante de l’offre de logement
L’intensification de l’activité de meublés de tourisme contribue, de l’avis de l’ensemble des observateurs du marché, à l’augmentation des prix de la location et de l’achat dans les zones tendues et génère des externalités négatives, notamment en termes de raréfaction de l’offre résidentielle, d’augmentation des loyers, de nuisances sonores, de congestion des services publics locaux, de dévitalisation des centres-villes, et de gentrification.
La Fondation Abbé Pierre (FAP) et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) ont publié conjointement une étude à ce sujet en 2020 ([18]), sur la base de données fournies par InsideAirbnb et co-analysées avec The Guardian. À l’aide de plusieurs études empiriques réalisées dans des villes européennes dont Lisbonne, Madrid, Paris, Varsovie, Barcelone et Berlin, le rapport constate que « l’idée initiale du modèle de plateforme de location à court terme est basée sur le lien entre touristes et propriétaires privés locaux, qui loueraient de façon occasionnelle une chambre d’amis. La réalité est pourtant bien différente, et le développement du phénomène s’est accompagné d’une “ professionnalisation ” des hôtes : une part importante des annonces concerne des logements entiers, et non plus une chambre chez l’habitant. Par ailleurs, plusieurs études universitaires et enquêtes d’investigations montrent qu’une part significative d’annonceurs ne sont pas des propriétaires individuels mais des entreprises possédant plusieurs biens ».
Cette professionnalisation des loueurs, notée dans de nombreuses études sur la plupart des grandes villes, suscite concrètement la transformation de logements en meublés touristiques. Dès lors, plusieurs études font le lien entre la transformation de logements à destination de location longue durée (LLD) en locations de courte durée (LCD), d’une part, et la diminution des logements disponibles pour les habitants. C’est le cas, par exemple, à Barcelone, où une étude établit la relation entre l’augmentation du nombre d’hébergements touristiques et la baisse du nombre de résidents permanents ([19]).
Face à ce problème d’offre, on serait naturellement tenté de proposer la création d’offre supplémentaire. Mais, dans un contexte marqué à la fois par la raréfaction foncière – particulièrement importante dans les communes littorales et de montagne du fait des sujétions spécifiques auxquelles elles sont soumises – et par la limitation normative croissante, à des fins écologiques, de la construction neuve, il n’est plus possible pour les marchés immobiliers locaux de s’équilibrer par les quantités de l’offre. La commission des affaires économiques, compétentes en matière de législation foncière et de lutte contre l’artificialisation des sols, a eu l’occasion de réaffirmer, dans la loi du 21 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, son attachement à une meilleure régulation des usages fonciers à l’avenir. Dès lors, la conversion des locaux résidentiels en locaux touristiques entraîne une attrition irrémédiable de l’offre résidentielle, non compensée par de la production nouvelle, ce qui se traduit par une augmentation, parfois très sensible, des prix de marché de la location.
Dans les zones tendues concernées par la présente proposition de loi, qui connaissent des tensions élevées sur le marché de l’immobilier, le changement et la diversification des usages des meublés ont un effet inflationniste sur l’ensemble des prix résidentiels, et donc un effet d’éviction sur les habitants permanents. Le développement rapide des locations de meublés de tourisme au cœur des agglomérations attractives a ajouté une pression supplémentaire sur les marchés locaux du logement et sur la disponibilité de ces logements ([20]).
Parmi les causes de l’attrition du logement accessible, la « secondarisation » d’une partie du parc et sa substitution par l’offre touristique en sont les facteurs les plus clairement observés ces dernières années. Comme le relèvent les travaux de la récente mission interministérielle, « les études économiques démontrent que le développement rapide des locations de meublés de tourisme accentue les déséquilibres sur les marchés locaux du logement » ([21]). Globalement, cette tendance est due au déport vers le marché touristique d’une partie des biens précédemment destinés au logement. Le même rapport évoque « une réduction de l’offre de résidences principales en zones tendues » et « l’augmentation des prix de l’immobilier d’autant plus que l’offre de logement est par construction inélastique à court terme ».
Les personnes auditionnées concordent dans ce constat : selon le Collectif national des habitants permanents, le logement constitue la première externalité négative de l’essor des meublés de tourisme. L’Umih, pour sa part, évoque un « rôle important des locations de meublés touristiques dans la crise du logement », en soulignant que c’est un phénomène qui ne concerne plus exclusivement les communes littorales, citant notamment l’exemple du Haut-Doubs, où les entreprises n’arrivent plus à loger leurs salariés ni leurs saisonniers, du fait du double défi résultant des transfrontaliers et du tourisme, comme à Annemasse.
C’est pourquoi France urbaine demande à « revenir aux fondamentaux de la location de courte durée », en contrant la professionnalisation et la massification de cette pratique : « la possibilité pour un particulier de louer quelques jours par an son appartement, bien sûr. Mais ce n’est pas le cas dans les territoires urbains, avec des îlots entiers qui basculent dans ce statut locatif, avec des effets d’éviction sur les étudiants, les travailleurs précaires, les saisonniers, les familles monoparentales, qui amplifient la crise du logement ».
Comme le souligne le rapport interministériel consacré à l’attrition résidentielle, « l’attractivité touristique d’un territoire génère une tension, souvent concentrée dans le temps et dans l’espace, qui vient se cumuler avec des déséquilibres déjà préexistants sur l’ensemble de l’année pour des territoires attractifs (excédent migratoire, foncier en moyenne plus rare, plus cher et plus contraint qu’ailleurs) et qui a une incidence sur la capacité de logement de l’ensemble de la population permanente et non-permanente (résidents secondaires et touristes) » ([22]).
La mission ajoute que : « les communes touristiques peuvent devoir faire face, lors des pics saisonniers estivaux, à une multiplication par dix de leur population qui entraîne des tensions immobilières et peut donner lieu à des dilemmes pour les élus entre promotion du tourisme et développement d’une population de résidents à l’année. Ces tensions sont renforcées par le fait que l’offre touristique française et notamment hôtelière est parfois qualitativement insuffisante voire obsolète, alors que des capacités abondantes et attractives sont un élément de baisse de la pression immobilière dans les zones touristiques ».
Les zones tendues se caractérisent par des niveaux élevés des prix et des loyers, ainsi que par de moins bonnes conditions de logement (logements plus petits, fréquence plus importante de situations de mal-logement) qu’en zones non tendues. Ces situations sont généralement exacerbées dans les centres-villes des grandes agglomérations. De fait, certains ménages ne pouvant se loger où ils le souhaitent se retrouvent contraints à habiter à des distances importantes de leurs lieux de travail, et subissent alors de longs et parfois coûteux déplacements domicile-travail.
Cette situation est à mettre en regard de la situation plus générale du pays en matière de logement.
En France, le marché immobilier se caractérise par la présence de déséquilibres de long-terme sur les marchés et segments du logement. L’offre croissante (progression de 1,2 % du parc des résidences principales par an) mise sur le marché depuis cinquante ans n’arrive pas à satisfaire une demande elle-même croissante. Certes, le parc progresse 2,5 fois plus vite que la population (+ 0,5 % sur la même période) et est sensiblement plus important que dans les autres économies développées ([23]) : la France compte 590 logements pour 1 000 habitants en 2020 dans son territoire européen, contre 515 en 2011, ce qui la place en deuxième position au sein de l’OCDE (cf. graphique). Par contraste, les pays de l’OCDE comptent en moyenne environ 450 logements pour 1 000 habitants.
Nombre total de logements pour 1 000 habitants en 2011 et 2020
Source : OCDE, OECD Affordable Housing Database, indicateur “HM1.1 Housing stock and construction”, 2022.
Mais il est important de souligner que cet indicateur ne prend pas en compte le statut d’occupation du logement comptabilisé. En France, une part non négligeable du stock total de 37,8 millions de logements est constituée de résidences secondaires et de logements occasionnels (3,7 millions de logements, soit 9,8 % du parc) et de logements vacants (3,1 millions de logements, soit 8,2 % du parc) ([24]). Ces statistiques doivent signifier que, contrairement à une idée répandue, l’ampleur de la problématique du logement en France n’est pas explicable seulement par un problème de moindre construction intervenu depuis deux ou trois ans.
Il faut aussi remarquer que si la demande de logements augmente du fait de l’accroissement naturel de la population et de ses changements démographiques (vieillissement, hausse du nombre de ménages par séparation et décohabitation), elle se répartit de manière différenciée sur le territoire. Les zones de tension identifiées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et le service des données et des études statistiques (SDES) dans le cadre de l’analyse prospective de la demande de logement, en particulier l’outil de territorialisation des besoins en logements (Otelo) en 2021 sont principalement les zones littorales de l’ouest et du sud du territoire hexagonal français.
RÉpartition du parc de logements selon l’usage
Source : Insee, « Insee Focus », n° 309, octobre 2023. Données France hors Mayotte, de source Insee et CGDD-SDES (ministère de la transition écologique).
En 1983, le pays, qui comptait 56 millions de personnes, avait un stock de logements de 24 millions. En 2023, avec une population de l’ordre de 67 millions, le stock de logements est de 38 millions. Le stock de logements a donc augmenté d’environ 55 % tandis que la population augmentait de 20 %. Plutôt qu’une focalisation exclusive sur la construction de logements neufs, marque de fabrique de nombreuses politiques depuis les années 1980, devenue incompatible avec les engagements du pays en matière de sobriété foncière, la production de logements abordables doit donc en passer par la mobilisation pleine du vivier existant, objectif qui est servi par la présente proposition de loi.
4. L’attrition du logement a un impact récessif sur l’économie locale
La crise du logement cher a un impact sur l’économie, fortement ressenti au niveau local par les entreprises, dont certaines peinent à recruter faute de logements disponibles pour loger leurs salariés à des prix raisonnables. Le logement cher pèse en conséquence sur la mobilité professionnelle, et réduit d’autant la possibilité d’adaptation des travailleurs aux évolutions des bassins d’emploi auxquels ils appartiennent. Votre rapporteure a récemment consacré un rapport budgétaire à cette question ([25]).
Le déficit d’attractivité suscité par les difficultés de logement et le moindre recrutement qui en résulte emportent des incidences négatives sur l’emploi, bien que les études économétriques sur ce point manquent en France ([26]). Tout comme la carence en logements peut constituer un facteur majeur de perte d’attractivité pour un territoire, ce facteur affecte fortement l’attractivité des emplois proposés. Cela est d’autant plus vrai qu’une grande partie des emplois, tout particulièrement dans le secteur tertiaire, se concentre majoritairement dans les grandes métropoles où le logement privé est devenu inaccessible du fait du renchérissement immobilier intervenu au cours des dix (Bordeaux, Lyon, Lille) ou vingt dernières années (Paris).
Cette situation emporte des conséquences non négligeables pour le reste de l’économie. Les coûts économiques de ce déficit de recrutement sont connus. La mauvaise « allocation spatiale du travail » entre les villes et les territoires résulte en premier lieu, selon les analyses de Hsieh et Moretti ([27]), de la restriction de l’offre de logements, qui affecte directement le nombre de travailleurs qui ont accès aux « zones de haute productivité » comme New York, la baie de San Francisco, ou, en France, l’Île‑de‑France. Cette étude en déduit une baisse de la croissance agrégée de l’économie de 36 % entre 1964 et 2009 ([28]).
Plusieurs leviers, de nature différente, expliquent selon les différentes études citées le déficit de croissance constaté en cas de carence durable de logements : la dégradation de la rentabilité des entreprises s’explique principalement par le levier du coût du travail du fait de l’octroi d’un avantage salarial pour compenser le coût du logement ([29]) ; le coût de la « dépense non réalisée » en biens de consommation et en investissement, qui résulte de la dépense excédentaire consentie en faveur du logement, calculée par rapport au « seuil de sortie du caractère abordable », évalué à 30 % des ressources ([30]) ; des effets locaux et keynésiens liés au déficit de nouveaux résidents consommateurs de services.
Une telle évolution, dont les retombées bénéfiques ne sont pas évidentes à retrouver, emporte une perte économique nette pour le territoire et le pays. En dépit des arguments parfois présentés en sens contraire, cette perte est loin d’être compensée par le surcroît d’activité engendré par la multiplication des meublés touristiques, l’activité en question ne présentant du reste pas le même profil de soutenabilité que les activités de logement et d’emploi remplacées.
B. un effort de rÉgulation concentrÉ dans certaines zones et aux effets largement insuffisants
Le législateur n’est pas resté passif face à ce défi majeur. Visant à limiter l’érosion du parc résidentiel dans les zones tendues, il a d’ores et déjà apporté des solutions d’encadrement de l’activité de meublés de tourisme, en particulier par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan) et la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Des outils nombreux ont été créés, de nature réglementaire (déclaration préalable, enregistrement) et fiscale (taxe de séjour).
1. Des outils ont été créés, à la main des territoires
De nombreux pays ont adopté des outils pour réguler les locations de courte durée. Selon une étude menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 16 pays sur 40 répondants au « questionnaire sur le logement abordable et le logement social » ([31]) rapportent l’existence de telles mesures. La forme la plus fréquente de limitation prise au niveau national concerne la durée maximale d’un tel séjour, avec des plafonds compris entre 30 jours en Italie et 180 jours en Nouvelle-Galles du Sud ([32]).
En France, l’encadrement législatif et réglementaire de la location de meublés de tourisme est prévu à la fois par le code du tourisme et le code de la construction et de l’habitation (CCH).
a. La déclaration préalable en mairie
Le code du tourisme prévoit l’obligation, pour toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, qu’il soit classé ou non, de le déclarer préalablement au maire de la commune où est situé le meublé ([33]), tout en disposant explicitement que les résidences principales sont exemptées de cette déclaration préalable.
Dispositifs existants permettant la rÉgulation des meublÉs de tourisme
Source : direction générale des entreprises, « Impact économique et réglementation des meublés de tourisme », Thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.
En droit immobilier, une résidence principale s’entend au sens de la loi du 6 juillet 1989 comme un « logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation » ([34]). Un logement qui est loué plus de quatre mois dans l’année, soit plus de cent-vingt jours, ne peut donc pas être considéré comme une résidence principale.
b. La réglementation du changement d’usage
La procédure de changement d’usage, prévue aux articles L. 631‑7 à L. 631‑9 du code de la construction et de l’habitation (voir commentaire de l’article 2) s’inscrit, depuis sa création, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dans l’objectif de lutter contre la pénurie de logements. Dans les communes concernées par cette réglementation, tout changement d’usage de locaux destinés à l’habitation est soumis à une autorisation préalable délivrée par la mairie.
