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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI,
d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement
des générations en agriculture (n° 2436)
PAR
MM. Éric GIRARDIN, Pascal LAVERGNE, Pascal LECAMP
et Mme Nicole LE PEIH
Députés
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AVIS
FAITS
AU NOM DE LA COMMISSION |
AU NOM DE LA COMMISSION |
Par Mme SANDRINE LE FEUR Députée |
Par Mme GÉRALDINE BANNIER Députés |
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TOME I
Rapport et avis
Voir le numéro : 2436.
SOMMAIRE
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Pages
I. La genèse d’un projet de loi attendu
III. Un projet de loi qui fixe un cap pour les réformes à venir
Article 1er bis (nouveau) Inscription de l’agriculture à l’article L. 410-1 du code pénal
TITRE II former et innover pour le renouvellement des GÉNÉRATIONS ET LES TRANSITIONS EN AGRICULTURE
Article 2 Buts assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole
Article 2 bis (nouveau) Sensibilisation des enfants aux sujets agricoles, dès l’école primaire
Chapitre II Mesures en faveur de l’orientation, de la formation, de la recherche et de l’innovation
Article 5 Création d’un « Bachelor Agro »
Article 6 Dispositions renforçant le développement agricole
Article 7 bis (nouveau) Demande de rapport sur la profession de vétérinaire
Article 9 Mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations
Chapitre II Mesures en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 10 Création du réseau « France Services agriculture »
Article 10 bis (nouveau) Contrat d’associé à l’essai dans une société
Article 12 Création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI)
Article 12 ter (nouveau) Rapport sur les besoins en fonds propres des coopératives agricoles
titre iv SÉCURISER, SIMPLIFIER ET LIBÉRER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES
Article 14 Simplification du régime de protection des haies
Article 15 Contentieux de certaines décisions en matière agricole
Article 16 Règles applicables aux détenteurs de chiens de protection de troupeaux
Article 17 Règles applicables au compostage de la laine et à l’aquaculture
Article 20 (nouveau) Conditions d’extension des accords interprofessionnels
Liste des personnes auditionnées
avis fait au nom de la commission dU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
première partie : Titre Ier du projet de loi
deuxième Partie : titre iI du projet de loi
III. Article 6 : Développement agricole et recherche agronomique et vétÉRINaire
troisième Partie : Titre iii du projet de loi
quatrième Partie : titre iv du projet de loi
VI. la nécessité d’un cadre légal unifié de protection des haies en milieu agricole [article 14]
A. Le déclin des haies s’accélère malgré les mesures de soutien
B. des réglementations disparates manquant de lisibilité
C. Simplifier les démarches administratives pour mieux protéger les haies
1. La nécessité d’une définition englobante de la haie
3. Les mesures de compensation doivent être à la hauteur des enjeux environnementaux
4. Les enjeux de valorisation économique et de gestion durable demeurent à préciser
1. Des contentieux facteurs d’allongement des délais et de complexification de projets agricoles
2. Le champ des projets agricoles et décisions concernés par l’article 15
B. mieux évaluer les effets et les risques juridiques du dispositif
VIII. Habilitations à légiférer par ordonnance [articles 13, 16 et 17]
B. Article 16 : des mesures concernant les chiens de protection des troupeaux de faible portée
2. Des mesures ciblées sur les installations classées et la responsabilité pénale des éleveurs
3. La nécessité de structurer une filière « chiens de protection » demeure
C. Article 17 : des allègements de portée limitée pour la filière laine et l’aquaculture
1. Faciliter le compostage de la laine dans un contexte de crise pour la filière
2. Simplifier les démarches administratives des pisciculteurs
IX. article 18 : sécuriser la gestion de l’eau en facilitant l’intervention des départements
AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’éDUCATION
I. l’enseignement agricole : un système performant confrontÉ À de nombreux dÉfis
A. L’enseignement agricole : un modÈle performant…
1. L’enseignement agricole tient une place importante dans le paysage éducatif français
2. Un enseignement efficace, qui a déjà su s’adapter
B. …confrontÉ À de nombreux dÉfis
1. Le renouvellement des générations
a. Le vieillissement de la population agricole
c. L’insuffisante attractivité de l’enseignement agricole
2. Des transitions majeures à accompagner
b. Une évolution du contenu des formations qui doit se poursuivre
c. Un besoin global de montée en compétences
3. Les liens à retisser entre le monde agricole et le reste de la société
B. l’article 3 : clarification et extension des missions de l’enseignement agricole
C. l’article 4 : instauration d’un contrat territorial de consolidation ou de crÉation de classes
D. l’article 5 : crÉation d’un nouveau diplôme national de niveau bac + 3
III. les modifications proposées par la commission
ANNEXE : Liste des personnes entendues par lES RAPPORTEURS
« L’agriculture est le premier métier de l’homme : c’est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu’il puisse exercer. » Cette phrase de Jean-Jacques Rousseau, dans L’Émile, dit bien à quel point le beau métier d’agriculteur, en contact direct avec la nature, a toujours joué un rôle fondamental pour notre société. Dans L’Identité de la France, Fernand Braudel évoque aussi avec poésie « l’univers paysan », « ses couleurs, ses habitudes, sa connaissance intime du terroir, ses besoins réduits, sa modération profonde » et son lien avec l’histoire de notre pays.
La France a longtemps été un pays d’abord agricole, profondément agricole. Ce que l’on appelait alors le secteur primaire a, pendant des siècles, dominé la structure à la fois de notre société et de notre économie. À la veille de la Révolution française, la population rurale représentait presque 80 % des 27 millions d’habitants que comptait alors notre pays, et c’est alors près de 67 % de la population qui vivait très directement de l’agriculture. Aujourd’hui, on ne compte plus que 496 000 exploitants agricoles, pour un nombre d’exploitations passé depuis quelques années en-deçà de la barre symbolique des 400 000, leur nombre étant de 389 000 environ en 2020. Chaque année depuis 2015, 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité, pour seulement 14 000 qui s’installent.
Jeter aujourd’hui un regard lucide sur l’état de notre agriculture conduit à des constats ambivalents.
D’un côté, il ne faut pas oublier que celle-ci demeure l’une des meilleures du monde et, de loin, la première au sein de l’Union européenne.
Ainsi, selon les chiffres de la Commission européenne, la production agricole du continent a représenté en 2023 environ 552 milliards d’euros, la France ayant représenté à elle seule plus de 17 % du total, suivie notamment par l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne et la Roumanie ([1]). En 2023, la valeur de la production agricole française se sera ainsi élevée à 39 milliards d’euros même si, on le sait, de nombreuses productions sont soumises à une forte volatilité des cours, qui dépend à la fois des mouvements sur les marchés, des aléas climatiques, des changements dans les habitudes de consommation… Après une année 2022 qui s’est caractérisée par une hausse globale des prix, portée notamment par un effet rattrapage consécutif au covid-19, l’année 2023 a été plus contrastée, avec des prix qui ont baissé fortement (baisse de 28,4 % pour les céréales, de 25 % pour les oléagineux) ou de façon modérée (baisse de 6,2 % du prix des vins sous appellation) ou, pour certaines productions, qui ont continué d’augmenter (les prix des fruits et des légumes ayant globalement augmenté de respectivement 7,5 % et 7,1 % selon les chiffres de l’Insee).
D’un autre côté donc, l’agriculture française est traversée par des maux qui, compte tenu de son importance dans notre pays, ne peuvent que tous nous affecter.
La baisse des cours de plusieurs matières premières, couplée à des négociations commerciales toujours plus difficiles pour les producteurs, a entraîné une diminution du revenu agricole. En 2023, celui-ci a ainsi baissé de 9 % par rapport à 2022 (après deux années de hausse, respectivement + 13,1 % en 2021 et + 9,6 % en 2022). Aujourd’hui, des études récentes ([2]) ont montré que le revenu courant avant impôt (ou RCAI, c’est-à-dire l’indicateur qui permet de mesurer la rentabilité d’une exploitation agricole) ne s’élevait qu’à 32 000 euros par équivalent temps plein (ETP), toutes exploitations confondues. Le revenu moyen annuel d’un agriculteur n’est actuellement que de 30 000 euros, sachant que les 10 % des revenus les plus faibles sont négatifs – en d’autres termes, l’agriculteur perd de l’argent, et c’est alors le salaire du conjoint qui fait vivre l’ensemble de la famille. Quant au taux de pauvreté des ménages agricoles, il est environ de 18,1 %, soit un taux supérieur de trois points par rapport au taux de pauvreté de l’ensemble de la population de notre pays (15,1 %).
Personne ne peut davantage ignorer le vieillissement de la population agricole, l’âge moyen des agriculteurs étant passé de 47 ans en 2000 à 50,2 ans en 2010, et même à 51,4 ans en 2020. Défi majeur pour notre agriculture et même notre société, la part des exploitants âgés de plus de 55 ans représente 43 % de la population totale, soit sept points de plus qu’en 2010 ; dans ce cadre, le renouvellement générationnel en agriculture doit être une préoccupation de tout premier ordre.
Notre agriculture, nos agriculteurs sont donc pour une bonne part d’entre eux en souffrance. Dans un contexte économique sans cesse plus agressif, où le modèle familial d’exploitation cède de plus en plus le pas à la constitution de grandes exploitations (la surface des exploitations agricoles en France est de 69 hectares en moyenne, soit 14 hectares de plus qu’en 2010 et même 27 de plus qu’en 2000), les interrogations se multiplient : comment mieux prendre en compte dans le cadre de l’activité agricole les changements climatiques, l’évolution des modèles sociaux, les transitions énergétique et écologique, ou encore les bouleversements géopolitiques nécessitant que l’agriculture française se transforme profondément, sans pour autant perdre son âme ?
Car, au-delà des mots, c’est bien de cela dont il s’agit. La résilience et la capacité d’adaptation de l’agriculture de notre pays ont jusque-là permis de conserver un maillage agricole important à travers l’ensemble du territoire national, y compris dans nos outre-mer, préservant ainsi une diversité à nulle autre pareille, en lien avec des territoires et des productions variés qui, par leurs labels et autres appellations d’origine, alimentent et illustrent toute notre culture. Le rôle du politique est de créer, pour et avec les hommes et les femmes qui le font, les conditions de la protection de ce modèle.
Témoin de cette exigence, l’hiver politique 2023-2024 a été marqué, partout en Europe, par des manifestations illustrant la crise profonde qui traverse l’agriculture, en proie à de multiples défis existentiels. Sans prétendre résoudre l’ensemble des problèmes, le présent projet de loi vise à apporter une réponse concrète et à fixer des orientations pour répondre à nombre de ces défis.
I. La genèse d’un projet de loi attendu
Le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture fait suite à plus de six mois de concertations, conduites de décembre 2022 à mai 2023 par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Une concertation aux niveaux régional et national a rassemblé des représentants du monde agricole, des filières, de l’enseignement, de l’orientation et de la formation continue, ainsi que des acteurs de l’installation agricole et du monde associatif. Les travaux ont été menés dans le cadre de trois groupes thématiques traitant de l’orientation et de la formation, des questions relatives à l’installation et à la transmission, et de l’adaptation ainsi que de la transition face au changement climatique. Les synthèses effectuées ont, par ailleurs, été enrichies au mois d’avril 2023 par une large consultation du public, qui a recueilli plus de 44 000 contributions exploitables ; une consultation spécifique des jeunes de l’enseignement agricole a également été menée entre les mois d’avril et mai 2023 au sein d’un échantillon d’établissements de l’enseignement technique agricole public et privé (en France métropolitaine et en outre-mer).
Alors que le projet de loi devait être présenté au Parlement, les mouvements des mois de janvier et février derniers ont conduit à retarder sa présentation, afin d’y intégrer certains sujets de préoccupations majeurs pour le monde agricole. Il a été ainsi renforcé par un titre Ier, qui consacre l’agriculture comme étant, au même titre que la pêche et l’aquaculture, d’intérêt général majeur – ce qui constitue la ligne directrice du texte – et par un titre IV, qui regroupe diverses dispositions dans le domaine de la simplification.
L’inscription, à l’article unique du titre Ier, du caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture permet d’en faire des priorités au sein de nos politiques publiques, propre à contribuer au premier plan à garantir notre souveraineté alimentaire. Il s’agit d’une avancée législative essentielle qui, les travaux en commission des affaires économiques en témoignent, a été au cœur de débats nourris et passionnés. Vos rapporteurs soutiennent à ce titre une vision claire de l’article 1er qui doit, autant que possible, définir les notions aujourd’hui incontournables de souveraineté alimentaire, de souveraineté agricole et de sécurité alimentaire, ainsi que les orientations des politiques publiques qui en découlent.
De ces objectifs fondamentaux découle ensuite la mise en action de trois leviers, qui correspondent aux trois autres titres du projet de loi et qui peuvent se résumer en trois mots : former, accompagner, simplifier.
Le titre II doit permettre d’inscrire au mieux les enjeux liés à l’attractivité des métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire et à la transition écologique au sein des parcours de formation et de la recherche agricole. La création d’un nouveau diplôme de niveau Bac +3, qui prendra en compte la nécessité de développer les compétences managériales et agronomiques, est en ce sens une mesure décisive. Les établissements d’enseignement agricole, lycées comme établissements d’enseignement supérieurs, publics et privés, devront tous être pleinement intégrés dans la poursuite des objectifs programmatiques fixés à l’article 2 du projet de loi, auxquels pourront également concourir l’ensemble des acteurs de terrain, à commencer par les collectivités territoriales et leurs groupements.
Au sein du titre III, l’article 9 fixe des orientations pour les dix prochaines années pour nos politiques publiques en matière d’installation et de transmission d’exploitations agricoles. L’accompagnement se décline à travers deux dispositifs clés. D’une part, est créé le guichet unique « France Services Agriculture », localisé au sein des chambres d’agriculture mais composé de tous les acteurs engagés au service de la Ferme France, dont la principale fonction consistera à faciliter l’entrée des nouveaux agriculteurs quel que soit leur profil, et à accompagner les transmissions d’exploitations ou à aider à la réorientation des projets des exploitants. Les structures agréées du réseau « France Services Agriculture » pourront s’appuyer sur un diagnostic modulaire, dont vos rapporteurs souhaitent qu’il soit prioritairement centré autour des problématiques économique, sociale et environnementale, qui sont interdépendantes. Au-delà des divergences d’appréhension, il semblerait néanmoins qu’un consensus existe pour mettre en place un diagnostic permettant de renforcer la viabilité économique des projets d’installation ou de cession d’exploitation agricole, améliorer la transmissibilité de ces exploitations et, en tout état de cause, de mesurer la résilience de ces projets au changement climatique, grâce à un stress-test climatique.
En outre, le titre III propose la création d’un groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), conçu comme un outil de portage foncier au service de l’agriculture. Face aux inquiétudes qui ont pu se manifester, vos rapporteurs souhaitent transformer ce dispositif en un futur groupement foncier agricole d’épargne (GFAE), associé à d’importantes garanties d’encadrement et de contrôle, qui permettront de favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs tout en renforçant le lien avec la société civile et les épargnants. Ces derniers, s’ils le souhaitent, pourront ainsi soutenir l’agriculture aux côtés de personnes publiques telles que les régions ou les établissements publics de coopération intercommunale. Ces collectivités et leurs groupements pourront désormais soutenir le portage foncier des nouveaux installés en agriculture, car les GFAI mettront les terres à bail dans le cadre d’un contrat de bail rural à long terme. Ce nouvel outil est conçu comme un élément complémentaire de ceux déjà existant au service d’un portage du foncier, dans le seul but d’être utile aux exploitants agricoles ou futurs exploitants agricoles, notamment ceux qui ne sont pas issus de ce milieu agricole.
Quant au titre IV, bien qu’ajouté au projet de loi quelque peu in extremis, il a pour ambition d’apporter plusieurs réponses à des problèmes effectivement rencontrés sur le terrain, que le monde agricole a pu souligner lors des grandes manifestations de janvier et février dernier. Qu’il s’agisse du remplacement de sanctions pénales, inutilement déshonorantes, par des sanctions administratives prononcées après des contrôles qui demandent sans doute à être améliorés, de simplifier le régime juridique des haies qui a symbolisé jusqu’à l’absurde la lourdeur administrative s’imposant aux agriculteurs, ou encore de la volonté d’accélérer le traitement contentieux de certains recours juridictionnels afin de permettre à des projets utiles pour l’agriculture de se mettre en place, ce titre vise à apporter des réponses concrètes à des préoccupations anciennes.
II. Un projet de loi qui s’inscrit dans la ligne d’une action législative résolue pour soutenir le monde agricole
Le présent projet de loi, déjà enrichi par les travaux conduits en commission, s’inscrit dans le prolongement des réformes menées depuis de nombreuses années.
Outre les grandes lois d’orientation intervenues depuis une dizaine d’années ([3]), des mesures importantes ont été prises pour garantir le revenu des agriculteurs, grâce à ce que l’on a appelé les lois Egalim et la loi Descrozailles ([4]). En outre, une mission parlementaire, menée par les députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard, est actuellement en cours pour déterminer s’il convient ou non de renforcer ce cadre, et, le cas échéant, dans quelle direction ce renforcement doit avoir lieu.
Afin de renforcer la compétitivité de notre agriculture et la fixation d’un cadre commun protecteur, la France a œuvré à une réforme de la PAC pour la période 2023-2027, qui assure 9,29 milliards d’euros par an d’aide de l’Union européenne à nos agriculteurs.
Pour lutter contre les distorsions de concurrence, le Gouvernement a souhaité mettre au cœur de la Présidence française de l’Union européenne de 2022 une reconfiguration du commerce international, centrée autour de l’ouverture à l’autre et de la réciprocité des normes, en rupture avec certaines conceptions libérales jusqu’au-boutistes et absurdes. Les graines de moutarde, produites au Canada avec des produits phytosanitaires interdits en Europe, sont ainsi transformées à Dijon pour être consommées comme des spécialités bourguignonnes. Certains produits dits de charcuterie corse sont en réalité travaillés à partir de viande importée de basse qualité et ne subissent que quelques transformations de base, au détriment des véritables agriculteurs et artisans qui maîtrisent l’ensemble de la chaîne. Il faut mettre fin à ces circuits qui pénalisent à la fois nos agriculteurs et les consommateurs. C’est également pour ces raisons que nous devons à la France de porter le fer pour refuser de ratifier en l’état l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, particulièrement dangereux pour nos paysans en sa forme actuelle.
En réponse aux dysfonctionnements du marché du foncier, qui sont autant de frein à l’installation de nouveaux agriculteurs et qui conduisent à un agrandissement sans fin de la surface des exploitations agricoles, la loi dite « Sempastous » de 2021 ([5]) a élargi les compétences des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), en soumettant certaines cessions de parts sociales à leur contrôle.
Prenant acte de l’obsolescence grandissante du système dit « des calamités agricoles », nous avons également mené une réforme d’ampleur de l’assurance‑récolte et réformé la gestion du risque climatique ([6]).
Face aux mutations importantes qu’il convient d’accompagner à long terme, le budget dédié à l’agriculture, à l’alimentation et aux forêts a augmenté de 76 % entre 2022 et 2024, grâce notamment à un effort exceptionnel dans le cadre de la planification écologique, à laquelle 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagements est consacré dans le budget 2024.
Enfin, dans le cadre du dialogue constructif mené avec les organisations syndicales agricoles pendant la crise, le Premier Ministre a également engagé un travail de mise en œuvre de 67 mesures de simplification, afin d’alléger les contraintes pesant sur le monde agricole et de laisser le temps aux agriculteurs de travailler, avec le plus de sérénité possible.
III. Un projet de loi qui fixe un cap pour les réformes à venir
Le présent projet de loi s’insère ainsi dans un vaste mouvement de soutien aux agriculteurs, sachant que d’autres mesures sont d’ores et déjà prévues. Dans les mois à venir, outre les travaux menés pour protéger le revenu agricole (et qui conduiront peut-être à l’adoption d’une loi Egalim 4), plusieurs textes sont attendus, notamment sur la séparation de la vente et du conseil ainsi que sur le partage de la valeur agrivoltaïque. Une nouvelle réforme de la PAC, que vos rapporteurs espèrent recentrée en priorité sur des aides non-surfaciques, permettra également de prendre en considération les enjeux liés au revenu.
Au-delà de ces diverses mesures plus ou moins ciblées, vos rapporteurs souhaitent poursuivre la construction et la réforme de l’architecture légale et réglementaire mise en place depuis 2017, en insistant sur trois points clés.
Cette fiscalité est donc lourde – même si nous avons amélioré depuis 2019 l’abattement sur le bail rural à long terme, porté de 101 000 euros à 300 000 euros, puis à 500 000 euros applicables depuis le 1er janvier 2023. En raison du poids de cette fiscalité et d’une rémunération faible, les terres agricoles constituent l’actif qui a le rendement le plus faible, ce rendement pouvant d’ailleurs être négatif en euros constants en période d’inflation. Cette situation globale est, à l’évidence, pénalisante pour notre agriculture, car elle limite fortement la fluidité des transactions et la circulation des biens fonciers agricoles au bénéfice de l’installation.
Mais si notre volonté commune est d’élever notre agriculture au rang d’intérêt général majeur pour notre pays, il nous faut, en amont, protéger les facteurs de production qu’elle mobilise : il s’agit, en premier lieu, des agricultrices et des agriculteurs, mais également des actifs immobilisés et circulants et, enfin, du foncier.
Compte tenu de ces constats, plusieurs pistes d’amélioration devraient être examinées lors du prochain projet de loi de finances. Une harmonisation de la fiscalité des droits de mutation, quelle que soit la forme d’exploitation de l’activité agricole, individuelle ou sociétaire, s’impose. Il faut, en particulier, poursuivre le processus d’harmonisation de la fiscalité applicable à la transmission du foncier mis à disposition dans le cadre d’un bail rural à long terme avec le pacte Dutreil, ainsi qu’avec l’exonération de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il est enfin souhaitable d’augmenter, dans le cadre d’une donation, l’abattement de droit commun. Ces diverses mesures doivent, selon vos rapporteurs, permettre d’accélérer les opérations de transmission d’exploitations agricoles. Il s’agit, ni plus, ni moins d’un investissement fiscal pour l’avenir.
De même, il est nécessaire, pour lever les blocages qui entravent aujourd’hui l’accès au foncier agricole, d’amplifier le développement des solutions de portage du foncier par la massification des investissements de l’État, en s’appuyant sur le Fonds « entrepreneur du vivant » annoncé par le Président de la République à Terre de Jim en septembre 2022, sur les banques du groupe Caisse des dépôts et consignation, ainsi que sur les banques privées, les Safer et les collectivités territoriales. L’alinéa 5 de l’article 8 du projet de loi, dans la version issue des travaux de la commission des affaires économiques, va dans ce sens.
Accélérer la transmission des cédants en allégeant la fiscalité qui leur est applicable, d’une part, et faciliter l’installation en développant un dispositif équilibré de portage du foncier, d’autre part, sont indissociables de notre volonté de renouveler les générations d’agricultrices et d’agriculteurs qui sont garants de notre souveraineté alimentaire et de notre indépendance stratégique. Il s’agit ainsi de doter l’agriculture française d’un cadre global, clair et cohérent, qui accélère les transitions et donne aux femmes et aux hommes qui nourrissent la France, l’Europe et le monde, les moyens de vivre correctement de leur travail.
On l’a vu, et ce point de vue ne peut qu’être consensuel même si l’on discute et diverge sur les solutions, l’agriculture française doit être au centre de nos préoccupations économiques, sociales, environnementales, de santé publique et de sécurité alimentaire.
Dans ce contexte, vos rapporteurs estiment avec force que ce projet de loi permettra de soutenir efficacement la souveraineté alimentaire française et, par là même, son agriculture, tant en métropole que dans les outre-mer, au travers de trois axes stratégiques au service de nos agriculteurs : former, accompagner et simplifier.
Aujourd’hui, notre défi reste le même : pérenniser la ferme France, en conciliant les attentes et les besoins des agriculteurs et des consommateurs, tout en s’adaptant aux dérèglements climatiques et à l’affaiblissement de la biodiversité. Vos rapporteurs sont convaincus que nous ne pourrons y répondre qu’en Européens, au travers d’une politique agricole commune forte, dont Edgard Pisani fut l’un des fondateurs, et de mesures importantes prises au plan national. Il y va de notre responsabilité.
TITRE IER
DÉFINIR NOS POLITIQUES EN FAVEUR DU RENOUVELLEMENT
DES GÉNÉRATIONS AU REGARD DE L’OBJECTIF DE SOUVERAINETÉ DE LA France
Article adopté par la commission avec modifications
Cet article élève l’agriculture, la pêche et l’aquaculture au rang d’activités « d’intérêt général majeur » et consacre la notion de « souveraineté alimentaire », au service de laquelle doit notamment être conduite une ambitieuse politique d’installation et de transmission en agriculture.
Bien qu’il jouisse aujourd’hui d’une indéniable popularité auprès de nos concitoyens et dans le débat public, le concept de « souveraineté alimentaire » reste encore à construire.
Avant d’essayer de définir et de comprendre ce que recouvre exactement la notion de « souveraineté alimentaire », il convient de rappeler rapidement en quoi consiste la souveraineté.
La « souveraineté » est fondamentalement une notion juridique avant même que d’être politique. Comme l’a par exemple mis en évidence Barbara Delcourt ([7]), certes dans une perspective de droit international, la souveraineté présente à cette aune trois caractéristiques fondamentales :
– c’est une notion éminemment juridique, qui inscrit la question du pouvoir dans le droit ;
– l’autorité qu’elle suppose est absolue, dans la mesure où un État est ou n’est pas souverain. Il ne peut exister de situation d’entre-deux, car le pouvoir de dernière instance ne peut, par définition, être partagé ;
– le caractère absolu implique également une condition d’unité : l’indépendance qu’elle suppose a pour corollaire de faire de l’entité souveraine la seule habilitée à prendre les décisions qui la concernent dans les sphères interne et internationale.
On peut ajouter que la notion de « souveraineté » est consubstantielle à celle de l’État, qu’on réfléchisse dans une perspective de droit interne ou de droit international. Comme l’a très bien écrit le professeur Denis Baranger, « lorsqu’on comprend l’identité de l’État comme souveraineté (l’État n’est que s’il y a un souverain en lui ; puis : l’État n’est que s’il est lui-même souverain), on tend à tout voir selon un schéma rapprochant une essence plus ou moins cachée et des manifestations plus ou moins apparentes. La souveraineté est l’animus universel de l’État, ou du moins la forme que prend cet animus, cette volonté incessante, capable de se porter sur tous les objets » ([8]). La naissance de l’État moderne a, de ce fait, pris deux formes qui se sont mutuellement renforcées :
– d’une part, la souveraineté a illustré l’affirmation du pouvoir royal contre un ordre médiéval constitué de puissances féodales locales et autonomes, cette volonté ayant d’ailleurs par la suite suscité une forte réaction contre les prétentions à l’universalisme manifestées tant par l’empereur du Saint-Empire romain germanique que par le pape (cette dernière dans une perspective essentiellement spirituelle) ;
– d’autre part, la notion de « souveraineté » a simultanément développé et consolidé le principe de territorialité : la souveraineté de l’État implique sa capacité à agir de manière autonome, indépendamment de toute autre puissance étrangère, le territoire de l’État souverain s’avérant donc « imperméable (…) à toute juridiction émanant d’une autorité extérieure » ([9]).
C’est de ce substrat, l’affirmation d’un pouvoir total sur un territoire déterminé, qu’est née la conception contemporaine de la souveraineté suivant laquelle, pour reprendre la célèbre formule du juriste allemand Jellinek, la souveraineté de l’État consiste pour ce dernier à « avoir la compétence de sa compétence ».
De la « souveraineté » à la « souveraineté alimentaire », on pourrait dire qu’il n’y a qu’un pas, mais le passage entre les deux serait trop aisé s’il en était ainsi…
À la faveur du double choc constitué par la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine, la notion de souveraineté a été remise au goût du jour : comme l’ont très bien écrit Thierry Pouch et Marine Raffray, « on assiste ainsi au retour d’une notion que beaucoup, dans le cadre d’une mondialisation perçue comme porteuse d’un effacement des États nations, considéraient comme appartenant à l’Histoire » ([10]). Sans revenir sur tous les développements historiques de la notion de souveraineté alimentaire, il suffit de rappeler que la souveraineté alimentaire a partie liée avec l’histoire de l’Europe : c’est de cette idée qu’est née la politique agricole commune, puisque l’ambition politique de cette dernière était orientée vers l’accession à l’autosuffisance alimentaire. Comme le rappellent ces deux auteurs, la politique agricole commune incarnait « cette ambition de produire soi-même et pour soi-même des biens agricoles et de garantir l’accès à l’alimentation pour tous » ([11]) . À la suite notamment de la conclusion des Accords de Marrakech (1994), la notion de souveraineté alimentaire de l’Union européenne a perdu de son aura, au point d’apparaître comme totalement dépassée.
Pourtant, c’est à la même époque, dans le cadre du Sommet mondial de l’alimentation qui s’est tenu au siège de la FAO, à Rome, du 13 au 17 novembre 1996, que l’organisation non gouvernementale Via Campesina a adopté une déclaration d’une importance capitale en tant qu’elle consacre et définit la souveraineté alimentaire : « Se nourrir est un droit humain de base. Ce droit ne peut être assuré que dans un système où la souveraineté alimentaire est garantie. La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité des cultures et des produits. Nous avons le droit de produire notre propre alimentation sur notre propre territoire. La souveraineté alimentaire est une condition préalable d’une véritable sécurité alimentaire ». Cette notion, renforcée et réitérée par la suite dans la « déclaration de Dakar » du 21 mai 2003 – une déclaration qui critiquait la logique libérale des décisions prises au sein de l’Organisation mondiale du commerce, assignait plusieurs objectifs à la politique agricole et concluait que « le marché ne peut assurer le respect de ces droits. C’est la responsabilité des Pouvoirs Publics, à l’échelle locale, d’un pays ou d’un groupe de pays. C’est la base de la souveraineté alimentaire. » ([12]) – et la « déclaration de Nyéléni » ([13]) du 27 février 2007 – du nom du village de Nyéléni au Mali, près du barrage de Sélingué, où s’est tenu en 2007 le Forum mondial sur la souveraineté alimentaire –, a indéniablement rencontré un certain écho, y compris dans les pays industrialisés.
Avec notamment la guerre en Ukraine, l’Union européenne (au sein de laquelle la France a vigoureusement lancé le débat) a perçu sa dépendance à l’égard de l’extérieur, notamment à l’égard des céréales russes et ukrainiennes, des intrants russes (engrais notamment) et, sur le plan énergétique, du gaz russe. C’est dans ce contexte que la souveraineté alimentaire a été érigée comme un but à atteindre, celle-ci pouvant alors se définir comme « une aptitude politique, et ensuite économique, à déterminer ce qu’il convient de produire comme biens agricoles et alimentaires sur son territoire, sans en référer à une quelconque instance suprême ou supranationale » ([14]).
Alors que la souveraineté renvoie à la capacité d’un État à agir seul et sans entrave et qu’elle illustre donc la liberté d’un État à être ce qu’il est, la souveraineté alimentaire se heurte à plusieurs obstacles, au point qu’on peut se demander si la France peut seule la mettre en œuvre.
Comme le soulignent Thierry Pouch et Marine Raffray, atteindre la souveraineté alimentaire suppose tout d’abord de vaincre certaines réticences de la société civile ([15]). Cette dernière, fortement attachée à la défense de l’environnement, peut s’opposer à ce que l’État encourage un modèle agricole encore plus intensif, quand bien même le but ultime serait de garantir une sécurité alimentaire pour tous dans un pays donné.
Ensuite, atteindre des rendements élevés pour disposer d’une véritable souveraineté alimentaire suppose, pour un État donné, d’avoir des effectifs d’agriculteurs suffisants, ce qui, en France notamment et comme on le verra dans le cadre du commentaire de l’article 2 du présent projet de loi, s’avère problématique si l’on considère l’attractivité limitée d’une profession qui peine à rémunérer dignement ceux qui l’exercent. Plus largement – et la Commission européenne s’en est d’ailleurs elle-même fait l’écho –, vouloir une véritable souveraineté alimentaire suppose de façon plus globale d’investir non seulement dans l’humain, mais également dans des infrastructures, des installations de stockage et des services apportés aux agriculteurs et aux marchés agricoles ([16]). En d’autres termes, il convient de l’appréhender comme une politique transverse majeure, au service de laquelle plusieurs politiques sectorielles doivent être mises en œuvre.
Enfin, dans le cas spécifiquement français, le dernier obstacle à une véritable souveraineté alimentaire tient à notre appartenance à l’Union européenne. Comme le remarquent Thierry Pouch et Marine Raffray, « si la France a placé la souveraineté alimentaire parmi les priorités de son agenda politique, cette vision ne fait pas l’unanimité au sein de l’Union » : certains pays comme l’Irlande et les Pays-Bas, structurellement excédentaires sur un certain nombre de productions agricoles (viande ovine et lait, notamment) et attachés à la liberté économique, ne sont pas aussi convaincus que la France de la nécessité de s’engager dans cette voie.
Si la souveraineté alimentaire domine très largement le débat, il convient de souligner qu’elle ne doit pas se confondre avec d’autres notions qui en sont proches, parfois la recoupent (l’article 1er du projet de loi y fait d’ailleurs référence, mais sans jamais les définir) mais doivent en être clairement distinguées, de sorte que l’on sache précisément vers quels points les leviers des politiques publiques doivent être orientés.
Si la « souveraineté alimentaire » est délicate à définir, il n’en va pas de même de la « sécurité alimentaire ».
Cette notion est en effet depuis longtemps utilisée au plan international, qu’il s’agisse de l’objectif n° 2 de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable (éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable), de l’existence d’un « Comité de la sécurité alimentaire mondiale » au sein de la FAO, de la présence au sein du Parlement européen d’une « Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire » ou de l’adoption de plusieurs textes, à la portée plus ou moins normative, sur ce sujet.
La sécurité alimentaire repose sur quatre piliers ([17]), identifiés en 1996 dans le cadre du Sommet mondial de l’alimentation :
– l’accès, c’est-à-dire la capacité de produire sa propre alimentation (et donc disposer des moyens de le faire) ou celle d’acheter sa nourriture (et de disposer d’un pouvoir d’achat suffisant) ;
– la disponibilité c’est-à-dire l’existence de quantités suffisantes d’aliments, qu’ils proviennent de la production intérieure, de stocks, d’importations ou d’aides ;
– la qualité des aliments et des régimes alimentaires des points de vue nutritionnel, sanitaire mais aussi socioculturel ;
– la stabilité des capacités d’accès et donc des prix et du pouvoir d’achat, des disponibilités et de la qualité des aliments et des régimes alimentaires.
La sécurité alimentaire va donc bien au-delà de la seule production agricole et alimentaire, dans la mesure où elle a des répercussions dans plusieurs domaines – non seulement sur les producteurs primaires et les consommateurs, mais aussi l’économie au sens large, le commerce, le développement et les efforts humanitaires, ainsi que la cohésion sociale et régionale. Si les éléments qui la définissent sont connus, les causes de l’insécurité alimentaire le sont tout autant : au-delà des pénuries d’approvisionnement, il faut mettre l’accent sur le rôle désastreux des conflits, des inégalités dans la distribution des denrées alimentaires, des prix alimentaires excessifs et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale ([18]).
La « souveraineté » et la « sécurité » alimentaires constituent donc deux aspects d’une même thématique, mais ils sont loin de coïncider en dépit de certains textes qui usent facilement d’un terme pour traiter de l’autre. À cet égard, il est intéressant de citer le point 2 d’une récente résolution du Parlement européen (14 juin 2023) ([19]), qui « souligne la nécessité pour l’Union de renforcer sa sécurité alimentaire, son autonomie stratégique et la résilience de son secteur agricole et de l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement en réduisant sa dépendance à l’égard des importations en provenance de pays tiers et en diversifiant l’approvisionnement en produits critiques importés tels que les engrais, les aliments pour animaux et les matières premières » : à travers la sécurité alimentaire, c’est bien de la formalisation d’une véritable « souveraineté alimentaire » à l’échelle européenne dont il est finalement question.
La « souveraineté agricole », introduite à l’alinéa 7 de l’article 1er du présent projet de loi, est un « nouveau concept », comme l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental dans l’avis qu’il a rendu sur ce projet de loi ([20]).
Il est probable que l’absence de définition de ce concept soit due à sa récente émergence. Il est d’ailleurs paradoxal que le présent projet de loi, qui porte pourtant sur « la souveraineté en matière agricole », n’en propose pas une définition et n’en dise pas plus sur son contenu et son périmètre, divers rapports ([21]) sur ce thème ne prenant pas davantage la peine d’en dessiner les contours.
Si l’on se réfère au décret qui a récemment institué, auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, un « délégué interministériel à la souveraineté agricole des outre-mer » (en lieu et place de l’ancien délégué interministériel « à la transformation agricole des outre-mer », aux termes du décret n° 2019-1374 du 17 décembre 2019) ([22]), force est de constater que les indices permettant de cerner la définition de la « souveraine agricole » manquent. Le délégué aura notamment pour fonction de contribuer « au développement durable et à la souveraineté de l’agriculture, de l’alimentation, de l’agroalimentaire et de la recherche agricoles outre-mer », en coordonnant et promouvant les actions en faveur de la production agricole outre-mer afin de favoriser la souveraineté alimentaire de ces territoires, ainsi qu’en contribuant à l’élaboration et au suivi des plans de souveraineté de ces mêmes territoires.
La souveraineté se mesurant, en principe, à l’échelle d’un État et non d’un territoire, il serait sans doute plus opportun de faire référence à la « sécurité agricole » d’un pays plutôt qu’à sa « souveraineté agricole », celle-ci se confondant pour une bonne part avec la souveraineté alimentaire.
L’article 1er du présent projet de loi est fondamental, en ce qu’il crée au 1° de son I un article L. 1 A au sein du code rural et de la pêche maritime, consacrant un ensemble de notions.
Le premier alinéa du nouvel article dispose que « L’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux. ».
Cette disposition est à la fois d’une grande importance symbolique et d’un intérêt juridique relatif.
Outre que cette disposition répond très directement au souhait qu’avaient manifesté les agriculteurs dans le cadre des manifestations organisées en janvier et février dernier, c’est la première fois que l’agriculture se trouve ainsi consacrée dans un texte législatif. En effet, si l’actuel article L. 1 du code rural et de la pêche maritime assigne d’ores et déjà à l’agriculture un certain nombre de missions fondamentales (assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine et diversifiée, soutenir le revenu, développer l’emploi et améliorer la qualité de vie des agriculteurs, développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires…), il ne conférait pas, pour autant, une valeur spécifique à l’agriculture : c’est désormais chose faite. Cette consécration s’avère donc du même ordre que celle qui vaut déjà pour l’éducation (l’article L. 111-1 du code de l’éducation précise que « L’éducation est la première priorité nationale. ») ou l’environnement (l’article L. 110-1 du code de l’environnement dispose que « Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. »).
Au-delà de la dimension symbolique, l’intérêt juridique de cette disposition apparaît relatif, car l’agriculture reste, dans le cadre de notre hiérarchie des normes, du niveau strictement législatif. Comme l’a très justement souligné le professeur Didier Truchet, « la hiérarchie des normes ne serait pas modifiée : la protection de l’environnement a une valeur constitutionnelle, alors que, même « majeur », l’intérêt général agricole n’aurait que valeur législative. En cas de conflit direct entre les deux, le Conseil constitutionnel ferait prévaloir la première sur le second dans le cadre de son contrôle de la loi. Il n’en irait autrement que si, sous l’influence de la législation nouvelle, il portait l’intérêt général majeur de l’agriculture au niveau constitutionnel » ([23]). De fait, en cas de confrontation entre un acte relevant de l’activité agricole et un droit que l’on pourrait faire valoir sur le fondement de la Charte de l’environnement (laquelle a, comme on le sait, valeur constitutionnelle) et toute d’« intérêt général majeur » que soit l’agriculture, c’est le droit fondé sur une disposition constitutionnelle qui l’emporterait devant le juge – même si tout est affaire d’espèce, puisque les principes de la Charte non dotés d’effet direct ne sont pas invocables devant le juge.
La souveraineté alimentaire n’était pas absente de notre corpus juridique, puisque le 1° A du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime dispose déjà que :
« I. - La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :
« 1° A De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France [ce sont vos rapporteurs qui soulignent] et de promouvoir l’indépendance alimentaire de la France à l’international (…) ».
Mais, outre que cette souveraineté alimentaire figure dès l’intitulé du titre Ier du projet de loi, le nouvel article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime la consacre de manière bien plus visible en mettant l’agriculture à son service (« L’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux. »).
L’article 1er détaille ensuite les politiques publiques qui doivent être mises en œuvre afin de concourir efficacement « à la protection de la souveraineté alimentaire » (alinéas 4 à 7). Cette protection et cette construction même de la souveraineté alimentaire constituent de véritables leitmotivs du projet de loi, puisque ce même article précise que :
– la politique d’installation et de transmission en agriculture « oriente en priorité l’installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique » (alinéa 14, le lien entre les deux étant également rappelé au premier alinéa de l’article 8) ;
– le renouvellement des générations visant à permettre à la France de disposer de suffisamment d’agriculteurs participe de cette volonté (alinéas 15 et 21) ;
– l’enseignement agricole doit mettre l’accent sur les enjeux de cette souveraineté (article 2, alinéa 7 et article 3, alinéa 6) ;
– le développement agricole, consacré à l’article 6 du projet de loi, vise pour sa part « au renforcement de la souveraineté alimentaire » (alinéa 3).
Dans le cadre du nouvel article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, les politiques publiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire de notre pays doivent donc préserver et améliorer sa capacité à assurer son approvisionnement alimentaire, afin de fournir à l’ensemble de la population une alimentation saine et accessible à tous, sa capacité à surmonter les crises de tous ordres susceptibles de porter atteinte à notre sécurité alimentaire et sa capacité à garantir notre souveraineté agricole. L’agriculture est donc bien au centre de la souveraineté alimentaire française.
Enfin, il est prévu au II de l’article 1er que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport sur l’état de la souveraineté alimentaire en France.
Le 2° du I réécrit très largement l’actuel IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, afin de mettre l’accent sur le rôle joué par la politique d’installation et de transmission en agriculture.
Alors que cette politique ne se voyait assigner que six objectifs décrits d’ailleurs sans grande ambition, elle se voit désormais confier un but beaucoup plus large qui consiste à « contribuer à la souveraineté agricole de la France, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture par l’accompagnement des reprises d’exploitation » (alinéa 13). Cet objectif est ensuite décliné selon deux grandes directions qui consistent, pour l’une, à prendre en compte le caractère stratégique de ce renouvellement pour améliorer la compétitivité de l’économie française et répondre aux enjeux environnementaux et climatiques qui s’offrent à l’agriculture, et, pour l’autre, à participer à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et à favoriser la diversification des profils des porteurs de projets d’installation.
La suite du IV détaille, en six points, les pistes à explorer afin de répondre efficacement au défi du renouvellement des générations, qui se pose aujourd’hui à l’agriculture. Qu’il s’agisse de la nécessité de mieux faire connaître le métier d’exploitant agricole ou de susciter des vocations au sein du public scolaire (autant de points qui seront, par ailleurs, détaillés dans le titre II du projet de loi), d’améliorer l’accueil et l’orientation des candidats à l’entrée en agriculture (c’est principalement l’objet de l’article 10 du projet de loi) ou du développement de mécanismes propres à favoriser la transmission des exploitations, la politique d’installation et de transmission est appréhendée dans toute sa globalité, avec un volontarisme qui ne peut qu’être salué.
La commission a adopté plusieurs amendements sur cet article, qui n’ont pas tous la même portée.
Une première série d’amendements a porté sur les sujets de la souveraineté alimentaire et de son périmètre, décrits à l’article L. 1 A nouveau (alinéas 2 à 11 de l’article 1er).
La commission a tout d’abord adopté deux amendements identiques (CE625 de M. Jean-Pierre Vigier et plusieurs de ses collègues et CE3331 de Mme Juliette Vilgrain et plusieurs de ses collègues), qui ont souhaité affiner la rédaction initiale du premier alinéa de l’article L. 1 A nouveau du code rural et de la pêche maritime, en précisant que ce sont moins l’agriculture, la pêche et l’aquaculture qui sont déclarées d’intérêt général majeur que « la protection, la valorisation et le développement » de ces trois activités.
La commission a adopté également un amendement CE3292 de M. Antoine Armand consacrant le pastoralisme comme d’intérêt général majeur. Il est vrai que le pastoralisme, consacré par la loi n° 72-12 du 3 janvier 1972 relative à la mise en valeur pastorale, a reçu depuis longtemps une reconnaissance juridique, qui a été couronnée par l’inscription de la transhumance au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO à l’initiative de la France en 2023.
Outre un amendement de précision CE1705 déposé par le président André Chassaigne, la commission a souhaité enrichir la liste des politiques publiques concourant à « assurer » – pour reprendre le terme imposé par l’amendement CE1705 précité – la souveraineté alimentaire de la France, en y ajoutant la volonté de préserver – et surtout d’améliorer – le revenu des agriculteurs et actifs agricoles (amendement CE810 de M. Vincent Descoeur et plusieurs de ses collègues). La question du revenu des agriculteurs est au centre des revendications du monde agricole, comme l’ont montré les manifestations des mois de janvier et février dernier ; elle a, depuis, été souvent discutée et a fait l’objet d’une proposition de loi de notre collègue Marie Pochon qui, même si le dispositif peut sans doute en être fortement amélioré, a été adoptée par l’Assemblée nationale en séance publique, il y a quelques semaines ([24]). Il est donc apparu à la fois naturel et légitime de mentionner la défense du revenu des agriculteurs comme devant faire partie des points d’attention essentiels auxquels les politiques publiques se doivent d’être attentives.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement CE3415 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire qui a souhaité préciser, à l’alinéa 6 du projet de loi, que, parmi les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à la souveraineté alimentaire de la France, figure en premier lieu la crise liée aux changements climatiques. Cet ajout comble un manque évident dans le projet de loi, alors même que le Président de la République, dans le cadre de la 8e édition des rencontres « Terres de Jim » qui s’était tenue le 9 septembre 2022, avait précisé que le Pacte d’orientation et d’avenir pour le renouvellement des générations en agriculture devait répondre aux enjeux d’adaptation au changement climatique, en même temps qu’aux enjeux de formation, de transmission et d’installation. Nos collègues Aurélie Trouvé et Pascal Lavergne, rapporteurs du groupe de suivi de la préparation de la loi d’orientation agricole, avaient souligné ce point dans leur rapport, présenté à la commission des affaires économiques le 6 décembre dernier ([25]). Dans le cadre de la préparation du projet de loi, l’un des trois groupes de travail qui avait été constitué était ainsi spécifiquement chargé de travailler sur l’adaptation et la transition du monde agricole face au changement climatique. Il était donc regrettable qu’aucune référence à cet enjeu ne soit apparue dans le projet de loi ; c’est désormais chose faite. Cette préoccupation s’est doublée d’une prise en compte des contraintes climatiques et géographiques spécifiques aux territoires d’outre-mer, dont on sait qu’ils sont caractérisés par l’éloignement et l’insularité et qui n’avaient pas davantage été explicitement mentionnés dans le projet de loi initial. Deux amendements identiques CE2162 de M. Johnny Hajjar et plusieurs de ses collègues, ainsi que CE2165 de M. Philippe Naillet et Mme Mélanie Thomin, ont permis de combler ce manque.
La commission des affaires économiques a également souhaité que figure au titre des politiques publiques mises en œuvre celle permettant à la France de renforcer sa capacité à assurer le maintien d’un élevage durable sur son territoire, afin notamment d’enrayer son déclin et d’assurer un approvisionnement alimentaire en viandes qui soit suffisant pour l’ensemble de la population (amendement CE2835 du président André Chassaigne et de plusieurs de ses collègues). Il est vrai que la production de bovins a, par exemple, fortement baissé dans notre pays (– 5 % ces deux dernières années, – 1,24 % prévu en 2024), notamment en ce qui concerne les broutards (– 7 % en 2023, – 5 % attendus en 2024), la production de bœufs (– 10 % en 2023, seulement – 1 % attendu en 2024) ou celle de veaux (cette dernière production ayant connu de forts reculs en 2022 et 2023, à chaque fois de l’ordre de – 7 %). Les autres productions subissent également des évolutions baissières, même si certaines, bien qu’induisant un déficit commercial important, sont plus contrastées (ainsi, pour la viande de poulet, les exportations ont baissé de 5,8 % en 2023 alors que, dans le même temps, les importations augmentaient de 3,8 %). Dans le même ordre d’idée d’un renforcement de l’élevage français, la commission a adopté un amendement CE166 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues insistant sur le lien entre la nécessité, pour notre pays, de préserver une surface agricole utile permettant de produire suffisamment à l’échelle nationale, afin de réduire notre dépendance aux importations alimentaires, et celle de lutter contre la décapitalisation de l’élevage.
Au titre des autres politiques publiques consacrées par votre commission figurent aussi désormais la capacité de la France à prévoir les leviers fiscaux et bancaires permettant d’encourager la reprise d’exploitation (amendement CE167 de M. Dive et plusieurs de ses collègues) et celle permettant de favoriser le renouvellement des générations en agriculture par une régulation du marché foncier (amendement CE211 de M. Dominique Potier et plusieurs de ses collègues). Même si le principe a consisté, dans l’article 1er de ce projet de loi, à ne privilégier que des dispositions programmatiques, les membres de la commission des affaires économiques, à commencer par votre rapporteur général lors de son intervention liminaire, ont insisté sur le fait que l’aide à l’installation des nouveaux agriculteurs allait nécessiter de prévoir des dispositifs fiscaux adaptés ainsi que des mesures permettant de lutter contre la hausse des prix du foncier, orientation rappelée par un autre amendement de notre collègue Dominique Potier sur le « fléchage » des politiques et des financements publics en faveur de l’installation de nouveaux agriculteurs (CE3105). À l’évidence, le fait d’inscrire ces deux moyens à l’article 1er est un signal fort envoyé tant à l’attention des agriculteurs que des pouvoirs publics, la capacité de ces derniers à faciliter l’installation des nouveaux agriculteurs (consacrée par l’amendement CE2991 de Mme Marie Pochon et plusieurs de ses collègues) ayant par ailleurs été consacrée per se après l’alinéa 7 de l’article 1er.
La commission a adopté un amendement CE3417 présenté par Mme Sandrine Le Feur, rapporteure au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, réécrivant l’alinéa 7 de l’article 1er afin de prévoir que les politiques publiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France doivent également veiller à améliorer sa souveraineté agricole, tout en s’assurant que la production de biomasse agricole obtenue soit prioritairement orientée vers un usage alimentaire ou nourricier (ce qui est logique au regard de la thématique générale de la souveraineté alimentaire) et non pour un seul usage énergétique. Ont été également adoptés plusieurs amendements identiques (CE3412 de Mme Sandrine Le Feur, CE2371 de M. André Chassaigne, CE2990 de Mme Marie Pochon et CE3104 de M. Dominique Potier) visant à faire figurer parmi les objectifs poursuivis par les politiques publiques celui consistant à veiller à assurer une juste répartition de la valeur en vue de garantir un revenu digne aux agriculteurs – de la question du revenu dépend en effet l’envie de s’engager dans la voie des métiers de l’agriculture, et donc le renouvellement effectif des générations en agriculture – et d’améliorer leurs conditions de travail.
La commission des affaires économiques a également tenu à inscrire le renouvellement des générations en agriculture comme devant faire partie intégrante des buts des politiques publiques conduites à l’appui de la souveraineté alimentaire de notre pays (amendements identiques CE3440 de Mme Sandrine Le Feur, rapporteure au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et CE270 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues). Dans cette même optique, la commission a souhaité rappeler que le modèle d’exploitation familiale devait être privilégié par rapport à celui des grandes exploitations, dont les modes de production et l’effet inévitablement négatif sur les effectifs des exploitants agricoles sont aujourd’hui très largement décriés. Ce faisant, vos rapporteurs tiennent à souligner qu’il ne s’agit pas d’empêcher la constitution de grandes exploitations – celles-ci peuvent, par diverses économies d’échelle, permettre de produire à des coûts intéressants pour l’aval de la chaîne et, in fine, pour le consommateur – mais qu’il importe de privilégier le maintien des exploitations familiales de petite et moyenne superficies, ce modèle mixte étant l’une des plus belles caractéristiques de l’agriculture française. C’est également à ce souci qu’a souhaité répondre l’amendement CE2991 de Mme Marie Pochon et plusieurs de ses collègues.
La commission des affaires économiques a également souhaité inscrire, au titre des buts poursuivis par les politiques publiques conduites en vue de garantir la souveraineté alimentaire du pays, celui consistant à traiter de façon simultanée les enjeux relatifs à la santé humaine, environnementale et animale dans le cadre de la production agricole, cette appréhension large faisant directement écho à la théorie dite du « One Health » (« Une seule santé »), qui consiste à penser la santé à l’interface entre celle des animaux, de l’homme et de leur environnement, et ce tant à l’échelle locale que nationale et même mondiale ([26]) (CE1817 de M. Guillaume Garot et plusieurs de ses collègues).
