N° 2634
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie,
Par M. Olivier FALORNI,
Rapporteur général
et
Mme Laurence CRISTOL, Mme Caroline FIAT,
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et M. Didier MARTIN,
Rapporteurs thématiques
Tome III
Comptes rendus de l’examen du projet de loi
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 2462.
La commission spéciale est composée de :
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente
Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Patrick Hetzel, M. Laurent Panifous et M. Jean-François Rousset, vice-présidents
Mme Chantal Bouloux, Mme Geneviève Darrieussecq, M. François Gernigon et Mme Frédérique Meunier, secrétaires
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Mme Laurence Cristol, Mme Caroline Fiat, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et M. Didier Martin, rapporteurs thématiques
Mme Farida Amrani (du 4 mai au 13 mai 2024), M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Louis Boyard (jusqu’au 10 avril 2024), M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, M. Charles de Courson, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Sophie Errante, Mme Martine Etienne (du 11 avril au 3 mai 2024), Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard (jusqu’au 13 mai 2024), M. Joël Giraud, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. David Habib (jusqu’au 15 mai 2024), Mme Marine Hamelet, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Laernoes (jusqu’au 10 mai puis à compter du 14 mai 2024), M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Lise Magnier, M. Christophe Marion, M. Damien Maudet (le 14 mai 2024) M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard (à compter du 16 mai 2024), M. Yannick Neuder, M. Julien Odoul, Mme Anne-Laurence Pétel (à compter du 14 mai 2024), Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Sandrine Rousseau (du 11 mai au 13 mai 2024), M. Michel Sala (à compter du 15 mai 2024), Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Anne-Cécile Violland, M. Léo Walter
SOMMAIRE
COMPTES RENDUS de l’examen des articles
2. Réunion du lundi 13 mai 2024 à 16 heures (avant l’article 1er et article 1er)
3. Réunion du lundi 13 mai 2024 à 21 heures 15 (article 1er [suite] à après l’article 1er)
4. Réunion du mardi 14 mai 2024 à 16 heures 30 (après l’article 1er [suite] à article 2)
5. Réunion du mardi 14 mai 2024 à 21 heures (article 2 [suite] à après l’article 2)
6. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 9 heures 30 (article 3 à article 4)
7. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 15 heures (article 4 [suite] à article 5)
8. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 15 (article 5 [suite])
9. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 9 heures (article 5 [suite] à article 6)
10. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 15 heures (article 6 [suite])
11. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 21 heures 15 (article 7 à article 8)
12. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 9 heures (article 8 [suite] à article 9)
13. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 14 heures 30 (article 9 [suite] à après l’article 15)
14. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 21 heures (article 16 à après l’article 21 et titre)
COMPTES RENDUS de l’examen des articles
1. Réunion du lundi 22 avril 2024 à 18 heures (audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, et discussion générale)
La commission spéciale auditionne Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ([2]).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Madame la ministre, mes chers collègues, la commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie entame aujourd’hui ses travaux. Je ne doute pas que nos débats seront à la hauteur de l’enjeu. Nous avons su démontrer par le passé que, sur de tels sujets, nous savons faire preuve d’écoute et respecter les positions de chacun.
Nous commençons notre programme d’auditions en recevant la ministre Catherine Vautrin. Nous poursuivrons dès ce soir avec l’audition du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), puis tout le reste de la semaine. Quel que soit le temps que nous y consacrerons jusqu’au 30 avril, nous ne pourrons pas entendre tous ceux qui en ont exprimé le souhait. Les personnes qui ne seront auditionnées ni par la commission spéciale, ni par les rapporteurs pourront nous faire parvenir des contributions écrites.
Dans la perspective de l’examen du texte en séance publique à compter du 27 mai, la commission spéciale examinera les articles à partir du lundi 13 mai. Le délai de dépôt des amendements est fixé au mardi 7 mai à dix-sept heures.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Comme l’ont recommandé le CCNE et l’Académie nationale de médecine, comme le souhaitent une majorité de Français, éclairés par les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, comme s’y est engagé le Président de la République, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, auquel vous avez, madame la présidente, plus que largement contribué.
Je rappelle tout d’abord le cadre de ce débat : les personnes concernées par ce texte ne le sont pas en raison de leur âge ou de leur handicap, mais d’une pathologie ; c’est une question médicale. Nous parlons par exemple de personnes atteintes de cancers ou de maladies neurodégénératives, notamment la sclérose latérale amyotrophique (SLA), qui seraient en fin de vie.
Ensuite, l’objet de ce texte est de répondre aux souffrances insupportables de quelques personnes auxquelles la loi en vigueur n’apporte pas de réponse suffisante.
Troisièmement, ce texte s’inscrit dans la continuité de précédentes lois, notamment de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti ». Après l’interdiction de l’acharnement thérapeutique en 2002 et l’autorisation de la sédation profonde et continue jusqu’au décès en 2016, nous abordons là un nouveau chapitre.
Quatrièmement, ce texte repose sur l’expression de la volonté libre et éclairée du patient : lui seul peut formuler la demande et effectuer un recours contre la décision médicale.
Je voudrais souligner la profondeur et la qualité des travaux d’experts et des débats démocratiques qui ont éclairé l’examen de ce projet de loi. Ils ont traduit une certaine impatience, dans notre société, que ce débat ait lieu. Je citerai l’initiative parlementaire de votre rapporteur général, Olivier Falorni, en 2021, l’avis 139 rendu par le CCNE le 13 septembre 2022, ou le rapport d’information déposé par la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, présidée par Olivier Falorni et dont Caroline Fiat et Didier Martin furent les rapporteurs. Je pense également au rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est tenue du 9 décembre 2022 au 2 avril 2023, à l’avis rendu par la commission temporaire « fin de vie » du Conseil économique, social et environnemental le 9 mai 2023, à l’avis de l’Académie nationale de médecine du 27 juin 2023 et au travail remarquable de la présidente de votre commission spéciale.
Au terme de ces débats, se sont exprimés : des craintes, auxquelles je souhaite que nous répondions point par point ; une forte exigence de clarté et de précision, que ce texte devra satisfaire ; une attente de vigilance au vu de la grande sensibilité du projet de loi – le législateur comme le Gouvernement doivent parfois être économes de mots ; une volonté de répondre aux situations de souffrance que la loi actuelle ne permet pas de prendre en charge ; un besoin d’écoute et de compréhension, souvent fondé sur des expériences personnelles lourdes.
Il est notamment ressorti de ces travaux que le préalable à toute action sur la fin de vie est un renforcement de l’accès aux soins palliatifs. Or notre pays n’est pas au niveau en la matière. La France n’est pas au rendez-vous de l’enjeu de l’accès universel aux soins palliatifs : elle occupe la quinzième place, parmi les trente-huit pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, en termes de densité de l’offre de services spécialisés en soins palliatifs. Seulement un adulte sur deux et 30 % des enfants qui le nécessitent sont pris en charge – soit 190 000 adultes sur 380 000. Nous devons impérativement progresser, d’autant plus que nous devrons être en mesure de prendre en charge près de 440 000 personnes par an en 2035, selon le rapport de la Cour des comptes sur les soins palliatifs.
Il est donc indispensable que nous renforcions les dispositifs de prise en charge hospitalière tout en développant une offre complémentaire à domicile et dans les établissements médico-sociaux. C’est l’ambition de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, qui repose sur trois piliers : l’augmentation du nombre de places, la reconnaissance du travail des bénévoles et l’organisation d’une filière universitaire – je remercie à cet égard ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Nous devons nous inscrire dans une logique de prise en charge anticipée, renforcée et continue de la douleur, avec l’ambition de bâtir un modèle français des soins d’accompagnement. Le choix de ce terme, défini à l’article 1er du projet de loi, marque une véritable rupture dans la prise en charge des maladies chroniques : les soins d’accompagnement visent en effet à anticiper la prise en charge dès le diagnostic de l’affection grave – prendre en charge plus tôt, pour le faire mieux – ainsi qu’à prendre en compte tous les besoins médicaux et non médicaux du patient comme de son entourage. L’ensemble des soignants seront mobilisés en ce sens, ainsi que les bénévoles, les professionnels du secteur social et de l’aide à domicile. L’enjeu est de renforcer rapidement l’accès de tous aux soins palliatifs et la prise en charge de la douleur, dans un souci d’équité territoriale, avant l’ouverture d’une aide à mourir.
Pour ce faire, nous avons annoncé un investissement décisif de 100 millions d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2034, qui portera les moyens dédiés de 1,6 milliard en 2023 à 2,7 milliards en 2034 – soit une hausse de 66 % sur la période, alors que les besoins augmenteront de 16 %. Une forte impulsion sera donnée au cours des trois prochaines années.
La stratégie comprend trente mesures, dont quatorze proviennent du rapport remis par le professeur Franck Chauvin, repris quasiment dans son intégralité. Je tiens à remercier les membres de l’instance de réflexion stratégique pour leur travail.
Seules quelques-unes de ces mesures relèvent du domaine législatif ; elles composent le titre Ier du projet de loi. Elles traduisent trois grandes évolutions pour notre système de santé et notre société.
En premier lieu, il s’agit de renforcer l’offre de soins. Dans le cadre de la stratégie décennale, nous passerons de 166 unités de soins palliatifs (USP) à 190, portant le nombre de lits de 7 540 à 8 000, et nous ouvrirons 18 USP pédiatriques afin de disposer enfin d’une unité par région. Par ailleurs, 120 000 personnes pourront être accompagnées dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, contre 70 000 aujourd’hui, et quinze équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) seront créées en 2024, cent à l’horizon 2034.
L’article 2 crée les maisons d’accompagnement. Elles ont vocation à accueillir les personnes en fin de vie qui ne relèvent plus d’un service hospitalier mais ne peuvent ou ne veulent rentrer à leur domicile. L’article 3 est relatif au plan personnalisé d’accompagnement, dont l’élaboration sera proposée à chaque patient dès le diagnostic d’une affection grave pour anticiper et coordonner la prise en charge en tenant compte des volontés de la personne malade.
Deuxièmement, il s’agit de renforcer l’accompagnement des patients par la société, au plus proche de leur domicile, en soutenant les collectifs d’entraide, les bénévoles et les aidants.
Troisièmement, il s’agit d’appuyer l’émergence indispensable d’une filière de formation universitaire en médecine palliative et soins d’accompagnement, en lien avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cent postes de chef de clinique des universités-assistant des hôpitaux seront créés, dont dix dès le début de l’année 2024, ainsi que cent postes d’universitaires titulaires, au rythme de dix par an.
La législation sur la fin de vie est le fruit de trois textes. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », permet à un patient de refuser les soins qui lui sont proposés. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti », interdit que les traitements soient poursuivis par obstination déraisonnable pour les patients en fin de vie et affirme le respect de la dignité des personnes malades. La loi Claeys-Leonetti de 2016 a institué un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les patients atteints d’une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme.
La démocratie représentative a toujours su trouver un certain équilibre. Toutes ces évolutions législatives ont été guidées par deux principes : le respect de l’expression de la volonté libre et éclairée du patient et la recherche de l’apaisement et de la préservation de la dignité. Le projet de loi que nous soumettons au Parlement, guidé par ces mêmes principes, s’inscrit dans la continuité des précédentes lois, auxquelles il propose d’ajouter un chapitre.
Ce nouveau chapitre n’est pas un copier-coller des législations étrangères ouvrant l’accès à une aide à mourir. Ce n’est pas non plus un modèle euthanasique, puisqu’une personne extérieure n’intervient que si le patient n’est plus en capacité physique de s’administrer le produit létal. Ce n’est pas non plus une autorisation à se suicider, puisque des conditions strictes sont prévues, dont un examen médical. Ce n’est pas un droit nouveau, mais une liberté nouvelle.
Ce nouveau chapitre ouvre un chemin possible. Il apporte une réponse éthique à des besoins d’accompagnement, à des souffrances inapaisables, à des situations de désespérance qu’il serait inhumain d’ignorer, dans les cas où persisteraient des souffrances réfractaires et où le pronostic vital serait engagé à moyen terme. Il vise à mettre fin à des situations insupportables qui conduisent certains à se rendre à l’étranger pour mettre fin à leurs jours. Le rapport d’information de la commission des affaires sociales, s’appuyant sur l’appui du CCNE, affirmait en effet : « le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponse à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme ». C’est pour répondre à de telles situations que cette loi ouvre un accès à une aide à mourir : c’est un texte de solidarité envers les personnes les plus vulnérables.
C’est également un texte d’équilibre, cette recherche d’équilibre étant indispensable pour légiférer sur de tels sujets : équilibre entre la solidarité à l’égard des personnes les plus vulnérables, par le développement des soins d’accompagnement, et le respect de l’autonomie individuelle, par l’ouverture de l’accès à une aide à mourir ; équilibre aussi entre l’ouverture d’une aide à mourir et les conditions strictes d’accès que nous avons définies. Cet équilibre est la condition d’une démarche éthique.
Dans son avis, le CCNE considère en effet « qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ». Celles‑ci, définies à l’article 6 du projet de loi, sont autant de garanties, pour les personnes concernées comme pour les professionnels de santé. L’aide à mourir ne peut être envisagée que pour les personnes majeures, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, atteintes d’une affection grave et incurable qui engage leur pronostic vital à court ou moyen terme, et souffrant de douleurs insupportables ou réfractaires aux traitements, si elles en expriment la demande de manière libre et éclairée. Le Conseil d’État a souligné la « clarté » et la « précision » de ces conditions, qui sont proches de celles fixées par d’autres pays européens.
La procédure inscrite dans le chapitre III du projet de loi apporte également des garanties. Saisi d’une demande d’aide à mourir, le médecin devra s’assurer qu’il s’agit bien de l’expression d’une volonté libre et éclairée, apporter des informations et proposer des soins palliatifs, vérifier le respect des conditions, solliciter l’avis de deux autres professionnels de santé, et répondre au patient dans un délai de quinze jours. Dans ces moments de fin de vie, les patients ont besoin de présence et d’humanité. Ce texte leur garantit un accompagnement médical jusqu’au bout, de la naissance à la mort.
À travers ce débat, nous avons rendez-vous avec tous les Français. La fin de vie concerne chaque famille, chaque personne. Nous touchons à l’intime ; c’est la raison pour laquelle j’aborde cette discussion avec humilité et dans le respect de chacun. Notre objectif commun doit être la recherche de cet équilibre qui place le patient au cœur de la décision : nous devons respecter sa volonté et vérifier sa capacité pleine et entière à l’exprimer. Nous devons également garantir la place de l’expertise médicale, absolument essentielle dans la mise en place de l’aide, tout en assurant le respect des convictions des professionnels de santé.
Nous remettons désormais ce projet de loi entre vos mains pour un débat parlementaire qui sera important, rare, et animé de ce même esprit d’humilité, d’écoute et de respect.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Étant député de la Charente-Maritime, je commencerai par une métaphore marine. Le projet de loi arrive à quai, à bon port. Il est solidement arrimé aux deux piliers qui en assurent l’équilibre : les soins palliatifs, et l’aide à mourir. Il va désormais engager sa grande traversée parlementaire, qui prendra tout le temps nécessaire, mais pas de façon inconsidérée car de nombreux Français attendent ce texte, et en premier lieu de nombreux malades – ne l’oublions jamais.
Un bon marin doit toujours avoir un cap clair et une bonne boussole. Sur un sujet éminemment républicain, les quatre points cardinaux de cette boussole sont la liberté de choix, l’égalité dans l’accès aux soins et dans l’aide à mourir, la fraternité dans l’accompagnement de la fin de vie et la laïcité selon laquelle la foi ne fait pas la loi. Le cap est clairement de renforcer les droits des malades et d’améliorer l’accompagnement de la fin de vie dans notre pays.
Tracer un cap, c’est savoir où l’on veut aller, mais aussi d’où l’on vient ; et cette cause, ce combat vient de loin. Durant le premier quart de siècle, quatre lois ont permis d’obtenir pas à pas deux droits essentiels, qui nous semblent aujourd’hui des évidences. Le premier est le droit de ne pas souffrir, le législateur ayant voulu affirmer que la souffrance n’était pas inévitable et encore moins nécessaire. Le second est le droit de ne pas subir, le droit de refuser tout acharnement thérapeutique, toute obstination déraisonnable.
Notre devoir est désormais de faire de ces droits une réalité. Cela exige le développement massif des soins palliatifs ; tel est l’objet du titre Ier de ce texte, adossé à une ambitieuse stratégie décennale. Mais, comme toute médecine humaine, les soins palliatifs sont parfois impuissants face à certaines souffrances. C’est pourquoi je défends depuis longtemps le droit à un ultime recours, celui d’une aide à mourir pour des malades qui sont condamnés par la maladie, mais pas condamnés à l’agonie.
Il n’y a pas d’opposition entre soins palliatifs et aide à mourir. Ils sont tous deux nécessaires, voire complémentaires : les soins palliatifs sont une réponse primordiale ; l’aide à mourir est un recours.
Le débat qui s’ouvre nécessitera humilité, gravité et respect de toutes les convictions. J’exercerai ma fonction de rapporteur général avec le souci de la responsabilité et de la dignité de nos échanges. C’est aussi une exigence républicaine pour être à la hauteur de ce grand et beau débat parlementaire.
M. Didier Martin, rapporteur. Avec ce projet de loi, nous portons un nouveau regard sur la fin de vie. La priorité est donnée à l’accompagnement des patients, dès le diagnostic et tout au long de la maladie grave – un accompagnement qui se caractérise par l’anticipation des besoins et des souhaits du patient comme de son entourage. Les soins d’accompagnement, comprenant et renforçant les soins palliatifs, constituent ainsi une approche globale et pluridisciplinaire. Ils visent non seulement à apaiser toutes les douleurs, physiques, psychiques ou sociales, mais aussi à s’adapter de la meilleure façon au lieu de vie, à l’offre de soins disponible et surtout à la volonté du patient, selon une démarche d’« aller vers ».
Ce parcours progressif et adapté repose sur la création des maisons d’accompagnement, qui seront une étape intermédiaire entre le domicile et l’établissement de santé, pour les malades comme pour les aidants. Un plan personnel d’accompagnement sera élaboré, selon une nouvelle organisation associant les collectivités territoriales, les associations de bénévoles et d’aidants, les professionnels de santé libéraux qui interviennent à domicile et les établissements.
J’ai une pensée respectueuse et reconnaissante pour tous les professionnels de santé des USP et des EMSP. Ils ont ouvert la voie : c’est parce qu’ils refusaient les anciennes pratiques d’abstention thérapeutique ou de cocktail lytique pour endormir les malades qu’ils se sont engagés en faveur de l’accompagnement humain et qu’ils ont créé une activité médicale nouvelle, les soins palliatifs. Nous leur devons beaucoup, et les malades encore davantage. À Dijon par exemple, une USP de quinze lits d’hospitalisation associée à une EMSP prend en charge 600 malades par an, et, depuis plus de trente ans, les soins palliatifs de La Mirandière ont accompagné des milliers de malades en fin de vie.
En France, l’offre actuelle de soins palliatifs est insuffisante, malgré l’augmentation de 25 % des budgets depuis 2017. Seulement un adulte sur deux et un enfant sur trois qui en ont besoin accèdent aux soins palliatifs, et les délais d’attente sont trop longs. Or les besoins futurs seront plus importants, du fait du vieillissement de la population et de l’accroissement de la prévalence des pathologies et des traitements lourds des maladies chroniques.
Il fallait donc un nouveau modèle français des soins d’accompagnement. Cela fut fait sous l’autorité de Mme la ministre Agnès Firmin Le Bodo, et sous la présidence de M. le professeur Franck Chauvin, qui a conduit une réflexion stratégique et collective. La présentation du projet de loi effectuée par Mme la ministre Catherine Vautrin montre que ce sujet est arrivé à maturité : voici un texte précieux et équilibré, que nous pourrons sans doute améliorer à la marge au cours de l’examen parlementaire, mais qui constitue un très bon point de départ.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Votre présentation, madame la ministre, montre bien le souci de notre majorité d’autoriser l’aide à mourir tout en développant les soins d’accompagnement des malades, comme certains de nos voisins l’ont fait au cours des vingt dernières années. En tant que rapporteure des articles 5 et 6, je concentrerai mon propos sur l’aide à mourir, qui est réclamée par une majorité de nos concitoyens depuis de nombreuses années.
L’avis 139 du CCNE et les travaux de la Convention citoyenne ont démontré que le cadre législatif actuel ne permet pas de répondre à l’ensemble des situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital est engagé à moyen terme et que la personne malade doit supporter, pendant les quelques semaines ou mois qu’il lui reste à vivre, des souffrances qui ne peuvent être soulagées.
En réponse à cette demande, nous voulons une loi de libre choix qui « n’imposerait rien à personne et respecterait toutes les consciences », pour reprendre une formule de la tribune que nous avons fait paraître l’an dernier dans Le Monde avec plusieurs collègues issus de différents groupes politiques.
L’article 5 permet de mettre à la disposition d’une personne qui en fait la demande une substance létale afin qu’elle se l’administre « ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne ». L’écriture de cet article place donc le malade au cœur du dispositif en prévoyant que c’est lui-même qui procède à l’injection du produit létal, sauf s’il n’est pas en mesure de le faire.
L’article 6 définit de manière rigoureuse – je tiens à le saluer – les conditions qui devront être remplies. Seules pourront accéder à l’aide à mourir les personnes majeures, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, atteintes d’une affection grave et incurable engageant leur pronostic vital à court ou à moyen terme.