Le régime du changement d’usage a été élargi en 2014 pour concerner la location répétée pour des courtes durées d’un local affecté à l’habitation ([35]), le législateur ayant alors expressément précisé que louer un logement pour de courtes durées constitue bien un changement d’usage par rapport à l’usage d’habitation : « Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article » ([36]).
Cette procédure connaît actuellement trois niveaux de mise en œuvre :
– elle est obligatoire pour les communes de plus de 200 000 habitants et pour celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val‑de-Marne ;
– les communes situées en « zone tendue » ([37]) peuvent délibérer en organe délibérant pour appliquer la démarche ([38]) ;
– les autres communes peuvent demander au préfet sa mise en œuvre.
Dans ces communes, une délibération du conseil municipal peut, ou doit, selon le cas, définir un régime d’autorisation préalable de changement d’usage. Une telle autorisation peut, depuis 2005, être subordonnée à une opération de compensation, sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Lorsqu’elle est subordonnée à une compensation, l’autorisation de changement d’usage est réelle, c’est-à-dire qu’elle est attachée au local transformé, et non à la personne qui l’a transformé.
Le changement d’usage : règles fréquentes
Le contenu du règlement de changement d’usage est à la main de la commune ou de l’intercommunalité, mais comprend le plus souvent certaines règles :
– à condition de ne pas dépasser 120 jours de location cumulée par année civile, le loueur est uniquement soumis à une obligation de déclaration électronique du logement afin d’obtenir un numéro d’enregistrement, qui doit apparaitre dans les annonces publiées ;
– au-delà de cette limite, il ne s’agit plus d’une activité occasionnelle de location du logement pendant l’absence du résident : la règlementation relative aux résidences secondaires s’applique. Outre la déclaration d’enregistrement du meublé, il est dès lors nécessaire de solliciter une autorisation de changement d’usage auprès de la mairie ;
– s’il s’agit du premier logement mis à la location meublée touristique, une autorisation temporaire de changement d’usage d’une durée d’un an, renouvelable cinq fois, peut être accordée par propriétaire. Cette autorisation est limitée à une résidence par foyer fiscal et est personnelle, donc incessible ;
– si la période de location s’étend au-delà de la cinquième année, le propriétaire est alors soumis à changement d’usage définitif, et donc à une obligation de compensation ;
– une compensation est également obligatoire dès la deuxième logement mis à la location meublée touristique pour un même loueur, ce qui obligera celui-ci à transformer en logements de surface équivalente des locaux non habitables, le plus souvent des commerces ou bureaux, de surface équivalente.
Concrètement, le demandeur, avant de pouvoir louer sa résidence secondaire à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile pour des courtes durées, devra solliciter à la mairie une autorisation de changement d’usage, afin de pouvoir exercer dans ce bien une activité commerciale de location touristique. L’autorisation de la mairie ayant pour objet de transformer un local à usage d’habitation en local en local commercial, la mairie pourra imposer au demandeur de proposer, en contrepartie, la transformation d’un bien à usage commercial en bien à usage d’habitation. Il est possible aussi d’acheter des titres de compensation, par exemple auprès d’un bailleur social qui mène des opérations de transformation de bureaux en logements. D’après la Ville de Paris, la moyenne du coût de ce genre d’opération se situe autour de 1 600 euros par mètre carré ([39]).
La loi prévoit également l’obligation pour les intermédiaires de location d’informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables ([40]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile plafonnée à 500 euros par meublé de tourisme objet du manquement. La procédure de changement d’usage s’accompagne d’une demande de changement de destination d’urbanisme, qui se fait par le biais d’une déclaration préalable.
En l’état, le texte permet à la collectivité de définir la compensation comme elle le souhaite. Un point d’attention, soulevé notamment par le tribunal administratif de Bayonne, est que la compensation soit réaliste. Des questions particulières peuvent se poser sur l’utilisation de cet instrument pour favoriser la transformation des zones commerciales, au-delà du périmètre communal. À Paris, des problématiques de nature différente se posent sur la transformation de locaux commerciaux en rez-de-chaussée en locations meublées de courte durée.
Selon certains membres du Collectif national des habitants permanents (CNHP) auditionnés par vos rapporteurs, la compensation ne peut résoudre le problème au regard de la concentration des meublés de tourisme. Le CNHP demande à ce que l’autorisation de changement d’usage fasse l’objet d’un affichage obligatoire par la ville ou le syndic, sans quoi les délais de recours ont de trop fortes chances de s’écouler sans prise de connaissance adéquate de la part des parties prenantes. Le collectif Alda a également abondé en ce sens, en rapportant que la compensation en vigueur à Biarritz aurait suscité le retour à la location à l’année de 130 logements.
c. Le régime de l’enregistrement
À cette procédure de déclaration de changement d’usage s’ajoute un dispositif qui permet un contrôle et un suivi renforcés sur les meublés de tourisme : la mise en place d’un numéro d’enregistrement, dispositif créé par l’article 51 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
i. La déclaration préalable soumise à enregistrement
Les communes qui ont mis en œuvre une procédure de changement d’usage ont ainsi la faculté de subordonner toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à enregistrement ([41]). Cette déclaration doit indiquer si le bien offert à la location constitue la résidence principale du loueur. Un numéro d’enregistrement est délivré au loueur à la réception de la déclaration.
Cette procédure d’enregistrement a notamment pour objectif de vérifier le respect du plafond des 120 jours de location pour les résidences principales. Les intermédiaires de location sont associés au contrôle du respect de cette obligation : ils doivent retirer du marché de la location tout meublé de tourisme déclaré comme résidence principale qui serait loué plus de 120 jours au cours d’une même année civile ([42]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par annonce faisant l’objet du manquement ([43]).
Les plateformes n’ont pas accès à la liste des numéros d’enregistrement délivrés par les communes : ce sont donc les communes qui sont en mesure de repérer les numéros frauduleux.
L’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) recensait, au 31 décembre 2022, 193 communes ayant introduit une procédure de changement d’usage et une procédure de déclaration donnant lieu à enregistrement. Alors qu’elle recensait 92 villes ayant introduit une procédure de changement d’usage et une procédure de déclaration ouvrant à enregistrement des meublés de tourisme au long de l’année 2021, l’UNPLV dénombrait donc 101 villes supplémentaires à la fin de l’année 2022. Depuis le 1er janvier 2023, l’UNPLV veille au respect de la réglementation en vigueur relative à la location meublée touristique (numéro d’enregistrement obligatoire, maximum de 120 jours pour les résidences principales) dans les communes où elle a connaissance de l’instauration d’une procédure de déclaration ouvrant à enregistrement conforme à la loi en vigueur ([44]).
ii. La faculté des communes de demander des informations aux plateformes
Le législateur a prévu dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan) que les communes ayant mis en place une procédure d’enregistrement sont habilitées à demander à un intermédiaire de la location le décompte du nombre de jours au cours desquels un meublé de tourisme a fait l’objet d’une location sur leur territoire ([45]).
Elles peuvent également demander la transmission d’autres informations : le nom du loueur, l’adresse du meublé, le numéro de déclaration et, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur.
L’intermédiaire de location dispose d’un délai d’un mois pour transmettre ces informations. Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile plafonnée à 50 000 euros par meublé de tourisme objet du manquement.
iii. La création de l’interface « API meublés »
La direction générale des entreprises (DGE), le pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ont expérimenté entre février et juillet 2022 la mise en œuvre d’une interface de programmation d’application (application programming interface ou API), dite « API meublés », visant à faciliter les échanges de données entre les intermédiaires de location de meublés de tourisme et les communes, afin de permettre à celles-ci de mieux contrôler le respect de la réglementation.
Le projet, initié dès l’automne 2020, a associé cinq communes partenaires (Bordeaux, Lyon, La Rochelle, Nice et Strasbourg) et cinq intermédiaires de meublés de tourisme (Expedia, Airbnb, Booking, Clévacances et Leboncoin), tous volontaires. Selon le bilan d’étape du projet publié en 2022, l’augmentation des demandes a fait apparaître de nouveaux besoins qui nécessitent une adaptation des modalités techniques de transmission.
La solution numérique développée devrait permettre l’harmonisation et la simplification des transmissions entre intermédiaires de location et communes, l’automatisation des échanges et la mutualisation de l’effort de correction et de réconciliation de données pour les communes, la base d’adresses nationale ayant vocation à être utilisée pour consolider les adresses et exploiter des outils cartographiques.
L’étude d’impact du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) indique que le bilan de l’expérimentation s’est révélé positif. Les intermédiaires de location ont mis en avant la nécessité de faciliter la vérification de la légalité des demandes des communes et l’automatisation des flux de données. Quant aux communes, elles ont souligné qu’il leur était essentiel de disposer de données fiables pour les exploiter et prendre des décisions éclairées.
iv. La réglementation européenne en cours d’élaboration
À la fin de l’année 2022, à la suite notamment d’une campagne en ce sens menée par les principales villes au niveau européen ([46]), la Commission européenne a présenté un projet de règlement visant à promouvoir la transparence dans le secteur de la location de logements de courte durée ([47]). Selon Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission pour une Europe adaptée à l’ère du numérique, « le secteur de la location de logements de courte durée a été stimulé par l’économie des plateformes, mais il ne s’est pas développé avec suffisamment de transparence ».
Pour Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, « les locations de logements de courte durée apportent des avantages aux hôtes, aux touristes et à l’écosystème touristique, mais l’expansion de ce secteur ne devrait pas se faire au détriment des communautés locales. La proposition présentée aujourd’hui garantira que les autorités locales disposent des données dont elles ont besoin pour soutenir un secteur durable de la location de courte durée, lutter contre les référencements illicites et contribuer à un écosystème touristique équilibré », dans le cadre général de la directive « Services » et du Digital Services Act (DSA).
Le Conseil de l’Union européenne a arrêté sa position sur cette proposition de règlement en mars 2023 ([48]). En septembre dernier, la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a adopté le texte à l’unanimité ([49]). Il y a quelques jours, le 16 novembre, le Parlement européen a annoncé avoir obtenu un accord avec la présidence espagnole du Conseil dans le cadre du trilogue, précisant que les axes de l’accord préservent les points suivants :
– des mesures de simplification de l’enregistrement d’un bien : le texte convenu établit une procédure d’enregistrement en ligne gratuite, ou à coût proportionné, pour les propriétés locatives de courte durée dans les pays qui le demandent. Une fois la procédure terminée, les hôtes recevront un numéro d’enregistrement qui leur permettra de louer leur propriété. Les autorités compétentes connaîtront dès lors l’identité des hôtes et seront en mesure de vérifier leurs informations ;
– des mesures de sécurisation de la location : les plateformes en ligne devront s’assurer que le numéro d’enregistrement d’un hôte permet aux utilisateurs d’identifier le bien sûr l’annonce, et que les informations fournies sont fiables et complètes. À cet effet, les plateformes devront faire des « efforts raisonnables » pour effectuer des contrôles aléatoires sur ces informations. Les autorités compétentes pourront suspendre les numéros d’enregistrement, demander aux plateformes de supprimer les annonces illégales ou imposer des sanctions aux plateformes et aux hôtes non conformes ;
– l’amélioration de la transmission des données : dans le cadre de l’accord, les États membres mettront en place un point d’entrée numérique unique pour recevoir des données des plateformes sur l’activité de l’hôte (par exemple, adresse spécifique, numéro d’enregistrement correspondant, URL de la liste) sur une base mensuelle. Un régime moins contraignant est prévu pour les petites plateformes, avec une moyenne de 4 250 annonces ou moins. Ces données seront utilisées pour établir des statistiques et permettre aux pouvoirs publics de mieux évaluer la situation sur le terrain et d’améliorer les services touristiques.
La DHUP a fait remarquer lors de son audition que cette réglementation s’applique pour toute location de courte durée, sans définir précisément la notion, et qu’elle pourrait donc aussi bien s’appliquer, par exemple, au bail mobilité, sur lequel l’administration ne dispose pas à ce jour de données précises et sur lequel les auditions ont rapporté des abus.
v. Les dispositions du projet de loi SREN en cours de navette
L’article 17 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), en cours de navette parlementaire, qui s’inscrit dans le cadre de la réforme portée par la Commission européenne, modifie le code du tourisme pour instaurer un dispositif de centralisation des données relatives à la location de meublés de tourisme. Un organisme unique sera chargé de collecter ces données auprès des plateformes et de les communiquer aux communes qui en feront la demande :
– à la possibilité existante pour les communes de solliciter directement les plateformes ([50]), l’article substitue la faculté pour elles d’accéder aux données mises en ligne par un organisme unique, chargé de collecter les données de manière électronique auprès des intermédiaires de location participant à la location des meublés de tourisme. Ces données seront de nature à permettre aux communes concernées de contrôler le respect des obligations pesant sur les loueurs, et demeureront disponibles en données ouvertes pour une durée de deux ans à compter de leur agrégation ;
– le projet de loi fera l’objet d’une entrée en vigueur différée, qui doit permettre de finaliser les développements informatiques nécessaires au fonctionnement de la plateforme. L’éventualité de permettre à l’ensemble des communes d’avoir accès aux données sans distinction a été écartée par la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi, considérant que le dispositif n’était pas suffisamment mature pour prévoir un élargissement de cette ampleur. L’étude d’impact annexée au projet de loi formule l’hypothèse que 350 communes pourraient bénéficier de ce dispositif de centralisation de données.
Selon la même étude d’impact, l’article ne couvre pas l’ensemble des situations prévues par la proposition de règlement européen, et le droit interne devra de nouveau être adapté une fois le règlement définitivement adopté.
Selon la DGE, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sera également chargée d’animer un observatoire sur le sujet.
d. Le plafonnement du nombre de nuitées en résidence principale
La mise en location ponctuelle de la résidence principale, par des contrats de courte durée, est devenue une pratique courante chez les propriétaires et les locataires, notamment dans les zones tendues, qui permettent un complément de ressources et une valorisation du bien pendant les périodes de congés. Dans la mesure où ces modalités de « partage » du bien ne posent pas intrinsèquement de problème d’attrition du logement, elles ne soulèvent pas de difficulté pour le législateur, et elle ne sont donc pas soumises à la réglementation du changement d’usage : « lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ([51]).