La commission a souhaité enrichir l’article premier en marquant son attachement à un certain type d’agriculture. Il est avéré que la baisse du nombre d’agriculteurs en France s’est accompagnée depuis plusieurs années d’un accroissement de la superficie des exploitations, l’un étant d’ailleurs parfois la conséquence de l’autre. Afin de réagir à cette évolution inquiétante pour le maillage de nos campagnes, la commission a adopté un amendement souhaitant consacrer le modèle familial de l’exploitation agricole (CE1824 de Mme Mélanie Thomin), un amendement visant à inclure le développement des labels de production dans les politiques publiques concourant à la protection de la souveraineté alimentaire de la France (CE2284 de Mme Mélanie Thomin), ainsi qu’un amendement invitant les politiques publiques à garantir et à maintenir le développement de l’agropastoralisme (CE3236 de Mme Marie Pochon), activité par ailleurs déjà consacrée à l’article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime (au sein de la section 1, dédiée à l’agriculture de montagne, du chapitre III du titre Ier du livre Ier du même code). Tout en réaffirmant, dans la droite ligne du dispositif prévu au V de l’article L. 1 réécrit par les alinéas 12 à 22 de l’article 1er du présent projet de loi, que les politiques publiques concourant à la souveraineté alimentaire doivent également mettre en œuvre les actions permettant de faciliter l’installation des exploitants agricoles (amendement CE2991 de Mme Marie Pochon et plusieurs de ses collègues), la commission des affaires économiques a souhaité inscrire, au titre des actions à conduire, celle consistant à renforcer l’égalité de genre en agriculture (CE2277 de M. Loïc Prud’homme), celle visant à orienter les politiques agricoles afin d’atteindre, tant pour l’alimentation humaine que pour l’élevage, un objectif d’autonomie en protéines végétales à l’horizon de l’année 2050 (amendement CE1977 de M. Prud’homme) – sachant que la France a importé plus de 3 millions de tonnes de soja en 2022, majoritairement à destination du bétail.
Dans le cadre d’une prise en compte croissante de la dimension environnementale de l’agriculture, la commission a également adopté un amendement CE3442 de Mme Sandrine Le Feur, au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, spécifiant que les politiques publiques destinées à soutenir la souveraineté alimentaire devaient également s’efforcer de valoriser l’ensemble des modes de production et des dispositifs permettant la captation et le stockage du carbone en agriculture, faisant ainsi écho à l’alinéa 9 de l’article 1er, qui invite ces mêmes politiques publiques à veiller à la préservation des écosystèmes et des ressources naturelles.
La commission a adopté deux amendements identiques (CE3444 de Mme Sandrine Le Feur et CE2999 de Mme Marie Pochon) en faveur du développement et du renforcement des systèmes alimentaires territorialisés, ces derniers ainsi que les circuits courts contribuant à renforcer la souveraineté alimentaire du pays.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission a également adopté un amendement CE3532 qui, souhaitant éviter que la transmission d’exploitations ne soit l’occasion pour des preneurs d’abandonner la voie de l’agriculture biologique dans laquelle les cédants auraient pu s’engager, précise que les politiques alimentaires doivent respecter la « boussole du déploiement de la Stratégie nationale biodiversité 2030 », qui prévoit notamment que la part de la surface agricole utile (SAU) de la France soit portée à 21 % à l’horizon 2030, cet amendement ayant bénéficié d’une modification rédactionnelle suggérée par Mme Delphine Batho.
Enfin, la commission des affaires économiques a adopté un amendement CE2460, présenté par M. Éric Martineau, demandant aux politiques publiques de faire en sorte que les consommateurs soient le mieux informés possible sur l’origine des produits qu’ils consomment, que ceux-ci d’ailleurs soient à l’état brut ou transformés. Puis, elle a adopté un amendement portant sur le nouvel article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, précisant que les politiques publiques en faveur de la souveraineté alimentaire de la France devaient œuvrer pour que notre déficit commercial soit maîtrisé, voire réduit, ce qui serait un signe tangible de notre moindre dépendance à l’égard de l’extérieur quant à l’achat de produits agricoles.
La seconde série d’amendements adoptés a, pour sa part, concerné les dispositions de l’article 1er relatives à la politique d’installation et de transmission en agriculture (soit les alinéas 12 à 22 de cet article).
Le premier amendement adopté par la commission des affaires économiques, à l’initiative de vos rapporteurs, a consisté à réécrire plus clairement l’alinéa 13 (soit le premier alinéa du IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) pour mieux définir le contenu de la politique d’installation et de transmission en agriculture (amendement CE3533 et amendement identique CE3212 de M. Jean-François Rousset et plusieurs de ses collègues).
À l’initiative de Mme Marie Pochon et plusieurs de ses collègues, la commission a ensuite adopté un amendement CE3011 réécrivant l’alinéa 14 de l’article 1er, qui contribue également à définir la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations, en précisant que celle-ci doit en priorité s’orienter vers des systèmes de production stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologique et climatique.
Dans l’optique de mieux faire connaître les métiers de l’agriculture, il a également été précisé que la politique d’installation devait faire connaître non seulement le métier d’exploitant agricole, mais également celui de salarié agricole (amendement CE377 de Mme Annie Genevard), cette politique devant plus généralement susciter des vocations non seulement au sein du public scolaire, mais également parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi (amendement CE2154 de Mme Chantal Jourdan).
Ont également été adoptés quatre amendements de clarification rédactionnelle proposés par vos rapporteurs (CE3374, CE3375, CE376 et CE3378).
Après avoir indiqué que, dans le cadre de cette politique, l’État devait veiller au maintien d’un réseau de services dans le monde rural permettant de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs (amendements identiques CE3460 de Mme Sandrine Le Feur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, CE190 de Mme Annie Genevard, CE998 de M. Inaki Echaniz et CE2343 de M. Thierry Benoit et plusieurs de leurs collègues), la commission des affaires économiques a adopté un amendement portant sur le III de l’article 1er, précisant que le rapport devant être remis chaque année par le Gouvernement au Parlement sur l’état de la souveraineté alimentaire de la France devait comporter une annexe spécifique sur l’objectif d’autonomie alimentaire de chacune des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi que de la Nouvelle-Calédonie (amendement CE2034 de Mme Nathalie Bassire).
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Article créé par la commission
Le nouvel article 1er bis vise à mentionner l’agriculture parmi les intérêts fondamentaux de la Nation tels qu’ils sont précisés par l’article L. 410-1 du code pénal.
L’article L. 410-1 du code pénal dispose actuellement que « les intérêts fondamentaux de la nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel ».
L’article L. 1 A ayant précisé en son premier alinéa que l’agriculture, la pêche et l’aquaculture garantissaient la souveraineté alimentaire de la Nation, laquelle contribuait « à la défense de ses intérêts fondamentaux », la commission a donc adopté, en miroir, plusieurs amendements identiques (CE311 de M. Julien Dive, CE372 de M. Jean-Pierre Vigier, CE976 de Francis Dubois, CE1356 de M. Charles de Courson, CE1415 de M. Grégoire de Fournas et plusieurs de leurs collègues) précisant que les intérêts fondamentaux de la Nation comprennent en particulier le « potentiel économique, et notamment agricole » de la France, ce qui constitue un juste hommage à l’activité au cœur même du présent projet de loi.
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Article créé par la commission
Le nouvel article 1er ter a pour objet de soutenir financièrement la constitution d’organisations de producteurs en permettant à l’État de les soutenir financièrement dès le stade de leur formation.
Le nouvel article 1er ter, issu d’un amendement CE2468 de M. Éric Martineau, vise à instaurer un soutien financier en faveur de la constitution d’organisations de producteurs.
À l’heure actuelle, l’article L. 553-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les organisations de producteurs peuvent bénéficier de priorités dans l’attribution de certaines aides que l’État peut apporter en vue de favoriser l’organisation de la production et des marchés.
Le présent article permet aux organisations de producteurs de bénéficier d’une aide dès leur démarrage, ce qui, en encourageant la création de nouvelles organisations de producteurs, faciliterait la structuration de l’amont et la compétitivité du secteur agricole dans son ensemble.
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TITRE II
former et innover pour le renouvellement des GÉNÉRATIONS ET LES TRANSITIONS EN AGRICULTURE
Chapitre Ier
Objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation
Article adopté par la commission avec modifications
Cet article assigne divers objectifs aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole, afin de contribuer efficacement à la politique d’installation et de transmission en agriculture, dans le but d’enrayer la baisse du nombre d’agriculteurs dans notre pays.
L’agriculture française souffre d’un manque de considération et, plus prosaïquement, d’un manque de personnels de plus en plus criant, qui tient aux grandes caractéristiques de sa population.
En raison tant de sa surface (et de ses caractéristiques physiques) que de son histoire, la France a longtemps été un pays essentiellement rural.
En 1700, la population rurale représentait en France 16,1 millions de personnes sur une population totale de 19 millions, soit plus de 83 % ([27]). En 1789, la France comptait 27 millions d’habitants, la population rurale représentant alors 78 % de la population totale, sachant que 18,2 millions de personnes vivaient de l’agriculture, ce qui représentait alors 67 % de la population totale. L’industrialisation aidant, la population rurale a diminué tout au long du XIXème siècle, pour ne passer sous la barre des 50 % de la population nationale qu’au début des années 1930 (49 % en 1931, soit 20,4 millions de personnes, sur une population totale de 41,8 millions de personnes). En 1931, 11,5 millions de personnes (soit encore 26 % de la population française) vivaient exclusivement de l’agriculture. À la fin des années 1960, la population rurale a considérablement baissé pour atteindre 35 % de la population totale (représentant 17,2 millions de personnes, pour une population nationale de 49,8 millions d’habitants), seuls 15 % de la population française vivant alors de l’agriculture.
Ce constat est avalisé par diverses études scientifiques, sociologiques et historiques, qui culminent avec le livre phare d’Henri Mendras (1927-2003), La fin des paysans (1967). Anticipant la forte baisse de la population agricole en même temps qu’un changement complet de paradigme (l’agriculteur n’est plus là pour nourrir la population, mais pour produire et contribuer ainsi à la richesse du pays, ce qui fut en effet la logique de la modernisation agricole intervenue à partir des années 1970), Henri Mendras concluait son ouvrage par la question fondamentale : « Et que sera un monde sans paysans ? ». Force est de constater que ses prédictions (pourtant fortement controversées à l’époque) se sont réalisées, presqu’au-delà des scénarios qu’il anticipait alors, comme le montre le graphique ci-après, établi par l’Insee ([28]) :
Si le nombre d’agriculteurs exploitants était encore de 1,4 million en 1986 (auxquels il fallait ajouter près de 240 000 ouvriers agricoles), soit 7,7 % de la population active, leur nombre a chuté de manière continue. Selon le recensement agricole de 2020, les exploitants agricoles ne sont plus aujourd’hui en France que 496 000. Dans le même temps, le nombre d’exploitations n’a cessé de diminuer, pour atteindre environ 389 000 exploitations en 2020, soit près de 800 000 de moins qu’en 1980. Chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité tandis que seulement 14 000 s’installent ([29]).
Outre sa diminution et l’agrandissement des exploitations (qui tournent ainsi le dos à un modèle économique de petite exploitation familiale depuis longtemps révolu), l’une des faiblesses structurelles de la population agricole française tient à son inéluctable vieillissement.
Ayant, dans son rapport précité, superposé les pyramides des âges de 2010 et de 2020, la Cour des comptes a montré que l’âge moyen des agriculteurs est passé de 47 ans en 2000 à 50,2 ans en 2010, puis à 51,4 ans en 2020. Au surplus, les exploitants de plus de 55 ans, déjà ou potentiellement en situation de faire valoir leurs droits à la retraite dans la décennie à venir, représentent 43 % de la population totale, soit sept points de plus qu’en 2010. Les exploitants agricoles constituent ainsi la catégorie socioprofessionnelle la plus âgée de celles qui composent la population active, l’âge moyen des autres actifs français étant de 40,5 ans.
En 2019, 55 % des agriculteurs avaient ainsi 50 ans ou plus, soit 24 points de plus que pour l’ensemble des personnes en emploi (31 %). En particulier, 13 % des agriculteurs avaient plus de 60 ans, contre seulement 3 % des personnes en emploi.
Les agriculteurs constituent ainsi, et de loin, le groupe socioprofessionnel comportant proportionnellement le plus de seniors en activité. À l’inverse, seuls 1 % des agriculteurs avaient moins de 25 ans, contre 8 % pour l’ensemble des personnes en emploi.
Face aux départs à la retraite de nombre d’agriculteurs qui vont survenir dans les prochaines années, il convient de s’attaquer au problème à bras-le-corps.
Plusieurs voies méritent d’être explorées, qu’il s’agisse de faciliter la transmission des exploitations et l’installation des « nouveaux agriculteurs » (de préférence aux « jeunes agriculteurs », l’installation pouvant également concerner des personnes en reconversion professionnelle) ou de susciter de nouvelles vocations.
À ce titre, on constate depuis quelques années d’indéniables progrès. À la rentrée 2021, on comptait 216 512 élèves, apprentis et étudiants dans l’enseignement agricole, soit une hausse de près de 3 % par rapport à la rentrée précédente, qui avait déjà vu les effectifs croître (on en était alors à 210 677 élèves au sens large). L’augmentation s’est confirmée par la suite, puisque ce sont près de 229 000 élèves qui ont été accueillis à la rentrée 2022 (une hausse de 12 500 par rapport à l’année précédente) subdivisés entre 156 000 élèves en formation initiale (de la classe de quatrième au BTSA) et 57 000 apprentis (du CAP au niveau master ou ingénieur agricole). Il est vrai qu’avec un taux d’insertion professionnelle de plus de 92 % en moyenne au sortir des diverses formations suivies, l’agriculture de manière générale ne peut qu’attirer des candidats, surtout lorsque le contexte économique demeure incertain.
Outre une diversification des formations dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, l’enseignement agricole a également su se moderniser, en intégrant aux formations « classiques » de nouvelles problématiques, propres à répondre aux défis nouveaux que rencontre le monde agricole en particulier, et notre société de manière générale. En effet, face aux problématiques climatiques, environnementales et de souveraineté alimentaire auxquelles l’agriculture est de plus en plus confrontée, de nouvelles compétences se sont faites jour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’enseignement agricole a initié, en 2020, le plan national de transformation « Enseigner à produire autrement pour les transitions et l’agroécologie », afin de faire évoluer les formations proposées par chaque établissement, en lien avec le contexte agricole local. Il est notamment prévu de mieux former les enseignants à l’agroécologie, de la pratiquer dans les ateliers technologiques et les fermes d’application, ainsi que de renforcer les échanges et les expérimentations dans ce domaine avec les acteurs de chaque territoire.
L’article 2 du projet de loi s’inscrit pleinement dans ce vaste mouvement.
L’article 2 du projet de loi n’emporte aucune codification et ne modifie aucun article existant ; il a pour seul objet de définir, et ce pour la première fois, des objectifs programmatiques assignés aux politiques d’orientation et de formation en matière agricole.
Pour ce faire, l’article procède en trois temps :
– tout d’abord, le I de l’article 2 pose le principe suivant lequel les politiques en matière d’orientation et de formation dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire doivent contribuer pleinement à faciliter l’installation des nouveaux agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles ;
– ensuite, le II invite l’État et les régions, avec le concours le cas échéant des autres collectivités territoriales intéressées, à conduire les politiques permettant d’augmenter le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, d’augmenter également le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs travaillant dans ces secteurs (en vue notamment de leur faire acquérir certaines compétences en matière de transitions agroécologique et climatique), de favoriser la formation continue dans ce secteur et, enfin, de développer l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances dans les champs thématiques stratégiques qui concourent aux transitions agroécologique et climatique de l’agriculture ;
– enfin, le III invite l’État et les régions à mettre en œuvre un programme national triennal de formation accélérée pour l’acquisition de compétences en matière de transitions agroécologique et climatique à destination des 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration de l’agriculture française.
À la suite de l’adoption d’un amendement CE1023 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues, l’intitulé du Titre II du projet de loi a été modifié afin de mettre l’accent sur le fait que la formation et l’innovation sont toutes deux au service du renouvellement des générations et des transitions en agriculture.
Après avoir adopté un amendement CE3435 de clarification rédactionnelle des rapporteurs, la commission a adopté un amendement CE3537 de Mme Géraldine Bannier, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui a souhaité préciser que les politiques d’insertion professionnelle, au côté des politiques publiques de l’éducation, de la recherche et de l’innovation, concouraient également à la politique d’installation et de transmission en agriculture.
Bien qu’il soit toujours délicat d’insérer dans un texte de loi des objectifs chiffrés, qui bien souvent ne constituent qu’une obligation de moyens et non de résultat, la commission des affaires économiques a tout de même souhaité adopter un amendement CE2052 de M. David Taupiac précisant que les politiques d’orientation et de formation en matière agricole se fixaient, à l’horizon 2030, trois objectifs :
- augmenter de 30 % le nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique préparant aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire par rapport à 2022 ;
- augmenter de 75 % le nombre de vétérinaires formés en France par rapport à 2017 ;
- enfin, augmenter de 30 % le nombre d’ingénieurs agronomes formés par rapport à 2017.
La commission a ensuite adopté un amendement CE226 de M. Dominique Potier souhaitant préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation en matière agricole devaient inclure la promotion de l’agriculture biologique, comme cela a été souhaité dans le cadre de l’article 1er du projet de loi. En effet, bien que l’agriculture biologique (consacrée à l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime) attire de plus en plus de candidats à l’installation (on estime entre 30 et 50 % la proportion d’agriculteurs qui souhaitent aujourd’hui s’installer mais dans le cadre d’une production biologique), les formations en bio ne représentent que 5 % de l’éventail des formations proposées. La commission en a profité pour également adopter un sous-amendement CE3569 de M. Henri Alfandari à l’amendement de M. Potier, permettant d’inclure dans les politiques d’orientation et de formation l’agriculture de conservation des sols.
La commission a ensuite adopté un amendement CE3419 des rapporteurs qui, en complétant l’alinéa 4 de l’article 2, a souhaité indiquer que l’accroissement du niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire passait également par un renforcement du socle de connaissances et de compétences dans les domaines des techniques agronomiques et zootechniques, de la gestion d’entreprise, des ressources humaines, du numérique, et même de certaines compétences dans le secteur psychosocial. Tout le monde sait aujourd’hui qu’un exploitant agricole doit posséder de multiples compétences, souvent très fines, requises aussi bien par la modernisation sans cesse croissante des équipements que par certaines contraintes exogènes comme les contraintes administratives ou les techniques à acquérir lorsqu’un exploitant souhaite commercialiser sa production à grande échelle. Les enjeux du métier d’exploitant agricole étant multiples, il importe que celui-ci puisse être le mieux « armé » face à ces défis, qui sont bien souvent nouveaux pour lui.
Les diagnostics modulaires (qui permettent d’évaluer dans le temps la viabilité économique d’une exploitation agricole, notamment sur les plans économique, écologique, social et humain, ainsi qu’au regard de l’évolution climatique du terrain concerné) et les plans de filières sont des éléments importants pour permettre à un nouvel agriculteur de comprendre le fonctionnement d’une exploitation agricole et pour pouvoir ainsi se projeter dans sa future installation. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a adopté un amendement spécifiant que les diagnostics modulaires et les plans de filières devaient être portés à la connaissance des nouveaux agriculteurs, qu’ils allaient ainsi contribuer à mieux former avant leur installation proprement dite (amendements identiques CE273 de M. Julien Dive, CE298 de Mme Mélanie Thomin, CE2491 de Mme Louise Morel et CE3183 de M. François Gernigon).
Dans l’optique de renforcer les politiques en faveur de l’installation et de la transmission, la commission a ensuite adopté un amendement permettant d’inclure parmi les actions poursuivies par les politiques publiques en ce domaine celle consistant à développer des collaborations entre la recherche publique et les entreprises en faveur de diverses actions touchant notamment à la transition agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation (amendement CE1021 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues), ainsi qu’un amendement de M. Jean-Pierre Vigier visant au renforcement de la promotion et de l’accès à la validation des acquis de l’expérience dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire (amendement CE1337 et amendement CE1857 identique de M. Vincent Descoeur). Acteur essentiel dans la politique de formation des futurs agriculteurs, les maisons familiales rurales d’éducation et d’orientation (MFR) ont également fait l’objet d’un amendement prévoyant que l’État, les régions et les collectivités territoriales intéressées seraient attentifs à augmenter les moyens matériels et financiers attribués aux MFR afin de leur permettre d’exécuter leurs missions au mieux.
L’alinéa 7 de l’article 2 propose de mettre en place un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, ainsi que des métiers du vivant, afin de susciter des vocations et de favoriser ainsi le renouvellement générationnel dans ces secteurs. Afin de mobiliser le plus grand nombre d’acteurs possibles dans cette optique, la commission a adopté un amendement CE3545 de M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (ainsi qu’un amendement identique CE2910 de Mme Sophie Mette). Cet amendement précise que doivent être également associés à cette vaste entreprise les établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés, ainsi que les professionnels des métiers concernés. Puis, la commission a adopté un amendement CE3550, également présenté par M. Sorre, afin d’intégrer, au sein du programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et des autres métiers du vivant, la mise en œuvre d’actions à destination des jeunes réalisant un service national universel. La découverte de ces métiers pourra, le cas échéant, s’appuyer sur le service public audiovisuel, comme l’a accepté la commission en adoptant un amendement CE3551 de Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
En adoptant l’amendement CE19 de M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues, la commission des affaires économiques a introduit dans le projet de loi une mesure permettant de mettre en place, à compter du 1er septembre 2025, un dispositif de communication destiné à sensibiliser et informer l’ensemble des professionnels de l’enseignement et de l’éducation des établissements élémentaires et secondaires publics et privés, sur les formations et la diversité des métiers du vivant, de l’agriculture, de l’élevage, de l’aquaculture et de la viticulture proposés notamment par les établissements d’enseignement techniques agricoles. Il est ainsi possible d’espérer que, grâce à une meilleure connaissance de l’éventail existant, les élèves seront plus enclins à choisir l’une ou l’autre de ces professions fort diverses leur permettant d’entrer dans le secteur de l’agriculture.
Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements identiques de précision (CE3552 de M. Sorre, CE466 de Mme Françoise Buffet, CE1381 de Mme Béatrice Descamps).
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Article créé par la commission
Le nouvel article 2 bis vise à sensibiliser les jeunes élèves, dès l’école primaire, à l’agriculture et au monde agricole.
En adoptant, à l’initiative de M. Francis Dubois et plusieurs de ses collègues, un amendement CE961, la commission des affaires économiques a complété la section 9 bis du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation par un nouvel article L. 312‑17‑3 imposant que, dès l’école primaire, les enfants soient sensibilisés à l’agriculture et, de manière plus générale, au monde agricole.
Tout en y adjoignant des connaissances sur la nature et l’alimentation, cet amendement souhaite à l’évidence que des connaissances sur ces sujets, dès le plus jeune âge, suscitent à la fois une prise de conscience sur les enjeux qui s’offriront aux générations futures (en termes de changement climatique et de fragilité du monde agricole, ainsi qu’au regard de son caractère essentiel notamment pour nourrir la population) et, le plus possible, de futures vocations pour travailler dans ces secteurs.
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Chapitre II
Mesures en faveur de l’orientation, de la formation, de la recherche et de l’innovation
Article adopté par la commission avec modifications
Cet article complète, en l’enrichissant, l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime relatif aux missions que doivent poursuivre l’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires. Il précise également dans quelle mesure ce nouveau dispositif s’applique aux établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricole privés.
L’enseignement agricole est né au XIXème siècle, même si des prémisses existaient dès l’Ancien Régime ([30]).
À une culture populaire ayant appris à l’ensemble de la population française certains rudiments relatifs à l’activité agricole, c’est à Rennes semble-t-il qu’est fondée pour la première fois en France, en 1757, une « Société d’agriculture, du commerce et des arts de Bretagne » avant que Paris ne suive, en 1761, la Société d’agriculture de la généralité de Paris ayant à cette occasion demandé le recrutement de professeurs afin de « débrouiller le chaos » dans lequel vivait jusqu’alors le monde agricole. Le XVIIIème siècle voit donc successivement se créer (et sans prétendre à l’exhaustivité) l’école vétérinaire de Lyon (à l’initiative de M. Claude Bourgelat, en 1761), l’école d’arboriculture (fondée par M. Moreau de la Rochette, près de Melun en 1763), l’école vétérinaire de Paris (créée elle aussi par M. Bourgelat et installée à Alfort en 1766), l’école d’Anel (créée par M. Sarcey de Sutières près de Compiègne en 1771) sans oublier l’initiative personnelle de Louis XVI qui, en 1786, créa une ferme expérimentale et une bergerie à Rambouillet dans laquelle il fit introduire paraît-il à grands frais des mérinos espagnols en vue de les implanter en France.
Les réformes révolutionnaires puis napoléoniennes ne marquèrent guère les esprits – même si elles virent la création d’une chaire d’économie rurale et de culture pratique au Jardin des plantes en 1793 et celle de l’école d’agriculture pratique au Museum d’histoire naturelle en 1806. Certains écrits de l’époque militaient toutefois pour un enseignement agricole digne de ce nom ; à cet égard, l’ouvrage de M. François de Neufchateau (Essai sur la nécessité et les moyens de faire entrer dans l’instruction publique l’enseignement de l’agriculture, 1802) eut visiblement un impact non négligeable.
Le premier texte important date de la Deuxième République, avec le décret du 3 octobre 1848 sur l’enseignement professionnel de l’agriculture, suivi en 1850 par l’ouverture de l’Institut national agronomique, ancêtre direct de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) actuel ([31]).
La Troisième République voit fleurir les initiatives, avec la création en 1875 des écoles pratiques d’agriculture et le vote, le 16 juin 1879, de la loi relative à l’enseignement communal et départemental de l’agriculture. Après la création du diplôme d’ingénieur agricole par un arrêté du 5 février 1908, il faut attendre les derniers mois de la Première guerre mondiale pour que soit profondément réorganisé l’enseignement agricole par la loi du 2 août 1918. La loi du 18 janvier 1929 sur l’apprentissage agricole est suivie par la création de la première Maison familiale (ancêtre des MFR actuelles) en 1935, à Sérignac-Peboudou (dans le département du Lot-et-Garonne), à l’initiative de l’abbé Pierre-Joseph Granereau.
Si le régime de Vichy a évidemment pris plusieurs initiatives en la matière ([32]), la Quatrième République ne s’est guère préoccupée de cet enseignement : tout au plus peut-on signaler la création, par un décret du 21 novembre 1946, de l’école nationale supérieure des sciences agronomiques appliquées (ENSSAA). En revanche, les choses changent avec la Cinquième République et l’arrivée à la tête du ministère de l’agriculture de M. Edgar Pisani (qui conserva ce portefeuille ministériel du 24 août 1961 au 8 janvier 1966). Les années 1960 voient successivement se mettre en place de grandes réformes de l’enseignement agricole : la loi relative à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles du 2 août 1960, alors que le ministre en poste est M. Henri Rochereau, qui crée notamment les lycées agricoles, puis la loi de programme du 4 août 1962 relative à la création et au développement des établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles pour la période 1962‑1975, et enfin la création des sections de techniciens supérieurs dans les lycées agricoles en 1965 et de l’école nationale du génie rural, des eaux et des forêts (ENGREF) à Paris en 1966.
L’enseignement agricole s’est ensuite structuré de plus en plus finement, la loi du 28 juillet 1978 relative à la reconnaissance des établissements d’enseignement agricole privés (dite « loi Guermeur agricole ») précédant de quelques années les réformes initiées par M. Michel Rocard en 1984 (loi du 9 juillet portant rénovation de l’enseignement agricole public, loi du 31 décembre réformant les relations entre l’État et les établissements d’enseignement agricole privés). Ces deux derniers textes, dans la droite ligne des lois sur la décentralisation des années 1982 et 1983, prévoient l’élargissement de la formation qui doit préparer à tous les modèles d’agriculture et à tous les métiers ruraux, impliquant une modification des contenus scolaires, des méthodes pédagogiques et de l’évaluation des connaissances et des diplômes.
La rédaction de l’actuel article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime – qui ne concerne que l’enseignement public, un article « jumeau » ([33]) traitant de l’enseignement privé agricole au chapitre III du Titre Ier du Livre VIII du code rural et de la pêche maritime – est principalement issue de l’article 121 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, enrichi notamment en 2014 ([34]) pour tenir compte de nouveaux impératifs et de nouvelles aspirations (promotion de la diversité des systèmes de production agricole, participation au service public du numérique éducatif, lutte contre les stéréotypes sexués dans l’agriculture…).
Aux termes de l’actuel article L. 811-1, l’enseignement et la formation professionnelle publics agricoles (plus complètement dénommés « enseignement et formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires ») visent à dispenser une formation générale et une formation technologique dans les métiers de l’agriculture au sens large (ceux-ci englobant par exemple les métiers de la forêt, de l’aquaculture ou de la commercialisation des produits agricoles).
Au-delà de cette approche purement sectorielle, cet enseignement poursuit des finalités plus larges, en lien notamment avec les préoccupations agro-environnementales du monde contemporain ; à cet égard, il a également pour objet de contribuer à l’éducation au développement durable, à la promotion de la santé ainsi qu’à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole et à la sensibilisation au bien-être animal.
L’article L. 811-1 assigne ainsi à l’enseignement et à la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture cinq missions qui sont les suivantes :
– assurer une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;
– participer à l’animation et au développement des territoires ;
– contribuer à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes ;
– contribuer aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires ;
– participer à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.
Consacré comme faisant partie intégrante du service public d’éducation et de formation, l’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture sont organisés dans le cadre de l’éducation permanente, selon les voies de la formation initiale et de la formation continue, et relèvent statutairement parlant du ministre de l’agriculture.
L’article 3 du projet de loi modifie le Titre Ier du Livre VIII du code rural et de la pêche maritime sur trois points :
– en premier lieu, tout en conservant la quasi-totalité du contenu de l’actuel article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime, il opère une clarification rédactionnelle globale de l’article, en affirmant par exemple d’emblée que cet enseignement constitue une composante du service public de l’éducation et qu’il est assuré « dans le respect des principes généraux de l’éducation prévus au Livre Ier du code de l’éducation » ([35]), remplaçant ainsi l’ancienne formulation suivant laquelle il était dispensé « dans le respect des principes de laïcité, de liberté de conscience et d’égal accès de tous au service public ».
L’article 3 assigne également une nouvelle mission à l’enseignement et à la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, qui répondent aux finalités générales poursuivies par le présent projet de loi (souveraineté alimentaire et volonté de favoriser le renouvellement générationnel des agriculteurs). Ainsi, l’alinéa 6 insiste sur le fait qu’ils doivent répondre à divers enjeux permettant d’assurer la souveraineté alimentaire de notre pays et de sensibiliser la population à ces nouvelles problématiques. Cette mission générale est ensuite explicitement mentionnée à l’alinéa 13, qui complète l’énumération existante par un nouveau 6° suivant lequel l’enseignement agricole doit mettre « en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurer le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ». On notera que, de façon quelque peu surprenante, la contribution de ces enseignements à l’animation et au développement des territoires, qui figurait jusqu’alors au 2° de l’énumération, n’occupe désormais que la quatrième position. L’association des régions à la mise en œuvre de ces missions, qui figurait déjà au dernier alinéa de l’actuelle rédaction de l’article L. 811-1, est réaffirmée ;
– en deuxième lieu, l’article 3 modifie de façon assez radicale la rédaction de l’article L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime relatif aux établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles privés pour, de façon assez lapidaire, rappeler que ces établissements participent au service public de l’éducation (lorsqu’ils ont passé un contrat avec l’État) et qu’ils contribuent à atteindre les divers objectifs assignés aux établissements publics d’enseignement par le nouvel article L. 811-1. Il précise également dans quelle mesure plusieurs dispositions relevant des principes généraux énumérés au Titre Ier du Livre Ier de la partie législative du code de l’éducation sont applicables à ces établissements privés ;
– enfin, en troisième et dernier lieu, l’article 3 précise, par une modification apportée à l’article L. 843-2 du code rural et de la pêche maritime, que les nouvelles dispositions inscrites à l’article L. 811-1 sont pleinement applicables à Wallis-et-Futuna.
La commission des affaires économiques a adopté un premier amendement CE2855 de M. Jean-Claude Raux qui, portant sur l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime, a souhaité préciser que les établissements dispensant l’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires devaient conforter la vocation pédagogique des exploitations agricoles des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA).
Puis, elle a adopté deux amendements identiques CE846 de Mme Annie Genevard et 3122 de M. Jean-Pierre Vigier et plusieurs de leurs collègues, modifiant l’article L. 813-1 du même code, en vue d’y indiquer que les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles privés devaient disposer d’un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles afin d’assurer au mieux l’adaptation de la formation aux pratiques professionnelles existantes. Toujours dans une optique d’enrichissement de la formation dispensée, la commission des affaires économiques a ensuite adopté un amendement CE1717 du président André Chassaigne et plusieurs de leurs collègues afin de préciser, au sein de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime (réécrit par l’article 3 du projet de loi), que l’ensemble des filières de formation devaient inclure dans leurs référentiels de formation des modules spécifiques et obligatoires liés à la transition agroécologique et climatique, à l’agriculture biologique, ainsi qu’à l’ensemble des modes de production visant à garantir la durabilité des systèmes agricoles, la stérile opposition entre agriculture et protection de l’environnement devant à l’évidence être dépassée. Outre plusieurs amendements de précision ou rédactionnels (qu’il s’agisse des amendements identiques CE3437 de vos rapporteurs et CE1792 de M. Raux et plusieurs de ses collègues, ou des amendements là aussi identiques CE1221 de Mme Anne-Laure Blin et CE1793 de M. Raux), elle a également adopté un amendement CE2860 de M. Jean-Claude Raux en vue d’ajouter un certain nombre d’items (tels que l’inclusion scolaire, l’attention portée au handicap ou la lutte contre l’illettrisme) dans les formations devant être dispensées dans le cadre de l’enseignement agricole, public ou privé.
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Article adopté par la commission sans modification
Le présent article vise à intégrer la dimension agricole dans les contrats de plans régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelles en vue d’accroître le nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
La notion de « contrat de plan régional de développement des formations professionnelles » a été créée par l’article 57 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Mentionnés à l’article L. 214-13 du code de l’éducation, ces contrats avaient initialement pour objet de « définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et d’assurer un développement cohérent de l’ensemble des filières de formation en favorisant un accès équilibré des femmes et des hommes à chacune de ces filières de formation ». La version actuelle du premier alinéa de l’article L. 214-13, fruit de plusieurs modifications intervenues depuis 2009, confère comme objet à ces contrats « l’analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional ». En d’autres termes, il s’agit d’articuler de la meilleure manière possible les politiques publiques en matière de formation professionnelle au niveau régional en tenant compte des spécificités de chaque bassin d’emploi considéré.
Succédant aux anciens plans régionaux de développement de la formation professionnelle (PRDFP) créés par la loi quinquennale sur l’emploi ([36]) et confortés par l’article 11 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ([37]), les contrats de plan régional de développement des formations professionnelles ne sont devenus les « contrats de plan régionaux de développement des formations et de l’orientation professionnelle » (leur dénomination actuelle) qu’en application de la loi du 5 mars 2014 ([38]).
Aux termes du II de l’article L. 214-13 du code de l’éducation, le contrat est élaboré sous la direction de la région, plus précisément au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (qui, aux termes du premier alinéa de l’article L. 6123-3 du code du travail, a pour mission « d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région »). Élaboré à partir de documents préparés par le président du conseil régional, le préfet de région, les autorités académiques, les organisations syndicales, etc., le projet est ensuite soumis par le comité régional aux parties prenantes du contrat à venir (collectivités territoriales, réseaux consulaires, partenaires sociaux…). Une fois adopté par le comité, le contrat de plan est signé par le président du conseil régional après consultation des départements et approbation par le conseil régional, ainsi que par le représentant de l’État dans la région et par les autorités académiques.
Souvent qualifiés de « schémas structurants » des politiques régionales de formation et d’orientation professionnelles, ces contrats ont pour objet d’analyser les besoins à moyen terme de la région en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et de programmer des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes. Ils doivent également définir, sur le territoire régional et en tenant compte des bassins d’emplois existants, les objectifs à atteindre dans le domaine de l’offre de conseil et d’accompagnement en orientation et les objectifs en matière de filières de formation professionnelle (qu’elle soit initiale ou continue) ; plus spécifiquement à l’attention des jeunes, ils doivent établir un schéma de développement de la formation professionnelle initiale. Ces contrats permettent donc de poser le cadre d’un pilotage stratégique à cinq ans de la formation professionnelle à l’échelle d’une région, de partager une analyse de l’évolution des besoins d’emplois et de compétences à son échelle et d’adapter en conséquence les dispositifs régionaux d’orientation et de formation professionnelle existants.
Ces contrats font partie intégrante de la politique économique et de l’emploi conduite au plan régional, puisqu’ils doivent être conclus en accord avec les orientations fixées par ailleurs tant par les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (Srdeii) que par les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Assez étrangement, les domaines dans lesquels peuvent intervenir les contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle ne sont pas décrits très précisément, le texte de l’article L. 214-13 précité s’en tenant à des considérations d’ordre général et aux modalités de leur élaboration. Pour autant, le 2° du I fait explicitement référence aux actions pouvant être mises en œuvre dans le domaine des formations sanitaires et sociales, dans celui de la transition écologique et énergétique ainsi que celui de la politique de la ville, le texte soulignant précisément, à cette occasion, les « besoins spécifiques des quartiers prioritaires ». Si le 3° fait, pour sa part, référence à l’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant, il n’est, sinon, jamais question d’agriculture.
La seule mention, très indirecte, qui s’y rattache, figure au V de l’article L. 214-13, lequel fait référence à la possibilité pour l’État, les régions et d’autres acteurs qui le souhaitent (organisations représentatives des milieux professionnels, opérateur France Travail…) de conclure entre eux des contrats d’objectifs, annuels ou pluriannuels, qui « fixent des objectifs de développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle initiale et continue, notamment de formation professionnelle par alternance et de financement des formations des demandeurs d’emploi ». À ce titre, le quatrième alinéa de ce V indique explicitement que les chambres d’agriculture notamment peuvent être associées aux contrats d’objectifs.
Cette discrétion ne peut néanmoins qu’étonner dans la mesure où, on le sait, la formation professionnelle est une compétence historique des régions depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Cette compétence n’a cessé de s’enrichir au fil du temps, la loi du 5 mars 2014 ayant notamment consacré les régions comme étant les autorités organisatrices de la formation professionnelle ([39]). Il convenait donc, dans le cadre de cette compétence globale, de rappeler la place centrale que doit y occuper l’agriculture.
Afin de pallier cette absence, l’article 4 du projet de loi complète donc tout d’abord le I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation en prévoyant que le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle devra fixer des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, si l’analyse effectuée préalablement à l’adoption du contrat de plan régional a mis en évidence des besoins particuliers en ce domaine.
Ensuite, l’article 4 insère après l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime (qui porte sur les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole) un article L. 811-8-1 nouveau, prévoyant qu’un contrat territorial doit être conclu entre un établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole, l’autorité compétente de l’État, la région et les représentants locaux des branches professionnelles afin de définir un plan d’action pluriannuel permettant de répondre aux besoins d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Enfin, l’article 4 insère un article L. 813-3-1 nouveau après l’article L. 813-3 du même code, de même objet que l’article L. 811-8-1 nouveau à la réserve que celui-là concerne les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles privés (et non plus les établissements publics, comme précédemment).
La logique adoptée est donc très claire : si un contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle, défini à l’article L. 214-13 du code de l’éducation, fixe des objectifs en matière d’emploi dans le secteur agricole au sens large, les acteurs concernés sur le terrain devront conclure des contrats territoriaux pour unir leurs efforts et mener une action commune permettant de répondre à ces objectifs.
La Commission a adopté l’article 4 sans modification.
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Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article vise à créer un nouveau diplôme, le « Bachelor Agro », qui sera délivré à l’issue d’une formation de trois ans assurée conjointement par des établissements publics d’enseignement supérieur agricole ou par des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, conjointement avec des établissements assurant une formation de technicien supérieur agricole.
Le métier d’agriculteur a connu de nombreux bouleversements depuis plusieurs décennies, qui se sont notamment traduits par la nécessité, pour les personnes concernées, d’acquérir des connaissances de plus en plus pointues non seulement sur les techniques de culture ou d’élevage, mais également en matière scientifique (meilleure connaissance des phénomènes météorologiques et naturels, connaissances affinées en matière environnementale, notamment sur les données liées au changement climatique et son impact sur la profession d’agriculteur…), en matière de gestion (un chef d’exploitation doit désormais tenir une comptabilité en bonne et due forme pour renseigner les administrations compétentes, mais également pour bénéficier d’aides ou faire valoir certaines données à ses divers interlocuteurs), en matière informatique ([40])… Même si l’enseignement agricole est ancien en France, puisqu’il date de la Deuxième République (le premier texte intervenu en la matière est un décret du 3 octobre 1848), le temps est donc bien loin où un agriculteur ne possédait aucun diplôme et où, de manière dédaigneuse, on proposait aux jeunes en échec scolaire de devenir agriculteur, faute de mieux en quelque sorte…
En février 2022, encore 13 % des agriculteurs ne possédaient aucun diplôme ou uniquement le brevet des collèges. En revanche, 30 % des agriculteurs étaient titulaires d’un bac professionnel, 25 % possédaient un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) et la même proportion possédait un brevet professionnel. Les chiffres varient quelque peu suivant la filière – un sondage effectué uniquement auprès des producteurs d’animaux, donc des éleveurs, a mis en évidence un taux de 35 % des éleveurs possédant un BTSA et de 30 % ayant obtenu un bac professionnel agricole ([41]). Si l’on s’en tient, là aussi, aux seuls éleveurs bovins, un récent sondage atteste que 85 % des chefs d’exploitation sont au moins titulaires d’un baccalauréat (voir ci-après).
D’après le recensement agricole de 2020 ([42]), 55 % des chefs d’exploitation, toutes productions confondues, possédaient au moins un bac professionnel, ce qui représente une hausse de 17 points en 10 ans ! 27 % d’entre eux ont passé avec succès un examen de l’enseignement supérieur, contre seulement 17 % en 2010. En outre, les chiffres recensés montrent que 83 % des chefs d’exploitations, qui avaient moins de 40 ans en 2020, avaient le bac, contre 30 % des plus de 60 ans. 43 % détenaient un diplôme supérieur, contre 28 % pour les 40-59 ans et seulement 15 % pour les 59-65 ans, ce niveau élevé de formation traduisant également une volonté de certains jeunes diplômés de l’enseignement supérieur de changer de voie, en cherchant dans l’agriculture une profession qui fasse davantage sens à leurs yeux et qui leur semble plus « utile » que ce qu’ils pouvaient faire auparavant ([43]).
Précisons également que le nombre d’apprentis dans le monde agricole n’a cessé de croître, pour atteindre 45 717 élèves en apprentissage et 45 896 élèves et étudiants en alternance sur l’année 2021-2022. En 2020, l’apprentissage dans l’enseignement agricole représentait 7,3 % des effectifs nationaux d’apprentis, leur nombre ayant augmenté de 22,2 % entre 2019 et 2020. Près de 30 % des apprentis sont actuellement en formation de niveau 3 (CAP agricole ou Brevet professionnel agricole), tandis que 35 % d’entre eux préparent un diplôme de niveau 4 (baccalauréat), les autres préparant, dans le cadre d’une formation relevant de l’enseignement supérieur, un diplôme ou un titre à finalité professionnelle de niveaux 5, 6 ou 7.
Il n’existe pas à proprement parler un métier d’« agriculteur », tant les filières sont diversifiées, les spécialisations nombreuses, les passerelles multiples. Les formations existantes, qui vont donc de la 4ème au BTSA (brevet de technicien supérieur agricole, correspondant à un niveau bac + 2), et les diplômes délivrés dans l’enseignement technique agricole (de niveau 3 comme les CAPA, BEPA, BPA, de niveau 4 comme les BP, baccalauréats professionnel ou technologique, ou de niveau 5 comme le BTSA) ([44]) offrent donc à tous ceux qui souhaitent s’orienter vers les métiers agricoles une palette infinie de possibilités.
Pour autant, le niveau Bac + 3 a semblé quelque peu délaissé, ce niveau ayant pourtant été mis en exergue comme étant celui à privilégier en matière d’installation et de conseil.
Il faut tout de même rappeler qu’il existe dès à présent des licences pro en agriculture (créées en 1999), auxquelles on peut accéder en justifiant d’un niveau Bac + 2 (deuxième année de licence ou BTS le plus souvent). Parmi les formations les plus courues, on peut citer notamment la licence pro industries agroalimentaires, la licence pro management des entreprises agricoles ou la licence pro productions végétales. Le suivi de ce cursus, dispensé dans divers types d’établissements (universités comme établissements de l’enseignement supérieur spécialisés dans l’agriculture ou centres de formation professionnelle), permet à l’étudiant de se voir délivrer un diplôme de niveau Bac + 3, qui peut conduire soit à une poursuite des études (dans le but d’obtenir par exemple un master), soit à une entrée directe dans la vie active comme technicien, exploitant ou conseiller agricole, ou encore comme pépiniériste ou acheteur dans le secteur de l’agroalimentaire.
Face au foisonnement des licences professionnelles existantes, qui témoignent de fait d’un certain manque de lisibilité, l’article 5 a cherché à imposer un « signal fédérateur » ([45]) en créant donc de toutes pièces un « Bachelor Agro », solution préférée notamment à la possibilité de porter de deux à trois ans la durée du BTSA (brevet de technicien supérieur agricole).
L’article 5 du projet de loi a pour objet d’insérer au sein du code rural et de la pêche maritime un nouvel article L. 812-12, qui complète la section 3 « Dispositions diverses relatives à l’enseignement supérieur agricole » du chapitre II (« Dispositions propres à l’enseignement supérieur agricole et vétérinaire public ») du Titre Ier du Livre VIII de ce code.
Ce nouvel article L. 812-12 du code rural et de la pêche maritime crée un nouveau diplôme, le « Bachelor Agro », qui équivaudra à un niveau Bac + 3. Ce « diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie » (alinéa 3) sera délivré à l’issue d’une formation qui sera dispensée conjointement par des établissements publics d’enseignement supérieur agricole ou par des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et par des établissements assurant une formation de technicien supérieur agricole.
D’un côté, sont donc impliqués dans le nouveau dispositif des établissements publics d’enseignement supérieur, au premier rang desquels on trouve les établissements publics d’enseignement supérieur agricole. Relevant du ministère chargé de l’agriculture et énumérés à l’article D. 812-1 du code rural et de la pêche maritime, ils sont actuellement au nombre de 10. On y trouve notamment l’Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech), l’École nationale vétérinaire d’Alfort et l’École nationale supérieure de paysage de Versailles. Même si la participation à la formation et à la délivrance d’un « Bachelor Agro » sort quelque peu de leur périmètre de compétence (l’article L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime spécifiant en effet que l’enseignement supérieur agricole public « a pour objet d’assurer la formation d’ingénieurs, de vétérinaires, de paysagistes, de cadres spécialisés, d’enseignants et de chercheurs », ce à quoi ne conduira pas le nouveau diplôme, en tout cas pas dans un premier temps), vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de les voir ainsi mis à contribution pour renforcer la formation de nos futurs agriculteurs. Quant aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ([46]), ils pourront également apporter toute leur excellence au dispositif ainsi visé, ce qui ne manquera pas de redorer le blason de l’ensemble des formations agricoles dans notre pays.
D’un autre côté, sont mentionnés dans le nouveau dispositif « un ou plusieurs établissements mentionnés aux articles L. 811-1, L. 813-8 ou L. 813-9 ». Cette mention assez générale permet de couvrir la totalité des établissements techniques agricoles, qu’il s’agisse donc des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole (article L. 811-1 ; ce sont par exemple les lycées agricoles ([47])), des établissements privés dits « à temps plein » (article L. 813-8) et des établissements d’enseignement agricole privé dits cette fois-ci « à rythme approprié » (article L. 813-9 ([48]) ; il s’agit principalement des maisons familiales et rurales connues sous le sigle MFR).
Comme le souligne l’étude d’impact ([49]), la grande nouveauté du dispositif réside dans le fait que l’accréditation qui sera délivrée par le ministre de l’agriculture visera les deux types d’établissements à la fois, en vue de conférer aux étudiants concernés un diplôme national de premier cycle ayant un objectif d’insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Enfin, le nouvel article L. 812-12 du code rural et de la pêche maritime précise que l’accréditation dont bénéficieront les établissements d’enseignement concernés par le dispositif prendra la forme d’un arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; celui-ci devra toutefois être pris après avis conforme du ministre chargé de l’enseignement supérieur pour ce qui concerne l’accréditation des établissements relevant de son autorité.
Comme cela a été indiqué à vos rapporteurs, les modalités portant sur la délivrance de l’accréditation et sur les contrôles effectués par l’inspection de l’enseignement agricole seront ultérieurement précisées par voie réglementaire.
La commission a tout d’abord accepté plusieurs amendements identiques (CE3379 des rapporteurs, CE2421 de M. Robin Reda et plusieurs de ses collègues, CE2517 de M. Philippe Bolo, CE2896 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues) adoptant une nouvelle rédaction de l’article L. 812-4 du code rural et de la pêche maritime, afin d’accréditer les établissements d’enseignement supérieur agricole privés en vue de leur permettre, aux côtés aussi bien des établissements publics que des lycées agricoles (que ces derniers soient d’ailleurs publics ou privés), de dispenser la formation conduisant à l’obtention du « Bachelor agro ». Ces amendements, qui permettent à ces établissements de travailler dans le cadre d’une convention de coopération passée entre un établissement d’enseignement supérieur agricole public et un établissement d’enseignement supérieur agricole privé, ouvrent donc la voie à la possible accréditation d’établissements comme les six grands établissements d’enseignement supérieur agricole privés que sont actuellement l’ESA d’Angers, l’École d’ingénieur de Purpan à Toulouse, l’École supérieure du bois à Nantes, l’ISA de Lille, UniLaSalle à Beauvais et Rouen, ainsi que l’ISARA à Lyon et Avignon, établissements qui comptent plus d’étudiants ingénieurs agronomes que les établissements publics (7 200 étudiants dans les écoles privées contre 5 500 dans les écoles publiques).
Puis, elle a adopté un amendement CE3211 de Mme Anne-Laurence Petel, précisant que la formation dispensée pour obtenir le « Bachelor agro » doit prendre notamment en considération les enjeux portant sur la transition écologique et sur la décarbonation des pratiques agricoles.
Ensuite, la commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements identiques (CE3439 des rapporteurs, CE1490 de Mme Mathilde Hignet, CE1757 de Mme Hélène Laporte, et CE2709 de M. Jean-Claude Raux et plusieurs de leurs collègues) afin de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 3 relative à l’appellation même de « Bachelor agro ». Comme l’ont souligné vos rapporteurs lors de cette discussion, cette suppression allait de soi pour plusieurs raisons. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, « La langue de la République est le français » : il n’y avait donc aucune raison de recourir à un quelconque anglicisme ici. Ensuite, comme l’ont récemment mis en exergue Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest dans le rapport n° 2458 du 10 avril 2024 rendu au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif, le terme de « bachelor » est vague (il désigne parfois des formations équivalentes à Bac + 2 ou Bac + 4, et non pas seulement à Bac + 3 comme indiqué hâtivement dans l’étude d’impact du présent projet de loi) et ne s’accompagne d’aucune garantie de qualité. Le « bachelor » peut en effet n’être qu’un diplôme d’établissement ou une certification, dont le contenu n’a pas toujours beaucoup de qualité, notamment sur le marché du travail ou dans la perspective d’une poursuite des études dans un cycle supérieur ; il s’en suit que les étudiants ne peuvent toujours faire valoir avec succès ce diplôme qui bien souvent n’en est pas tout à fait un (voir rapport précité de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, p. 111). Nos collègues préconisent d’ailleurs à ce titre de réserver le terme de « bachelor » aux seules formations proposées par le secteur privé (voir recommandation n° 4, p. 146 du rapport précité). Par ailleurs, l’Union européenne s’est depuis plus de vingt ans organisée sur un dispositif clair, dit « LMD » (licence-master-doctorat), qui rassemble trois cycles d’études supérieures et qui, par l’harmonisation ainsi créée au sein de l’Union, favorise la reconnaissance mutuelle des diplômes, la poursuite de cursus dans un autre État que celui dont on a la nationalité et donc la mobilité des jeunes au travers de l’espace européen. Le « bachelor » n’y figure pas et sa signification varie d’un pays à l’autre. Enfin, le but de l’article 5 étant d’instituer un nouveau diplôme équivalent à Bac + 3 avec une visée professionnelle solennellement affirmée, il a été proposé de supprimer cette appellation, qui entraîne une confusion plus qu’autre chose. La commission a voté en faveur de ces amendements à l’unanimité.
Après avoir adopté deux amendements identiques CE3382 et CE2920 de clarification de vos rapporteurs et de Mme Mette, la commission des affaires économiques a adopté un autre amendement des rapporteurs (CE3380) qui, en insérant dans le code rural et de la pêche maritime un nouvel article L. 813-12, permet d’accréditer les établissements d’enseignement supérieur agricole privés pour dispenser directement, et non plus seulement dans le cadre d’une convention comme dans le cadre de l’amendement CE3379 précédemment adopté, la formation conduisant à l’obtention de ce que l’on appelait alors le « Bachelor agro ». Deux autres amendements identiques furent également adoptés (CE2422 de M. Reda et CE2897 de M. Dive et plusieurs de leurs collègues).
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Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article vise à enrichir la notion de « développement agricole », en lui assignant de nouvelles missions et en permettant que l’ensemble des actions de développement agricole énumérées à l’article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime puissent être désormais regroupées dans des plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologiques.