Dans son avis rendu le 4 avril dernier, le Conseil d’État « estime que cette expression ne peut être entendue que dans le sens employé par la pratique médicale, pour laquelle elle correspond à un horizon temporel qui n’excède pas douze mois ». Cet horizon temporel pourra utilement être précisé pour chaque pathologie par la Haute Autorité de santé (HAS). Par ailleurs, toute personne formulant une demande d’aide à mourir devra présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements.
Enfin, les malades qui feront la demande d’une aide à mourir devront être jugés aptes à manifester leur volonté « de façon libre et éclairée ». Cette disposition, qui est assortie de nombreuses garanties procédurales, exclut les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique altérant gravement leur discernement. Il importe de le rappeler à l’orée de nos débats.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est un texte équilibré et très précis qui nous est présenté, dont les deux titres avancent dans la même direction : bien mieux accompagner la fin de vie dans notre pays. Équilibré et précis, il l’est en particulier aux articles 7 à 15 concernant la procédure d’aide à mourir, dont j’ai l’honneur d’être rapporteure.
Il est toujours bon de rappeler que cet équilibre et cette précision sont le fruit des très nombreux espaces d’échange et de concertation ménagés par le Gouvernement – j’en remercie particulièrement la présidente de notre commission spéciale – et au Parlement, notamment avec Olivier Falorni, Didier Martin et Caroline Fiat. Ces espaces d’échange, qui m’ont fait évoluer au sujet de l’aide à mourir, ont été propices à l’élaboration d’un texte de nature à rassembler, autour d’un modèle français d’accompagnement holistique des malades en fin de vie.
Je me concentrerai sur quatre points concernant la procédure, qui reflètent cette précision et cet équilibre.
Premièrement, l’article 7 du projet de loi prévoit la « demande expresse » du patient à un médecin en activité sans lien avec lui. L’article 8 prévoit que la demande doit être réaffirmée au terme d’un délai de réflexion de deux jours suivant la décision, puis le jour prévu pour l’administration de la substance létale. Par-delà la nécessité de répéter la demande, c’est bien la volonté libre et éclairée du patient qui est au cœur de la procédure. Par ailleurs, le projet de loi prévoit des dispositions particulières pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique et exclut explicitement les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique altérant gravement leur discernement.
Deuxièmement, dès lors que la demande du patient est au cœur de la procédure, il importe que le texte précise qu’il peut la retirer à tout moment et que ses droits sont réaffirmés tout au long de la procédure.
Troisièmement, l’article 7 dispose que le médecin devra informer le patient de manière exhaustive sur son état de santé et sur les perspectives de son évolution ainsi que sur les traitements et dispositifs d’accompagnement disponibles. Il devra également lui proposer de bénéficier de soins palliatifs et s’assurer qu’il peut effectivement y accéder.
Quatrièmement, la procédure est collégiale. Certes, le médecin est décisionnaire, mais l’avis obligatoire d’un médecin extérieur, spécialiste de la pathologie du patient, et l’avis facultatif d’autres professionnels de santé tels que les aides-soignants, dont chacun connaît l’importance pour les patients, sont gages de qualité et d’indépendance de l’évaluation.
Outre ces sujets, la semaine qui s’ouvre devra nous permettre d’éclaircir plusieurs points, notamment la place des médecins traitants et des médecins référents des établissements sociaux et médico‑sociaux s’agissant des situations les plus singulières, le soutien des personnes volontaires désignées pour accompagner les personnes ou encore la formation et l’accompagnement des soignants concernés.
Je forme le souhait que les prochaines semaines nous permettent de cultiver l’écoute et de plonger dans la profondeur et la complexité du texte, en privilégiant toujours le dialogue et le débat à la juxtaposition de certitudes.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Comme chacun sait, j’ai rarement été enthousiasmée, ces dernières années, par les projets de loi déposés par le Gouvernement. Mais, comme chacun sait également, la fin de vie est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, tant il est crucial pour notre pays.
Le projet de loi qui nous est soumis était très attendu. Il a fait l’objet de travaux préparatoires riches – j’en remercie la présidente de la commission spéciale – menés par de nombreuses institutions, organisations et individus, dans toute la société comme dans notre assemblée.
J’ai moi-même pris part à ces travaux, dès l’an dernier, déjà aux côtés d’Olivier Falorni et de Didier Martin, en tant que corapporteure de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Dans ce cadre, nous avons auditionné près de quatre-vingt-dix acteurs issus d’horizons très divers.
Les travaux que nous mènerons dans les jours à venir permettront à chacun d’approfondir sa réflexion. Je les aborde, pour ma part, avec la conviction que notre société est prête pour une évolution législative garantissant une fin de vie digne, souhaitée par l’immense majorité de nos concitoyens, s’inspirant des avancées réalisées chez nos voisins européens et aux États-Unis.
Je remercie tous ceux qui m’ont fait confiance en me confiant la charge de rapporteure thématique du présent projet de loi. Vous pourrez tous compter sur mon travail pour mener à bien l’examen du texte, dont je rapporte les articles 16 à 21.
L’article 16 institue une clause de conscience pour les professionnels de santé ne souhaitant pas participer à la procédure d’aide à mourir. Cette disposition, inscrite dans une proposition de loi que j’avais déposée en 2018, me semble nécessaire. Elle démontre, si besoin était, l’attention portée à la parole des soignants et la considération que nous portons à tous les professionnels de santé. Pour garantir l’accès à l’aide à mourir, les professionnels de santé ne souhaitant pas participer à sa mise en œuvre devront informer sans délai la personne de leur refus et lui communiquer le nom de professionnels susceptibles d’y participer.
L’article 17 prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation qui sera chargée de trois missions : le contrôle systématique du respect des conditions de la procédure d’aide à mourir ; le suivi et l’évaluation de celle-ci par une information annuelle et par des recommandations ; la gestion du registre des professionnels de santé disposés à y participer.
L’article 18 confie à la HAS et à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la mission d’évaluer les substances létales utilisées.
Les articles 19 à 21 comportent des dispositions diverses relatives à la prise en charge par l’assurance maladie des frais liés à l’aide à mourir, à la neutralisation de dispositions du code des assurances et du code de la mutualité qui prévoient des exclusions de garanties en cas de suicide, et à l’habilitation à prendre par ordonnance des mesures d’adaptation dans certains territoires ultramarins.
Chers collègues, nous sommes appelés à répondre à une attente profonde de nos concitoyens. Œuvrons ensemble pour permettre des débats apaisés et pour préserver le caractère équilibré du projet de loi.
Mme la ministre. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d’avoir rappelé la complémentarité entre les soins palliatifs et l’aide à mourir, et d’avoir insisté sur le droit de ne pas souffrir, de ne pas subir et de ne pas être condamné à l’agonie. Ces trois éléments balisent la philosophie qui nous guide pour travailler sur un tel texte. Je vous remercie aussi d’avoir mentionné, avec d’autres, l’équilibre entre les deux piliers du projet de loi.
Vous avez bien voulu dire qu’il fallait prendre tout le temps nécessaire pour examiner ce projet de loi, mais que des patients attendent. Je crois savoir que votre assemblée consacrera deux semaines à l’examen du texte en séance publique, car il fait partie des textes exigeant écoute et respect mutuel. Pour s’écouter, il faut du temps. Il me semble important de procéder ainsi.
Je m’associe aux pensées que le rapporteur Martin a eues pour l’ensemble des professionnels de santé, que nous partageons tous, me semble-t-il. Je me permets d’élargir le propos en disant que les patients doivent avoir conscience que c’est aussi à eux que nous pensons en travaillant sur un tel texte. Notre volonté est claire : les accompagner dans le moment de vulnérabilité provoqué par leur état de santé. M. Martin a eu raison de mettre en avant la nécessité d’aller vers le patient pour soulager sa douleur.
Les maisons d’accompagnement sont une novation. Cet objet un peu hybride entre l’hospitalier et le médico-social est une recommandation du rapport Chauvin. Plusieurs expérimentations sont en cours. Il s’agit de disposer d’un endroit où s’occuper du patient et lui offrir cette présence si importante pour lui. Les notions d’accompagnement et de recherche du bien-être du patient doivent nous guider tout au long de l’examen du texte.
Madame la rapporteure Maillart-Méhaignerie, merci du beau résumé du projet de loi que vous avez présenté. Celui-ci offre un choix, n’impose rien à personne et respecte les consciences.
Nous aurons souvent l’occasion de le rappeler : nul n’imposera jamais à quiconque le recours à l’aide à mourir. Il s’agit d’un choix personnel du patient, qui a seul la faculté de décider. Il est au cœur du dispositif, comme le démontre l’article 6, qui définit de façon très précise les conditions dans lesquelles il peut formuler une demande.
Madame la rapporteure Cristol, vous avez évoqué un modèle français. Tel est bien ce que nous – toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur le projet de loi et l’ont fait cheminer – cherchons à élaborer. Ce modèle n’est pas comparable à ce qui existe dans d’autres pays, qu’il s’agisse de pays voisins, des pays d’outre-Atlantique ou de l’Australie.
Vous avez insisté sur le fait que la demande du patient doit être réitérée. C’est très important. C’est pourquoi le texte consacre non seulement le rôle du médecin, mais aussi celui des équipes médicales et paramédicales : bien souvent par exemple, c’est l’aide‑soignante ou l’aide-soignant qui, au moment de la toilette ou dans un moment d’échange, a une discussion avec le patient et recueille son point de vue.
J’ai pris note de vos demandes de précision, qu’il s’agisse de la place du médecin traitant, du soutien des personnes volontaires ou de la formation. Le sujet exige en effet de l’accompagnement et de la formation.
Madame la rapporteure Fiat, vous avez évoqué la nécessité d’assurer une fin de vie digne et la clause de conscience des professionnels de santé, qui sont deux aspects majeurs du texte. Il importe que nous puissions travailler dessus.
Les articles du texte dont vous avez la charge comportent plusieurs dispositions relatives au suivi de la procédure, ce qui n’était pas le cas des textes précédents. C’est la première fois qu’un texte prévoit le suivi de la procédure dès son début, ainsi que tous les contrôles nécessaires, notamment celui du produit, s’agissant tant de sa nature que de son acheminement et de son évaluation. D’autres aménagements, relatifs notamment aux garanties d’assurance, sont loin d’être négligeables.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-François Rousset (RE). Madame la ministre, merci d’être parmi nous pour aborder ce texte fondamental pour l’évolution de notre droit. Appelé de ses vœux par le Président de la République, le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie répond à un besoin exprimé par notre société. Il est destiné à la fois aux patients et aux soignants.
En tant que médecin, je suis conscient de ce que représente l’accompagnement du patient en fin de vie. Il n’est jamais anodin. Quelle responsabilité avons-nous, lorsque l’on est allé au bout du bout de ce qu’on peut faire et que l’on est en situation d’impasse thérapeutique ?
Notre humanité et notre humilité doivent nous rappeler que la notion de soin intègre l’accompagnement jusqu’aux derniers instants. Encadrer ce soin utile dans la loi, c’est garantir aux professionnels une protection juridique ; c’est aussi responsabiliser la collectivité au sujet de la réalité de la fin de vie.
Par ailleurs, je tiens à souligner le véritable engagement gouvernemental en faveur des soins d’accompagnement. Une augmentation de 66 % des moyens alloués est prévue. Elle permettra notamment la création des maisons d’accompagnement. Ces structures hybrides, à mi-chemin de l’hôpital et du soin à domicile, offriront une prise en charge spécialisée à des personnes dont le traitement est stabilisé. Pouvez-vous préciser le maillage territorial envisagé pour ces nouveaux établissements ?
Le texte prévoit un cadre très précis pour bénéficier de l’aide à mourir. Cette garantie vise à éviter les dérives. Il y aura forcément des cas très particuliers. Par exemple, certains patients dont l’espérance de vie est engagée à moyen terme, soit moins d’un an, présentent des atteintes nerveuses motrices qui rendent la déglutition impossible, même celle de leur salive, et la respiration difficile et douloureuse. Un tel patient pourra-t-il bénéficier de l’aide à mourir par administration d’un produit létal par un professionnel de santé ?
À ce propos, pouvez-vous préciser les conditions d’administration de la substance létale ? Dans le cas où elle sera réalisée par un professionnel, s’agira-t-il d’une injection directe ou indirecte, par perfusion ? Cette précision me semble indispensable compte tenu de l’implication demandée aux professionnels de santé – tout soignant sait ce à quoi je fais allusion.
Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que le texte ne permet pas aux personnes qui sont dans l’incapacité d’exprimer leur consentement, si elles sont dans le coma par exemple, de bénéficier de l’aide à mourir. Il est vrai que, même si elle a exprimé ses directives anticipées en ce sens, la personne ne vit pas la même réalité à 30 ans qu’à 80 ans. C’est pourquoi la loi devrait prévoir une incitation à la réactualisation régulière des directives anticipées, ce qui permettrait d’envisager d’en tenir compte si le patient est dans l’incapacité de s’exprimer.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Madame la ministre, vous nous présentez un projet de loi qui soulève de nombreuses questions.
Une loi doit être compréhensible. Votre projet de loi ne l’est pas, car vous ne nommez pas ce que vous voulez légaliser : l’euthanasie et le suicide assisté. L’étude d’impact est plus explicite, puisque le mot « euthanasie » y apparaît vingt-cinq fois, les mots « suicide assisté » vingt-huit fois. Les lois étrangères, notamment les lois belge, hollandaise et espagnole, osent faire figurer ces mots dans leur intitulé. Pourquoi pas vous ?
Votre projet de loi n’est pas davantage accessible, car vous n’avez pas inscrit dans le code de la santé publique les articles principaux du texte que sont les articles 5, 6 et 7, qui ouvrent le titre II relatif à l’aide à mourir. Pourquoi n’inscrivez-vous pas l’aide à mourir dans le code de la santé publique ?
Le titre Ier, intitulé « Renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades », se contente de décrire les soins palliatifs tels qu’ils sont prévus par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, dont nous déplorons, vingt-cinq ans après son entrée en vigueur, qu’elle ne soit toujours pas correctement appliquée sur tout le territoire : vingt-et-un départements ne disposent toujours pas d’une USP ; 500 personnes meurent chaque jour sans bénéficier de soins palliatifs et sans que leur souffrance soit soulagée.
Le seul apport du projet de loi est la création d’un plan personnalisé d’accompagnement remplaçant le plan personnalisé de soins et introduisant la possibilité de prévoir des procédures de mort provoquée. La loi de 1999 suffit largement pour procéder au développement, attendu depuis vingt-cinq ans, des soins palliatifs.
La réalité est que, dans les territoires, les calculs des agences régionales de santé sont faits de telle sorte que les sommes allouées diminuent au lieu d’augmenter. La carence en soignants oblige à fermer des lits partout en France. Seuls 20 % des généralistes sont formés aux soins palliatifs. Entre 2012 et 2021, la densité du tissu de médecins généralistes a diminué de 8 %. Dans les cinq ans à venir, un quart des médecins de soins palliatifs devraient quitter leurs fonctions.
Madame la ministre, l’absence de planification budgétaire, soulignée par le Conseil d’État, nous inquiète. Comment pouvez-vous vous en remettre aux lois de financement de la sécurité sociale, annuelles et aléatoires, et prétendre mobiliser des moyens pour les soins palliatifs sans en avoir le budget ?
L’étude d’impact de votre projet de loi ne contient aucune information budgétaire sérieuse, ni sur l’engagement des pouvoirs publics en faveur des soins palliatifs, ni sur l’évaluation des gains attendus pour l’assurance maladie, les mutuelles et les régimes des retraites. Ces informations seraient pourtant importantes pour nos débats.
Un autre sujet nous inquiète : pouvez-vous citer des pays où l’exercice de l’euthanasie est ouvert à un proche sans conditions spéciales ? Vous évoquez la clause de conscience des médecins. Qu’en est-il des pharmaciens ? Pourquoi ne pourraient-ils pas la faire jouer ?
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Quarante-six ans après la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort déposée par le sénateur Henri Caillavet, le Gouvernement nous soumet enfin un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Dans les années 1970, Caillavet plaçait l’égalité et la dignité au cœur de ses combats politiques – il est connu pour être l’un des rapporteurs de la loi Veil sur la légalisation de l’interruption volontaire de la grossesse. Le texte dont nous débattons parle d’égalité et de dignité. Il parle surtout, comme la loi Veil, de libre choix selon ses convictions philosophiques ou religieuses.
Avec ce texte, nous avons la possibilité de faire évoluer la législation pour coller au plus près de notre devise Liberté, Égalité, Fraternité. Il ne s’agit pas d’imposer le suicide à tous mais de permettre à chacun de déterminer sa propre fin, au moment où le diagnostic vital est engagé à tel point qu’il s’agit de la dernière des dignités. Il n’est pas de plus grande liberté qu’être maître de soi tout au long de sa vie.
La France insoumise a mis à son programme, depuis 2012, le droit de mourir dans la dignité, y compris avec assistance, et l’accès garanti à des soins palliatifs. Nous considérons que l’aide active à mourir n’est pas contradictoire avec le respect de la vie et s’inscrit dans un projet de soins global. Complémentaire des soins palliatifs, elle constitue une possibilité supplémentaire offerte aux patients, leur permettant d’exercer un choix.
Cette avancée législative, 90 % des Français la souhaitent ; 85 % d’entre eux approuvent le suicide assisté. La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est majoritairement prononcée en faveur du droit à mourir.
Ce texte, s’il propose une avancée, peut soulever des interrogations, voire inquiéter. Pour dissiper ces inquiétudes, nous avons besoin d’une politique de soins palliatifs ambitieuse, à la hauteur des besoins. Or les cinq derniers plans quinquennaux de développement des soins palliatifs ont été insuffisants.
Avec une moyenne de onze lits pour 100 000 habitants, 50 % des besoins ne sont pas couverts. Vingt-et-un départements n’ont pas d’USP. Le plan national soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie 2021-2024 ne comporte aucun objectif quantitatif et investit un budget moyen de 2,50 euros par habitant – contre 12 euros pour l’Autriche, qui a adopté en 2021 une loi relative à l’aide à mourir et aux soins palliatifs.
Le texte prévoit la création de maisons d’accompagnement, mais n’en garantit ni le nombre ni le maillage territorial. Des projections chiffrées seraient souhaitables. Quelle garantie avons-nous que le secteur lucratif ne s’engouffrera pas dans la brèche ? Par ailleurs, à l’heure où le pays connaît une grave crise de la démographie médicale, nous insistons sur la nécessité de garantir une formation et un recrutement suffisants de personnel pour les soins palliatifs.
Le rapport d’information de la mission d’évaluation de la loi Claeys‑Leonetti publié en 2023 rappelle la nécessité d’améliorer la connaissance de la population au sujet des directives anticipées et du rôle de personne de confiance. Le texte manque de clarté à ce sujet, alors même que la France a beaucoup de retard en matière de directives anticipées – seuls 13 % des Français en ont rédigé.
Nous saluons les avancées permises par le texte. Nous attendons des éclaircissements sur certains points. Nous amenderons le texte avec cette devise républicaine de Liberté, Égalité, Fraternité à l’esprit pour conquérir cette liberté ultime.
M. Philippe Juvin (LR). Mes chers collègues, j’aimerais que nous mesurions tous la gravité et la solennité du moment que nous vivons. Le texte que nous allons bientôt examiner à l’Assemblée nationale consiste, pour la première fois dans notre histoire, à donner à l’État la possibilité d’organiser techniquement la mort des citoyens.
J’invite donc chacun, quelles que soient ses convictions, à mesurer le poids de chaque mot et de chaque virgule, parce que nous parlons de vie et de mort. Cette perspective doit nous inviter à la plus grande humilité.
S’agissant de la qualification de l’aide à mourir, vous avez évoqué à raison, madame la ministre, une exigence de clarté. Dès lors, pourquoi les mots « euthanasie » et « suicide assisté » ne figurent-ils nulle part ? Vous dites qu’il ne s’agit pas de suicide assisté car des conditions strictes sont prévues. Heureusement ! C’est le cas dans tous les pays qui l’ont légalisé. Il faut nommer les choses. L’accepteriez-vous ?
S’agissant des soins palliatifs, ils ne sont malheureusement pas garantis, sauf formellement par la loi. Nous craignons que des demandes d’euthanasie ou de suicide assisté résultent d’un défaut d’accès aux soins palliatifs. Certains disent que rien de tel n’est imaginable, mais cela l’est tout à fait, au contraire. Le texte impose au médecin de s’assurer que le malade peut accéder aux soins palliatifs. Si cet accès n’est pas garanti, cette disposition devient-elle un moyen d’exclusion ? Rien n’est prévu dans le texte à ce sujet.
Il y a aussi des conditions sociales à prendre en compte. Je me permets de rappeler que, si on est pauvre, il est difficile de s’offrir un ordinateur à 20 000 euros détectant le clignement des paupières pour en faire des phrases ou un fauteuil roulant électrique à 25 000 euros. Il n’est nullement prévu que l’équipe soignante examine ces questions sociales et en tienne compte.