Toutefois, cette pratique connaît une limite, liée à la définition de la résidence principale (cf. supra), qui désigne l’habitation occupée plus de huit mois par an, ce qui autorise à une location maximale de 120 jours par an. Il s’agit donc d’une justification liée à la cohérence juridique, et non pas à une limitation constitutionnelle quelconque.
Cette limite est très élevée en comparaison internationale, et même, selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), la plus élevée en Europe. Les témoignages montrent que 120 jours de mise en location à une clientèle de passage peuvent occasionner des désordres dans les immeubles et une modification de la configuration du quartier qui pourraient justifier de retenir un seuil maximal inférieur, ou de doter les élus des moyens de le faire, ces désordres méritent en tout état de cause de renforcer le contrôle.
C’est la raison pour laquelle l’article 17 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) a été modifié, au cours de son examen, afin de compléter le dispositif de centralisation des données par un mécanisme d’alerte lorsqu’un meublé a été loué plus de 120 jours (voir supra). L’objectif est de repérer les meublés qui sont des résidences principales et qui ne respectent pas le plafond de 120 jours de location par an.
L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) a également rappelé, à propos du rapport entre la location de courte durée et la résidence principale, la réglementation new-yorkaise, qui contraint toute location d’un meublé de tourisme de moins de trente nuitées à se faire en présence du propriétaire, limitant de fait les usages des meublés qui ne sont pas des résidences principales.
2. Les outils déployés présentent des faiblesses, qui empêchent leur plein effet
Les outils juridiques mis en œuvre par les collectivités sont systématiquement attaqués en justice. L’ambiance de « guérilla » rapportée par les personnes auditionnées se rapporte aussi au terrain judiciaire. Le rapport réalisé par la Fondation Abbé Pierre remet cette lutte dans son contexte : « la bataille des villes, et leurs tentatives d’encadrement, a commencé aux États-Unis dès 2010 (à New York notamment) et s’est rapidement étendue aux capitales européennes, démunies face à l’expansion du phénomène. Les villes européennes ont à leur tour mis en place des réglementations afin de contenir le phénomène des plateformes de location. Mais chaque tentative sera systématiquement contestée devant les tribunaux par les propriétaires ou les plateformes elles-mêmes » ([52]).
Les acteurs rencontrés par vos rapporteurs ont confirmé que les dispositions mises en œuvre par les collectivités territoriales font l’objet de recours contentieux divers. L’Umih a cité le fait que les élus qui mettent en œuvre le changement d’usage sont « systématiquement attaqués en justice », appuyant à cet effet un renforcement de leurs compétences afin de sécuriser leurs décisions. La Confédération des acteurs du tourisme (CAT) a également observé que les outils activés sont attaqués et a appelé à une « pédagogie » auprès des élus sur leur usage et à une simplification de leur mise en œuvre, proposant dans ce sens la « décorrélation » du changement d’usage et du numéro d’enregistrement (cf. supra).
Des difficultés contentieuses particulières concernent, selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), la justification de la mise en œuvre du changement d’usage par la commune, dans le régime prévu à l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation pour les communes qui ne sont pas situées en zone tendue, qui pourrait constituer un argument en faveur de la suppression du régime de l’autorisation préfectorale.
Par ailleurs, dans les contentieux contre les loueurs de meublés de tourisme qui ne sollicitent pas l’autorisation de changement d’usage, les communes supportent la charge de la preuve de l’usage d’habitation, car l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation dispose qu’« un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ». Il revient donc aux collectivités de démontrer que le logement était à usage d’habitation au 1er janvier 1970. Cette preuve peut être difficile à produire matériellement. Une utilisation est souvent faite à cet effet du formulaire dit « H2 », rempli par les propriétaires de propriétés bâties à l’occasion de la révision foncière de 1970. La Ville de Paris a produit, pour établir la preuve de l’usage d’habitation d’un local faisant l’objet d’un litige, la déclaration selon le modèle H2 fourni par l’administration fiscale, rempli par le propriétaire en 1978. La Cour de cassation a toutefois eu l’occasion de considérer que les renseignements portés dans ce formulaire ne peuvent être considérés comme décrivant l’usage du bien.
D’autres fragilités majeures concernent les zonages réglementaires prévus pour l’application des dispositifs, perçus comme étant restrictifs et rigides. Les dispositions actuelles s’appliquent selon un système de zonage législatif et réglementaire. Le premier zonage, inscrit dans le texte législatif, concerne l’ensemble des communes de plus de 200 000 habitants. Le second zonage concerne les « zones tendues » au sens du code général des impôts (voir commentaire de l’article 2). Vos rapporteurs rappellent à ce sujet que le législateur a insisté récemment sur la volonté de se voir remettre un rapport sur ces zonages, et que le Gouvernement s’est soustrait à plusieurs reprises à son obligation. De nombreux acteurs ont contesté le rattachement du régime à un zonage. Comme le fait valoir l’Umih, « les zones tendues et détendues évoluent », parfois rapidement, alors que le système de zonage, lui, est caractérisé par une forte rigidité réglementaire, car le pouvoir réglementaire met un temps considérable à l’actualiser pour mieux refléter les dynamiques immobilières locales.
Des difficultés concernent également l’application du dispositif aux personnes morales, notamment les sociétés civiles immobilières. Le Collectif national des habitants permanents a notamment souligné que le contentieux n’avait pas permis aux sociétés civiles immobilières (SCI) d’être soumis au règlement des locaux touristiques pris par la ville d’Annecy.
Les loueurs de meublés peuvent également mettre à profit d’autres faiblesses du régime juridique encadrant les régimes locatifs. Le collectif Alda, auditionné par vos rapporteurs, a pointé par exemple la multiplication des baux mobilité abusifs, conclus au prétexte que les demandeurs sont en contrats à durée déterminée et utilisés par les propriétaires afin de libérer les lieux pendant la période estivale et de mettre le bien sûr le marché de la courte durée : « des centaines de personnes qui travaillent se retrouvent SDF l’été ». Votre rapporteur abonde en ce sens, pointant la pratique, courante au Pays basque, de propriétaires qui n’acceptent des nouveaux locataires qu’avec la stipulation qu’ils devront quitter les lieux en juin s’ils souhaitent pouvoir revenir en septembre. Alda observe que « c’est devenu une jungle où les gens se permettent n’importe quoi : les gens qui travaillent sont de plus en plus précarisés ». Le collectif a aussi rapporté, dans le même sens, le recours excessif au bail meublé, qui diminue le préavis de congé, élimine le droit de priorité sur l’achat du logement, et donc la contestation possible du prix de mise en vente.
3. Les résultats, insuffisants, justifient un nouvel effort législatif
L’ensemble des nombreux acteurs auditionnés par vos rapporteurs se sont accordés sur la pertinence du sujet et sur l’importance d’un nouveau souffle dans la régulation et l’encadrement de l’immobilier touristique. M. Alexandre Maulin, président des Domaines skiables de France (DSF), a particulièrement salué en l’article 2 « la vraie solution », puisqu’il permet de donner le pouvoir aux élus locaux de prendre des règles contraignantes pour organiser la stratégie de leur territoire, mettant en avant l’idée selon laquelle « vouloir faire une règle nationale pour contraindre les meublés, c’est méconnaître la diversité des territoires concernés ». Selon la CAT, « il ne faut pas passer du rien au tout, mais il faut réguler ».
Même l’UNPLV a accepté, lors de son audition, le principe de mesures de régulation supplémentaires, tout en questionnant la pertinence des mesures proposées. C’est la raison pour laquelle l’association a créé la plateforme « La voix des hébergeurs », qui vise à « recueillir les témoignages d’hébergeurs de toute la France et de les rassembler autour de propositions communes, pour une révision plus juste des règles encadrant le secteur de la location touristique de courte durée » ([53]).
4. De nouveaux outils sont possibles
Les élus locaux rencontrés par vos rapporteurs sont fortement demandeurs de nouvelles facultés d’agir pour réguler le marché locatif dans leur territoire. Le maire d’Ajaccio a ainsi demandé la création d’ « outils flexibles, que les collectivités puissent adapter en fonction du contexte économique ». Il a également appelé à des outils permettant, non seulement de freiner la transformation de biens résidentiels en biens de tourisme, mais de favoriser le retour des biens transformés dans le secteur résidentiel.
a. La généralisation de l’enregistrement
L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a rappelé que, selon une enquête menée auprès de ses adhérents, la fin du conditionnement de la mise en place d’un numéro d’enregistrement à la mise en œuvre préalable de la réglementation du changement d’usage constitue « la principale revendication des élus sur le sujet des meublés », les élus souhaitant en premier lieu la généralisation de l’utilisation de l’API meublés (voir supra).
Dans le même sens, la CAT a demandé l’application du numéro d’enregistrement à l’ensemble des locaux de tourisme, et plus seulement dans les collectivités qui appliquent le changement d’usage, selon le principe que toute activité commerciale doit être enregistrée, et afin que les collectivités aient des données complètes sur l’ensemble du parc ; demande appuyée par l’Umih, qui a insisté sur l’importance d’un « inventaire exhaustif » du parc à la main des élus locaux. Ce « désencastrement » du numéro d’enregistrement et du changement d’usage, dit aussi « décorrélation », peut prendre plusieurs formes : certains préconisent un enregistrement général, partout sur le territoire, tandis que d’autres préfèrent un outil à la main des communes.
À l’appui de cette proposition, la DHUP met en avant le fait que la décision d’enclencher l’enregistrement a souvent été trop tardive par rapport à la dynamique haussière observée dans le parc immobilier. Cela a été le cas, qu’il s’agisse d’un choix autonome de la commune ou en conséquence d’un nouveau zonage. Or l’enregistrement serait plus efficace s’il était mis en œuvre en amont de telles évolutions et participait à la connaissance du parc.
Le Collectif national des habitants permanents a demandé la mise en place d’un observatoire permanent en mesure de consolider les données et de fournir aux collectivités une meilleure connaissance du marché, afin de mieux étayer leurs décisions réglementaires. Vos rapporteurs ont auditionné ParisVSBnb, observatoire bénévole qui extrait par moissonnage (scraping) les données d’Airbnb, qui représente 90 % du marché, pour le marché parisien, ce qui permet une cartographie à l’aide d’un système d’information géographique (SIG), mis à jour une fois par an. L’observatoire rapporte qu’en l’état du droit, la technologie utilisée peut poser des questions de légalité et nécessité une sécurisation. L’observatoire rapporte avoir demandé à travailler avec les services de l’État pour mettre en place un observatoire « en bonne et due forme ».
Des communes ont mis en place un système de limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée, délivrées au titre de l’article L. 637-1 A du code de la construction, qui constitue dès lors un outil supplémentaire de régulation de l’offre dans les territoires fortement concernés par une tension locative.
La mesure semble particulièrement intéressante à vos rapporteurs, dans la mesure où elle permet de prendre les devants par rapport à la transformation massive des logements en location de courte durée, favorisant ainsi un traitement préventif et non plus curatif de la problématique.
Plusieurs villes, à commencer par Saint-Malo ou Val d’Europe (Marne‑la-Vallée), ont mis en œuvre de tels dispositifs. D’autres, à l’instar d’Annecy ou de Paris, ont souhaité l’instaurer mais n’ont pas pu aller, à ce jour, au bout de la procédure.
Val d’Europe Agglomération, constatant ainsi que la mise en œuvre du régime de changement d’usage « ne suffisait pas à enrayer la forte augmentation des meublés de tourisme sur le territoire de la communauté d’agglomération et donc à limiter la pénurie de logements », a délibéré en faveur de l’encadrement du nombre d’autorisations pouvant être délivrées au sein d’une même zone, de la subordination de tout changement d’usage de location de meublés de tourisme à l’obligation de compensation, et de l’autorisation, pour tout propriétaire personne physique, de procéder au changement d’usage à titre temporaire sans compensation pendant trois ans et dans la limite d’un logement par foyer fiscal ([54]).
De nombreux acteurs ont soutenu ces initiatives. La Confédération des acteurs du tourisme a rapporté avoir soutenu la mise en œuvre de quotas sur le territoire de Saint-Malo. Selon le Collectif national des habitants permanents (CNHP), la mise en place des quotas à Saint-Malo a emporté une baisse de 1 200 locaux en location de courte durée sur trois ans, avec notamment 400 remises sur le marché et 400 logements remis en location familiale. En tout état de cause, la mesure n’aurait pas créé de vacance particulière.
La DHUP a attiré l’attention de vos rapporteurs sur certains des risques à parer : il semble nécessaire de prévoir une limitation dans le temps du dispositif, pour répondre aux exigences du droit européen de la concurrence. Une sélection transparente est également nécessaire avec des mesures de publicité, afin d’éviter des effets de premier venu-premier servi.
c. La mobilisation d’une servitude d’urbanisme
Les attentes sont nombreuses quant à la possibilité d’instituer une servitude d’urbanisme qui limiterait, dans certaines zones identifiées du règlement du PLU, la capacité à créer des meublés de tourisme. Il faut rappeler à cet égard que la servitude concerne les constructions neuves, et doit être justifiée par un motif d’intérêt général impérieux, qui justifie de porter atteinte au droit de propriété, ce motif pouvant dans le cas d’espèce être la lutte contre l’attrition du logement dû à la tension touristique.
Une autre difficulté de la création de servitudes résulte de la difficulté de contrôler l’usage des biens, notamment sur une longue période, en ce qui concerne la location de meublés touristiques. Plusieurs contributeurs ont ainsi estimé qu’il pourrait être plus simple d’instituer des servitudes de résidences principales. En effet, le parc de résidences secondaires progresse, et il progresse plus vite que la population et que le parc de résidences principales.
Début 2021, selon l’Insee, on comptait 3,7 millions de résidences secondaires et de logements occasionnels en France (hors Mayotte), ce qui représentait 9,9 % du parc de logements ordinaires. En Angleterre, par comparaison, il existe 809 000 résidences secondaires ([55]), bien que le même phénomène d’augmentation y soit observable. Selon l’Insee, en France, « leur rythme d’accroissement a été très élevé dans les années 1980, puis a baissé au début des années 1990, avant d’accélérer à nouveau au début des années 2010 pour se stabiliser autour de + 1,7 % par an depuis 2015. Entre 2020 et 2021, le rythme a fléchi à + 1,4 %, avec une croissance de 50 000 logements affectés à cet usage ». Cette croissance est à mettre en regard de la croissance de 1 % annuellement enregistrée par le parc total de logements.