La consécration législative de la notion de « développement agricole » résulte de l’article 137 de la loi d’orientation agricole de 1999 ([50]).
Lors de son audition par ce qui était alors la commission de la production et des échanges de l’Assemblée nationale (devenue par la suite la commission des Affaires économiques), le ministre de l’agriculture et de la pêche Louis Le Pensec avait défini le développement agricole comme désignant « l’ensemble des actions concourant à la diffusion du progrès technique en agriculture » ([51]), s’inspirant ainsi de la définition plus complète du « développement agricole » qu’en avait donné un décret de mars 1986 spécifiquement relatif à cette notion ([52]). L’article 63 du projet de la future loi de 1999 avait souhaité donner au développement agricole une base législative afin de reconnaître les progrès décisifs permis par ce dernier : accroissement de la productivité et de la compétitivité, amélioration de la qualité sanitaire des produits, préservation de l’environnement. C’est la raison pour laquelle il avait alors créé au sein du Livre VIII du code rural un titre II spécifiquement relatif au « développement agricole », qui était ensuite décliné à travers cinq articles L. 820-1 à L. 820-5.
L’actuel article L. 820-1 définit, en son premier alinéa, le développement agricole comme englobant tout ce qui « a pour mission de contribuer à l’adaptation permanente de l’agriculture et du secteur de la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des produits, de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire et de maintien de l’emploi en milieu rural ». Cet article précise en outre, dans les alinéas suivants, que relèvent de ce fait du développement agricole non seulement l’accompagnement des démarches collectives vers des pratiques et des systèmes permettant d’associer performances économique, sociale et environnementale (en particulier ceux relevant de l’agroécologie), mais aussi la mise en œuvre d’actions de recherche finalisée et appliquée, ou la diffusion des connaissances par l’information, la démonstration, la formation et le conseil.
L’article 6 du projet de loi modifie le titre II du Livre VIII du code rural et de la pêche maritime sur trois points :
– en premier lieu, il modifie son article L. 820-1 sur deux points :
→ D’une part, il ajoute une nouvelle rubrique aux domaines qui relèvent du « développement agricole », celui-ci ayant désormais également pour fonction d’accompagner les transitions agroécologique et climatique, ainsi que de renforcer la souveraineté alimentaire.
On rappellera ici rapidement que, comme la définissait il y a quelques années un rapport du Conseil économique, social et environnemental ([53]), « l’agroécologie est avant tout une discipline scientifique au carrefour de l’agronomie et de l’écologie. C’est aussi la somme des pratiques qui en découlent. Elle permet non seulement de transformer l’agriculture, mais aussi de repenser l’ensemble des systèmes alimentaires afin de les rendre plus durables. Elle vise à conjuguer production agricole et reproduction des ressources naturelles ». En d’autres termes, l’agroécologie est à la fois une science des écosystèmes agricoles qui s’appuie sur le savoir-faire des agriculteurs, un ensemble de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et un mouvement social de défense des systèmes agricoles et alimentaires équitables ([54]).
Sous la pression des acteurs de la communauté scientifique et de la société civile qui ont plébiscité cette démarche globale, les pouvoirs publics ont décidé de s’impliquer au niveau des États ou des organisations internationales. En France, c’est « France 2030 » qui, sous l’égide du Secrétariat général à l’investissement, pilote les actions publiques en matière d’agroécologie en vue de permettre à notre pays de répondre de la manière la plus efficace possible aux défis écologiques et d’attractivité du monde, en consacrant 50 % de ses dépenses à la décarbonation de l’économie et 50 % à des acteurs émergents, porteurs d’innovation, à l’exclusion de toute dépense défavorable à l’environnement. Loin de n’être réservée qu’aux consommateurs, l’agroécologie est évidemment bénéfique pour les agriculteurs en préservant leur capacité à produire sur le long terme. L’adoption de nouvelles méthodes plus respectueuses de l’environnement aura, par exemple, pour effet de rendre les sols moins arides et donc d’éviter ruissellements et inondations, qui ne bénéficient en rien aux cultures et aux milieux ; elle aura également pour effet de rendre les agriculteurs moins dépendants par rapport à certains intrants (engrais, produits phytosanitaires…) qui, outre leurs effets néfastes pour la nature et la santé humaine, grèvent par ailleurs de manière considérable le budget des exploitations. Enfin, ces nouvelles méthodes améliorent sans conteste le revenu des agriculteurs qui s’y investissent, plusieurs études attestant, par exemple, d’un meilleur retour sur investissement pour les maraîchers biologiques (64 %) que pour les maraîchers conventionnels (47 %).
→ D’autre part, l’article 6 précise que l’ensemble des actions de développement agricole énumérées à l’article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime peuvent être regroupées dans des « plans prioritaires pluriannuels de transition agroécologique et climatique et de souveraineté » (PPTS).
Ces plans, qui peuvent être conclus entre l’État et un ou plusieurs acteurs du développement agricole (qui sont en partie énumérés à l’article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime), ont vocation à mettre en œuvre certaines actions relevant du développement agricole, soit seules, soit combinées entre elles, sur un laps de temps assez long afin d’agir sur une certaine continuité et de pouvoir ensuite en évaluer utilement les effets.
Ce type de collaboration existe d’ores et déjà mais, pour le moment, seulement sur des sujets spécifiques. C’est par exemple le cas du PNRI (plan national de recherche et d’innovation) lancé au mois de janvier 2021 pour identifier des solutions alternatives aux néonicotinoïdes opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière. Ce PNRI, dont la gouvernance était assurée conjointement par l’INRAe et l’ITB (Institut technique de la betterave), comprenait des membres venant d’horizons divers (représentants des différents organismes ou entreprises impliqués dans la mise en œuvre des actions techniques, le directeur technique de l’interprofession betterave-sucre, des représentants des ministères en charge de l’agriculture et de l’écologie…) ([55]).
L’expérience était intéressante mais, en l’espèce, la visée serait beaucoup plus générale ; il s’agirait de permettre de façon plus ambitieuse à divers acteurs de travailler à des projets ayant « une portée plus générique, de manière à adresser de manière collective des problématiques communes » pour reprendre les termes un peu vagues de l’étude d’impact ([56]).
– en deuxième lieu, l’article 6 du projet de loi modifie l’article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime à deux égards :
→ D’une part, dans l’optique de mieux intégrer l’ensemble des acteurs au sein d’un PPTS, il propose d’expliciter les termes « établissements d’enseignement agricole » qui figurent actuellement à l’article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime, en les remplaçant par les termes « établissements d’enseignement supérieur agricole, établissements d’enseignement technique agricole ». Ce changement d’appellation devrait ainsi permettre d’insister sur la synergie à effectuer entre les différents acteurs au sein d’un PPTS et les acteurs de l’enseignement et de la recherche.
→ D’autre part, il est précisé que les établissements d’enseignement technique agricole (qu’ils soient du temps plein ou du rythme approprié) peuvent bénéficier, pour leurs missions, de l’appui des divers acteurs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 820-2, c’est-à-dire des établissements d’enseignement supérieur agricole, établissements d’enseignement technique agricole que l’on vient de mentionner.
– en troisième et dernier lieu, l’article 6 complète l’article L. 830-1 du code rural et de la pêche maritime, afin de préciser que la recherche agronomique et vétérinaire apporte un appui à l’enseignement technique agricole.
Eu égard à l’importance de l’enseignement agricole privé en France, la commission a adopté un amendement CE379 de Mme Annie Genevard et plusieurs de ses collègues afin de rappeler que l’ensemble des établissements de l’enseignement agricole participent aux actions de développement agricole, en vue de l’adaptation de l’agriculture aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales, que ces établissements relèvent du secteur public ou du secteur privé.
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Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article vise à permettre aux auxiliaires et élèves vétérinaires, dûment inscrits sur une liste tenue par l’ordre des vétérinaires, de réaliser certains actes de médecine et de chirurgie vétérinaires sur des animaux canins, afin de libérer du temps au profit des vétérinaires, principalement en milieu rural, pour intervenir à l’égard des animaux détenus par les agriculteurs.
Il existe actuellement dans notre pays 21 494 vétérinaires inscrits au tableau de l’Ordre national des vétérinaires ; si leur population a tendance à rajeunir (l’âge moyen aujourd’hui étant de 42,77 ans) et à fortement se féminiser (on compte 60 % de femmes), la profession de vétérinaire voit néanmoins son équilibre atteindre un stade relativement fragile, puisque 560 vétérinaires sont partis en 2023, auxquels il faut ajouter 170 vétérinaires quittant la profession avant l’âge de 40 ans ([57]). De fait, le problème de renouvellement de génération que l’on peut observer chez les agriculteurs ou dans d’autres professions se retrouve également ici.
Au sein de la profession de vétérinaire, on doit distinguer deux grandes branches qui sont, d’une part, les vétérinaires exerçant leur activité à l’égard des « canins » (chiens, chats, animaux de compagnie de manière générale…) et, d’autre part, ceux exerçant auprès des « animaux de rente » ([58]) (bovins, ovins, volaille…). On compte actuellement 1 359 vétérinaires revendiquant une compétence exclusive à l’égard des animaux de rente et 1 921 qui exercent une activité mixte (animaux canins et animaux de rente), avec une prédominance pour ces derniers ([59]). Comme cela a été indiqué à vos rapporteurs, l’exercice de la profession sur les territoires ruraux est majoritairement assuré sous la forme d’un régime mixte avec prédominance des animaux de compagnie, même si les proportions varient suivant les territoires. Ce modèle est, selon les représentants de la profession auditionnés, l’un des plus solides, des plus robustes et des plus résilients, ce qui permet d’assurer une présence assez forte de la profession sur l’ensemble du territoire ; pour autant, certaines régions (Dordogne, Ardèche, haute vallée de l’Aude, Finistère…) connaissent des problèmes d’effectifs qui, de fait, rendent difficile une véritable continuité des soins, alors même que cette dernière est consacrée par les textes au titre des devoirs fondamentaux des vétérinaires (article R. 242-48-IV du code rural et de la pêche maritime).
En outre, et comme l’avait d’ailleurs signalé une étude ([60]) assez récente du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur ce sujet, l’évolution démographique des effectifs vétérinaires en milieu rural est d’autant plus cruciale qu’elle doit être appréhendée assez largement. En effet, le problème d’accès aux soins vétérinaires des détenteurs d’animaux de rente ne concerne pas uniquement les territoires strictement ruraux, mais touche également de façon assez prégnante les territoires péri-urbains, où se développent fermes pédagogiques, éco-pâturages et petits élevages de loisir ou d’appoint ([61]).
Fort logiquement, les personnes ayant la qualité de vétérinaire au sens de l’article L. 241-1 du code rural et de la pêche maritime sont autorisées à pratiquer tous les actes relevant de leur profession, qu’il s’agisse des « actes de médecine des animaux » (qui, aux termes du I de l’article L. 243-1 du même code, désignent « tout acte ayant pour objet de déterminer l’état physiologique d’un animal ou d’un groupe d’animaux ou son état de santé, de diagnostiquer une maladie, y compris comportementale, une blessure, une douleur, une malformation, de les prévenir ou les traiter, de prescrire des médicaments ou de les administrer par voie parentérale ») ou des « actes de chirurgie des animaux » (qui, suivant la même disposition, désignent « tout acte affectant l’intégrité physique de l’animal dans un but thérapeutique ou zootechnique »).
Mais les vétérinaires ne sont pas les seuls à effectuer des actes médicaux à l’égard des animaux.
Ainsi, en application d’une ordonnance prise en 2011 ([62]), il a été prévu que plusieurs personnes, outre des soins de première urgence, pouvaient accomplir un certain nombre d’actes de médecine ou de chirurgie des animaux. Il peut s’agir, par exemple, de la possibilité pour les maréchaux-ferrants de soigner les pieds des équidés, ou de la possibilité, pour les élèves des écoles vétérinaires, les inspecteurs de la santé publique vétérinaire ou certains techniciens de laboratoires, d’effectuer un nombre d’actes conséquents – tous néanmoins dans la limite des compétences que les textes applicables peuvent leur avoir octroyées (article L. 243-1 du code rural et de la pêche maritime).
On peut également mentionner, au titre de l’article L. 241-6 du même code, le droit pour les élèves des écoles vétérinaires françaises, titulaires soit d’un diplôme sanctionnant les études fondamentales vétérinaires, soit d’un diplôme qui en permet la dispense, de pratiquer la médecine et la chirurgie des animaux en qualité d’« assistants de vétérinaires », ces derniers exerçant évidemment cette médecine et cette chirurgie de manière régulière. Un « assistant de vétérinaire » désigne donc toute personne qui, en dehors de la présence mais néanmoins sous l’autorité d’un vétérinaire, intervient, à titre médical ou chirurgical, sur des animaux.
Pour autant, les dispositions actuellement en vigueur ne sont pas suffisantes. Ainsi, le travail effectué entre les organisations représentatives des vétérinaires et les pouvoirs publics avait, en 2011, fait porter la réflexion sur les actes médicaux au bénéfice des éleveurs, mais avait omis de prendre en considération les animaux de compagnie. Il s’agit donc, par le biais du présent article, de réparer cet oubli afin que les vétérinaires puissent disposer de davantage de temps pour travailler dans le milieu rural, principalement à l’attention des gros animaux de rente.
C’est le point le plus important de l’article 7, défini aux alinéas 4 à 6, qui complètent l’article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime en permettant à des personnes n’ayant pas la qualité de vétérinaire de réaliser un certain nombre d’actes médicaux.
Les 14° et 15° nouveaux de l’article L. 243-3 visent respectivement deux types de personnes :
– en premier lieu, vont pouvoir exercer un certain nombre d’actes les personnes, inscrites sur une liste tenue par l’ordre des vétérinaires, qui seront soit salariées d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires, soit employées d’une école vétérinaire française (14° nouveau de l’article L. 143-3). Comme cela a été indiqué à vos rapporteurs, les personnes « employées d’une école vétérinaire française » désignent les techniciens qui, bien que non vétérinaires, travaillent dans les centres hospitaliers des écoles vétérinaires et pourront donc être conduits à dispenser des soins. En tout état de cause, quelle que soit leur qualité, ces personnes pourront donc pratiquer un nombre d’actes limitativement énumérés sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; il faudra principalement, pour ce faire, qu’elles justifient de compétences suffisantes, lesquelles seront certifiées par le conseil national de l’ordre des vétérinaires ([63]), et qu’elles accomplissent ces actes au sein d’un établissement vétérinaire, sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans cet établissement ;
– en second lieu, pourront exercer un certain nombre d’actes les élèves régulièrement inscrits des écoles vétérinaires qui, bien que n’ayant pas validé le diplôme leur permettant d’avoir la qualité d’« assistant de vétérinaire » au sens de l’article L. 241-6 du code rural et de la pêche maritime ([64]), ont atteint un niveau d’études suffisant leur permettant d’effectuer un certain nombre d’actes médicaux et de chirurgie sur des animaux. Aujourd’hui, un élève d’une école vétérinaire peut pratiquer certains actes soit dans le cadre d’un stage d’études – le stagiaire apprend alors son futur métier auprès du vétérinaire maître de stage –, soit comme assistant de vétérinaire. Le 15° nouveau ouvre donc une troisième voie, en permettant aux élèves qui ne relèvent ni du stage, ni de la qualité d’assistant de vétérinaire, de pratiquer également des actes vétérinaires dans le cadre ainsi défini.
Les actes qui pourraient être effectués par les personnes visées au 14° nouveau seraient arrêtés par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; même si les modalités d’application de cette nouvelle disposition seront ultérieurement précisées dans le cadre d’un décret en Conseil d’État, les représentants de l’Ordre national des vétérinaires et du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) entendus par vos rapporteurs préconisent dès à présent que la liste des actes soit identique pour les personnes visées cette fois‑ci au 15° de l’article L. 243-3, les élèves concernés ayant, par définition, reçu d’ores et déjà un certain nombre d’enseignements cliniques leur permettant d’accomplir ces actes.
À titre d’exemples, il pourrait s’agir d’actes relatifs aux prélèvements à des fins d’analyse (prélèvements de sang ou d’urine par voie naturelle, écouvillonnage auriculaire, vaginal, buccal ou cutané…), d’actes effectués dans le cadre d’une assistance à l’anesthésie et aux soins intensifs (intubations, pose de sondes nasales, surveillance de monitoring…) et de soins divers (polissage dentaire, soins de plaies…).
Par ailleurs, l’article 7 crée un III nouveau au sein de l’article L. 242-3 du code rural et de la pêche maritime, en instituant une commission des actes vétérinaires réalisés dans les conditions fixées aux 14° et 15° de l’article L. 243-3 de ce code.
Le Conseil national de l’ordre des vétérinaires connaît dès à présent un certain nombre de commissions internes : la commission des budgets visée au II de l’article L. 242-3-1 de ce code, l’observatoire national démographique de la profession vétérinaire mentionné au dernier alinéa du II de l’article L. 242-1 du même code, ou encore la commission Conseil national de la spécialisation vétérinaire – Commission des titres et diplômes. Son règlement intérieur lui permet d’ailleurs de créer librement toute commission nécessaire à son bon fonctionnement et à son organisation.
Cette nouvelle commission serait consultée sur les demandes d’habilitation des centres de formation mais – et c’est l’objet de l’introduction du mot « notamment » dans ce III – elle pourrait également émettre des propositions préalables aux habilitations, ou émettre un avis sur les montants des frais administratifs et d’inscription aux épreuves prévues à l’article D. 243-13 du code (montants perçus par le Conseil national de l’ordre des vétérinaires). Signalons ici que ce « notamment » a vocation à être précisé dans le cadre du décret en Conseil d’État visé à la fin de l’alinéa 5.
Vos rapporteurs souhaitent enfin appeler l’attention sur le fait que le regard qui sera porté par cette commission sur les demandes d’habilitation présentées par des centres de formation ([65]) vise également à éviter certains écueils que nos collègues membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont récemment mis en exergue à propos de l’enseignement supérieur privé à but lucratif ([66]). En effet, l’accomplissement d’actes vétérinaires nécessitant de très fortes garanties, il importe d’éviter que des organismes privés à but lucratif ne proposent tous azimuts des formations onéreuses, dans un but uniquement mercantile, mais ne remplissant pas les critères attendus par ce nouveau dispositif législatif ; à travers cette habilitation préalable, les centres qui se porteront candidats devront donc présenter un certain nombre d’assurances quant au sérieux des formations dispensées, à la qualité des installations offertes, notamment pour garantir le bien-être animal… L’habilitation prendra, quant à elle, la forme d’un arrêté ministériel pris sur proposition de la commission.
La commission n’a pas touché à l’équilibre de l’article 7, écrit en étroite coopération avec les représentants des vétérinaires, à commencer par le Conseil national de l’ordre.
Elle n’a de fait adopté que six amendements rédactionnels ou de précision proposés par vos rapporteurs (CE3424 à CE3428).
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Article créé par la commission
Le nouvel article 7 bis demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les perspectives de la profession de vétérinaire.
La profession vétérinaire en France fait face à un enjeu majeur : celui de garantir l’accès aux soins pour toutes les espèces animales, dans tous les territoires, en particulier en situation d’urgence en présence d’un animal malade ou blessé en péril. La désertification des campagnes rend le métier de vétérinaire en milieu rural des plus complexes, les animaux de rente nécessitant en outre de recevoir des soins particuliers.
Le présent amendement demande donc au Gouvernement de remettre au Parlement, d’ici la fin de l’année 2025, un rapport sur les perspectives d’évolutions du métier de vétérinaire, en vue, le cas échéant, de l’examen d’une future loi sur le sujet.
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TITRE III
FAVORISER L’INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AGRICULTEUR
Chapitre Ier
Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmissions des exploitations
Article 8
Programmation des politiques publiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles
Adopté par la commission avec modification
L’article 8 prévoit une programmation, pour les dix prochaines années (2025-2035), des politiques publiques d’installation et de transmission des exploitations agricoles. Il érige en objectif le fait de favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles et celui d’assurer la présence d’un nombre suffisant d’exploitants et d’emplois agricoles.
Il prévoit à cet effet la mise en place du réseau « France Services agriculture », qui permettra aux personnes souhaitant s’engager dans une activité agricole ou s’en retirer de bénéficier de services d’accueil, d’orientation et d’accompagnement.
Le recensement agricole de 2020 dénombrait 496 000 exploitants agricoles dans 389 000 exploitations. Cent mille exploitations ont disparu entre 2010 et 2020, le nombre de fermes reculant en moyenne annuelle de 2,2 % sur la période, après avoir reculé de 3 % par an dans les années 1980 et 1990. Il y avait encore un million d’exploitations agricoles et 1,1 million d’exploitants en 1988, puis 664 000 exploitations et 764 000 exploitants en 2000.
Un consensus large existe aujourd’hui pour défendre l’idée qu’un plancher a été atteint, en-deçà duquel serait compromise notre souveraineté agricole et alimentaire, dans un contexte d’adaptation au changement climatique. Mettre un terme à la diminution du nombre d’exploitations pendant la décennie à venir supposera un engagement particulièrement fort, puisque l’âge moyen des agriculteurs a atteint 51,4 ans en 2020 et que près de la moitié des exploitants sera en position de faire valoir ses droits à la retraite entre 2025 et 2035.
Source : Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles. Communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023. Cartes élaborées par la Cour à partir des données des recensements agricoles de 2010 et 2020.
Les projections du ministère chargé de l’agriculture prévoient de 25 000 à 26 000 départs de chefs d’exploitations par an jusqu’en 2027, puis de 22 000 à 24 000 jusqu’en 2033, avant de passer sous la barre des 20 000 départs annuels à partir de 2034 ([67]).
En dépit des dispositifs progressivement mis en place pour accompagner la transmission des exploitations, en 2020, parmi les exploitants de soixante ans ou plus, un tiers ne sait pas ce que va devenir l’exploitation après leur départ à la retraite.
L’ensemble de ces données imposent au pays de relever un véritable défi : celui du renouvellement des générations d’actifs dans le secteur agricole, et notamment le renouvellement des chefs d’exploitations agricoles.
En effet, pour reprendre les exploitations des actifs qui partent à la retraite, il faudra être en mesure de faire mieux que les 13 000 à 14 000 installations annuelles comptabilisées depuis une vingtaine d’années ([68]).
1. Un objectif de préservation et de renforcement des structures d’exploitation de type familial affirmé dès la loi de programmation agricole de 1960
La promotion des structures d’exploitation de type familial est ancienne, puisqu’elle est déjà évoquée dans la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole. L’article 2 de la loi prévoit en effet, parmi les objectifs de la politique agricole, celui de « promouvoir et favoriser une structure d’exploitation de type familial, susceptible d’utiliser au mieux les méthodes techniques modernes de production et de permettre le plein-emploi du travail et du capital d’exploitation ».
Les lois d’orientation agricole postérieures ont réaffirmé avec constance l’importance des structures d’exploitation de type familial dans le système agricole français.
L’article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole fixe ainsi comme objectif à la politique agricole d’assurer « aux exploitations familiales à responsabilité personnelle, qui constituent la base de l’agriculture française, le niveau de compétence technique et économique indispensable pour en accroître la valeur ajoutée ».
La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite loi « Laaaf », a inséré dans le code rural et de la pêche maritime un livre préliminaire relatif aux objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime. Le troisième objectif mentionné à l’article L. 1 de ce code est celui de « préserver le caractère familial de l’agriculture et l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant ».
Ce modèle d’exploitation familiale ne fait pas l’objet d’une définition précise en droit, mais il est entendu qu’il s’agit d’une « entité de production où entreprise et famille se superposent, faisant coïncider travail, propriété des moyens de production (foncier, en pleine propriété ou en fermage, et capital de production), et pouvoir de gestion et de décision » ([69]).
L’enjeu du renouvellement des générations et de l’installation de nouveaux exploitants est intégré aux textes d’orientation agricole dès la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980, dont l’article 1er prévoit que la politique agricole tend à « assurer le renouvellement des exploitations, en particulier par une politique d’installation des jeunes en agriculture » et à « offrir aux jeunes et autres actifs agricoles la formation nécessaire pour mener à bien les projets d’installation et l’adaptation des exploitants aux nouveaux enjeux de la politique agricole ».
Cette volonté a par la suite été renouvelée au travers des textes successifs.
L’article 1er de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture précise que « la politique agricole tend à (…) assurer le renouvellement des exploitations, en particulier par une politique d’installation des jeunes en agriculture [et à] privilégier le développement des exploitations agricoles, sous forme individuelle ou de société, dans lesquelles l’initiative et la responsabilité personnelle des agriculteurs sont préservées ».
L’article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole fait figurer, parmi les objectifs de la politique agricole, « l’installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l’emploi dans l’agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l’ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ».
Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime inséré par la loi Laaaf du 13 octobre 2014 a codifié les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime, au nombre desquels on retrouve, au IV de l’article L. 1 du même code, les objectifs de la politique d’installation et de transmission en agriculture (cf. commentaire de l’article 1er supra).
II. le dispositif proposé
A. Des orientations pour la politique d’installation et de transmission pour les dix prochaines années
L’article 8 du présent projet de loi prévoit une programmation des politiques publiques mises en œuvre au service du renouvellement des générations pour les dix prochaines années. Vos rapporteurs estiment cette durée parfaitement adaptée au défi du renouvellement des générations, dont les termes viennent d’être rappelés. C’est au départ en retraite de près de la moitié des exploitants dans les dix prochaines années qu’il convient de faire face de manière urgente.
Cette perspective n’empêche pas de penser à plus long terme les objectifs des politiques menées en matière d’installation et de transmission : c’est l’objet de l’article 1er du projet de loi, qui modifie le IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que le législateur sera amené à se saisir à nouveau de ces questions avant 2035, pour ajuster les orientations et programmations à la situation à laquelle la présente loi aura permis d’aboutir.
Face aux enjeux identifiés de souveraineté alimentaire, de transition agroécologique et climatique, et de renouvellement des générations d’actifs, l’article 8 assigne aux politiques publiques l’objectif de favoriser « la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles ».
Cet objectif est précisé en ces termes : assurer la présence « d’un nombre suffisant d’exploitants et d’emplois agricoles pour permettre de consolider, de renforcer et d’adapter aux nouvelles conditions climatiques la capacité de production agricole et alimentaire ». Cette orientation est donc cohérente avec la défense du modèle d’exploitation familiale dont l’objectif de préservation est affirmé à l’article L. 1 précité.
Alors que la surface agricole utile (SAU) se stabilise depuis le début des années 2000, la diminution du nombre d’exploitations implique mécaniquement une augmentation de leur taille : elle est aujourd’hui de 69 hectares en moyenne, contre 42 hectares en 2000 d’après les données du dernier recensement agricole.
Aussi, le nombre d’exploitations agricoles actuel apparaît comme un plancher en deçà duquel il ne faut pas descendre et vos rapporteurs sont convaincus que cet article d’orientation doit assumer l’ambition de compter au moins quatre cent mille exploitations agricoles au terme de la période de programmation, soit en 2035.
Le texte du projet de loi précise, à cette fin, qu’il conviendra de prendre en compte les attentes socio-professionnelles des personnes qui souhaitent s’engager et la diversité de leurs profils. De fait, l’origine des actifs agricoles se diversifie, puisque 36 % des installations aidées correspondent à des installations hors cadre familial en 2021 ([70]). La part des personnes dites « non issues du monde agricole » (Nima) dans les nouveaux installés est croissante et devra continuer à l’être pour faire face au défi du renouvellement des générations.
B. Le principe d’un réseau « France Services agriculture »
Au titre des orientations des politiques d’installation et de transmission pour la période 2025-2035, l’article 8 apporte une réponse forte, attendue par les acteurs du monde agricole et dont la mise en œuvre est déjà en cours de préparation : la création du réseau « France Services agriculture ».
Parmi les propositions phares du groupe de travail n° 2 « Installation et transmission » organisé dans le cadre de la concertation nationale sur le Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricole, l’une a reçu un accueil présenté comme unanime : « la nécessité d’une gouvernance rénovée et renforcée, permettant d’assurer tout à la fois un dispositif d’accueil et d’accompagnement lisible et professionnalisé de type point d’accueil (guichet) unique ».
Cet outil important et ambitieux, dont la création est prévue par l’article 10 du projet de loi (cf. infra), devra bien entendu être accompagné de la mobilisation d’autres leviers pour atteindre les objectifs fixés à l’article 8.
Le soutien apporté à la capacité d’investissement des nouveaux installés passe par les aides à l’installation des jeunes agriculteurs et des nouveaux installés, ainsi que par des aides à l’investissement qui leur sont réservées. Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, le plan stratégique national (PSN) de la France prévoit que « les aides à l’installation, y compris les soldes des DJA engagées aujourd’hui, sont planifiées pour représenter une moyenne de près de 100 M€ de Feader par an ». Ces aides sont gérées par les régions.
Mais d’autres leviers doivent être mobilisés par l’État, alors que sont identifiés comme des freins à l’installation et à la transmission « le prix du foncier, malgré une maîtrise relative de ce dernier comparativement à d’autres États européens, le besoin de capitaux qui peut s’avérer élevé au regard des capacités d’emprunt et du retour sur investissement attendu, ainsi qu’une transmission pas toujours fluide entre générations » ([71]).
En particulier, les leviers fiscaux et de soutien public à l’investissement devront impérativement être mobilisés pour libérer les initiatives et encourager les porteurs de projets d’installation, comme de cession.
Si la mise en œuvre de ces outils, tout aussi indispensables que le réseau « France Services agriculture », ne se traduit pas par la présence de dispositifs dans le présent projet de loi, des orientations en la matière pourront être ajoutées à cet article 8, de nature programmatique.
III. Les dispositions adoptées par la commission
La commission a adopté cet article après lui avoir apporté quelques améliorations d’ordre rédactionnel et y avoir introduit plusieurs mesures complémentaires, destinées à préciser les orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations pour la période 2025-2035.
Les corrections rédactionnelles résultent de l’adoption des amendements CE3387, CE3388 et CE3389 des rapporteurs.
Plusieurs amendements identiques (CE3507 de Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, CE506 de M. Dominique Potier, CE2197 de M. David Taupiac et CE3240 de Mme Marie Pochon) sont venus prévoir que les politiques publiques mises en œuvre de 2025 à 2035 doivent favoriser « le développement des pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique ».
L’amendement CE3404 des rapporteurs a introduit un objectif chiffré en termes de nombre d’exploitations agricoles que devra compter la France au terme de la période de programmation prévue par l'article 8, soit en 2035 : cet objectif est fixé à quatre cent mille exploitations agricoles au moins et il est cohérent avec la précision apportée par l’amendement CE241 de M. Dominique Potier, selon laquelle les politiques publiques sont mises en œuvre dans le respect de l’objectif inscrit au 3° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, en particulier la préservation du caractère familial de l'agriculture et de l'autonomie et de la responsabilité individuelle de l'exploitant.
Les amendements identiques de M. Julien Dive (CE285), de M. Inaki Echaniz (CE308), de M. Jean-Pierre Vigier (CE645) et de M. Francis Dubois (CE974) ont étendu le champ du dispositif FSA à l’ensemble des actifs agricoles, au-delà des exploitants agricoles ayant un projet de cession de leur exploitation et des personnes ayant un projet d’installation.
Plusieurs amendements sont venus préciser les orientations propres à certaines politiques publiques afin de garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles :
– l’amendement CE3403 de M. Pascal Lecamp, rapporteur, précisé par un sous-amendement de M. Dominique Potier (CE3594), fixe comme objectif à l’État, au côté des collectivités territoriales volontaires et d’éventuels investisseurs privés, d’accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole, d’une part, et des investissements nécessaires à la transition agroécologique, d’autre part. Pour ce faire, l’État devra notamment s’appuyer sur la Banque des territoires, comme il a commencé à le faire dans le cadre du fonds Elan en cours de déploiement, et sur la Banque publique d’investissement (BPI), pour les investissements nécessaires à la transition agroécologique ;
– l’amendement CE3402 de M. Éric Girardin, rapporteur général, donne comme objectif de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles, notamment du foncier agricole. Il s’agit donc d’une orientation à court terme pour le prochain projet de loi de finances ;
– l’amendement CE3406 rectifié des rapporteurs donne comme objectif à l’État de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement.
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Article 9
Mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations
Adopté par la commission avec modification
L’article 9 fixe l’objectif de mettre en place, d’ici 2026, un diagnostic modulaire des exploitations agricoles, dont il prévoit qu’il permettra d’évaluer les exploitations agricoles en amont de leur transmission, au moment de l’installation puis tout au long de leur cycle de vie.
Il prévoit notamment la création d’un module spécifique d’évaluation rapide de la résilience des projets d’installation au stress climatique.
La notion de « diagnostic de l’exploitation » n’est pas inconnue du droit en vigueur, mais sa pratique apparaît très peu encadrée.
Dans le cadre du programme « Accompagnement à l’installation‑transmission en agriculture » (Aita), l’État finance des diagnostics d’exploitation à céder à hauteur de 1 500 € par exploitation. Cette aide est d’ores et déjà destinée à encourager la réalisation d’une évaluation, visant à faciliter la transmission en permettant au repreneur d’évaluer le potentiel de l’exploitation susceptible d’être reprise. Toutefois, entre 2017 et 2021, seuls 1 687 agriculteurs ont bénéficié de ce dispositif ([72]), ce qui est très faible au regard des vingt mille à vingt-cinq mille cessations d’activité annuelles.
Par ailleurs, l’article 6 de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a inséré, à l’article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime relatif à la politique d’installation, un alinéa aux termes duquel l’aide à l’installation peut être modulée « si les candidats n’ont pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l’exploitation ».
L’existence d’un dispositif légal dont l’esprit se rapproche de celui du diagnostic modulaire envisagé par l’article 9 peut également être relevée. L’article L. 411-4 du même code impose ainsi, préalablement à la conclusion d’un bail rural, la réalisation d’un état des lieux qui « constate avec précision l’état des bâtiments et des terres ainsi que le degré d’entretien des terres et leurs rendements moyens au cours des cinq dernières années. » En pratique, cette obligation est peu respectée.
II. le dispositif proposé
Le changement climatique rapide a de multiples conséquences, qui varient dans leur ampleur et leur nature selon les territoires et les productions concernés. Ce changement climatique est un facteur d’incertitude qui peut représenter un frein supplémentaire à l’installation.
Dans ce contexte, faciliter la transmission des exploitations et l’installation de nouveaux actifs suppose de renforcer la transparence quant aux caractéristiques des exploitations à céder, afin que la mise en relation avec les cédants soit éclairée. Cet enjeu est d’autant plus prégnant que l’installation se réalise de plus en plus souvent en dehors du cadre familial.
Les conséquences du changement climatique doivent également être prises en compte par les nouveaux installés pour la construction de leur projet d’installation, afin d’en assurer la viabilité à moyen et long termes.
L’article 9 du présent projet de loi érige donc en objectif la création et la mise en place, au plus tard en 2026, d’un dispositif de réalisation de diagnostic de l’exploitation. Ce diagnostic doit faciliter la transmission et l’installation, ainsi que la transition agro-écologique des exploitations. Il permettra ainsi d’orienter les choix du chef d’exploitation tout au long du cycle de vie de l’exploitation.
Cet article prévoit que le diagnostic est constitué de plusieurs modules, dont l’un concerne la résilience de l’exploitation face aux conséquences du changement climatique – ce qui impliquera notamment de prendre en compte les spécificités de l’exploitation relatives aux sols ou à la ressource en eau.
Un deuxième module est prévu, concernant spécifiquement la qualité des sols des parcelles de l’exploitation.
Un autre module, dont la création anticipée est souhaitée dès 2025, concernerait l’évaluation de la résilience des projets d’installation aux épisodes de stress climatique.
Cet article programmatique ne crée, par lui-même, aucune obligation et ne lie pas le législateur qui serait amené à intervenir, à l’avenir, pour rendre obligatoires tout ou partie des modules du futur diagnostic. Il est seulement précisé que l’État étudiera les conditions dans lesquelles la réalisation de certains modules d’évaluation pourrait conditionner le bénéfice de certaines aides.
Vos rapporteurs ont relevé que les acteurs entendus lors des auditions se sont parfois interrogés sur la rédaction de cet article 9. Certains d’entre eux ne retrouvent pas l’esprit de ce qui était ressorti de la concertation, notamment du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture.
Vos rapporteurs rappellent le caractère programmatique de cette disposition, qui vise à offrir aux exploitants agricoles un outil utile à la construction et au pilotage de leur projet d’installation ou de cession. De nombreux paramètres devront être fixés en concertation avec les acteurs pour atteindre cet objectif, qu’il s’agisse de l’articulation avec le réseau « France Services agriculture », des structures habilitées à réaliser les diagnostics, de leur financement ou encore des précautions qui devront être prises pour éviter tout usage contreproductif des résultats des diagnostics.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté plusieurs amendements ayant pour objet de redéfinir les contours du dispositif de diagnostic modulaire dont l’article 9 entend prévoir le cadre.
Le rapporteur Pascal Lecamp a proposé une réécriture des deux premiers alinéas de l’article 9 (CE3398). Il s’est agi de préciser la finalité d’un diagnostic qui, outre la facilitation de la transmission des exploitations ou de l’installation de nouveaux exploitants, doit permettre de conforter la viabilité économique des projets dans un contexte de transitions agroécologique et climatique. Les sous-amendements CE3601 et CE3664 de M. Dominique Potier et de Mme Mathilde Hignet, respectivement, ont ajouté que le diagnostic doit permettre d’améliorer la maîtrise des coûts et la stratégie liées à la mécanisation.
L’amendement CE3399 du rapporteur est venu préciser que l’évaluation de l’exploitation au regard de sa résilience face aux conséquences du changement climatique doit s’appuyer sur une analyse de la performance économique de cette exploitation.
L’amendement CE3400 du rapporteur a procédé à une réécriture du quatrième alinéa de l’article 9 afin de circonscrire la portée du module du diagnostic relatif à l’état des sols. Ce dernier doit en particulier renseigner sur la matière organique présente dans ces sols. Un sous-amendement CE3640 de M. Charles de Courson est venu préciser que ce module n’intervient qu’à défaut de réalisation d’un état des lieux pour l’établissement d’un bail rural, tel que prévu à l’article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime.
La commission a en outre adopté l’amendement CE692 de Mme Anne-Laure Blin, supprimant le sixième alinéa de l’article 9 qui prévoyait notamment la possibilité de conditionner le bénéfice de certaines aides publiques à la réalisation de modules d’évaluation.
La commission a également adopté deux amendements identiques de M. Charles de Courson et de Mme Louise Morel (CE1893 et CE3118, respectivement), sous-amendés par le rapporteur Pascal Lecamp (CE3534), afin de prévoir que le réseau France Services agriculture sera chargé de faire la promotion du diagnostic modulaire auprès des porteurs de projet d’installation ou de cession d’exploitation agricole.
Par ailleurs, la commission a adopté l’amendement CE3316 de Mme Brigitte Klinkert qui engage l’État à mettre en place une fiscalité de la transmission des biens agricoles, visant notamment à libérer la transmission du foncier agricole loué par bail à long terme, sous réserve d’engagements de conservation des biens par les bénéficiaires de cette transmission.
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Chapitre II
Mesures en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 10
Création du réseau « France Services agriculture »
Adopté par la commission avec modification
L’article 10 crée le réseau « France Services agriculture ». Il sera composé, dans chaque département, d’un guichet unique mis en place dans le réseau des chambres d’agriculture et d’un réseau de structures d’accompagnement agréées, vers lesquelles le point d’accueil orientera les porteurs de projets d’installation ou de cession d’exploitation.
La mise en relation des cédants et des candidats à l’installation, ainsi que le suivi des installations et des transmissions, seront facilités par l’enregistrement des données dans un répertoire départemental unique.
A. La gouvernance de la politique d’installation
Le chapitre préliminaire du titre III du livre III du code rural et de la pêche maritime (articles L. 330-1 à L. 330-5) est relatif à la politique d’installation et de transmission en agriculture.
Créé par l’article 31 de la loi Laaaf du 13 octobre 2014, ce chapitre a été modifié par l’article 38 de la loi n° 2023‑171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture pour tirer les conséquences du transfert aux régions de la gestion des aides à l’installation dans le cadre de la programmation de la PAC 2023‑2027.
Les dispositifs de soutien européen dans le cadre de la PAC, notamment la « dotation jeunes agriculteurs » (DJA), relèvent ainsi intégralement, depuis le 1er janvier 2023, de la responsabilité des régions.
L’article 31 de la loi Laaaf a également confié aux chambres départementales d’agriculture une mission de service public liée à la politique d’installation pour le compte de l’État et des autorités chargées de la gestion des aides à l’installation, prévue au 4° de l’article L. 511-4 du code rural et de la pêche maritime.
L’État a, par ailleurs, bâti la gouvernance du dispositif d’accompagnement à l’installation et à la transmission par voie réglementaire.
Un décret n° 2015‑445 du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 a ainsi institué un comité national État-régions, le Comité national d’installation-transmission (Cnit), ainsi que des comités régionaux à l’installation et à la transmission (Crit), prévus à l’article D. 343-20 du code rural et de la pêche maritime. Les conseils régionaux sont donc étroitement associés à la gouvernance de l’ensemble du dispositif. Le Cnit et les Crit permettent un pilotage spécifique de cette politique d’aide à l’installation, y compris pour les dispositifs d’aide nationaux hors programmation du Feader.
En 2016, l’État a mis en place, par une instruction technique ([73]), le programme pour l’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture (Aita). Celui-ci a pour objet d’accompagner les porteurs de projet, dans leur diversité, en les accueillant dans les points accueil installation (PAI), pour la formalisation de leur projet d’installation, et dans des centres d’élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CEPPP). Les PAI et CEPPP sont des organismes labellisés dans les conditions prévues aux articles D. 343-21 et D. 343‑21-1 du code rural et de la pêche maritime.
La concertation sur le Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricole a mis en évidence un manque de pluralisme dans les structures intervenant dans le cadre du programme Aita et un manque de fluidité, de lisibilité et de personnalisation de l’accompagnement proposé. De plus, ce programme Aita se concentre sur l’installation des futurs chefs d’exploitation et n’assure pas l’interface avec l’accompagnement à la transmission.
B. Les dispositifs applicables en matière d’accompagnement à la transmission
En application de l’article L. 330-5 du code rural et de la pêche maritime, une déclaration d’intention de cessation d’activité agricole (Dicaa) doit être adressée par l’exploitant au moins trois ans avant la date à laquelle il projette de cesser son activité. Cette notification est nécessaire pour cumuler la perception de la pension de retraite et une activité, dans les conditions prévues par les articles L. 732-39 et L. 732-40 du même code.
Les services de la Mutualité sociale agricole (MSA) informent chaque exploitant de cette obligation de déclaration, quatre ans avant qu’il n’atteigne l’âge légal de départ en retraite.
Les informations envoyées par la MSA et les Dicaa reçues en retour par les chambres ne semblent toutefois pas faire l’objet d’un véritable suivi et le système de la Dicaa apparaît peu opérationnel en pratique. Seul un quart à un tiers des Dicaa sont envoyées par les exploitants en réponse au courrier de la MSA ([74]).
En application de l’article D. 330-3 du code rural et de la pêche maritime, les chambres départementales d’agriculture assurent la tenue du répertoire départ-installation (RDI) prévu à l’article L. 330-5 du même code, afin de faciliter la mise en relation des cédants et des preneurs. Toutefois, la mise en réseau des RDI dans une base nationale n’est pas assurée.
Pour encourager les cédants à réaliser un diagnostic d’exploitation ([75]) et à rendre publique leur intention de céder leur exploitation, ils peuvent bénéficier d’une prime pour la publication d’une offre au RDI qui conduit à une cession à un bénéficiaire de la DJA. Seuls 609 cédants ont bénéficié de cette prime entre 2017 et 2021([76]). Ce chiffre doit être mis en perspective avec les 25 000 départs annuels d’exploitants à la retraite sur la même période.
C. Un accompagnement à la transmission et à l’installation riche et diversifié mais insuffisamment accessible et coordonné
De nombreux organismes et professionnels informent et conseillent les porteurs de projets d’installation ou de transmission d’exploitation agricole. Sans prétendre à l’exhaustivité, peuvent être cités : les chambres d’agriculture, la Mutualité sociale agricole, les associations départementales pour le développement de l’emploi agricole et rural (Addear), CERFrance, le Pôle InPact – notamment, en son sein, le réseau Centre d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) –, le réseau des associations de formation à la gestion (InterAFOCG) et Terres de Liens, les groupes d’agriculture biologique, les espaces-test agricoles, les sociétés coopératives agricoles, les notaires ou encore les centres de gestion.
Certains acteurs proposent un accompagnement transversal, d’autres des conseils plus ciblés.
II. le dispositif proposé
A. La création d’un réseau « France Services agriculture » accessible par un guichet unique
Vos rapporteurs estiment nécessaire de souligner que le réseau « France Services agriculture » (FSA) constituera, en premier lieu, un service public destiné à toute personne qui souhaite s’engager dans une activité agricole, qui exerce une activité agricole ou qui projette de cesser son activité agricole et qui souhaite bénéficier d’un accueil et d’un accompagnement. Cette définition matérielle de FSA pourrait utilement être ajoutée dans le projet de loi. D’un point de vue organique, FSA sera constitué, d’une part, d’un guichet unique chargé de l’accueil, de l’information et de l’orientation des porteurs de projets et, d’autre part, de structures chargées de leur accompagnement dans leur pluralité.
B. Un guichet unique pour garantir l’accessibilité de « France Services agriculture »
L’article 10 du présent projet de loi prévoit l’existence d’un « point d’accueil unique » ou d’un « guichet unique » au niveau départemental, qui réponde au besoin d’accessibilité et de lisibilité du dispositif d’accompagnement. Il s’agit du « niveau 1 » de FSA, en quelque sorte sa porte d’entrée.
Le projet de loi confie aux chambres départementales d’agriculture le soin de mettre en place ce guichet unique, au titre de leur mission de service public liée à la politique d’installation et de transmission en agriculture.
Comme le souligne l’étude d’impact de cet article, « cette relative concentration de l’accueil des porteurs de projets d’installation ou de transmission n’est acceptée par tous que si, en corollaire, la transparence sur l’orientation des porteurs de projet est améliorée et que la pluralité des parcours est en pratique correctement traitée ». Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette préoccupation exprimée à de nombreuses reprises lors des auditions, y compris par les représentants du réseau des chambres d’agriculture.
Le respect du pluralisme et le traitement équitable de toutes les structures susceptibles d’accompagner et de conseiller les porteurs de projets pourraient d’ailleurs être mieux affirmés.
Vos rapporteurs, très attachés à ce pluralisme et à la transparence de l’orientation des porteurs de projets par le guichet unique, sont convaincus que ce guichet est la condition même de ce pluralisme, en ce qu’il offrira à tout porteur de projet une vision complète des possibilités d’accompagnement qui s’offrent à lui.
Les porteurs de projets d’installation en agriculture ou de cession d’une exploitation agricole sont tenus, pour les premiers, de prendre contact avec le guichet unique, et, pour les seconds, de déclarer leur intention de céder leur exploitation. Toutefois, cette déclaration ne prendra pas nécessairement la même forme que la Dicaa actuelle et la mise en place d’un nouveau support de transmission d’informations est une piste explorée par le ministère chargé de l’agriculture.
Le respect de cette obligation sera sanctionné par le bénéfice de certaines aides, qui seront conditionnées au passage par le guichet. Mais c’est davantage sur un effort d’information et de communication et sur la qualité et l’efficacité du service rendu que reposera l’adhésion au dispositif par ses bénéficiaires.
À cet égard, vos rapporteurs s’interrogent sur les conditions temporelles d’entrée en vigueur de cet article, qui prévoit que le FSA sera opérationnel dès le 1er janvier 2025.
C. Un réseau de structures d’accompagnement pour structurer les projets
L’article 10 du projet de loi prévoit également la constitution d’un réseau départemental de « structures de conseil et d’accompagnement » agréées par l’État. Ce réseau, qui offrira une gamme diversifiée de services, répondra au besoin d’accompagnements ajustés à des porteurs de projets pluriels, dans leurs profils comme dans leurs problématiques. Ce réseau de structures d’accompagnement constitue le « niveau 2 » de FSA.
Pour être en mesure d’accompagner à la fois des personnes qui ont un projet d’installation peu mature, des personnes dont le projet est déjà bien défini, des personnes en activité ou encore des personnes en fin de carrière qui cherchent à bien préparer la cession de leur exploitation, le réseau des structures d’accompagnement devra être riche de compétences diverses et d’approches plurielles.
Vos rapporteurs s’interrogent sur la dénomination de ce réseau, qui aura vocation à accompagner les porteurs de projets dans la structuration de leur démarche. L’étude d’impact évoque un rôle d’« architecte de projet » ou d’« architecte de formation », qui orientera les intéressés vers des prestataires de conseil ou de formation – une sorte de « niveau 3 » du dispositif, hors champ du service public couvert par FSA. La dénomination « structures d’accompagnement » semblerait alors plus fidèle que celle de « structures de conseil et d’accompagnement », pour décrire le niveau 2 de FSA.
Ces structures seront agréées sur la base d’un cahier des charges comportant des règles nationales et des règles propres à chaque région, à l’élaboration desquelles seront étroitement associés, respectivement, le Cnit et les Crit.
Outre l’accompagnement à la structuration des projets, il reviendra au réseau de ces structures de proposer un parcours de formation aux porteurs de projet pour lesquels un tel parcours apparaîtrait utile. Le projet de loi prévoit que ce parcours sera conçu conjointement par la structure agréée et par l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole désigné à cette fin, par le ministre chargé de l’agriculture, pour le département en cause.
Afin de répondre au mieux à la diversité des besoins qui pourront être exprimés en matière de formation, vos rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité d’ouvrir à tout établissement d’enseignement et de formation professionnelle agricole la possibilité d’être désigné par le ministre pour assumer ce rôle.
D. Un répertoire unique pour une mise en relation efficace des porteurs de projets de cession et d’installation
L’enregistrement de chaque personne accueillie par le réseau FSA dans un répertoire départemental unique partagé entre la chambre départementale d’agriculture et alimenté par l’ensemble des membres du réseau FSA et destiné à faciliter les mises en relation entre cédants et repreneurs – ainsi que le suivi des installations et transmissions – constitue un aspect fondamental du dispositif.
L’agrégation des données dans une base nationale mise à disposition de l’Observatoire national de l’installation et de la transmission (Onit) permettra de donner plus d’envergure à cette structure, prévue à l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime.
Ce support immatériel est une condition indispensable à la réussite du réseau FSA, pour son efficacité, sa fluidité, sa pluralité, son équité. Au‑delà de la base légale fournie par le présent projet de loi, sa mise en œuvre rapide suppose un investissement humain et financier important.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté l’amendement CE3573 de M. Pascal Lecamp, qui proposait une réécriture globale des alinéas 2 à 15 de l’article 10.
La nouvelle rédaction présente de manière plus claire le réseau FSA et ses missions. Ce réseau est notamment constitué du point d’accueil départemental unique pour la transmission des exploitations et l’installation des agriculteurs, des structures de conseil et d’accompagnement agréées et des établissements locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole. Toute personne qui souhaite s’engager dans une activité agricole, qui exerce une activité agricole, ou qui projette de cesser son activité agricole, bénéficie d’un accueil et d’un accompagnement par ce réseau.
Cette rédaction insiste également sur la nécessité, pour le guichet unique comme pour les structures de conseil et d’accompagnement, de respecter le pluralisme et la transparence dans l’orientation des porteurs de projets. À cet égard, un sous-amendement CE3654 de M. David Taupiac a été adopté pour préciser que le point d’accueil départemental unique veille notamment à une « présentation exhaustive » de l’offre de conseil et d’accompagnement.
La commission a également adopté un amendement CE2208 de Mme Aurélie Trouvé, précisant, à l’alinéa 16, que le conditionnement de certaines aides publiques au fait d’avoir eu recours au dispositif de conseil et d’accompagnement ne peut créer d’obligations administratives supplémentaires pour les bénéficiaires.
S’agissant des missions des chambres départementales d’agriculture et, plus spécifiquement, de la mise en place du point d’accueil départemental unique, la commission a adopté l’amendement CE3229 de M. Jean-François Rousset, qui prévoit que la chambre peut déléguer cette mission à une structure de son choix.
Un amendement des rapporteurs qui prévoit de décaler d’un an l’entrée en vigueur de l’article 10 – au 1er janvier 2026 – a également été adopté (CE3397).
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Article 10 bis (nouveau)
Contrat d’associé à l’essai dans une société
Article créé par la commission
Le nouvel article 10 bis crée un statut d’associé à l’essai sur une base conventionnelle.
La commission a adopté l’amendement CE309 de M. Dominique Potier, créant un statut d’associé à l’essai sur une base conventionnelle et permettant à une personne physique de participer à la direction, aux travaux et aux bénéfices d’une exploitation agricole pour une durée limitée, afin d’expérimenter un travail en commun au sein de cette exploitation.
A. Une convention écrite entre une personne physique et une société dans laquelle se réalise le test
Le dispositif de « droit à l’essai » proposé dans l’article 10 bis repose sur une convention entre une personne physique et une société à objet principalement agricole. Cette convention peut également être conclue entre un exploitant agricole exerçant à titre individuel et une telle société, afin que ledit exploitant puisse tester l’exploitation en commun dans un cadre sociétaire.
Le texte prévoit que l’essai peut être réalisé sous le régime de l’entraide prévu à l’article L. 325-1 du code rural et de la pêche maritime.
Cette convention comporte « les conditions de réalisation de l’essai et détermine les conditions d’exercice de l’activité au sein de l’exploitation agricole, et notamment la participation au travail en commun ainsi qu’aux décisions relatives à la direction collective de l’exploitation ».