Par ailleurs, la collégialité a été introduite partout dans la pratique médicale, ce qui est heureux. Mais en l’espèce, le patient pourrait avoir un seul médecin comme interlocuteur : dans votre texte, cela suffirait. Aucune autre forme d’exercice de la médecine ne se contente d’un seul praticien. Nous nous demandons s’il ne faudrait pas, s’agissant de la fin de vie, demander l’avis d’un psychiatre et d’un gériatre, mais aussi celui d’un juge. Il va devenir plus difficile d’obtenir une tutelle ou une curatelle qu’un suicide assisté ! Demander l’avis du juge permettrait d’écarter les possibilités d’abus de faiblesse. S’agissant notamment des majeurs protégés, il ne faut pas éluder la difficulté.
S’agissant de la clause de conscience, nous regrettons que les pharmaciens n’en bénéficient pas. Quant à l’idée qu’il s’agit d’une loi de fraternité, elle nous impose de faire en sorte qu’aucune transaction financière ne soit possible, donc de prévoir les garanties nécessaires pour que le secteur lucratif ne domine pas dans l’application de la loi.
Les Français veulent qu’on les aide à vivre dignement la fin de leur vie. Je souscris à l’idée qu’une aide à mourir est nécessaire. En tant que médecin, j’aide chaque jour des patients à mourir, mais en les accompagnant et en les soignant, non en leur donnant la mort. C’est là ce qui nous sépare, madame la ministre.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est avec beaucoup d’humilité que je m’exprime cet après-midi, en tant que professionnel de santé qui, en quarante ans de vie professionnelle, a cheminé, a été confronté à des situations particulières parfois extrêmes. Depuis les travaux menés par le sénateur Caillavet dans les années 1970, celles et ceux qui ont été en responsabilité, notamment Bernard Kouchner, Claude Évin, Alain Claeys ou Jean Leonetti, ont fait avancer les choses.
Moi qui suis les débats législatifs à l’Assemblée depuis près de vingt ans, j’aimerais revenir sur les soins palliatifs. En 2034, 440 000 personnes seront en droit d’exiger y avoir recours. Nous pouvons tous nous demander, avec beaucoup d’humilité, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. On peut regretter la situation, mais celle-ci s’impose à nous et exige d’agir. Madame la ministre, vous êtes attendue sur l’accès effectif aux soins palliatifs. Les promesses non tenues et les calendriers non respectés doivent faire place aux moyens déployés et aux formations disponibles.
S’agissant des directives anticipées, l’article 4 dispose qu’elles « peuvent notamment être conservées dans le dossier médical partagé ». Il faut aller plus loin que cette rédaction, qui laisse subsister un doute. Il me semble important que les directives anticipées « doivent » figurer dans le dossier médical partagé.
S’agissant de l’équité, qui est d’abord territoriale, vingt-et-un départements, dont celui où je suis élu, n’ont pas d’USP. Comment garantir l’équité territoriale ? La même question se pose s’agissant des maisons d’accompagnement – un beau terme dont je salue l’introduction dans la loi. Serons-nous demain en mesure d’en assurer la création ? N’est‑ce pas dans les départements qui n’ont rien qu’il faut aller plus loin ?
S’agissant de l’aide active à mourir, nous avons tous une pensée pour les personnels soignants et les malades. Il faut être confronté à la situation pour vraiment en prendre la mesure. Parfois, hélas, le patient subit des douleurs réfractaires et l’issue de la maladie est irréversible.
Comment comptez-vous rassurer les médecins quant à l’usage de leur clause de conscience ?
Comment comptez-vous diffuser l’information relative au protocole très strict prévu par la loi en matière d’aide à mourir ? Jamais un protocole aussi strict, avec deux médecins et un membre du personnel soignant intervenant auprès du malade, n’avait été prévu. Nos concitoyens ne savent déjà pas comment les directives anticipées sont enregistrées ; ils ne sauront pas demain comment l’aide active à mourir sera réalisée. Une bonne information évitera d’éventuelles dérives.
Enfin, pour que le Parlement puisse évaluer la loi au mieux, pouvez-vous nous garantir que nous disposerons de tous les éléments d’appréciation, notamment sur les protocoles qui seront institués ? Nous pourrons ainsi nous assurer qu’aucune dérive n’aura été organisée. La loi a précisément pour objet de mettre fin à certaines dérives dont nous savons tous qu’elles existent.
M. François Gernigon (HOR). Ce projet de loi marque une étape importante dans l’évolution de notre législation concernant la fin de vie et l’accompagnement des malades. Il concrétise notre engagement collectif pour que chaque citoyen français puisse vivre ses derniers moments dans la plus grande dignité. Le titre Ier, emblématique de l’ambition du Gouvernement et de la majorité, s’inscrit dans la continuité des textes qui ont déjà renforcé l’accès aux soins palliatifs. Cependant, nous devons admettre que, malgré les progrès réalisés, des lacunes importantes demeurent : une vingtaine de départements sont ainsi dépourvus d’unités de soins palliatifs. Ces disparités territoriales appellent une réponse urgente de notre part.
En réponse à ce défi, madame la ministre, vous avez présenté une stratégie nationale ambitieuse qui vise à établir un modèle d’accompagnement médical et social exemplaire. Elle se traduira par un investissement de plus de 1 milliard d’euros au titre des nouvelles mesures, ce qui représente une augmentation de 66 % des moyens entre 2024 et 2034.
Nous nous félicitons de l’introduction des soins d’accompagnement et de la création des maisons d’accompagnement, qui combleront le vide entre l’hôpital et le domicile, pour ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas y rester. Le titre II traite de l’aide à mourir avec prudence, en cherchant à établir un cadre strict respectueux des libertés fondamentales tout en évitant les écueils rencontrés dans d’autres pays.
Dans le cadre de ce débat, ni mon groupe ni moi-même n’arrivons avec des positions préconçues. Nous sommes ici pour écouter, travailler et garantir que chaque perspective, chaque conviction soit respectée et considérée. La mort est un sujet trop intime et trop complexe pour que nous nous permettions d’avoir des certitudes sur la manière dont elle doit se dérouler. Il revient à chacun de mener sa réflexion personnelle. Cela étant, nous sommes convaincus que la dignité et le respect de la personne humaine exigent que la collectivité joue son rôle dans un esprit de fraternité. Nous considérons que toute personne qui vit ses derniers instants a le droit d’être accompagnée, écoutée et respectée. Je suis certain que nous abordons ces échanges avec le sérieux, la hauteur et le respect qu’ils méritent, ce qui permettra à chacun de voter en toute liberté, selon sa conscience.
À titre personnel, je m’interroge sur la possibilité du recours à l’aide à mourir pour une personne faisant état de souffrances psychologiques liées à l’annonce d’une affection incurable engageant son pronostic vital à l’horizon de quelques mois, alors qu’elle ne subit pas encore de souffrances physiques. Pouvez-vous, madame la ministre, m’éclairer sur ce point ?
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous vivons un moment particulièrement important en ouvrant cette série d’auditions sur un sujet qui exige responsabilité, humilité et respect. Notre groupe est très satisfait de la tenue de ce débat tant attendu par les parlementaires, mais aussi et surtout par beaucoup de Françaises et de Français. Cette première étape doit nous faire cheminer vers une loi qui légalisera le droit à l’euthanasie et au suicide assisté pour chaque malade qui le jugera nécessaire – comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays européens voisins –, ce que le texte ne permet pas en l’état. Nous nous attacherons à ce que la loi soit inclusive, ne laisse personne de côté et garantisse à chacun le droit de choisir une fin de vie libre et digne.
Nous nous interrogeons sur plusieurs dispositions. D’abord, concernant le pronostic vital, le moyen terme est moins aisé à définir que le court terme. Il nous faudra donc travailler sur ce point de l’article 6. D’autres questions portent sur l’absence de renvoi aux directives anticipées en cas de discernement altéré, ou sur le cadre de l’intervention de la personne volontaire, défini de manière particulièrement floue. Enfin, s’agissant de la clause de conscience, l’accès à l’aide à mourir sera compromis dès lors que le professionnel de santé qui ne souhaite pas accompagner un malade n’aura pas à s’assurer de la disponibilité d’un autre professionnel pour cela. Il faut évidemment que ce soit une obligation.
Nous souhaitons éviter toute opposition entre les soins palliatifs et l’aide active à mourir, qui sont à nos yeux complémentaires. Nous sommes évidemment très favorables au développement des soins palliatifs. Il n’est pas acceptable qu’en certains endroits, des malades ne se voient offrir aucune solution. Le texte ne nous semble pas suffisamment ambitieux sur ce sujet, dans la mesure où le manque est criant et où les besoins iront croissant.
Nous serons force de propositions sur ce projet de loi que nous avons à coconstruire pour arriver à une réforme consensuelle, efficace et accessible, ouvrant au malade la voie du libre choix de sa mort, éclairé par des éléments médicaux, lorsqu’il juge la souffrance insupportable. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour faire évoluer votre texte en ce sens et vous pourrez compter sur nous pour atteindre cet objectif, très attendu des Français. Nous espérons que nos débats seront aussi respectueux que l’ont été ceux de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous appelons nous aussi de nos vœux un débat approfondi sur un sujet qui convoque des questions vertigineuses et indissociables des rapports sociaux, et qui impose d’avoir toujours au cœur la préoccupation de la dignité humaine.
Le chef de l’État a affirmé que « les mots ont de l’importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d’ambiguïtés ». Pourtant, à notre sens, le projet de loi entretient une ambiguïté dont nous ne saisissons pas les raisons. Pourquoi ne pas parler d’aide active à mourir, d’assistance au suicide et d’euthanasie ? C’est pourtant ce que propose le projet de loi, comme l’indique d’ailleurs le Conseil d’État.
Le Gouvernement a décidé de promouvoir les soins dits d’accompagnement, réservant un sort incertain aux soins palliatifs. Il emploie ainsi une terminologie englobante alors que les soins palliatifs renvoient à une définition et à une pratique clairement identifiées, même au-delà de nos frontières, et qu’ils demeurent présents dans d’autres dispositions du code de la santé publique. Nous avons grand besoin de faire croître la culture palliative. Le Conseil d’État juge indispensable de ne pas supprimer toute définition des soins palliatifs. Comptez‑vous suivre cette préconisation ?
Le texte évoque les soins d’accompagnement, les maisons d’accompagnement et le plan personnalisé d’accompagnement, mais il n’intègre pas les propositions du professeur Chauvin concernant les instances de gouvernance et de territorialisation de ces soins et leur financement. Il est assez surprenant que l’étude d’impact considère les effets budgétaires de ces dispositions comme une question sans objet.
Le Conseil d’État résume ainsi la difficulté : « des dispositions législatives, voire réglementaires, sont insuffisantes, à elles seules, pour combler le retard constaté, ce d’autant que les dispositions du projet de loi créent une importante obligation de moyens, en particulier humains, à la charge des professions médicales, médico-sociales et sociales ».
Quant au plan décennal, il demeure aujourd’hui un mystère ; son aboutissement paraît quelque peu lointain. Il serait d’autant plus problématique d’entretenir le flou autour des soins palliatifs que nous sommes très loin de répondre aux besoins, et que ceux-ci vont s’accroître. Pour réparer cette injustice, il faut commencer par identifier clairement les besoins.
Instaurer un droit à mourir dans le contexte de la crise hospitalière des soins palliatifs et de la prise en charge de l’autonomie soulève des interrogations. Pouvez-vous nous en dire plus sur les formes de continuité et de rupture que vous avez évoquées ? J’aimerais vous entendre plus précisément sur le changement de paradigme éthique, qui est aussi social et sanitaire. Que représente l’aide active à mourir pour la société en général et, en particulier, pour les personnels soignants mis à contribution ? Quelles difficultés, factuelles et juridiques, identifiez-vous ?
M. Laurent Panifous (LIOT). L’inscription de ce projet de loi à notre ordre du jour constitue une vraie satisfaction. Les travaux de préparation dans le cadre des groupes de travail ont été longs et riches. Nous connaissons aujourd’hui l’aboutissement d’une réflexion difficile mais nécessaire et le début d’une nouvelle phase qui amènera notre assemblée, je l’espère, à adopter une loi fidèle au projet qui nous est soumis. C’est un sujet complexe, où les convictions personnelles, philosophiques et religieuses prennent une part prépondérante, mais aussi une question sociétale à l’égard de laquelle nous avons une responsabilité collective. Les citoyens que nous sommes exprimeront leur conviction intime ; la liberté de vote au sein de notre groupe sera la règle. Toutefois, en notre qualité de législateur, nous devons veiller à ce que nos débats garantissent à chacun une fin de vie digne et apaisée.
Aujourd’hui, en dépit d’une évolution positive de la législation, nous continuons à mal mourir en France – pas toujours, pas partout, mais encore trop souvent, notamment dans des situations très spécifiques pour lesquelles notre droit ne fournit pas de solution satisfaisante. Les insuffisances de notre système de soins palliatifs sont connues : une personne sur deux demandant à en bénéficier n’y a pas accès. Les efforts visant à accorder un accès à ces soins à tous et partout ne se réduisent pas à ce projet de loi, que la stratégie décennale dépasse et complète. Nous pourrions probablement aller plus loin sur le financement de la formation des professionnels de santé et de la prise en charge extrahospitalière. Pourquoi ne pas créer une filière palliative universitaire enfin valorisée ?
Que ce soit par ce texte, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou par la voie réglementaire, nous devrons créer les conditions d’un développement effectif des soins palliatifs en France. Il faut développer l’information, concernant particulièrement les directives anticipées et la personne de confiance, et expliciter le rôle et le fonctionnement des maisons d’accompagnement. La réussite, en la matière, dépendra des moyens humains et financiers alloués.
L’aide à mourir ne doit évidemment pas être pensée comme une solution à l’insuffisance des soins palliatifs. Elle est une voie possible lorsque notre vie qui se termine devient insupportable en raison de souffrances que l’on ne sait pas soulager. Il s’agit d’assurer la reconnaissance de la liberté de choisir ce que l’on considère comme une fin de vie digne et d’être accompagné.
Si notre cadre juridique répond à la grande majorité des situations de fin de vie, il est des cas, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, qui appellent une autre réponse. La loi ne permettra jamais de faire face à toutes les situations mais elle doit établir un socle de droits permettant une fin de vie apaisée dans le respect de la personne et dans le cadre d’un dialogue avec l’équipe médicale et les proches. Le droit que nous ouvrirons ne s’appliquera qu’à de très rares cas, mais cette évolution marquera un changement de paradigme, comme la loi Claeys-Leonetti l’a été en son temps. Au sein de notre groupe, chacun se prononcera en conscience. Je suis, pour ma part, favorable à cette évolution. J’espère que le temps de débat qui s’ouvre permettra de répondre aux questions de chacun d’entre nous, quelles que soient ses convictions.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les Écologistes saluent le dépôt de ce projet de loi si longtemps attendu. Nous nous félicitons du fait qu’il s’appuie sur les propositions de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui a considéré que le cadre légal actuel était insuffisant et qui s’est prononcée à 75 % en faveur de l’aide active à mourir. Les Français et les Françaises veulent que la société évolue. Nous avons un train de retard sur l’accessibilité aux soins palliatifs, et deux trains de retard sur l’aide active à mourir. Le développement des soins palliatifs ne s’oppose d’ailleurs pas à l’aide active à mourir, comme l’illustre le plan de développement des soins palliatifs que vous venez d’annoncer, qui permettra de franchir un cap en la matière.
Le groupe Écologiste soutiendra ce texte et proposera des amendements. Toutefois, au préalable, nous voudrions vous faire part de quelques interrogations.
L’ensemble des rapports soulignent la faiblesse de l’accessibilité et de la traçabilité des directives anticipées. Quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre l’utilisation systématique du dossier médical partagé, prévue à l’article 4, étant rappelé que ce dispositif, actuellement, ne fonctionne pas ?
À l’heure actuelle, des pathologies telles que la maladie de Charcot ne sont pas prises en compte, qui n’engagent pas le pronostic vital à court ou à moyen terme mais qui sont pourtant à l’origine de souffrances sévères. La HAS ne pourrait-elle pas être un recours intéressant pour ces malades, qui relèveraient alors d’un régime d’exception ?
Les dispositions relatives à la clause de conscience restent, elles aussi, encore floues. Les personnels soignants souhaitant faire usage de cette clause seront-ils incités à le déclarer ou contraints de le faire ? Comment s’assurer qu’un médecin de famille n’y recourra pas, sans le déclarer, en s’abstenant simplement de transmettre la demande d’aide active du malade ?
Le plan pluriannuel de soins palliatifs est intéressant mais demeure en deçà des besoins. Quelque 50 % des personnes nécessitant de tels soins n’y ont pas accès, et la population concernée augmentera sous l’effet du vieillissement. Vous annoncez une progression de 66 % des financements pour une hausse de 16 % des besoins, mais il faudrait sans doute aller plus loin et, surtout, agir de manière progressive au fur et à mesure du vieillissement de la population.
Enfin, le projet de loi crée des maisons d’accompagnement, ce qui constitue une grande avancée, mais quels seront le statut et la répartition de ces établissements, et à quel rythme seront-ils déployés ? Ces maisons seront-elles forcément publiques ou souhaitez-vous les ouvrir au privé et, le cas échéant, au privé lucratif ?
Sur tous ces sujets, nous proposerons évidemment des amendements. Nous soutiendrons avec force l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs et le développement de ce nouveau droit qu’est l’accès à l’aide active à mourir.
Mme la ministre. Commençons par ce qui concerne les soins palliatifs, qui font l’objet de la première partie du texte. À ce jour, on compte 166 unités de soins palliatifs, mais vingt départements qui n’en disposent pas. La priorité consiste à installer des unités, d’ici à 2025, dans tous les départements. Nous souhaitons de même créer une maison d’accompagnement dans chacun d’entre eux. Pour ce faire, des appels à projets seront lancés, qui pourront donner lieu à des réponses du public comme du privé. Nous avons prévu que l’État s’engagerait sur les crédits de fonctionnement, ce qui constitue une nouveauté. Nous avons en effet tiré les leçons de l’arrêt de l’expérimentation menée par le professeur Aubry, en Bourgogne-Franche-Comté, dû à des difficultés liées aux crédits de fonctionnement. Nous pourrons ainsi travailler sereinement avec les associations et les collectivités.
Le Ségur de la santé a proposé une première réponse aux difficultés de recrutement, notamment par l’augmentation des salaires. La situation commence à s’améliorer, même si je suis très consciente que le processus sera long et difficile. L’unité d’Houdan par exemple a été contrainte de fermer par manque de personnel, mais nous travaillons à trouver des soignants et la structure devrait rouvrir ses portes en mai. Les services de soins palliatifs seront d’autant plus attractifs que l’on sera capable d’élaborer une stratégie dédiée marquant notre engagement dans la durée.
S’agissant du calendrier, nous avons choisi d’engager des crédits dès l’exercice 2024. On voit bien la nécessité de s’équiper, puisqu’une personne sur deux qui pourrait recevoir des soins palliatifs n’en bénéficie pas. Il faut rattraper notre retard, d’où cette hausse de 66 % des crédits face un nombre de patients qui va croître, comme l’a relevé la Cour des comptes, de 16 % en l’espace de dix ans. Cet engagement année par année assoit la crédibilité du plan. Cette priorité figure d’ores et déjà dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
L’article 1er maintient bien la définition des soins palliatifs, en tant que composante des soins d’accompagnement. Un référentiel international définit les soins palliatifs comme des soins actifs, continus, visant à soulager des douleurs physiques et des souffrances psychiques. Les soins d’accompagnement, qui sont recommandés par le rapport Chauvin, vont plus loin car ils s’ajoutent aux soins palliatifs.
Nous visons la création de quatre‑vingts à cent maisons d’accompagnement en dix ans. Elles constituent une solution intermédiaire permettant l’accueil dans des unités de petite taille, peu médicalisées, de personnes en fin de vie ne relevant pas d’une prise en charge intensive. Elles mettent l’accent sur le bien-être physique, psychique, relationnel du patient et de ses proches. L’équipe sera composée de professionnels : infirmières diplômées d’État, accompagnants éducatifs et sociaux, aides-soignants. Pour une approche dès 2025, nous lançons les appels à projets dès 2024. Il conviendra d’analyser les résultats des expérimentations pour équiper chaque département. Les maisons d’accompagnement seront financées par l’Ondam spécifique sur la base des appels à projets.
Il n’y a pas d’opposition mais, au contraire, une complémentarité entre les soins palliatifs et l’aide à mourir. Cette dernière ne réduira absolument pas l’usage des soins palliatifs. L’article 7 dispose très clairement que le médecin commencera par proposer ce type de soins à une personne qui demandera une aide à mourir. Si le malade ne se trouve pas déjà dans un service de soins palliatifs, on lui proposera d’y accéder. Il est donc nécessaire d’augmenter le nombre de places qui y sont consacrées.
Seuls 13 % des plus de 50 ans ont écrit leurs directives anticipées. Nous allons informer le grand public, chaque année, sur l’importance des soins palliatifs. Les directives seront inscrites dans le dossier médical du patient. Nous allons informer les publics jeunes pour les inciter à réfléchir à cette question, qui est indépendante de l’âge, et allons renforcer la formation des professionnels de santé.
Les directives anticipées sont opposables sauf, à titre temporaire, lorsque des mesures conservatoires doivent être appliquées, ou lorsqu’elles sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Le cadre juridique actuel ne semble pas poser de difficulté majeure, hormis dans des cas particuliers tels que les motifs religieux d’opposition à des soins courants, comme les expriment, par exemple, les Témoins de Jéhovah. Le projet de loi n’apporte pas de modifications de fond à la notion de directives anticipées mais vise à améliorer leur diffusion.