Dans le territoire hexagonal, ces logements sont à 54 % des maisons et sont répartis sur le territoire de manière très inégale. Ils représentent un logement sur six dans les communes rurales, contre un sur dix dans toutes les communes, et sont peu présents dans les grandes agglomérations. Ces logements se concentrent majoritairement sur les littoraux méditerranéen et atlantique – environ 40 % de l’ensemble – et à la montagne – 20 %. Dans les départements et régions d’outre‑mer (hors Mayotte), les résidences secondaires sont relativement moins présentes, correspondant à environ 5 % des logements ordinaires.
Les dynamiques de croissance parfois extrêmement fortes enregistrées dans certains territoires justifient, selon l’avis de nombreuses personnes auditionnées, de réfléchir aux possibilités de les encadrer par des mesures inscrites dans les documents qui sont à la main des collectivités.
d. Le rééquilibrage ou l’inversion des dispositions fiscales
La location meublée non professionnelle bénéficie à l’heure actuelle de plusieurs dispositions qui en font un placement particulièrement avantageux, jouissant d’une rentabilité sans commune mesure avec des instruments plus classiques.
En particulier, l’une des singularités fiscales de ce type d’activité réside dans la possibilité de déduire des amortissements au cours de la location et de ne pas les prendre en compte au moment de la cession dans le calcul de la plus-value. Au cours de la location, on considère que le bien se dégrade et donc qu’il perd de la valeur, ce qui justifie la déduction des amortissements des revenus tirés de la location. A contrario, au moment de la cession, pour l’imposition sur les plus‑values au titre de l’impôt sur le revenu, on considère que le bien n’a pas perdu de valeur, et c’est le prix d’acquisition qui est considéré indépendamment des amortissements déduits, mode de calcul qui semble décorrélé de la réalité économique du bien.
Ainsi, pour un même appartement loué en meublé, acquis à 100 000 euros duquel on a déduit 10 000 euros d’amortissements au cours des années de location et qui est revendu à 120 000 euros :
– les amortissements seront déduits des revenus tirés de la location lorsque celle-ci sera réalisée à titre non professionnel mais ne seront pas réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession. Le contribuable sera imposé sur 120 000‑100 000 euros = 20 000 euros ;
– les amortissements seront déduits des revenus tirés de la location lorsque celle-ci sera réalisée à titre professionnel mais seront réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession. Le contribuable sera imposé sur 120 000 - (100 000 ‑
10 000) euros = 30 000 euros.
Dans le cas de la location nue, la déduction des amortissements n’est pas permise.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, la commission des finances de notre Assemblée avait adopté un amendement de son rapporteur général, Jean-René Cazeneuve, visant à corriger cette anomalie pour les biens loués à des fins touristiques au régime de la location meublée non professionnelle. Pour ces biens, les amortissements déduits des revenus de la location sont réintégrés dans le calcul des plus-values de cession. Cet amendement n’a toutefois pas été retenu dans le texte considéré comme adopté en séance publique.
Avec les membres de son groupe politique (Socialistes et apparentés), votre rapporteur a déposé dès le mois de février 2023 une proposition de loi portant des mesures d’urgence pour favoriser l’accès au logement dans les zones tendues ([56]). Dans le même temps, avec Vincent Rolland (LR), votre rapporteure a mené pour la commission une mission d’information sur le coût du logement dans les zones touristiques et tendues, qui a abouti en avril à la présentation d’un rapport préconisant des évolutions législatives sur ce sujet ([57]).
Dans un cadre transpartisan et en concertation avec le président de la commission, Guillaume Kasbarian, vos rapporteurs ont déposé le présent texte avec leurs groupes respectifs et l’appui du groupe Horizons et de son président Laurent Marcangeli, et de membres du groupe Démocrate.
Dans sa version initiale, le texte comporte trois articles qui abordent chacun l’un des aspects de la problématique.
L’article 1er A, créé par la commission, soumet toute location d’un meublé de tourisme à une obligation de déclaration en mairie accompagnée d’un enregistrement auprès d’un téléservice national, qui délivrera systématiquement un « numéro de déclaration » ou « numéro d’enregistrement ».
L’article 1er intègre à la réglementation du changement d’usage des locaux d’habitation les obligations énergétiques qui s’imposent aux logements en application de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, en prévoyant l’application, dès la promulgation du texte, d’une obligation d’avoir une étiquette A à D pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage définitif , et d’une obligation de respecter les obligations échelonnées de performance énergétique pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage temporaire. L’article prévoit que le stock des locaux ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation définitive devront se mettre en conformité avec la loi ans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
L’article 1er bis, créé par la commission, dote toutes les communes de la faculté, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre de jours maximal de mise en location de la résidence principale. Il dote également les communes ayant décidé de réglementer les changements d’usage de la faculté d’élargir le régime du changement d’usage à l’ensemble des locaux qui ne sont pas à usage d’habitation. Enfin, il crée une amende administrative prononcée par la commune pour défaut d’enregistrement ainsi qu’une nouvelle amende civile pour faux numéro de déclaration.
L’article 2 élargit à toutes les communes la faculté de définir, sans besoin d’autorisation préfectorale, une réglementation du changement d’usage. Il ouvre également la faculté aux communes de définir des quotas d’autorisations de changement d’usage et de délimiter, dans le règlement d’urbanisme, des secteurs où s’applique, pour toute construction nouvelle, une servitude de résidences principales. Il apporte des clarifications au régime du changement d’usage afin de simplifier l’administration de la preuve de l’usage d’habitation et d’ouvrir la réglementation du changement d’usage temporaire aux personnes morales.
L’article 3 modifie la fiscalité applicable aux meublés de tourisme, en prévoyant une réduction des abattements fiscaux et des plafonds de chiffre d’affaires applicable au sein du régime « micro-BIC » pour l’ensemble des meublés classés et non classés, en différenciant toutefois les régimes applicables selon leur localisation en zone très peu dense ou non au sens de l’Insee.
L’article 4, créé par la commission, réintègre les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession soumises à l’impôt sur le revenu.
L’article 5, créé par la commission, prévoit l’information préalable systématique du syndic de copropriété lorsqu’un meublé de tourisme fait l’objet de la déclaration obligatoire prévue et renforcée à l’article 1er A du présent texte, ainsi que l’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété et l’affichage de cette information dans les parties communes.
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Article 1er A (nouveau)
(article L. 324-1-1 du code du tourisme)
Généralisation du numéro de déclaration des meublés de tourisme
Créé par la commission
L’article 1er A, créé par la commission, soumet toute location d’un meublé de tourisme à une obligation de déclaration en mairie accompagnée d’un enregistrement auprès d’un téléservice national, qui délivrera systématiquement un « numéro de déclaration » ou « numéro d’enregistrement ».
I. L’ÉTAT DU DROIT
Le droit actuel prévoit un système de déclaration à deux niveaux :
– dans toutes les communes, la mise en location d’une résidence autre que principale est soumise à une obligation de déclaration préalable auprès de la mairie ([58]) : cette déclaration n’est pas obligatoire pour les résidences principales, ne fait pas l’objet d’une procédure d’enregistrement et ne prévoit pas de pièces justificatives particulières ;
– les communes qui ont mis en œuvre un dispositif de réglementation du changement d’usage (voir introduction et commentaire de l’article 2) peuvent subordonner toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à enregistrement ([59]). Dans ce cas, les résidences principales sont concernées, et la déclaration doit indiquer si le bien offert à la location constitue la résidence principale du loueur. Un numéro d’enregistrement est délivré au loueur à la réception de la déclaration.
II. Les dispositions adoptÉEs par la commission
L’article 1er A résulte de l’adoption, avant l’article 1er, d’un amendement CE179 de vos rapporteurs.
Le b du 1° du I généralise la procédure d’enregistrement à toute déclaration préalable de mise en location d’un meublé de tourisme, quelle que soit la commune, et qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non. Comme rapporté dans l’introduction, il s’agit d’une mesure plébiscitée par une grande partie des acteurs que vos rapporteurs ont rencontrés. La généralisation de ce numéro est apparue, au cours des travaux de vos rapporteurs, comme un préalable indispensable à une meilleure connaissance du parc par les collectivités territoriales, et dès lors une condition nécessaire pour prendre des mesures de régulation cohérentes et éclairées.
Il est donc prévu que toute déclaration préalable est soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national. L’adoption du sous-amendement CE188 de M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT) prévoit qu’en Corse, cet enregistrement se fait auprès d’un téléservice géré par la collectivité de Corse.
Comme le prévoit le deuxième alinéa du b du 1° du I, la déclaration en mairie devra indiquer si le meublé offert à la location constitue une résidence principale. Toute déclaration complète fera l’objet d’un accusé de réception électronique avec un numéro de déclaration.
L’article prévoit (dernier alinéa du b du 1° du I) également qu’un décret déterminera les informations et pièces justificatives qui sont exigées pour l’enregistrement. Ce décret devra être pris au regard du règlement européen, en cours de négociation, concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, et modifiant le règlement (UE) 2018/1724.
Le deuxième alinéa du c du 1° du I prévoit expressément que la commune pourra désormais, qu’il s’agisse ou non de la résidence principale du loueur, lui demander de transmettre le nombre de jours de location dans l’année jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la mise en location.
Par coordination avec la suppression de la différence entre déclaration et enregistrement, le d du 1° du I modifie le champ de la faculté de mise en œuvre du changement d’usage des locaux à usage commercial : au lieu de concerner les communes ayant mis en œuvre l’enregistrement, il concernera désormais celles qui ont activé un règlement de changement d’usage.
Par coordination, le 2° du I procède à un élargissement du champ de l’obligation des intermédiaires de location, notamment les plateformes, de transmettre des informations à la demande de la commune.
Le II, compte tenu de la charge technique qu’implique la création d’un tel système d’information, qui devra gérer des flux considérables de demandes, prévoit une date d’application reportée dans le temps et qui devra intervenir en tout état de cause au plus tard le 1er janvier 2026, report qui permettra, avant le lancement, l’élaboration d’une plateforme robuste en mesure de servir l’ensemble des collectivités.
*
* *
Article 1er
(articles L. 631-10 [nouveau] et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation)
Application des obligations de diagnostic de performance énergétique et de décence énergétique aux locaux meublés de tourisme
Adopté par la commission avec modifications
L’article 1er intègre à la réglementation du changement d’usage des locaux d’habitation les obligations énergétiques qui s’imposent aux logements en application de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, en prévoyant l’application, dès la promulgation du texte, d’une obligation d’avoir une étiquette A à D pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage définitif , et d’une obligation de respecter les obligations échelonnées de performance énergétique pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage temporaire. L’article prévoit que le stock des locaux ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation définitive devront se mettre en conformité avec la loi ans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Le droit immobilier prévoit, parmi les obligations du bailleur, celle de « remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation » ([60]).
Dans le cadre de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », le législateur a créé de nouveaux critères pour le logement décent, qui visent, selon un échéancier déterminé par la loi, à éliminer à horizon 2028 les passoires énergétiques et à favoriser l’amélioration de la performance de tout le parc locatif, processus qui s’inscrit au sein de l’objectif plus large de parvenir en 2050 à un parc entièrement performant ([61]).
Calendrier de l’indÉcence ÉnergÉtique et des obligations des copropriÉtÉs
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Calendrier de l’indécence énergétique |
Copropriétés |
Copropriétés |
Copropriétés |
1er janvier 2023 |
Logements G consommant plus de 450 kWh/m²/an [*loi énergie-climat] |
Élaboration obligatoire d’un PPT |
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1er janvier 2024 |
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Élaboration obligatoire d’un DPE collectif |
Élaboration obligatoire d’un PPT |
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1er janvier 2025 |
Tous les logements G |
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Élaboration obligatoire d’un DPE collectif |
Élaboration obligatoire d’un PPT |
1er janvier 2026 |
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Élaboration obligatoire d’un DPE collectif |
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1er janvier 2028 |
Tous les logements F |
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1er janvier 2034 |
Tous les logements E |
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Source : commission des affaires économiques, rapport d’information n° 247 sur la mise en application de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, janvier 2023.
L’impulsion d’une dynamique de transformation du bâti par la rénovation massive des logements énergivores repose sur une évaluation préalable de l’état de leurs consommations énergétiques. S’inscrivant dans la continuité des précédentes lois (loi du 17 août 2015 pour la transition énergétique et la croissance verte et loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat), le législateur a fait le choix d’appuyer cet effort sur une gamme d’instruments renforcée pour l’état des lieux thermique, en faisant notamment une place particulière au diagnostic de performance énergétique (DPE).
Le DPE est devenu, ces dernières années, un document dont la présentation est obligatoire en matière de vente et de location de logements, du fait notamment de l’obligation de faire figurer le classement énergétique dans les annonces immobilières au moment de la vente et de la mise en location, quoique le document lui-même ait longtemps eu une portée essentiellement indicative.
Le législateur et le pouvoir réglementaire ont porté de façon concomitante, en 2021, une évolution majeure du diagnostic de performance énergétique en faisant dépendre du respect des seuils le droit pour les propriétaires d’offrir leur bien à la location en instaurant, en France hexagonale ([62]), le double seuil de ses étiquettes, en fonction à la fois du niveau de consommation énergétique primaire (Cep) du logement et de sa performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre (EGES) ([63]).
Correspondance des Étiquettes ÉnergÉtiques
et du double seuil Énergie primaire/Émissions de GES
ARTICLE L. 173-1-1 |
ARRÊTÉ DU 31 MARS 2021 ANNEXE 5* |
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Extrêmement performants |
Classe A |
Cep** < 70 EGES*** < 6 |
Très performants |
Classe B |
Cep ≥ 70 EGES ≥ 6 |
Assez performants |
Classe C |
Cep ≥ 110 EGES ≥ 11 |
Assez peu performants |
Classe D |
Cep ≥ 180 EGES ≥ 30 |
Peu performants |
Classe E |
Cep ≥ 250 EGES ≥ 50 |
Très peu performants |
Classe F |
Cep ≥ 330 EGES ≥ 70 |
Extrêmement peu performants |
Classe G |
Cep ≥ 420 EGES ≥ 100 |
* Pour les biens situés en zone climatique H1b, H1c et H2d ([64]) et à une altitude supérieure à 800 mètres, les classes E, F et G sont définies selon des seuils différents.