Elle est conclue pour une période d’un an renouvelable une fois, sous le contrôle de l’autorité administrative.
L’enjeu est de distinguer ce contrat d’association à l’essai d’un contrat de constitution d’une société ou d’un contrat de travail, afin d’en assurer la réversibilité.
B. Un accompagnement par un tiers
Le réseau France Services agriculture sera chargé de proposer un accompagnement spécifique pour formaliser la convention d’association à l’essai.
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Article 11
Privilèges d’un groupement d’employeurs en cas de défaillance d’un utilisateur de ce groupement
Adopté par la commission sans modification
L’article 11 prévoit que les groupements d’employeurs bénéficient, pour leurs prestations facturées à un membre du groupement exerçant une activité agricole, des mêmes privilèges que ceux qui s’attachent aux créances des salariés et des organismes de sécurité sociale, en cas de défaillance de l’entreprise utilisatrice concernée.
Les groupements d’employeurs, définis à l’article L. 1253-1 du code du travail, sont des associations ou des sociétés coopératives constituées par des entreprises membres entrant dans le champ d’application d’une même convention collective, pour être l’employeur unique de salariés en vue de leur mise à disposition des entreprises membres. Ces groupements ont toujours un but non lucratif.
Leur régime juridique est prévu par le chapitre III du titre V du livre II de la première partie du code du travail.
La mise à disposition de salariés du groupement d’employeurs au bénéfice des utilisateurs rend ces derniers responsables des conditions d’exécution du travail (article L. 1253-12 du code du travail).
L’intérêt du groupement d’employeurs, notamment pour les exploitants agricoles, réside dans le fait que les utilisateurs bénéficient d’une certaine souplesse pour l’affectation de la force de travail de ce groupement, tout en fidélisant une main-d’œuvre de plus en plus rare. Ces groupements permettent également de faciliter et sécuriser la gestion des ressources humaines pour les exploitants.
Dans une étude publiée en 2021, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a ainsi pu relever que « la création des groupements d’employeurs a accompagné le développement de l’emploi salarié agricole parallèlement à la diminution du nombre d’actifs familiaux, en complément de l’emploi direct par les exploitations. » ([77]).
Les chiffres montrent bien l’intérêt de cette forme de portage salarial, puisqu’on dénombrait 3 750 groupements d’employeurs dans la production agricole en 2021, soit 80 % du total des groupements d’employeurs.
Pour les salariés, le groupement d’employeurs présente aussi de nombreuses vertus. Il donne accès à un emploi stable et à la formation et il permet une expérience diversifiée des métiers agricoles, le cas échéant dans une perspective d’installation. En 2021, les groupements d’employeurs actifs dans la production agricole employaient 30 219 équivalents temps plein (ETP), soit 11 % des ETP salariés de la production agricole (+ 7 % par rapport à 2010) ([78]).
L’étude d’impact annexée au présent projet de loi souligne que 20 % des heures de travail réalisées par les salariés des groupements d’employeurs agricoles le sont par des groupements d’employeurs de moins de 11 salariés. Parmi ces groupements, on compte 350 services de remplacement, représentant environ 3 000 ETP ([79]), et 112 coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), correspondant à 2 210 ETP.
Les petits groupements d’employeurs sont des structures fragiles, notamment en cas de défaillance de l’un de leurs membres.
En particulier, le groupement d’employeurs, qui est un prestataire de services vis-à-vis de ses membres utilisateurs, est créancier chirographaire de ces derniers. Dès lors que les salariés du groupement ne sont pas salariés du membre utilisateur, les privilèges légaux dont ils bénéficient pour les créances qu’ils détiennent sur leur employeur ne trouvent pas à s’appliquer en cas de défaillance du membre utilisateur auprès duquel ils sont mis à disposition : ces privilèges ne trouveraient à s’appliquer, le cas échéant, que vis-à-vis du groupement d’employeurs défaillant.
II. le dispositif proposé
L’article 11 du projet de loi permet aux créances du groupement d’employeurs, pour les prestations de mise à disposition de ses salariés qu’il facture à ses membres utilisateurs, de bénéficier des mêmes privilèges que ceux attachés aux créances des salariés et des organismes de sécurité sociale, en cas de défaillance de l’utilisateur membre du groupement.
Cette disposition, insérée dans le titre du code rural et de la pêche maritime relatif aux exploitations agricoles en difficulté, n’a vocation à s’appliquer qu’aux groupements d’employeurs formés entre exploitants agricoles.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté l’article 11 sans modification.
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Article 12
Création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI)
Supprimé par la commission
L’article 12 fixe les conditions dans lesquelles peuvent être créés des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) et le régime juridique applicable à ces groupements.
A. Favoriser l’installation suppose que les porteurs de projet aient accès au foncier agricole
Le défi du renouvellement des générations imposera d’augmenter le nombre de nouvelles installations à très court terme (cf. article 8 supra).
La transmission des exploitations agricoles doit se faire dans des conditions qui permettront aux nouveaux installés d’investir et de développer des pratiques qui seront à même de porter la transition de notre agriculture pour s’adapter au changement climatique.
Or le coût d’acquisition du foncier agricole augmente fortement le coût d’une reprise d’exploitation et peut freiner les potentiels repreneurs dans leur démarche d’installation.
Le modèle d’exploitation familiale n’implique pas que l’exploitant soit propriétaire du foncier qu’il exploite. Le statut du fermage lui offre la maîtrise nécessaire de ce moyen de production. Ainsi, 70 % à 80 % de la surface agricole utile (SAU) française est d’ores et déjà en fermage ([80]), sachant qu’une partie de ces baux sont conclus dans un cadre familial.
Dans ce contexte, l’accès au foncier des futurs exploitants, en particulier ceux non issus du milieu agricole, doit être favorisé par tous les moyens possibles. Les instruments de portage du foncier participent donc à la facilitation de l’installation de ces nouveaux exploitants.
Lors du dernier salon international de l’agriculture, le lancement d’un fonds intitulé « Elan » a été annoncé. Ce fonds de portage destiné à faciliter l’installation d’agriculteurs sera financé par le Crédit agricole, le Crédit mutuel, France active et les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Les terres acquises par le fonds de portage seront louées à des agriculteurs souhaitant s’installer, qui pourront racheter le foncier à partir de la dixième année du bail.
B. Le groupement foncier agricole : une société de portage du foncier agricole
Le groupement foncier agricole (GFA) a été créé par la loi n° 70-1299 du 31 décembre 1970 relative aux groupements fonciers agricoles.
L’étude d’impact annexée au présent projet de loi précise que la constitution d’un GFA « peut être utilisée dans plusieurs cas, tels que le maintien sur son exploitation d’un fermier dont la ferme est mise en vente et qui n’est pas en mesure de financer seul l’acquisition, ou l’installation d’un agriculteur sur une exploitation agricole ». Près de trente mille GFA sont aujourd’hui recensés.
L’article L. 322-6 du code rural et de la pêche maritime en définit l’objet, qui est de créer ou conserver une ou plusieurs exploitations agricoles et d’en faciliter la gestion, notamment en les donnant en location. Il s’agit donc d’une forme de portage de long terme du foncier agricole, qui permet de dissocier la détention du foncier de la gestion de l’exploitation.
Les articles L. 322-1 à L. 322-3 du même code dressent la liste des personnes qui peuvent être membres d’un GFA. Le groupement prend, en principe, la forme d’une association entre personnes physiques, mais par exception, les Safer peuvent y être associées à titre transitoire ; des sociétés civiles autorisées à procéder à une offre au public de titres financiers agréées à cette fin, les entreprises d’assurances et de capitalisation, les coopératives agricoles et les sociétés d’intérêt collectif agricole peuvent en être membres.
L’article L. 322-4 instaure un droit de préférence pour l’acquisition des parts d’un GFA qui seraient mises en vente, au bénéfice des membres du groupement autres que les personnes morales. L’article L. 322-5 prévoit, pour sa part, que les statuts peuvent exiger l’acquisition des parts détenues par des personnes morales, après l’expiration d’un délai ne pouvant excéder vingt ans, avec une priorité pour les associés participant à l’exploitation des biens du groupement.
L’article L. 322-7 prévoit que la superficie totale des exploitations appartenant à un même groupement foncier agricole peut être limitée par décret.
Les articles L. 322-8 et L. 322-9 régissent la constitution des apports du GFA et le sort des baux à l’expiration du temps pour lequel le GFA a été constitué.
L’article L. 322-10 prévoit le principe selon lequel les droits de vote attachés aux parts sont proportionnels à la quotité de capital qu’elles représentent. En application de l’article L. 322-13, les apports en numéraire doivent faire l’objet d’investissements à destination agricole au profit du groupement dans le délai d’un an.
Les articles à L. 322-14 à L. 322-18 concernent le régime fiscal applicable au GFA, en reproduisant les dispositions du code général des impôts applicables aux droits d’enregistrement des apports, aux droits d’enregistrement au titre du partage des actifs du groupement, aux conditions de l’exonération des parts du groupement des droits de mutation à titre gratuit et au régime spécial en cas de cession des droits sociaux du groupement.
L’article L. 322-21 tire les conséquences du caractère d’ordre public du statut des baux ruraux et des dispositions concernant le contrôle des structures en prévoyant que les dispositions relatives au GFA ne doivent pas permettre d’y déroger.
La mise à la disposition des exploitants des biens du GFA s’effectue dans le cadre du statut du fermage, défini aux articles L. 411-1 à L. 418-5 du code rural et de la pêche maritime. Les loyers et les modalités de leur révision sont donc encadrés, une durée minimale du bail de neuf ans et des règles précises de reconduction et de transmission s’appliquent.
C. Le groupement forestier d’investissement : une inspiration pour collecter des fonds au service du portage du foncier
Les groupements forestiers d’investissements (GFI) ont été créés par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
En application de l’article L. 331-4-1 du code forestier, les groupements forestiers peuvent lever des capitaux auprès d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces derniers, dans le respect des dispositions relatives aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs prévues par le code monétaire et financier, qui transpose la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011.
Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la capitalisation totale des groupements forestiers ouverts à l’épargne représentait au moins 650 M€ en 2022. Plus de 90 % des capitaux des groupements forestiers collectés chaque année le seraient par des GFI. Ces données montrent l’efficacité de cet outil pour augmenter le capital susceptible d’être mobilisé pour le portage du foncier.
II. Le dispositif proposé
L’article 12 du présent projet de loi porte une intention claire, celle de créer une structure dont le régime juridique serait proche de celui des GFA, mais qui serait habilitée à lever des capitaux auprès d’investisseurs dans le cadre d’un appel public à l’épargne, en vue d’acquérir et de détenir des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, pour les mettre à disposition d’exploitants agricoles dans le cadre de baux à long terme.
Le groupement foncier agricole d’investissement (GFAI) est donc un outil nouveau, qui n’a pas vocation à se substituer à d’autres instruments de portage du foncier comme le GFA.
Cet article rend applicable aux GFAI certaines dispositions qui régissent les GFA et qui ont été présentées ci-dessus : les articles L. 322‑1, L. 322‑2, L. 322‑6 à L. 322‑9, le premier alinéa de l’article L. 322‑10, les articles L. 322‑13 à L. 322‑18 et l’article L. 322‑21 du code rural et de la pêche maritime.
Il faut notamment en retenir que les baux à long terme que le GFAI devra conclure avec les exploitants agricoles seront encadrés comme tous les autres baux soumis au statut du fermage et que les dispositions concernant le contrôle des structures s’appliqueront.
Le régime applicable aux GFA est adapté et complété pour que les GFAI puissent lever des capitaux auprès du public dans les conditions prévues par le code monétaire et financier. Les GFA sont en effet aujourd’hui limités dans leur capacité à lever des fonds auprès des particuliers, faute de pouvoir procéder à une offre au public de leurs parts sociales. Les parts des GFA sont peu liquides, ce qui rebute maints investisseurs potentiels. Enfin, les associés du GFA ont une responsabilité illimitée et proportionnelle au nombre de parts détenues en cas de pertes du GFA.
Il est donc prévu que les GFAI, sur le modèle des groupements forestiers d’investissement prévus à l’article L. 331-1-1 du code forestier, soient des fonds d’investissement alternatif dits « FIA » au sens de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier et de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.
Les parts du GFAI pourront alors être commercialisées auprès du public et les porteurs de parts ne seront tenus des dettes de la copropriété qu’à concurrence de l’actif du fonds et proportionnellement à leur quote-part.
Enfin, l’attractivité du GFAI reposera également sur son régime fiscal, lui aussi repris de celui applicable au GFA dès lors que les articles L. 322-14 à L. 322‑18 du code rural et de la pêche maritime lui sont rendus applicables. Ce régime implique notamment une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit en application des articles 793 et 793 bis du code général des impôts, une exonération partielle de l’impôt sur la fortune immobilière en application de l’article 976 du même code ou encore un droit fixe pour les cessions à titre onéreux de parts du groupement en application de l’article 730 bis du même code.
L’objectif affiché par l’étude d’impact serait de lever environ 100 millions d’euros de capitaux par an, au regard d’une profondeur de marché qui devrait être comparable à celle observée pour les GFI.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté les amendements de suppression CE450 de M. Dominique Potier, CE1286 de M. Francis Dubois, CE1784 de Mme Lisa Belluco, CE2005 de Mme Hélène Laporte, CE2046 de M. David Taupiac, CE2402 de Mme Mathilde Hignet et CE3285 de Mme Marie Pochon.
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Article 12 bis (nouveau)
Activité commerciale accessoire des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et des sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA)
Article créé par la commission
Le nouvel article 12 bis prévoit la possibilité, pour les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA), d’exercer des activités commerciales accessoires.
La commission a adopté les amendements identiques CE363 de M. Julien Dive, CE447 de Mme Véronique Louwagie, CE949 de M. Francis Dubois, CE1516 de M. Dominique Potier, CE1522 de M. Jean-Pierre Vigier, CE1566 de M. Charles de Courson et CE3350 de Mme Anne-Cécile Violland.
Cet article additionnel prévoit la possibilité, pour les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA), d’exercer des activités commerciales accessoires à hauteur de 10 000 euros et dans la limite de 50 % de leur chiffre d’affaires.
L’objectif poursuivi est de permettre aux Gaec et aux SCEA d’avoir une activité commerciale accessoire à leur activité agricole, dans le respect de seuils et sans que cela remette en cause leur statut et les conséquences qui y sont attachées – notamment, en termes de traitement fiscal et de transparence du Gaec pour la perception des aides de la PAC. Il faut ici rappeler que ce principe de transparence permet à chaque associé d’un groupement d’agriculteurs, lorsqu’il assure l’activité agricole sur l’exploitation et qu’il contribue au renforcement de la structure, de faire bénéficier sa société des aides de la PAC auxquelles il aurait été en droit de prétendre en tant qu’agriculteur à titre individuel. Les conditions de reconnaissance de ce principe de transparence sont toutefois prévues par les textes européens sur la PAC.
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Article 12 ter (nouveau)
Rapport sur les besoins en fonds propres des coopératives agricoles
Article créé par la commission
Le nouvel article 12 ter demande au Gouvernement de remettre un rapport sur les besoins en fonds propres des coopératives agricoles.
La commission a adopté l’amendement CE2921 de M. Julien Dive, prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2024, un rapport portant sur les besoins en fonds propres des coopératives agricoles.
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titre iv
SÉCURISER, SIMPLIFIER ET LIBÉRER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES
Article 13
Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure permettant d’adapter la répression de certaines atteintes à la conservation des espèces et des habitats
Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article vise à permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance, en application de l’article 38 de la Constitution, pour adapter l’échelle des sanctions réprimant les dommages causés à l’environnement et, éventuellement, pour en modifier la nature en substituant à des sanctions pénales des sanctions administratives.
A. un arsenal juridique À la finalitÉ punitive assumÉe
La protection des milieux naturels ainsi que des espèces animales et végétales est ancienne… Ainsi, la première loi portant sur ce sujet daterait du VIIème siècle : on la devrait à Cuthbert de Lindisfarne, un évêque anglo-saxon. Dès 676, celui-ci aurait instauré des lois pour protéger les oiseaux qui venaient nicher sur l’îlot d’Inner Farne, ce qui a valu aux canards locaux, les eiders à duvet, d’être renommés des « Cuddy ducks », en d’autres termes les « canards de Cuthbert ». La charge d’évêque, à Hexham, que l’intéressé obtint en 685, acheva de lui conférer un pouvoir administratif et judiciaire, entérinant en droit sa décision de protéger les volatiles de l’île.
Depuis cette époque, les textes protégeant les milieux naturels ainsi que les espèces, tant animales que végétales d’ailleurs, se sont évidemment multipliés.
En France, le code rural et de la pêche maritime ainsi que le code de l’environnement (créé, pour ce dernier, par l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l’environnement) ont eu à cœur de proclamer ces grands principes protecteurs du milieu naturel. Ainsi, l’article L. 110-1 du code de l’environnement a très vite consacré le principe suivant lequel « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
Dans la logique des principes ainsi énoncés, les articles L. 411-1 et suivants du même code, issus de deux textes communautaires fondamentaux dans le domaine de la protection de l’environnement ([81]), se sont, pour leur part, attachés à interdire un certain nombre d’actes (destruction de nids, enlèvement d’œufs, destruction d’animaux ou de végétaux, dégradation d’habitats naturels, dégradation de sites géologiques…) lorsqu’un intérêt scientifique ou la nécessité de préserver le patrimoine naturel notamment justifient la sauvegarde de ces espèces animales ou végétales, de ces sites géologiques ou de ces habitats naturels. Fort logiquement ensuite au regard de la volonté d’assurer l’effectivité de ces règles, le chapitre V du même titre du code de l’environnement a instauré des dispositions pénales permettant de constater les infractions commises (articles L. 415-1 à L. 415-2-1) et de les sanctionner (articles L. 415-3 à L. 415-8). Ainsi, l’article L. 415-3 a prévu de punir de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait de porter atteinte à des espèces animales, à des espèces végétales, à la conservation d’habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique en méconnaissance des interdictions et prescriptions de l’article L. 411-1 du même code.
Par ailleurs, le code de l’environnement a prévu, de manière générale, un certain nombre de dispositions permettant de contrôler divers installations, ouvrages ou travaux et de sanctionner ensuite les potentiels manquements ou infractions aux prescriptions les concernant (articles L. 170-1 à L. 174-2). Deux types de contrôles sont prévus :
- d’une part, les articles L. 171-1 à L. 171-12 instaurent des contrôles administratifs qui peuvent ensuite donner lieu à l’application de mesures et de sanctions administratives (qui, à l’issue d’une procédure contradictoire, peuvent prendre aussi bien la forme d’une suspension du fonctionnement d’un ouvrage ou d’une installation contrevenant à une réglementation existante que celle d’une obligation de payer une amende au plus égale à 45 000 euros, ces diverses décisions étant susceptibles d’un recours de plein contentieux devant le juge administratif) ;
- d’autre part, les articles L. 172-1 à L. 172-17 habilitent les officiers et agents de police judiciaire, ainsi que certains agents publics (les inspecteurs de l’environnement), à rechercher et à constater les infractions à diverses règles établies tant par le code de l’environnement que par le code pénal, celles-ci pouvant ensuite être sanctionnées pénalement aussi bien par des peines privatives de liberté que par des amendes aux montants fort divers (articles L. 173-1 à L. 173-13). À ce titre, l’article L. 173-1 du code de l’environnement punit d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de commettre certains actes, d’exercer certaines activités ou de conduire certaines opérations sans avoir obtenu les autorisations ou agréments nécessaires ; il punit également le fait d’exploiter un ouvrage ou une installation ou, par exemple, d’exercer une activité en méconnaissance de certaines règles (refus d’autorisation, mesure de fermeture d’un ouvrage ou d’une installation, décision refusant une homologation…), mais la peine peut alors dans ce cas s’élever à deux ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
B. unE application dont la sÉvÉritÉ ne peut qu’interroger
Reprenant une étude très fouillée du service statistique ministériel de la justice (SDSE) datant du mois d’avril 2021 ([82]), l’étude d’impact du présent projet de loi souligne l’excessive pénalisation de la répression des atteintes à l’environnement ayant pu être constatées sur la période 2015-2019 ([83]).
Il est ainsi démontré que les infractions en lien avec une pollution ou une détérioration des ressources naturelles ont représenté 48 % des atteintes à l’environnement constatées sur la période, soit 86 167 affaires (avec auteur identifié), qui se décomposent de la manière suivante :
– 9 026 affaires liées à la protection de l’eau et de l’air ;
– 8 354 affaires relatives à des infractions à la protection des espaces naturels ;
– 33 502 affaires relatives à la protection de la faune et de la flore (dont 12 414 affaires relatives à la chasse) ;
– 35 285 affaires relatives à la prévention des pollutions et des risques (dont 29 788 affaires portant sur des ordures et des déchets).
Si 87,4 % des affaires impliquent uniquement des personnes physiques, le fait que 12,6 % des affaires impliquent des personnes morales doit être souligné ; en effet, ce dernier taux apparaît assez élevé, car en droit pénal, de manière globale, seules 4 % des affaires impliquent une personne morale. L’étude relève par ailleurs que parmi les auteurs pouvant être poursuivis, le taux de réponse pénale a été de 92 % ; les magistrats du parquet ont décidé, dans 62 % des cas, de recourir à une procédure alternative (article 40-1 du code de procédure pénale) prenant généralement la forme d’un rappel à la loi ou d’une régularisation, dans 15 % des cas de recourir à une composition pénale et, dans 24 % des cas, de poursuivre effectivement le contrevenant, soit en saisissant un juge d’instruction, soit en saisissant directement une juridiction de jugement. Entre 2015 et 2019, 6 187 personnes ont ainsi été jugées devant un tribunal correctionnel pour une atteinte à l’environnement (dont 3 349 personnes pour des atteintes à la faune et à la flore, 1 767 personnes ayant été pour leur part impliquées dans des affaires touchant à la prévention des pollutions et des risques). 87 % de ces personnes ont été effectivement condamnées et 12 % ont bénéficié d’une relaxe. Quant aux peines prononcées, elles ont principalement pris la forme d’amendes ([84]) (73,6 % des verdicts, dont 65,4 % portant sur des amendes sans sursis), les peines de prison ayant tout de même touché 17,5 % des prévenus (34 % des personnes concernées ayant été condamnées à de la prison ferme pour tout ou partie de la peine prononcée).
S’il est indéniablement opportun de sanctionner les personnes (physiques et morales) qui commettent des infractions portant atteinte à l’environnement, il convient que cela se fasse avec prudence ([85]). Outre que certaines peines peuvent sembler disproportionnées au regard des dommages causés (même si, comme toutes les peines, celles-ci sont des maximums et non pas des peines appliquées sans discernement par le juge), le fait d’infliger une sanction pénale peut être durement ressenti par les personnes concernées, alors même qu’elles ont le sentiment de ne rien avoir à se reprocher. Comme le signale, là encore, l’étude d’impact, c’est par exemple le cas lorsqu’un agriculteur effectue un débroussaillement en application des articles L. 131-10 et suivants du code forestier ([86]) (le conduisant donc à réaliser une « obligation légale de débroussaillement » ou OLD), mais que cette opération détruit dans le même temps un habitat dans lequel vit une espèce d’oiseau par ailleurs protégée. Certains textes ([87]) ont certes essayé de combiner ces injonctions contradictoires – le représentant de l’État dans le département pouvant par exemple prescrire, en application de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, des « mesures d’évitement et de réduction d’impact sur les espèces protégées et leurs habitats ». Toutefois, outre qu’ils mettent en évidence l’existence malheureuse de normes contradictoires, ces textes témoignent plus globalement de l’insécurité juridique à laquelle les agriculteurs, en particulier, peuvent se trouver confrontés.
II. le dispositif proposÉ
Au regard des risques contentieux existants, le présent article 13 vise, pour reprendre les termes de l’étude d’impact, à « sécuriser la réalisation de certaines activités humaines, notamment les travaux forestiers et agricoles courants, tout en répondant aux enjeux de protection de l’environnement, en particulier lorsque ces travaux sont exécutés conformément aux autorisations délivrées ou dans le cadre d’obligations légales ».
L’article 13 prévoit ainsi, en premier lieu, que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance toute mesure permettant d’adapter l’échelle des peines applicables en cas d’atteinte à l’environnement, au sens des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement, et, le cas échéant, de substituer des sanctions administratives aux sanctions pénales existantes. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une innovation – voici plus d’un siècle que le commissaire du Gouvernement Jean Romieu pouvait affirmer que « le mode d’exécution habituel et normal des actes de la puissance publique est la sanction pénale confiée à la juridiction répressive » ([88]). Pour autant, un recours plus fréquent à des sanctions administratives a l’avantage de sanctionner plus rapidement un comportement que ne le ferait le juge pénal, tout en offrant à la personne poursuivie toutes les garanties procédurales existantes (respect des droits de la défense, motivation de la décision de sanctionner, obligation pour l’autorité prononçant la sanction d’obéir au principe d’impartialité) ([89]). Le passage en revue des législations existantes permettra ainsi de vérifier l’adéquation des peines aux faits en cause afin, par exemple de ne pas sanctionner de la même manière une personne ayant commis un dommage à l’environnement par inadvertance et celle qui en serait à son quatrième ou cinquième dommage, commis qui plus est sciemment ; on évitera également de prononcer la même peine à l’égard d’un agriculteur contrevenant et d’une entreprise multinationale qui aurait rejeté des effluents de nature à causer un dommage écologique important.
En deuxième lieu, l’article 13 prévoit que le Gouvernement pourra explorer les pistes permettant de mettre à la charge des auteurs de manquements des obligations de restauration écologique.
Enfin, en troisième et dernier lieu, le Gouvernement aura pour tâche de « nettoyer » la législation existante afin d’abroger ou de modifier les dispositions qui seraient devenues inadaptées ou obsolètes.
Dans ce cadre, le fait de permettre au Gouvernement d’effectuer ce travail dans le cadre d’une habilitation à légiférer par ordonnance paraît adapté à la nature de la réforme envisagée, tous les services de l’État compétents ayant évidemment vocation à être mobilisés dans le cadre de cette vaste entreprise. La disposition proposée par le Gouvernement paraît par ailleurs déterminer avec une précision suffisante la finalité des mesures que celui-ci envisage de prendre, compte tenu des exigences constitutionnelles applicables au contrôle que le Parlement doit exercer au stade de l’habilitation ([90]).
Rappelons également que, comme habituellement dans ce cadre et comme le dispose d’ailleurs l’article 38 de la Constitution, le Parlement pourra juger du résultat obtenu et se prononcer sur les dispositions retenues par le Gouvernement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de ratification de ou des ordonnances ainsi prises ; ces dispositions pourraient alors, si nécessaire, être amendées.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
Outre un amendement de vos rapporteurs ayant modifié l’intitulé du Titre IV du projet de loi (amendement CE3429), la commission des affaires économiques a adopté un autre amendement CE3431 de vos rapporteurs précisant la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 13. La rédaction initiale de l’alinéa 2 faisait référence au fait que, dans le cadre de l’habilitation visée à l’article 13 du projet de loi, le Gouvernement devait réexaminer la nécessité des peines appliquées ; en réalité, il s’agit moins d’examiner les peines proprement dites que la raison d’être des incriminations existantes, lesquelles peuvent ensuite conduire à appliquer ces peines, une peine devant en toute hypothèse être infligée en cas d’infraction constatée (sauf si le juge ou l’autorité compétente pour le faire en décide autrement).
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Article 13 bis (nouveau)
Présomption de bonne foi des agriculteurs en cas de contrôle de leur exploitation
Article créé par la commission
Le nouvel article 13 bis introduit dans le code des relations entre le public et l’administration une disposition suivant laquelle la bonne foi de l’agriculteur est présumée en cas de contrôle effectué sur son exploitation ou son activité.
De vifs débats ont eu lieu en commission des affaires économiques sur la possible instauration d’un droit à l’erreur au bénéfice des agriculteurs.
On sait que ce droit à l’erreur a été instauré dans notre corpus législatif par l’article 2 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite « loi ESSOC »), au bénéfice des usagers de l’administration (cette disposition étant d’ailleurs désormais codifiée à l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration). S’il peut arriver que certains dommages soient causés à l’environnement, notamment par des exploitants agricoles, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il convient de différencier les dommages causés sciemment, par négligence coupable ou réitérés, de ceux qui n’auraient été commis que par inadvertance, voire en application d’une législation existante mais, le cas échéant, mal interprétée par l’intéressé (on peut penser par exemple aux obligations légales de débroussaillement). De fait, plusieurs initiatives sont nées au sein de la commission pour étudier la possibilité d’introduire dans le code rural et de la pêche maritime (ou dans tout autre code qui serait plus adapté) un droit à l’erreur qui permettrait ainsi au contrevenant de ne pas être sanctionné, sauf à ce que sa mauvaise foi ou une fraude n’ait été prouvée.
À cet égard, Mme Anne-Laure Blin, co-auteur avec M. Eric Martineau en octobre 2023 d’une communication portant sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles[91], a déposé avec plusieurs de ses collègues un amendement CE83 proposant de compléter le chapitre III du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration par un nouvel article L. 123‑3 prévoyant, en premier lieu, que la bonne foi de l’exploitant est présumée en cas de contrôle opéré dans une exploitation agricole, en deuxième lieu, que si un manquement venait à être constaté pour la première fois, l’exploitant pourrait régulariser sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invité à le faire par l’administration sans pour autant être sanctionné et, en troisième et dernier lieu, que l’exploitant ne pourrait encourir aucune sanction si le manquement repose a priori sur une contradiction entre normes également applicables.
La généralité de certaines dispositions de l’amendement a conduit le Gouvernement, après une suspension de séance n’ayant pas permis de trouver aussitôt une rédaction juridiquement satisfaisante, à déposer un sous-amendement CE3699 supprimant les deux derniers alinéas de l’amendement et conduisant à ne garder que la présomption de bonne foi de l’agriculteur en cas de contrôle effectué sur son exploitation.
Même si l’on peut, comme cela a été évoqué en commission, se demander si la règle ainsi établie au profit des professionnels du seul secteur agricole respecte parfaitement le principe d’égalité par rapport à ceux d’autres secteurs économiques faisant l’objet de contrôles administratifs, le dispositif ne semble pas pour autant présenter une inconstitutionnalité manifeste. En effet, les agriculteurs sont placés dans une situation particulière au regard du nombre et de la complexité des règles auxquelles ils sont soumis, le plus souvent sans disposer de moyens comparables à ceux d’entreprises du secteur industriel, et cette différence de situation pourrait justifier une différence de traitement par rapport à d’autres administrés s’agissant de la mise en œuvre de ces contrôles. Par ailleurs, sur le modèle de ce qu’a prévu la loi ESSOC [92] (désormais codifiée à l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration), la logique permettant à l’administration de ne pas sanctionner une personne qui aurait commis une erreur de bonne foi ne se heurte à aucune règle juridique, la présomption de bonne foi pouvant être renversée si l’administration démontre la mauvaise foi ou la fraude commise par la personne contrôlée.
Le dispositif de ce nouvel article demandera sans doute à être affiné au cours de la navette parlementaire, notamment si l’on souhaite préciser qu’une infraction commise en application d’une règle juridique existante ne peut donner lieu à sanction, mais le principe acquis à l’issue des travaux de la commission va à l’évidence dans le bon sens.
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Article 13 ter (nouveau)
Rapport sur une généralisation de l’identification électronique et la dématérialisation de la base de données nationale d’identification animale
Article créé par la commission
Le nouvel article 13 ter demande au Gouvernement le dépôt d’un rapport évaluant la possible mise en place de la généralisation de l’identification électronique ainsi que de la dématérialisation de la base de données nationale d’identification animale (BDNI).
À l’ère du digital, et alors que la simplification et la rationalisation des tâches administratives et sanitaires ont constitué l’une des principales revendications des éleveurs lors des manifestations du début d’année, le présent amendement CE3433 vise à évaluer la pertinence et l’impact sur la filière bovine de la généralisation de l’identification électronique et la dématérialisation de la base de données nationale d’identification animale (BDNI).
Dans un contexte sociétal où les attentes sont de plus en plus fortes sur les sujets de bien-être animal, de transparence et de traçabilité des produits d’origine animale, l’identification électronique permet de répondre à ces enjeux, tout en simplifiant la gestion quotidienne des exploitations, comme le prouve son déploiement obligatoire dans les élevages des filières ovines et caprines depuis 2010. Parallèlement, la dématérialisation de cette base de données permettrait d’assurer aux éleveurs et aux services vétérinaires un accès constant à une information fiable et actualisée, ce qui simplifierait la gestion des troupeaux, améliorerait l’efficacité des contrôles sanitaires et renforcerait la confiance des consommateurs sur la provenance des produits issus de la filière bovine.
C’est dans cette optique que vos rapporteurs ont déposé cet amendement demandant la remise d’un rapport sur ce sujet, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
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Article 14
Simplification du régime de protection des haies
Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article vise à établir un régime juridique simplifié pour la protection des haies, en soumettant notamment tout projet de destruction d’une haie à une déclaration unique préalable, toute mesure de destruction étant par ailleurs soumise à une mesure de compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui précédemment détruit.
Lors des mouvements de colère des agriculteurs qui se sont fait jour au mois de janvier 2024, l’un des points de crispation, au sein des revendications portant sur la complexité des réglementations applicables, a concerné les haies.
D’aucun se seront sans doute étonnés de voir cette réglementation, peu connue et n’ayant guère donné lieu à des grandes batailles juridiques, érigée en symbole de la « folie réglementaire » s’imposant au monde agricole et, pourtant, il est vrai que le régime des haies s’avère d’une incroyable complexité.
A. la haie : une notion aux dÉfinitions multiples et aux finalitÉs diverses
1. Une définition qui reste à construire
Paradoxalement peut-être, la première complexité relative à la gestion des haies tient à sa définition.
Si tout un chacun voit à peu près ce dont il s’agit, il est étonnant que ni le code rural et de la pêche maritime, ni le code de l’environnement ne définissent à l’heure actuelle ce que l’on doit entendre par le mot « haie ».
Au niveau communautaire, il faut se référer aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) qui, dans le cadre de la politique agricole commune, constituent l’un des principaux critères de conditionnalité des aides financières européennes allouées à l’agriculture, pour trouver une définition de la haie. La nouvelle BCAE 8 ([93]), intitulée « Part minimale de la superficie agricole consacrée à des zones ou des éléments non productifs – Maintien des éléments topographiques du paysage – Interdiction de couper les haies et les arbres pendant la saison de nidification », estime ainsi que la haie doit s’entendre comme toute « unité linéaire de végétation ligneuse, d’une largeur inférieure ou égale à vingt mètres, implantée à plat, sur talus ou sur creux, avec :
– une présence d’arbustes et, le cas échéant, une présence d’arbres et/ou d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…),
– ou une présence d’arbres et d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…) ».
Au plan national, certains textes ont également tenté une définition à l’image d’un arrêté du 24 avril 2015 ([94]), dont l’article 4 définit la haie en son I comme étant « une unité linéaire de végétation ligneuse, implantée à plat, sur talus ou sur creux, avec une présence d’arbustes, et, le cas échéant, une présence d’arbres et/ou d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…) ou avec une présence d’arbres et d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…). Une discontinuité ([95]) de 5 mètres ou moins dans une haie ne remet pas en cause sa présence sur le linéaire considéré. Une discontinuité de plus de 5 mètres n’est pas considérée comme une partie du linéaire de la haie ».
Par ailleurs, certaines règles d’entretien et de taille des haies étant du ressort des préfets en application notamment du code de l’environnement, une difficulté nouvelle vient de ce que les préfectures n’ont pas forcément adopté la même définition de la haie. Ainsi, selon les sites internet de telle ou telle préfecture, la haie pourra désigner « un alignement végétal composé d’arbustes, d’arbres et/ou d’autres formations végétales, de largeur et de hauteur variables », un « ensemble linéaire, aux formes variées, d’essences végétales ligneuses se développant sur une strate herbacée », « un groupe d’arbustes et d’arbres, de longueur et de hauteur variables, de largeur faible (souvent inférieure à 10 mètres) enclavé dans des prairies, champs, cultures ou habitations, qu’elle peut délimiter » ou un « alignement végétal de largeur et de hauteur variables (…) composé d’arbustes, d’arbres et/ou d’autres espèces végétales », certains arrêtés préfectoraux pouvant également définir la haie comme « une structure végétale linéaire associant arbres, arbustes et arbrisseaux, inférieure à 10 mètres de largeur, qui pousse librement, ou est entretenue et qui constitue un habitat nécessaire à l’alimentation et à la reproduction des espèces [mentionnées dans l’arrêté] ou est susceptible d’accueillir de telles espèces » ([96]).
On le constate aisément, et d’autres documents émanant tant de services de l’État ([97]) que des chambres d’agriculture, d’associations de protection des oiseaux ou même de fédérations de chasse le corroborent, chacun y va de sa propre définition, avec des différences aussi réelles que subtiles, ce qui rend logiquement l’application de la réglementation d’autant plus malaisée.
2. La haie, un élément du milieu agricole aux enjeux multiples
La seconde grande source de complexité relative à la gestion des haies vient de la fonction que doit remplir la haie ; là encore, tout le monde n’est pas d’accord et ces débats sont anciens.
Dans la monumentale Histoire de la France rurale qu’il a dirigée, le grand médiéviste Georges Duby (1919-1996) écrivait par exemple au sujet des premiers villages agricoles danubiens (on est alors au cinquième millénaire avant Jésus-Christ) : « Selon toute probabilité, les champs et les pâtures étaient déjà bien délimités, et entourés de haies dont l’implantation et la croissance sont l’œuvre des premiers paysans. Le rôle protecteur de celles-ci est évident : écran garantissant les céréales contre les atteintes du vent, protection des cultures et des troupeaux contre certains animaux indésirables, obstacle à la divagation du bétail. En outre, ces haies ont pu donner abri à de nombreuses plantes ou arbustes dont les baies comestibles pouvaient être consommées, peut-être même déjà à des pommiers » ([98]). La dimension protectrice de la haie est alors prégnante.
Au-delà de cette fonction première, il est acquis depuis des décennies au moins que la haie revêt de multiples fonctions. Élément patrimonial dans certaines régions (on pense au bocage vendéen ou à celui de la Somme), la haie est un élément fondamental pour limiter l’érosion des sols grâce à un système racinaire important qui coupe le mouvement du vent et favorise une bonne infiltration des eaux de pluie, surtout si la haie est implantée perpendiculairement à la pente ou au talus. La haie revêt également une grande importance pour la biodiversité, fournissant nourriture (baies, fruits et fleurs par exemple) et gîte pour de nombreuses espèces d’oiseaux (verdier, linotte, tourterelle notamment) et autres animaux (insectes, rongeurs ou reptiles). Les haies jouent un rôle évident dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique en étant d’excellents capteurs de dioxyde de carbone, comme tous les végétaux, et en favorisant une bonne régulation des températures aux abords des habitations – ce bienfait étant ressenti de plus en plus fréquemment à la faveur des épisodes caniculaires que connaît désormais régulièrement notre pays. Enfin, les haies peuvent être une source non négligeable de revenus, en produisant de la biomasse, du paillage ou du bois de chauffage, sans compter la possibilité d’y récolter certaines baies (on peut penser aux mûres notamment), avant ensuite de les commercialiser.
B. la haie : une rÉglementation protÉiforme et inÉvitablement contradictoire
La complexité réglementaire applicable et dénoncée par les mouvements agricoles aux mois de janvier et février derniers n’est rien d’autre que la conséquence de l’utilité multiple des haies. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut relever les dispositions suivantes :
– le code de l’environnement comporte plusieurs dispositions permettant de protéger et de réguler l’usage qui est fait des haies, qu’il s’agisse par exemple de l’article R. 411-17 (qui permet au préfet d’interdire « la destruction des talus ou des haies » si celle-ci est de nature à porter atteinte à l’équilibre biologique ou à la fonctionnalité des milieux), de l’article R. 414-27 relatif aux listes locales Natura 2000 ou de l’article R. 422-91 (qui permet à l’arrêté instituant une réserve de chasse d’interdire ou de réglementer la destruction des talus ou des haies afin de favoriser la protection et le repeuplement du gibier par le maintien de l’équilibre biologique du territoire mis en réserve) ;
– les articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine protègent les immeubles (ce que sont des haies) ou ensembles d’immeubles « qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur ». Spécifiquement protégées au titre de la protection des « abords » d’un monument historique, les haies ainsi considérées ne peuvent être coupées, arrachées ou déplacées qu’après autorisation préalable de l’autorité administrative compétente, qui sera bien souvent l’architecte des Bâtiments de France (article L. 621-32) ;
– le code rural et de la pêche maritime permet au préfet, au titre de la protection accordée aux formations linéaires boisées, de prononcer « la protection de boisements linéaires, haies et plantations d’alignement, existants ou à créer » soit lorsque les emprises foncières correspondantes ont été identifiées en application du 6° de l’article L. 123-8 (relatif aux travaux pouvant être ordonnés par la commission communale d’aménagement foncier), soit lorsque le propriétaire en fait la demande (article L. 126-3) ; d’autres articles du code permettent également au preneur d’un bien rural, sous conditions, de faire disparaître, dans les limites du fonds loué, « les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d’améliorer les conditions de l’exploitation » (article L. 411-28) sachant que, dans le même temps, de telles opérations peuvent être prohibées si le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de certains habitats naturels, laquelle interdit « 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; » (article L. 411-1 du code de l’environnement) ;
– le code de la santé publique peut s’opposer à l’arrachage ou à la taille de haies si de telles opérations sont de nature à nuire au captage d’eau potable, le premier alinéa de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique spécifiant à cet égard qu’il peut être instauré « un périmètre de protection rapprochée à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d’installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux » ;
– enfin, on peut mentionner le code de l’urbanisme, dont l’article L. 113‑1 autorise les plans locaux d’urbanisme à « classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer », ce classement pouvant « s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d’alignements ».
Face à cette multiplicité de réglementations, qui plus est dispersées dans nombre de codes, il est bien difficile pour nos concitoyens et les professionnels de s’y retrouver.
Au-delà de ces diverses prescriptions, les agriculteurs ne peuvent faire ce qu’ils veulent à l’égard des haies, pour au moins deux raisons.
D’une part, les agriculteurs sont soumis à une conditionnalité pour bénéficier du versement d’aides de la politique agricole commune (PAC). Mis en œuvre depuis 2005, ce dispositif soumet donc le versement de certaines aides communautaires (paiements découplés, aides couplées pour des animaux ou des végétaux, ICHN, MAEC surfaciques, agroforesterie) au respect de règles de base en matière d’environnement, de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), de santé (santé publique, santé des animaux, santé des végétaux) et de bien-être des animaux. Les particularités topographiques et les éléments pérennes du paysage (dont font partie les haies au même titre que les bosquets ou les mares) sont des milieux semi-naturels, essentiels à la mise en œuvre d’une politique de développement durable, et qui forment ainsi des habitats, des zones de transition et des milieux de déplacement favorables à la diversité des espèces végétales et animales. Pour ces raisons, le maintien des haies constitue l’une des exigences de la conditionnalité au titre de la BCAE 8 (comme c’était déjà le cas dans le cadre de la BCAE 7). Si des haies sont taillées, arrachées, détruites ou déplacées en méconnaissance de la réglementation existante (notamment de l’article D. 614-52 du code rural et de la pêche maritime qui spécifie que « La taille des haies et des arbres est interdite pendant la période de nidification et de reproduction des oiseaux entre le 16 mars et le 15 août ») ([99]), les aides versées au titre de la PAC peuvent être diminuées, jusqu’à 3 %. Précisons tout de même sur ce point que les contrôles effectués sont extrêmement faibles (la réglementation européenne prévoit que, chaque année, 1 % des bénéficiaires d’aides surfaciques doivent faire l’objet d’un contrôle sur place) et souffrent de nombreuses lacunes récemment soulignées par le CGAAER ([100]).
D’autre part, nos campagnes souffrent d’une importante et constante disparition de haies depuis plusieurs années. Comme le souligne par exemple le rapport précité du CGAAER, la France a perdu en quinze ans, entre 2006 et 2021, près de 15 % de son patrimoine de haies et alignements. En 2006, la surface de haies et alignements d’arbres était de 1 003 028 hectares, contre seulement 859 350 hectares en 2021, 16 500 hectares de haies ayant disparu entre 2018 et 2020 (ce qui, sur la période 2017 – 2021, correspond à la disparition d’environ 23 500 kilomètres de haies chaque année, alors qu’elle était de 10 400 kilomètres par an entre 2006 et 2014) ([101]). Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de voir que le Gouvernement a pleinement pris la mesure de cette dégradation et décidé de mener une action volontariste en ce domaine, grâce au « Pacte en faveur de la haie » ([102]) présenté conjointement le 29 septembre dernier par M. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargée de la Biodiversité. Issue d’une concertation nationale menée au printemps 2023 par les ministères chargés de l’agriculture et de la transition écologique, ce pacte a rappelé que les haies constituent un levier essentiel de la transition agroécologique et qu’il convient de mieux valoriser les produits et les services qui en sont issus, ce qui permettra d’autant plus facilement de faciliter leur préservation et leur développement. Doté de 110 millions d’euros dès 2024 (auxquels il faut ajouter les financements existants, notamment en provenance de la PAC), ce plan reflète une véritable ambition en faveur de la haie ; il convient à l’évidence de soutenir avec force cette ambition.
II. le dispositif proposÉ
Au regard des enjeux et des difficultés rencontrées par les agriculteurs notamment pour bien appliquer la réglementation existante – l’étude d’impact soulignant à juste titre que ces « réglementations en silo obéissant à des logiques qui ne sont pas toujours compatibles (…) complexifient [également] le travail et la coordination des différents services chargés du respect de ces réglementations » ([103]) –, le I de l’article 14 du projet de loi a principalement souhaité compléter le chapitre II (« Encadrement des usages du patrimoine naturel ») du titre Ier du Livre IV du code de l’environnement par une nouvelle section 4 spécifiquement relative à la « protection des haies », cette section comprenant les articles L. 412-21 à L. 412-26 nouveaux.
En premier lieu, l’article L. 412-21 propose une définition (la première !) de la haie, qui désignerait ainsi « toute unité linéaire de végétation ligneuse comportant plusieurs essences et d’origine humaine, à l’exclusion des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique mentionnés à l’article L. 350-3 », le second alinéa de l’article rappelant la gestion durable dont les haies doivent faire l’objet.
En deuxième lieu, l’article L. 412-22 pose le principe suivant lequel tout projet de destruction d’une haie mentionnée à l’article L. 412‑21 est désormais soumis à déclaration unique préalable, qui pourra remplacer, le cas échéant, diverses législations autorisant conjointement la destruction d’une haie.
En troisième lieu, l’article L. 412-23 traite des relations entre l’autorité administrative compétente et la personne souhaitant bénéficier d’une autorisation de destruction de haie ; ainsi, l’autorité administrative pourra indiquer au demandeur que son projet est soumis à déclaration unique préalable et, notamment, lui préciser les délais d’instruction de sa demande (les travaux ne pouvant commencer avant la délivrance de cette autorisation qui est appréciée au regard des règles propres à chaque législation énumérée à l’article L. 412-24).
En quatrième lieu, l’article L. 412-24 énumère les diverses hypothèses dans lesquelles une absence d’opposition, une déclaration, une dérogation ou une autorisation pourront être remplacées par une déclaration unique préalable, qui tiendra lieu de l’ancienne réglementation applicable.
En cinquième lieu, et dans la droite ligne de ce que souhaite le « Pacte en faveur de la haie » présenté en septembre 2023, l’article L. 412-25 prévoit que toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation qui prendront la forme d’une replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit. Il est également précisé que si la personne bénéficiant de l’autorisation de détruire une haie ne respecte pas les intérêts protégés à l’article L. 412-24, l’autorité administrative pourra lui imposer des prescriptions complémentaires à cette fin.
En sixième et dernier lieu, l’article L. 412-26 renvoie assez classiquement à un décret en Conseil d’État le soin de définir et de mettre en œuvre la nouvelle section 4, notamment en ce qui concerne les périodes pendant lesquelles des haies pourront être détruites, les modalités de mise en œuvre de la déclaration unique préalable et les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie peut faire l’objet de mesures de compensation.
Le II de l’article 14 complète également le I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement par un 19° nouveau, précisant que l’autorisation environnementale régie par les articles L. 181-1 à L. 181-32 du code de l’environnement tient lieu d’absence d’opposition à déclaration ou autorisation unique de destruction d’une haie telles que prévues par les articles L. 412-22 et L. 412-23 nouveaux.
Enfin, le III du même article complète l’article L. 181-3 du code de l’environnement, en prévoyant que l’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également le respect des conditions de non-opposition à la déclaration unique ou de délivrance de l’autorisation unique, préalables à la destruction de haies et prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du même code.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
Après avoir adopté un amendement CE255 de Mme Chantal Jourdan afin de modifier le titre de la nouvelle section 4 sur les haies, créée au sein du chapitre II du titre Ier du Livre IV du code de l’environnement, la commission a adopté un amendement CE3432 de vos rapporteurs, simplifiant et clarifiant la définition de la haie au sens où il faut désormais l’entendre dans le code de l’environnement (article L. 412-21 nouveau). Outre la définition en tant que telle, cet amendement a souhaité préciser qu’elle concernait désormais toutes les haies, au sens générique du terme, sans la cantonner à la notion d’« unité linéaire de végétation ligneuse » utilisée dans le cadre de la politique agricole commune pour la mise en œuvre des bonnes conditions agricoles et environnementales. En outre, plutôt que de circonscrire le champ d’application du dispositif aux haies multi-essences d’origine humaine que sont généralement les haies agricoles, cet amendement précise explicitement que ne sont pas concernées les haies entourant un bâtiment, les haies implantées sur une place et les haies situées autour ou à l’intérieur d’un jardin ou d’un parc attenant à une habitation.
Ensuite, la commission a adopté plusieurs amendements identiques (CE338 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues, CE923 de M. Francis Dubois, CE1433 de M. Charles de Courson et CE3078 de M. Benoît Bordat) afin d’étendre le champ des hypothèses (en en ajoutant trois nouvelles à celles d’ores et déjà prévues à l’article 14 du projet de loi) dans lesquelles la déclaration préalable unique permettant de détruire une haie peut se substituer à une autorisation ou à une déclaration existant dans une autre réglementation applicable.
Enfin, elle a adopté un amendement CE1025 de M. Julien Dive précisant que l’application de l’article L. 411-1 du code de l’environnement relatif à la période de taille des haies existant sur des espaces agricoles doit tenir compte des spécificités de chaque territoire, notamment climatiques et pédologiques (tenant donc à la composition et à la qualité des sols), afin qu’il n’y ait pas de réglementation unique sur l’ensemble du territoire relative aux possibles dates de taille des haies.
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Article 15
Contentieux de certaines décisions en matière agricole
Article adopté par la commission sans modification
Le présent article vise, sur le modèle de ce qui existe en droit de l’urbanisme, à accélérer le contentieux portant devant la juridiction administrative sur certains projets de retenues d’eau ou d’élevages, afin de trouver un équilibre entre le droit au recours des requérants et la stabilité juridique des porteurs de projets.
A. unE JUDICIARISATION PRÉJUDICIABLE À LA RÉALISATION DE CERTAINS PROJETS AGRICOLES
La petite commune de Sainte-Soline, au sud-est du département des Deux-Sèvres, restera longtemps célèbre pour avoir vu des affrontements violents se dérouler, le 25 mars 2023, autour du projet de construction d’une méga-bassine de plus de 10 hectares (pour un volume attendu de 628 000 mètres cubes d’eau recueillis). Il ne rentre pas dans le cadre du présent rapport d’apprécier les avantages et les inconvénients de cette technique (qui, à la différence des retenues collinaires qui recueillent l’eau de ruissellement provenant des pluies ou de la fonte des neiges, se remplissent en pompant directement dans les nappes phréatiques) ([104]), mais il convient de souligner combien ce type de projets a pu susciter la contestation et, de fait, la multiplication des procédures, notamment devant le juge administratif. Comme le spécifiaient les conclusions de ce que l’on a appelé le « Varenne agricole de l’eau » présentées le 1er février 2022, « La disponibilité de la ressource en eau est un enjeu central pour les productions agricoles. La protection de la ressource en eau, tout comme le respect des équilibres naturels et d’une gestion durable, relèvent de l’intérêt général. À l’heure du changement climatique, les tensions autour de la ressource en eau entre les différents usages deviennent de plus en plus visibles, notamment à l’étiage quand les prélèvements agricoles interviennent » ([105]).
Ces projets, qui ont notamment pour effet d’entraîner « des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, [ainsi qu’une potentielle] modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux », sont soumis à un régime d’autorisation ou de déclaration comme le spécifie la section 1 (« Régime d’autorisation ou de déclaration », soit les articles L. 214-1 à L. 214-11) du chapitre IV (« Activités, installations et usage ») du Titre Ier (« Eau et milieux aquatiques et marins ») du Livre II du code de l’environnement. Fortement contestés tant par des riverains que par des associations de protection de l’environnement, ces projets ont pu donner lieu à de nombreux recours qui, du strict point de vue temporel, ont pu en retarder la réalisation (quand celle-ci n’a pas été finalement abandonnée en cours de route) pendant plusieurs années. Ainsi, par un récent jugement du 11 avril 2023 ([106]), le tribunal administratif de Poitiers a définitivement rejeté les requêtes déposées par plusieurs associations de défense de l’environnement contre deux arrêtés préfectoraux des 23 octobre 2017 et 20 juillet 2020 autorisant la construction et le remplissage de plusieurs réserves de substitution dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Charente-Maritime. L’affaire est désormais pendante devant le Conseil d’État. À l’inverse, ce même tribunal a, par deux jugements du 3 octobre 2023 ([107]), annulé deux arrêtés préfectoraux contestés notamment par l’association Poitou-Charentes nature et la Ligue française pour la protection des oiseaux qui autorisaient la création et l’exploitation de quinze réserves de substitution ; là encore, le Conseil d’État est saisi d’un pourvoi en cassation, allongeant d’autant plus la réalisation ou l’abandon du projet en cause.