Nous n’avons pas utilisé les termes de suicide ni d’euthanasie car le projet de loi fixe un certain nombre de conditions. En particulier, le malade doit recevoir une autorisation pour accéder à l’aide à mourir. Par ailleurs, tous les pays n’emploient pas le terme d’euthanasie, qui n’est pas un référentiel international.
S’agissant de la collégialité, la loi prévoit bien noir sur blanc que le médecin doit prendre l’avis d’un autre médecin et d’un personnel paramédical. En revanche, c’est le médecin chargé de l’examen qui rend ensuite son avis et en assume la responsabilité. La procédure est donc bien collégiale et comprend une traçabilité de l’examen et de l’avis.
S’agissant de la question de la souffrance psychologique, dans son avis 139, le CCNE a considéré que, « si le législateur décide de légiférer sur l’aide active à mourir, la possibilité d’un accès légal [...] devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires ». Dans le point 24 de son avis, le Conseil d’État, pour sa part, a estimé que, s’agissant de la condition tenant aux souffrances physiques ou psychologiques, les dispositions du projet de loi « caractérisent, avec suffisamment de clarté et de précision, la situation dans laquelle une personne peut demander l’aide à mourir ». Enfin, dans son avis du 27 juin 2023, l’Académie de médecine a considéré qu’il « est inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d’abréger les souffrances qu’elles subissent du fait d’une maladie grave et incurable ».
J’ai saisi la HAS pour lui demander de repréciser la notion de pronostic vital engagé à moyen terme.
L’aide à mourir n’est pas un soin, même si elle repose sur une appréciation médicale et fait intervenir des professionnels de santé. Il pourrait être envisagé de codifier les dispositions la concernant, comme l’a suggéré le Conseil d’État.
Si le professionnel de santé entend faire valoir sa clause de conscience et, en conséquence, ne souhaite pas participer à la procédure de l’aide à mourir, il doit en informer la personne malade et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles de le remplacer. Pour faciliter cette orientation, les professionnels de santé volontaires pourront inscrire leurs coordonnées dans un registre tenu par la commission de contrôle et d’évaluation, comme le prévoit l’article 17. Ce registre sera accessible uniquement aux médecins.
Au sujet des personnes volontaires pour l’accompagnement, nous savons que, dans les pays qui ont légiféré sur le suicide assisté, des tiers sont aux côtés du patient. Sans ouvrir aux associations la possibilité de jouer ce rôle, il nous a semblé souhaitable que le tiers volontaire soit identifié, afin qu’il puisse être protégé.
J’en viens à l’administration du produit. La règle sera que ce produit, prescrit par un médecin, soit administré par voie orale ; en cas d’impossibilité, il pourra être injecté par un médecin ou un infirmier. Ce choix ne reviendra pas au patient.
Nous n’avons pas souhaité établir une clause de conscience pour le pharmacien, qui intervient plus loin dans la prise en charge. Le produit est mis à disposition par la pharmacie à usage intérieur, qui se charge de son acheminement vers la pharmacie d’officine du lieu où se trouve le patient. Le professionnel de santé récupère le produit et l’achemine jusqu’au patient pour exécuter l’ordonnance.
S’agissant du remboursement à 100 % par l’assurance maladie et de l’interdiction des dépassements d’honoraires, il n’est bien entendu pas question que l’aide à mourir soit une activité lucrative. Mais, puisqu’il a été question d’égalité d’accès, il faut rappeler qu’il y a une véritable inégalité aujourd’hui puisque tout le monde n’a pas les moyens de faire le choix de partir vers la Suisse ou la Belgique.
Enfin, s’agissant de la traçabilité du volontariat, la commission de suivi et de contrôle devra gérer un registre des professionnels qui lui auront fait part de leur souhait de participer. Il faut insister sur cette notion de traçabilité, qui est une innovation du projet de loi.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Joël Giraud (RE). Vous avez indiqué que le projet de loi poursuit l’objectif que de moins en moins de personnes, voire aucune, ne soient contraintes d’aller à l’étranger pour y rechercher une aide à mourir, dans les conditions dramatiques qui sont celles de ce genre de situation. La moitié des personnes qui se rendent en Belgique, par exemple, afin d’y chercher une aide active à mourir sont atteintes de SLA : votre texte répond bien à ce cas de figure. Mais l’autre moitié sont des victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ayant provoqué une tétraplégie et une impossibilité de se nourrir sans assistance : votre texte ne couvre pas ces situations-là, alors que la souffrance psychologique est bien présente. Une évolution serait-elle envisageable ?
Par ailleurs, si un malade perd conscience après avoir réitéré sa demande d’aide active à mourir, il est prévu que cette dernière ne soit pas mise en œuvre. Dès lors que la volonté du patient avait été clairement exprimée, ne pourrait-on envisager un recours permettant à la démarche d’aboutir, à l’image du recours prévu en cas de refus par un médecin de l’aide active à mourir ?
Mme Monique Iborra (RE). Cette loi sociétale est attendue depuis de longues années. Il ne s’agit pas seulement de la prise en charge de maladies, mais également du respect du choix du malade et de sa liberté, dans une société se voulant avancée et démocratique.
Le médecin a l’obligation de proposer au patient de bénéficier de soins palliatifs. Dans le cas où ce dernier refuserait, cela pourrait-il justifier, de la part du médecin, un avis défavorable à la demande d’aide à mourir ? Le projet de loi ne le précise pas, et il me semble important de considérer ici la liberté de choix du malade.
M. Julien Odoul (RN). Vous avez beaucoup parlé de recherche d’équilibre, d’humilité, d’écoute et de respect. Les modalités d’organisation de notre discussion ne favorisent pas ces belles intentions. Il est anormal qu’un débat si important, auquel chaque Français est sensible, soit bâclé en quelques semaines. Il est anormal et indécent que ce débat grave, qui touche à la vie et à la mort, soit instrumentalisé, de manière politicienne, par le chef de l’État. Il est anormal que le calendrier choisi pour l’examen de ce texte en fasse une opération de diversion en période de campagne électorale. C’est une provocation, et une marque de mépris pour les Français qui souffrent et qui attendent un vrai débat – débat que vous avez échoué à conduire depuis sept ans puisque le renforcement des soins palliatifs en est une dimension essentielle. Vous avez échoué à remplir ce besoin d’égalité, comme vous avez échoué à mener de façon apaisée ce débat de société essentiel.
M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). C’est à juste titre que vous avez affirmé qu’il nous faudra travailler avec humilité, écoute et respect, mais le calendrier au pas de charge de l’examen de ce texte, qui devra être discuté en séance pendant les deux dernières semaines de la campagne pour les élections européennes, contredit ces intentions. Le respect, dans un débat si exigeant, relevant à la fois de l’intime et de l’universel, ne devrait-il pas être d’abord le respect de l’Assemblée par le Gouvernement ? Les citoyennes et les citoyens méritent que le Gouvernement n’empile pas de la sorte les nécessaires débats qui entourent les élections européennes et ceux qui portent sur cette question philosophique de la fin de vie, qui transcende les clivages politiques. M. le rapporteur général Falorni a parlé, à juste titre, d’exigence républicaine : une telle exigence ne peut s’accommoder de ces basses manœuvres politiciennes, par lesquelles le Gouvernement et le pouvoir macroniste essayent de tirer les marrons du feu. Que pensez-vous d’un tel calendrier ?
M. Thibault Bazin (LR). Ce serait en effet l’honneur de notre pays que de mieux accompagner les malades en fin de vie, mais je doute que ce projet de loi y contribue. Comment expliquez-vous que, dans des départements pourtant dotés d’unités de soins palliatifs, des lits soient fermés et que les besoins ne puissent pas être satisfaits ? L’unité de soins palliatifs de Nancy a ainsi un tiers de ses lits fermés. Sous quels délais vous engagez‑vous à y remédier, et dans quelle mesure êtes-vous prête à modifier les modes de financement correspondants ?
Alors que vingt départements n’ont aucune unité, ce projet de loi ne prévoit aucun moyen financier ou humain. Faute d’une loi de programmation, et en l’absence de traduction concrète dans les lois de financement de la sécurité sociale, la stratégie que vous avez annoncée pour les dix prochaines années ne vous engage pas. Vous avez pourtant évoqué une voie éthique, supposant un déploiement préalable de l’offre de soins palliatifs, afin d’éviter toute dérive. Vous engagez-vous donc à garantir l’accès aux soins palliatifs sur tout le territoire et pour tous, avant que donner droit à la demande de mort ? Dans quelle mesure seriez‑vous favorable à un droit opposable aux soins palliatifs, pour tous les patients qui se les seraient vus prescrire par l’équipe médicale ? C’est alors que nous pourrons véritablement parler d’un meilleur accompagnement des personnes en fin de vie en France.
Mme la ministre. Une personne victime d’AVC, pour répondre à M. Giraud, peut présenter un trouble neurologique altérant son discernement, et ne voit généralement pas son pronostic vital engagé : elle ne tombe donc pas dans le champ d’application du texte. Pour ce qui est de la perte de conscience survenant après la demande réitérée d’aide active à mourir, elle arrête effectivement le processus, puisque la personne doit être en mesure de confirmer son choix au moment de l’administration du produit.
Madame Iborra, le médecin est dans l’obligation de proposer des soins palliatifs, il ne les impose pas. Le refus de la part du malade ne constitue aucunement une raison pour lui refuser l’accès à l’aide à mourir.
Je ferai la même réponse à MM. Odoul et Fernandes : l’agenda de l’examen du texte a été fixé par la Conférence des présidents de l’Assemblée. Deux semaines d’examen sont ouvertes en séance publique, et ce n’est que le début de son parcours législatif, avant une lecture par le Sénat puis une deuxième lecture par les deux chambres. Ce n’est pas moi qui fixe l’ordre du jour, mais je vois mal ce parcours se terminer avant l’année 2025. On ne peut donc pas parler d’un texte bâclé en quelques semaines.
Je prends acte de la question des lits fermés dans l’unité de soins palliatifs de Nancy. Reste que 80 millions d’euros sont prévus dans le budget de 2024 pour les soins palliatifs. Vous aurez noté qu’une augmentation très importante, de 6 %, figure dans la tarification des actes sortie fin mars, autrement dit dans la déclinaison de la loi de financement de la sécurité sociale. Cela illustre bien notre volonté de mettre des moyens à la disposition des soins palliatifs, dès cette année et pour celles à venir.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je me félicite que cette discussion se tienne et je déplore les propos peu constructifs et peu convaincants des orateurs du Rassemblement National et de La France insoumise. Vous avez évoqué, madame la ministre, la trajectoire de la stratégie décennale d’accompagnement : pourriez-vous revenir sur le montant de la dépense publique actuellement consacrée aux soins palliatifs, que ce soit à l’hôpital, à domicile ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ?
M. Christophe Bentz (RN). Votre projet de loi est sinistre, glauque, dangereux. Il est pétri de cynisme. Ce texte est mensonger parce que vous n’osez pas appeler les choses par leur nom – les réponses que vous avez apportées à ce sujet ne m’ont pas du tout convaincu. Une injection létale à un corps vivant, cela s’appelle ou bien une euthanasie, ou bien un suicide, termes que vous n’utilisez pas. Avez-vous poussé le cynisme jusqu’à calculer les économies que vous pourriez réaliser en favorisant cette démarche plutôt que les traitements et les soins palliatifs ? Si oui, vos services ont-ils rédigé un document quelconque, et pourrions-nous en prendre connaissance ?
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Comme tous mes collègues de La France insoumise et beaucoup d’autres députés dans cette salle, je me suis engagé en politique parce que je suis convaincu de la nécessité d’assurer la dignité et l’égalité des êtres humains. Le corollaire de ce principe est l’idée de souveraineté, collective – que nous incarnons ici en faisant la loi – et individuelle – qui se traduit par le principe de disposer librement de son propre corps. Je me félicite donc de l’examen de ce texte, qui répond à une attente majoritaire dans le pays et qui associe soins palliatifs et droit à mourir. C’est une association essentielle, car c’est le développement des soins palliatifs qui donne sa substance à cette nouvelle liberté que nous nous apprêtons à reconnaître, et qui est la condition d’un choix libre et éclairé de l’individu sur la fin de sa vie.
Je voudrais vous poser quelques questions sur votre stratégie opérationnelle. Sur le calendrier budgétaire, tout d’abord : si l’on examine l’évolution des dépenses publiques prévues pour les soins palliatifs, on constate une évolution d’abord favorable, puis en trou vers 2030, avant une remontée. Quelle en est l’explication ?
Vous évoquez l’importance d’ouvrir jusqu’à 250 000 places en soins palliatifs, avec un coût à la place allant de 45 000 euros, en Ehpad, à 294 000, en USP. Mais je ne vois pas comment il sera possible d’ouvrir ce nombre de places avec la somme de 1 milliard d’euros qui a été annoncée : soit les coûts indiqués ne sont pas corrects, soit la somme n’est pas suffisante. Pourriez-vous nous donner des informations sur ce point ?
Mme Annie Genevard (LR). Vous avez commencé votre intervention en disant que ce projet de loi traite avant tout d’une question médicale. Mais l’avis du Conseil d’État indique qu’il « met en cause ce principe aussi ancien que fondamental qu’est l’interdit de tuer (article 221 du code pénal) qui est, comme le note l’Académie nationale de médecine dans son avis n° 23-17, “au fondement des soins palliatifs dont la finalité est d’alléger les souffrances et ne pas abandonner les patients qui les endurent, afin que leur fin de vie se déroule de manière digne et apaisée” ». Comme beaucoup des intervenants, je souhaite un débat apaisé, mais je souhaite plus encore un débat qui nous permette de prendre la mesure de cette question vertigineuse. Est-ce donc véritablement une question d’ordre médical que ce projet de loi soulève en priorité ?
Par ailleurs, la loi Claeys-Leonetti, qui propose aussi une aide à mourir, est encore trop méconnue : en fera-t-on la promotion qu’elle mérite ?
Mme Anne Bergantz (Dem). À l’issue d’un délai de trois mois après la notification au patient de l’autorisation de l’aide à mourir, si le produit létal n’a pas été administré ou s’il est refusé au jour prévu, il est prévu que l’autorisation se voie prescrite. Pourriez-vous revenir sur ces différents cas de figure ? La procédure, telle qu’elle est décrite à l’article 8, devra‑t‑elle être reprise avec un réexamen complet, ou seulement avec une consultation vérifiant le caractère libre et éclairé de la volonté renouvelée du patient ? Pourriez-vous préciser ce qui a motivé ce choix d’un délai de prescription de trois mois ?
Mme la ministre. Le financement des soins palliatifs, madame Pouzyreff, s’élève actuellement à 1,6 milliard d’euros par an.
Je ne sais pas ce qui est le plus « glauque », monsieur Bentz : de laisser des personnes souffrir sans les écouter, ou de chercher des solutions ? Je renvoie à la conscience et à la réflexion de chacun.
Monsieur Clouet, ce n’est pas une baisse des moyens, mais une concentration des moyens en début de stratégie qui explique l’évolution de la courbe vers 2030.
Si j’ai parlé d’une question médicale, madame Genevard, c’est pour souligner qu’il ne s’agit pas d’une question d’âge. C’est un état pathologique qui conduit à pouvoir considérer l’aide à mourir, et non le fait d’avoir 25, 55 ou 75 ans. Quant à la loi Claeys-Leonetti, rien n’empêche évidemment qu’elle fasse l’objet de plus d’information. Chacun sait cependant que la sédation profonde et continue qu’elle permet se termine par le décès du patient. En outre, nous n’avions à l’époque pas demandé la traçabilité de la procédure, contrairement à ce que nous faisons maintenant.
Enfin, madame Bergantz, si rien n’a été fait pendant le délai de trois mois et que le patient de demande rien, il ne se passe rien. En revanche, s’il souhaite bénéficier de l’aide à mourir, il faut qu’il réaffirme sa volonté et qu’un nouvel examen médical permette de s’assurer qu’il dispose toujours des capacités de discernement nécessaires.
Mme Cécile Rilhac (RE). Nous parlons d’une fin de vie digne, mais il serait important que nous ayons tous la même définition de ce mot. La dignité pourrait aussi se jouer dans le fait de confier à une personne de confiance, avant qu’il ne soit trop tard, le droit de déclencher l’aide à mourir dans le cas où l’on risquerait de ne plus pouvoir le faire soi‑même, à cause d’une perte de conscience, voire de discernement et d’autonomie – ce que certains d’entre nous estiment être leur dignité. Je reviens donc, après M. Giraud, sur les maladies dégénératives qui provoquent, non pas une perte de conscience, mais bien une perte de discernement et d’autonomie et donc de dignité. Pour ces cas, est-il possible de faire évoluer le texte de manière à ce que, dès lors que la demande d’aide à mourir a été formulée de manière claire, précise et continue mais sans pouvoir être réitérée du fait, justement, de cette perte d’autonomie et de discernement, la personne de confiance puisse demander au médecin de pratiquer ce qui serait, alors, une euthanasie ?
M. Gilles Le Gendre (RE). Toutes les conditions de sécurité sont-elles réunies pour les cas où c’est un proche qui administre la substance létale ? Selon le texte en effet, le soignant doit se trouver à proximité, mais n’est pas nécessairement présent. Et n’est-ce pas faire porter à ce proche une charge psychologique excessive, et durable ?
Lorsqu’un patient a transmis ses volontés par des directives anticipées, si elles lui ont été refusées et qu’il n’est plus en état d’introduire un recours, qu’advient-il de sa demande ? Ce pouvoir de recours ne pourrait-il pas être délégué ?
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de soins palliatifs accessibles à tous, dans un service spécialisé ou à domicile, mais il faudra peut-être une dizaine d’années pour y parvenir. Le texte propose des maisons d’accompagnement : s’agit-il d’unités médicalisées, et quels seront les critères d’admission ? Dans un contexte de pénurie de professionnels de santé et médico-sociaux, pourquoi envisager l’ouverture de nouvelles structures plutôt que de renforcer celles qui existent déjà ?
Au sujet de l’aide à mourir, le texte prévoit que les professionnels s’occupant du patient échangent avec lui après qu’il a pris sa décision. Mais pourquoi ne pas prévoir une décision collégiale, avec au moins trois personnes œuvrant autour du patient, afin que le poids de la responsabilité ne pèse pas sur une seule ? Il faudrait également définir les notions de court et de moyen terme, qui sont encore assez floues. Je me pose enfin la question du délai de trois mois pour mettre en œuvre l’aide à mourir : il paraît trop court, même pour un patient en phase terminale, qui peut résister à l’approche de la mort.
M. Thomas Ménagé (RN). J’ai la chance d’être membre d’un groupe dont les membres ont une liberté de vote. Nous considérons que, sur un sujet sociétal tel que celui-ci, c’est à la société qu’il revient de trancher, par référendum, et je regrette que le pouvoir macroniste semble avoir oublié cet outil.
Je ne suis pas fermé à une évolution de la législation afin de prendre en compte des cas qui ne seraient pas couverts par la loi Claeys-Leonetti, mais j’ai du mal à accepter que nous voulions légiférer alors même que le droit en vigueur ne s’applique pas pour 180 000 personnes chaque année. La question de M. Juvin n’a pas reçu de réponse, et le droit au suicide assisté sera sans doute effectif bien avant que l’offre de soins palliatifs ne soit pleinement déployée dans l’ensemble des départements. Ne serait-il pas judicieux, donc, de subordonner l’applicabilité de la seconde partie du texte à l’effectivité de la première, ou de prévoir une clause de revoyure ?
Je m’interroge également sur le délai de quarante-huit heures. Comment a-t-on décidé de cette durée, quand on sait que le délai de rétractation est de quatorze jours pour l’achat d’une voiture ou un prêt à la consommation, ou de dix jours pour une promesse de vente ou un prêt immobilier ?
Enfin, on peut être ébranlé en entendant Theo Boer, qui a pourtant contribué à instaurer le droit au suicide assisté aux Pays-Bas, parler d’évolutions inquiétantes, s’agissant notamment des mineurs et des autistes : avez-vous prévu des garde-fous ?
M. Jocelyn Dessigny (RN). Ce texte marquera notre législature et ne peut donc être l’occasion de faire de la communication ou de l’électoralisme. Vous n’avez pas répondu à la question de Julien Odoul : pourquoi le faire passer en séance quelques jours avant le scrutin pour les élections européennes ? Vous n’avez pas non plus répondu à la question de Christophe Bentz sur les implications financières de la pratique de l’euthanasie face aux soins palliatifs. Nous avons besoin que vous répondiez à nos questions : c’est pour cela que vous êtes face à l’Assemblée nationale.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Je me félicite du choix du terme d’« aide à mourir », car il recouvre de nombreux accompagnements, quels qu’ils soient. Je vous remercie pour ce texte qui, à mon sens, touche à la liberté ultime de disposer de son corps. Je reviens toutefois à mon tour sur les maladies neurodégénératives : dès lors qu’une telle maladie est diagnostiquée, ne faudrait-il pas une procédure spécifique pour assurer que la décision libre et éclairée soit pérenne, puisque le patient ne sera plus, à un certain moment, en mesure de la réitérer ?