** Cep : consommation totale d’énergie primaire, exprimée en kilowattheures consommés par mètre carré habitable par an [kWhep/(m².an)]. *** EGES : émissions de gaz à effet de serre, exprimées en kilogrammes équivalents CO2 par mètre carré par an [kgCO2eq/(m².an)].
Les niveaux de performance ainsi définis ont vocation à servir de fondement aux dispositions précisant les locaux bénéficiant des différentes mesures mises en place par les pouvoirs publics pour inciter les propriétaires à rénover les logements.
La référence aux nouvelles étiquettes énergétiques est également retenue dans le gel des loyers des logements classés F et G, auxquels ne peut plus désormais, depuis le 22 août 2022 et en application de l’article 159 de la même loi, s’appliquer annuellement l’indice de référence des loyers (IRL) qui permet sa révision régulière à la hausse.
II. le dispositif proposÉ
Les dispositions de la proposition de loi prévoient l’insertion d’une nouvelle section à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
En premier lieu, le A du I bis codifié soumet la location d’un meublé de tourisme à l’établissement préalable d’un DPE, imposant de cette façon aux meublés l’obligation que la loi de 1989 prévoit pour les logements. La réalisation du DPE permet dès lors de vérifier que les biens correspondent à un critère de performance énergétique calqué sur celui de la loi Climat et résilience :
– à partir du 1er janvier 2025, les meublés G sont interdits ;
– à partir du 1er janvier 2028, les meublés F sont interdits ;
– à partir du 1er janvier 2034, les meublés E sont interdits.
Le B prévoit ensuite la faculté pour le conseil municipal de déroger à cette obligation pour les meublés de la commune, si des « circonstances locales particulières » le justifient. Les auteurs de la proposition de loi avaient à l’esprit le cas des communes de montagne ou littorales, dont une partie parfois importante, même majoritaire, du parc bâti, n’a pas vocation à être occupé à l’année et ne peut être adapté dans les mêmes conditions que celui de la majorité des communes.
Le C et le D visent à s’assurer de la bonne mise en œuvre de l’obligation prévue au A par la création d’un moyen de contrôle ex ante ou ex post à la main de la commune.
Le C prévoit la possibilité pour le conseil municipal d’instaurer un régime d’autorisation préalable de mise en location de courte durée qui permet, lorsque le DPE n’est pas valide, de rejeter la demande d’autorisation formulée par le propriétaire. La mise en location sans autorisation ou en violation d’une décision de rejet est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 3 000 euros.
Le D prévoit, pour les communes qui ne se sont pas dotées du régime d’autorisation prévu au C, la faculté pour le maire de mettre en demeure tout bailleur ayant mis en location un meublé de tourisme au moins une fois dans l’année de transmettre une copie du DPE. En cas de manquement à cette mise en demeure ou de DPE n’attestant pas du respect des obligations, le maire peut là aussi prononcer une amende administrative d’un montant maximal de 3 000 euros.
III. les dispositions adoptÉES par la commission
La commission a adopté un amendement CE182 de vos rapporteurs portant rédaction globale de l’article 1er. Cette rédaction s’inscrit dans la logique de l’article initial, d’extension aux meublés de tourisme des obligations qui découlent de la décence énergétique pour la location locative traditionnelle, tout en conservant la possibilité pour les élus locaux de s’appuyer sur une volonté et une analyse locale.
Afin de remédier à certaines fragilités juridiques et techniques de la rédaction initiale, que vos rapporteurs ont retravaillée à l’occasion de leurs travaux préparatoires, la nouvelle rédaction adosse la disposition au régime existant du changement d’usage. Le I de l’article crée à cet effet un nouvel article L. 631-10 au code de la construction et de l’habitation, dans la section du code consacrée aux changements d’usage des locaux d’habitation. Cet article prévoit :
– pour l’obtention de l’autorisation définitive en vue d’une location de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, visée à l’article L. 631‑7, les propriétaires des locaux concernés devront présenter un diagnostic de performance énergétique classé entre les niveaux A et D ;
– pour l’obtention de l’autorisation temporaire visée à l’article L. 631‑7‑1 A, les propriétaires des locaux concernés doivent justifier du respect des exigences énergétiques minimales mentionnées aux quatrième à sixième alinéas de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tels qu’ils résultent de l’article 160 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Concrètement, pris en conjonction avec les évolutions proposées à l’article 2, qui étend le changement d’usage à l’ensemble des communes qui en font le choix, par délibération simple ou motivée du conseil municipal, selon le cas, la rédaction revient à mettre en œuvre une obligation largement applicable.
La rédaction évite toutefois les risques d’inégalité territoriale posés par la première rédaction, et exclut a priori les résidences principales que les propriétaires occupants pourraient mettre en location de courte durée quelques jours, qui ne sont pas visées par la mesure.
Le II de l’article prévoit l’application de la mesure au stock de locaux qui ont déjà fait l’objet d’une autorisation définitive de changement d’usage, en définissant un délai de mise en œuvre de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.
*
* *
Article 1er bis (nouveau)
(article L. 324-1-1 du code du tourisme)
Faculté de la commune d’abaisser le plafond annuel de jours de mise en location des résidences principales et amendes en cas de fausses déclarations
Créé par la commission
L’article 1er bis, créé par la commission, dote toutes les communes de la faculté, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre de jours maximal de mise en location de la résidence principale. Il dote également les communes ayant décidé de réglementer les changements d’usage de la faculté d’élargir le régime du changement d’usage à l’ensemble des locaux qui ne sont pas à usage d’habitation. Enfin, il crée une amende administrative prononcée par la commune pour défaut d’enregistrement ainsi qu’une nouvelle amende civile pour faux numéro de déclaration.
1. La création d’une faculté pour la commune de moduler le plafond de nuitées de mise en location de la résidence principale
L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs prévoit que la qualité de résidence principale se perd si le logement est occupé moins de 8 mois par an par son titulaire. Par cohérence, le législateur a fixé une durée maximale de 120 jours de mise en location en résidence principale pour des séjours de courte durée ([65]). Il est possible, pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure, de déroger à ce plafond de 120 jours.
Le 1° de l’article 1 bis résulte de l’adoption des amendements identiques CE88 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes, CE134 de M. Julien Bayou et des membres du groupe Écologiste – NUPES et CE148 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT. Il donne aux communes la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours durant lesquels toute personne peut offrir à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale, dans la limite de 90 jours au minimum contre 120 jours aujourd’hui.
La procédure d’enregistrement (voir commentaire de l’article 1er A) a notamment pour objectif de vérifier le respect du plafond des 120 jours de location pour les résidences principales. Les intermédiaires de location sont associés au contrôle du respect de cette obligation : ils doivent retirer du marché de la location tout meublé de tourisme déclaré comme résidence principale qui serait loué plus de 120 jours au cours d’une même année civile ([66]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par annonce faisant l’objet du manquement ([67]).
2. La réglementation du changement d’usage élargie
Le 2° résulte de l’adoption des amendements identiques CE80 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance et CE107 de M. Christophe Plassard et des membres du groupe Horizons, sous-amendés par l’amendement CE187 du Gouvernement.
Cette mesure vise à résoudre une difficulté mise en évidence au cours des auditions de vos rapporteurs : au fur et à mesure que les communes ont mis en place des règlements de changement d’usage, les investisseurs ont eu tendance à se tourner d’abord vers la transformation de locaux commerciaux en locaux de tourisme, par exemple en rez-de-chaussée de centre-bourg. Pour résoudre cette première difficulté, le législateur a adopté, lors de la loi du 27 décembre 2019 dite « engagement et proximité », pour les communes ayant mis en œuvre le régime du changement d’usage, la faculté de soumettre à autorisation la location l’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme. Un décret du 11 juin 2021 a détaillé les modalités d’application de ce texte qui permettait donc d’étendre la soumission à autorisation du régime du changement d’usage au-delà de l’habitation.
Il a résulté de cette disposition un nouveau comportement de déport de la part des investisseurs, cette fois-ci vers les bureaux. Le 2° élargit donc à nouveau le régime du changement d’usage, afin qu’il concerne désormais l’ensemble des locaux qui pourraient être transformés en meublés de tourisme, quel que soit leur usage initial.
3. L’amende civile pour défaut d’enregistrement transformée en amende administrative à la main de la commune
Le 3° résulte de l’adoption d’un amendement CE59 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR. Il traite de deux sujets, dont le premier concerne les loueurs qui ne procèdent pas à cet enregistrement préalable : ils sont actuellement sanctionnés par une amende civile, qui s’avère peu efficace compte tenu des délais de procédure, qui permettent aux loueurs d’échapper aux contrôles des agents assermentés plusieurs mois durant.
L’article remplace donc l’amende civile par une amende administrative, prononcée par la commune. Son montant resterait inchangé, à 5 000 euros maximum.
4. La création d’une nouvelle amende administrative en cas d’utilisation d’un faux numéro
Le même 3° de l’article traite aussi du cas des loueurs qui utilisent, sur leurs annonces, un faux numéro d’enregistrement, que ce soit en inscrivant une suite de chiffre inventée de toutes pièces, ou en recopiant un numéro d’enregistrement existant et appartenant à un autre loueur.
D’autres loueurs procèdent à leur enregistrement préalable mais fournissent à la commune de fausses informations, que ce soit sur leur identité, l’adresse précise du local ou si celui-ci constitue sa résidence principale.
Aucune sanction n’étant prévue à ce jour, le texte voté par la commission crée une amende administrative spécifique, prononcée par la commune, pour sanctionner ces comportements frauduleux, d’un montant de 15 000 euros.
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* *
Article 2
(articles L. 631-7, L. 631-7-1 A, L. 631-9, L. 651-2 et L. 651-2-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation ; articles L. 151-14-1 [nouveau], L. 153-31, L. 153-45 et L. 481‑4 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ; article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales)
Extension du champ d’application du régime de changement d’usage et création de servitudes d’usage d’habitation dans les programmes de logement
Adopté par la commission avec modifications
L’article 2 élargit à toutes les communes la faculté de définir, sans besoin d’autorisation préfectorale, une réglementation du changement d’usage. Il ouvre également la faculté aux communes de définir des quotas d’autorisations de changement d’usage et de délimiter, dans le règlement d’urbanisme, des secteurs où s’applique, pour toute construction nouvelle, une servitude de résidences principales. Il apporte des clarifications au régime du changement d’usage afin de simplifier l’administration de la preuve de l’usage d’habitation et d’ouvrir la réglementation du changement d’usage temporaire aux personnes morales.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, afin de parer aux difficultés massives liées à l’indisponibilité de logements, un principe d’interdiction de tout changement d’affectation des locaux à usage d’habitation, auquel le préfet pouvait déroger dans certaines conditions, a été posé par l’ordonnance du 11 octobre 1945, principe codifié en 1978 aux articles L. 631‑7 et suivants du code de la construction et de l’habitation.
Plusieurs modifications du régime applicable sont intervenues, notamment le transfert du préfet au maire de la compétence pour délivrer l’autorisation de changement d’usage ([68]), et l’intégration dans son champ des locations de courte durée de locaux meublés lors de la loi du 23 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), qui précise que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage » ([69]).
Les dispositions ont pour effet de soumettre par principe à autorisation préalable tout changement d’usage d’un local affecté à l’habitation en fonction des caractéristiques des communes ([70]) :
– de droit dans les communes comptant plus de 200 000 habitants ou situées dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, ou le Val-de-Marne ;
– sur délibération de l’organe délibérant, dans les communes situées dans une « zone tendue » au sens de la liste fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts ([71]), qui renvoie à deux types de tension ([72]), dont celle qui résulte de la « secondarisation » du parc résidentiel et a justifié l’adaptation du décret « zones tendues » du 25 août 2023 ([73]) :
« 1° Dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;
« 2° Dans les communes ne respectant pas les conditions prévues au 1° et où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou la proportion élevée de logements affectés à l’habitation autres que ceux affectés à l’habitation principale par rapport au nombre total de logements. » ;
– sur décision du préfet après proposition du maire, qui la motive au moyen d’études territoriales, dans toutes les autres communes.
Le changement d’usage est une notion spécifique au droit de l’habitation ([74]), dont l’appréhension est précisée par les autres dispositions de l’article L. 631-7 :
– constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location ;
– un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. Cette disposition pose en l’état un certain nombre de problèmes d’ordre contentieux ;
– cependant, quand une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation ;
– sont frappés de nullité de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de cet article.
La procédure d’autorisation préalable au changement d’usage est précisée par l’article L. 631-7-1, qui prévoit que :
– l’autorisation préalable au changement d’usage est délivrée par le maire de la commune, après avis, à Paris, à Marseille et à Lyon, du maire d’arrondissement. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage ;
– l’autorisation de changement d’usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu’il est mis fin, à titre définitif, à l’exercice professionnel du bénéficiaire. Toutefois, lorsque l’autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne. Dans les deux cas, l’usage des locaux n’est pas affecté par la prescription trentenaire ;
– pour l’application de l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si la commune est membre d’un EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme (PLU), la délibération est prise par l’organe délibérant de l’EPCI.
Le changement d’usage fait l’objet d’un contentieux nourri. Au terme d’un long parcours judiciaire de la Ville de Paris, la CJUE a rendu en 2020 un arrêt précisant les conditions d’admissibilité d’une réglementation du changement d’usage, laquelle est justifiée par « la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée [qui] constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation ». Les juges nationaux sont invités à examiner cinq points particuliers, résumés comme suit, que le législateur a donc tout intérêt à prendre également en compte dans l’élaboration d’un dispositif normatif :
– la fixation de critères clairs, non-ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance, transparents et accessibles ;
– l’exigence de proportionnalité du mécanisme de compensation offert aux communes et du quantum de l’obligation de compensation ;
– la prise en considération des modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation, notamment quant au point de savoir si l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement ;
– la clarté et l’objectivité suffisantes du dispositif.
II. le dispositif proposÉ
L’article 2 vise à doter les élus de compétences élargies pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique.
Le a du 1° du I élargit le régime du changement d’usage d’office prévu à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 200 000 habitants ainsi que celle des trois départements de la petite couronne francilienne, pour concerner l’ensemble des zones tendues.