Il en va de même pour les projets visant à construire ou étendre des élevages existants, qui suscitent là aussi l’opposition aussi bien des riverains que des associations de protection de l’environnement. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été engagées en vue de faciliter certaines opérations comme les extensions d’installations existantes ou comme la simplification de certaines procédures ; citons à cet égard la proposition de loi de notre collègue et rapporteure Nicole Le Peih sur les troubles anormaux de voisinage ([108]) ou la prise du futur décret créant un nouvel article R. 122-2-1 au sein du code de l’environnement, permettant de prévoir que l’autorité compétente pour autoriser ou recevoir la déclaration d’un projet (notamment d’élevage extensif) pourra soumettre à examen au cas par cas tout projet situé en-deçà des seuils de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 sous réserve que celui-ci soit susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement ([109]). Dans la droite ligne de ces initiatives qui permettront de libérer l’activité agricole tout en veillant à ce que celle-ci n’ait pas de conséquence néfaste sur l’environnement, il importe également de limiter les contentieux qui, là aussi, peuvent durer plusieurs années ([110]) et ainsi plonger tous les intéressés dans l’expectative, poussant éventuellement les agriculteurs à abandonner leurs projets face à l’épuisement contentieux dont ils s’estiment alors victimes.
B. les accÉlÉrations contentieuses opÉrÉes en droit de l’urbanisme
Avant de s’intéresser au dispositif proposé par l’article 15 du projet de loi, il convient au préalable de rappeler la manière dont tant le législateur que le juge administratif ont essayé de simplifier le contentieux de l’urbanisme, qui présente à l’évidence certaines analogies avec le contentieux des ouvrages hydrauliques et des installations d’élevage.
Pour des raisons fort diverses, motivées d’ailleurs aussi bien par des préoccupations d’ordre personnel (citons pêle-mêle le refus de voir une construction s’élever trop près de son domicile et dont on pourrait craindre tous types de nuisances ou la peur de voir une construction trop haute et trop proche de son domicile obscurcir la vue dont on dispose depuis son salon) que d’intérêt général (empêcher la coupe d’arbres pour construire un immeuble d’habitation sur l’espace ainsi libéré), le contentieux de l’urbanisme n’a cessé de prendre de l’ampleur. Mais, comme l’avait souligné Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, dans un discours ([111]) ouvrant la journée des Entretiens du contentieux, le 29 novembre 2022, qui était alors consacré à la « Politique de l’urbanisme, droit à construire et juge administratif », cette complexité a eu des retours heureux : « Confronté à ces difficultés, le développement du contentieux a toutefois, en retour, permis la création de remèdes ingénieux. Ils doivent limiter les recours parfois malveillants ou abusifs, et donner des solutions effectives et pratiques aux litiges dont le juge a à connaître. Qu’il s’agisse des questions de recours (compétence juridictionnelle, recevabilité et pouvoir d’instruction) ou de l’office du juge, le droit de l’urbanisme est à bien des égards un ‘‘laboratoire’’ du droit, pour reprendre l’idée de Daniel Labetoulle ».
La volonté d’intervenir dans le contentieux de l’urbanisme était justifiée par les mêmes motifs que ceux invoqués à l’appui de l’article 15 du présent projet de loi : a ainsi été principalement cité « un lien, toutefois jamais établi » ([112]) entre la faiblesse de la construction et le nombre de recours ou la durée pour les juger. La volonté d’accélérer les procédures et le traitement des recours s’est ainsi traduite par une volonté de favoriser la régularisation des actes attaqués, permettant ainsi de purger un acte de l’éventuelle illégalité l’ayant atteint sans pour autant prononcer une annulation globale qui aurait conduit à reprendre la procédure en cours à son début. Était ainsi trouvé un intéressant équilibre entre principe de légalité (un requérant peut continuer de voir ses moyens accueillis dans le cadre d’un procès administratif) et stabilisation des situations juridiques (en évitant une complète remise en cause de certains processus décisionnels qui peuvent parfois prendre des années).
À cet égard, le code de l’urbanisme compte désormais quelques articles dont l’utilité est patente pour favoriser l’aboutissement de certaines opérations d’urbanisme :
– l’article L. 600-5 (issu de l’article 11 de la loi « ENL » de 2006 et modifié substantiellement par l’article 80 de la loi « ELAN » de 2018) ([113]) permet désormais au juge de prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme dans le cas où, après avoir constaté que les autres moyens soulevés devant lui n’étaient pas fondés, il estime « qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé ». Dans ce cas, il limite son annulation à cette seule partie ; il peut également fixer le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation d’urbanisme pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux ;
– l’article L. 600-5-1 (issu pour sa part de l’article 2 de l’ordonnance du 18 juillet 2013) ([114]) dispose pour sa part que, sous réserve qu’il ait constaté dans le cadre d’un contentieux porté devant lui que les autres moyens soulevés devant lui ne sont pas fondés et qu’un vice entraînant l’illégalité de cette autorisation est susceptible d’être régularisé, le juge administratif doit surseoir à statuer et fixer par là même un délai permettant à l’autorité administrative de procéder à la régularisation du vice, que celui-ci d’ailleurs affecte une partie seulement ou la totalité du permis initial.
Il convient de préciser ici, d’une part, que le juge a le choix entre les deux procédures, le début de l’article L. 600-5-1 commençant par les mots « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5 » et, d’autre part, que le juge n’est pas obligé de surseoir à statuer si le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme a indiqué ne pas souhaiter bénéficier d’une mesure de régularisation ([115]).
II. le dispositif proposÉ
C’est donc au regard des règles applicables en droit de l’urbanisme, et principalement des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, que l’article 15 du présent projet de loi propose d’instituer un dispositif contentieux spécifique dont les particularismes ont d’ailleurs donné lieu à de vives critiques de la part du Conseil d’État dans le cadre de l’avis rendu sur le projet de loi, le Conseil en étant arrivé à une conclusion des plus laconiques : « Le Conseil d’État estime, dans ces conditions, que les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose, en conséquence, de ne pas les retenir » ([116]).
L’article 15 propose donc de compléter le titre VII du livre VII du code de justice administrative par un nouveau chapitre XV intitulé « Le contentieux de certaines décisions en matière agricole ». Ce nouveau chapitre comporte quatre articles qui sont les suivants :
– l’article L. 77-15-1, qui détermine le champ d’application du nouveau régime contentieux.
Seuls certains projets sont concernés : il s’agit uniquement des projets qui nécessitent des installations, ouvrages, travaux ou activités soumis à l’article L. 214-1 du code de l’environnement et des projets qui nécessitent une installation soumise aux dispositions de l’article L. 511-1 du même code (c’est-à-dire les installations classées pour la protection de l’environnement ou ICPE) mais qui ne peut concerner que l’élevage animal, les couveuses ou la pisciculture. En outre, au sein de ces projets, seules certaines décisions individuelles sont concernées, c’est-à-dire que la procédure définie au présent article ne s’applique que dans le cas d’un recours juridictionnel formé contre ces décisions limitativement énumérées aux alinéas 15 à 24 de l’article 15.
– l’article L. 77-15-2, qui concerne les décisions pouvant être prises par le juge administratif dans le cadre de certains contentieux :
→ le 1° du I propose, dans une formule calquée sur l’article L. 600‑5 du code de l’urbanisme, de permettre au juge administratif de n’annuler que partiellement une décision individuelle visée au III de l’article L. 77-15-1 du code de justice administrative. Cela n’est toutefois possible qu’une fois que le juge a constaté que les autres moyens soulevés devant lui ne sont pas fondés, et seulement s’il estime qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande ; il demande alors à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase d’instruction ou sur la partie de la décision qui a été entachée d’irrégularité ;
→ le 2° du I propose, dans une formule calquée cette fois-ci sur l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, que le juge, après avoir constaté que les autres moyens soulevés devant lui ne sont pas fondés, s’il estime qu’un vice entraînant l’illégalité de l’une des décisions visées au III de l’article L. 77-15-1 du code de justice administrative est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer (c’est donc une obligation, comme dans le cadre du droit de l’urbanisme) jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour que cette régularisation soit effectuée. Si une mesure de régularisation est effectivement notifiée au juge dans le délai imparti, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ;
→ le dernier alinéa du I précise, pour sa part, en une seule phrase (mais rassemblant deux dispositions qui figurent respectivement aux articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme), que le juge doit motiver sa décision s’il refuse de faire droit à une demande d’annulation partielle (dans le cadre du 1° de l’article L. 77-15-2 du code de justice administrative) ou de sursis à statuer (2° de l’article L. 77-15-2 du même code) ;
→ le II de l’article laisse enfin à la discrétion du juge le soin de déterminer, dans le cas où une partie de la décision est annulée (hypothèse du 1° du I) ou dans celui où le sursis est prononcé (2° du I), s’il convient ou non de suspendre l’exécution du reste de la décision qui ne serait pas viciée.
– l’article L. 77-15-3, qui définit un principe propre au contentieux administratif, assez technique.
Si le juge administratif admet depuis plusieurs années la faculté de rouvrir l’instruction lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci ([117]), le dispositif applicable au contentieux de l’urbanisme est spécifique. Rappelons que l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’article 80 de la loi ELAN, dispose que :
« Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort (...) ».
Par ces dispositions, le législateur a entendu enserrer dans des délais particuliers la possibilité d’assortir une requête ayant pour objet l’annulation d’une autorisation d’urbanisme (telle qu’un permis d’aménager) d’une demande de suspension de l’exécution de cet acte afin de ne pas ralentir de façon excessive la réalisation du projet autorisé par ce permis ([118]). Comme le Conseil d’État a pu le préciser, le principe ainsi retenu a eu pour objet de faire en sorte que l’expiration du délai fixé pour la « cristallisation des moyens » soulevés dans le cadre du recours au fond dirigé contre un permis de construire ait également pour effet, par une sorte de parallélisme des formes, de rendre irrecevable l’introduction d’une demande en référé tendant à la suspension de l’exécution de ce permis qui serait présenté au-delà de ce même délai de deux mois ([119]).
Précisons en outre que l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme sur la cristallisation des moyens prévoit que :
« Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative.
« Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l’article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant.
« Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie. »
Comme a eu l’occasion de l’expliciter le Conseil d’État ([120]), il résulte de cet article que la cristallisation des moyens qu’il prévoit intervient à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense produit dans l’instance par l’un quelconque des défendeurs.
Le Conseil a ensuite eu l’occasion de préciser que l’article R. 600-5 du code de de l’urbanisme avait pour effet de faire en sorte qu’un moyen nouveau présenté après l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense était, en principe, irrecevable. Mais que, pour autant, le président de la formation de jugement a toujours la faculté de fixer une nouvelle date de « cristallisation des moyens » (figeant une situation contentieuse en quelque sorte), qui permet d’accueillir de nouveaux moyens au-delà de la limite initialement prévue, s’il estime que les circonstances de l’affaire le justifient. Tel est notamment le cas lorsque le nouveau moyen dont veut exciper une partie est fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont la partie concernée n’était pas en mesure de faire état avant l’expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est, dès lors, susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire ([121]). Enfin, le Conseil d’État a précisé que, lorsque le président de la formation de jugement a déterminé une nouvelle date de cristallisation des moyens, le délai dans lequel une requête en annulation d’une autorisation d’urbanisme peut être assortie d’une demande de suspension est rouvert, mais seulement jusqu’à l’expiration du nouveau délai ainsi fixé pour la cristallisation des moyens ([122]).
En l’espèce, le nouvel article L. 77-15-3 du code de justice administrative précise, dans un souci d’accélération des procédures, qu’une requête en référé suspension (fondée sur l’article L. 521-1 du même code) formée contre l’une des décisions visées au III de l’article L. 77-15-1 ne peut être déposée que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. En d’autres termes, il reprend, pour le contentieux spécifique des décisions visées au III de l’article L. 77-15-1 du code de justice administrative, le dispositif établi à l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, précisant à cet égard – comme le fait le deuxième alinéa de l’article L. 600-3 – que la condition d’urgence prévue pour déposer un référé suspension est présumée satisfaite, le requérant devant seulement faire état, dans sa requête en référé, d’un « moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » attaquée (article L. 521-1 du code de justice administrative).
– l’article L. 77-15-4, enfin, qui précise, dans son I, que la durée de validité de l’autorisation accordée par la décision attaquée demeure valide jusqu’à ce que la juridiction saisie se soit prononcée au fond. Quant au II, il précise uniquement que les nouvelles dispositions des articles L. 77-15-2 à L. 77-15-4 s’appliquent seulement pour l’avenir (aux requêtes « enregistrées à compter de la date de publication de la présente loi »), ce qui sécurise juridiquement le dispositif.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La Commission a adopté l’article 15 sans modification.
Même si le nombre de recours contre les projets concernés s’avère très faible (cent au plus) au regard du nombre d’affaires jugées chaque année par les tribunaux administratifs (243 089 affaires en 2023), la commission a estimé ces dispositions particulièrement importantes au regard des enjeux existants. La capacité à pouvoir disposer de réserves d’eau suffisantes, de nature à pallier des épisodes de sécheresse de plus en plus récurrents, est indispensable pour notre agriculture, celle-ci étant désormais consacrée comme d’« intérêt général majeur » à l’article 1er du projet de loi. L’existence de cet intérêt général s’attachant à la préservation et à la poursuite des activités agricoles, dans toute la mesure du possible également en cas de contentieux, devrait être prise en compte pour nuancer les critiques, émises en commission, selon lesquelles l’adaptation des procédures prévues par cet article pourrait porter atteinte au principe d’égalité devant la justice. Comme cela a été précédemment rappelé, de telles adaptations procédurales ne sont pas sans précédent si l’on considère les récentes évolutions du droit de l’urbanisme.
Ainsi, s’inspirant du droit déjà applicable pour le contentieux en matière d’urbanisme, le dispositif de l’article 15, qui permet d’accélérer le traitement contentieux des recours contre ces projets agricoles tout en préservant le droit de recours des personnes et associations intéressées, répond à une forte attente des professionnels du monde agricole et conduit à un compromis que l’on ne peut que saluer.
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Article 16
Règles applicables aux détenteurs de chiens de protection de troupeaux
Adopté par la commission avec modification
L’article 16 prévoit que la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) peut être modifiée sans que le principe légal de non-régression en matière de protection de l’environnement ne s’y oppose, concernant les chiens de protection de troupeaux.
En outre, il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi permettant de fixer des règles adaptées d’engagement de la responsabilité pénale en cas de dommages causés par les chiens de protection de troupeaux.
Le recours aux chiens de protection de troupeaux par les éleveurs apparaît comme un moyen efficace pour protéger les troupeaux contre les grands prédateurs, au premier rang desquels se trouve le loup, mais aussi l’ours ou le lynx.
Son intérêt et son efficacité ont été reconnus, notamment dans le cadre du Plan national d’action Loup, dans ses versions successives. Le recours à ce moyen de protection est d’ailleurs encouragé par l’État, tant au travers du dispositif d’aide à la protection contre la prédation que par le biais de la conditionnalité posée à l’indemnisation consécutive à une attaque de loup.
Le nombre de ces chiens est aujourd’hui estimé à plus de 6 500.
Face à l’expansion tant démographique que géographique des loups sur le territoire français, le recours à ce moyen de protection efficace doit continuer à être encouragé et facilité. À ce titre, l’adaptation de la réglementation applicable à l’utilisation de ces chiens apparaît nécessaire.
La législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) a notamment pour objet la protection du voisinage, de la sécurité et la salubrité publique, de l’agriculture, ou encore de la protection de la nature et de l’environnement contre les dangers ou inconvénients provoqués par les installations d’élevage. Les intérêts que cette réglementation protège sont cités à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
L’annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement établit la nomenclature des ICPE. La rubrique 2120 de cette annexe concerne les établissements ayant une activité d’élevage, de vente, de transit, de garde, de détention, de refuge, ou de fourrière de chiens. Il en résulte qu’à partir de 10 chiens âgés de plus de 4 mois détenus et jusqu’à 50 animaux, l’établissement est soumis à un régime de déclaration. Le régime de la déclaration implique, pour les installations qui y sont soumises, de déclarer leur activité auprès du préfet et de respecter les prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 2120 prévues par l’arrêté du 8 décembre 2006. Lorsque l’établissement compte de 51 à 250 chiens, le régime de l’enregistrement est applicable, tandis que lorsque le nombre de 250 chiens est dépassé, le régime de l’autorisation s’impose.
Il n’est pas rare que ce seuil de dix chiens soit atteint par des éleveurs ou des bergers dès lors qu’aux chiens de protection de troupeaux s’ajoutent les chiens de conduite des troupeaux, les chiens de chasse ou les chiens qu’ils possèdent pour leur seul agrément.
Or, les prescriptions imposées par cette réglementation relative aux ICPE ne sont pas toujours en adéquation avec les nuisances induites par ces installations. Certaines prescriptions sont incompatibles avec le pastoralisme et peu justifiées. Ces difficultés se posent en des termes différents selon que les troupeaux, donc les chiens de protection, se trouvent en alpage, en pâturage dans des zones habitées, ou en bergerie.
Les difficultés d’application concernent les règles d’implantation des bâtiments, annexes et parcs d’élevage, les règles relatives à la lutte contre la fuite des animaux et les règles relatives aux valeurs limites de bruit ([123]). En particulier, les mesures concernant la surveillance du site en permanence et son accès par les services de secours via une voie-engin ne sont pas adaptées à un pâturage en altitude. A contrario, les prescriptions sur les distances, l’installation devant être à 100 mètres minimum des tiers, sont difficilement respectées dans des villages de montagne, alors que les élevages sont implantés de longue date ([124]).
Le propriétaire ou le détenteur d’un chien de protection des troupeaux qui porte atteinte à une personne peut voir sa responsabilité pénale engagée dès lors qu’il a commis une faute.
Les infractions prévues en la matière sont applicables aux atteintes aux personnes causées par tous les chiens, quels qu’ils soient. Elles n’ont pas été conçues pour appréhender spécifiquement la problématique des morsures par les chiens de protection de troupeaux.
Les textes de niveau réglementaire prévoient différentes infractions en fonction du degré de gravité de l’atteinte. Ainsi, en l’absence d’incapacité totale de travail (ITT) de la victime, une faute simple du propriétaire ou du détenteur de l’animal l’expose à une contravention de deuxième classe, alors qu’une faute caractérisée l’expose à une contravention de cinquième classe.
En présence d’une incapacité totale de travail pour la victime, des dispositions de niveau législatif spécifiques aux agressions commises par un chien s’appliquent. Il s’agit des infractions de blessures ou d’homicide involontaire prévues aux articles 221-6-2, 222-19-2 et 222-20-2 du code pénal.
Si la victime a subi une ITT de moins de 3 mois, l’article 222-20-2 du Code pénal dispose que « le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».
Si la victime a subi une ITT supérieure à 3 mois, l’article 222-19-2 prévoit que « le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
Pour l’homicide involontaire qui résulte de l’agression commise par un chien, l’article 221‑6‑2 prévoit que « le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque : (…) 3° Le propriétaire ou le détenteur du chien n’avait pas exécuté les mesures prescrites par le maire, conformément à l’article L. 211-11 du code rural, pour prévenir le danger présenté par l’animal ; (…) 7° Il s’agissait d’un chien ayant fait l’objet de mauvais traitements de la part de son propriétaire ou de son détenteur. »
Ces infractions constituent des délits involontaires au sens de l’article 121‑3 du code pénal, qui prévoit que : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »
Ainsi, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement dans deux cas : s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il résulte de ces dispositions qu’une infraction involontaire suppose a minima une faute simple, laquelle est constituée par la maladresse, l’imprudence, la négligence ou la violation d’une obligation particulière. En jurisprudence, la faute simple est assez facilement établie.
Cependant, dans le cas des personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage (cas dit de « causalité indirecte »), la faute qualifiée est requise. Or, en pratique il semble que le propriétaire d’un chien de protection des troupeaux ayant mordu autrui se trouve dans cette situation.
Il existe deux types de faute qualifiée : la faute de mise en danger délibérée qui suppose d’une part la violation d’une obligation particulière, mais aussi et surtout, la volonté manifestement délibérée d’exposer autrui à un risque, seuil qui est en pratique très difficile à atteindre, et la faute caractérisée qui consiste en une faute grave (faute évidente ou résultant de multiples fautes simples), ainsi qu’un deuxième critère qui est le véritable déterminant : le fait que l’auteur avait connaissance ou devait avoir connaissance du risque auquel il exposait autrui.
Il résulte de ces dispositions que les cas d’engagement de la responsabilité du propriétaire sont extrêmement rares et supposent en principe la commission de fautes ou manquements particulièrement graves de la part du propriétaire.
Le Conseil d’État a jugé que le pouvoir réglementaire ne peut, sans porter atteinte au principe législatif de non-régression de la protection de l’environnement, assouplir la réglementation en matière d’ICPE applicable à certaines installations, sans faire état d’éléments permettant d’établir que ces installations ne font pas courir de risque à l’environnement ou à la santé humaine ou que la nature d’un tel risque a changé ou que la procédure issue de la modification de la réglementation opérée, offrirait une protection équivalente à celle qu’assuraient les règles antérieurement à leur modification ([125]).
Le I de l’article 16 prévoit que le principe de non-régression ne s’oppose pas, en ce qui concerne les chiens de protection de troupeau, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du code de l’environnement.
Ainsi, cette disposition permettra au pouvoir réglementaire de modifier la nomenclature applicable aux élevages de chiens, afin de répondre aux problèmes d’inadaptation de cette réglementation concernant les chiens de protection de troupeaux.
Le II de l’article 16 prévoit que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour adapter les règles d’engagement de la responsabilité pénale des éleveurs en cas de dommages causés par leurs chiens.
L’objectif est de rassurer les propriétaires ou détenteurs de chiens de protection de troupeaux quant au risque d’engagement de leur responsabilité pénale du fait des dommages causés par leurs chiens, afin de les inciter à recourir encore davantage à ce moyen de protection contre la prédation du loup.
Une telle adaptation de la responsabilité pénale des propriétaires de chiens concernera certainement les infractions d’atteintes involontaires aux personnes évoquées précédemment. Il pourrait, par exemple, être explicitement prévu que le propriétaire d’un chien de protection de troupeaux ne peut être considéré que comme ayant causé indirectement le dommage, ce qui reviendrait à créer une présomption irréfragable de causalité indirecte, qui nécessiterait la démonstration d’une faute qualifiée (cf. I.2 supra).
Ce type d’adaptation pour les propriétaires de chiens de protection des troupeaux semble admissible au regard du principe d’égalité devant la loi pénale, le Conseil constitutionnel admettant les différences de traitement si elles résultent d’une différence de situation et si elles sont justifiées par l’objet de la loi.
Les propriétaires ou détenteurs de chiens de protection de troupeaux bénéficient d’ailleurs déjà d’un cadre juridique dérogatoire en application de l’article L. 211-23 du code rural et de la pêche maritime. Cet article prohibe la divagation d’un chien, en assortissant cette interdiction d’une sanction pénale (article R. 622-2 du code pénal) et tout en prévoyant qu’un chien qui se trouve en action de protection d’un troupeau ne peut être considéré comme étant en état de divagation.
Par ailleurs, les dispositions qui seront adoptées sur le fondement de cette habilitation ne pourront pas concerner le droit à réparation des victimes pour les dommages que leur ont causés des chiens de protection de troupeaux. Les règles d’engagement de la responsabilité civile n’entrent pas dans le champ de l’habilitation.
Enfin, l’habilitation proposée paraît préciser correctement, au regard de l’article 38 de la Constitution, la finalité des mesures que le Gouvernement envisage de prendre par ordonnance – le Parlement conservant ultérieurement la possibilité de procéder si nécessaire, au stade de la ratification des ordonnances, à des modifications de leur contenu.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté un amendement rédactionnel CE3391 des rapporteurs et l’article 16 ainsi modifié.
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Article 17
Règles applicables au compostage de la laine et à l’aquaculture
Adopté par la commission sans modification
L’article 17 comprend des dispositions relatives aux activités de valorisation des sous-produits lainiers et aux activités aquacoles, qui visent à faciliter leurs conditions d’exercice.
Il prévoit que la réglementation des ICPE peut être modifiée sans que le principe légal de non-régression en matière de protection de l’environnement ne s’y oppose, concernant les sous-produits lainiers.
Il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier, concernant l’aquaculture, les règles applicables aux ICPE et aux installations, ouvrages, travaux ou activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA).
La réglementation ICPE ne prévoit pas spécifiquement le cas du compostage de la laine. Celui-ci est, par conséquent et par défaut, couvert par la rubrique 2780-3 « compostage d’autres déchets » sous le régime d’enregistrement dès le premier gramme de matière compostée.
La rubrique 2780-1 encadre le « compostage de matière végétale ou déchets végétaux, d’effluents d’élevage, de matières stercoraires ». Elle couvre ainsi les matières d’origine animale ou végétale identifiées comme compostables dans des conditions compatibles avec une exploitation agricole. En application de la nomenclature applicable à cette rubrique, le compostage des effluents d’élevage est soumis à déclaration à partir de trois tonnes de matières entrantes par jour.
Cependant, la laine n’est pas explicitement prévue dans cette rubrique car, au moment de sa création, il n’était pas envisagé de composter cette matière. Ce contexte a changé du fait de l’évolution des marchés de la laine.
B. Deux réglementations applicables aux installations de pisciculture d’eau douce
L’étude d’impact annexée au présent projet de loi souligne que la production française de poissons issus d’élevage marin stagne autour de 5 000 tonnes par an depuis une dizaine d’années, alors que la consommation française augmente, ce qui conduit à une balance commerciale déficitaire.
En 2020, la balance commerciale des produits de la pêche et de l’aquaculture était en déficit de 4,3 milliards d’euros. Même pour les principales espèces piscicoles produites en France (truite, bar, daurade, carpe), la balance commerciale est négative.
Les règles applicables aux installations de pisciculture d’eau douce sont identifiées comme étant un facteur limitant le développement de la filière.
La pisciculture d’eau douce est, en effet, le seul élevage qui a la particularité de relever des deux nomenclatures : la nomenclature installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (dites IOTA), prévue par l’annexe à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, et la nomenclature ICPE prévue par l’annexe à l’article R. 511-9 du même code.
Les projets soumis à la nomenclature IOTA font l’objet d’une déclaration, qui implique l’instruction du dossier et la délivrance d’un récépissé, tandis que les projets relevant de la nomenclature ICPE font l’objet d’une autorisation pour les installations d’une capacité supérieure à 20 tonnes par an et d’une déclaration pour les installations d’une capacité inférieure à 20 tonnes par an. La procédure d’autorisation implique une phase d’instruction, une consultation publique, puis un arrêté préfectoral.
Les acteurs peuvent passer de la soumission de l’une de ces réglementations à une autre. Ainsi, un projet soumis à déclaration IOTA en dessous de 20 tonnes par an, dont la production augmente et dépasse ce seuil, sera alors soumis à autorisation ICPE, laquelle sera instruite par un service différent.
En outre, les services déconcentrés de l’État chargés de l’instruction des dossiers IOTA et des dossiers ICPE ne sont pas les mêmes. Les directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou, selon les départements, les directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP), sont compétentes, sous l’autorité du préfet de département, pour l’instruction des procédures ICPE. Les directions départementales des territoires (DDT) sont compétentes pour l’instruction des procédures IOTA.
Par ailleurs, il n’existe pas de seuil harmonisé au niveau européen et les entreprises françaises font face à des seuils bien plus bas que leurs concurrents espagnols et grecques, pour lesquels les seuils s’établissent plutôt autour de 500 tonnes par an, conduisant certaines entreprises soit à plafonner leurs activités pour ne pas dépasser ce seuil, soit à se positionner en situation irrégulière.
Enfin, les piscicultures font l’objet d’un agrément sanitaire et zoosanitaire, d’une autorisation au titre du code de l’urbanisme et, spécifiquement pour les piscicultures marines, d’une autorisation d’exploitation culture marine au titre de l’occupation du domaine public maritime.
Les acteurs du secteur ou ceux qui souhaiteraient l’investir sont donc confrontés à une complexité particulièrement marquée de la réglementation, qui nuit au développement de la filière.
Le Conseil d’État a jugé que le pouvoir réglementaire ne peut, sans porter atteinte au principe législatif de non-régression de la protection de l’environnement, assouplir la réglementation en matière d’ICPE applicable à certaines installations, sans faire état d’éléments permettant d’établir que ces installations ne font pas courir de risque à l’environnement ou à la santé humaine, ou que la nature d’un tel risque a changé, ou encore que la procédure issue de la modification de la réglementation opérée offrirait une protection équivalente à celle qu’assuraient les règles avant leur modification ([126]).
Le I de l’article 17 prévoit que le principe de non-régression ne s’oppose pas, en ce qui concerne les sous-produits lainiers, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du code de l’environnement.
L’objectif est de soumettre la laine, au vu de la nature de la matière, des volumes concernés et du procédé à la ferme, au même encadrement réglementaire que celui applicable aux effluents d’élevage.
Pour ce faire, un décret en Conseil d’État pourra être pris, sans que le principe de non-régression en matière de protection de l’environnement ne s’y oppose, afin de modifier la rédaction de la sous-rubrique 2780-1 à l’annexe (4) de l’article R. 511-9 du code de l’environnement. La laine sera ajoutée à la liste actuelle qui concerne les matières végétales ou déchets végétaux, les effluents d’élevage et les matières stercoraires.
Cette modification permettra d’accompagner la filière ovine en alignant les prescriptions s’appliquant au compostage de la laine avec celles s’appliquant aux effluents d’élevage.
B. Habiliter le Gouvernement à simplifier les règles applicables aux piscicultures
Concernant la pisciculture, le II de l’article 17 prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de prendre les mesures relevant du domaine de la loi qui seront nécessaires pour adapter les régimes IOTA et ICPE applicables à l’aquaculture.
Le plan aquaculture d’avenir 2021‑2027 validé par la Commission européenne sur le fondement de l’article 34 de la politique commune de la pêche prévoit, dans ses actions 1.6.1 et 1.6.2, de créer un régime d’enregistrement des ICPE et d’augmenter le seuil d’autorisation des ICPE.
Plusieurs scenarii devront être étudiés. Une première option consisterait en un retrait de l’aquaculture de la rubrique IOTA et en son maintien dans la nomenclature des ICPE (piscicultures d’eau douce et d’eau de mer), assorti d’un relèvement du seuil d’autorisation à partir d’une capacité de production supérieure à 500 tonnes par an. Une deuxième option envisageable conduirait à créer un régime d’enregistrement ICPE et à relever le seuil d’autorisation à 500 tonnes par an. Enfin, une troisième option consisterait à retirer l’aquaculture de la nomenclature des ICPE et à la maintenir dans la nomenclature IOTA.
Ces options doivent être travaillées et la concertation avec les professionnels doit être approfondie sur un sujet très technique. Leur traduction dans le droit relèvera principalement du niveau réglementaire, mais elle impliquera au préalable des ajustements au niveau législatif. C’est la raison pour laquelle le II de l’article 17 prévoit une habilitation du Gouvernement à intervenir par ordonnance dans le domaine de la loi. Bien qu’elle apparaisse large dans son objet, l’habilitation proposée paraît toutefois respecter, dans un domaine complexe et particulièrement technique, les exigences constitutionnelles liées au recours à la procédure des ordonnances, en ce qui concerne la détermination de la finalité des mesures envisagées.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté l’article 17 sans modification.
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Article 18
Capacité d’intervention des départements en matière de gestion
de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine
Adopté par la commission sans modification
L’article 18 vise à étendre les possibilités d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine et à permettre la création de syndicats mixtes ouverts en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable.
I. L’ÉTAT DU DROIT
A. La compétence du bloc communal en matière d’eau potable
L’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) place dans le champ de compétence du bloc communal (correspondant aux communes et à leurs groupements) le service public de l’eau potable, défini comme « tout service assurant tout ou partie de la production, du transport, du stockage et de la distribution d’eau destinée à la consommation humaine », ainsi que le service public d’assainissement.
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », a attribué les compétences « eau » et « assainissement » à l’ensemble des catégories d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Le transfert de compétence doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2026 pour les communautés de communes.
Par conséquent, les départements ne peuvent pas, actuellement, intervenir dans ce champ de compétence du bloc communal.
B. Des possibilités restreintes d’intervention des départements
Aux termes du 3° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, les départements, comme les autres catégories de collectivités territoriales, peuvent « entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, s’il existe, et visant (…) l’approvisionnement en eau ». Cette disposition vise l’eau brute, c’est-à-dire l’eau qui n’a subi aucun traitement, par exemple pour des travaux hydrauliques (prises d’eau, retenues d’eau brutes, canaux) en vue de l’irrigation ou de la production d’électricité.
Les départements peuvent donc intervenir dans le domaine du grand cycle de l’eau, notamment pour répondre aux besoins en matière agricole.
Par ailleurs, l’article L. 3211-1 du CGCT, modifié par la loi NOTRe, donne compétence aux départements pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des régions et des communes. Cette disposition, qui avait pour objet d’accompagner la suppression de la clause de compétence générale des départements, a permis de fonder la compétence des départements pour « financer des opérations ne relevant pas strictement de leurs compétences d’attribution » ([127]). Il ne peut toutefois s’agir que d’une modalité d’action qui se conçoit en complémentarité de l’action des collectivités territoriales et groupements compétents. Elle se traduit donc par la possibilité, pour les départements, de venir en appui financier du bloc communal pour la réalisation des projets des communes et de leurs groupements.
Enfin, l’article L. 3232-1-1 du CGCT donne la possibilité aux départements de mettre à la disposition des communes rurales ou EPCI, qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l’exercice de leurs compétences, une assistance technique dans les domaines de « l’assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, de la voirie, de la mobilité, de l’aménagement et de l’habitat ».
Ainsi, en dehors de ces interventions limitées dans leur objet et dans leur portée, les départements ne peuvent pas aujourd’hui intervenir pour des ouvrages multi-usages ([128]), qui visent à la fois l’eau destinée à la consommation humaine
– compétence exclusive du bloc communal – et l’eau destinée à des usages agricoles – pour laquelle les départements peuvent intervenir sur le fondement de l’article L. 211-7 du code de l’environnement.
II. Le dispositif proposé
La mesure n° 35 du Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau eau de mars 2023 est ainsi formulée : « Les conditions d’une intervention efficace des conseils départementaux en matière d’assistance technique et financière seront facilitées » ([129]).
En effet, une gestion de l’approvisionnement en eau à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité peut se révéler pertinente dans certains territoires ruraux. La capacité d’intervention des départements en matière d’assistance technique et financière doit alors être facilitée.
L’article 18 vise donc à étendre les possibilités d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine et en eau brute, ce qui leur permettra d’intervenir sur les ouvrages multi-usages.
Cette association plus étroite des départements passera soit par un mandat de maîtrise d’ouvrage à titre gratuit (se situant donc hors du champ du droit de la commande publique), confié au département par un groupement de collectivités ou un syndicat mixte, compétents en matière d’eau potable, soit par une participation du département à un syndicat mixte, aux côtés d’un ou plusieurs groupements de collectivités compétents en matière d’eau potable.
Cette meilleure association des départements à la gestion de l’eau potable au niveau local permettra de privilégier la constitution d’ouvrages multi-usages (agricole, eau potable, lutte contre les incendies, etc.).
Comme le relève l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, ce portage départemental est de nature à renforcer l’acceptabilité sociale des projets, dans une logique de sobriété partagée entre les acteurs. Il permettra surtout de sécuriser les approvisionnements en eau potable dans les zones rurales tant pour l’alimentation humaine que pour l’abreuvement des animaux, lorsque les communes ne disposent pas de l’ingénierie pour assurer la création et la gestion des ouvrages.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté l’article 18 sans modification.
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Article 19
Règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs propres au secteur agricole
Adopté par la commission avec modification
L’article 19 adapte les règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, en créant un nouveau régime de représentativité propre au secteur agricole.
Les critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs sont prévus par l’article L. 2151-1 du code du travail. Il s’agit de critères tenant au respect des valeurs républicaines, à l’indépendance, à la transparence financière, à l’ancienneté, à l’influence et à l’audience.
Il s’agit des mêmes critères que ceux définis pour la représentativité syndicale. Une mesure de représentativité est réalisée tous les 4 ans.
L’article L. 2152-1 du code du travail établit des critères additionnels pour que les organisations professionnelles d’employeurs puissent être reconnues comme représentatives au niveau des branches professionnelles : l’implantation territoriale équilibrée et un nombre d’entreprises membres ou de salariés couverts par ces entreprises membres suffisant.
L’article L. 2152-4 du même code prévoit les conditions de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs au niveau national et interprofessionnel, notamment celui d’être représentatives dans des branches à la fois de l’industrie, de la construction, du commerce et des services.
Des organisations patronales ne relevant pas du champ national et interprofessionnel ont souhaité introduire une définition d’un champ national et multi-professionnel permettant de reconnaître comme étant représentatives à ce niveau l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
Un accord en ce sens a été conclu le 30 janvier 2014 entre le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises – (CGPME, désormais CPME), l’Union professionnelle artisanale (UPA, désormais U2P), la FNSEA, l’UNAPL et l’UDES.
La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a alors établi une représentativité multi-professionnelle dérogatoire concernant les entreprises de la production agricole (représentées par la FNSEA), des professions libérales (représentées par UNAPL) et de l’économie sociale et solidaire (représentées par l’UDES). En 2016, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a ajouté le secteur du spectacle vivant et enregistré.
La loi du 5 mars 2014 a notamment créé l’article L. 2152-2 du code du travail, qui prévoit les critères de la représentativité au niveau national et multi-professionnel.
Ces critères sont ceux mentionnés aux 1° à 5° de l’article L.2151-1 du code du travail, auxquels s’ajoutent un critère de nombre d’adhérents, un critère d’implantation territoriale, et un critère tenant à ce que l’organisation soit représentative ou compte des organisations adhérentes représentatives dans au moins dix conventions collectives relevant soit des activités agricoles, soit de l’économie sociale et solidaire, soit du secteur du spectacle vivant et enregistré, et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Ces secteurs dits « hors champs », en raison de leur spécificité, sont donc plus larges qu’un périmètre conventionnel, mais n’ont pas vocation à couvrir l’intégralité des secteurs professionnels comme c’est le cas pour le niveau interprofessionnel.
La reconnaissance de leur représentativité au niveau national multi-professionnel permet à ces organisations d’être associées aux négociations nationales interprofessionnelles préalablement à leur ouverture, puis avant leur conclusion. Il ne s’agit pas, en revanche, d’un niveau particulier de négociation d’accords collectifs de travail.
Dans le secteur agricole, le critère des dix conventions collectives ne peut plus être satisfait du fait du processus de restructuration du nombre de branches professionnelles.
Ainsi, la convention collective nationale de la production agricole et CUMA du 15 septembre 2020, étendue par arrêté du 2 décembre 2020 et entrée en vigueur le 1er avril 2021, s’est substituée aux 137 conventions collectives locales couvrant les activités de production agricole et au sein desquelles la FNSEA était seule représentative.
Le critère des dix conventions collectives ne permettra donc pas de sauvegarder la représentativité multi-professionnelle d’une organisation représentative pour les activités agricoles, lors de la mesure de l’audience prévue en 2025.
Le maintien d’interlocuteurs patronaux reconnus est pourtant nécessaire pour la poursuite du dialogue social au sein de ce secteur d’activité.
L’article 19 crée donc pour le secteur agricole, au sein d’un nouvel article L. 500-1 du code rural et de la pêche maritime, un régime dérogatoire de la représentativité patronale au niveau national et multi-professionnel. Cet article prévoit que l’organisation professionnelle d’employeurs doit être représentative dans au moins une branche agricole. Les autres critères de la représentativité au niveau national et multi-professionnel, prévus à l’article L. 2152‑2 du code du travail, sont reproduits à l’identique.
En outre, l’article prévoit, par cohérence, la modification de l’article L. 2152-2 du code du travail, afin que celui-ci ne mentionne plus les activités agricoles.
III. Les modifications adoptÉEs par la commission
La commission a adopté deux amendements rédactionnels CE3392 et CE3393 des rapporteurs et l’article 19 ainsi modifié.
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Article 20 (nouveau)
Conditions d’extension des accords interprofessionnels
Adopté par la commission avec modification
Le nouvel article 20 est relatif aux accords interprofessionnels dont les organisations interprofessionnelles demandent l’extension. Il prévoit plusieurs mesures visant à améliorer l’efficacité de cette procédure d’extension des accords interprofessionnels.
Ce nouvel article 20 est issu de l’adoption en commission d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 19, concernant les conditions d’extension des accords interprofessionnels.
Les amendements identiques de MM. Julien Dive (CE901), Dominique Potier (CE1524) et Frédéric Descrozaille (CE2110), les amendements identiques CE899, CE1526 et CE2107 des mêmes auteurs, l’amendement CE2108 de M. Frédéric Descrozaille, ainsi que les amendements identiques de MM. Julien Dive et Frédéric Descrozaille (CE900 et CE2111), ont été réunis dans un nouvel article 20.
Ils prévoient que les accords interprofessionnels dont les organisations interprofessionnelles demandent l’extension peuvent comporter des mesures nécessaires et proportionnées visant à en garantir le respect, à condition de prévoir une procédure contradictoire. L’objectif poursuivi est de renforcer le respect de ces accords interprofessionnels.
Cet article 20 prévoit également que l’extension d’un accord interprofessionnel peut être demandée lorsque l’accord prévoit des actions communes « ou visant un intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés ». L’objectif poursuivi est d’affirmer le rôle économique des organisations interprofessionnelles et de réduire l’incertitude quant à la nature des accords dont elles peuvent demander l’extension.
Le délai laissé à l’autorité compétente pour statuer sur l’extension d’un accord sollicitée par une organisation interprofessionnelle est ramené de deux mois à un mois et l’administration doit motiver « de manière circonstanciée » son refus. L’objectif est ici d’apporter une réponse rapide aux demandes des acteurs des filières agricoles qui sont confrontés à de nombreux défis conjoncturels, afin d’améliorer la compétitivité de ces filières.
Liste des personnes auditionnées
Par ordre chronologique
Ministère chargé de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
M. Emmanuel Honoré, conseiller chargé du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, des Élus et des Discours
Mme Mylène Testut-Neves, directrice de cabinet adjointe
Mme Marie-Christine Le Gal, conseillère enseignement agricole, renouvellement des générations, compétences et emploi
M. Hadrien Jaquet, conseiller une seule santé, santé et bien-être animal, sécurité sanitaire
Mme Audrey Gross, conseillère souveraineté des filières animales, Outre-mer
Mme Marina Maures, conseillère territoires, foncier, investissements et finances carbonne
M. Louis de Redon, conseiller filière forêt-bois, agroforesterie
M. Tom Michon, conseiller budgétaire et gestion des risques
Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire
M. Guillaume de La Taille, directeur des affaires juridiques
M. Olivier Cunin, sous-directeur du travail et de la protection sociale
Mme Élodie Lematte, cheffe de service compétitivité et performance environnementale (SCPE), DGPE
M. Benoît Bonaimé, directeur général de l’enseignement et de la recherche
M. Laurent Percheron, chef de projet pacte et loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture, DGER
Union Nationale des MFR (Maison des familles rurales) *
M. Roland Grimault, directeur
AgroParisTech
Mme Karine Bocquet, directrice générale adjointe chargée du développement
M. Etienne Verrier, directeur général adjoint chargé des affaires académiques
Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (SNETAP)
M. Frédéric Chassagnette et Mme Claire Pinault, co-secrétaires généraux du Snetap-FSU
Mme Laurence Dautraix
Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)
M. Philippe Mauguin, président-directeur général
M. Marc Gauchee, conseiller du président-directeur général pour les relations parlementaires et institutionnelles
Audition commune :
Association des sociétés et groupements fonciers et forestiers (ASFFOR)
M. Jean-Louis Rouquette, président
M. Arnaud Filhol, administrateur
M. Michel Pitard, secrétaire
Fédération nationale de la propriété privée rurale
M. Bruno Keller, président
M. Olivier de Schonen, vice-président
La coopération agricole *
M. Dominique Chargé, président
Mme Eugénie Debavelaere, chargée des affaires publiques
Audition commune :
Bpifrance *
M. Éric Versey, directeur exécutif
Caisse des Dépôts
Mme Giulia Carré, directrice des relations institutionnelles de la Caisse des dépôts
Banque des Territoires
Mme Linda Reboux, responsable du pôle transition écologique et sociale des territoires au sein de la direction de l’investissement de la Banque des territoires
Chambre d’agriculture France *
M. François Beaupère, vice-président
M. Étienne Bertin, chargé d’affaires publiques
Fédération nationale des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural)
M. Emmanuel Hyest, président
Mme Muriel Gozal, directrice
M. Hugo Mestre, responsable des affaires générales et institutionnelles
Mme Sabine Agofroy, chargée des relations parlementaires et européennes
Audition commune :
France Terres de lien *
M. Tanguy Martin, médiateur foncier Pays de la Loire, chargé de plaidoyer national, salarié, Terre de Liens
Pôle impact
M. Raphaël Bellanger, paysan administrateur
M. Florent Sebban, paysan administrateur
Mme Ariane Richardot, salariée
Mme Salomé Le Bourligu, salariée
Association des Régions de France
M. Loïg Chesnais-Girard, président
Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole (FNCuma) *
Mme Lucie Suchet, cheffe pôle engagement & influence
M. Philippe Martinot, secrétaire général
M. Pierre Supervielle, secrétaire général adjoint
Conseil d’État
M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général
Mme Cécile Nissen, secrétaire générale adjointe
Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur
M. le préfet Éric Freysselinard, vice-président délégué de l’ACPHFMI
M. le préfet François Philizot, membre du conseil d’administration
Audition commune :
Direction générale de la prévention des risques (DGPR)
Mme Agnès Lefranc, sous-directrice
Mme Pauline Clairand, cheffe du bureau des biotechnologies et de l’agriculture
Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)
Mme Marie-Laure Métayer, adjointe de la Directrice de l’eau et de la biodiversité
M. Damien Lamotte, sous-directeur CASP (coordination, appui, stratégie et Pilotage des politiques de protection et restauration des écosystèmes)
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
Mme Marie Cornet, cheffe du bureau des services publics locaux
Mme Élise Dassonville, adjointe à la cheffe du bureau des services publics locaux
M. François Compte, chargé de mission au bureau des services publics locaux
Mme Hélène Martin, adjointe à la sous-directrice des compétences et des institutions locales
Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales
Conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP)
M. Michel Dantin, président
Audition commune :
Conseil de l’Ordre national des Vétérinaires *
M. Jacques Guérin, docteur-vétérinaire
M. Éric Vandaële, docteur-vétérinaire
Mme Anne Laboulais, directrice de la communication
Syndicat national des vétérinaires libéraux (SNVEL) *
M. Laurent Perrin, président
M. Jérôme Frasson, vice-président
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *
M. Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA
M. Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA
M. Jean-Alain Divanac’h, membre du conseil d’administration, vice-président de la commission environnement de la FNSEA
M. Jean-Louis Chandellier, directeur général adjoint, directeur du département Entreprise et Territoires
M. Morgan Oyaux, directeur du département Affaires sociales
M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques
Mme Nelly Le Corre Gabens, cheffe de service Environnement
M. Thierry Pouch, économiste, chef du service Études, références et prospectives dans la Direction Economie des agricultures et des territoires de l’APCA à Paris
Conseil supérieur du Notariat *
Maître Guillaume Lorisson
VAL’HOR
M. Axel Bigot, délégué général adjoint de VALHOR
M. Dominique Laureau, membre du bureau de VALHOR
Mme Sophia Ailane, présidente du cabinet Rhéa Conseil
Agence nationale paritaire pour l’emploi et la formation en agriculture (ANEFA)
M. Laurent Paillat, président
M. Nicolas Savary, directeur
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
avis fait au nom de la commission dU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Le 25 janvier 2024, le Haut conseil pour le climat a publié un rapport intitulé « Accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste ». L’organisme indépendant en charge de l’évaluation de l’action publique en matière de climat fait état du triple défi que doit relever le secteur agricole en ces termes : « réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre qu’il engendre, augmenter le stockage de carbone dans les sols agricoles, tout en se préparant à un climat plus chaud de + 2 degrés à court terme et possiblement de + 4 degrés à plus long terme protégeant ainsi les acteurs, notamment les plus fragiles. »
En parallèle, l’Office français de la biodiversité établit que le changement d’usages des terres, la disparition des sols fertiles, la perturbation des écosystèmes, la consommation accrue d’eau, l’uniformisation des cultures et des élevages et la contribution au réchauffement climatique fragilisent l’intégrité des écosystèmes, et ainsi leur résilience.
Le présent projet de loi se donne pour mission de conjuguer ces défis environnementaux avec une autre, toute aussi urgente : celui de renouveler les générations d’agriculteurs afin de préserver la capacité de la France à se nourrir à l’horizon 2030 et de rester compétitive sur le marché européen et international. Un chiffre marque les discours et les esprits depuis plusieurs années : à l’horizon 2030, près de la moitié des exploitants agricoles auront atteint l’âge moyen de départ à la retraite.
Renouveler les générations, ce n’est pas seulement agir sur l’attractivité de la profession : c’est aussi repenser les parcours de formation, d’accompagnement et les modalités de transmission des exploitations. C’est aussi faire de ce moment charnière une opportunité pour que les nouveaux agriculteurs installés accélèrent la transition vers des modèles agricoles soutenables en ne verrouillant pas les trajectoires de transition par des investissements qui entreraient en dissonance avec le contexte climatique et environnemental. C’est, en somme, s’assurer de la viabilité des nouveaux modèles dès leur genèse.
Ce texte concrétise un engagement de campagne, réitéré à plusieurs reprises, et fait suite à une concertation de plus d’un an ayant permis de prendre en considération la diversité des parties prenantes sur les territoires et au niveau national. Il répond à la fois à un besoin urgent exprimé par la profession agricole, mais aussi à une préoccupation sociétale grandissante.
Si les défis sociaux, économiques et environnementaux sont multiples, ils ne peuvent ni ne doivent être opposés les uns aux autres, au risque de fragiliser l’équilibre global de notre modèle agricole et alimentaire - et, in fine, de faillir à l’objet principal de ce projet de loi : faire valoir notre souveraineté alimentaire.
Au travers des auditions menées par votre rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, trois axes se sont détachés comme étant essentiels à la pleine réalisation de la vision défendue par le projet de loi.
Le premier concerne l’égalité de traitement à conserver entre les intérêts économiques agricoles et le droit de l’environnement. Il convient de s’assurer qu’aucune hiérarchie, ou présomption de hiérarchisation, ne soit établie par la rédaction des différentes dispositions. Dès lors, l’instauration de « l’intérêt général majeur » agricole à l’article 1er engendre un écueil qu’il convient de souligner : alors qu’il ne saurait créer d’autorisation à déroger au droit à l’environnement, inscrit dans la Charte de l’environnement de 2005 à valeur constitutionnelle, il ouvre la possibilité de créer un doute à ce sujet dans l’esprit du juge lors de procédures pénales. Ce doute mérite d’être éclairci dans le texte, à des fins de lisibilité pour les parties prenantes et d’efficacité judiciaire. Par ailleurs, l’article 15 entend introduire une procédure dérogatoire concernant les contentieux portant sur des projets d’installation agricole afin de rassurer les nouveaux agriculteurs installés en réduisant les difficultés procédurales qu’ils pourraient rencontrer dans leur parcours. Une alternative existe et mérite d’être explorée : encourager la médiation entre les parties, de façon suspensive aux recours, afin de favoriser le dialogue plutôt que les clivages.
Le deuxième axe vise à reconnaître l’existence d’une définition internationale de la souveraineté alimentaire telle qu’adoptée en décembre 2018 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies dans le cadre de sa Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Cette définition met en lumière notamment l’interdépendance des modèles agricoles et alimentaires entre les pays afin de ne pas confondre les notions de souveraineté et d’autarcie et de valoriser la solidarité internationale. Par ailleurs, elle fait le lien entre la souveraineté agricole et le droit à l’alimentation afin de s’assurer que la production favorise l'accès universel à une alimentation saine, durable et de qualité, et non uniquement sa disponibilité. Les auditions menées par votre rapporteure pour avis, au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, soulignent l’importance d’une compatibilité entre la définition internationale et celle qu’instaure ce projet de loi.
Le troisième axe concerne la nécessaire mise en conformité des mesures de simplification administrative proposées au titre IV du projet de loi, avec le principe de non-régression des normes environnementales. Si l’installation de nouveaux projets agricoles et l’allègement des procédures administratives auxquels les agriculteurs sont confrontés sont des priorités salutaires, une vigilance doit être portée à la protection des normes environnement en vigueur, ainsi qu’à l’assurance d’atteindre les objectifs climatiques et de protection des écosystèmes fixés par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la Stratégie nationale biodiversité (SNB).
Le présent rapport analyse les articles dont la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis. Il analyse également les opportunités et les risques identifiés en matière de respect des objectifs climatiques et environnementaux français et européens, et propose des pistes d’amélioration le cas échéant.