M. Patrick Hetzel (LR). Vous avez évoqué le triptyque législatif sur lequel repose actuellement la fin de vie : la loi Kouchner, la loi Leonetti et la loi Claeys-Leonetti. Mais de manière générale, on considère qu’on légifère dès lors que les lois précédentes sont appliquées : considérez-vous donc que la loi Claeys-Leonetti l’est pleinement, ou que la situation des soins palliatifs est satisfaisante ? Vous savez que non. Vous arguez qu’une nouvelle législation est nécessaire pour répondre à une demande sociale, mais cela pose une question vertigineuse : lorsqu’une telle demande consiste à pouvoir donner la mort, le Gouvernement et le législateur doivent-ils y répondre ? Ce droit individuel que certains revendiquent va en effet nous engager collectivement. La fraternité, est-ce simplement de dire à ceux qui veulent la mort qu’on va leur donner, ou bien est-ce de lutter, avec force et fermeté, pour dire que cette vie-là mérite d’être vécue et que nous avons autre chose que la mort à proposer ?
Mme Christine Pires Beaune (SOC). L’équilibre de ce texte a souvent été mentionné : je suppose que c’est en référence à ses deux parties, l’une sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide à mourir. Comme le rapporteur général, je n’oppose jamais les deux. C’est une très bonne chose que d’augmenter les crédits pour les soins palliatifs, au vu de l’insuffisance des places, mais le compte n’y est pas du tout sur le volet de l’aide à mourir. Dans une société humaine civilisée, la volonté du malade en fin de vie devrait l’emporter sur toute autre considération, médicale, idéologique ou religieuse. Contrairement à vous, c’est bien un nouveau droit que je réclame, à l’image d’une majorité de Françaises et de Français, car cette liberté personnelle encadrée n’entraverait en rien la liberté de tous les autres. Le projet de loi tel que vous le proposez n’aurait ainsi rien changé pour l’écrivaine Anne Bert, atteinte de la maladie de Charcot et partie mourir en Suisse en 2017. Nombreux sont ceux qui, comme elle, s’ils disposent des moyens nécessaires, continueront à s’exiler pour mourir dignement. Ce n’est pas ainsi que je conçois une république laïque et égalitaire. Il faut aller plus loin : y êtes-vous prête ?
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Ma question ne relève pas de considérations religieuses ou conservatrices mais bien de considérations politiques sur la notion de choix, le choix de mourir en particulier. Il convient de s’interroger sur les conditions matérielles d’expression de ce choix dans une société encore éminemment validiste. Le débat sur le droit à mourir dignement ne peut se faire sans débat sur le droit à vivre dignement. Pour les personnes en situation de handicap, ce droit est entravé au quotidien. Il l’est davantage quand le système de santé, l’hôpital public et les Ehpad souffrent de difficultés structurelles et financières permanentes. Si l’aide active à mourir doit garantir le choix de ne pas subir une mort douloureuse et une longue agonie, quels garde‑fous envisagez‑vous pour assurer que ce ne soit pas une société incapable d’inclure pleinement les personnes en situation de handicap qui éclaire ce choix ?
Pourriez-vous également préciser si les personnes atteintes de la maladie de Charcot, déjà exclues des dispositifs de la loi Claeys-Leonetti, pourront prétendre à l’aide active à mourir et, si oui, selon quelles modalités ?
Mme la ministre. Madame Rilhac, chacun peut avoir sa définition de la dignité. Mais ce texte repose très concrètement et exclusivement sur la décision du patient. Il est donc nécessaire que ce dernier dispose, jusqu’au terme de la procédure, de tout son discernement, sans substitution possible.
Pour ce qui est de la sécurité en cas d’intervention du proche, monsieur Le Gendre, le texte prévoit qu’un professionnel de santé soit à proximité immédiate, aussi bien en milieu hospitalier qu’à domicile. Je partage par ailleurs vos interrogations concernant l’accompagnement psychologique de ce proche qui serait conduit à administrer le produit létal.
Nous avons effectivement un important travail à mener, comme le soulignait Mme Dubré-Chirat, pour équiper le pays en structures de soins palliatifs. Notre volonté est que chaque département le soit. Quant à la décision d’autoriser l’aide à mourir, elle est bien collégiale, puisque le médecin ne rend son avis qu’après avoir interrogé un autre médecin et un personnel médico-social. Par ailleurs, la HAS a défini assez précisément la notion de court terme, et je l’ai interrogée à nouveau sur celle de moyen terme. Enfin, j’ai déjà répondu tout à l’heure à l’interrogation sur le délai de trois mois : si la personne n’a pas souhaité avoir recours à l’aide à mourir à son expiration, on vérifiera à nouveau qu’elle dispose encore de tout son discernement au moment où elle renouvelle sa volonté d’en bénéficier.
En réponse à la proposition de M. Ménagé de reporter l’entrée en vigueur de l’aide à mourir tant que l’offre de soins palliatifs n’est pas suffisante, je voudrais faire remarquer que quelqu’un qui, aujourd’hui, demande l’application des dispositifs prévus par la loi Claeys-Leonetti n’a pas forcément non plus accès aux soins palliatifs.
S’agissant du délai de quarante-huit heures minimum, je rappelle qu’il s’agit d’une personne qui souffre beaucoup et qui a demandé à bénéficier d’une aide à mourir. Une fois avisée, après l’expertise médicale, qu’elle y est éligible, elle dispose d’un délai de réflexion avant de réitérer sa demande. La question lui sera de nouveau posée lors de la réunion d’accompagnement sur les modalités de l’aide à mourir, et au moment de l’administration de la substance létale, pour être certain qu’elle souhaite toujours la recevoir. Par ailleurs, les personnes mineures et autistes sont exclues du dispositif en l’état.
Monsieur Dessigny, j’ai essayé de répondre à la totalité des questions, je ne cherche à échapper à aucune. Premièrement, l’ordre du jour a été déterminé avec le bureau de votre assemblée. Deuxièmement, il n’y a pas d’étude sur le financement des soins palliatifs. Troisièmement, l’examen du texte en séance publique est programmé à partir du 27 mai pour deux semaines. Ce n’est pas au Gouvernement de déterminer quand aura lieu le vote et s’il sera solennel ; rien n’indique qu’un tel vote sera organisé avant les élections européennes. Je suis dans l’incapacité d’en dire plus, n’étant pas chargée d’établir le calendrier de votre assemblée.
Monsieur Pilato, la décision libre et éclairée ne peut pas être pérenne dans le temps : il est toujours nécessaire de recueillir la demande du patient. Tous les médecins ici présents pourront témoigner qu’un patient peut changer d’avis. Il serait extrêmement grave de lui refuser de revenir sur sa demande dès lors qu’il l’a exprimée une fois. Il est important de poser et reposer la question au patient jusqu’au dernier moment afin d’être certain qu’il souhaite toujours recevoir une aide à mourir.
Le député Hetzel a évoqué l’état d’application de la loi Claeys-Leonetti, mais cette loi ne porte pas sur l’équipement du pays en soins palliatifs. Comme je l’ai dit, la France n’est pas au rendez-vous en la matière – elle est quinzième sur trente-huit – et nous voulons rattraper ce retard. Si l’on veut instaurer une alternative, il est important que nos concitoyens aient plus facilement accès aux soins palliatifs.
Vous demandez si le rôle du législateur est de répondre à une demande sociétale. Il est important d’écouter l’ensemble de nos concitoyens – chacun le fait dans l’environnement qui est le sien. La notion de fraternité recouvre beaucoup de choses, notamment la vulnérabilité de la personne malade qui demande à être entendue.
Concernant la question de Mme Pires Beaune sur la liberté personnelle encadrée et sur l’évolution possible du texte, je suis personnellement très attachée à l’équilibre trouvé à la suite des travaux de la CCNE et de la Convention citoyenne.
Pour répondre à la question de Sébastien Peytavie sur la maladie de Charcot, le patient est éligible à l’aide à mourir dès lors que son pronostic vital est engagé et il pourra recourir à un tiers pour l’administration du produit. En revanche, il ne sera probablement pas éligible au début de la maladie, au moment du diagnostic. C’est toute la question de l’engagement du pronostic vital à moyen terme, six ou douze mois : la grande demande des patients atteints de la maladie de Charcot est justement d’être assuré que l’aide à mourir dont ils n’ont pas besoin pour l’instant leur sera accordée si leur état de santé évolue.
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2. Réunion du lundi 13 mai 2024 à 16 heures (avant l’article 1er et article 1er)
La commission spéciale examine le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([3]).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Après l’audition de la ministre Catherine Vautrin et la discussion générale, suivies de près de trente-cinq heures d’auditions, nous entamons l’examen des articles du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.
Avant de commencer, il me revient de faire le point sur les près de deux mille amendements déposés. Trente-cinq ont été retirés par leurs auteurs. Quatorze ont été déposés en double. Douze se sont révélés inopérants car ils adressaient au Gouvernement des injonctions prohibées par l’article 20 de la Constitution, ou intervenaient hors du domaine législatif ce qui les faisait tomber dans l’irrecevabilité que prévoit l’article 41 de la Constitution.
S’agissant de l’application de l’article 40 de la Constitution, j’ai intégralement suivi les avis du président de la commission des finances, qui a considéré irrecevables cinquante‑trois amendements au titre Ier du projet de loi.
Par ailleurs, l’article 45 de la Constitution me commandait de vérifier l’existence d’un lien, même indirect, entre les amendements et le projet de loi, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je me suis efforcée de respecter au maximum l’initiative parlementaire.
Il m’a semblé que les amendements relatifs à la formation aux soins d’accompagnement ou palliatifs, à la publication de données et d’indicateurs relatifs à ces soins, à leur gouvernance et à leur financement présentaient un lien avec le texte, à la différence des amendements relatifs à des soins, activités ou professionnels dont le dispositif ne prévoyait aucun rattachement explicite aux soins d’accompagnement, comme l’activité physique adaptée, les prestataires de santé à domicile ou les aides-soignants travaillant au sein de cabinets d’infirmiers libéraux.
Dans la même logique, les amendements prévoyant l’intégration des soins d’accompagnement ou palliatifs dans d’autres types de structures que ce qui est prévu par le texte et ceux visant à développer d’autres structures liées à la fin de vie m’ont paru recevables. Il en va de même des amendements concernant les bénévoles, qui participent à ces soins dans le territoire. En revanche, j’ai considéré qu’il n’était pas possible de créer un chapitre dédié aux proches aidants dans le code de l’action sociale et des familles.
Les amendements portant sur les directives anticipées, la personne de confiance, l’expression de la volonté des malades, notamment en cas d’arrêt de traitement, et la sédation profonde et continue m’ont paru avoir un lien avec l’article 4 et plus globalement le titre Ier.
Il m’a semblé que des amendements créant des consultations d’éthique clinique relatives à l’aide à mourir avaient un lien avec le texte. De même, les amendements élargissant les missions de la commission de contrôle et d’évaluation des procédures d’aide à mourir, ou créant d’autres instances d’évaluation de l’aide à mourir ou de la fin de vie, m’ont paru recevables.
Enfin, comme les articles 17 et 18 portent sur le contrôle et l’évaluation, j’ai estimé que les dispositions et sanctions pénales attachées à la fin de vie et à la mise en œuvre de l’aide à mourir avaient un lien avec le projet de loi.
Je ne doute pas que nos débats se hisseront à la hauteur de l’enjeu. Quand nous le voulons, nous savons montrer à nos concitoyens que, sur des sujets difficiles, nous savons faire preuve d’écoute et de respect. Nous disposons du temps nécessaire, soit environ cinquante heures jusqu’à vendredi soir, pour un travail de fond en toute sérénité.
Après la présentation des amendements, le rapporteur concerné donnera son avis puis, s’ils le souhaitent, le rapporteur général et la ministre. Les députés auront ensuite la parole en réponse.
Enfin, je rappelle que l’examen du texte en séance publique débutera le lundi 27 mai à seize heures. Le délai de dépôt des amendements est fixé au jeudi 23 mai à dix-sept heures ; la commission spéciale se réunira un peu avant la séance publique au titre de l’article 88 du Règlement de l’Assemblée nationale.
TITRE IER
RENFORCER LES SOINS D’ACCOMPAGNEMENT ET LES DROITS DES MALADES
Avant l’article 1er
Amendements CS1955 de M. Didier Martin, CS1362 de M. Pierre Dharrréville et CS1360 de Mme Emeline K/Bidi (discussion commune)
M. Didier Martin, rapporteur. Certaines personnes ont fait part de leur inquiétude quant au caractère incomplet ou imprécis du titre Ier. J’appelle votre attention sur la stratégie décennale des soins d’accompagnement publiée par le Gouvernement en complément du projet de loi, dont Mme la ministre pourra parler plus avant.
Certains amendements se font l’écho d’inquiétudes et de doutes liés à la notion de soins d’accompagnement. Je partage l’attachement de leurs auteurs à celle de soins palliatifs, connue de tous et dont le Conseil d’État a souligné l’intérêt. Néanmoins, cette notion recouvre une approche très médicalisée et centrée sur l’hôpital, qui exclut une prise en charge plus adaptée et globale des patients en fin de vie.
En créant la notion de soins d’accompagnement, l’intitulé du titre Ier procède à un changement de paradigme destiné à dépasser le strict cadre médical. Les soins d’accompagnement couvrent d’autres soins que palliatifs. Ils obéissent à une approche globale et holistique définie au plus près des besoins des personnes, celles-ci n’étant pas réduites à leur maladie. Il me semble nécessaire de retenir cette notion préconisée par le rapport du professeur Franck Chauvin.
L’intitulé actuel du titre Ier recouvre les soins d’accompagnement et les droits des malades. Je souhaite y introduire les soins palliatifs afin de rappeler que le changement de paradigme auquel le texte procède ne vise pas à les remplacer par les soins d’accompagnement, mais à renforcer ces deux pôles. Je demande aux auteurs des deux autres amendements de la discussion commune de les retirer au profit du mien.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Au lieu de « renforcer » les droits des malades, il convient de les « garantir » afin d’assurer leur meilleure protection. Nous souhaitons remplacer dans le titre les soins d’accompagnement par les soins palliatifs. Le projet de loi doit avoir pour ambition d’assurer les droits des malades et l’accès de tous aux soins palliatifs. La création des soins d’accompagnement renvoie à une définition des soins palliatifs que nous devrions consacrer, comme l’a notamment fait l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et dont nous devrions surtout déployer le contenu sur l’ensemble du territoire.
Monsieur le rapporteur, je pense pour ma part que les soins palliatifs permettent une prise en charge globale du patient. Nous devons nous garder d’introduire de la confusion. Nous connaissons les soins palliatifs, dont la définition n’est pas propre à notre pays. Vous souhaitez d’ailleurs les réintroduire dans l’intitulé du titre Ier, mais en créant une dualité étrange avec les soins d’accompagnement. Nous voulons donner des moyens aux soins palliatifs et les valoriser, à rebours de l’orientation des dernières années.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Dans la même ligne, je souhaite aborder dès maintenant la question des moyens pour garantir l’accès aux soins palliatifs et d’accompagnement. Je salue votre proposition de réintroduire la notion de soins palliatifs. Mais, au lieu d’entrer dans une querelle sémantique entre « garantir » et « renforcer », je souhaite que nos débats et le texte intègrent la dimension relative aux moyens.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous et moi attachons une importance particulière aux soins palliatifs, dont notre pays est l’un des pionniers. En insérant cette notion dans l’intitulé du titre Ier, je souhaite rendre hommage aux soignants et aux bénévoles qui œuvrent dans ce domaine. La notion de soins d’accompagnement est néanmoins plus globale et elle recouvre notamment le souci du confort et du bien-être des patients. C’est la véritable nouveauté du texte : je défends sa présence dans ce titre et je vous demande de retirer vos amendements au profit de celui que j’ai déposé.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je partage le point de vue de Didier Martin. La notion de soins d’accompagnement ne remplace pas celle de soins palliatifs. Elle l’élargit. Cette évolution s’inscrit dans la réflexion du professeur Chauvin, que nous avons auditionné il y a quelques jours. Elle vise, non à remplacer les soins palliatifs, mais à les conforter et à assurer une prise en charge globale. Les besoins excèdent parfois le strict cadre médical pour porter sur le confort et l’accompagnement physique, psychique ou social. Il ne s’agit pas d’opposer soins palliatifs et d’accompagnement, mais d’englober les premiers dans les seconds. D’ailleurs, le financement des soins palliatifs sera augmenté au profit des unités de soins palliatifs (USP), des lits identifiés de soins palliatifs et des équipes médicales de soins palliatifs.
La précision apportée par le rapporteur semble judicieuse car elle souligne que le titre Ier renforce les soins d’accompagnement, les soins palliatifs et le traitement de la douleur.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Le Gouvernement a présenté un plan décennal dédié aux soins palliatifs, dont le déploiement débutera dès cette année. Dans ce domaine, notre pays est classé à une médiocre quinzième place des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques : un patient sur deux et un enfant sur trois n’ont actuellement pas accès aux soins palliatifs, preuve de la nécessité d’une forte mobilisation.
L’engagement du Gouvernement est essentiellement budgétaire. Le plan prévoit un effort annuel de 100 millions d’euros en moyenne pendant dix ans. Cette enveloppe servira à développer les équipements et à garantir la présence d’au moins une USP par département, mais également à répondre aux grands besoins d’hospitalisation à domicile, d’unités mobiles et de formation des personnes assurant les soins palliatifs. En effet les places ne suffisent pas. Ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a accepté la création d’un diplôme d’études spécialisées en soins palliatifs. Des formations de chef de clinique et d’assistant seront déployées. Les enseignements en soins palliatifs seront plus nombreux dans l’ensemble des études médicales, pour les médecins comme pour les infirmiers et les autres professions paramédicales. Vous avez tous pu entendre, lors de vos visites, les équipes vanter la cohésion liant les aides-soignants, les infirmiers et les médecins. Cet engagement commun bénéficie aux patients. Je les salue, dans leur diversité, eux qui se trouvent tous les jours aux côtés des malades.
Le Gouvernement soutient l’amendement du rapporteur, qui fait figurer les soins palliatifs dans l’intitulé du titre Ier. De nombreux spécialistes, pas uniquement de soins palliatifs, se sont penchés, dans le cadre de la mission du professeur Chauvin, sur l’évolution de l’accompagnement des patients. Cette notion comprend les soins palliatifs mais également l’accompagnement des personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable. Les soins d’accompagnement sont globaux. Il s’agit de prendre en charge les besoins de chaque patient pour assurer son bien-être et favoriser, autant que possible, ses chances de rémission. Le projet de loi précise que les soins d’accompagnement incluent les soins palliatifs, centrés sur la fin de vie et que nous ne souhaitons pas remettre en cause. L’important est de les valoriser en tant que composante des soins d’accompagnement, d’où mon soutien à l’amendement du rapporteur et mon opposition aux deux autres.
M. Thibault Bazin (LR). L’adoption du CS1955 ferait tomber tous les autres amendements avant l’article 1er. Je tiens donc à prendre la parole maintenant. Cet amendement a le mérite de reconnaître l’existence d’un problème sémantique dans l’intitulé du titre Ier. Mais son contenu ne me convainc pas. Son exposé sommaire évoque un changement de paradigme, or les équipes des USP déploient déjà une approche multidimensionnelle. Ces équipes pluridisciplinaires, qui ne comptent pas seulement des soignants, défendent la notion de soins palliatifs, qui a mis du temps à s’installer et qui comprend une dimension d’accompagnement inséparable de tout acte de soin. Dans ce cadre, la notion de soins d’accompagnement crée une confusion.
Insérer les soins palliatifs dans l’intitulé du titre Ier est possible. Mais il y a lieu de garantir ces soins et pas simplement de les renforcer. Il s’agit d’un préalable éthique, indispensable pour prévenir toute dérive. Vous évoquez un renforcement des moyens, mais votre plan ne comprend aucun engagement pluriannuel. Pourquoi ne pas élaborer un projet de loi de programmation comme pour la défense ou la justice ? Nous n’avons pas besoin de confusion, mais de moyens pour assurer des soins palliatifs partout dans notre pays.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il existe une différence sensible entre le renforcement des soins palliatifs, dont la présence dans l’intitulé du titre Ier est positive, et leur garantie, qui implique la reconnaissance d’un droit opposable, que nous défendons mais dont nous sommes loin. Comme l’a dit madame la ministre, moins d’un patient sur deux a accès à ces soins : cette situation est insupportable et injustifiable. Le groupe Gauche démocrate et républicaine pose la question des moyens alloués aux soins palliatifs depuis 1999. Aucun gouvernement n’y a répondu.
Je crains que votre plan ne soit pas à la hauteur car vous faites figurer dans les soins d’accompagnement des éléments liés aux soins palliatifs, auxquels vous ajoutez des soins de confort que la sécurité sociale ne rembourse pas. Votre plan prévoit une augmentation de 66 % des crédits en dix ans. Ce rythme ne suit pas la progression des besoins et ne représente aucune accélération. En effet, les dépenses publiques pour les soins palliatifs ont crû de 6,5 % par an entre 2017 et 2021, quand votre plan repose sur une hausse annuelle de 6,6 %. Où est l’effort exceptionnel que vous promettez ?
Mme Annie Genevard (LR). Madame la ministre, vous venez d’affirmer que les maisons d’accompagnement dispenseront des soins palliatifs.
Mme la ministre. Je n’ai pas évoqué les maisons d’accompagnement. J’ai simplement parlé de l’accompagnement.