Le b du 1° du I prévoit que ce même régime peut s’appliquer, dans toutes les communes, au sein de secteurs définis par le code de l’urbanisme en application des dispositions du II.
Le 2° du I conforte, à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le régime pénal du changement d’usage, en dotant l’autorité organisatrice de l’habitat ou l’EPCI compétent en matière d’urbanisme de la compétence pour assigner en justice la personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 précité, à des fins d’application de l’amende administrative.
Le II prévoit, à l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, une faculté d’encadrer l’usage futur dans le plan local d’urbanisme. Dans la section prévoyant les servitudes et les emplacements réservés, il dispose que le règlement du PLU peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, les locaux sont destinés exclusivement à l’usage d’habitation.
III. les dispositions adoptÉES par la commission
L’article 2 a fait l’objet d’une réécriture complète et d’enrichissements conséquents par l’adoption d’un certain nombre d’amendements.
1. L’extension et la simplification du régime du changement d’usage
L’adoption de deux amendements identiques CE178 de vos rapporteurs et CE161 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance a modifié les critères de mise en œuvre du régime de changement d’usage.
Dans son texte initial, la proposition de loi tendait à élargir le nombre de communes dans lesquelles s’applique la règle du changement d’usage, en visant l’ensemble des communes situées en zone tendue au sens de l’article L. 31‑10‑2 du code de la construction et de l’habitation.
Or, depuis le dépôt de la proposition en avril, le décret d’application de l’article 73 de la loi de finances pour 2023 ([75]) a procédé à un élargissement significatif du nombre de communes dans lesquelles le changement d’usage peut être instauré sur simple délibération de l’organe délibérant, sans en passer par l’autorisation du préfet. Il s’agit d’une avancée saluée par vos rapporteurs, puisqu’elle donne à davantage de communes les outils pour protéger leur parc de logements.
La nouvelle rédaction du a et du a bis du 1° du I prend acte de cette évolution récente en remplaçant la référence précédente par une référence au « décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts ». Les communes comprises dans les zones tendues listées par ce décret pourront être soumises, sur décision de l’organe délibérant, à un régime de changement d’usage (qui emportera aussi, conformément à l’article 1er du présent texte, application des obligations de performance énergétique). Pour beaucoup d’entre elles, il s’agit d’une simplification et d’un renforcement, là où il leur fallait, en l’état du droit, attendre l’autorisation préfectorale pour prendre une telle décision.
Les 1° quater du I prévoit en outre que les territoires qui ne sont pas compris dans une zone tendue au sens du décret précité pourront également appliquer le régime du changement d’usage sans en passer par une décision préfectorale comme c’est le cas dans le droit actuel, à condition toutefois que leur organe délibérant adopte en ce sens une délibération motivée au regard des « éléments caractéristiques de la tension locative ». L’amendement revêt donc aussi une visée simplificatrice, puisqu’il permet de passer de trois catégories de communes à seulement deux, en fonction uniquement de leur situation ou non en zone tendue.
2. La sécurisation de la preuve du changement d’usage
La commission a adopté deux amendements identiques CE34 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et CE78 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance, qui permet de clarifier le régime de la preuve de l’usage du local.
La loi à cet effet prévoit qu’ « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 » ([76]). En l’état de la jurisprudence, il revient aux collectivités, dans les contentieux contre les loueurs de meublés de tourisme qui n’ont pas sollicité l’autorisation obligatoire de changement d’usage des locaux d’habitation, de démontrer que le logement en question était affecté à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970.
Or l’état de la documentation, qui date désormais de plus de cinquante ans, ne permet pas toujours de rapporter cette preuve au 1er janvier 1970. Cette difficulté s’est encore accrue avec l’interprétation restrictive que la Cour de cassation a faite de ces dispositions dans plusieurs arrêts en 2020 et 2021, et plus récemment le 7 septembre 2023 ([77]).
Les trois premiers alinéas du a quater clarifient donc la rédaction, en prévoyant que tout local ayant reçu une affectation à usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage, sauf une décision explicite qui est intervenue ultérieurement pour en changer l’usage. Cette rédaction laisse supporter la charge de la preuve aux communes, mais facilite son administration dès lors que la démonstration d’un usage d’habitation ne doit plus se faire exactement à la date du 1er janvier 1970.
Le a ter et le quatrième alinéa du a quater procèdent à une distinction plus précise entre l’usage du local, notion consacrée par cet article dans le code de la construction et de l’habitation, et sa destination, définie par l’autorisation d’urbanisme en application du code de l’urbanisme. Ces deux notions ne sont pas équivalentes : la première explique comment est utilisé le sol – par une exploitation agricole ou forestière, une habitation, une industrie, un commerce ou service ou un équipement public, selon les cinq catégories du code ([78]) – dans une logique d’aménagement ; la seconde comment est utilisé l’immeuble par ceux qui disposent de droits dessus.
3. L’extension du règlement de changement d’usage aux personnes morales
Dans le droit en vigueur, l’article L. 631-7-1 A relatif à l’autorisation de changement d’usage temporaire s’applique aux seules propriétaires personnes physiques. Cette distinction, appliquée strictement par le juge, a encore été réaffirmée par le législateur à l’occasion de la loi « Élan » ([79]).
Cette disposition a pour effet d’empêcher les personnes morales d’avoir recours au changement d’usage temporaire. Ainsi, par exemple, la commune de Saint-Malo, habilitée à recourir au changement d’usage, a été amenée à rejeter une demande de changement de destination que lui avait adressée une société civile immobilière (SCI) pour la mise en location d’une habitation en tant que meublé touristique. Le tribunal a rejeté la requête dirigée contre cet arrêté par la société civile en notant que les dispositions applicables réservent aux seules personnes physiques la possibilité de bénéficier d’une autorisation temporaire de changement d’usage, dans les secteurs où le régime d’autorisation préalable est institué.
Les personnes morales, comme les sociétés civiles immobilières qui sont souvent propriétaires d’ensembles immobiliers importants, sont donc privées de cette faculté et doivent donc passer par la procédure du changement d’usage définitif ([80]).
Le 1° bis, qui résulte de l’adoption par la commission d’amendements CE81 de M. Antoine Armand et de membres du groupe Renaissance, CE101 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT et CE150 de M. Xavier Roseren (RE), ouvre explicitement le bénéfice du régime du changement d’usage temporaire aux personnes morales.
Selon les porteurs de l’amendement CE81, « pour encadrer le nombre de meublés de tourisme, des outils de régulation permettant de fixer des critères lors de la demande d’une autorisation temporaire ou définitive de changement d’usage des meublés de tourisme sont mis à la disposition des communes. Cependant, la rédaction actuelle du régime d’autorisation temporaire des meublés de tourisme n’inclut pas les personnes morales, ce qui ne permet pas aux communes d’imposer certaines mesures aux entreprises ou aux SCI particulièrement actives sur le marché des meublés de tourisme. À titre d’exemple, l’agglomération du Grand Annecy a porté une mesure ambitieuse visant à imposer des quotas sur le nombre de meublés de tourisme mis en location par des personnes physiques ou morales qui ne peut toutefois pas être appliquée en raison de la rédaction restreinte de l’article L. 631-7-1 A. Le champ d’application réduit des autorisations temporaires de changement d’usage crée une asymétrie dans la capacité qu’ont les collectivités à réguler les locations touristiques en fonction de la nature juridique du locataire et affaiblit significativement l’efficacité recherchée de certaines mesures de régulation temporaire ».
4. La création d’un quota d’autorisations temporaires de changements d’usage
Tel qu’il résulte de l’adoption de l’amendement CE177 de vos rapporteurs, le deuxième alinéa du 1° ter crée, à l’article L. 631‑7-1 A du code de la construction et de l’habitation, la faculté pour les communes de limiter le nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée octroyées sur le fondement de cet article. Il fait suite au constat que certaines communes qui ont souhaité mettre en place un tel système ont été attaquées devant le juge administratif : c’est notamment le cas de Saint-Malo, dont vos rapporteurs ont auditionné le maire, M. Gilles Lurton, de La Rochelle, dont vos rapporteurs ont auditionné l’adjointe au maire chargée du logement, Mme Marie Nedellec, ou encore de Val d’Europe Agglomération
Pour des raisons d’équité dans l’accès au marché et de transparence, la rédaction adoptée précise que le conseil municipal définit alors non seulement le nombre d’autorisations de changement d’usage en meublés de tourisme et les périmètres auxquels il s’applique, mais aussi la durée de l’autorisation, qui doit être la même pour toutes les autorisations, et la procédure de sélection des candidats. Afin de permettre l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché lorsque le nombre maximum est atteint, la délibération doit également assurer des critères d’accès au marché équitables entre les nouveaux entrants et les renouvellements. La limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage n’est pas compatible avec le maintien de la délivrance d’autorisations définitives sans compensation au moins équivalente, sauf à entraîner une rupture d’égalité injustifiée entre les unes et les autres.
5. La vérification de la conformité au bail et au règlement de copropriété
La commission a adopté un amendement CE69 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR, qui permet de renforcer l’association de la copropriété à la location de meublés de tourisme. Aujourd’hui, l’autorité administrative est tenue de délivrer l’autorisation de changement d’usage, alors même que l’activité exercée par le demandeur serait interdite par le règlement de copropriété ou, lorsque le demandeur est locataire, n’aurait pas été autorisée par le propriétaire. Cette situation peut donner lieu, selon les auteurs de l’amendement, à l’incompréhension des copropriétaires ou des bailleurs concernés, qui doivent engager eux-mêmes des procédures pour faire interdire l’activité pourtant autorisée par l’administration.
L’alinéa 15 ([81]) permet ainsi à l’autorité administrative de s’assurer préalablement de la régularité de la demande au regard des règles de la copropriété et de l’éventuel bail grâce à une attestation sur l’honneur produite par le demandeur. Cette mesure est inspirée des autorisations d’usage mixte, qui permettent d’exercer une activité professionnelle dans une partie de sa résidence principale, et qui prévoient une telle vérification. En effet, celle-ci est déjà délivrée « dès lors qu’aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s’y oppose » ([82]).
6. La sanction des intermédiaires qui participent à la commission des infractions des loueurs
Avec le développement des meublés de tourisme, de nouveaux acteurs sont apparus sur le marché : les intermédiaires de location de meublés de tourisme. Sous la forme de conciergeries ou d’agences de gestion locative, ces sociétés prospèrent en facilitant les locations de courtes durée, parfois en dépit de leur connaissance de leur atteinte à la réglementation du changement d’usage.
Ces intermédiaires sont soumis aux obligations issues de l’article L. 324‑2‑1 du code du tourisme, mais pour autant, ils ne peuvent être condamnés à l’amende civile de l’article L. 651‑2 du code de la construction et de l’habitation, qui sanctionne uniquement les agissements du loueur.
La commission a donc adopté plusieurs amendements identiques visant à responsabiliser ces intermédiaires : CE36 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes, CE56 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR, CE79 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance, CE106 de M. Christophe Plassard et des membres du groupe Horizons, CE113 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT.
Cette disposition soumet les intermédiaires qui participent à la commission des infractions du loueur à une amende civile, dont le montant ne peut excéder 50 000 euros, prononcée par le tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune.
7. L’institution d’une servitude de résidence principale dans le document d’urbanisme
La commission a adopté un amendement CE176 de vos rapporteurs qui vise à mieux outiller les collectivités face à la transformation de leur parc de résidences principales en résidences secondaires.
Le II de l’article 2, codifié au code de l’urbanisme, prévoit ainsi, en réponse à une demande fréquemment exprimée par les élus auditionnés, la faculté pour l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme d’instituer, dans le règlement, des secteurs où les constructions nouvelles à destination d’habitation sont soumises à une obligation d’usage au titre de résidence principale. Cette capacité ne sera ouverte qu’aux seules collectivités qui connaissent un taux de résidences secondaires supérieur à 20 %.
La mesure qui est à strictement proportionnée et subordonnée à la poursuite d’un impératif d’intérêt général :
– elle ne s’applique qu’au flux de constructions nouvelles et non au stock de constructions existantes, et ne revient donc pas sur des situations acquises ;
– sa mise en œuvre par la commune doit obligatoirement passer par une modification du règlement d’urbanisme ;
– elle est limitée aux seules communes qui connaissent un taux élevé de « secondarisation » de leur parc résidentiel ;
– elle est justifiée par l’impératif d’intérêt général de lutte contre l’attrition des résidences principales.
La servitude n’affectant pas le parc existant de logements, ceux qui souhaitent acquérir une résidence secondaire pourront encore le faire dans l’ancien.
La rédaction proposée prévoit un dispositif de mise en œuvre fondée sur la mention, en cas de mutation ou de contrat de bail, de l’existence de cette servitude, afin de garantir son application au gré des mutations. Une astreinte journalière est prévue afin de garantir le respect de la servitude, inspirée de l’astreinte qui est d’ores et déjà prévue à l’article L. 481‑1 du code de l’urbanisme pour la mise en œuvre des obligations d’urbanisme.
Le droit des baux est modifié par coordination afin de vérifier le respect de l’obligation d’occuper le bien à titre de résidence principale (IV de l’article 2).
Un amendement CE191 de vos rapporteurs, repris d’un sous-amendement de M. Jean-Félix Acquaviva déclaré irrecevable, a permis, au III de l’article 2, codifié au code général des collectivités territoriales, d’étendre cette faculté, en l’absence de plan local d’urbanisme, au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc).
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Article 3
(articles 50-0 et 151-0 du code général des impôts)
Modifications de la fiscalité des locaux meublés de tourisme
Adopté par la commission avec modifications
L’article 3 modifie la fiscalité applicable aux meublés de tourisme, en prévoyant une réduction des abattements fiscaux et des plafonds de chiffre d’affaires applicable au sein du régime « micro-BIC » pour l’ensemble des meublés classés et non classés, en différenciant toutefois les régimes applicables selon leur localisation en zone très peu dense ou non au sens de l’Insee.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Les revenus issus des locations meublées sont imposables, au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Selon le montant des revenus annuels, le loueur relève dès lors soit du régime réel d’imposition, soit du régime dit « micro-BIC ».
1. Le régime avantageux du micro-BIC
Le régime du micro-BIC est régi par l’article 50-0 du code général des impôts. Il s’applique aux propriétaires dont les revenus issus de la location sont inférieurs à 77 700 euros, s’il s’agit d’une location meublée non classée, ou 188 700 euros s’il s’agit d’un meublé de tourisme classé ([83]).