La formation des agriculteurs, leur installation et la transmission des exploitations ne seront viables dans le temps qu’à la condition qu’elles soient alignées avec les autres priorités stratégiques de la Nation.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie pour avis de douze articles du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture : les articles 1 à 3, 6, 8, 9 et 13 à 18.
Le titre Ier du projet de loi, intitulé « Définir nos politiques en faveur du renouvellement des générations au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire de la France » comporte un article 1er, qui garantit à l’agriculture, la pêche et l’aquaculture le caractère « d’intérêt général majeur » et fait de la souveraineté alimentaire un objectif clé des politiques publiques.
Le titre II du projet de loi « Former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture », fixe les dispositions relatives à l’orientation, la formation, la recherche et l’innovation. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie pour avis sur les articles 2, 3 et 6 de ce titre.
L’article 2 fixe les objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation.
L’article 3 reformule les missions de l’enseignement agricole.
L’article 6 modifie les dispositions relatives au développement agricole et à la recherche agronomique et vétérinaire.
Le titre III est dédié aux mesures visant à « Favoriser l’installation des agriculteurs ainsi que la transmission des exploitations et améliorer les conditions d’exercice de la profession d’agriculteur ». La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie des articles 8 et 9 du chapitre Ier, consacré aux orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations.
L’article 8 fixe les grandes orientations et les objectifs de la politique d’installation et de transmission, destinée à assurer le renouvellement des générations d’actifs et à consolider, renforcer et adapter aux nouvelles conditions climatiques la capacité de production agricole et alimentaire de la France.
L’article 9 prévoit la mise en place de diagnostics d’évaluation de la résilience des exploitations au changement climatique.
Le titre IV du projet de loi, intitulé « Sécuriser, simplifier et libérer l’exercice des activités agricoles », vise à simplifier et sécuriser juridiquement diverses réglementations pouvant être sources de contraintes ou d’incertitudes pour les agriculteurs dans l’exercice de leurs activités. Votre rapporteure pour avis souligne la nécessité d’y associer davantage de garanties en matière de respect des normes environnementales.
L’article 13 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de sanctions pénales applicables en cas d’atteintes à des espèces protégées et leurs habitats. Cette évolution législative visant à lever des sources de tensions et d’incompréhensions sur le terrain entre les agriculteurs et les services de l’État doit néanmoins résolument s’inscrire dans l’objectif d’instaurer une meilleure appropriation par les agriculteurs de leurs obligations légales de protection de l’environnement.
L’article 14 vise à améliorer la lisibilité des règles applicables en cas de destruction d’une haie par l’instauration d’une procédure unique de déclaration et, le cas échéant, d’autorisation. Il subordonne également toute destruction de haie à des mesures de compensation par replantation d’un linéaire de haie équivalent. Si ce dispositif simplifie les démarches des agriculteurs et garantit une meilleure application des diverses réglementations protectrices des haies, il nécessite des précisions juridiques et l’octroi de moyens pour garantir une application opérationnelle et répondre à ses objectifs.
L’article 15 vise à accélérer les procédures contentieuses portant sur des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage par l’instauration de règles dérogatoires à la procédure de droit commun dans le code de justice administrative. Cet article soulève toutefois des risques juridiques au regard de principes constitutionnels ; ses effets apparaissent également incertains en matière de simplification et d’accélération des procédures contentieuses.
L’article 16 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le régime d’engagement de la responsabilité pénale des éleveurs en cas de dommages causés par des chiens de protection des troupeaux.
L’article 17 prévoit des mesures de simplification administrative pour les filières de la laine et de l’aquaculture. Leur portée demeure néanmoins limitée pour amorcer une véritable relance de ces filières.
L’article 18 étend les possibilités d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau potable en association avec les communes.
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première partie :
Titre Ier du projet de loi
Le titre Ier du projet de loi, intitulé « Définir nos politiques en faveur du renouvellement des générations au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire de la France » comporte un article premier programmatique unique, qui fait de la souveraineté alimentaire un objectif clé des politiques publiques.
Le I de l’article 1er crée un article préliminaire L. 1A placé en tête du code rural et de la pêche maritime, dans le livre préliminaire « Objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche ». En l’état actuel du droit, ce livre comprend quatre articles programmatiques fixant respectivement les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, de la politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halioalimentaires, et les objectifs particuliers dans les collectivités d’outre-mer.
L’article affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. L’ajout de cette notion dans le code rural et de la pêche maritime vise à renforcer la prise en compte des enjeux agricoles dans les politiques publiques, au même titre que l’environnement. Votre rapporteure pour avis souhaite rappeler que le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture fait l’objet d’inquiétude quant au flou contentieux qu’il risque d’établir, notamment en matière de risque de dérogation au droit de l’environnement. Sa suppression a été évoquée par de nombreux acteurs lors des auditions, pour des raisons de lisibilité, de cohérence et de simplification. Il pourrait également conduire à une exacerbation des clivages relevés par plusieurs auditionnés
Le concept de souveraineté alimentaire est devenu prioritaire pour les politiques publiques, dans le contexte de l’après-crise sanitaire liée à la covid-19, de la guerre en Ukraine et de l’intensification de l’impact du changement climatique. Dans certaines filières comme la viande ovine, le poulet et le soja, la France n’est en effet actuellement pas en mesure de couvrir l’intégralité de sa consommation domestique par la production nationale et doit recourir, dans des proportions parfois importantes, à des importations. L’agriculture constitue également un enjeu dans le cadre de l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 parce qu’elle contribue par la production de biomasse à la décarbonation de l’économie, en apportant des bioénergies (chaleur, biocarburants, biogaz) et matériaux biosourcés. La France est autosuffisante en matière de bioéthanol (filière essence) à hauteur de 74 % et de 67 % pour le biogazole (filière gazole).
Le nouvel article L. 1A précise ensuite que les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France en veillant à préserver et améliorer :
– sa capacité à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne et de ses engagements internationaux, aux fins de fournir à l’ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l’année et issue d’aliments produits de manière durable ;
– sa capacité à surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à sa sécurité alimentaire ;
– la souveraineté agricole du pays, liée à la production durable de biomasse sur le territoire et à la contribution du secteur à la décarbonation de l’économie. L’article reconnaît ainsi le rôle de l’agriculture dans le cadre de l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 parce qu’elle contribue, par la production de biomasse, à la décarbonation de l’économie, en apportant des bioénergies (chaleur, biocarburants, biogaz) et matériaux biosourcés.
Votre rapporteure pour avis regrette que la souveraineté alimentaire soit axée sur l’équilibre commercial plutôt que sur d’autres facteurs socio-environnementaux. L’alimentation, davantage que la balance commerciale, doit être au cœur des politiques publiques agricoles.
Votre rapporteure pour avis s’interroge également sur la plus-value d’une définition en creux de la souveraineté alimentaire dans le texte.
Pour atteindre ces trois objectifs, les politiques publiques mettent en œuvre les actions nécessaires pour :
– préserver et développer la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole, aquacole et halieutique ;
– orienter les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ;
– maîtriser les dépendances sur certains produits d’importations, notamment les engrais, et d’exportations.
Le I de l’article premier modifie ensuite l’article L. 1 du même code en réécrivant son IV pour établir un lien entre la protection de la souveraineté agricole et la politique d’installation et de transmission en agriculture. Le renouvellement des générations d’actifs en agriculture, via l’accompagnement des reprises d’exploitation, doit permettre de renforcer la création de richesse et la compétitivité de l’économie française. Il doit également permettre de répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques et énergétiques rendus par l’agriculture. La politique d’installation et de transmission participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et favorise la diversification des profils des porteurs de projets d’installation.
Pour cela, la politique d’installation et de transmission oriente l’installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et énergétique, selon les besoins de chaque territoire et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement.
À ce titre, la politique d’installation et de transmission doit :
– faire connaître le métier d’exploitant agricole en communiquant sur l’enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire du pays ;
– susciter des vocations agricoles à l’école et auprès des personnes en reconversion professionnelle ;
– accompagner les candidats à l’agriculture et les agriculteurs en fin d’activité envisageant de transmettre leur activité ;
– mettre en relation des porteurs de projet en agriculture et les personnes en activité agricole en fin de carrière agricole, dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;
– encourager les installations collectives et les installations progressives, y compris le droit à l’essai ;
– fournir des informations objectives sur l’état des exploitations à transmettre afin de garantir leur viabilité.
Afin de garantir l’effectivité de cette politique, l’État s’engage à faciliter l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure également la formation aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de l’aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux transitions écologique et climatique, à l’enjeu de souveraineté alimentaire et aux autres évolutions économiques, sociales et sanitaires ainsi qu’au développement des territoires.
La politique d’installation et de transmission s’appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation.
Le II de l’article 1er prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel sur la situation de la souveraineté alimentaire au Parlement.
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deuxième Partie :
titre iI du projet de loi
Le titre II du projet de loi « Former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture », fixe les dispositions relatives à l’orientation et la formation, à la recherche et l’innovation. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie pour avis sur les articles 2, 3 et 6 de ce titre.
Les 804 établissements d’enseignement agricole assurent la formation des futurs actifs agricoles et leur insertion professionnelle. La France dispose d’un appareil de formation agricole efficace, délivrant une centaine de diplômes relatifs aux secteurs de la production et de la transformation, du niveau quatrième au doctorat.
Ces établissements jouent un rôle clé dans le renouvellement des générations d’actifs agricoles alors que la démographique agricole connaît une baisse drastique. La population des exploitants est en effet passée de plus de 2,5 millions en 1955 à 764 000 en 2000, puis à 496 000 en 2020 selon les résultats du dernier recensement agricole. Faute d’une politique volontariste en la matière, cette tendance pourrait se renforcer : en 2020, un exploitant sur cinq avait 60 ans ou plus et la moitié avait plus de 50 ans.
Le renouvellement des générations d’actifs agricoles passe par le recrutement accru de jeunes issus du monde rural et non rural, ainsi que le renforcement des établissements d’enseignement et de la diffusion des connaissances agricoles.
I. article 2 : Orientations programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation
L’article 2 est l’article unique du chapitre Ier du titre II. De nature programmatique, il définit les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation.
Le I dispose que les politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d’installation et de transmission en agriculture. Les politiques publiques de l’éducation, de la recherche et de l’innovation y concourent.
Le II fixe les orientations des politiques publiques destinées à répondre aux besoins en emplois des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Pour cela, l’État, les régions et les autres collectivités territoriales intéressées conduisent les politiques destinées, d’ici 2030, à :
– accroître le nombre de personnes formées au métier de l’agriculture et de l’agroalimentaire et aux métiers de la formation et du conseil qui accompagnent les actifs de ces secteurs ;
– augmenter le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs du secteur, en accroissant leurs compétences. Il s’agit ici de faire face aux besoins nouveaux en compétences des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire (transition agroécologique, respect des réglementations, numérique, gestion managériale et administrative…) ;
– accroître le nombre d’actifs bénéficiant d’une formation tout au long de la vie en développant les compétences en matière de transition écologique, climatique, économique et numérique ;
– amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances pour l’ensemble des domaines qui participent aux transitions agroécologique et climatique en agriculture. Si la France occupe déjà une position de premier plan à l’échelle européenne dans ce domaine, les nombreux dispositifs français de recherche et d’innovation (Institut national de la recherche agronomique, programme national de développement agricole et rural, France 2030…) doivent être mobilisés pour accompagner une conception nouvelle des systèmes agricoles. Alors que des solutions existent pour permettre aux agriculteurs de faire face aux nouveaux enjeux auxquels ils sont confrontés, celles-ci sont encore trop méconnues, dispersées et insuffisamment soutenues. L’article prévoit ainsi l’accélération de la mise à disposition de connaissances exploitables, notamment dans le cadre de l’accompagnement à l’installation des nouveaux agriculteurs.
Le III de l’article 2 prévoit la mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et du vivant par l’État et les régions, auquel les autres collectivités pourront participer à leur demande. Afin de garantir l’attractivité du secteur, ce programme comportera pour tous les élèves des écoles élémentaires des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation aux enjeux de la souveraineté alimentaire et des transitions agroécologique et climatique. Il visera également à offrir des stages de découverte des métiers du vivant à tous les élèves de collège. Il comprendra enfin un volet de promotion des métiers du vivant et des formations qui y préparent.
Le III prévoit également la création d’un programme national triennal de formation accélérée à destination des 50 000 professionnels de l’enseignement et de la formation accompagnant les actifs et futurs actifs du secteur agricole pour s’assurer de la prise en compte des transitions agroécologique et climatique.
L’État soutiendra le développement et la diffusion d’actions innovantes en matière de recherche, d’innovation et de transfert.
II. Article 3 : Reformulation des missions de l’enseignement agricole et création d’une nouvelle mission
Le chapitre II du titre Ier du projet de loi est consacré aux mesures en faveur de l’orientation, de la formation, de la recherche et de l’innovation. L’article 3 prévoit la reformulation des missions de l’enseignement agricole.
Les missions de l’enseignement agricole sont actuellement prévues aux articles L. 811‑1 (pour l’enseignement agricole public) et L. 813‑1 (pour les établissements dont l’association ou l’organisme responsable a passé un contrat avec l’État) du code rural et de la pêche maritime. Ces deux articles définissent les cinq missions actuellement assignées aux établissements d’enseignement agricole :
1° Ils assurent une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;
2° Ils participent à l’animation et au développement des territoires ;
3° Ils contribuent à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes ;
4° Ils contribuent aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires ;
5° Ils participent à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.
L’article 3 reformule les missions dévolues à l’enseignement agricole.
Son 1° porte sur les missions définies à l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime.
Ce dernier article renvoie désormais au livre Ier du code de l’éducation pour les dispositions relatives aux principes généraux de l’éducation, qui étaient mentionnés dans la rédaction initiale de l’article L. 811-1 : éducation au développement durable, promotion de la santé à l’école, développement personnel des élèves, élévation et adaptation de leurs qualifications et de leur insertion professionnelle et sociale ; service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance ; principes de laïcité, de liberté de conscience et d’égal accès de tous au service public ; lutte contre les stéréotypes sexués.
La reformulation regroupe l’énoncé des enjeux relatifs aux filières de production et de transformation agricole auxquels répond l’enseignement agricole technique public.
L’article reprend à cet effet les cinq missions initialement présentes dans l’article et octroie une sixième mission à l’enseignement agricole technique public en lui confiant le soin de mettre en œuvre toute action répondant durablement aux besoins en emplois et de garantir le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique. Cette nouvelle mission permet d’associer les établissements de formation agricole au renouvellement des générations d’actifs agricoles et aux transitions écologique et climatique.
Il est désormais précisé que les régions sont associées à la mise en œuvre de l’ensemble de ces missions, et non aux plus aux seuls 2° à 5° de la version aujourd’hui en vigueur de l’article L. 811-1.
Le 2° de l’article 3 simplifie la rédaction de l’article L. 813‑1 du même code en renvoyant, pour la définition des missions de l’enseignement agricole technique privé, aux missions prévues à l’article L. 811‑1 pour l’enseignement agricole public.
Au-delà de l’amplification de l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion en matière agroécologique, les auditions ont fait ressortir un besoin de clarification du temps consacré aux formations à l’agriculture biologique et aux pratiques agroécologiques dans le tronc commun de l’enseignement agricole. Votre rapporteure pour avis souhaiterait que cela soit spécifié dans le texte.
III. Article 6 : Développement agricole et recherche agronomique et vétÉRINaire
L’article 6 propose une modification des articles L. 820‑1 et L. 820‑2 du code rural et de la pêche maritime relatifs au développement agricole et L. 830‑1 du même code portant sur la recherche agronomique et vétérinaire.
L’article L. 820‑1 définit le développement agricole et les actions qui y concourent. Le développement agricole a aujourd’hui pour mission de « contribuer à l’adaptation permanente de l’agriculture et du secteur de la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des produits, de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire et de maintien de l’emploi en milieu rural ». Plusieurs actions relèvent du développement agricole : accompagnement des démarches associant performance économique, sociale et environnementale, recherche appliquée, conduite d’études et d’expertises, diffusion des connaissances et appui aux initiatives locales.
Le 1° de l’article 6 du projet de loi modifie l’article L. 820‑1 en complétant la définition du développement agricole inscrite à son premier alinéa, pour y préciser désormais qu’il « accompagne les transitions agroécologique et climatique et vise au renforcement de la souveraineté alimentaire ».
Le 1° de l’article 6 du projet de loi introduit également un nouveau huitième alinéa à l’article L. 820‑1, afin de créer de nouveaux « plans prioritaires pluriannuels de transition écologique et climatique et de souveraineté » (PPTS). Ces plans, élaborés collectivement, sont chargés de regrouper les actions de développement agricole.
L’étude d’impact du projet de loi suggère que les premiers PPTS pourraient concerner des thématiques prioritaires identifiées dans le cadre des travaux préparatoires au texte. Leur mise en œuvre serait calquée sur ce qui existe pour le plan national de recherche et innovation (PNRI) contre la jaunisse de la betterave, même s’ils ont une portée plus générale.
Le plan national de recherche et innovation contre la jaunisse de la betterave
Le plan national de recherche et innovation contre la jaunisse de la betterave a été lancé en septembre 2020, afin d’identifier des alternatives opérationnelles aux néonicotinoïdes, dans la perspective des semis de betterave de mars 2024. Associant administrations et acteurs de la filière et de la recherche, il a permis le financement de 25 projets de recherche et innovation, permettant de mieux comprendre la dynamique épidémique de la jaunisse, de développer et tester différents leviers pour prévenir l’épidémie et protéger les betteraves, et d’évaluer les combinaisons de ces leviers dans des fermes pilotes d’expérimentation, pour vérifier leur efficacité technique et les conditions de leur acceptabilité socio-économique. Ces 25 projets se termineront au premier semestre 2024.
Source : Étude d’impact du projet de loi pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Le 2° de l’article 6 du projet de loi prévoit une modification de l’article L. 820‑2 du code rural et de la pêche maritime.
L’article L. 820‑2 établit la liste des acteurs assurant les actions de développement agricole. Dans la rédaction actuelle de l’article, ces actions sont assurées par les chambres d’agriculture, les établissements d’enseignement agricole, les instituts et centres techniques liés aux professions de recherche agronomique et vétérinaire (mentionnés à l’article L. 830‑1 du même code) ainsi que les groupements professionnels à caractère technique, économique et social, notamment les organismes nationaux à vocation agricole et rurale.
L’article 6 du projet de loi propose de substituer à la mention des « établissements d’enseignement agricole » celle des « établissements d’enseignement supérieur agricole » et des « établissements techniques agricole », par souci de cohérence avec la rédaction employée dans le reste du code, qui établit systématiquement cette distinction entre les deux types d’établissement. Cette modification vise à faire bénéficier les établissements de l’enseignement agricole technique de l’appui du développement agricole et de la recherche agronomique et vétérinaire. Ils bénéficieront, pour assurer cette mission, de l’appui des autres organismes en charge des actions de développement agricole.
En cohérence avec la disposition précédente, le 3° de l’article 6 du projet de loi modifie les missions de la recherche agronomique et vétérinaire inscrites à l’article L. 830‑1 du code rural et de la pêche maritime, en précisant qu’elle apporte un appui à l’enseignement technique agricole.
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troisième Partie :
Titre iii du projet de loi
Le titre III du projet de loi est dédié aux mesures visant à « Favoriser l’installation des agriculteurs ainsi que la transmission des exploitations et améliorer les conditions d’exercice de la profession d’agriculteur ».
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie des articles 8 et 9 du chapitre Ier de ce titre, consacré aux « Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations ».
L’agriculture connaîtra de grandes transformations d’ordre démographique et climatique, appelant à adapter nos politiques agricoles pour garantir la souveraineté alimentaire de la France et ainsi assurer une alimentation saine, durable, de qualité et accessible.
En matière démographique, la baisse drastique du nombre d’exploitants appelle à un renouvellement de la politique d’installation et de transmission des exploitations (article 8).
Parallèlement, l’évolution des températures, de la pluviométrie et de l’occurrence de phénomènes extrêmes a et aura des effets directs sur les sols, les cycles végétatifs et les cycles biologiques animaux, induisant des conséquences sur les rendements, les calendriers de culture ainsi que le déplacement des espèces et des essences. Dans ce cadre, l’évaluation de la résilience des exploitations au changement climatique, notamment dans le cadre de la politique de transmission, est essentielle (article 9).
IV. Article 8 : objectifs des politiques publiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
L’article 8, de nature programmatique, précise les objectifs auxquels les politiques publiques mises en œuvre de 2025 à 2035 doivent répondre en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.
Ces politiques devront favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles, tout en prenant en compte les attentes socio‑professionnelles des personnes souhaitant s’engager dans les métiers de l’agriculture et de l’alimentation.
Ces politiques devront également assurer la présence d’un nombre suffisant d’exploitants et d’emplois agricoles pour assurer la capacité de production agricole et alimentaire de la France, dans le cadre des nouvelles conditions climatiques.
L’article précise que l’État mettra en œuvre cet objectif via la création d’un réseau « France services agriculture ». Les modalités du nouveau réseau France services agriculture, en charge de l’accueil de l’orientation des personnes qui souhaitent s’engager ou se retirer d’une activité agricole, sont explicitées à l’article 10 du projet de loi.
Votre rapporteure pour avis considère qu’il est indispensable de coupler les objectifs de la politique d’installation et de transmission avec ceux de la transition agroécologique.
V. Article 9 : Diagnostic modulaire d’évaluation de la résilience des exploitations au changement climatique
L’article 9, de nature programmatique, établit les objectifs du diagnostic modulaire qui devrait être mis en place, au plus tard, en 2026. L’article précise que ce diagnostic permettra d’évaluer les exploitations tout au long de leur cycle de vie, au regard notamment de leur résilience face aux conséquences du changement climatique.
Ce diagnostic devrait faciliter la transmission des exploitations ou l’installation des nouveaux exploitants, et permettre d’accélérer leur transition agroécologique et climatique. Il comprendra une évaluation de la capacité de l’exploitation à faire face aux conséquences du changement climatique et à contribuer à l’atténuation de celui-ci. Les spécificités territoriales de l’exploitation (sols, ressource en eau) seront prises en compte. Le diagnostic évaluera la qualité des sols de l’exploitation.
Ensuite, l’État se fixe pour objectif de mettre en place un service de conseil et d’accompagnement des personnes ayant un projet d’installation ou de transmission dès 2025, ainsi qu’un « stress-test » de résilience climatique devant évaluer la viabilité des projets d’installation face aux conséquences induites par les dérèglements environnementaux (changement climatique, baisse de la biodiversité, raréfaction des ressources). Ce stress-test serait généralisé en 2026.
L’État étudiera les conditions dans lesquelles ces diagnostics seront mis en œuvre, dans un souci d’homogénéité et de qualité, ainsi que les conditions dans lesquelles certains modules d’évaluation pourraient bénéficier d’aides publiques.
À la lumière des auditions, votre rapporteure pour avis considère que le diagnostic modulaire doit être un dispositif unique intégrant des critères économiques, sociaux et écologique. Elle estime par ailleurs que la non-conformité du diagnostic avec les conditions pédoclimatiques devrait être contraignante : un exploitant ne pourrait s’installer qu’après mise en conformité du projet.
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quatrième Partie :
titre iv du projet de loi
VI. la nécessité d’un cadre légal unifié de protection des haies en milieu agricole [article 14]
A. Le déclin des haies s’accélère malgré les mesures de soutien
Depuis 1950, environ 70 % du linéaire de haies a disparu des milieux agricoles, notamment du fait des remembrements, de l’agrandissement et de la spécialisation des parcelles et des exploitations ou encore du déclin des prairies permanentes et des activités d’élevage. Or, les haies sont des réservoirs de biodiversité majeurs en milieu agricole. Elles offrent un habitat naturel pour de multiples espèces animales (pouvant être des espèces protégées), végétales et micro-organismes et constituent également des corridors écologiques étendus facilitant les déplacements des animaux.
Les haies rendent également de nombreux services écosystémiques aux agriculteurs et à la société : des abris pour les auxiliaires de culture permettant la régulation des graines d’adventices et des insectes ravageurs et en particulier la pollinisation ([130]) ; un coupe-vent et un ombrage pour les animaux ; une fonction de stockage, de filtrage et de restitution de l’eau aux plantes cultivées ; un rôle de stockage de carbone et d’atténuation des effets du changement climatique ; une fonction paysagère et récréative, voire patrimoniale, dans les territoires ruraux ou périurbains. À condition d’être valorisées (par exemple via des certifications comme le label « Haie »), les haies ont également une valeur économique pour leurs propriétaires et gestionnaires.
En dépit d’une prise de conscience croissante de la valeur écologique, sociale et économique des haies, leur déclin continue de s’accélérer malgré les mesures de soutien prises par les pouvoirs publics. Dans un rapport publié en avril 2023 « La haie, levier de la planification écologique », le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) estime la perte à plus de 23 500 kilomètres par an sur la période 2017-2021 (contre 10 400 kilomètres par an entre 2006 et 2014), pour un linéaire total de haies estimé à 1,55 million de kilomètres par l’Institut géographique national (IGN).
Dans ce contexte, le « Pacte en faveur de la haie », présenté en septembre 2023 par le ministère chargé de l’agriculture, fixe l’objectif d’atteindre un gain net de 50 000 kilomètres de haies à l’horizon 2030. Toutefois, l’étude d’impact du présent projet de loi souligne qu’« à la lumière des retours du terrain, il apparaît que les mesures de soutien économique, de formation et d’accompagnement (dont les aides financières à la plantation et à la gestion durable des haies, à la production de graines et de plants, à la structuration des filières de valorisation, à la formation des conseillers) prévues dans le Pacte ne suffiront pas seules à inverser la tendance à l’arrachage : une adaptation de la législation est nécessaire. »
B. des réglementations disparates manquant de lisibilité
Les interventions sur les haies sont en effet aujourd’hui encadrées par diverses réglementations mal respectées et dont l’articulation peut manquer de lisibilité pour les agriculteurs.
● Les haies, qu’elles soient situées en milieu agricole ou non, font tout d’abord l’objet d’une protection indirecte au titre de la réglementation relative aux espèces protégées issues de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, dite « Habitats », et de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil, dite « Oiseaux ».
Ces dispositions sont transposées en droit interne à l’article L. 411-1 du code de l’environnement qui interdit toute opération de nature à détruire des espèces protégées et détruire ou dégrader leurs habitats naturels. Les espèces protégées concernées sont listées par arrêtés ministériels : l’arrêté du 29 octobre 2009 pris en application de la directive « Oiseaux » fixe en particulier la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
Au titre de cette réglementation, une intervention sur une haie abritant une ou plusieurs espèces protégées et qui porterait atteinte à ces espèces est interdite. Elle constitue un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende (article L. 415-3 du code de l’environnement) ; à noter toutefois que l’article 13 du projet de loi prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « adapter l’échelle de [ces] peines et réexaminer leur nécessité », y compris en substituant à la sanction pénale un régime de répression administrative.
● Dans le cadre des règles relatives à la conditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC), au titre de la bonne condition agricole et environnementale (BCAE) 8, les agriculteurs ont l’obligation de maintenir un taux minimal d’éléments favorables à la biodiversité sur leurs terres arables ainsi que les particularités topographiques des surfaces agricoles de leur exploitation. À ce titre et d’une manière générale, les haies de moins de 10 mètres de large doivent être maintenues dans les exploitations agricoles ; les haies entre 10 et 20 mètres de largeur pouvant faire l’objet de travaux visant à réduire leur largeur.
Dans le cadre de la BCAE 8, l’article 93 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 1306/2013 du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune a également imposé aux États membres de prendre une mesure sur « l’interdiction de tailler les haies et les arbres durant la période de reproduction et de nidification des oiseaux ». L’arrêté du 14 mars 2023 relatif aux règles de BCAE, pris en application de l’article D. 614-52 du code rural et de la pêche maritime, a fixé une période d’interdiction du 16 mars au 15 août à compter de 2023 pour la nouvelle PAC 2023-2027 ([131]).
Ce même arrêté autorise certaines opérations de destruction (« suppression définitive »), de déplacement ou de remplacement d’une haie sous conditions et sous réserve d’effectuer une déclaration préalable à la direction départementale chargée de l’agriculture.
Le non-respect de ces obligations entraîne une réduction de 3 % du montant des aides financières perçues au titre de la PAC. L’infraction doit être constatée par la police de l’environnement relevant de la compétence des agents des directions départementales des territoires (DDT) et de l’Office français de la biodiversité (OFB). Toutefois, les contrôles sont rares et donc faiblement incitatifs au respect de la réglementation.
● Les haies sont également soumises à des règles spécifiques d’autorisation ou d’absence d’opposition lorsqu’elles sont situées dans des territoires à enjeux environnementaux, par exemple des sites Natura 2000 (article L. 414-4 du code de l’environnement), des territoires classés en réserve naturelle (article L. 332-9 du même code), des sites en instance de classement (article L. 341-7 du même code) ou classés (article L. 341-10 du même code), dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’utilité publique (article L. 1322-4 du code de la santé publique) ou encore dans le cadre de périmètres de captage d’eau potable (article L. 1321-2 du même code).
● L’article L. 126-3 du code rural et de la pêche maritime dispose également que le préfet peut prononcer la protection de « boisements linéaires, haies et plantations d’alignement » lorsque le propriétaire en fait la demande ou lorsque des éléments présentant « un intérêt pour les continuités écologiques et les paysages » ont été identifiés par la commission communale d’aménagement foncier (6° de l’article L. 123-8 du même code). La destruction de ces haies protégées est soumise à une autorisation préalable du préfet.
La multiplication des cadres législatifs et réglementaires dont les niveaux d’exigence peuvent différer nourrit des confusions sur le terrain. Une intervention sur une haie pourra par exemple être conforme à la réglementation issue de la PAC, mais sanctionnée au titre de la réglementation sur les espèces protégées. Celle-ci est en outre interprétée plus ou moins strictement d’un territoire à l’autre selon qu’une haie est considérée comme étant susceptible ou non d’abriter, même hors période de nidification et de reproduction, une espèce protégée.
L’étude d’impact du présent projet de loi souligne ainsi une application inégale de la loi selon les territoires du fait de ces incertitudes juridiques : « dans certains cas, [l’interprétation de la loi] se traduit par une instruction réalisée a minima concluant à une autorisation sans conditions, et au contraire dans d’autres, par des exigences de maintien de linéaires très élevées, à l’origine de contournements et d’un effet dissuasif pour les plantations. »
C. Simplifier les démarches administratives pour mieux protéger les haies
L’article 14 du projet de loi introduit une nouvelle section 4 intitulée « Protection des haies » composée des articles L. 412-21 à L. 412-26 au sein du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’environnement consacré à « L’encadrement des usages du patrimoine naturel ».
1. La nécessité d’une définition englobante de la haie
La haie y est d’abord définie au sein d’un nouvel article L. 412-21 comme « toute unité linéaire de végétation ligneuse comportant plusieurs essences et d’origine humaine, à l’exclusion des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique mentionnés à l’article L. 350-3. »
L’introduction d’une telle définition pourra améliorer la lisibilité du droit et des réglementations applicables à la haie. Toutefois, votre rapporteure pour avis souhaite alerter sur la nécessité d’une définition suffisamment large qui puisse englober tous les types de haies (à l’exclusion des haies ornementales et des haies urbaines ou attenantes à une habitation). Or, la définition retenue par le présent projet de loi tend à exclure certaines haies, notamment les haies monospécifiques constituées d’une seule variété végétale et les haies qui ne seraient pas « d’origine humaine » (notion par ailleurs difficile à apprécier, certaines haies pouvant être issues de régénération naturelle).
Votre rapporteure pour avis regrette à ce titre l’adoption des amendements identiques CD53 de Mme Boyer (Renaissance), CD76 de M. Taite (LR), CD104 de M. Bony (LR), CD173 de Mme Lingemann (Démocrate), CD312 de M. Fugit (Renaissance) et CD639 de M. Thiébaut (Horizons) par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ces amendements proposent une définition plus restrictive de la haie qui exclue notamment tous les alignements d’arbres. Ils réduisent ainsi considérablement la portée de la « procédure unique » créée par l’article.
2. Veiller au caractère opérationnel de la « procédure unique » pour véritablement simplifier les démarches administratives des agriculteurs
L’article 14 crée une procédure de déclaration unique préalable pour toute demande de destruction d’une haie. Codifiée dans un nouvel article L. 412-22, cette procédure unique tient lieu de toute procédure de déclaration, d’absence d’opposition, de dérogation et d’autorisation prévue par la loi et précisément énumérée à l’article L. 412-24. Elle pourra aboutir à deux hypothèses :
– dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, il est prévu que l’administration puisse s’opposer aux travaux envisagés ; l’absence d’opposition au projet signifiée dans les délais « vaut absence d’opposition » ;
– dans le cas où une autorisation serait prévue par la loi, l’autorité administrative doit en informer le demandeur dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. La déclaration unique préalable est alors « regardée » par l’administration compétente comme une « demande d’autorisation unique » appréciée au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables au cas d’espèce.
Cette procédure unique de déclaration et, le cas échéant, d’autorisation, vise ainsi à apporter de la sécurité juridique aux agriculteurs et à simplifier leurs démarches administratives. Elle laisse toutefois en creux la responsabilité aux services de l’État qui instruiront les demandes d’apprécier, au cas par cas, les dispositions juridiques applicables ainsi que la cohérence de leur application d’un territoire à l’autre.
Si le potentiel de simplification pour l’agriculteur est réel, l’article ne prévoit toutefois pas d’outiller l’administration en conséquence, y compris par voie réglementaire. Pour assurer une bonne application du dispositif, votre rapporteure pour avis attire ainsi l’attention sur la nécessité de :
– définir des méthodes d’instruction des demandes claires au niveau national, de façon à garantir l’égal traitement des demandes. Lors de son audition, l’Afac-Agroforesteries a pu ainsi recommander de prévoir par décret la création de cadres nationaux d’évaluation afin que les services instructeurs disposent de grilles d’évaluation simples des impacts environnementaux des projets de destruction de haie, d’un outil en ligne centralisant les cartographies réglementaires (zones Natura 2000, aires de captage, plans locaux d’urbanisme, etc.) et qui permettrait de positionner la haie concernée sur une carte et d’identifier les réglementations applicables, ainsi qu’une interface numérique complète et facile d’utilisation entre le demandeur et les services de l’État ;
– allouer des moyens humains suffisants dans les directions départementales des territoires (DDT) de façon à garantir la réussite opérationnelle du dispositif ;
– prévoir, dans le décret en Conseil d’État, des délais raisonnables (supérieurs à deux mois) qui prennent en compte les capacités d’instruction réelles des administrations ; le risque d’un engorgement des guichets en raison du nombre de déclarations n’est en effet pas à exclure.
3. Les mesures de compensation doivent être à la hauteur des enjeux environnementaux
Le nouvel article L. 412-25 qu’il est prévu de créer dans le code de l’environnement subordonne toute destruction de haie à des « mesures de compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit » dans le respect des conditions prévues par l’article L. 163-1. Conformément à cet article, la compensation doit donc notamment respecter un principe d’équivalence écologique entre les gains écologiques générés par la replantation et les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité générées par la destruction, « un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité » et « une obligation de résultats ». L’article 14 prévoit un décret en Conseil d’État pour préciser « les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie fait l’objet de mesures de compensation ».
Si le dispositif est ambitieux, il ne doit toutefois pas occulter la nécessité de préserver avant tout les haies existantes (dont la valeur écologique est bien supérieure à celle de jeunes haies replantées) en réservant la compensation aux atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites (2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement), selon les principes de la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC).
La mise en œuvre effective de la compensation nécessite par ailleurs de développer la formation initiale des agriculteurs sur les haies, des dispositifs d’information et d’accompagnement technique des opérations de destruction et de replantation ainsi que des procédures de contrôle et des outils de suivi administratif des haies replantées sur le temps long (après cinq ans, dix ans, etc.), l’équivalence écologique entre une haie détruite et une haie replantée ne pouvant être atteinte qu’à l’issue de plusieurs années.
L’Afac-Agroforesteries, auditionnée par votre rapporteure pour avis, a appelé à ce titre à définir un « cadre compensatoire proportionnel à l’impact des destructions de haies et prenant en compte l’ensemble des enjeux environnementaux. »
4. Les enjeux de valorisation économique et de gestion durable demeurent à préciser
L’article 14 précise, au sein de l’article L. 412-21, que les haies « font l’objet d’une gestion durable qui tient compte de leur caractère dynamique dans le temps et dans l’espace et qui maintient leur multifonctionnalité. » La possibilité pour les agriculteurs de valoriser économiquement la haie est également mentionnée au titre des « travaux d’entretien usuels [entrepris] en vue de valoriser les produits de la haie, notamment la biomasse. »
Ces mentions sont néanmoins insuffisantes pour instaurer un véritable cadre légal à la gestion durable de la haie et à sa valorisation économique. Le projet de loi est même de ce point de vue ambigu, dans la mesure où il semble encourager une gestion durable obligatoire mais sans en proposer de définition précise. Cette définition pourrait notamment inclure des objectifs et critères permettant d’atteindre le « bon état écologique » d’une haie. Les voies de valorisation économique des produits de la haie ne sont également pas caractérisées (comme par exemple des certifications environnementales), de même que la « biomasse » issue des haies.
VII. Accélérer le traitement des contentieux pour favoriser l’émergence de projets agricoles sur le territoire [article 15]
A. des aménagements à la procédure contentieuse visant à accélérer les prises de décision des juridictions
1. Des contentieux facteurs d’allongement des délais et de complexification de projets agricoles
La poursuite de l’objectif de souveraineté alimentaire consacré par l’article 1er du présent projet de loi nécessite la dynamisation de l’émergence de nouveaux projets agricoles sur le territoire. À ce titre, les ouvrages hydrauliques, tels que les retenues collinaires, peuvent revêtir une importance particulière pour permettre aux exploitations dans certains territoires de faire face aux aléas climatiques, et notamment aux épisodes de sécheresse toujours plus fréquents et intenses. De même, les installations d’élevage constituent un élément essentiel de la souveraineté alimentaire française.
Or, pour ces types de projets, le risque de contentieux constitue souvent un facteur majeur d’inquiétude pour les agriculteurs. Les recours de plus en plus fréquents contre les différents actes de la procédure introduisent de l’incertitude pour les porteurs de projets et allongent parfois considérablement les délais de concrétisation. Ainsi, selon l’étude d’impact du présent projet de loi, « la durée moyenne entre l’obtention de l’autorisation administrative au titre de la loi sur l’eau (L. 214-1 du code de l’environnement) et la décision juridictionnelle finale est d’environ 4 ans et 6 mois. »
2. Le champ des projets agricoles et décisions concernés par l’article 15
Dans ce contexte, l’article 15 du présent projet de loi introduit un nouveau chapitre XV intitulé « Le contentieux de certaines décisions en matière agricole » composé des articles L. 77-15-1 à L. 77-15-4 au sein du titre VII du livre VII du code de justice administrative. Il vise à rationaliser les contentieux liés spécifiquement à deux types de projets agricoles :
– la première catégorie de projets visée est celle des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) soumis aux dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’environnement (autorisation ou déclaration dite « loi sur l’eau ») ([132]), à la double condition qu’ils poursuivent à titre principal une finalité agricole (culturale, sylvicole, aquacole ou d’élevage) et qu’ils ne soient pas destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines ;
– la deuxième catégorie de projets concernée est celle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) au sens de l’article L. 511-1 du code de l’environnement ([133]), dès lors qu’elles sont destinées à une activité d’élevage (de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes), aux couvoirs ou à la pisciculture.
Pour ces deux catégories de projets, l’article s’applique aux contentieux relatifs à certaines décisions et autorisations dont la liste est précisée ci-dessous.
Liste des décisions individuelles entrant dans le champ de l’article 15
– l’autorisation environnementale (article L. 181-1 du code de l’environnement) ;
– l’absence d’opposition à une déclaration « loi sur l’eau » pour les IOTA y étant soumis (article L. 214-3 du même code) ;
– la dérogation « espèces protégées » (article L. 411-2 du même code) ;
– l’absence d’opposition à une déclaration « Natura 2000 » (article L. 414-4 du même code) ;
– le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations relevant du régime des ICPE (articles L. 512-7 ou L. 512-8 du même code) ;
– l’autorisation de défrichement (articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier) ;
– l’autorisation « monument historique » ou « site patrimonial remarquable » (articles L. 621-32 ou L. 632-1 du code du patrimoine) ;
– les prescriptions archéologiques (article L. 522-1 du même code) ;
– la décision de non-opposition à déclaration préalable ou le permis de construire, d’aménager ou de démolir (livre IV du code de l’urbanisme) ;
– les décisions relatives à la prorogation ou au transfert d’une des décisions mentionnées ci-dessus ;
– les décisions modifiant ou complétant les prescriptions des décisions mentionnées ci-dessus.
3. L’instauration de règles de procédure dérogatoires au contentieux de droit commun inspirées du code de l’urbanisme
Dans l’objectif d’accélérer les contentieux liés à ces décisions, pour les types de projet susmentionnés, l’article 15 du projet de loi prévoit notamment deux volets de mesures concernant d’une part, les pouvoirs du juge administratif (article L. 77‑15-2 du code de justice administrative) et d’autre part, les conditions du référé suspension (article L. 77-15-3 du même code).
L’article L. 77-15-2 prévoit que :
– lorsqu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande donnant lieu à la décision ou une partie de la décision attaquée, le juge administratif limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou partie entachée d’irrégularité ;
– lorsqu’un vice entraînant l’illégalité de la décision attaquée est susceptible d’être régularisé, le juge administratif sursoit à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour permettre la régularisation dudit vice.
À noter que ce dispositif s’inspire de l’article L. 181-18 du code de l’environnement qui prévoit déjà un tel régime pour les recours dirigés contre une autorisation environnementale.
La plus haute juridiction administrative a ainsi déjà eu l’occasion de préciser les contours de ce régime, jugeant que « la régularisation implique l’intervention d’une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S’il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi. » ([134])
Concernant le régime du référé suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative), l’article L. 77-15-3 (nouveau) prévoit que :
– la requête en référé suspension ne peut être introduite que dans le délai fixé de cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort ;
– la condition d’urgence est présumée satisfaite ;
– le juge des référés statue dans un délai d’un mois.
La cristallisation des moyens
En application de l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, lorsque le juge considère que l’affaire est en état d’être jugée, il peut fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les moyens sont cristallisés, c’est-à-dire celle à compter de laquelle les parties ne peuvent plus produire de moyens nouveaux.
Cette ordonnance de cristallisation des moyens ne fait pas obstacle à l’approfondissement du débat par la production de nouveaux mémoires ou pièces, tant que ceux-ci se rapportent aux moyens déjà soulevés. Il empêche uniquement l’élargissement du débat à de nouveaux moyens, afin notamment de prévenir d’éventuelles stratégies dilatoires de la part du requérant.
Par dérogation à ce régime général, la date de cristallisation des moyens intervient deux mois après la communication aux parties du premier mémoire en défense en ce qui concerne les décisions d’urbanisme (article R. 600-5 du code de l’urbanisme).
En l’absence d’ordonnance de cristallisation des moyens, les parties ont jusqu’à la clôture de l’instruction pour produire des moyens nouveaux.
Comme indiqué au sein de l’étude d’impact, ce dispositif s’inspire de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, tel qu’issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi « ELAN », qui prévoit un régime contentieux identique pour les recours dirigés contre certaines décisions d’urbanisme. Ainsi, le juge administratif a déjà eu l’occasion de préciser les contours de ce régime, jugeant notamment qu’en découlait une impossibilité d’introduire une demande de suspension devant le juge d’appel ([135]) ou encore que la présomption d’urgence ne pouvait être levée qu’en faisant état de « circonstances particulières » ([136]).
Toutefois, dans son avis n° 408136 sur le projet de loi, le Conseil d’État relève que le dispositif envisagé tend à aller au-delà des précédents juridiques mentionnés « puisque les mesures envisagées couvrent toutes les décisions en principe nécessaires à la réalisation des projets [visés] quelles que soient les législations qui les prévoient. »
En outre, l’article 15 innove en prévoyant qu’en cas de contentieux, la « durée de validité » de l’autorisation accordée par la décision attaquée, ainsi que celle des autres autorisations nécessaires à la réalisation du projet, est suspendue jusqu’à l’intervention de la décision juridictionnelle au fond (article L. 77-15-4).
B. mieux évaluer les effets et les risques juridiques du dispositif
L’avis rendu par le Conseil d’État sur le présent projet de loi soulève plusieurs risques juridiques majeurs.
● Il rappelle tout d’abord que les dérogations au régime contentieux de droit commun doivent être fondées sur des critères objectifs, en rapport direct et proportionné avec le but poursuivi, et respecter le principe constitutionnel d’égalité devant la justice.
À cet égard, il relève que les projets hydrauliques et d’élevage visés par le projet de loi ne présentent pas de spécificité justifiant a priori un régime dérogatoire et ajoute que « l’intérêt de projets tels que les stockages d’eau ne peut s’apprécier vraiment qu’au cas par cas (…) compte tenu des répercussions des changements climatiques propres à chaque territoire et de la nécessité de concilier les différents usages de la ressource. » En outre, l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières concernant le contentieux des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage, notamment en termes de délais de jugement ou de complexité.
● Il alerte également sur le risque que ces règles contentieuses spéciales, à rebours des objectifs recherchés de simplification, de clarté et d’accélération, nuisent à la lisibilité des procédures et contribuent paradoxalement à accroître leur complexité et à les allonger.
En particulier, « il ne peut pas être exclu que les pouvoirs de régularisation du juge, appliqués à une pluralité de décisions successives, soient sources de complication et d’allongement des procédures. » De même, il n’apparaît pas garanti que la restriction des possibilités de référé ait un impact sur l’accélération des procédures. Lors de son audition, M. Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, a pu souligner à ce sujet que cette restriction pourrait même désinciter à engager une médiation entre les parties, dans la mesure où celle-ci ne suspend pas les délais pour saisir le juge des référés ([137]).
Enfin, la suspension des durées de validité des décisions prévue dans le nouvel article L. 77-15-4, qui n’a jamais été appliquée, pourrait également être une source « d’incertitudes et de contestations ».
Considérant ces deux points, le Conseil d’État soulève des risques sérieux d’inconstitutionnalité au regard des principes constitutionnels d’égalité devant la justice, de sécurité juridique et de bonne administration de la justice.
L’accélération du contentieux ne doit également pas se faire au détriment du contrôle étroit du respect de nos règles environnementales. De ce point de vue, il apparaît essentiel d’écarter du dispositif les projets qui, par leur nature même, portent une atteinte disproportionnée aux ressources naturelles. À ce titre, votre rapporteure pour avis tient à souligner l’importance de l’exclusion prévue des « ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines », dès lors que la tension croissante sur le taux de remplissage des nappes phréatiques rend ce type de projets anachronique au regard des impératifs contemporains liés à la gestion de l’eau.
VIII. Habilitations à légiférer par ordonnance [articles 13, 16 et 17]
A. article 13 : alléger la réponse pénale À condition de favoriser une meilleure appropriation des normes environnementales
L’article 13 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour alléger les régimes de répression des infractions prévus aux articles L. 415-3 et L. 173-1 du code de l’environnement :
– l’article L. 415-3 punit jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende le fait de porter atteinte à la conservation d’espèces animales et végétales protégées, de leurs habitats naturels et de sites d’intérêt géologique en violation des articles L. 411-1 et L. 411-2 qui transposent en droit interne les directives européennes « Habitats » et « Oiseaux » ;
– l’article L. 173-1 punit jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amender le fait d’exercer une activité ou d’exploiter un ouvrage sans les autorisations requises ou en violation d’une mesure prise en application du code de l’environnement.
L’étude d’impact du projet de loi interroge « la nécessité et la proportionnalité de telles sanctions pénales », en particulier lorsque les manquements sont commis à l’occasion d’activités agricoles et forestières légalement ou réglementairement prescrites par ailleurs par l’autorité administrative. Seraient par exemple concernées les obligations légales de débroussaillement (OLD) réalisées au titre de la prévention des risques d’incendie mais pouvant donner lieu à des destructions d’habitats d’espèces protégés sanctionnées par l’article L. 415-3 du code de l’environnement. En réponse aux difficultés de conciliation entre la protection de la biodiversité et la réalisation de travaux forestiers, une feuille de route « Travaux forestiers et protection des habitats d’espèces protégés » élaborée conjointement par les ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture est ainsi parue en mai 2023 ([138]).
D’après l’étude d’impact du projet de loi, en 2022, les agents assermentés de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont engagé 136 procédures judiciaires pour destruction d’espèces protégées ou de leurs habitats. Si elle demeure rarement appliquée, la menace d’une sanction pénale serait plus largement de nature à générer « un sentiment de mal-être, voire à dissuader des exploitants individuels de poursuivre leur activité agricole ».
L’habilitation à légiférer autorise ainsi le Gouvernement à « adapter l’échelle des peines et réexaminer leur nécessité, y compris en substituant à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative, en tenant compte de ce que le manquement a été commis à l’occasion de l’exécution d’obligations légales ou réglementaires ou d’activités régulièrement déclarées (…) conformément aux prescriptions de l’autorité administrative. »
Les difficultés de conciliation entre l’application de la réglementation relative aux espèces protégées et à leurs habitats et l’exercice des activités agricoles et forestières peuvent justifier de réviser la réponse pénale qui apparaît le plus souvent disproportionnée par rapport à la gravité des manquements et source de crispations et d’incompréhensions sur le terrain.
Toutefois, votre rapporteure pour avis attire l’attention sur le risque de régression de l’arsenal judiciaire en matière de protection des espèces protégées du fait de l’adoption de peines moins dissuasives. Cette évolution législative doit s’inscrire dans l’objectif d’instaurer une meilleure appropriation par les agriculteurs des exigences légales de conservation des espèces protégées et de leurs habitats, qui demeurent par ailleurs inchangées dans le code de l’environnement (article L. 411‑1). Le fait que l’habilitation à légiférer prévoit également de définir à la charge des auteurs des manquements des « obligations de restauration écologique » constitue de ce point de vue une contrepartie essentielle à l’allégement des peines envisagé.
B. Article 16 : des mesures concernant les chiens de protection des troupeaux de faible portée
1. Un recours croissant aux chiens de protection des troupeaux susceptible de majorer les conflits dans les territoires concernés
Dans le contexte d’expansion à la fois démographique et géographique du loup ([139]) et d’autres prédateurs (l’ours), le recours aux chiens dits de protection des troupeaux a fortement augmenté en France. L’efficacité de ces chiens est en effet reconnue contre la prédation ; leur utilisation est fortement encouragée par les pouvoirs publics via des aides financières et conditionne l’obtention d’une indemnisation suite à une attaque de troupeau.
L’augmentation rapide du nombre de chiens de protection présents en vallée comme en alpage soulève néanmoins des problématiques nombreuses sur le terrain, auxquelles les politiques publiques peinent encore à apporter des réponses, en particulier en l’absence d’une filière constituée de « chiens de protection » pouvant assurer la sélection et le suivi des chiens.
Les problèmes de cohabitation avec les autres usagers de la montagne demeurent récurrents et cristallisent des tensions (conflits de voisinage mineurs liés aux aboiements, conflits d’usage avec les promeneurs, accidents dans les cas les plus graves). Les conclusions du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur les chiens de troupeau ([140]) soulignent également les fortes contraintes que représente la charge de chiens de protection pour les éleveurs et les bergers en termes de coût financier, de formation (nécessité d’acquérir des compétences spécifiques), de temps de travail et d’engagement de leur responsabilité, y compris pénale, en cas d’incident.
2. Des mesures ciblées sur les installations classées et la responsabilité pénale des éleveurs
Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a récemment publié, en juin 2023, un rapport relatif au statut des chiens de protection des troupeaux mettant en avant diverses recommandations visant à sécuriser juridiquement le recours à ces animaux. Le rapport écarte la définition d’un statut juridique spécifique aux « chiens de travail » ou « chiens de protection des troupeaux » qui « ne suffirait pas à répondre aux craintes et aux difficultés rencontrées » et invite à cibler les aspects de la réglementation pouvant poser des difficultés d’application.
Dans cette perspective, l’article 16 du projet de loi ne propose pas de réforme d’ampleur du régime juridique applicable aux chiens de troupeau, mais cible deux sujets juridiques pouvant constituer des freins ou une préoccupation pour les éleveurs.
● Le I de l’article 16 autorise ainsi une modification par voie réglementaire de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement concernant les chiens de protection de troupeau. Il précise explicitement le fait que le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques » ne peut s’y opposer.
La réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) s’applique en effet actuellement aux propriétaires de plus de neuf chiens (rubrique n° 2120 de l’annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement). Si celle-ci apparaît pertinente pour des établissements ayant une activité d’élevage, de vente, de transit, de garde, de détention, de refuge ou de fourrière, elle est, d’après l’étude d’impact du projet de loi, « inadaptée » et excessivement « contraignante », pour des éleveurs et bergers qui recourent à des chiens de protection contre la prédation. Le seuil de neuf chiens serait d’autant plus rapidement atteint que s’ajoutent aux chiens de protection d’éventuels chiens de berger, de garde, de chasse ou d’agrément.
L’étude d’impact du projet de loi suggère un rehaussement du seuil à vingt chiens, auquel cas il est estimé qu’environ soixante-dix installations comprenant entre dix et cinquante chiens ne seraient plus soumises au régime déclaratif des ICPE et relèveraient du règlement sanitaire départemental. Toutefois, comme le souligne l’avis du Conseil d’État, l’utilité de cette disposition n’apparaît pas évidente. La modification de seuils et critères de la nomenclature des ICPE relève en effet de la compétence du pouvoir réglementaire qui ne saurait être exonéré du respect du principe de non-régression de la protection de l’environnement par la présente disposition.