Mme Annie Genevard (LR). Je vous ai peut-être mal comprise. Quoi qu’il en soit, quelle sera la plus-value des maisons d’accompagnement par rapport aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans lesquels des soins de confort sont déjà prodigués ? M. Dharréville pose la bonne question : avec quels moyens financer le renforcement des soins palliatifs et les soins d’accompagnement dans des structures distinctes ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). La sémantique s’invite dans ce débat. J’avoue avoir été heurtée pour les praticiens et les soignants des services de soins palliatifs en lisant que les soins palliatifs ne constituaient qu’une partie de l’accompagnement des patients, comme s’ils n’étaient que des traitements de la douleur. Or, les équipes des USP accompagnent les patients et les familles, prodiguent des soins de confort et apportent une aide psychologique. J’ai l’impression que l’utilisation de la notion de soins d’accompagnement vise à masquer notre retard dans les soins palliatifs.
Je soutiens l’insertion de la notion de soins palliatifs dans l’intitulé du titre Ier parce que les professionnels se sentent, à juste titre, dévalorisés par son absence. Mais je récuse la formule de soins d’accompagnement, qui ne renvoie à aucune réalité. L’accompagnement est une manière d’exercer des pratiques. Mais ce terme ne dit rien de ce qu’elles recouvrent. Il y a d’ailleurs de l’accompagnement dans toutes les disciplines médicales, mais aussi à l’école, dans le monde judiciaire et dans bien d’autres domaines. Il serait préférable de choisir le titre suivant : « Renforcer l’accompagnement, les soins palliatifs et les droits des malades ».
M. Jérôme Guedj (SOC). Que l’on entame notre débat par une discussion sémantique n’est pas le fruit du hasard. Les mots sont importants dans ce projet de loi et d’autres échanges le montreront. Au-delà de l’adhésion aux objectifs du titre Ier, il y a un paradoxe à consacrer deux piliers – le renforcement des soins palliatifs, rebaptisés soins d’accompagnement, et l’aide à mourir – tout en faisant disparaître le terme de soins palliatifs. Ce choix n’a rien d’anecdotique.
Je peux entendre l’argument principal justifiant l’élargissement de la notion de soins palliatifs à celle de soins d’accompagnement, à savoir la nécessité de prendre en charge le patient le plus tôt possible, dès le diagnostic. Mais pourquoi ne pas employer les termes déjà consacrés ? Il existe des soins palliatifs précoces ; dans une recommandation de 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) incite à leur développement. Il faut préserver notre attachement à la centralité des soins palliatifs – un point important pour les équipes qui les dispensent – tout en reconnaissant leur enrichissement par d’autres dispositifs, mais sans remettre en cause les différentes étapes des soins palliatifs, des plus précoces à ceux de la fin de vie.
L’amendement du rapporteur va dans le bon sens. Mais je redoute que son adoption ne mine notre volonté de placer le terme et la notion de soins palliatifs au-dessus des autres, ainsi que toute la culture de la médecine palliative.
Mme Justine Gruet (LR). Si les soins d’accompagnement recouvrent des pratiques plus larges que les soins palliatifs, je crains que la suppression du terme de soins palliatifs ne soit qu’un artifice destiné à masquer leur absence dans tous les territoires alors que les Français réclament d’y avoir accès près de leur lieu de vie. Comme la sémantique est importante, j’ai déposé un amendement faisant figurer, dès le début du texte, la notion fondamentale de soins palliatifs.
Pour rebondir sur les propos de Thibault Bazin, il me paraît essentiel de consacrer davantage de moyens à l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap. Une loi de programmation et une réflexion sur le financement, au sens large du terme, sont indispensables.
M. Christophe Bentz (RN). Vous nous perdez, plus ou moins volontairement, par des choix sémantiques inadaptés et impropres. Cette faille est évidente pour l’aide à mourir, dont le titre II refuse de dire le nom, mais elle apparaît dès le titre Ier dans lequel vous semez la confusion, donc la méfiance, par les termes retenus. La notion de soins d’accompagnement qui recouvre, en plus des soins palliatifs, les soins précoces mais aussi ceux de support et de confort, n’englobe-t-elle pas d’autres dimensions, comme l’aide à mourir que vous qualifiez de soin ?
Le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, Frédéric Valletoux, avait demandé d’examiner les deux parties du projet de loi de manière distincte, afin de ne pas mélanger des aspects différents. Les personnes auditionnées et presque tous les groupes d’opposition ont formulé la même requête : écoutez-nous !
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement du rapporteur présente un paradoxe. L’approche holistique dont il se prévaut pour justifier la notion de soins d’accompagnement fait peu de cas de la nature même des soins palliatifs : dénier à ces derniers toute dimension holistique est tout à fait discutable. Souhaiteriez-vous ménager un continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté ou l’euthanasie ? Voilà la question fondamentale ! Vous présentez le choix du terme de soins d’accompagnement comme un changement de paradigme, mais n’a-t-il pas pour objectif de construire ce continuum ?
Des trois amendements, le plus intéressant me semble celui de notre collègue Dharréville. Il remplace le renforcement des soins par leur garantie. Pour le reste, nous sommes plusieurs à ne pas être convaincus par la notion de soins d’accompagnement. Celle de soins palliatifs, déjà consacrée, comporte déjà une dimension holistique.
Enfin, madame la ministre pourrait traduire ces annonces budgétaires dans un amendement. C’est une pratique dont le Gouvernement est friand. Pourquoi ne le faites-vous pas ?
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Ces amendements soulèvent deux débats évidemment liés : sur les notions de soins d’accompagnement et de soins palliatifs, sur le choix à opérer entre les verbes « renforcer » et « garantir ». Les soins d’accompagnement ont une acception plus globale et peuvent intervenir plus précocement que les soins palliatifs. Mais il importe de faire figurer les deux termes dans le texte, comme le souhaite la profession médicale.
Après tant d’années de casse de l’hôpital public, le développement des soins d’accompagnement et le financement des soins palliatifs accusent un tel retard qu’il est urgent de les renforcer. Néanmoins, l’objectif est de garantir l’égal accès à ces soins. L’amendement du rapporteur présente l’avantage de faire figurer les soins d’accompagnement, les soins palliatifs et les droits des malades dans l’intitulé du titre Ier. Mais il faudra déposer en séance publique des amendements visant, non pas seulement à renforcer, mais à garantir l’égalité des droits des malades sur l’ensemble du territoire et à assurer l’accès de tous aux soins palliatifs et d’accompagnement.
M. Philippe Juvin (LR). La question sémantique est fondamentale en effet : les lois mal écrites sont forcément mal appliquées. Il faut choisir les bons mots. L’amendement du rapporteur laisse entendre que les soins palliatifs ne sont qu’une démarche médicalisée. Pas du tout : c’est une démarche globale, cela a été dit.
Un Français sur deux qui aurait besoin de soins palliatifs n’en bénéficie pas. Comment leur garantir cet accès ? Voilà la seule question. Je préfère l’amendement de M. Dharréville, qui prévoit une garantie d’accès aux soins palliatifs. Il est plus clair que celui du rapporteur, qui se contente du verbe « renforcer ».
Ma crainte est que, parce qu’il sera difficile de garantir à tous des soins palliatifs, les « maisons d’accompagnement », éventuellement non médicalisées et éventuellement avec beaucoup de bénévoles, serviront à prétendre le contrat respecté puisque chacun aura accès à quelque chose. Voilà la manœuvre : on ne peut garantir les soins palliatifs à tout le monde, on peut au moins garantir les soins d’accompagnement. Attention à cette dérive !
Nous ne soutenons donc pas l’amendement du rapporteur. En revanche, les deux autres nous paraissent intéressants.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Si nous avons opté pour les termes de « soins d’accompagnement », c’est sur les conseils du corps médical. La notion de soins palliatifs leur paraissait restrictive par rapport à l’ensemble des soins d’accompagnement dont ont besoin les malades, durant toute leur maladie comme au moment de la fin.
Il paraît nécessaire de prévoir une garantie d’accès aux soins palliatifs. Sinon, l’aide active à mourir pourrait être perçue comme une sorte de substitut à l’absence de ces soins. Nous avons proposé des amendements en ce sens. On ne peut pas se contenter d’annonces du Gouvernement pour les années à venir. Il faut inscrire l’accès à ce droit dans le texte.
M. Laurent Panifous (LIOT). L’objectif doit être de garantir, pas seulement de renforcer. La différence est notable. Il importe aussi de réintroduire la notion de soins palliatifs à côté de celle de soins d’accompagnement afin d’éviter toute confusion. Le diplôme d’université s’appelle d’ailleurs « soins palliatifs et d’accompagnement ». Nous proposerons de modifier en ce sens l’article 1er.
M. Philippe Vigier (Dem). Ne perdons pas de vue, dans ce débat sémantique, ce qui nous rassemble : l’objectif de proposer des soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin. J’ai le triste privilège d’être élu dans un département qui ne compte aucune équipe de soins palliatifs. Les soignants me le disent : il est important de dégager les moyens nécessaires. Puisque Patrick Hetzel demande une loi de programmation, je suis sûr qu’il votera le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale si les sommes qu’il attend y sont inscrites !
Je soutiens l’amendement du rapporteur, qui mentionne les soins d’accompagnement et les soins palliatifs, ainsi que les droits des malades dont il n’a pas été question jusqu’ici alors que c’est une question essentielle.
Aujourd’hui, les soins d’accompagnement ne sont bien souvent pas là, même lorsqu’il y a des soins palliatifs. Qu’ils soient présents partout est très important.
M. Didier Martin, rapporteur. La loi du 9 juin 1999 garantit l’accès aux soins palliatifs, y compris dans son titre. Nous faisons pourtant le constat que cette garantie n’est pas effective. Il est donc urgent de renforcer les soins palliatifs et de leur donner leurs lettres de noblesse grâce à une véritable spécialité médicale. C’est l’engagement, pris en lien avec sa collègue de l’enseignement supérieur, que la ministre vient d’exposer.
Les soins palliatifs se pratiquent bien sûr aussi au dehors des unités : il y a des équipes mobiles, l’hospitalisation à domicile, les Ehpad. Mais les soins d’accompagnement interviennent dès le diagnostic d’une maladie grave, c’est-à-dire bien en amont d’une entrée en soins palliatifs où un séjour dure en moyenne une à trois semaines. À l’hôpital de Beaune, un médecin m’a dit avoir suivi une patiente en soins palliatifs dix ans : voilà qui ne correspond pas à l’idée que nous nous en faisons généralement. Je lui ai dit qu’il faisait déjà des soins d’accompagnement, qu’il pourrait bientôt souscrire à l’appel à projets du ministère et ouvrir une maison d’accompagnement. Tout ce que fait ce médecin pour le bien-être, le confort et le moral de ses patients en fin de vie, comme pour améliorer leur situation sociale et familiale, fait partie des soins d’accompagnement.
Cette notion n’est donc pas réductrice, bien au contraire. Elle ne remet absolument pas en cause la qualité du travail des unités et des équipes mobiles de soins palliatifs.
Mme la ministre. Nous nous appuyons sur un rapport rédigé par des médecins, réunis par le professeur Chauvin dont je n’ai pas besoin de rappeler qu’il est médecin lui‑même. L’élargissement aux soins d’accompagnement qu’il préconise correspond aussi à la demande de certains experts des soins palliatifs – trois anciens présidents de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) participaient d’ailleurs à la commission Chauvin.
Il y a un continuum : la prise en charge de la douleur. Les soins d’accompagnement commencent précocement, dès le diagnostic, lorsque le pronostic vital du patient n’est pas forcément engagé. Prenons l’exemple d’une femme de 35 ans à qui l’on diagnostique un cancer du sein : elle bénéficie d’une prise en charge médicale, d’une prise en charge de la douleur, d’un accompagnement psychologique et nutritionnel, d’une aide au maintien dans l’emploi si elle le souhaite. On est loin des soins palliatifs, ce qui reste à faire au bout de la démarche thérapeutique. Les deux termes ont donc leur importance. Nous ne faisons donc pas du tout disparaître la notion de soins palliatifs, nous l’élargissons.
La maison d’accompagnement est un autre sujet. Madame Genevard parlait d’Ehpad, mais j’ai pris l’exemple d’une femme de 35 ans. Fin de vie ne veut pas dire grand âge.
Quant à la garantie d’accès, ceux parmi vous qui sont parlementaires depuis longtemps se rappelleront nombre de textes qui avaient prévu des garanties qui ne se sont pas concrétisées ! Je ne dirai pas que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais le principe d’annualité budgétaire passe avant les garanties inscrites dans la loi.
Nous avons prévu une évaluation, un bilan tous les six mois et un référent par agence régionale de santé (ARS) afin de progresser vers cette garantie. Il n’y a pas de manœuvre pour cacher le manque d’équipes de soins palliatifs par la création d’un autre type d’organisation. La maison d’accompagnement est une proposition du rapport Chauvin, née du constat que certains patients en fin de vie, qui ne relèvent plus d’un service hospitalier, ne peuvent pas rentrer chez eux parce qu’ils y seraient seuls ou parce que leur domicile ne s’y prête pas. La maison d’accompagnement est là pour les accueillir. C’est un complément : ces structures n’ont en aucun cas vocation à remplacer quelque service de soins palliatifs que ce soit.
La commission adopte l’amendement CS1955. L’intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CS1362 et CS1360 tombent, ainsi que les autres amendements CS24 de M. Thibault Bazin, CS633 de M. Jérôme Guedj, CS850 de M. Julien Odoul et CS594 de Mme Justine Gruet portant sur l’intitulé du titre Ier.
Article 1er : Définition des soins d’accompagnement
Amendement de suppression CS341 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). La question centrale est celle de la place réelle des soins palliatifs. Une tribune récente, signée de membres de la Sfap, du Collège national des enseignants pour la formation universitaire en soins palliatifs et de la section de médecine palliative du Conseil national des universités pour les disciplines de santé, indique clairement que cet article 1er crée de la confusion. Il rend illisibles le cadre et les fondements constitutifs de la médecine palliative. Cela risque de poser problème en France, mais aussi ailleurs. En revanche, le terme de médecine palliative est, lui, pleinement consacré et figure dans notre droit. On peut s’interroger sur votre volonté réelle : pourquoi vouloir changer de dénomination alors que les professionnels concernés demandent le contraire ?
Vous parlez de continuum, madame la ministre. Faut-il imaginer, dans la continuité des soins palliatifs, le suicide assisté et l’euthanasie ? Vous modifieriez par là le projet même des soins palliatifs, créés précisément pour éviter l’acharnement thérapeutique en prenant en charge la douleur. Il y a des inquiétudes et aucun des arguments apportés jusqu’à présent n’a permis de les lever.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
L’offre de soins palliatifs est insuffisante, c’est vrai. Mais le Comité consultatif national d’éthique indique lui-même que l’approche palliative est parfois inadaptée. Il faut construire un modèle français de soins d’accompagnement pour les patients en fin de vie.
Mme la ministre. Avis d’autant plus défavorable que le continuum dont je parle est celui de la prise en charge de la douleur, depuis les soins d’accompagnement jusqu’aux soins palliatifs. Rien d’autre.
M. Julien Odoul (RN). Vous entretenez une confusion malhonnête, voire malsaine. D’un côté, il y a quelque chose de flou, vague, indéfinissable : l’accompagnement, que vous plébiscitez. De l’autre, il y a quelque chose de concret et qui a fait ses preuves dans l’esprit de nombreuses familles : les soins palliatifs. On a l’impression que vous ne croyez pas aux soins palliatifs. C’est choquant. Ce débat sémantique vous paraît peut-être dérisoire, mais il est essentiel. Vous avez échoué dans le domaine des soins palliatifs comme dans bien d’autres, mais ce n’est pas parce que tous n’y ont pas accès aujourd’hui qu’il faut les abandonner ! La loi garantit l’accès aux soins palliatifs comme la sécurité ou l’éducation. Elle n’est pas appliquée, mais les uns et les autres sont pourtant bien des objectifs louables.
Le risque, c’est que le débat sémantique cache une dégradation des moyens accordés à un dispositif qui accompagne véritablement la souffrance des patients. Je le vois dans la ruralité, comme vous tous : à la faveur d’un débat sémantique, les bureaux de poste sont devenus des agences postales, les boulangeries des dépôts de pain, et partout le service a été dégradé. Je ne le souhaite pas pour la fin de vie de millions de Français.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La notion de soins d’accompagnement n’a rien d’inédit : le supportive care est présent dans tous les dictionnaires de médecine. C’est une spécialité en cours de constitution dans de nombreux pays. Elle intègre le sport, l’esthétique, l’éducation thérapeutique, le suivi nutritionnel... L’objectif est le bien-être des patients. Il me semble qu’on ne peut qu’y être favorable, et donc défavorable à l’amendement.
Cette nouvelle formulation offre un appui à des soignants qui, en France, tentent de constituer un pôle de soins d’accompagnement. Il existe un projet de diplôme d’études spécialisées (DES) en soins d’accompagnement. C’est le DES qui crée l’attractivité, pas l’inverse : c’est en reconnaissant une qualification à des gens pour un travail qu’ils exercent que l’on facilite la formation, l’élévation des connaissances et la constitution des équipes.
Enfin, en matière de santé, les mots ont un impact propre. Du côté des usagers comme des soignants, certains sont plus à l’aise avec l’idée d’accompagnement, notamment pour des gens qui ne sont qu’au seuil des soins palliatifs. Elle peut permettre d’entamer un parcours d’accompagnement et de bien-être même pour des patients réticents vis-à-vis des soins palliatifs.
M. Philippe Juvin (LR). M. Odoul a raison : l’inscription sur un même plan des soins d’accompagnement et des soins palliatifs risque d’amoindrir, de diluer l’importance des seconds. Le supportive care existe et il est nécessaire. Mais cette loi prend acte du fait que l’accès aux soins palliatifs n’est pas assuré à tous. On peut craindre qu’en mettant en avant des soins d’accompagnement, vous ne prépariez l’idée que les soins de support sont suffisants, satisfaisants. C’est pourquoi l’amendement de M. Hetzel me paraît intéressant.
Mme Annie Vidal (RE). Cet amendement n’est pas raisonnable à l’heure où une personne sur deux qui a besoin de soins palliatifs n’y a pas accès. Nous n’arriverons peut-être pas à les proposer à tous ceux qui en auraient besoin, mais cet article améliorera considérablement la situation.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Tout le monde est d’accord sur le développement des soins palliatifs. Mais il y a aussi des gens qui ne souhaitent pas y avoir recours. Par ailleurs, les soins d’accompagnement peuvent se faire dans des services d’hôpital ordinaires ou à domicile. Beaucoup de gens veulent mourir à domicile et il est nécessaire de renforcer les équipes qui le permettent. On peut être accompagné de multiples façons.
M. Charles de Courson (LIOT). Il y a un brouillard. Tel qu’est rédigé l’alinéa 4 de l’article 1er, les soins palliatifs constituent un sous-ensemble des soins d’accompagnement. Mais si on se réfère aux alinéas 7 à 10, qui définissent les soins d’accompagnement, c’est moins clair. En particulier, l’alinéa 8 mentionne « le traitement de la douleur », dont j’avais cru comprendre qu’il relevait des soins palliatifs, et l’alinéa 9 évoque « des soins palliatifs ». Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous éclairer sur ce problème de rédaction ?
La réunion, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.
Mme Monique Iborra (RE). Je ne suis pas sûre que les citoyens qui s’intéressent à nos débats aient compris ce que certains défendent. Les soins d’accompagnement commencent tôt, dès le diagnostic. L’idée est de considérer la personne comme une personne, pas seulement comme une maladie. Voilà une définition simple sans être simpliste.
M. le rapporteur général. Ce projet de loi ne peut pas être dissocié des annonces du Gouvernement par ailleurs. Les sceptiques diront que les objectifs ne seront pas atteints, les budgets pas accordés. Je sais qu’en France, on a tendance à s’autoflageller. Mais on doit constater les investissements consentis depuis dix à quinze ans. Il y a une volonté, insuffisante sans doute, mais bien réelle. Des objectifs concrets – une unité de soins palliatifs au moins par département en 2025 par exemple – ont été fixés. Nous ne pouvons pas raisonner sur des mots sans prendre en considération ces engagements précis.
On ne peut pas laisser penser que les soins d’accompagnement seraient amenés à remplacer les soins palliatifs ou à cacher une incurie. C’est totalement faux.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1381 de M. Pierre Dharréville, CS545 de Mme Annie Genevard, CS635 de M. Jérôme Guedj et CS1297 de M. Jocelyn Dessigny (discussion commune)
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Si le rapport du professeur Chauvin a souligné, avec justesse, que « les soins palliatifs sont encore trop souvent réduits aux soins strictement médicaux destinés à traiter la douleur ou aux soins dispensés aux patients en fin de vie », il semble que les soins d’accompagnement, tels que les définit l’article 1er, désignent précisément ce que sont les soins palliatifs.
Aux termes de l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique, « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » L’instruction ministérielle du 21 juin 2023 précise que les soins palliatifs sont « une approche pour améliorer la qualité de vie des personnes malades, adultes et enfants, et de leurs proches, notamment confrontés aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle. Ils visent à prévenir et à soulager les souffrances, identifiées précocement et évaluées avec précision, ainsi qu’à traiter la douleur et les autres dimensions – physiques, psychologiques, sociales, etc. – qui leur sont liées », conformément à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Or, ce sont là précisément, selon les alinéas 8 à 11 de l’article 1er, les objectifs fixés aux soins d’accompagnement. Dès lors, soit les spécificités propres aux soins d’accompagnement ne sont pas clairement définies et il convient d’y remédier, soit les soins d’accompagnement sont le nouveau nom des soins palliatifs et c’est aussi un problème.