Le régime du micro-BIC permet un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés non classés. Pour les meublés de tourisme classés, les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes, l’abattement fiscal est de 71 % des revenus locatifs annuels.
À titre de comparaison, les locations classiques de longue durée bénéficient d’un abattement de 30 % et d’un plafond de 15 000 euros de revenus fonciers. Le régime fiscal applicable aux locations meublées est donc particulièrement avantageux et rentable pour le loueur.
Cependant, le régime du micro-BIC ne présente pas un caractère obligatoire. Les loueurs peuvent également, à condition de se faire assister d’un comptable, opter pour le régime réel d’imposition, qui permet notamment de déduire l’amortissement et les charges du logement des revenus de la location meublée.
2. Une modification du régime fiscal micro-BIC amorcée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024
Au regard du caractère disproportionné de l’avantage fiscal du régime micro-BIC, le Gouvernement a retenu un amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à réduire l’abattement applicable aux locaux classés meublés de tourisme. L’abattement fiscal sur ces biens est abaissé à 50 % des revenus fonciers, dans la limite de 77 700 euros de revenus annuels, afin de l’aligner sur la fiscalité des locaux meublés non classés.
Dans le même temps, cet amendement prévoit un abattement supplémentaire de 21 % pour les locations de meublés classés situés dans des zones géographiques qui ne sont pas concernées par des déséquilibres importants entre l’offre et la demande de logement. Cette mesure vise ainsi à soutenir le développement d’une offre de classés meublés de tourisme et, par conséquent les dynamiques touristiques, dans les zones dites détendues.
II. le dispositif proposÉ
1. La réduction de l’abattement fiscal des meublés de tourisme en zone tendue
Dans la lignée des dispositions adoptées dans le projet de loi de finances, l’article 3 modifie la fiscalité des logements meublés prévue à l’article 50-0 du code général des impôts. Pour les meublés de tourisme, l’article resserre le régime préférentiel à ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux. L’article aboutit à proposer le régime suivant, en zone tendue :
– les meublés de tourisme classés bénéficieront d’un régime à 50 % et 30 000 euros ;
– les meublés de tourisme non classés passeront à un régime à 30 % et 15 000 euros, par alignement avec le plafond du régime micro‑foncier pour les revenus locatifs.
Tableau comparatif du rÉgime micro-BIC applicable en zone tendue
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Régime actuel |
Dispositif proposé
|
||
Seuil de chiffre d’affaires |
Taux d’abattement
|
Seuil de chiffre d’affaires |
Taux d’abattement |
|
Location meublée classée
|
188 700 euros |
71 % |
30 000 euros |
50 % |
Location meublée non classée
|
77 700 euros |
50 % |
15 000 euros |
30 % |
En supprimant l’avantage fiscal octroyé aux meublés de tourisme en zone tendue, cette mesure vise à favoriser la mise sur le marché de logements destinés à la location de longue durée, au sein de zones tendues où il est particulièrement difficile de se loger. Le 3° maintient toutefois une fiscalité plus avantageuse pour les meublés de tourisme classés afin de valoriser la qualité des prestations fournies par les propriétaires.
2. La préservation d’un abattement fiscal avantageux dans les zones détendues et en station de montagne
En raison de la spécificité de chaque territoire, mais également de l’impact positif que peut avoir la location de meublés de tourisme pour le développement de l’offre touristique de certaines zones, il n’est pas prévu que la réduction de l’abattement fiscal prévue à l’article 3 s’applique à l’ensemble du territoire français. Ainsi, afin de préserver les dynamiques touristiques dans les zones qui le nécessitent, il est prévu que la refonte fiscale ne s’appliquera pas aux maisons d’hôtes, aux gîtes ruraux, ni aux meublés de tourisme en station de montagne.
Par conséquent, en zone détendue ou en station de montagne, les meublés de tourisme classés continueront de bénéficier d’un abattement fiscal de 71 % des revenus et d’un plafond de chiffre d’affaires de 188 700 euros. De même, les meublés de tourisme non classés conserveront un abattement fiscal de 50 % et un plafond de chiffre d’affaires de 77 700 euros.
Cette proposition se fonde sur la volonté de concilier les dynamiques touristiques et la garantie de l’accès au logement de longue durée.
III. les dispositions adoptÉES par la commission
La commission a adopté un amendement CE201 de vos rapporteurs portant rédaction globale de l’article 3, après un avis défavorable du Gouvernement. La nouvelle rédaction comporte des évolutions au régime de la location de meublés de tourisme, et notamment une harmonisation des taux :
– pour les meublés de tourisme classés, l’abattement fiscal en « micro‑BIC », initialement de 71 %, est abaissé à 30 %. Le plafond de revenus, qui était de 188 700 euros, est fixé à 30 000 euros ;
– pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale, c’est-à-dire définie comme très peu dense au sens de la grille communale de densité de l’Insee, ou en station classée de sport d’hiver et d’alpinisme, l’abattement de 30 % est complété d’un abattement supplémentaire de 41 %, sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros ;
– pour tous les meublés de tourisme non classés, l’abattement est également abaissé à 30 %, et le plafond de chiffre d’affaires est limité à 15 000 euros.
Le plafond inférieur du chiffre d’affaires défini pour les meublés non classés vise à conserver une incitation en faveur du classement, afin d’accompagner la montée en gamme des logements destinés à la location de tourisme.
Tableau comparatif du rÉgime micro-BIC applicable
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Régime actuel |
Dispositif proposé
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||
Seuil de chiffre d’affaires |
Taux d’abattement
|
Seuil de chiffre d’affaires |
Taux d’abattement |
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Location meublée classée
|
188 700 euros |
71 % |
30 000 euros |
30 % |
En zone rurale et en station de sport d’hiver : + 41 % d’abattement supplémentaire (plafond 50 000 €) |
||||
Location meublée non classée
|
77 700 euros |
50 % |
15 000 euros |
30 % |
Vos rapporteurs se félicitent de l’adoption de cette mesure, qui permet de limiter les déséquilibres du marché locatif en alignant les taux d’abattement de la location meublée avec celle de la location nue, tout en préservant l’attractivité touristique de nos territoires et les dynamiques économiques afférentes dans les zones qui le justifient.
Les stations classées de sport d’hiver et d’alpinisme
Le régime des stations classées est issu de la loi du 24 septembre 1919 portant création de stations hydrominérales, climatiques et de tourisme, établissant des taxes spéciales dans lesdites stations et réglementant l’office national du tourisme. Ce régime distinguait six catégories de classement, à savoir les stations « climatiques », « hydrominérales », « uvales », « balnéaires », « de tourisme » et « de sports d’hiver et d’alpinisme ».
Les stations classées de sports d’hiver et d’alpinisme étaient régies par les articles R. 133‑52 et suivants du code du tourisme, qui ont été abrogés par le décret n° 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme.
Ce décret fait suite à la réforme des communes touristiques et stations classées de 2006 ([84]). Le régime juridique des stations classées comprend deux nouvelles catégories : les « communes touristiques » et les « stations classées » (voir introduction). La catégorie des « stations classées » englobe les six anciennes catégories de classement. La France compte actuellement 1112 communes touristiques et 475 communes classées stations de tourisme.
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* *
Article 4 (nouveau)
(article 151 septies du code général des impôts)
Suppression de la double déduction des amortissements dans l’imposition des revenus de la location des meublés
Créé par la commission
L’article 4, créé par la commission, réintègre les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession soumises à l’impôt sur le revenu.
I. L’ÉTAT DU DROIT
La location meublée non professionnelle (LMNP) est soumise, par défaut, au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Toutefois, si le bailleur dépasse le plafond de chiffres d’affaires du régime micro-BIC, ou bien s’il opte pour un changement de régime, il est alors soumis au régime réel simplifié.
Ce régime présente l’avantage de permettre la déduction d’une part importante des dépenses liées à l’activité, dont les charges de copropriété, les frais d’acquisition ou encore les intérêts d’emprunt.
Le statut de la LMNP au réel simplifié permet surtout une prise en compte spécifique des amortissements. En effet, le bailleur a la possibilité de déduire des amortissements au cours de la location, et en outre de les déduire, au moment de la cession du bien, dans le calcul de la plus-value imposée au titre de l’impôt sur le revenu ([85]). Peuvent notamment être amortis, les travaux effectués dans le logement, mais également le mobilier. En conséquence, après déduction des amortissements, le résultat imposable peut être négatif ou nul.
En revanche, un tel dispositif d’amortissement n’est pas permis pour la location nue. La double déduction des amortissements renforce donc encore davantage l’attractivité de la location meublée.
II. les dispositions adoptÉES par la commission
L’article 4 résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques des amendements identiques CE39 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et CE47 de M. Jean-René Cazeneuve (RE), rapporteur général de la commission des finances, après des avis favorable de vos rapporteurs et défavorable du Gouvernement.
Ces amendements réintègrent les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession au titre de l’impôt sur le revenu.
Vos rapporteurs se réjouissent de l’adoption de cette mesure, qui permettra de réduire à nouveau les différences dans le traitement fiscal de la location meublée et de la location nue.
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Article 5 (nouveau)
(article 9-2 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)
Information obligatoire du syndic de copropriété en cas d’autorisation de changement d’usage d’un des lots et point d’ordre du jour
Créé par la commission
L’article 5, créé par la commission, prévoit l’information préalable systématique du syndic de copropriété lorsqu’un meublé de tourisme fait l’objet de la déclaration obligatoire prévue et renforcée à l’article 1er A du présent texte, ainsi que l’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété et l’affichage de cette information dans les parties communes.
L’article 5 résulte de l’adoption par la commission, après des avis de sagesse des rapporteurs et défavorable du Gouvernement, d’un amendement CE68 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine.
Il prévoit une meilleure association de la copropriété à la location d’un meublé de tourisme, par trois leviers :
– lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 324‑1-1 du code du tourisme, le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé, en informe le syndic ;
– un point d’information par le syndic relatif à l’activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale ;
– le syndic affiche cette information dans les parties communes de l’immeuble.
Selon les auteurs de l’amendement, cette information préalable auprès du syndic, ainsi que l’affichage dans les parties communes, sont « indispensables au bon fonctionnement de la copropriété ». Ils estiment que cette information limitera les conflits de voisinages en levant l’anonymat du loueur, qui devra dès lors prendre toute disposition pour limiter les risques de nuisances, en établissant par exemple des fiches d’information pour les occupants et en communiquant un numéro d’urgence pour le syndic.
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* *
La commission a adopté un amendement CE180 de vos rapporteurs tendant à supprimer la référence aux zones tendues qui figurait dans le titre de la proposition de loi déposée. L’objectif des rapporteurs à travers ce texte est en effet de dépasser la simple considération des zones considérées comme tendues. Les zonages réglementaires en matière de tension du parc ont effet la caractéristique d’intervenir a posteriori, une fois les problèmes de logement durablement constitués et ancrés au sein d’un territoire.
Bien souvent, vos rapporteurs considèrent que ces zonages sont en retard par rapport à la réalité, et que dès lors, il est souhaitable que les collectivités puissent plutôt, dès qu’elles perçoivent des signaux de difficultés croissantes sur le secteur locatif, prendre des mesures préventives et non plus seulement curatives.
— 1 —
Au cours de ses réunions du mardi 28 novembre 2023, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (n° 1176) (M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur, rapporteurs).
Liste des personnes auditionnÉes À Paris
Par ordre chronologique
Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature
M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages
M. Luc-André Jaxel-Truer, sous-directeur de la législation de l’habitat et des organismes de logement social
M. Patrick Brie, adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie
Mme Athénaïs Michel, adjointe à la cheffe de cabinet du directeur
Direction générale des entreprises
M. Christophe Strobel, sous-directeur du tourisme
M. Olivier Lacoste, sous-directeur adjoint du tourisme
M. Christian Zaragoci, chef du pôle de la simplification et de la coordination juridique
Direction générale des finances publiques
M. Aulne Abeille, sous-directeur de la fiscalité des entreprises à la direction de la législation fiscale
Table ronde des associations d’élus :
Association nationale des élus de montagne (ANEM) *
Mme Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes et présidente de l’ANEM
Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale
Mme Raphaelle Pouradier Duteil, conseillère technique
Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT) *
Mme Géraldine Leduc, directrice générale
M. Simon Lebeau, chargé de mission
France urbaine
M. Lionel Delbos, conseiller économie territoriale et tourisme
Confédération des acteurs du tourisme (CAT) *
M. Jean-Virgile Crance, président
M. Guillaume Lemière, délégué général
Table ronde des collectifs :
Collectif national des habitants permanents (CNHP)
Mme Brigitte Cottet (Annecy)
M. Jean Paul Lebas (Saint-Jean Cap Ferret)
M. Vincent Guenot (Paris)
M. Franck Rolland (Saint-Malo)
Alda
M. Txetx Etcheverry, membre
Fondation Abbé Pierre
Mme Sarah Coupechoux, responsable Europe
Table ronde professionnels :
Groupe Expédia
M. Philippe Bauer, directeur des Affaires publiques France et Europe centrale
Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) *
M. Dominique Debuire, président
M. Pierre Sellin, consultant affaires publiques
Table ronde des maires :
Commune d’Accous
M. Danny Barraud, maire
Communauté d’agglomération du Grand Annecy
Mme Frédérique Lardet, présidente du Grand Annecy
M. Guillaume Magnier, directeur de cabinet
Ville d’Annecy
M. Alexandre Mulatier-Gachet, premier adjoint
Mme Alice Nicolas, chargée de mission
Ville de Bayonne et communauté d’agglomération du Pays basque (CAPB)
M. Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la CAPB
Commune de Bedous
M. Henri Bellegarde, maire
Ville de Chamonix
M. Éric Fournier, maire
Ville de La Rochelle
Mme Marie Nedellec, adjointe chargée du logement
Mme Céline Variot, collaboratrice
Ville de Marseille
M. Benoît Payan, maire de Marseille
M. Patrick Amico, adjoint chargé de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne
M. Ahmed Heddadi, adjoint au maire de Marseille
M. Anthony Krehmeier, maire du 2e secteur (2e et 3e arrondissements)
Mme Anthéa Miglietta, cheffe de cabinet adjointe du maire de Marseille
Mme Annabel Mme Clara Jaboulay, collaboratrice du maire du 2e secteur
Mme Anne-Sophie Sidani, collaboratrice du maire du 2e secteur
M. Samy Sidani, directeur général des services de la mairie du 2e secteur
M. Enzo Philip, collaborateur du maire du 2e secteur
Ville de Megève
Mme Catherine Jullien-Brèches, maire de Megève
Mme Fabienne Cordet Evrard, directrice de cabinet
Ville de Paris
M. Jacques Baudrier, adjoint chargé du logement et de la transition écologique du bâti
Mme Barbara Gomes, conseillère de Paris déléguée à l’encadrement des loyers, des plateformes locatives et de la protection des locataires
Mme Blanche Guillemot, directrice du logement et de l’habitat
Mme Alice Tercé, directrice de cabinet de M. Jacques Baudrier
Mme Emeline de Kerret, cheffe du bureau de la protection des locaux d’habitation
Ville de Saint-Malo et communauté d’agglomération du pays de Saint‑Malo Agglomération
M. Gilles Lurton, maire de Saint-Malo et président de Saint-Malo Agglomération
Commune de Vieux-Boucau-les-Bains et communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS)
M. Pierre Froustey, maire de Vieux-Boucau-les-Bains et président de la MACS
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Liste des personnes auditionnÉes À ajaccio
Déplacement d’une délégation de la commission à Ajaccio, le 17 novembre 2023, composée de M. le président Guillaume Kasbarian et de vos rapporteurs, reçue par M. Laurent Marcangeli, député de la première circonscription de Corse‑du-Sud, président du groupe Horizons, et par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, en présence de M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, et de M. Paul-André Colombani (LIOT), député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud.