● Le II de l’article 16 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « encourager les éleveurs à recourir aux chiens de protection des troupeaux, en prévoyant des règles adaptées d’engagement de [leur] responsabilité pénale en cas de dommages causés par ces chiens. »
Les conclusions de la mission précitée du CGAAER soulignent en effet que le risque d’engagement de la responsabilité pénale en cas d’incident constitue une réelle préoccupation et une source d’insécurité pour les éleveurs.
Il n’existe pas à ce jour de régime juridique spécifique aux chiens de protection en la matière ; les sanctions applicables sont communes aux agressions commises par tout type de chien. Or, les chiens de protection sont éduqués à adopter des comportements de défense de leur troupeau, ce qui tend à majorer les risques d’incidents. En cas de blessure et en l’absence d’incapacité totale de travail pour la victime, les articles R. 622-1 et R. 625-3 du code pénal prévoient une contravention de deuxième classe pour une faute simple et une contravention de cinquième classe pour une faute caractérisée. En cas d’incapacité totale de travail pour la victime, les articles 222-19-2 et 220-20-2 du même code prévoient des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (hors circonstances aggravantes).
En pratique toutefois, le nombre de cas de mise en cause de la responsabilité pénale des éleveurs ou des bergers demeurerait faible. D’après le rapport du CGAAER précité, à titre d’illustration, dans le ressort du tribunal judiciaire de Gap, dans le département des Hautes-Alpes le plus concerné par les incidents, il a été recensé 25 plaintes liées à des morsures par un chien de protection en 2021 et 15 plaintes en 2022. Une seule affaire a été renvoyée vers le tribunal correctionnel, et deux vers le tribunal de police, pour l’établissement d’une contravention.
Par ailleurs, le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance, de même que l’étude d’impact du projet de loi, apportent peu de précisions sur la nature des modifications qui pourront être apportées au régime de responsabilité pénale des éleveurs.
3. La nécessité de structurer une filière « chiens de protection » demeure
Si l’article 16 apporte ainsi des réponses à des problématiques ciblées, le nombre d’éleveurs réellement concernés par ces mesures demeure faible. Pour limiter les risques juridiques liés au recours aux chiens de protection et renforcer leur acceptabilité sociale dans les espaces pastoraux, des mesures structurelles demeurent nécessaires et attendues :
– la mise en place d’une filière « chiens de protection » garante de la sélection de chiens adoptant un comportement adéquat et leur suivi constitue une recommandation de longue date. En l’absence de filière constituée, les éleveurs et bergers tendent en effet à recourir à des chiens peu sélectionnés et des races diversifiées autres que le Montagne des Pyrénées (communément appelé « Patou ») en provenance d’Italie, d’Espagne et d’Europe de l’Est, dont l’adaptation au travail de protection des troupeaux et l’absence de comportements agressifs vis-à-vis des personnes ne sont pas toujours vérifiées ;
– la formation des éleveurs et des bergers, de même que la communication, la sensibilisation et l’éducation des autres usagers aux comportements des chiens de protection des troupeaux sont également essentielles pour favoriser les conditions d’une cohabitation plus sereine.
Lors de son audition, l’Association française de pastoralisme a par ailleurs regretté que le titre IV du projet de loi ne contienne aucune disposition visant à remédier à la complexité et au défaut de cohérence des réglementations applicables aux espaces pastoraux. Ces espaces ne sont en effet pas reconnus spécifiquement dans les politiques et documents d’aménagement et d’urbanisme ; ils relèvent tantôt du code forestier, tantôt du code rural et de la pêche maritime.
C. Article 17 : des allègements de portée limitée pour la filière laine et l’aquaculture
1. Faciliter le compostage de la laine dans un contexte de crise pour la filière
Le I de l’article 17 du projet de loi autorise la modification par voie réglementaire de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) concernant les sous-produits lainiers, sans que puisse s’y opposer le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques ».
La mesure vise tout particulièrement la filière de la laine confrontée à un manque de débouchés majeur depuis la crise sanitaire et la réduction des achats chinois. Les cours de la laine se sont effondrés pour atteindre environ 0,2 euro par kilogramme début 2024, ce qui ne permet pas de couvrir les coûts de tonte (2,5 euros par kilogramme). Il y aurait ainsi actuellement environ 3 000 tonnes de laine stockées dans les exploitations ovines, en attente de valorisation. Cette crise s’inscrit plus généralement dans un contexte de déclin de la filière, confrontée de longue date à la concurrence des fibres synthétiques et de pays produisant à bas coûts.
La relance de la filière nécessite l’ouverture de débouchés et de nouvelles voies de valorisation. Le rapport du CGAAER publié en avril 2023 ([141]) identifie à ce titre le compostage comme une « solution acceptable ». Le compostage des résidus de laine est une technique ancienne éprouvée, aujourd’hui tombée en désuétude. D’après le CGAAER, elle pourrait être envisagée au niveau de l’exploitation ou d’une structure coopérative d’éleveurs ovins pour éliminer à moindre coût la laine stockée, tout en constituant un apport complémentaire d’engrais organiques pour les fermes.
Toutefois, les réglementations en vigueur, issues des règlements européens (CE) n° 1069-/2009 du 21 octobre 2009 et (UE) n° 1042/2011 du 25 février 2011, dits « SPAN », et de la réglementation nationale relative aux ICPE, constituent un frein au développement de cette pratique. En effet, le compostage de la laine n’est pas spécifiquement prévu par la nomenclature des ICPE ; il est par défaut couvert par la rubrique n° 2780-3 « Compostage d’autres déchets » de l’annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement, soumise à une obligation d’enregistrement dès le premier gramme de matière compostée (autorisation au‑delà de 75 tonnes par jour). En revanche, en application de la rubrique 2780-1, le compostage des effluents d’élevage est soumis à simple déclaration à partir de trois tonnes de matière traitée par jour.
La nécessité d’un enregistrement au titre de la réglementation des ICPE pour composter la laine constitue une barrière pour le développement de la pratique dans des exploitations ovines de petite taille pour la plupart. D’après l’étude d’impact du présent projet de loi, l’objectif du Gouvernent est ainsi « de soumettre la laine, au vu de la nature de la matière, des volumes concernés et du procédé à la ferme, au même encadrement réglementaire que les effluents d’élevage ». Par décret, le compostage de la laine serait ainsi inclus dans le périmètre des matières concernées par la rubrique n° 2780-1 et passerait d’une obligation d’enregistrement à une obligation de déclaration à partir de trois tonnes traitées par jour, au même titre que les effluents d’élevage.
Il est toutefois à noter que le I de l’article 17 revêt une portée plus large que cette modification, dans la mesure où il autorise toute simplification de la nomenclature des ICPE concernant les sous-produits animaux. Le cas de la méthanisation de la laine, identifiée par le rapport du CGAAER comme une voie potentielle de valorisation nécessitant des études complémentaires, pourrait être envisagé par le Gouvernement.
La portée de la mesure demeure néanmoins limitée ; lors de son audition, la Fédération nationale ovine a appelé à des réformes plus structurelles pour ouvrir de nouvelles perspectives à la filière « laine » et soutenir les revenus des éleveurs ovins, particulièrement faibles en comparaison des autres filières d’élevage malgré des prix de marché en hausse.
Par ailleurs, sur le plan juridique, l’utilité de la disposition n’est pas certaine. Les seuils et critères de la nomenclature des ICPE peuvent être modifiés par voie réglementaire ; la mention au principe de non-régression de la protection de l’environnement n’exonérant en rien le pouvoir réglementaire de respecter ledit principe dans l’exercice de sa compétence.
2. Simplifier les démarches administratives des pisciculteurs
Le récent rapport du Haut-Commissariat au plan publié en janvier 2024 ([142]) rappelle l’important déficit commercial de la France sur les produits de la mer, de la pêche et de l’aquaculture (4,6 milliards d’euros de déficit en 2021 et 5,7 milliards en 2022). Alors que la France dispose d’un fort potentiel dans le secteur du fait notamment de l’importance de sa zone économique exclusive et de son réseau de rivières et cours d’eau, plus de 70 % des produits piscicoles consommés en France sont importés.
Pour expliquer ces difficultés, le rapport souligne la faible acceptabilité sociale des installations aquacoles, souvent méconnues et perçues comme néfastes pour l’environnement et le bien-être animal, ainsi qu’« un cadre administratif et réglementaire particulièrement complexe qui décourage un grand nombre de porteurs de projets », caractérisé par « des normes nombreuses et enchevêtrées » et « une architecture institutionnelle peu lisible, éclatée entre plusieurs ministères, services déconcentrés et collectivités territoriales. » Lors de son audition, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) a également souligné une forte inadéquation entre les productions françaises et les pratiques de consommation en France.
Les piscicultures ([143]) d’eau douce sont actuellement soumises à deux types de nomenclature en fonction de leur capacité de production et de leur impact sur le milieu aquatique :
– la nomenclature des ICPE mentionnée à L. 511-2 du code de l’environnement : sa rubrique 2130 (annexe à l’article R. 511-9) prévoit notamment un régime d’autorisation pour les piscicultures d’eau douce d’une capacité de production supérieure à 20 tonnes par an ;
– la nomenclature des IOTA prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement qui concerne les installations ayant un impact sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques : sa rubrique 3.2.7.0 (annexe à l’article R. 214-1) prévoit notamment un régime de déclaration pour les piscicultures d’eau douce concernées par la nomenclature.
Les piscines d’eau de mer sont soumises uniquement à la réglementation relative aux ICPE (rubrique 2130 à l’annexe de l’article R. 511-9). D’autres procédures peuvent être par ailleurs nécessaires au titre du code de l’urbanisme. Les autorités compétentes pour l’instruction des dossiers diffèrent par ailleurs selon la réglementation applicable, ce qui est un facteur de complexité supplémentaire pour les acteurs de la filière.
Actuellement, d’après les données de l’étude d’impact, parmi les 800 sites de production aquacole recensés, 270 ont une production supérieure à 20 tonnes par an (et sont donc soumis au régime ICPE de l’autorisation). Le seuil fixé par la nomenclature des ICPE découragerait de nombreux producteurs à augmenter leur capacité de production au-delà de 20 tonnes par an, le dépassement du seuil rendant obligatoire une procédure d’autorisation (dont les délais d’instruction moyens varient entre dix mois et un an) et le passage du régime IOTA au régime ICPE, le cas échéant.
En ce sens, le II de l’article 17 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « adapter » le régime des installations aquacoles en raison de leur classement dans la nomenclature relative aux ICPE mentionnée à l’article L. 511-2 ou dans la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) prévue à l’article L. 214-2.
D’après l’étude d’impact du projet de loi, cette habilitation vise à établir une nomenclature unique et relever le seuil pour le passage au régime d’autorisation, de façon à simplifier les démarches administratives des pisciculteurs et favoriser le développement de la filière. Le seuil d’autorisation pourrait ainsi être relevé par voie réglementaire à 100 tonnes, voire 500 tonnes par an. En revanche, l’architecture de la nomenclature unique et notamment le choix entre le régime ICPE et le régime IOTA soulèvent des difficultés techniques et ne sont pas arbitrés à ce jour, d’après l’audition de la DGAMPA.
Le relèvement des seuils d’autorisation ne doit néanmoins pas se faire au détriment du respect des normes environnementales dans les sites de production aquacole. Votre rapporteure pour avis appelle à une vigilance renforcée à ce sujet.
IX. article 18 : sécuriser la gestion de l’eau en facilitant l’intervention des départements
En application de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, les communes sont compétentes en matière de distribution d’eau potable et peuvent à ce titre intervenir pour assurer la production d’eau potable ainsi que son transport et son stockage.
Les départements, au même titre que les autres collectivités territoriales, peuvent entreprendre des travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant notamment l’approvisionnement en eau (3° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement).
Toutefois, cette compétence concerne, en l’état, uniquement la gestion du grand cycle de l’eau à l’état brute et non traitée, dès lors que la gestion de l’eau potable, destinée à la consommation humaine, est une compétence exclusive de l’échelon communal, en vertu de l’article L. 2224-7-1 précité.
Or, selon l’étude d’impact du présent projet de loi : « Plusieurs départements ont (…) exprimé leur souhait de réaliser des ouvrages de sécurisation de la ressource en eau. De même, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) est favorable à l’intervention des départements au sein de syndicats mixtes assurant la distribution d’eau. »
Ainsi, la mesure n° 35 du Plan gouvernemental sur l’eau présenté le 30 mars 2023 consiste à faciliter les conditions d’une intervention efficace des conseils départementaux en matière d’assistance technique et financière. Dans cet objectif, l’article 18 du présent projet de loi prévoit la création de deux articles au sein du code général des collectivités territoriales afin de prévoir les conditions d’intervention des départements en matière d’approvisionnement en eau potable.
Premièrement, les départements pourront recevoir à cette fin, à titre gratuit, un mandat de maîtrise d’ouvrage confié par l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent, sous réserve que celui-ci y soit expressément autorisé par ses statuts.
Le mandat de maîtrise d’ouvrage
Les articles L. 2422-5 à L. 2422-11 du code de la commande publique prévoient les conditions dans lesquelles un maître d’ouvrage peut confier, par contrat, à un mandataire, tout ou partie de ses attributions.
Les attributions qui peuvent faire l’objet d’un tel contrat de mandat sont par exemple la passation du marché de maîtrise d’œuvre (2° de l’article L. 2422-6 du même code), la passation des marchés publics de travaux (4° du même article) ou encore la réception des ouvrages (6° du même article).
Le mandataire est soumis à l’obligation d’exécution personnelle du contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage (article L. 2422-8 du même code) et représente le maître d’ouvrage à l’égard des tiers dans l’exercice des attributions qui lui ont été confiées (article L. 2422-10 du même code).
Deuxièmement, les départements pourront s’associer, sous la forme de syndicats mixtes, avec les communes et les intercommunalités compétentes en matière de production, de transport et de stockage d’eau destinée à la consommation humaine, pour assurer tout ou partie de ces compétences.
L’article 18 du présent projet de loi n’a donc pas pour objet de retirer aux communes et intercommunalités leur compétence en matière de gestion de l’eau potable, mais uniquement d’offrir la possibilité d’une meilleure participation financière et technique des départements en la matière. Dès lors, cette disposition constitue un outil supplémentaire à la disposition des collectivités territoriales pour exercer au mieux cette compétence qui apparaît cruciale dans un contexte de tension croissante sur la ressource en eau, notamment liée à l’accélération et l’intensification des épisodes de sécheresse.
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liste des personnes auditionnées par
mme sandrine le feur, rapporteurE pour avis
de la commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire
(par ordre chronologique)
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
– Cabinet du ministre
Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire
M. Emmanuel Honoré, conseiller en charge du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, des élus et des discours
Mme Marie-Christine Le Gal, conseillère « Enseignement agricole, renouvellement des générations, compétence et emploi »
M. Louis De Redon, conseiller « Forêt-bois, agroforesterie »
Mme Audrey Gross, conseillère « Souveraineté des filières animales, outre-mer »
M. Tom Michon, conseiller budgétaire et gestion des risques
Mme Mylène Testut-Neves, directrice de cabinet adjointe
M. Guillaume de la Taille, directeur des affaires juridiques
– Direction générale de la performance environnementale des entreprises (DGPE)
M. Philippe Duclaud, directeur général
Mme Élodie Lematte, cheffe du service compétitivité et performance environnementale (SCPE)
– Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER)
M. Benoît Bonaimé, directeur général
Ministère de la transition écologique – Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)
Mme Marie-Laure Metayer, adjointe de la directrice
M. Damien Lamotte, sous-directeur « Coordination, appui, stratégie et pilotage des politiques de protection et restauration des écosystèmes » (CASP)
Audition conjointe
– France Nature Environnement (FNE) *
Mme Cécile Claveirole, pilote du réseau « Agriculture »
Mme Laure Piolle, animatrice du réseau « Agriculture »
– Fondation pour la nature et l’homme *
M. Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer
Mme Elyne Etienne, responsable « Élevage »
Audition conjointe « Transmission et enjeux fonciers »
– Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER)
M. Emmanuel Hyest, président
M. Nicolas Agresti, directeur des études
Mme Sabine Agofroy, chargée des relations parlementaires et européennes
– Terre de Liens *
M. Tanguy Martin, chargé de plaidoyer
Audition conjointe
– Fédération nationale Afac-Agroforesteries
Mme Catherine Moret, secrétaire générale
Mme Paule Pointereau, responsable « Stratégie et projets »
– Prom’haies Nouvelle-Aquitaine
M. Daniel Barillot, président
Collectif Nourrir * et SOL Alternatives agroécologiques et solidaires *
Mme Ariane Richardot, chargée de plaidoyer au Mouvement inter-régional des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne
Mme Salomé Le Bourligu, chargée de projets SOL
Mme Clotilde Bato, co-présidente du collectif Nourrir et déléguée générale de l’association SOL
Mme Marion Vigneau, chargée de dossiers politiques au collectif Nourrir
M. Léo Tyburce, responsable plaidoyer « Agriculture » au WWF
Audition conjointe
– Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *
M. Luc Smessaert, vice-président
M. Christian Durlin, membre du bureau et président de la commission « Environnement »
M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques
M. Antoine Suau, directeur du département « Économie et développement durable »
– Jeunes agriculteurs *
M. Julien Rouger, membre du bureau
Mme Adama Sene, juriste
M. Béranger Perrier, conseiller « Environnement et territoires »
Audition conjointe
– Confédération paysanne *
Mme Sylvie Colas, secrétaire nationale
– Coordination rurale *
Mme Amélie Rebiere, membre du comité directeur
Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA)
M. Mikaël Quimbert, sous-directeur « Aquaculture et économie des pêches »
Table ronde « Titre IV – Élevage »
– Association française du pastoralisme
M. Pascal Grosjean, vice-président
– Fédération nationale ovine *
M. Claude Font, secrétaire général
Mme Rachel Legrand, chargée de mission
– Institut de l’élevage (Idele)
M. Joël Merceron, directeur général
Mme Anne-Charlotte Dockes, directrice « Approches sociales et transfert »
M. Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et professeur associé à l’université Paris I
Audition conjointe « Agriculture, eau et adaptation au changement climatique »
– Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)
M. Alain Dupuy, directeur du programme scientifique « Gestion des eaux souterraines »
M. Francis Garrido, directeur de la direction de l’eau, de l’environnement, des procédés et des analyses
– Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)
Mme Aurélie Catallo, directrice « Agriculture France »
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
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AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’éDUCATION
L’agriculture et l’éducation sont deux piliers essentiels de notre pacte social. Alors même que ces deux domaines peuvent paraître relativement étrangers l’un à l’autre, le présent projet de loi nous détrompe, sur deux plans. En premier lieu, l’agriculture de demain requiert, d’abord, un enseignement et une formation tout au long de la vie de grande qualité, permettant, d’une part, d’attirer suffisamment de jeunes pour faire face au défi du renouvellement des générations et, d’autre part, garantissant aux actifs de monter en compétences pour répondre aux nouveaux enjeux auxquels ils sont confrontés. Notre souveraineté alimentaire en dépend. En second lieu, l’école peut, par ailleurs, être le lieu privilégié de la refondation du lien entre les citoyens et l’agriculture, aujourd’hui distendu et souvent tissé d’idées reçues. Ces aspects justifient pleinement la saisine pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur quatre articles du présent projet de loi portant sur l’enseignement agricole technique et supérieur.
L’agriculture française est, aujourd’hui, confrontée à de nombreux défis, qui trouvent un écho dans les enjeux auxquels fait face l’enseignement agricole en particulier. En effet, alors que l’enseignement agricole est un enseignement performant, dont sont issus un grand nombre d’élèves diplômés qui s’insèrent sans difficulté dans le monde professionnel, et malgré les évolutions récentes qu’il a su mettre en œuvre, il reste confronté à un grand nombre de difficultés qui appellent des réponses : il s’agit, en particulier, d’accroître l’attractivité des formations qu’il propose et d’augmenter le nombre de diplômés pour répondre aux besoins en emplois des secteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit aussi d’élever le niveau de diplôme et d’adapter la formation aux enjeux, en particulier, des transitions agroécologique et climatique pour permettre une montée en compétence générale des actifs et assurer leur pleine capacité à s’adapter aux évolutions en cours et à venir. L’investissement dans la recherche et l’innovation est, enfin, primordial pour garantir la résilience du système agricole.
Le présent projet de loi entend apporter des réponses sur ces différents aspects.
Le renforcement du système de formation initiale et continue, ainsi que l’investissement dans les outils de recherche et d’innovation, constitue, en effet, le premier axe du texte. Celui-ci propose, en particulier, de fixer dans la loi les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation et de consacrer le rôle que doit jouer l’enseignement agricole à cet égard. Ces priorités incluraient, notamment, la sensibilisation des élèves des écoles élémentaires et des collèges aux métiers du vivant, au travers d’actions de découverte pour les premiers et d’offres de stage pour les seconds (article 2). Le texte assigne, par ailleurs, une nouvelle mission aux établissements de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles, qui seront désormais chargés de mettre en œuvre des actions permettant de répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et d’assurer le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique (article 3). Il renforce également le rôle des collectivités territoriales et la dimension locale de la politique agricole et de formation avec le déploiement de contrats territoriaux destinés à répondre au plus près du terrain aux enjeux de renouvellement des générations d’actifs dans les secteurs agricoles et agroalimentaires (article 4). Il propose enfin de créer un diplôme de niveau bac + 3, dénommé « Bachelor Agro », ayant vocation à devenir un niveau de formation de référence dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire (article 5).
De manière générale, les rapporteurs soulignent les avancées importantes permises par le texte, tant sur le plan symbolique que sur le plan opérationnel. Les auditions conduites ont, cependant, permis d’identifier un certain nombre de difficultés qui rendent nécessaire une évolution du projet de loi initial par voie d’amendements.
Au-delà de ces enjeux, la question de l’attractivité des professions agricoles et, de manière plus spécifique, de l’enseignement agricole, ne saurait être résolue sans que soit abordé le sujet du revenu agricole, évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions. Les rapporteurs rappellent, à ce titre, que plusieurs mesures récentes ont permis des avancées sur ce point : il s’agit, notamment, des dispositions en faveur de la protection du revenu agricole contenues dans les lois dites Égalim ([144]), de la réforme de l’assurance-récolte issue du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, ou encore du renforcement de la robustesse économique des exploitations agricoles permis par le déploiement d’innovations soutenues dans le cadre de France Relance et France 2030. Si le présent projet de loi ne peut sans doute pas y apporter de réponse définitive, la réflexion sur l’avenir de l’enseignement agricole doit nécessairement intégrer la question de la rémunération des professions auxquelles il permet d’accéder ainsi que celle de l’indispensable amélioration des conditions de travail et de protection sociale.
I. l’enseignement agricole : un système performant confrontÉ À de nombreux dÉfis
A. L’enseignement agricole : un modÈle performant…
1. L’enseignement agricole tient une place importante dans le paysage éducatif français
L’enseignement agricole, qui regroupe l’enseignement technique et l’enseignement supérieur agricoles, a formé, au cours de l’année scolaire 2022-2023, près de 215 000 élèves, apprentis et étudiants. Il constitue, pour sa partie « enseignement technique », la seconde composante du service public de l’éducation quant au nombre d’élèves formés en France ‒ près de 3 %.
L’enseignement agricole prépare à près de 200 métiers et propose une diversité de formations liées au vivant, au contact avec la nature ou avec les personnes. Ces formations permettent d’intégrer les métiers des filières agricoles et agroalimentaires, mais également les métiers de la filière forêt-bois, les métiers liés à la préservation et la mise en valeur des milieux naturels, les métiers de services aux personnes âgées ou à la petite enfance en milieu rural, ou encore les métiers de services dans les territoires (tourisme, animation, communication, commerce et vente).
Les établissements de l’enseignement agricole présentent l’originalité de constituer à la fois un appareil de formation et d’éducation et un outil d’application sur le terrain des politiques publiques relevant du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, notamment en matière de transition agroécologique, de politique de l’alimentation et de réponse au défi du renouvellement des générations en agriculture. La connexion entre ces deux dimensions est constitutive de l’identité de l’enseignement agricole. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire s’attache à renforcer le continuum formation-recherche-innovation-développement ainsi que les partenariats avec le monde professionnel, qui constituent autant de spécificités de l’enseignement agricole.
Présent sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, l’enseignement agricole technique forme des élèves et apprentis de la classe de 4ème au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) au sein de 175 établissements publics (regroupant 220 lycées et scolarisant 43 % des élèves et apprentis) et 580 établissements privés sous contrat (scolarisant 57 % des élèves et apprentis) ([145]). Ces établissements regroupent également 192 exploitations agricoles et 43 ateliers technologiques et centres équestres, dont une majorité relève de l’enseignement public. Près de 200 000 apprenants, dont 154 000 élèves et 43 000 apprentis, y ont été formés au cours de l’année 2022-2023 et plus de 12 000 enseignants ([146]) y exercent leurs fonctions.
L’enseignement agricole supérieur forme, pour sa part près de 16 000 étudiants, qui se destinent notamment à devenir ingénieurs, vétérinaires ou paysagistes, au sein de seize établissements d’enseignement supérieur long, dont dix établissements publics.
En parallèle, l’enseignement agricole a délivré plus de 14 millions d’« heures-stagiaires » de formation continue en 2022-2023, soit une hausse de 5 % par rapport à l’année précédente.
Nombre d’élèves dans l’enseignement agricole technique et supérieur depuis 2010
|
Enseignement technique : |
Enseignement supérieur : ingénieurs, vétérinaires et paysagistes (cursus de référence) |
Enseignement agricole |
2010 |
200 891 |
12 285 |
213 176 |
2015 |
194 582 |
13 429 |
208 011 |
2017 |
191 171 |
13 883 |
205 054 |
2018 |
188 928 |
14 079 |
203 007 |
2019 |
189 184 |
14 578 |
203 762 |
2020 |
189 752 |
15 336 |
205 088 |
2021 |
196 178 |
15 912 |
212 090 |
2022 |
196 546 |
16 441 |
212 987 |
Source : étude d’impact annexée au projet de loi (page 39)
Ces établissements délivrent ainsi une centaine de diplômes (en formation initiale ou par apprentissage) relatifs aux secteurs de la production et de la transformation, complétés par des certificats de spécialisation en formation continue :
– les diplômes de niveau 3 : le brevet professionnel agricole (BPA) et le certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA) (premier niveau de qualification d’ouvrier ou d’opérateur) ;
– les diplômes de niveau 4 : le brevet professionnel et le baccalauréat professionnel (niveau de qualification intermédiaire d’ouvrier hautement qualifié) ;
– un diplôme de niveau 5 : le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) ;
– les diplômes de niveau 7 : ingénieurs diplômés des grandes écoles d’agronomie publiques ou privées, master, diplôme d’État de docteur vétérinaire ;
– les diplômes de niveau 8 : doctorat et diplôme de vétérinaire spécialiste.
Il peut être relevé que, pour l’année scolaire 2022-2023 seulement 20,58 % des élèves des filières de production de l’enseignement agricole, et seulement 9,44 % de ses élèves toutes filières confondues sont issus du milieu agricole ([147]). Ainsi, comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, cet enseignement a su s’ouvrir et attirer de nouveaux publics, et « la proportion des installations hors cadre familial et de personnes non issues du monde agricole est croissante, sans être encore majoritaire au plan national ».
Après une diminution des effectifs de 5,5 % entre 2012 et 2018, ceux-ci connaissent, depuis 2019, une hausse cumulée d’environ 4 %. Cette croissance résulte, principalement, des effets de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et de ses répercussions en matière d’apprentissage : de fait, les effectifs d’apprentis de l’enseignement agricole ont augmenté de 40 % depuis 2019, illustrant notamment le basculement d’une partie des effectifs de la voie scolaire vers l’apprentissage. Les effectifs totaux (élèves, étudiants et apprentis) restent toutefois inférieurs à ce qu’ils étaient en 2012 (cf. supra).
2. Un enseignement efficace, qui a déjà su s’adapter
L’enseignement agricole est un enseignement performant, dont l’efficacité peut, notamment, se mesurer à l’aune de ses taux de diplômes et d’insertion professionnelle élevés.
Ainsi, pour la session de juin 2023, 84 % des candidats qui se sont présentés au BTSA l’ont obtenu, soit un niveau de réussite similaire à ceux observés avant la pandémie de covid-19. Un tel constat permet de déterminer des cibles ajustées parmi les objectifs du projet de loi de finances pour les années à venir, autour d’un taux de réussite moyen attendu de 83 % à partir de 2024.
Par ailleurs, 87 % des diplômés d’un bac professionnel et 92 % des diplômés d’un BTSA sont insérés dans la vie professionnelle trois ans après l’obtention du diplôme. C’est également le cas de 93 % des ingénieurs et de 98 % des vétérinaires formés un an après la sortie de l’école ([148]). Le taux d’insertion professionnelle de l’enseignement agricole technique peut, d’ailleurs, dépasser 95 % selon les filières : à titre d’illustration, le taux d’insertion à 3 ans des diplômés du BTSA « Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole » (ACSE), le premier BTSA de l’enseignement agricole en nombre de diplômés, est de 96 % et celui des diplômés du BTSA « Agronomie - production végétales » est de 97 % ([149]). L’enseignement agricole vise une poursuite de l’amélioration des taux d’insertion de ses jeunes diplômés, avec un objectif de 93 % pour les BTSA, 91 % pour les baccalauréats professionnels et 77 % pour les CAPA à l’horizon 2026. Il convient de souligner que le niveau d’insertion dans l’emploi des jeunes est d’autant plus important que le niveau de diplôme obtenu est élevé. L’intégration prochaine de l’enseignement agricole technique dans InserJeunes, l’application informatique de l’Éducation nationale de mesure des taux d’insertion professionnelle pour l’enseignement technique, permettra de suivre de manière plus précise l’évolution de ces taux.
Cet enseignement dispose, par ailleurs, d’une expertise reconnue en matière d’initiatives pédagogiques et éducatives, mais aussi de travail pluridisciplinaire.
L’enseignement agricole fait preuve, en outre, d’une ouverture marquée sur l’Europe et à l’international, avec en particulier un taux important d’élèves bénéficiant du dispositif Erasmus. D’après le cabinet du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, auditionné par les rapporteurs, l’enveloppe de ces projets est très majoritairement consommée et un jeune scolarisé dans l’enseignement agricole a trois fois plus de chances de participer à un programme Erasmus qu’un étudiant de l’enseignement général. Ceci contribue à la découverte de systèmes de production, mais aussi à l’ouverture culturelle et à la compréhension de l’altérité entre jeunes européens et du monde, et constitue une véritable richesse de l’enseignement agricole.
L’enseignement agricole a connu et organisé de nombreuses évolutions récentes pour s’adapter aux mutations ou aux demandes nouvelles émanant de la société :
– les enjeux de la transition écologique et agroécologique sont désormais pris en compte dans toutes les rénovations de référentiels de formation et de diplômes, qu’ils relèvent de la voie générale, technologique ou professionnelle. Le baccalauréat général de l’enseignement agricole propose ainsi une spécialité « biologie-écologie » ainsi qu’un enseignement optionnel « agronomie, économie, territoire » qui permettent d’aborder ces enjeux. Concernant la voie professionnelle, plus de 70 % des diplômes ont été rénovés en introduisant la notion de « transitions » dans les compétences à développer ; la rénovation des 30 % restants est programmée. Par ailleurs, l’intégration des enjeux de la transition écologique et agroécologique dans les programmes est l’objectif principal du plan national « Enseigner à Produire Autrement pour les transitions et l’agroécologie (EPA2) » 2020-2024 piloté par la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire : à mi-parcours, à l’issue de l’année scolaire 2021‑2022, 70 % des établissements agricoles techniques avaient adopté une stratégie locale de transition adaptée à leur territoire et 70 % des référentiels de formation avaient intégré l’agroécologie ;
– le développement de l’éducation socioculturelle se poursuit, au travers notamment d’un enseignement spécifique qui a pour ambition de former de futurs citoyens éclairés en donnant aux élèves les moyens de comprendre le monde qui les entoure, d’agir et de communiquer selon les valeurs démocratiques de la société, tout en développant des compétences psychosociales ;
– l’inclusion des élèves en situation de handicap s’améliore : l’enseignement agricole est engagé pour l’inclusion scolaire et plusieurs dispositions ont été prises afin de permettre la scolarisation, dans les meilleures conditions, des élèves et étudiants en situation de handicap, en lien avec les enseignants référents de l’Éducation nationale et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces mesures comprennent des aides techniques, humaines ou organisationnelles. Depuis la rentrée scolaire 2017, deux agents à temps plein animent un réseau national consacré à l’inclusion des jeunes en situation de handicap dans l’enseignement agricole.
Le recours au dispositif du « Pacte enseignant » témoigne de ces différentes évolutions : pour l’enseignement agricole, au-delà du remplacement de courte durée, qui constitue une priorité comme pour l’Éducation nationale, huit missions ont été identifiées dont les suivantes : l’accompagnement des élèves en difficulté, l’inclusion scolaire, l’accompagnement des transitions agroécologiques et l’intensification de la découverte des formations de l’enseignement agricole et des métiers du vivant pour les élèves de collège.
B. …confrontÉ À de nombreux dÉfis
Le renouvellement des générations et l’accompagnement du monde agricole vers les transitions actuelles, au premier rang desquelles la transition agroécologique, constituent aujourd’hui des défis centraux à relever pour garantir notre souveraineté alimentaire et la pérennité de l’agriculture française. L’enseignement agricole est en première ligne face à ces défis et les évolutions de son modèle seront centrales pour former efficacement les agriculteurs et, plus globalement, les actifs agricoles de demain.
1. Le renouvellement des générations
a. Le vieillissement de la population agricole
Le renouvellement des générations agricoles est une condition sine qua non de notre capacité collective à garantir notre souveraineté alimentaire. Cette question est au cœur de l’avenir du modèle de l’enseignement agricole.
Le constat est connu : depuis maintenant plus d’un demi-siècle, la population agricole française ne cesse de décroître. Au cours des dernières décennies, la population active dans le secteur agricole a considérablement diminué, en lien avec l’augmentation des gains de productivité et la taille croissante des exploitations. D’après les statistiques du dernier recensement agricole décennal de 2020, la France compte aujourd’hui 496 000 exploitants agricoles, contre plus de 2,5 millions en 1955. Entre 2010 et 2020, le nombre d’agriculteurs a baissé de 18 % et le nombre d’exploitations agricoles de 20 %.
La population agricole est, par ailleurs, vieillissante, comme le montrent également les données du même recensement. Les exploitants sont âgés en moyenne de 51,4 ans en 2020, contre 50,2 ans en 2010. Si la part des moins de 40 ans reste proche de 20 %, celle des 60 ans ou plus est en hausse (25 % en 2020 contre 20 % en 2010) ([150]).
D’ici dix ans, entre un tiers et la moitié des agriculteurs français seront en âge de partir à la retraite ([151]). À l’heure actuelle, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, seuls deux agriculteurs partant à la retraite sur trois sont remplacés. L’étude d’impact estime que pour maintenir nos capacités actuelles de production, 20 000 nouvelles installations d’agriculteurs seraient nécessaires chaque année, contre environ 15 000 actuellement.
Le secteur agricole manque aujourd’hui de main d’œuvre, ce qui fragilise le modèle agricole français : l’ensemble des métiers du vivant est en tension.
L’étude d’impact annexée au projet de loi fait état de projets de recrutement en augmentation dans tous les secteurs (métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, du paysage, de la forêt, de l’aquaculture et de la pêche) et à tous les niveaux de qualification : 70 000 postes seraient à pourvoir. Ce déficit d’actifs agricoles constitue un obstacle réel à la compétitivité et la productivité du modèle agricole français, dans un contexte où la position de la France sur la scène internationale en la matière s’est affaiblie.
Une récente étude conduite par AgroParisTech, publiée en novembre 2023 ([152]) fait également état de besoins importants concernant la population de cadres agricoles. L’étude évalue des besoins de l’ordre de 800 cadres supplémentaires par an et précise que « ces métiers sont pour certains déjà en tension ou le seront d’ici 2030, avec des prévisions d’augmentation d’effectifs parfois difficiles à chiffrer mais qui confirment les besoins avec une tendance à la hausse dans les domaines de l’agroécologie, une augmentation plus importante dans le domaine du numérique correspondant à un effet de rattrapage du secteur agricole par rapport aux autres secteurs de l’économie, ainsi que dans le domaine de l’énergie compte tenu des prévisions d’évolution du marché des énergies renouvelables d’ici 2030 ». Cette tendance confirme le besoin de former davantage de cadres pour répondre aux besoins du marché de l’emploi, notamment dans les domaines de l’agroécologie, de l’énergie et du numérique.
Au total, le Gouvernement estime nécessaire d’augmenter de 30 % le nombre de jeunes diplômés du secteur.
c. L’insuffisante attractivité de l’enseignement agricole
Alors que les besoins sont très importants, l’enseignement agricole reste insuffisamment attractif et le nombre d’étudiants aujourd’hui formés demeure en deçà des besoins identifiés.
Si le nombre d’étudiants dans l’enseignement technique agricole est en hausse ces dernières années, avec une augmentation des effectifs totaux de 4,6 % entre 2019 et 2022 ([153]), cette dynamique reste largement insuffisante. En outre, cette hausse globale masque des réalités plus contrastées. Ainsi, dans le détail, l’étude d’impact annexée au projet de loi indique que « l’augmentation de 3 % du nombre annuel de diplômés dans les filières préparant à l’exercice en agriculture est principalement due à une évolution positive du nombre d’apprentis (+ 7 % entre 2021 et 2022). En revanche, par voie scolaire, et de manière extrêmement différenciée dans les territoires, il est constaté une diminution globale des effectifs (- 1,5 % entre 2021 et 2022). » ([154])
Évolution des effectifs de l’enseignement technique agricole depuis la rentrée 2012
|
Élèves et étudiants |
Apprentis |
Effectifs totaux de l'enseignement agricole technique |
Évolution |
2012 |
169 308 |
30 833 |
200 141 |
|
2013 |
170 974 |
30 033 |
201 007 |
0,4% |
2014 |
165 652 |
28 268 |
193 920 |
-3,5% |
2015 |
166 468 |
28 066 |
194 534 |
0,3% |
2016 |
164 829 |
28 493 |
193 322 |
-0,6% |
2017 |
162 043 |
29 105 |
191 148 |
-1,1% |
2018 |
158 654 |
30 272 |
188 926 |
-1,2% |
2019 |
158 678 |
30 507 |
189 185 |
0,1% |
2020 |
155 323 |
34 453 |
189 776 |
0,3% |
2021 |
156 237 |
39 805 |
196 042 |
3,3% |
2022 |
153 859 |
42 836 |
196 695 |
0,3% |
Source : Réponse au questionnaire budgétaire adressé à MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis sur les crédits pour 2024 de la mission Enseignement scolaire (données transmises par la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire).
Parmi les facteurs expliquant le manque d’attractivité de la filière, outre l’image même du secteur et plus particulièrement celle du métier d’agriculteur, perçu comme difficile et peu rémunérateur, la question de l’orientation joue aussi un rôle central. Ainsi, la filière semble trop peu valorisée au sein du système d’orientation, comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions.
2. Des transitions majeures à accompagner
a. Des exigences nouvelles et croissantes, face au défi de la transition agroécologique et à la mutation des métiers du vivant
Le monde agricole fait aujourd’hui face à de nombreux défis, économiques et environnementaux, qui concernent au premier plan l’enseignement agricole. Face aux aspirations et besoins nouveaux des futurs agriculteurs mais également de la société dans son ensemble, il est nécessaire de faire évoluer l’appareil de formation afin que « les agricultrices et agriculteurs de demain soient mieux orientés, formés et accompagnés dans leur installation, projet par projet, filière par filière, territoire par territoire » ([155]). Il est ainsi primordial de soutenir et d’encourager la dynamique de l’évolution des métiers et des compétences au service des transitions nécessaires, tant dans le cadre de la formation initiale que de la formation continue.
La transition agroécologique des modèles de production agricole constitue aujourd’hui un enjeu central. Les agriculteurs font partie des premières victimes des bouleversements climatiques, qui se traduisent par la multiplication des aléas climatiques : ils engendrent régulièrement pour eux de lourdes pertes et les placent dans une incertitude permanente. Dans le même temps, l’agriculture est à l’origine de près d’un cinquième des émissions de gaz à effet de serre en France ([156]). Dans ce contexte, le monde agricole doit aujourd’hui être accompagné pour s’adapter face aux bouleversements climatiques, mais aussi pour contribuer à leur atténuation. L’adaptation des modèles de production agricole en France vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement est identifiée comme un objectif primordial, qui correspond également aux demandes sociétales pour une alimentation plus saine et plus durable.
Le déploiement de la transition agroécologique passera nécessairement par l’investissement dans la formation, la recherche et l’innovation. La recherche et l’innovation peuvent permettre d’identifier des solutions alternatives et des pratiques agronomiques nouvelles à même de mieux concilier les objectifs d’efficacité économique et de respect de l’environnement. La transition agroécologique implique aussi l’acquisition de connaissances et de qualifications nouvelles pour les agriculteurs et, plus globalement, l’ensemble des professionnels des métiers du vivant. À titre d’exemple, les métiers de conseil auprès des agriculteurs sont appelés à considérablement évoluer dans les années à venir. L’étude d’impact annexée au projet de loi souligne ainsi que les évolutions du monde agricole demanderont de plus en plus « un accompagnement sur-mesure, bien différent du conseil technique standardisé […]. Il faudra imaginer des solutions adaptées aux agroécosystèmes locaux, au contexte économique et social, et combiner des connaissances scientifiques, des innovations et des expérimentations pratiques, tirées de la recherche. »
À la question de la transition agroécologique s’ajoutent d’autres enjeux nouveaux pour les métiers du vivant, qui nécessitent aussi un effort d’adaptation de la formation et de la recherche. Parmi ces enjeux, on relève notamment :
– le besoin de plus en plus prégnant d’adapter la formation des agriculteurs aux nouvelles réalités du métier en termes de gestion économique et financière d’une exploitation. Les agriculteurs sont aussi des chefs d’entreprise. La complexité croissante de l’environnement agricole et la tendance au développement du salariat au sein des exploitations nécessitent de plus en plus la maîtrise de compétences dans les domaines de la comptabilité ainsi que de la gestion administrative et managériale. Entendues par les rapporteurs et s’agissant de ce dernier point, l’Union nationale des maisons familiales rurales – réseau national d’établissements scolaires situés en zone rurale, sous statut associatif, qui représente un tiers de l’enseignement agricole – souligne les lacunes générales observées quant aux compétences des étudiants ;
– la nécessité de mieux accompagner la transition numérique. Selon AgroParisTech, les évolutions en la matière restent plus lentes dans le secteur agricole qu’ailleurs. Or, le numérique constitue un potentiel levier majeur pour améliorer la gestion des exploitations agricoles : prédictions météorologiques, analyse de la qualité des sols, dosage des intrants, gestion de l’eau, détection des maladies animales ou végétales, sont autant d’enjeux cruciaux pour les agriculteurs auxquels les outils numériques peuvent apporter une véritable plus-value et un gain de temps, à condition que les intéressés y soient formés ;
– enfin, le monde agricole est aussi amené à jouer un rôle croissant en matière de transition énergétique. Dans le rapport précité, AgroParisTech rappelle ainsi que « la transition énergétique est déjà une réalité pour le monde agricole. Les perspectives de doublement de la production d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 (et triplement à l’horizon 2050) grâce au développement de la méthanisation, du photovoltaïsme et de l’éolien confirment le besoin de cadres de l’agriculture dans ce secteur économique en plein essor. » Comme le souligne le rapport, « l’enjeu essentiel est de trouver les voies d’un développement intégré des productions énergétique et alimentaire ». La définition de l’agrivoltaïsme posée dans la loi n° 2023‑175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables constitue aujourd’hui une garantie importante pour la protection des terres à vocation agricole et limite le risque de conflit d’usages dans les territoires, entre production agricole et production énergétique. En parallèle, il n’en paraît pas moins nécessaire de permettre aux futurs agriculteurs et professionnels du secteur de se former sur ces questions, en raison des complémentarités entre productions agricoles et énergétiques, qui vont se développer dans les années à venir.
b. Une évolution du contenu des formations qui doit se poursuivre
Les programmes de l’enseignement agricole ont déjà considérablement évolué ces dernières années pour mieux intégrer ces différents enjeux. Dès 2008, ils ont été révisés afin d’intégrer les enjeux liés à l’agroécologie. Le plan « Enseigner à produire autrement », déployé par le ministère de l’agriculture sur les périodes 2014-2018 et 2020-2024, s’est donné pour finalité de favoriser l’évolution des filières, à travers une modification des contenus pédagogiques mais aussi en encourageant une démarche de transition agroécologique des exploitations agricoles des établissements. Ainsi, le plan a fixé comme objectif qu’au moins 20 % de la surface agricole utile des établissements d’enseignement agricole relèvent de l’agriculture biologique d’ici 2025. Cet objectif est d’ores et déjà atteint, avec 32 % des surfaces d’exploitation des établissements en agriculture biologique aujourd’hui, contre 11 % à l’échelle de la France ([157]).
Ces efforts peuvent encore être approfondis. Comme le note l’étude d’impact annexée au projet de loi, pour faire face aux enjeux combinés de l’urgence climatique et agroécologique, de l’attention croissante de la société sur les sujets de sécurité alimentaire, d’environnement ou de bien-être animal, l’enseignement agricole doit encore renforcer certains champs de compétences, et ceci pour l’ensemble des diplômes proposés. Quatre champs sont identifiés : renforcer le socle des compétences techniques « de base » relatives aux savoirs fondamentaux agricoles et à la compréhension des principes agronomiques et zootechniques de demain ; développer les compétences en gestion d’entreprise et ressources humaines ; sécuriser un socle de compétences numériques partagées ; enfin, développer et valoriser les compétences interpersonnelles.
c. Un besoin global de montée en compétences
L’ensemble de ces défis nécessite d’accroître globalement le niveau de qualification du monde agricole. Les agriculteurs restent, en moyenne, moins diplômés que la moyenne de la population active. D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, « en 2019, 26 % [des agriculteurs] sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 43 % des personnes en emploi et les agriculteurs sont plus fréquemment titulaires d’un BEP ou CAP (BEP ou CAP agricoles notamment) : 34 % en 2019, contre 22 % en moyenne ». Le niveau moyen de diplôme a néanmoins considérablement augmenté : « En 2019, seuls 14 % des agriculteurs n’avaient aucun diplôme ou uniquement le brevet des collèges, soit une part comparable à celle observée sur l’ensemble des personnes en emploi. En 1982, ils étaient 82 % à n’avoir aucun diplôme ou seulement le brevet des collèges, contre 54 % pour l’ensemble des personnes en emploi ». Il convient également de noter que le niveau moyen de diplôme est plus élevé chez les jeunes installés. Ainsi, parmi les agriculteurs installés depuis 2010, 74 % ont suivi une formation de niveau baccalauréat et 44 % une formation supérieure, contre respectivement 48 % et 22 % pour les autres chefs d’exploitation.
Évolution de la proportion d’actifs ayant poursuivi une scolarité dans le secondaire en agriculture et pour l’ensemble des actifs en France
Source : étude d’impact annexée au projet de loi.
En outre, la formation continue reste insuffisamment mobilisée, en raison d’un manque de disponibilité pour permettre aux agriculteurs de suivre ces formations. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « en 2020, environ 15 % des chefs d’exploitation et co-exploitants ont déclaré avoir suivi une formation au moins dans les 12 mois précédant l’enquête du recensement agricole de 2020. Les installés récents (depuis 2010) sont plus nombreux à avoir bénéficié d’une formation continue (19 %), particulièrement lorsqu’ils se sont installés hors du cadre familial (21 %) ». Par ailleurs, les salariés agricoles les moins qualifiés sont ceux qui bénéficient le moins de la formation continue et, de manière plus générale, les salariés des secteurs agriculture, forêt et pêche se forment moins que la moyenne des salariés français (respectivement 16,6 % et 24 % en 2019).
La dynamique enclenchée depuis plusieurs années désormais, relative à la hausse du niveau de diplôme moyen des agriculteurs, doit s’accélérer, comme l’ont notamment montré les concertations préalables à l’élaboration du projet de loi. Le niveau bac + 3 est considéré comme particulièrement pertinent pour de jeunes installés. France AgroParisTech identifie en outre un besoin important de développement des formations bac + 5 et bac + 8 pour former les cadres du secteur.
3. Les liens à retisser entre le monde agricole et le reste de la société
Le lien aujourd’hui fragilisé entre le monde agricole et le reste de la société française joue en défaveur de l’attractivité des métiers du vivant et fragilise le pacte social.
Les Français entretiennent un lien complexe avec le monde agricole. Comme le rappelle l’étude d’impact annexée au projet de loi, « si la société porte un regard positif sur les agricultrices et les agriculteurs (90 % de bonne opinion selon un sondage Opinion way – Calif de février 2022), le métier d’agriculteur reste méconnu et de nombreux biais de compréhension existent sur la réalité de l’activité agricole et l’ensemble de ses externalités ». Autrement dit, si la majorité des Français ont conscience du rôle essentiel joué par les agriculteurs, l’éloignement croissant entre le monde agricole et le reste de la société nourrit également des incompréhensions et de la méconnaissance.
Cet éloignement s’explique notamment par les évolutions démographiques et sociétales. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental rendu sur le présent projet de loi le rappelle : « Jadis chacun [...] comptait plusieurs [agriculteurs] dans ses proches parents ; aujourd’hui rares sont celles et ceux qui connaissent les réalités agricoles et agronomiques de la production. Cela a contribué à distendre les liens entre la société et le monde agricole. » Dans le même temps, l’agriculture est au cœur des défis environnementaux et sociétaux : les agriculteurs peuvent avoir le sentiment de faire face à des injonctions contradictoires avec, d’une part, une demande forte exprimée par la société en faveur d’une alimentation plus saine, locale et durable et, d’autre part, des difficultés de pouvoir d’achat qui conduisent aussi les consommateurs à rechercher des prix bas. Le monde agricole est également traversé par un sentiment général de manque de reconnaissance sociale.
En ce sens, selon les personnes auditionnées, la filière de l’enseignement agricole reste encore trop souvent déconsidérée au moment de l’orientation, et perçue comme une filière destinée aux élèves qui échouent dans la filière générale.
Des premiers efforts ont été réalisés pour accroître l’attractivité de la filière, qui doivent encore être accentués. Ainsi, une grande campagne de communication sur les formations de l’enseignement agricole a été mise en place sous une marque unique et fédérative : « L’aventure du vivant, des métiers grandeur nature ». Cette campagne de communication, qui mobilise une enveloppe budgétaire annuelle de 1,4 million d’euros, a été amplifiée en 2022 et utilise principalement deux leviers :
– les outils digitaux et les réseaux sociaux pour cibler les jeunes et leurs familles ;
– une présence physique matérialisée par la circulation d’un camion dans le cadre d’une campagne intitulée « L’aventure du vivant : le tour » dans les territoires, autour de nombreuses villes étapes et d’événements qui valorisent l’enseignement agricole et les dynamiques locales de recrutement. Le camion accueille en particulier de nombreuses classes de l’Éducation nationale ; il a ainsi accueilli 82 000 personnes, dont 28 000 élèves, durant l’année 2022. L’initiative semble bien perçue par les collectivités territoriales et les organisations professionnelles concernées.
Par ailleurs, à compter de la rentrée scolaire 2023-2024, les élèves en CAPA et en baccalauréat professionnel de l’enseignement agricole bénéficieront d’une allocation financière pour les périodes de formation en milieu professionnel, dans des conditions similaires à ceux de l’Éducation nationale, à hauteur de 50 à 100 euros par semaine de stage. Cette nouvelle gratification devrait contribuer à l’attractivité d’un enseignement agricole technique fortement professionnel par nature.
Plus généralement, l’image du monde agricole, donnée dans les programmes scolaires mais surtout les médias, pose question. L’Union nationale des maisons familiales rurales regrettent ainsi que les programmes scolaires comme les médias renvoient une image très polarisée du monde agricole, oscillant entre une vision bucolique et idéalisée, et une vision beaucoup plus critique, parfois résumée sous le terme « agribashing ». S’y ajoute la question de la représentation du mal‑être paysan, qui reflète une situation sociale difficile et bien réelle qu’il est essentiel de faire connaître. Mais il paraît également important de présenter une image plus positive et valorisante du monde agricole, pour renforcer l’attractivité de ces métiers auprès des jeunes et améliorer leur reconnaissance sociale. Les rapporteurs considèrent dès lors essentiel de donner à travers les programmes scolaires et les médias une vision juste et équilibrée du monde agricole.
Dans ce contexte, revaloriser l’image du métier d’agriculteur et des métiers du vivant revêt une importance capitale, d’une part, pour renforcer l’attractivité des métiers agricoles auprès des jeunes et garantir in fine notre souveraineté alimentaire et, d’autre part, pour faire vivre le pacte social et le consolider.
Le titre II du présent projet de loi s’intitule « Former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture ». Il a donc pour vocation d’apporter des réponses aux défis précédemment identifiés, à travers une vision programmatique ambitieuse et le développement de nouveaux outils devant permettre d’accroître le nombre de diplômés ainsi que leur niveau de qualification. La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie des articles 2 à 5 du projet de loi, dont les dispositions sont détaillées ci-après.
A. l’article 2 : orientations stratÉgiques de la politique d’Éducation, de formation et de recherche agricoles
L’article 2 définit les orientations programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation.