Nous proposons, là encore, de remplacer le terme « offrir » par le terme « garantir ». Nous écrivons la loi : je suis le premier à constater amèrement que la garantie inscrite dans la loi de 1999 n’a pas été suivie d’effet, mais ne pas employer ce terme de garantie aujourd’hui donnerait le sentiment que nous baissons les bras. Symboliquement, il me semble au contraire essentiel de réaffirmer cette garantie, et donc ce droit opposable.
Mme Annie Genevard (LR). Mon amendement restaure l’expression « soins palliatifs » en lieu et place des soins d’accompagnement. Cela correspond à la définition de l’Organisation mondiale de la santé, qui inclut dans les soins palliatifs des notions qui relèvent de ce que vous appelez les soins d’accompagnement. De plus, le Conseil national professionnel infirmier s’est opposé à cette substitution. Dans l’exposé des motifs, vous écrivez : « Le principe d’un accompagnement pluridisciplinaire, qui figure déjà à l’article L. 1110‑11 du code de la santé publique, est ainsi réaffirmé. » Tout est déjà dans le code de la santé publique ! Il est logique d’inclure dans les soins palliatifs les soins d’accompagnement.
En outre, le milieu associatif est à bien des endroits très actif pour proposer des soins d’accompagnement. Je présenterai plus tard un amendement à ce sujet. Bien des unités de soins palliatifs proposent une approche globale du malade. Plutôt que les distinguer, pourquoi ne pas enrichir les soins palliatifs des soins d’accompagnement, dans la mesure où la frontière entre les deux n’est pas claire ?
M. Jérôme Guedj (SOC). La volonté de donner davantage de contenu aux soins palliatifs est éminemment louable. Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait changer leur dénomination. Cette démarche se heurte à plusieurs obstacles.
Premièrement, contrairement aux soins palliatifs, les soins d’accompagnement ne renvoient à aucune définition scientifique, à aucun référentiel de méthode. L’accompagnement n’est pas une compétence : c’est une présence auprès de l’autre, une attention, une écoute sans jugement ni intention spécifique. C’est la posture qu’adoptent souvent les bénévoles. Les soins palliatifs vont plus loin : pratique clinique nécessitant des connaissances et des compétences techniques, thérapeutiques, relationnelles et éthiques. Nous nous inquiétons donc de l’introduction des termes « soins d’accompagnement » qui pourraient diluer l’exigence et la technicité des soins palliatifs.
Deuxièmement, la stratégie décennale indique que « le passage du concept des soins palliatifs aux soins d’accompagnement permettra d’anticiper la prise en charge des patients dès le diagnostic de la maladie, de l’élargir à tous les besoins médicaux et non médicaux, ainsi qu’à l’accompagnement de l’entourage ». Or, je l’ai déjà dit, il s’agit de la définition des soins palliatifs précoces. Je préférerais donc que nous parlions de soins palliatifs, ce qui inclurait les soins palliatifs précoces, plutôt que de soins d’accompagnement, dont la définition est si large que nous ne savons pas exactement ce qu’ils embrassent.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous avons la chance d’avoir une langue précise. Les soins palliatifs sont différents des soins d’accompagnement. Comme l’a dit Julien Odoul, la confusion dans ce domaine est malhonnête et malsaine. Il faut appeler un chat un chat, raison pour laquelle nous proposons de remplacer les mots « d’accompagnement » par le mot « palliatifs » afin de nous assurer que nos compatriotes auront bien droit à des soins palliatifs et non à des soins d’accompagnement sans unité médicalisée.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous sommes d’accord : « soins palliatifs » et « soins d’accompagnement » ne sont pas synonymes. Vous avez souligné des éléments importants sur la précocité des soins d’accompagnement, ainsi que sur la technicité et l’expertise des unités de soins palliatifs confiées à des équipes médicales. Les deux se complètent et doivent être associés.
Mon avis est donc défavorable sur ces amendements.
Mme la ministre. Même avis pour la même raison. Les soins d’accompagnement sont dispensés dans une prise en charge précoce, avec les soins palliatifs en continuum. Il y a entre les deux une complémentarité, en aucun cas une substitution.
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre a évoqué la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Contrairement à ce qu’indique son titre, elle ne garantit pas le droit à l’accès aux soins palliatifs. Certes, elle dispose à son article 1er que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Mais ce droit n’est pas assorti d’obligations pour l’État. Seriez-vous prête à rendre les ARS responsables de l’effectivité de ce droit ? Ne faudrait-il pas introduire la possibilité d’un recours juridictionnel afin que puisse être ordonnée la prise en charge en soins palliatifs d’une personne qui en aurait besoin, mais qui ne l’aurait pas obtenue dans un délai fixé par décret ? Il s’agirait de donner du contenu au titre Ier du projet de loi où, au-delà du débat sémantique, peu de moyens sont prévus pour l’effectivité de l’accès aux droits palliatifs.
M. Charles de Courson (LIOT). Aux termes de l’alinéa 4, les soins palliatifs constituent un sous-élément des soins d’accompagnement. Mais, aux alinéas 8, 9 et 10, ces deux types de soins sont confondus. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le rapporteur, que soins palliatifs et d’accompagnement sont complémentaires. Si les premiers constituent un sous-élément des seconds, il faut dire ce que sont les soins d’accompagnement qui ne sont pas palliatifs. C’est parce que le texte ne le fait pas que personne ne comprend nos débats.
M. Philippe Juvin (LR). L’introduction des termes « soins d’accompagnement » entraîne une confusion déplorable. Cette dénomination ne résulte d’aucune donnée scientifique et n’est utilisée dans aucun pays. Les soins d’accompagnement sont dépourvus de qualification internationale validée, de modèles étudiés et évalués, de normes. Ils n’existent pas dans la littérature internationale. Si vous n’en êtes pas persuadés, lisez la remarquable tribune parue le 25 avril dans Le Monde où des personnalités du monde des soins palliatifs rappellent ces évidences.
Nous sommes en train de requalifier à la française et pour des raisons d’opportunité politique une discipline reconnue au niveau national et international. Nous jouons avec les mots, ce qui n’a aucun intérêt scientifique et qui crée de la confusion.
M. Philippe Vigier (Dem). J’entends le débat sémantique mais, à l’instar du rapporteur général, nous avons tous déploré que les moyens consacrés aux soins palliatifs n’aient pas été suffisants ces vingt dernières années, même si beaucoup d’efforts ont été faits. Chacun devrait balayer devant sa porte car il y a eu des alternances : pour avoir le privilège de siéger ici depuis vingt ans, ce qui a été fait par tous les bords devrait ramener chacun à une plus juste mesure.
Monsieur de Courson, vous qui savez si bien lire les textes législatifs, les mots « dont les soins palliatifs », à l’alinéa 4, signifient que ceux-ci sont inclus dans les soins d’accompagnement. La réponse est donc dans votre question. Nous élargissons le spectre : les soins d’accompagnement, ce sont les soins palliatifs et tout le reste.
Monsieur Guedj, je reconnais votre sens aigu de la sémantique. Mais les soins palliatifs précoces, c’est pour ainsi dire un gros mot dans mon département où il n’existe pas de soins palliatifs tout court. L’engagement le plus important consiste à couvrir tous les territoires d’ici à 2025. Personne ne l’a fait jusqu’à présent et cela mérite d’être considéré.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Sans dénigrer le débat sémantique, permettez-moi de revenir aux patients. Prenons une personne souffrant d’un cancer du sein métastatique : avant d’envisager un protocole de soins palliatifs, elle sera heureuse qu’il existe une possibilité de coordination et d’accompagnement pluridisciplinaire. Dès l’annonce du diagnostic, il faut que nous soyons en mesure d’accompagner le patient et qu’il demeure au cœur de notre démarche.
Mme la ministre. Il ne faut pas confondre « maisons d’accompagnement » et « soins d’accompagnement ». Au sein de ces maisons seront accueillis des patients en extrême fin de vie qui ne peuvent rentrer chez eux, parce qu’ils résident seuls ou que leur logement ne s’y prête pas. Ils pourront recevoir des soins palliatifs mais, j’y insiste, les soins d’accompagnement ne se confondent pas avec les maisons d’accompagnement.
Les soins d’accompagnement peuvent être nutritionnels ou encore destinés à maintenir le patient dans l’emploi si tel est son choix. Ils sont dispensés très en amont, dès le diagnostic. Les soins d’accompagnement interviennent d’abord, puis les soins palliatifs si l’état du patient le demande.
S’agissant de la stratégie décennale, elle prévoit sa propre évaluation à son article 30. Je crois l’avoir dit : il y aura un référent par ARS et un bilan tous les six mois. La nécessité absolue est d’équiper le pays et, pour ce faire, chaque politique publique doit être mesurée.
Enfin, si j’ai bien noté, moi aussi, la tribune du 25 avril, je rappelle que le rapport du professeur Chauvin et de nombreux autres professionnels de santé est le fruit d’un an de travaux. La notion de soins d’accompagnement n’est pas une invention du Gouvernement et le terme n’a pas été retenu pour faire joli. Nous avons travaillé sur la base de recommandations de professionnels.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS290 de M. Fabien Di Filippo
M. Patrick Hetzel (LR). La loi du 9 juin 1999 reconnaît à toute personne dont l’état le requiert le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Or, à ce jour, les inégalités d’accès persistent. Il n’existe même aucune offre dans vingt départements. D’après la présidente de la Sfap, chaque jour, entre 400 et 500 personnes n’ont pas accès aux soins palliatifs alors qu’elles le devraient. Cet amendement vise à réaffirmer l’importance d’une répartition plus égalitaire de cette offre sur l’ensemble du territoire.
Je rappelle qu’en décembre, à l’initiative du groupe LR, nous avons adopté à l’unanimité une résolution visant à rendre effectifs les soins palliatifs sur tout le territoire national. C’est sur cette résolution que se fonde cet amendement. Il s’agit du point le plus sensible car nous ne sommes pas assurés que vos annonces, madame la ministre, seront suivies d’effet.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous souhaitez qu’il soit fait référence à l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique, qui prévoit « le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire ». Cependant, cette disposition figure déjà dans la stratégie décennale des soins d’accompagnement – et de renforcement des soins palliatifs, si vous tenez à le préciser – ainsi que dans le rapport Chauvin, effectivement appuyé sur un comité scientifique de haut niveau.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Dès 2024, quinze nouvelles unités de soins palliatifs seront financées, dont onze dans des départements qui n’en comptent aucune. Je précise à cet égard qu’il existe des équipes mobiles de soins palliatifs sur tout le territoire. Je reconnais volontiers que ce n’est pas suffisant, mais on ne peut pas dire que certains départements sont totalement dépourvus.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). Je ne comprends pas ces avis défavorables. Nous avons évoqué la nécessité de renforcer les soins palliatifs et, grâce à la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, nous savons que leur déploiement sur l’ensemble du territoire constitue un enjeu prégnant. Or, aucun des quatre articles du titre Ier n’apporte de garantie d’amélioration. On nous renvoie à la stratégie décennale. Ce ne sont que des paroles, qui ne valent pas engagement.
Les équipes mobiles accomplissent, c’est vrai, un travail remarquable. Mais il y a des trous dans la raquette ! Certains territoires ne bénéficient pas d’équipes mobiles formées aux moyens suffisants. Là où il n’y aura pas d’hospitalisation à domicile ni d’équipes mobiles, quelle sera la solution ? Ne risquons-nous pas d’assister à une dérive éthique où il ne s’agira pas de proposer un choix de fin de vie, mais d’imposer une fin de vie subie faute de moyens ? C’est une véritable question et je crois que vous faites l’impasse sur le défi territorial.
Mme Annie Genevard (LR). Je persiste à penser qu’il y a une très grande confusion entre maisons d’accompagnement, qui ne dispensent pas de soins palliatifs, et soins d’accompagnement, qui incluent ces soins. C’est bien ce que dit le texte, qui rédige de la façon suivante l’article L. 1110-9 du code de la santé publique : « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins d’accompagnement, dont des soins palliatifs. » Ce qui me fait revenir à l’intervention de Charles de Courson : les soins palliatifs sont inclus dans les soins d’accompagnement, mais ne seront pas dispensés dans les maisons d’accompagnement.
Mme la ministre. Mais si !
Mme Annie Genevard (LR). Vous avez dit le contraire, madame la ministre ! C’est bien qu’il y a une confusion sémantique. Vous avez dit que les maisons d’accompagnement ne seront pas le lieu des soins palliatifs, soins que le texte inclut pourtant dans les soins d’accompagnement. Je souhaite donc que vous répondiez à l’objection de Charles de Courson et que vous clarifiiez les choses.
Mme Justine Gruet (LR). Madame la ministre, vous avez dit qu’il y a des équipes mobiles de soins palliatifs dans tous les départements. Le Jura en compte une, c’est vrai : ce sont trois personnes qui accomplissent un travail formidable, qui s’engagent dans le domaine de la formation, proposent des conseils aux professionnels, accompagnent les familles dans ces moments difficiles. Mais trois personnes, cela reste trop peu pour assister les patients comme il le faudrait.
Mme la ministre. Je le répète avec plaisir, madame Genevard, car il importe d’être clair : les maisons d’accompagnement accueillent des personnes en extrême fin de vie, qui ne relèvent plus d’un service hospitalier et qui ne peuvent pas rentrer chez elles parce qu’elles vivent seules ou que leur logement ne s’y prête pas. Ces personnes peuvent y recevoir des soins palliatifs et des soins d’accompagnement si elles en ont besoin.
S’agissant des départements qui ne disposent que d’équipes mobiles, ils feront partie des premiers où nous déploierons les nouvelles unités de soins palliatifs. Vingt départements sont dans cette situation et nous serons à même d’apporter une réponse à onze d’entre eux dès cette année. Autre élément important : nous allons avancer en matière de dispense de soins palliatifs dans le cadre des hospitalisations à domicile, en passant de 70 000 à 120 000 places.
Je précise enfin notre ambition de rattraper une partie de notre retard dès cette année, raison pour laquelle des crédits ont été fléchés pour 2024 bien avant que le texte n’ait terminé son parcours parlementaire.
M. le rapporteur général. Je rappelle que les soins palliatifs font l’objet d’une gradation. Il y a ce que l’on appelle les lits identifiés en soins palliatifs – il y en a dans tous les départements – puis, pour les cas plus complexes, l’accueil en unité de soins palliatifs. Si l’objectif est l’établissement d’au moins une USP dans chaque département, il est tout aussi important d’accroître le nombre de lits identifiés dans les structures hospitalières pour assurer la prise en charge de tous les patients, et pas seulement de ceux dont l’état est le plus dégradé. Il s’agit bien d’un continuum. Il ne faut pas se focaliser sur l’un de ses éléments.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS738 de M. Laurent Panifous et CS1767 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)
M. Laurent Panifous (LIOT). Les termes « soins palliatifs » et « soins d’accompagnement » suscitent une confusion. Cet amendement donne une définition englobante, de nature à satisfaire tout le monde ou du moins à répondre aux différentes craintes. Le rapporteur l’a dit : ces deux types de soins sont différents mais complémentaires. Afin de ne pas réduire les soins palliatifs à une sous-entité des soins d’accompagnement ou au soulagement de la douleur, nous proposons de systématiquement allier les termes « palliatifs » et « d’accompagnement » au sein de l’article 1er.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Sans revenir sur le débat sémantique, changer de dénomination sans arrêt complique l’appropriation par la société et les patients de ce que sont les soins palliatifs. Ces derniers sont peu connus et pâtissent de leur connotation. Enlever le mot « palliatifs » ne serait pas une bonne solution car la médecine palliative existe, ce qui n’est pas le cas de la médecine d’accompagnement. Il importe aussi de demeurer dans les standards internationaux de l’OMS, repris par la HAS, étant entendu que nous avons besoin de recherche, de statistiques, de connaître les pratiques des pays voisins. Mon amendement retient la formulation « soins palliatifs et d’accompagnement » dans le projet de loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Je suis d’accord sur le fond. Les soins palliatifs sont un domaine de pointe devant faire l’objet de recherches et d’enseignements pluridisciplinaires. C’est pour cette raison que la stratégie décennale prévoit de créer une véritable hyperspécialisation de médecine palliative. Les services de soins palliatifs auront vocation à diffuser les bonnes pratiques, à encadrer en cas de besoin les équipes mobiles et à conseiller les unités médico-chirurgicales où il existe des lits identifiés de soins palliatifs ainsi que les intervenants du suivi à domicile.
Ces amendements nous éloigneraient de l’esprit de l’article 1er, soins palliatifs et d’accompagnement n’ayant pas vocation à être mis sur un pied d’égalité.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Yannick Neuder (LR). Je ne comprends pas pourquoi vous n’acceptez pas l’amendement de Mme Darrieussecq car la prise en charge proposée par les maisons d’accompagnement va au-delà des seuls soins palliatifs. Plutôt que de débattre des termes, pourriez-vous préciser quel sera le degré de médicalisation de ces maisons ? Y aura-t-il des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux ? Seront-ils présents en permanence ou à distance ? Seront-ils soumis à un système d’astreintes ? Les réponses permettront de mieux définir la structure.
Mme Annie Genevard (LR). La suggestion de Mme Darrieussecq est intéressante. Dans la mesure où nos débats tournent autour des périmètres respectifs des soins palliatifs et d’accompagnement, une manière de concilier les points de vue serait de renforcer les premiers en y intégrant les seconds. Le malade est une personne globale, qui mérite que l’on prenne en charge la dimension corporelle de sa pathologie comme sa dimension psychique. Or, c’est précisément la définition des soins palliatifs : la prise en charge holistique de la personne ; c’est explicitement dit. Cela permettrait de lever la confusion ambiante, y compris chez les parlementaires. Nous ne comprenons pas tout à fait ce que l’exécutif a voulu exprimer.
Par ailleurs, si j’ai bien compris, les maisons d’accompagnement dispenseront à la fois des soins palliatifs et des soins de support, tandis que les unités de soins palliatifs en milieu hospitalier ne proposeront pas les seconds. La réponse sera donc à deux vitesses. Mais comment les malades seront-ils orientés ? Le rapporteur général a évoqué la complexité des cas, mais qui sera chargé de l’apprécier ? Tout cela demeure bien nébuleux.
M. Philippe Juvin (LR). Les termes définis, et compris par la terre entière, sont ceux de soins palliatifs, de soins palliatifs précoces et de soins de support. Les mots « soins d’accompagnement » n’existent nulle part. Nous voyons bien que tout le monde a sa définition à proposer. En médecine, sur des sujets très spécialisés, il faut s’intégrer à des référentiels internationaux. Nous sommes en train de nous faire plaisir, d’introduire un concept français créé de toutes pièces, ce qui est une grande erreur.
L’amendement de Mme Darrieussecq aurait le mérite de réintroduire les soins palliatifs dans le texte tout en conservant la mention des soins d’accompagnement. Ne vous bercez pas de mots, chers collègues : ces termes ne sont pas définis dans la littérature. Restons-en à ce qui est certain car sinon, nous légiférons sur rien.
M. Jean-François Rousset (RE). Les soins palliatifs pallient un symptôme, tout le reste étant de l’accompagnement. Il est possible de se trouver très proche de la mort sans avoir besoin de soins palliatifs. On a alors besoin de soins d’accompagnement. Les choses semblent claires.
M. Patrick Hetzel (LR). La loi doit être intelligible. Comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Darrieussecq, les soins palliatifs sont reconnus internationalement et enseignés, contrairement aux soins d’accompagnement. Nous instillons du flou au lieu de nous montrer précis.
S’il y a autre chose, si l’usage des mots « soins d’accompagnement » vise à légitimer le suicide assisté et l’euthanasie, il faut le dire. Si le dessein est de créer un continuum entre le titre Ier et le titre II, assumez-le, sans quoi nous verserions dans la tromperie, ce qui ne serait pas acceptable sur un sujet comme celui de la fin de vie.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’expression « soins palliatifs » figure déjà dans le projet de loi. Il n’est pas question de l’en gommer ni d’empêcher l’accès à ces soins. Quant au fait de créer une catégorie qui n’existe pas encore dans la nomenclature internationale, j’imagine que la médecine générale, avant d’être définie, n’y figurait pas non plus. L’enjeu est l’existence de soins palliatifs, la garantie de pouvoir y accéder et l’organisation d’une formation spécifique. À ces trois questions, la loi répond par l’affirmative.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Les uns veulent élargir le champ des soins palliatifs et parlent de soins d’accompagnement ; les autres croient de bonne foi que l’on veut substituer les seconds aux premiers, ce qui n’est pas le cas. Tant que les termes du débat n’auront pas été éclaircis, on tournera en rond. Disons-le clairement : les soins d’accompagnement englobent les soins palliatifs. Quand on ne parle pas de soins palliatifs, on parle de tout le reste. Le texte est un projet de loi humain, qui appréhende l’humain dans sa globalité. Les soins palliatifs ne sont pas la totalité des soins. Il existe une multitude de soins que le texte qualifie de « soins d’accompagnement » et qui incluent les soins palliatifs.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je voudrais rassurer les collègues qui pensent que les centres de soins d’accompagnement n’existent pas : les premiers centres de soins et d’accompagnement en addictologie ont été créés en 2011 sous la présidence Sarkozy. Par la droite donc...