Table ronde de socio-professionnels, co-présidée par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, M. le président Guillaume Kasbarian et M. le président Laurent Marcangeli :
M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse
Mme Angèle Bastiani, conseillère exécutive, maire d’Île Rousse, présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC)
M. César Filippi, président du Groupement des hôtelleries et restaurations de Corse (GHR Corsica)
M. Jean-Jacques Lovichi, vice-président du GHR Corsica
Mme Karine Goffi, présidente de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) *
Mme Pascale Bicchieray, secrétaire générale adjointe de l’Umih *
M. Benoît Chaudron, vice-président de l’Umih *
M. Toussaint Coeroli, président de Gîtes de France Corse *
M. Philippe Albertini, directeur général de la chambre de commerce et d’industrie de Corse
Mme Nathalie Cau, directrice de l’office intercommunal de tourisme du Pays d’Ajaccio
Mme Christelle Combette
M. Jean-Jacques Ciccolini, président de l’association des maires de Corse‑du-Sud
Visite de l’agence immobilière Organigram et rencontre avec son directeur, M. Gautier Fabiani
Table-ronde d’élus à l’Hôtel de ville d’Ajaccio, co-présidée par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, M. le président Guillaume Kasbarian et M. le président Laurent Marcangeli :
M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse
M. Paul-André Colombani (LIOT), député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud
M. Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio
M. Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio
Mme Valérie Bozzi, maire de Porticcio
M. Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrosella
M. Julien Paolini, maire de Pietrosu, président de l’agence d’urbanisme, d’aménagement et de l’énergie de la Corse
M. Jean-Jacques Ciccolini, maire de Cozzano, président de l’association des maires de Corse-du-Sud
M. François Colonna, maire de Vico
M. Nicolas Cucchi, maire de Zonza
M. Charles Chiappini, maire de Calcatoggio, vice-président de la communauté de communes Spelunca-Liamone
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Direction générale des entreprises, « Impact économique et réglementation des meublés de tourisme », Thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.
([2]) Article L. 324-1-1 du code du tourisme. L’article D. 324-1 du même code prévoit une définition quasiment identique, à l’ordre des mots près.
([3]) Les membres de l’UNPLV sont : Abritel (portail français du groupe américain HomeAway), CléVacances, Homelidays, Interhome, Poplidays, Airbnb, Leboncoin, Foncia Locations de vacances, HomeToGo et le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM).
([4]) Insee, « Les logements touristiques de particuliers loués via Internet séduisent toujours », juin 2019.
([5]) Eurostat, Plateformes d’économie collaborative – statistiques expérimentales, 2023.
([6]) Insee, « Les hébergements collectifs touristiques en 2019 », mai 2020.
([7]) Laëtitia Giannechini, « Ajaccio : les meublés de tourisme coulent leurs plus beaux jours », Corse-Matin, mai 2023.
([8]) ADN Tourisme, « Meublés de tourisme classés : chiffres clefs 2022 », juillet 2023.
([9]) Niko Kommenda, “Revealed: the areas in the UK with one Airbnb for every four homes”, The Guardian, février 2020.
([10]) Ministre chargée du tourisme, réponse écrite à la question n° 02650 de Jean-Marie Janssens, sénateur, novembre 2022.
([11]) Viviane Artigalas et Patricia Morhet-Richaud, rapport d’information n° 587 de la commission des affaires économiques sur l’hébergement touristique et le numérique, juin 2018.
([12]) Asterès, « Hôtes Airbnb : un gain de pouvoir d’achat supérieur à l’inflation en 2022 », avril 2023.
([13]) Article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
([14]) Article 17 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
([15]) Inspection générale des finances et conseil général de l’environnement et du développement durable, rapport de la mission d’évaluation de politique publique sur le logement locatif meublé, janvier 2016.
([16]) Articles L. 133-11 et L. 133-12 du code du tourisme.
([17]) Articles L. 133-13 à L. 133-16 du code du tourisme.
([18]) Fondation Abbé Pierre et Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, « La ville est à nous : comment encadrer Airbnb face à la pénurie de logement », novembre 2020.
([19]) Joan Sales-Favà, Paolo Chevalier, Antonio López-Gay et Juan A. Módenes, « Diminution du nombre de logements disponibles pour les ménages et pression touristique : l’exemple de Barcelone », Téoros : Revue de recherche en tourisme, février 2020.
([20]) Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, rapport d’information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, hors Île-de-France, commission des affaires économiques, 12 avril 2023.
([21]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.
([22]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.
([23]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.
([24]) Insee, « Insee Focus », n° 309, octobre 2023. Données France hors Mayotte, de source Insee et CGDD-SDES (ministère de la transition écologique).
([25]) Annaïg Le Meur, PLF pour 2024, rapport pour avis « Logement et urbanisme », commission des affaires économiques, examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
([26]) Par exemple, 67 % des entreprises sondées de la région de Boston perçoivent un impact baissier des prix du logement et des coûts de la location sur leur capacité à recruter des candidats qualifiés. Wael Altali, “Assessing affordable housing availability and its effect on employers’ ability to recruit and retain employees in Greater Boston”, Northeastern University et Massachusetts Housing Partnership, avril 2017.
([27]) Chang-Tai Hsieh et Enrico Moretti, “Housing Constraints and Spatial Misallocation”, American Economic Journal: Macroeconomics, 11 (2): 1-39, 2019.
([28]) Ces conclusions sont soutenues également par une étude des cent premières aires métropolitaines des États‑Unis, où se concentrent les gains de croissance, qui conclut, en étudiant, à l’aide d’une modélisation statistique, l’évolution du taux d’emploi local et du PIB par tête en fonction de l’évolution dans le coût du logement, que la carence en logement abordable « affecte négativement le PIB », avec « des effets significatifs de la carence en logement locatif abordable sur la croissance économique (p < 0,02) ». Jerry Anthony, “Housing Affordability and Economic Growth”, Housing Policy Debate, 2022.
([29]) Global Cities Business Alliance et PriceWaterhouseCoopers, “Housing for Inclusive Cities: the economic impact of high housing costs”, avril 2016.
([30]) Ce « seuil de sortie de l’abordable » peut être analysé comme élevé en comparaison historique, dans la mesure où le taux d’effort des ménages en faveur du logement, qui représente la part de leurs ressources qu’ils y consacrent augmente tendanciellement depuis plusieurs décennies.
([31]) Organisation de coopération et de développement économiques, 2021 OECD Questionnaire on Affordable and Social Housing (QuASH).
([32]) Organisation de coopération et de développement économiques, OECD Affordable Housing Database, Indicators on policies for affordable housing, “PH6.1 Rental Regulation”, 2021.
([33]) II de l’article 324-1-1 du code du tourisme.
([34]) Article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Cette interprétation est reprise par le pouvoir réglementaire dans les régimes du droit de la construction (article R. 318-7 du code de la construction et de l’habitation) et du droit de l’urbanisme (article R. 111-51 du code de l’urbanisme), même à l’égard de résidences légères ou démontables. En droit fiscal, la notion substantielle de résidence principale peut être nécessaire pour fonder le régime des plus-values de cession ainsi que divers impôts à l’endroit des résidences non principales. Cette notion fiscale n’est pas la même que la notion retenue en droit immobilier, de la construction et de l’urbanisme. Le pouvoir réglementaire peut considérer comme principale une habitation dès lors qu’elle fait l’objet d’une résidence habituelle (critère de la « majeure partie » de l’année) et effective (utilisation non temporaire). C’est le sens de la référence retenue à l’article 150 U du CGI (la version précédente à l’article 150 C comprenait au titre de l’effectivité un critère d’occupation pendant cinq ans, supprimé en 2003). Cette notion rejoint celle d’habitation principale utilisée dans le cadre de la taxe d’habitation.
([35]) Article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
([36]) Dernier alinéa de l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation.
([37]) Voir commentaire de l’article 2 pour davantage de précisions. La liste des communes situées en « zone tendue » a été actualisée par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.
([38]) Article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation.
([39]) Direction du logement et de l’habitat de la Ville de Paris, « Le changement d’usage à caractère réel avec compensation », janvier 2022.
([40]) I de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.
([41]) III de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
([42]) Deuxième alinéa du II de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.
([43]) Troisième alinéa du III de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.
([44]) Union nationale pour la promotion de la location de vacances, « Respect de l’encadrement de la location meublée touristique en 2023 : l’UNPLV publie sa liste actualisée », janvier 2023.
([45]) II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.
([46]) En mars et septembre 2020, par exemple, 22 villes européennes (Amsterdam, Athènes, Barcelone, Berlin, Bologne, Bordeaux, Bruxelles, Cologne, Florence, Francfort, Helsinki, Cracovie, Londres, Milan, Munich, Paris, Porto, Prague, Utrecht, Valence, Vienne et Varsovie) ont pris position pour appeler au renforcement de la réglementation des plateformes . Ville de Paris, « Locations meublées touristiques : les grandes villes européennes en quête d’une coopération européenne », communiqué de presse, septembre 2020.
([47]) Commission européenne, Proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on data collection and sharing relating to short-term accommodation rental services and amending Regulation (EU) 2018/1724, 7 novembre 2022.
([48]) Conseil de l’Union européenne, orientation générale sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, et modifiant le règlement (UE) 2018/1724, 20 février 2023.
([49]) Parlement européen, commission du commerce intérieur et de la protection des consommateurs, texte des amendements de compromis adoptés (Kim Van Sparrentak, rapporteure), 13 septembre 2023.
([50]) II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.
([51]) Dernier alinéa de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation.
([52]) Fondation Abbé Pierre et Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, « La ville est à nous : comment encadrer Airbnb face à la pénurie de logement », novembre 2020.
([53]) Union nationale de la promotion de la location de vacances, « L’UNPLV donne la parole aux hébergeurs français pour contribuer collectivement à une révision plus équilibrée des règles encadrant le secteur de la location touristique », communiqué de presse, juin 2023.
([54]) Val d’Europe Agglomération, procès-verbal du conseil communautaire du 7 juillet 2022.
([55]) Department for Levelling Up, Housing & Communities, “English Housing Survey 2021 to 2022: second homes”, juillet 2023.
([56]) Iñaki Echaniz, Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés, proposition de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre la spéculation locative et favoriser l’accès au logement dans les territoires en tension, enregistrée à la Présidence le 14 février 2023.
([57]) Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, rapport d’information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, hors Île-de-France, commission des affaires économiques, 12 avril 2023.
([58]) II de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
([59]) III de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
([60]) Article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
([61]) Articles L. 173-2 du CCH issu de l’article 174 de la loi ; article 160 de la loi.
([62]) Du fait de la spécificité des territoires ultramarins, l’entrée en vigueur du nouveau DPE est différée au 1er juillet 2024 en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte (IV de l’article 158).
([63]) Le législateur par l’article 153 de la loi, qui a réécrit l’article L. 126-26 du CCH ; le pouvoir réglementaire par deux arrêtés du 31 mars 2021 relatifs respectivement au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation en France métropolitaine et aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l’établissant.
([64]) Les huit zones climatiques (H1a, H1b, H1c, H2a, H2b, H2c, H2d, H3) sont définies à l’annexe I de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments.
([65]) IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
([66]) Deuxième alinéa du II de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.
([67]) Troisième alinéa du III de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.
([68]) Article 13 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.
([69]) Article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, codifié au dernier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.
([70]) La première catégorie résulte de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, les deux suivantes de l’article L. 631-9.
([71]) Par cohérence avec la redéfinition des zones tendues à l’article 232 du CGI, l’article 73 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a supprimé l’exigence selon laquelle ces communes devaient également appartenir à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.
([72]) Contrairement à celle de l’article 17 de la loi n° 89-462, qui ne concerne que le 1°.
([73]) Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.
([74]) À distinguer notamment du changement de destination prévu par le code de l’urbanisme.
([75]) Décret n° 2023‑822 du 25 août 2023.
([76]) Article L. 631‑7 du code de la construction et de l’habitation.
([77]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 7 septembre 2023, n° 22-18.101.
([78]) Article R. 151-27 du code de l’urbanisme.
([79]) Article 146 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
([80]) Tribunal administratif de Rennes, 15 décembre 2022, n° 2003369.
([81]) Cet alinéa a vocation à être codifié à l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation.
([82]) Articles L. 631-7-2 à L. 631-7-4 du code de la construction et de l’habitation.
([83]) Depuis le décret n° 2023-422 du 31 mai 2023 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code, les seuils du régime micro‑BIC applicables aux locations meublées ont été réévalués. Au 28 avril 2023, date de l’enregistrement de la proposition de loi examinée à la présidence de l’Assemblée nationale, les seuils étaient de 176 200 euros pour les meublés de tourisme classés et de 72 600 euros pour les meublés de tourisme non classés.
([84]) Loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme.
([85]) Article 151 septies du code général des impôts.