L’étude d’impact annexée au projet de loi précise ainsi qu’il s’agit de fixer dans la loi les priorités des politiques publiques afin d’assurer, dans les dix années à venir, l’accroissement de l’attractivité des formations et des métiers, l’augmentation de la mobilisation des diplômés de l’enseignement agricole et la montée en compétence des actuels et futurs actifs agricoles pour répondre aux enjeux de compétitivité et des transitions à conduire. Il s’agit également de fixer des objectifs stratégiques en matière de recherche et d’innovation afin de produire des connaissances adaptées aux besoins des agriculteurs et de concevoir des systèmes agricoles résilients, notamment face au changement climatique. Comme l’ont indiqué les membres du cabinet du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire lors de leur audition par les rapporteurs, il s’agit non seulement d’accroître le nombre d’apprenants pour faire face au défi du renouvellement des générations, mais également de les doter de compétences nouvelles et d’une capacité à « penser les chocs et la résilience ».
Le I de l’article 2 précise que les politiques d’orientation et de formation en matière agricole contribuent à la politique d’installation et de transmission en agriculture, et que les politiques publiques de l’éducation, de la recherche et de l’innovation y concourent également.
Le II fixe à l’État, aux régions et aux autres collectivités territoriales quatre objectifs de nature à permettre de répondre aux forts besoins en emplois des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, que la mise en œuvre de politiques publiques appropriées, en particulier dans le domaine de l’éducation et de la formation, doit leur permettre d’atteindre à l’horizon 2030 :
– accroître significativement le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire et aux métiers de la formation et du conseil qui accompagnent les actifs de ces secteurs ;
– augmenter substantiellement le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, en accroissant notamment leurs compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ;
– accroître le nombre des actifs de ces secteurs bénéficiant d’une formation tout au long de la vie en particulier s’agissant des formations qui permettent le développement des compétences en matière de transitions agroécologique, climatique, économique et numérique ;
– amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances dans les champs thématiques stratégiques qui concourent aux transitions agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation.
Sans qu’ils soient fixés dans la loi, l’étude d’impact précise les objectifs suivants : une augmentation de 30 % du nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique qui préparent aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire par rapport à 2022 ; une augmentation de 75 % du nombre de vétérinaires formés en France par rapport à 2017 ; une augmentation de 30 % du nombre d’ingénieurs agronomes formés par rapport à 2017.
Le III de l’article prévoit que l’État et les régions établiront deux programmes nationaux qui permettront la mise en œuvre de ces objectifs :
– le premier portera sur l’orientation et la découverte des métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du vivant. Il comportera la mise en œuvre d’actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation aux enjeux de la souveraineté alimentaire et des transitions agroécologique et climatique pour l’ensemble des élèves des écoles élémentaires. Il aura également pour objectif d’offrir des stages de découverte des métiers du vivant à tous les élèves de collège et comportera un volet de promotion des métiers du vivant et des formations qui permettent d’y accéder ;
– le second, triennal, portera sur la formation accélérée des 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration de l’agriculture pour l’acquisition de compétences en matière de transitions écologique et climatique.
Enfin, il prévoit qu’en matière de recherche, d’innovation et de transfert, l’État soutiendra la mise en œuvre d’actions de développement ayant pour objectif d’élaborer des solutions innovantes et d’accompagner la diffusion de ces solutions à l’échelle des filières et des territoires.
Les rapporteurs, comme un certain nombre d’organismes auditionnés, soulignent les avancées permises par cet article qui fixe, au moins de manière symbolique, des objectifs importants et partagés. L’accroissement de l’attractivité des formations agricoles, la montée en compétences et le développement de la formation continue semblent particulièrement nécessaires au regard des enjeux du renouvellement des générations et des transitions en cours et à venir, ainsi que de la complexification rapide de l’activité agricole.
Ils soulignent cependant que les modalités pratiques du déploiement de ces dispositions nécessitent d’être précisées.
Ainsi, si l’organisation d’actions de découverte des métiers et formations de l’agriculture, dès l’école primaire, est vue de manière positive et perçue comme de nature à contribuer à refonder le lien entre la société et les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, beaucoup s’interrogent au sujet de la mise en œuvre effective de cette mesure. De fait, les programmes scolaires sont déjà très chargés, et certains enseignants ou chefs d’établissements peuvent être réticents à accueillir dans les établissements scolaires des professionnels extérieurs. Les représentants des professions agricoles, bien qu’intéressés par la mesure, rappellent qu’ils sont déjà très sollicités notamment pour proposer des stages, et qu’ils ne seront pas tous en mesure d’accueillir des classes sur leurs exploitations. Ils soulignent également la nécessité de donner à voir la diversité des modèles agricoles et des métiers concernés. Le cabinet du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire le reconnaît lui-même : il existe encore des freins importants, notamment en matière financière et de mobilité, et un certain délai sera nécessaire avant la pleine application de ces dispositions. L’étude d’impact annexée au projet de loi précise, par ailleurs, que l’élaboration et le pilotage de cette action nécessiteront le financement d’un dispositif de collecte de l’offre de partenariat auprès des professionnels des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et de diffusion d’informations auprès des écoles élémentaires sur les exploitations agricoles et professionnels de l’agroalimentaires volontaires.
En outre, les représentants des professions agricoles ont exprimé leur souhait d’être associés à l’élaboration des programmes nationaux de découverte des métiers et de formation accélérée, position que partagent les rapporteurs.
B. l’article 3 : clarification et extension des missions de l’enseignement agricole
L’article 3 propose une réécriture des dispositions de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime afin de clarifier et de rendre plus lisibles les missions assignées à l’enseignement technique agricole, et d’en compléter le champ par la référence à une sixième mission.
Les missions que la loi attribue à l’enseignement agricole sont actuellement mentionnées au sein du code rural et de la pêche maritime en ses articles L. 811-1 (pour l’enseignement agricole public) et L. 813‑1 (pour les établissements dont l’association ou l’organisme responsable a passé un contrat avec l’État). Ces deux articles prévoient qu’un certain nombre de principes généraux de l’éducation explicitement mentionnés sont applicables à ces établissements (notamment l’éducation au développement durable, la promotion de la santé, le développement personnel des élèves, le principe de laïcité ou encore la lutte contre les stéréotypes de genre), et définissent les cinq missions qui sont assignées aux établissements de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles :
– ils assurent une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;
– ils participent à l’animation et au développement des territoires ;
– ils contribuent à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes ;
– ils contribuent aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires ;
– ils participent à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.
La reformulation proposée par l’article 3 précise que l’enseignement et la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires sont dispensés dans le respect des principes généraux de l’éducation prévus au livre Ier du code de l’éducation sans plus les mentionner explicitement au sein de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime. Ce renvoi générique permet, d’une part, d’intégrer dans le code rural et de la pêche maritime d’autres éléments relevant des principes généraux de l’éducation autrefois non explicitement mentionnés (notamment la lutte contre le harcèlement), mais aussi de rendre applicable à l’enseignement agricole toute modification affectant les principes généraux de l’éducation sans qu’il soit pour cela nécessaire de modifier les dispositions du code rural et de la pêche maritime.
La reformulation proposée par l’article 3 permet également de placer à un niveau plus générique la liste des enjeux auxquels l’enseignement et la formation professionnelle agricoles répondent : le développement de filières de production et de transformation agricole alliant performance économique, sociale, environnementale et sanitaire ; la souveraineté alimentaire ; le renouvellement des générations d’actifs en agriculture ; les transitions agroécologique et climatique ; la promotion de la diversité des systèmes des productions agricoles et la sensibilisation au bien‑être animal ; la contribution à la sensibilisation de la population dans ces domaines et à la découverte de l’agriculture et de l’alimentation par les enfants. Comme le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi, « la notion générique de performance économique, sociale, environnementale et sanitaire de ces filières est ainsi désormais retenue. Cette notion, plus englobante, couvre de nombreux aspects y compris ceux qui figuraient dans la rédaction précédente de l’article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime. »
La nouvelle rédaction de l’article L. 811-1 prévoit, comme la rédaction précédente, que les régions sont associées à la mise en œuvre de toutes les missions de l’enseignement agricole.
Enfin, cet article assigne une sixième mission aux établissements dispensant cet enseignement et cette formation professionnelle, en disposant qu’ « ils mettent en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et compétences en matière de transitions agroécologique et climatique ». Cette mission s’ajoute aux cinq missions déjà listées et reprises dans la nouvelle formulation de l’article L. 811-1 proposée par l’article 3. Comme le précise l’exposé des motifs, « cette nouvelle mission tend à l’adoption de toute mesure et plan d’action utiles à l’échelle nationale ou territoriale via les projets d’établissements concourant aux objectifs et programmes définis à l’article 2 ». Il s’agit ici de marquer la reconnaissance du rôle de l’enseignement agricole en matière de réponse aux enjeux du renouvellement des générations et des transitions écologique et climatique en agriculture, pour contribuer à atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire.
Enfin, le II simplifie et rend plus lisible la rédaction de l’article L. 813‑1 du code rural et de la pêche maritime relatif aux missions de l’enseignement agricole technique privé sous contrat en renvoyant, pour la définition de ces missions, à celles qui sont prévues à l’article L. 811‑1 du même code.
Cet article n’a pas appelé de remarques particulières de la part des personnes auditionnées. Les rapporteurs, pour leur part, saluent la reconnaissance explicite des missions assignées aux établissements de l’enseignement agricole et de leur contribution en matière de transitions agroécologique et climatique, de souveraineté alimentaire et de renouvellement des générations pour lesquelles ils sont déjà, en pratique, fortement mobilisés.
C. l’article 4 : instauration d’un contrat territorial de consolidation ou de crÉation de classes
L’article 4 crée un nouvel outil juridique : le contrat territorial de consolidation ou de création de classes. À travers ce nouvel outil, l’article 4 vise à préciser et planifier les objectifs en matière de consolidation et de création de classes dans l’enseignement agricole. Cette contractualisation, pensée à l’échelle de l’établissement, découle d’un constat et de besoins préalablement identifiés au niveau régional, dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles. L’article 4 modifie également le contenu de ce contrat de plan régional dans l’objectif de permettre l’identification de ces besoins.
Le I de l’article 4 modifie l’article L. 214-13 du code de l’éducation, qui porte sur le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles.
Le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRFOP)
Créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (article L. 214-13 du code de l’éducation), ce document a pour objectif de favoriser l’articulation des politiques publiques en matière de formation professionnelle, dans le champ public et privé. Élaboré dans l’année qui suit le renouvellement du conseil régional, il présente une analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d’emplois, de compétences et de qualifications. Cette analyse s’accompagne d’une programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes. Le contrat de plan régional est élaboré par la région au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, sur la base de documents d’orientation présentés par le président du conseil régional, le préfet de région, les autorités académiques, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs, à l’issue d’une concertation avec les différents partenaires sociaux et consulaires. Des conventions annuelles d’application précisent, pour l’État et la région, la programmation et les financements des actions.
Les modifications proposées permettent d’instaurer dans le cadre du contrat de plan régional l’analyse systématique des besoins en matière « de consolidation ou d’ouverture de sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire dans l’enseignement agricole ». Cette analyse doit être réalisée préalablement à l’adoption du contrat régional. Il est précisé que, « si cette analyse révèle l’existence de tels besoins, le contrat de plan régional fixe des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire ».
Le II de l’article 4 instaure des contrats territoriaux signés à l’échelle de l’établissement (nouveaux articles L. 811-8-1 et L. 813-3-1 du code rural et de la pêche maritime ([158])).
Pour les établissements publics, ces contrats seront obligatoirement conclus dès lors que le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles aura fixé des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, « soit en prévoyant d’augmenter le nombre d’élèves accueillis dans une section, soit en prévoyant d’ouvrir de nouvelles sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire ». Le contrat territorial est passé entre l’établissement, l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’enseignement technique agricole et en matière d’enseignement général, la région et les représentants locaux des branches professionnelles. Les autres collectivités territoriales intéressées peuvent y participer à leur demande. Ce contrat définit un plan d’action pluriannuel et prévoit des engagements des différentes parties. L’article précise également que l’État pourvoit aux emplois de personnels d’enseignement et de documentation.
Des modalités proches sont prévues pour les établissements privés sous contrat, avec quelques différences notoires. Ainsi, l’article prévoit que pour ces établissements, un contrat territorial « peut être conclu » ; il ne s’agit donc pas d’une obligation. En outre, il n’est pas prévu que l’État pourvoie aux emplois de personnels correspondants. En revanche, le plan pluriannuel déjà évoqué devra préciser « les engagements de l’État en terme de moyens ».
Le contrat territorial doit permettre de répondre aux enjeux de renouvellement des générations d’actifs à l’échelle du territoire, en augmentant le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l’enseignement agricole technique. Les objectifs fixés par le Gouvernement et précisés dans l’étude d’impact sont de deux ordres :
– d’une part, consolider et redynamiser 210 classes à effectifs faibles. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, ces classes « accueillent aujourd’hui en moyenne sept élèves et pourraient en accueillir jusqu’à vingt, tout en fonctionnant à moyens constants (c’est-à-dire sans générer de besoin supplémentaires liés à des dédoublements obligatoires), ce qui représente une capacité de formation de 2 700 élèves supplémentaires chaque année, soit environ 1 200 nouveaux diplômés par an » ;
Les classes à petits effectifs dans l’enseignement agricole
L’étude d’impact annexée au projet de loi indique qu’« il existe en effet au sein des établissements publics et des établissements privés sous contrat relevant de l’article L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) fonctionnant selon le temps plein, près de 435 classes (soit 8 % du total des classes de l’enseignement technique agricole) dont les effectifs sont inférieurs à 10 élèves, parmi lesquelles 210 classes dans des formations directement en lien avec l’agriculture (production, agroalimentaire, commercialisation de produits agricoles) » (1). L’étude d’impact souligne que le nombre de ces classes n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Elle rappelle aussi que « le maintien de ces classes est une politique assumée afin que l’offre de formation dans les secteurs de la production, notamment, ne soit pas dégradée. Il n’est pas envisageable, en effet, de fermer les classes à petits effectifs, en particulier dans les secteurs de la production agricole, tandis que la France manque de futurs actifs dans ce domaine ».
(1) 210 au sein des établissements publics et des établissements privés fonctionnant selon le temps plein.
– d’autre part, ouvrir 100 nouvelles classes en formation initiale scolaire, dans les secteurs de la production agricole. Ces ouvertures permettraient d’offrir 2 000 nouvelles places, permettant de délivrer des diplômes à 800 jeunes de plus par an.
Cet effort combiné de consolidation et d’ouverture doit donc permettre de former 2 000 futurs actifs supplémentaires par an d’ici 2030. L’article 4 participe donc pleinement à l’objectif plus large d’augmentation de 30 % du nombre total de diplômés.
Cette dynamique portée au niveau des territoires a vocation à être assortie d’un effort financier de l’État. Le Gouvernement indique que les moyens qui seront alloués en la matière seront progressifs et s’étaleront sur une durée de cinq ans. Ils pourraient atteindre « 200 ETP d’enseignants en 2028, représentant une masse salariale annuelle de 14,3 millions d’euros ». Ces dépenses pourraient être couvertes, « en combinant, d’une part un redéploiement de moyens par la fermeture de classes à petits effectifs dans des secteurs moins prioritaires (qui seront définis par les CPRFOP en fonction de la situation et des objectifs de développement économique d chaque région), et d’autre part par l’obtention de créations de postes […]. Les impacts budgétaires précis seront à évaluer au regard des résultats de la mise en œuvre de la disposition » ([159]).
Il convient de relever que cette question des moyens financiers est identifiée comme un sujet particulièrement sensible par les personnes entendues au cours des auditions. Cet enjeu de visibilité et de planification a ainsi été souligné par le syndicat national de l’enseignement technique agricole public de la Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU). Pour la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), « la mise en visibilité des besoins en formation initiale du secteur agricole est, en soi, un signe positif […]. La question des moyens accordés aux établissements - ceux du privé, tout particulièrement - sera sensible. »
L’Union nationale des maisons familiales rurales souligne, pour sa part, la nécessité d’augmenter la dotation forfaitaire qui leur est versée par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en fonction du nombre d’élèves qu’elles accueillent. Selon ce réseau, ces moyens, d’aujourd’hui environ 5 000 euros par élève, permettent pour 60 % de financer les salaires et charges sociales des personnels des MFR – fortement comprimés dans un contexte d’inflation – mais ne suffisent plus à assurer le suivi des élèves et, en particulier, des stages, dans de bonnes conditions. Les MFR estiment, ainsi, à plus de 6 500 euros le coût d’un élève en alternance, bien au-delà des moyens alloués par l’État.
Les rapporteurs saluent le dispositif de l’article 4, qui constitue un outil utile pour planifier les besoins au plus près du terrain et répondre à l’objectif d’augmentation des capacités d’accueil de l’enseignement agricole. Ils considèrent essentiel que l’État puisse garantir une forme de visibilité sur les moyens financiers qui seront alloués en la matière dans le cadre du futur projet de loi de finances.
D. l’article 5 : crÉation d’un nouveau diplôme national de niveau bac + 3
L’article 5 du présent projet de loi propose la création d’un nouveau diplôme national de niveau bac + 3 dans le domaine agricole. Cet article vise ainsi à répondre au besoin identifié dans le cadre des concertations préalables à l’élaboration du projet de loi : faire émerger une nouvelle formation de niveau bac + 3 pour répondre aux nouveaux besoins du monde agricole en terme de compétences et de professionnalisation.
Aujourd’hui, cette formation bac + 3 est en pratique assurée par la combinaison du BTS agricole et de la licence professionnelle agricole, créée en 1999. On dénombre aujourd’hui 176 licences professionnelles agricoles actives, selon les données fournies dans l’étude d’impact. Ces parcours de licences professionnelles impliquent au moins un établissement de l’enseignement technique agricole en partenariat avec un établissement public d’enseignement supérieur agricole (école d’ingénieur) ou un établissement public d’enseignement supérieur (université). De surcroît, certains bachelors dans le domaine agricole existent d’ores et déjà. Ils sont toutefois peu nombreux et principalement délivrés par des écoles d’ingénieur, avec un grade équivalent à la licence.
L’offre actuelle des licences professionnelles agricoles paraît globalement souffrir d’un manque de visibilité et de stabilité, comme le détaille l’étude d’impact : « Les intitulés de licences professionnelles en usage dans les lycées agricoles, malgré la nomenclature nationale, sont foisonnants et souffrent de l’absence d’un signal fédérateur, à l’instar de ce qu’est "l’Ingénieur Agro" au niveau bac+5 qui regroupe plusieurs diplômes, une diversité de métiers et de pratiques professionnelles sous un signal emblématique et clairement identifié. Les licences professionnelles existantes font souvent l’objet de financements par les fonds d’apprentissage ou par des moyens propres des universités et des établissements publics d’enseignement supérieur agricole. Elles sont ainsi soumises à la variabilité des financements et à des modifications dans la carte des formations des établissements publics d’enseignement supérieur, dont les centres de décisions sont éloignés des établissements d’enseignement technique ».
L’article 5 du présent projet de loi propose en conséquence de créer un nouveau diplôme national de niveau bac + 3 intitulé « Bachelor Agro ». Un nouvel article L. 812-12 inséré dans le code rural et de la pêche maritime disposerait ainsi que « les établissements publics d’enseignement supérieur agricole et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent être accrédités, conjointement avec un ou plusieurs établissements mentionnés aux articles L. 811‑8 ([160]) , L. 813‑8 ([161]) ou L. 813‑9 ([162]) assurant une formation de technicien supérieur agricole, pour dispenser des formations de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie et ayant un objectif d’insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ».
L’une des principales innovations de cet article réside dans le principe d’accréditation conjointe d’un établissement d’enseignement supérieur avec un établissement technique proposant une formation de technicien supérieur agricole (BTSA). Cette accréditation autorise les établissements concernés à dispenser une formation délivrant un diplôme bac + 3, ayant, comme le précise l’étude d’impact, vocation à conférer le grade de licence. L’article 5 doit ainsi permettre de favoriser les partenariats entre un établissement public d’enseignement supérieur (universités ou établissements publics d’enseignement supérieur agricole) et les établissements d’enseignement technique agricole.
Le texte prévoit que l’accréditation est délivrée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, après avis conforme du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Il s’agit, là aussi, d’une nouveauté qui doit donner davantage de marges au ministère chargé de l’agriculture pour définir les référentiels, comme l’a précisé le cabinet lors de son audition. L’accréditation par le ministère chargé de l’agriculture constitue un mécanisme dérogatoire au droit commun, qui prévoit la délivrance des accréditations par le ministre chargé de l’enseignement supérieur.
En outre, le texte précise que seuls les établissements publics d’enseignement supérieur agricole et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel seront habilités à délivrer le diplôme. Si l’accréditation est conjointe, la délivrance du diplôme reste donc uniquement du ressort de l’établissement public d’enseignement supérieur.
L’article 5 vise donc à promouvoir les formations à bac + 3, ces dernières ayant vocation à « devenir une référence en matière d’installation et de conseil ». Il participe ainsi pleinement à l’objectif de montée en compétences des actifs agricoles, « en renforçant l’acquisition des compétences agronomiques, managériales, entrepreneuriales et technologiques dans les domaines de la production et de la transformation agricoles. Il doit également permettre le développement de nouveaux champs de formation, en matière énergétique et forestière » ([163]). Il doit également favoriser une diversification des profils. Ainsi, le « Bachelor Agro » pourra accueillir des jeunes ayant suivi une formation bac + 2 autre que le BTS agricole. Le BTS agricole reste toutefois au cœur du système de formation des actifs agricoles et il aura, comme l’a confirmé le cabinet du ministre chargé de l’agriculture au cours de son audition, une place prépondérante dans le cadre de ce nouveau bachelor. Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a pour ambition de délivrer 5 000 Bachelors Agro par an d’ici cinq ans.
Les acteurs entendus au cours des auditions ont fait part d’avis partagés sur les dispositions de l’article 5. Le « Bachelor Agro » est perçu comme une « carte de plus » offerte aux étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études par les maisons familiales et rurales ; elles observent en leur sein que de plus en plus en plus de jeunes désireux de continuer leurs études au-delà du BTS. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA) saluent également cet article. La FNSEA estime ainsi que l’article 5 correspond à l’objectif de revalorisation de la filière mais aussi de développement du niveau général de qualification. D’autres acteurs apparaissent plus dubitatifs. Le SNETAP craint que ce bachelor n’apporte de la complexité dans le paysage global des formations proposées. Le syndicat considère qu’il conviendrait plutôt de conforter les licences professionnelles agricoles. La Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) ont exprimé un fort scepticisme sur cet article, dont ils ne perçoivent pas l’intérêt par rapport aux formations déjà existantes.
On peut noter, en outre, que certains acteurs regrettent le choix du terme bachelor. Le SNETAP en particulier relève que ce terme correspond aux diplômes et titres délivrés dans le secteur privé. Cette critique rejoint en partie les difficultés mises en évidence dans la récente mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif ([164]), qui montre qu’un certain nombre d’écoles proposent des bachelors assortis de peu de garanties en termes de qualité pédagogique. Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’État exprime également des réserves quant à l’utilisation de ce terme : « Le Conseil d’État relève, en premier lieu, que le terme "bachelor", qui ne figure dans aucune loi ni décret en Conseil d’État en vigueur, n’apparaît pas dans le Vocabulaire de l’éducation et de la recherche, édition 2022, qui comprend plus de 150 termes et définitions relevant des domaines de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle, élaborés par des spécialistes et publiés au Journal officiel par la Commission d’enrichissement de la langue française. Il considère, en second lieu, que l’emploi de ce mot emprunté à l’anglais ne peut s’appuyer sur les mêmes justifications, tirées principalement de l’objectif d’harmonisation des diplômes européens et de reconnaissance internationale, que celles prises en considération lors de la création du grade de "master". Il propose en conséquence de s’en tenir à la dénomination de "diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie" ».
Entendu par les rapporteurs, le cabinet et les services du ministère chargé de l’agriculture plaident pour le maintien de ce terme dans le projet de loi. Pour le ministère, le terme bachelor est perçu comme fédérateur et attractif aux yeux des élèves et des familles. Il considère ainsi qu’« il est probable que la dénomination "Bachelor Agro" s’imposera rapidement dans l’usage commun, en cohérence avec "l’Ingénieur Agro" diplôme du second cycle, avec l’attractivité d’une appellation officielle donnant une garantie de qualité de formation d’un diplôme national aux familles et aux jeunes » ([165]).
Les rapporteurs partagent globalement les objectifs portés par l’article 5 du présent projet de loi en matière de montée en compétence des actifs agricoles. Ils observent que les formations de niveau bac + 3 sont de plus en plus attractives auprès de la jeunesse. Le principe de l’accréditation conjointe par le ministère chargé de l’agriculture et le ministère de l’enseignement supérieur devrait permettre de les développer plus facilement. Ils soulignent qu’il reviendra au Gouvernement de préciser dans les textes d’application de la loi la nature exacte de ces formations et les référentiels correspondants.
III. les modifications proposées par la commission
Au cours de l’examen par la commission, dix-huit amendements à l’article 2 ont été adoptés.
Plusieurs de ces amendements ont d’abord pour objet d’associer davantage de parties prenantes à la conduite des politiques publiques concourant à l’atteinte des objectifs listés à l’article 2 – accroissement du nombre de personnes formées par les établissements d’enseignement agricole, élévation du niveau de qualification moyen des nouveaux actifs ou encore augmentation du nombre d’actifs suivant une formation tout au long de la vie. Ainsi, deux amendements, présentés par Mme Annie Genevard (LR) d’une part et par M. Jean-Claude Raux (Ecolo) d’autre part précisent respectivement que les professionnels des branches concernées et les groupements de collectivités territoriales intéressées y seront associés. Par ailleurs, deux amendements présentés par Mme Sophie Mette (DEM) et par les rapporteurs associent également les établissements d’enseignement agricole publics et privés ainsi que les professionnels des métiers concernés à l’élaboration des deux programmes permettant la mise en œuvre opérationnelle de ces objectifs : le programme d’orientation et de découverte des métiers du vivant et le programme de formation accélérée des actifs du secteur. Enfin, la commission a adopté un amendement de M. Inaki Echaniz (SOC) indiquant que les objectifs mentionnés devront faire l’objet d’une définition chiffrée fixée par décret pour la période 2025‑2035, en tenant compte des enjeux inhérents à chaque filière agricole et à chaque territoire.
La commission a, par ailleurs, adopté plusieurs amendements visant à préciser le contenu du programme d’orientation et de découverte des métiers du vivant. À l’initiative des rapporteurs, trois amendements proposent ainsi que ce programme précise les modalités selon lesquelles les représentants des professions concernées sont autorisés à intervenir au sein des établissements scolaires, qu’il prévoie des mesures de nature à renforcer l’information des personnels de l’Éducation nationale chargés de l’orientation des élèves s’agissant des métiers du vivant et des formations qui y préparent et qu’il inclue la mise en œuvre d’actions de découverte de ces métiers dans le cadre du service national universel. En outre, deux amendements présentés respectivement par les rapporteurs d’une part et par Mme Graziella Melchior (RE) d’autre part précisent que l’offre de stage proposée aux collégiens devra s’appuyer sur un répertoire des lieux de stage élaboré par les chambres d’agriculture pour le territoire de leur ressort et favoriser les exploitations agricoles ou les entreprises porteuses de méthodes écoresponsables. Un dernier amendement des rapporteurs indique que la promotion des métiers du vivant et des formations qui y préparent pourra, notamment, s’appuyer sur le service public audiovisuel, compte‑tenu de l’importance de l’image donnée par les médias pour l’attractivité des métiers et des formations en agriculture.
Enfin, deux amendements identiques de M. Inaki Echaniz (SOC) et M. Christophe Marion (RE), adoptés par la commission, précisent que l’amplification de l’effort de recherche devra, notamment, prendre appui sur les diagnostics modulaires – dont l’article 9 établit les principes, les objectifs et le fonctionnement – et les plans de filières, de manière à ce que les actions de recherche et d’innovation soient fortement liées aux besoins exprimés par les agriculteurs et les filières.
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ANNEXE :
Liste des personnes entendues par lES RAPPORTEURS
(Par ordre chronologique)
– Cabinet du ministre chargé de l’agriculture et services du ministère – Mme Mylène Testut-Neves, directrice de cabinet adjointe, M. Emmanuel Honoré, conseiller chargé du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, des élus et des discours, Mme Marie-Christine Le Gal, conseillère enseignement agricole, renouvellement des générations, compétences et emploi, M. Hadrien Jaquet, conseiller une seule santé, santé et bien-être animal, sécurité sanitaire, Mme Audrey Gross, conseillère souveraineté des filières animales et outre-mer, Mme Marina Maures, conseillère territoires, foncier, investissements et finances carbone, M. Louis de Redon, conseiller filière forêt-bois et agroforesterie, M. Tom Michon, conseiller budgétaire et gestion des risques, Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire, M. Benoît Bonaimé, directeur général de l’enseignement et de la recherche, M. Guillaume de La Taille, directeur des affaires juridiques, M. Olivier Cunin, sous-directeur du travail et de la protection sociale, Mme Élodie Lematte, cheffe de service compétitivité et performance environnementale et M. Laurent Percheron, chef de projet pacte et loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture
– Union nationale des maisons familiales rurales * – M. Roland Grimault, directeur
– AgroParisTech – Mme Karine Bocquet, directrice générale adjointe chargée du développement, et M. Etienne Verrier, directeur général adjoint chargé des affaires académiques
– Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (SNETAP) – Mme Laurence Dautraix, co-secrétaire générale, M. Frédéric Chassagnette, co-secrétaire général, et Mme Claire Pinault, membre du bureau national
Table ronde :
– Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) * – M. Jérôme Volle, vice-président, Mme Fabienne Garel, présidente de la commission Enseignement-formation, Mme Violaine Trosseille, cheffe de service Formation initiale et continue, M. Morgan Oyaux, directeur des affaires sociales, et Mme Romane Sagnier, chargée de mission Affaires publiques
– Jeunes agriculteurs (JA) * – M. Alexis Roptin, membre du bureau et M. Xavier Heinzlé, conseiller renouvellement des générations
Table ronde :
– Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) * – M. Frédéric Mazer, vice-président, et Mme Sophie Bezeau, directrice
– Coordination rurale * – Mme Amélie Rebière, membre du comité directeur
– Confédération paysanne * – M. Stéphane Galais, secrétaire national, et Mme Coralie Pasquier, animatrice
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Ces sept pays représentent plus de 75 % de la production agricole totale de l’Union européenne.
([2]) https://www.inrae.fr/actualites/resultat-economique-exploitations-agricoles-revenu-agriculteurs-tres-grande-heterogeneite
([3]) Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche et loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
([4]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
([5]) Loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
([6]) Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
([7]) B. Delcourt, « Le principe de souveraineté à l’épreuve des nouvelles formes d’administration internationale de territoires », Pyramides, n° 9, 2005, p. 87 (https://journals.openedition.org/pyramides/349).
([8]) D. Baranger, « Notes sur l’apparition de la souveraineté (et des droits de l’homme) », Jus Politicum, n° 9 (https://juspoliticum.com/article/Notes-sur-l-apparition-de-la-souverainete-et-des-droits-de-l-homme-656.html).
([9]) J.-L. Cohen, « Les transformations contemporaines de la souveraineté », Raison publique, 8 décembre 2021 (https://raison-publique.fr/2015/).
([10]) Thierry Pouch et Marine Raffray, « Éclipse puis résurgence de la souveraineté alimentaire, une approche en termes d’économie politique », Revue de l’OFCE, n° 183, 2023/4, p. 2. Dans le même ordre d’idées, on renverra à l’observation de Sébastien Abis pour qui « la souveraineté semble être redevenue un mot d’ordre en Europe, après des années de désindustrialisation et d’angélisme sur le cours supposé tranquille du fleuve des relations internationales », in Veut-on nourrir le monde ? Franchir l’Everest alimentaire en 2050, Armand Colin, février 2024, p. 96.
([11]) Ibid, p. 10.
([14]) Thierry Pouch et Marine Raffray, op. cit., p. 23.
([15]) Ibid, pp. 24 s.
([16]) Cf. S. Alahyane, « La souveraineté alimentaire ou le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes », Politique étrangère, 2017/3, pp. 167 à 177.
([17]) Sébastien Abis, Veut-on nourrir le monde ? Franchir l’Everest alimentaire en 2050, op. cit., pp. 36 et 37.
([18]) Le journal Le Monde titrait encore récemment (24 avril 2024) sur le fait que le nombre de personnes menacées par la faim dans le monde n’avait jamais été si élevé (https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/24/crises-alimentaires-le-nombre-de-personnes-menacees-par-la-faim-dans-le-monde-n-a-jamais-ete-si-eleve_6229625_3244.html).
([19]) Résolution du Parlement européen du 14 juin 2023 « Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture dans l’Union (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-238_FR.html).
([20]) F. Tivierge et C. Grison, Avis (n° 2024-04) sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, Conseil économique, social et environnemental, 20 mars 2024, p. 7 (https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_04_PLOSA.pdf).
([21]) FranceAgriMer, Agreste, Météo France et Secrétariat général à la planification écologique, « Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire en France », mars 2024, 127 pages. Il en va de même dans l’avis précité du Conseil économique, social et environnemental.
([22]) Décret n° 2024-211 du 11 mars 2024 instituant un délégué interministériel à la souveraineté agricole des outre-mer.
([23]) Didier Truchet : « L’agriculture, « intérêt général majeur » de la Nation : ça change quoi ? », Le Club des juristes, 3 avril 2024 (https://www.leclubdesjuristes.com/justice/lagriculture-interet-general-majeur-de-la-nation-ca-change-quoi-5560/).
([25]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion-eco/l16cion-eco2324026_compte-rendu#
([26]) Sur ce concept, on renverra à la page que lui consacre l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/one-health-seule-sante).
([27]) Jean Molinier : « L’évolution de la population agricole du XVIIIème siècle à nos jours », Économie et statistique, n° 91, 1977, pp. 79 à 84.
([29]) Cour des comptes : « La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles », avril 2023, 188 pages (not. p. 18).
([30]) Sur cette histoire, on se réfèrera notamment au passionnant ouvrage « 1848, Le printemps de l’enseignement agricole » de Michel Boulet, Anne-Marie Lelorrain et Nadine Vivier (éditions Educagri, 1998), notamment la partie 2 « Les débuts de l’enseignement agricole ». Pour avoir un panorama de toutes les créations effectuées dans l’enseignement agricole, on se reportera, dans le même ouvrage, à la très complète chronologie figurant aux pages 130 et suivantes.
([31]) Supprimé dès 1852, l’INRAE a été remis en place en 1876.
([32]) Loi du 5 juillet 1941 portant organisation de l’enseignement agricole public ; loi du 14 avril 1942 sur l’enseignement post-scolaire agricole ; loi du 12 juillet 1943 modifiant la loi de 1941 et créant le certificat d’études post-scolaires agricoles.
([33]) Article L. 813-1.
([34]) Articles 60 et 63 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
([35]) Il s’agit des articles L. 111-1 à L. 167-1 du code de l’éducation, qui traitent notamment du droit à l’éducation, des missions du service public de l’enseignement, de l’obligation scolaire, de la laïcité et de la liberté de l’enseignement.
([36]) Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
([37]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004.
([38]) Cf. a) du 2° du I de l’article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
([39]) Article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (disposition qui s’est notamment traduite aux articles L. 5211-2 et suivants du code du travail).
([40]) C’est ce que souligne notamment l’étude d’impact du projet de loi : « Le besoin en compétences des agriculteurs et de leurs conseillers appelés à les encadrer va s’accroître parallèlement à la diversification des modèles agricoles, aux défis climatiques, sanitaires et environnementaux émergents, à la digitalisation de l’agriculture et aux approches “systèmes d’exploitation” qui se développent et sont de plus en plus sophistiquées. », p. 82.
([41]) Le brevet professionnel ne représentant que 15 % des personnes considérées tandis que les diplômes équivalents à Bac + 3 ou + 5 ne représentaient que 10 % des éleveurs (https://www.web-agri.fr/installation-transmission/article/205619/sondage-formation-initiale-35-pourcents-des-eleveurs-et-25-pourcents-des-agriculteurs-ont-un-btsa).
([43]) On pourra se reporter à ce titre à l’ouvrage particulièrement éclairant Plutôt nourrir, l’appel d’une éleveuse, co-écrit par Noémie Calais, jeune éleveuse de porcs dans le Gers, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris avant d’avoir fait du conseil en développement international aussi bien à Londres qu’à Hong Kong et d’avoir finalement fait un tout autre choix de vie (Tana Éditions, septembre 2022).
([44]) CAPA (certificat d’aptitude professionnelle agricole), BEPA (brevet d’études professionnelles agricoles), BPA (brevet professionnel agricole), BP (brevet professionnel), BTSA (brevet de technicien supérieur agricole) ; cf. https://agriculture.gouv.fr/les-formations-et-diplomes-de-lenseignement-agricole
([45]) Étude d’impact, p. 83.
([46]) Articles L. 711-1 s. du code de l’éducation.
([47]) Aujourd’hui au nombre de 427 dans notre pays, partagés entre 217 lycées publics et 210 privés.
([48]) Son premier alinéa fait ainsi référence aux établissements qui « offrent des formations à temps plein en conjuguant, selon un rythme approprié, les enseignements théoriques et pratiques dispensés d’une part dans l’établissement même et d’autre part dans le milieu agricole et rural ».
([49]) Étude d’impact, p. 86.
([50]) Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.
([51]) Audition de la commission de la production et des échanges, 10 juin 1998 (https://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r1058-02.asp).
([52]) Décret n° 86-484 du 14 mars 1986 relatif au développement agricole. L’article R. 821-1 du code rural qui en était issu définissait alors le « développement agricole » de la façon suivante : « Art. R. 821-1. - Par la formation, l’information ou le conseil des personnes intéressées, individuellement ou au sein de leurs groupements, le développement agricole a pour objet de contribuer à l’expansion de l’agriculture et de la sylviculture, à l’accroissement de leur compétitivité, à la valorisation de leurs potentiels locaux, à l’adaptation des exploitations aux évolutions technologiques, économiques et structurelles et à l’amélioration des conditions de vie et de travail. / À cet effet, relèvent du développement agricole : / 1° L’exploitation des résultats de la recherche agronomique et l’élaboration des références technico-économiques ; / 2° La mise en œuvre des actions de recherche appliquée, d’expérimentation et de démonstration ; / 3° La diffusion de toutes les connaissances utiles à l’accomplissement de ces missions ; / 4° L’appui aux initiatives locales entrant dans le cadre de ces missions ; / 5° La mise en place et l’extension des services de remplacement. »
([53]) Cécile Claveirole, « La transition agroécologique : défis et enjeux », Rapport fait au nom du Conseil économique, social et environnemental, 13 novembre 2016.
([56]) Étude d’impact, p. 99.
([57]) Toutes ces données ont été communiquées à vos rapporteurs dans le cadre de l’audition commune qui, le 18 avril 2024, a rassemblé les représentants de l’Ordre national des vétérinaires et du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL).
([58]) « Par le terme animal de rente, on désigne l’animal élevé ou gardé pour la production de denrées alimentaires, de laine, de peaux ou d’autres fins agricoles. L’animal de rente a une utilité économique, tout comme l’animal de compagnie a une utilité sociale et l’animal de sport une utilité ludique » précise par exemple Mme Anne Lemaitre dans sa thèse pour le doctorat vétérinaire « Un élément de santé publique vétérinaire : la protection des animaux de rente », 2023, p. 6.
([59]) Les vétérinaires pratiquant un exercice mixte avec prédominance des animaux de compagnie sont au nombre de 3 774.
([60]) « Installation et maintien de l’exercice vétérinaire dans les territoires ruraux », Arthur Tirado, Frédéric Poisson et Bernard Vanhoye (CGAAER), Rapport n° 18119, décembre 2019.
([61]) https://www.web-agri.fr/sante-animale/article/866174/les-deserts-medicaux-concernent-aussi-les-veterinaires
([62]) Ordonnance n° 2011-78 du 20 janvier 2011 relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes n’ayant pas la qualité de vétérinaire.
([63]) Si l’ordre des vétérinaires est défini à l’article L. 242-1 du code rural et de la pêche maritime, il est dirigé dans les faits pas un conseil national de l’ordre dont les attributions sont détaillées à l’article L. 242-3-1 du même code.
([64]) Cette qualité n’est attribuée qu’aux étudiants titulaires du diplôme d’études fondamentales vétérinaires ou DEFV, qui sanctionne leurs cinq premières années d’études, avant qu’ils ne poursuivent en sixième année dans le cadre de l’année dite d’approfondissement et de passage de la thèse d’exercice.
([65]) Il pourrait par exemple s’agir des centres Apform (qui ont depuis de nombreuses années, pour mission d’aider les entreprises vétérinaires à former leurs futurs auxiliaires spécialisés vétérinaires ou ASV).
([66]) Rapport n° 2458 du 10 avril 2024 de la mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif (Mmes Béatrice Descamps, et Estelle Folest, rapporteures), p. 131 et suivantes.
([67]) L’ensemble de ces chiffres sont issus du rapport de la Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles. Communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023. Ils sont tirés ou élaborés à partir des recensements agricoles et cohérents avec les chiffres présentés dans l’étude d’impact ou dans le Plan stratégique national de la PAC 2023-2027.
([68]) Données issues du Plan stratégique national de la PAC 2023-2027, p. 111.
([69]) B. Legagneux, V. Olivier-Salvagnac, « Les exploitations agricoles françaises aux allures de firme », in François Purseigle, Geneviève Nguyen, et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, Presses de Sciences Po, 2017. Cette définition est reprise, par exemple, dans le rapport de la Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, op. cit.
([70]) Sources : Graph Agri 2022
([71]) Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, op. cit.
([72]) Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, op. cit.
([73]) Instruction technique DGPE/SDC/2016-651 du 3 août 2016 relative à la gestion et mise en œuvre du programme pour l’accompagnement et la transmission en agriculture.
([74]) Données fournies par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
([75]) Cf. article 9 supra.
([76]) Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, op. cit.
([77]) CGAAER, Nouvelles formes de travail en agriculture, rapport n° 20090, juillet 2021.
([78]) Chiffres de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).
([79]) CGAAER, Les services de remplacement en agriculture, rapport n°19068, juin 2020.
([80]) Ce chiffre oscille entre 70 % selon la FNSAFER et 80 % selon le CGAAER dans son rapport de février 2023 (n° 21039) « Évolution des modes de portage du foncier ».
([81]) Il s’agit respectivement de la directive « Habitats » (directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages) et de la directive « Oiseaux » (directive 2009/147/CEdu Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages).
([82]) https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/migrations/portail/art_pix/stat_Infostat_182.pdf
([83]) Précisons tout de même que, comme le souligne l’étude du SDSE – alors que l’étude d’impact omet cette précision pourtant importante –, les atteintes à l’environnement peuvent être du ressort des justices pénale, civile et administrative. Or, l’étude du SDSE n’a pas du tout abordé la justice administrative et n’a fait référence à la justice civile qu’à la marge, ce qui peut donc quelque peu fausser l’appréhension d’ensemble, celle-ci étant fort logiquement dominée par la justice pénale, de manière quasi exclusive.
([84]) L’étude précise que le montant moyen des amendes prononcées a été de 7 600 euros, seule la moitié ayant néanmoins dépassé les 800 euros, un quart ayant franchi la barre des 2 500 euros.
([85]) Le juge veille par exemple à effectuer une sorte de bilan coûts-avantages entre les opérations projetées et les potentielles atteintes à l’habitat ou à une espèce (animale ou végétale) qui y vit (cf par exemple Cour administrative d’appel de Bordeaux, 5ème chambre, 9 mars 2021, Association de défense du bois de Bouéry, n° 19BX04970). Le juge administratif a par ailleurs pu préciser que le fait qu’un terrain ait d’ores et déjà été défriché n’était pas de nature à empêcher l’autorité administrative compétente d’imposer certaines obligations à une entreprise afin qu’elle respecte pleinement les obligations résultant notamment de l’article L. 411-1 du code de l’environnement (Conseil d’Etat, 6/5 CR, 28 avril 2021, SAS Maillard, n° 440734).
([87]) Arrêté du 29 mars 2024 relatif aux obligations légales de débroussaillement pris en application de l’article L. 131-10 du code forestier.
([88]) Concl. sur Tribunal des conflits, 2 décembre 1902, Société civile immobilière de Sant-Just, Rec. p. 713.
([89]) Sur l’avantage des sanctions administratives, cf. par exemple Emmanuel Rosenfeld et Jean Veil : « Sanctions administratives, sanctions pénales », Pouvoirs n° 128, 2009, pp. 61-73
[91] file:///C:/Users/sgauthier/Downloads/CONTROLES%20EXPLOIT%20AGRICOLES%20commmunication%2011%2010%202023%20-%20V4.pdf
[92] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.
([93]) La BCAE 8 a remplacé, dans le cadre de la nouvelle PAC pour la période 2023-2027, l’ancienne BCAE 7 « Maintien des particularités topographiques » qui valait pour la PAC sur la période 2015 – 2020. La définition de la haie a été reprise par la France au titre de son Plan Stratégique National de la PAC 2023-2027 (p. 314).
([94]) Arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE).
([95]) On entend par discontinuité un espace ne présentant ni strate arborée (houppier) en hauteur ni strate arbustive (au sol).
([96]) Arrêté du Préfet des Vosges n° 329/2021/DDT du 14 décembre 2021 réglementant les dates d’entretien des haies afin de protéger les oiseaux pendant la période de nidification.
([97]) On pourra par exemple consulter le très complet guide sur les enjeux et la réglementation des haies établi par la Direction départementale des territoires de l’Aisne (https://www.aisne.gouv.fr/index.php/contenu/telechargement/35346/226601/file/Guide%20Haies_VF_HD.pdf).
([98]) Georges Duby et Armand Wallon (dir.) : Histoire de la France rurale, Tome Ier « Des origines à 1340 », Seuil, coll. Points Histoire, octobre 1992, pp. 148-149.
([99]) De manière générale, les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte à une haie sont définies par l’arrêté du 14 mars 2023 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), notamment son article 5.
([100]) « La haie, levier de la planification écologique », rapport n° 22114 (Mme Catherine de Menthière, MM. Vincent Piveteau, Patrick Falcone et Xavier Ory), avril 2023, not. pp. 19-20.
([101]) Ibid, p. 79 s. (annexe 7).
([103]) Étude d’impact du projet de loi, p. 183 et 185.
([104]) Cf Rapport d’information n° 142 du 24 novembre 2022 fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’avenir de l’eau (Mmes Catherine Belrhiti et Cécile Cukierman, MM. Alain Richard et Jean Sol, rapporteurs), notamment p. 157 et suiv.
([105]) https://agriculture.gouv.fr/conclusions-du-varenne-agricole-de-leau-et-de-ladaptation-au-changement-climatique, p. 14.
([106]) Tribunal administratif de Poitiers, 1ère chambre, 11 avril 2023, Associations Poitou-Charentes Nature et autres, n° 1800400, 2002802 et 2201761.
([107]) Tribunal administratif de Poitiers, 1ère chambre, 3 octobre 2023, Associations Poitou-Charentes Nature et autres, n° 2101394 et n° 2102413 (2 jugements).
([109]) https://www.vie-publique.fr/consultations/293115-projet-de-decret-evaluation-environnementale-des-projets
([110]) À propos de l’édification d’un bâtiment d’élevage de porcs, cf par exemple Conseil d’État, 6/1 CR, 6 décembre 2017, M. et Mme B., n° 398537 ; à propos de l’édification d’une bergerie, cf Conseil d’État, 6 JS, 14 novembre 2014, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, n° 359457.
([111]) https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/discours-et-interventions/ouverture-des-entretiens-du-contentieux-2022-par-didier-roland-tabuteau-vice-president-du-conseil-d-etat
([112]) L’expression est tirée du discours précité du vice-président D-R. Tabuteau. Dans une chronique antérieure parue à l’Actualité juridique de droit administratif (AJDA), MM. Clément Malverti et Cyrille Beaufils rappelaient également que dans cette matière qu’est le contentieux de l’urbanisme « la saisine du juge est en effet principalement appréhendée comme un facteur de ralentissement, voire de blocage, des constructions (…) bien qu’il soit permis de douter que l’insuffisance de logements en France soit principalement due aux recours contre les autorisations de construire » (« Contentieux de l’urbanisme : parer les morts, réparer les vivants », AJDA 2020, p. 2016).
([113]) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement et loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
([114]) Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme.
([115]) Sur la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, on se reportera à l’avis donné par la section du contentieux du Conseil d’État le 2 octobre 2020 (n° 438318).
([116]) Avis n° 408136 du 21 mars 2024 de l’Assemblée générale du Conseil d’État sur un projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, point 23.
([118]) C’est l’interprétation qu’en a explicitement donnée le Conseil d’État statuant au contentieux dans sa décision Commune de Fosses (CE, 1/4 CR, 25 septembre 2019, n° 429680, point 6 de la décision).
([120]) Conseil d’État, 2/7 CR, 6 octobre 2021, Mme Florence M… et autres, préc. (point 8 de la décision).
([123]) CGAAER, Mission de conseil relative au statut des chiens de protection des troupeaux, rapport n° 23029, juin 2023.
([124]) Précisions apportées par la direction générale de la prévention des risques lors des auditions.
([125]) Voir en ce sens : Conseil d’État, décision n° 426528 du 30 décembre 2020.
([126]) Voir en ce sens : Conseil d’État, décision n° 426528 du 30 décembre 2020.
([127]) Instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d’interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements issue de l’application de la loi n° 2015-99.
([128]) Voir en ce sens : Tribunal administratif de Dijon, 14 décembre 2021, n° 2100316.
([129]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/MAR2023_DP-PLAN%20EAU__BAT%20%281%29_en%20pdf%20rendu%20accessible.pdf
([130]) Les auxiliaires de culture sont des organismes vivants qui se nourrissent des ravageurs de cultures ou de graines de mauvaises herbes. Ils fournissent également d’autres services à l'agriculture, comme la pollinisation.
([131]) En application de l’article D. 615-50-1 du code rural et de la pêche maritime, l’arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de BCAE a fixé une période d'interdiction entre le 1er avril et le 31 juillet en métropole entre 2015 et 2022.
([132]) Sont notamment soumis aux dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’environnement les installations, ouvrages, travaux ou activités entraînant des prélèvements sur les eaux, une modification du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, même non polluants.
([133]) Sont considérées comme des ICPE au sens de l’article L. 511-1 du code de l’environnement les installations qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients notamment pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques, pour l'agriculture ou pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages.
([134]) Conseil d'État, avis, 22 mars 2018, n° 415852.
([135]) Conseil d’État, 25 septembre 2019, n° 429680.
([136]) Conseil d'État, 24 juin 2021, n° 450048.
([137]) CE, 13 novembre 2023, n° 471898.
([139]) 1 104 loups ont été recensés lors du dernier comptage réalisé par l’Office français de la biodiversité en 2023 ; 61 départements sont aujourd’hui concernés par le loup et éligibles aux dispositifs d’aide, soit 11 départements supplémentaires par rapport à 2022.
([140]) Mmes Pascale Boyer et Bénédicte Taurine, « Conclusions du groupe de travail sur les chiens de troupeau », Commission des affaires économiques, 2020.
([141]) Rapport n° 22102 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, « La valorisation de la laine et des peaux lainées », avril 2023.
([142]) Haut-commissariat au plan, « Le développement de l’aquaculture : un enjeu de souveraineté alimentaire », janvier 2024.
([143]) Une pisciculture est définie à l’article L. 431-6 du code de l’environnement comme une « exploitation ayant pour objet l’élevage de poissons destinés à la consommation, au repeuplement, à l’ornement, à des fins expérimentales ou scientifiques ainsi qu’à la valorisation touristique. »
([144]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs ; loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
([145]) Les 580 établissements privés sous contrat fonctionnent selon un rythme de formation différent qui permet de distinguer deux types d’établissements :
– 195 établissements dits du temps plein, qui fonctionnent selon le même rythme que le public (article L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime) ;
– 385 établissements dits du rythme approprié, qui privilégient d’importantes périodes d’alternance pour les jeunes (article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime).
([146]) En équivalents temps plein
([147]) Données de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGER) issues du système d’information de l’enseignement agricole (Décisionnel de l'enseignement agricole - Déci-EA).
([148]) Dernière enquête réalisée par l’Institut Agro pour le ministère de l’Agriculture – données disponibles au 1er janvier 2023.
([149]) Projet annuel de performances du programme 143 Enseignement technique agricole.
([150]) Données issues du dernier recensement décennal de 2020.
([151]) L’étude d’impact annexée au projet de loi souligne ainsi que d’ici 2030, 166 000 chefs d’exploitation pourront faire valoir leur droit à la retraite.
([152]) Camp Agricultures France 2030, mieux former les cadres du secteur agricole aux besoins de demain.
([153]) Étude d’impact, p. 76.
([154]) Étude d’impact, p. 70.
([155]) Extrait de l’étude d’impact.
([156]) Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
([157]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1974 de Mmes Graziella Melchior et Francesca Pasquini sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques (XVIe législature).
([158]) Relatifs respectivement aux établissement publics et aux établissements privés.
([159]) Extrait de l’étude d’impact.
([160]) Établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole.
([161]) Établissement agricole privé sous contrat à temps plein.
([162]) Établissement agricole privé rythme approprié.
([163]) Exposé des motifs du présent projet de loi.
([164]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 2458 de Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif (XVIe législature).
([165]) Extrait de l’étude d’impact.