Mme Laurence Cristol (RE). Je suis médecin en soins d’accompagnement et je trouve ces soins formidables. Je les ai connus au Québec dans les années 2000. Il s’agit de tous les soins qui permettent d’accompagner un patient à partir du diagnostic : de support, nutritionnels, psychologiques, d’assistance sociale, de traitement de la douleur, de confort. Ainsi le patient n’est-il pas traité comme un organe ou comme une maladie, mais comme une personne à part entière. Les soins d’accompagnement existent même s’il est peut-être novateur de les mentionner dans la loi. Il s’agit d’une prise en charge globale et multidisciplinaire qui place la personne en son cœur. Ce que défendent certains à ce sujet me choque : cela nous ferait régresser.
Mme la ministre. En effet, la notion de soins d’accompagnement n’a pas été inventée par le Gouvernement. Elle résulte du rapport Chauvin, auquel de très nombreux médecins ont contribué. Monsieur Hetzel, l’idée est une prise en charge dès le diagnostic selon une logique de continuum comprenant deux volets : les soins de confort et l’accompagnement de la personne, d’une part ; d’autre part, potentiellement, la médecine palliative, dans laquelle les soins sont liés à la pathologie du patient.
Comment l’orientation vers les maisons d’accompagnement se fera-t-elle ? Une personne dans une phase stabilisée, très grave, de fin de vie, qui ne relève plus des soins prodigués dans un service hospitalier et ne veut ou ne peut être hospitalisée à domicile, pourra y être dirigée et y trouvera une réponse palliative si elle en a besoin ainsi qu’un accompagnement, au sens des soins de confort. Quant au niveau de médicalisation, nous y viendrons à l’article 3.
La commission rejette l’amendement CS738.
Puis elle adopte l’amendement CS1767.
En conséquence, les amendements CS313 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1596 de M. Christophe Bentz, CS1269 de M. Benoit Mournet, CS1333 de M. Jocelyn Dessigny et CS1593 de M. Christophe Bentz tombent, ainsi que les amendements CS1370 de Mme Emeline K/Bidi, CS928 de Mme Cécile Rilhac, CS1356, CS1352 et CS1354 de M. Stéphane Mazars, CS1914 de M. Didier Martin, CS1353 de M. Stéphane Mazars, CS1377 de Mme Elsa Faucillon, CS742 de M. Laurent Panifous, CS1688 de Mme Sophie Errante, CS1226 de Mme Lise Magnier, CS1751 de Mme Anne Brugnera, et CS506, CS507 et CS508 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendement CS25 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Dans ce qui est dit, je ne retrouve pas ce que m’ont décrit les équipes de soins palliatifs que j’ai rencontrées. Vous affirmez, madame la ministre, que les soins palliatifs interviennent quand l’approche thérapeutique prend fin. On m’a pourtant expliqué, en cancérologie, que les soins palliatifs commençaient idéalement dès le diagnostic pour traiter l’anxiété, la dépression, l’inconfort. Ils interviennent dans trois phases : la phase initiale où ils s’accompagnent de soins spécifiques ; la deuxième phase qui traite uniquement les symptômes, quand les soins spécifiques s’arrêtent ; la phase terminale enfin, qui correspond peut-être à celle qui serait concernée par vos maisons d’accompagnement.
Votre distinction entre soins palliatifs et d’accompagnement crée de la confusion et va à l’encontre de ce qui est préconisé : disposer de soins palliatifs dès le diagnostic et diffuser la culture palliative. Il convient de conserver la terminologie actuelle, d’où mon amendement.
M. Didier Martin, rapporteur. Autant demander directement la suppression de l’article 1er : votre amendement le vide de son contenu.
En ce qui concerne la couverture territoriale qui vous préoccupait tout à l’heure, l’alinéa 11 indique que les soins d’accompagnement « sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire [et] prodigués quel que soit le lieu de résidence ou de soins de la personne malade », l’alinéa 12 précisant « la possibilité de recevoir, lorsque [l’]état de santé le permet, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile ». Il serait dommage de les supprimer !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS576 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). La mesure que nous proposons contribuerait à une réelle culture du soin palliatif et à une approche humaine en reconnaissant la dignité de toute personne en souffrance, en lui assurant un accompagnement adapté à ses besoins.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous proposez de permettre aux personnes n’ayant pas reçu les soins d’accompagnement demandés de former un recours amiable et, le cas échéant, contentieux. Vous vous trompez de méthode si vous voulez renforcer les soins palliatifs. Le délai moyen qui sépare le dépôt d’une requête de son jugement étant compris entre sept mois et deux ans et demi, vous ne pouvez souhaiter engager une personne malade dans de telles procédures.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1056 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). En remplaçant les mots « mettent en œuvre » par « garantissent », nous ferons de l’accès aux soins palliatifs un droit et non une simple possibilité de bénéficier d’une politique publique susceptible d’être appliquée dans tel département et non dans tel autre. Cela rassurerait les personnes quant au fait que, si elles le décident, c’est bien ainsi que se déroulera leur fin de vie. Le verbe « garantir » est essentiel pour l’équilibre entre aide active à mourir et accès à une autre solution.
M. Didier Martin, rapporteur. Je doute que le remplacement de « mettent en œuvre » par « garantissent » améliore profondément l’offre de soins. Je me fie davantage aux mesures réglementaires et à l’ambitieuse stratégie décennale annoncée.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet excellent amendement nous ramène au débat sur l’intitulé du titre Ier. Il s’agit de montrer aux citoyens que nous avons conscience du retard pris depuis des années dans les moyens alloués aux soins palliatifs. Le texte renforce les soins palliatifs et les étend grâce à la notion de soins d’accompagnement. Mais il faut garantir l’égal accès à ces soins sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, mais les deux sont disjoints, la loi crée avec l’aide à mourir un nouveau droit, une ultime liberté.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1598 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). La définition des soins d’accompagnement reste floue. Vous nous perdez, et vous vous perdez, madame la ministre : les maisons d’accompagnement ne sont pas la même chose que les soins d’accompagnement ; elles dispenseront des soins palliatifs, enfin peut-être... C’est à n’y rien comprendre et les Français qui nous regardent doivent trouver le débat lunaire. Vous n’osez pas dire les termes. Vous réinventez l’eau chaude car ce que vous voulez couvrir par la terminologie nouvelle existe déjà : les soins palliatifs sont déjà un accompagnement global de la personne.
Mon amendement contient une définition plus précise. Il garantit que, dans ces maisons d’accompagnement, parmi les soins d’accompagnement, il n’y aura jamais l’accès au suicide assisté ou à l’euthanasie. On ne peut pas faire comme si, dans le texte, il n’y avait pas le titre Ier et le titre II. La confiance n’empêche pas le contrôle. Si vous avez l’intention de ne jamais introduire dans les maisons d’accompagnement le système que vous appelez l’aide à mourir, inscrivons-le dans la loi !
M. Didier Martin, rapporteur. Votre intervention ajoute de la confusion. L’alinéa 6, sur lequel porte votre amendement, prévoit « une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien‑être ». On est loin des termes que vous venez d’employer.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS739 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement précise que les soins d’accompagnement sont mis en œuvre à l’initiative et sous la conduite des médecins et des professionnels de l’équipe de soins, mais aussi à la demande de la personne. Il s’agit de rappeler l’autonomie des patients.
M. Didier Martin, rapporteur. Aux termes de l’alinéa 4, l’article L. 1110-9 du code de la santé publique dispose que toute personne malade dont l’état le requiert a le droit à des soins d’accompagnement, dont des soins palliatifs, et à un accompagnement véritable. L’amendement est donc parfaitement satisfait.
Mme la ministre. J’ajoute qu’à l’alinéa 7, il est précisé que ces soins interviennent « dans le respect de la volonté de la personne ».
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1115 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement crée un continuum entre le diagnostic, les soins curatifs et les soins palliatifs jusqu’à la sédation. Lorsqu’une maladie grave est diagnostiquée, une réunion de concertation pluridisciplinaire est organisée. Il serait intéressant que l’équipe de soignants qui se réunit pour des soins curatifs le fasse également pour les soins palliatifs et d’accompagnement, et jusqu’à la sédation – bref, du diagnostic jusqu’à la fin.
M. Didier Martin, rapporteur. L’alinéa 11 dispose que les soins d’accompagnement sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire. L’amendement est donc satisfait. Pour le reste, l’établissement d’un lien avec la sédation profonde ne me paraît pas approprié.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1363 de Mme Elsa Faucillon
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Il s’agit de « garantir », et non simplement « offrir », la prise en charge décrite à la seconde phrase de l’alinéa 6, afin de créer une obligation juridique. C’est une question de cohérence avec l’amendement CS1056, que nous avons adopté et qui introduit le même verbe dans la première phrase.
M. Didier Martin, rapporteur. La commission a adopté l’amendement CS1056. Mais, à titre personnel, j’estime que le mot « garantir » n’apporte pas une sécurité supplémentaire.
Je vous invite à retirer votre amendement, désormais satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS446 de M. Yannick Neuder et CS1112 de M. Jean-Pierre Taite
M. Yannick Neuder (LR). Il s’agit de garantir le maillage territorial pour que les soins palliatifs et d’accompagnement soient accessibles à tous et partout. Les solutions actuellement proposées permettent-elles de traiter l’ensemble des problèmes ou faut-il légiférer à nouveau ? Doit-on faire ce saut législatif et éthique alors que, quand les patients passent par les soins palliatifs ou d’accompagnement, les demandes de mort décroissent considérablement ? En vingt-cinq ans de carrière, j’ai dû en recevoir trois ou quatre alors que j’ai malheureusement accompagné des dizaines de patients jusqu’au décès.
M. Jean-Pierre Taite (LR). L’offre de soins palliatifs est insuffisante. On l’a dit, une vingtaine de départements en restent privés. Il a été démontré que les patients souhaitant mourir se détournent de cette idée quand leur douleur et leur isolement sont traités efficacement par des soins palliatifs. Le débat actuel sur le suicide assisté ne peut faire l’impasse sur la carence de soins palliatifs : le premier ne saurait être proposé à défaut des seconds.
M. Didier Martin, rapporteur. La stratégie décennale présentée par le Gouvernement permettra d’atteindre votre objectif, que nous partageons. Sa mesure n° 8 a pour objet de « sécuriser rapidement l’accès à une unité de soins palliatifs (USP) en tout point du territoire ». Dans ce cadre, « afin de faciliter la création d’unités supplémentaires sur l’ensemble du territoire, des crédits d’amorçage seront [...] mis en place pour les établissements de santé. Ces crédits garantiront l’ouverture des unités, que les investissements dans les USP viendront ensuite équiper en lits. »
Cette prise en charge est l’affaire de tous, au-delà de la seule médicalisation. La Conférence nationale de santé l’a souligné, il s’agit que les professionnels s’impliquent pour une fin de vie plus humaine.
Mme la ministre. J’ajoute que, depuis 2023, différentes filières territoriales de soins palliatifs ont été organisées, permettant une prise en charge graduée, l’hospitalisation à domicile, l’accès aux lits identifiés de soins palliatifs, aux équipes mobiles et aux unités de soins palliatifs. Nous avons pour objectif d’ouvrir des USP dans onze départements en 2024 et de couvrir la totalité des départements en 2025. Nous sommes conscients de l’importance de l’accompagnement par ces unités.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). Je ne comprends pas cet avis. Si vous partagez l’objectif, il serait cohérent de le préciser ici. Avoir une stratégie, c’est bien ; la mettre en œuvre, c’est mieux. Rien ne garantit qu’elle le sera. J’ai visité plusieurs établissements. Dans un centre hospitalier régional universitaire, depuis plusieurs années, pour quinze lits théoriques, seuls dix sont ouverts. Dans un autre, des lits sont restés fermés depuis la covid‑19.
Vous distinguez soins palliatifs et d’accompagnement. Si vous ne concentrez pas les moyens sur les soins palliatifs, si vous les diffusez aussi sur les soins d’accompagnement, ne risque-t-on pas de manquer l’objectif de déploiement des soins palliatifs ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous suspendons notre réunion pour aller voter en séance publique.
La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures quarante-cinq.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous voterons les amendements en discussion. Nous partageons le constat d’une répartition inégale des soins palliatifs sur le territoire : en Ille-et-Vilaine, il y a deux fois plus de lits par habitant que dans le Loir-et-Cher, où il y en a deux fois plus qu’en Haute-Garonne. Le maillage territorial est une urgence.
L’amendement CS290, qui parlait de « droit aux soins palliatifs », était plus abstrait. Ici, il s’agit de l’accessibilité, donc d’une obligation d’effectivité. Nous approuvons ce que j’appellerais, si j’étais taquin, un tournant matérialiste.
Mme Christine Loir (RN). Madame la ministre, vous prévoyez de garantir une unité de soins palliatifs dans chacun des départements qui en sont dépourvus. Vous annoncez 1,1 milliard d’euros supplémentaires sur dix ans, ce qui représente une augmentation de 6 %, soit un simple rattrapage de l’inflation. C’est mieux que rien. Mais ce sont aussi les moyens humains qui manquent. La carence de soignants oblige à fermer des lits partout. La densité de médecins généralistes a diminué de 8 % entre 2012 et 2021, et seuls 20 % d’entre eux sont formés aux soins palliatifs. Un quart des médecins de soins palliatifs devraient quitter leurs fonctions d’ici cinq ans. Nous sommes inquiets. Dans un département, on parle de six lits identifiés, mais voilà dix ans que ce nombre n’a pas augmenté !
M. Philippe Vigier (Dem). Madame la ministre, vous annoncez que le territoire national serait couvert d’ici à 2025. Pourrait-on, d’ici à la séance publique ou dans les jours qui viennent, porter à la connaissance des députés le schéma de déploiement pour 2024 ? Ce serait un gage de confiance important. Deux ans, c’est très court. Au lieu d’inscrire dans la loi des objectifs que l’on n’atteint jamais, j’aimerais que le Gouvernement confirme au cours du débat les moyens prévus. Il serait également intéressant de savoir comment ces soins ont été installés dans les territoires au cours des vingt dernières années.
M. Julien Odoul (RN). L’expérience de la conduite des politiques publiques montre que l’enjeu est moins l’accessibilité que l’efficacité. En 2017, le candidat Macron avait promis le doublement du nombre de maisons de santé. Cet objectif a été atteint. Mais l’offre de soins dont bénéficient nos compatriotes a-t-elle pour autant été doublée ? Non ! Les élus, tant nationaux que locaux, entretiennent l’illusion au sujet de ces maisons de santé parfois vides, où manque le personnel soignant. Le bâtiment est beau, la plaque est vissée, le ruban a été coupé, mais l’offre nécessaire fait défaut.
Alors qu’il existe un déficit d’unités de soins palliatifs et de personnel, vous dites vouloir renforcer les premières et créer des moyens pour les maisons d’accompagnement. Commencez par renforcer réellement les USP par la formation et la répartition des moyens sur le territoire avant de faire naître des illusions chez les Français en prétendant créer une nouvelle catégorie d’établissements qui n’assureront pas la couverture annoncée et n’auront pas la dotation requise ! Concentrons-nous sur ce qui existe, fonctionne et offre un réel accompagnement aux patients.
Mme la ministre. La stratégie du Gouvernement pour les soins palliatifs prévoit l’instauration d’une filière de formation. Vous savez que, du fait du numerus clausus, le nombre de départs à la retraite risque de dépasser un jour le nombre de nouveaux médecins. La formation des professionnels de santé est un sujet essentiel. Pour aller plus loin et renforcer la culture de la médecine palliative, nous souhaitons accroître le nombre d’heures de formation que suivent les étudiants dans ce domaine.
J’en viens à l’articulation entre médecine palliative et soins d’accompagnement. Le Gouvernement a annoncé lancer cette année un appel à manifestation d’intérêt pour la création d’une dizaine de maisons d’accompagnement en 2025. Les projets sont nombreux. À elle seule, la Sfap en a présenté plus de dix.
Les besoins ne sont pas tout à fait les mêmes pour les soins d’accompagnement et la médecine palliative. Dans les deux cas, il faut des psychologues, des assistantes sociales et des infirmières. Or, pour les soins d’accompagnement, il faut aussi des kinésithérapeutes et des nutritionnistes, tandis que pour la médecine palliative, il faut des médecins. C’est la raison pour laquelle les professionnels ne sont pas transférés d’une structure à l’autre : celles-ci sont complémentaires.
Enfin, monsieur Vigier, nous nous efforcerons de vous communiquer, lors de l’examen du texte en séance publique, la liste des onze départements sur laquelle nous travaillons.
La commission adopte les amendements.
Amendements CS292 de M. Fabien Di Filippo et CS740 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Alors que le texte mentionne la préservation de la dignité, l’amendement CD292 soulève une question fondamentale : la dignité est-elle intrinsèque à la personne humaine ou peut-elle disparaître en cas de handicap lourd ou de perte d’autonomie ? Pour vous, madame la ministre, à quel moment une personne perd-elle sa dignité ? La réponse à cette question a des conséquences sur le regard que l’on porte sur les personnes vulnérables.
M. Laurent Panifous (LIOT). Aux termes de l’alinéa 6, les soins d’accompagnement ont pour objet « une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être ». Je propose d’ajouter qu’ils ont aussi pour objet de préserver son autonomie. Différents textes ont renforcé cet impératif, notamment la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Kouchner ».
M. Didier Martin, rapporteur. Je considère la dignité intrinsèque à l’individu, quel que soit son état de dépendance ou de souffrance, ne serait-ce qu’en raison de ce qu’il a été et même s’il ne l’est plus. Il me paraît essentiel que le texte mentionne la dignité. Cela ne signifie pas, néanmoins, que celle-ci pourrait disparaître.
La remarque de M. Panifous est intéressante. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a d’ailleurs appelé notre attention sur la nécessité d’articuler le texte avec les politiques de préservation de l’autonomie. Pour moi, cela va de soi.
Je donne un avis défavorable aux deux amendements.
Mme la ministre. Le droit de la personne au respect de sa dignité a une valeur constitutionnelle. L’article L. 1110‑2 du code de la santé publique en fait un droit fondamental de la personne malade depuis 2002. Les soins d’accompagnement, qui incluent les soins palliatifs, ont bien pour objectif de respecter la dignité de la personne humaine en tenant compte de la volonté du patient. Nous tenons donc à ce que la dignité soit conservée dans le texte.
S’agissant de l’amendement CS740, la définition des soins d’accompagnement est déjà riche. Ils consistent à accompagner la perte d’autonomie d’une personne traversant une période de vulnérabilité particulière liée à son état de santé. Cette définition s’appuie sur le respect de la volonté de la personne malade, essentiel pour garantir ses droits.
J’émets de ce fait un avis défavorable aux deux amendements.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Notre groupe soutient l’amendement de M. Panifous, mais pas celui de M. Di Filippo.
La dignité implique le refus, en droit, de tout ce qui conduit à traiter un être humain comme chose ou marchandise. Ce principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement ou de dégradation a été reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994. Il est également protégé au niveau européen : la Convention européenne des droits de l’homme prohibe tout traitement inhumain ou dégradant et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne souligne son caractère inviolable. Le maintien de la notion de dignité dans ce texte est donc fondamental. Le droit à la dignité est supérieur en ce qu’il ne peut être limité par aucun autre droit.
Quant à la notion d’autonomie, elle garantit que la personne s’engage librement et souverainement vis-à-vis des structures de soins. Nous sommes favorables à son ajout.
M. Philippe Juvin (LR). Le groupe Les Républicains soutient les deux amendements. Je voudrais expliciter celui de M. Di Filippo. L’idée de préservation de la dignité, présente dans le texte, laisse paradoxalement entendre que, dans certains cas, celle-ci pourrait disparaître. La crainte d’être un fardeau a été évoquée par 46 % des personnes ayant eu recours au suicide assisté dans l’Oregon en 2022. Or, la dignité est inhérente à la condition humaine. Ni la maladie ni la vieillesse ne peuvent l’effacer.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je ne partage pas votre analyse de la notion de dignité, monsieur Juvin. N’oublions pas qu’en plus d’être un droit fondamental, elle a une dimension intime et personnelle. Elle est aussi vécue au travers du regard des autres. On peut estimer que, sans être un fardeau, on perd de sa dignité à cause d’une maladie ou d’une perte d’autonomie. Il semble donc essentiel de maintenir cette mention à l’alinéa 6.
M. Thibault Bazin (LR). C’est justement le point qui nous inquiète : une perte d’autonomie n’entraîne absolument pas une perte de dignité. Nous devons partager cette idée fondamentale : la dignité est intrinsèque à la personne. Le risque, si nous abandonnons cette idée, est que le regard porté sur les personnes en perte d’autonomie évolue. Doivent-elles être considérées comme dépourvue de dignité ?
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La perte d’autonomie due au handicap n’enlève en rien la dignité de la personne, à condition qu’il y ait une compensation matérielle. En l’absence d’un logement adapté, par exemple, la dignité peut être altérée. Il est essentiel de conserver la préservation de la dignité dans le texte car elle souligne l’importance des enjeux matériels dans la préservation de l’autonomie – notion qu’il est intéressant de mentionner également. Demander à une personne dépendante par quelle partie du corps elle souhaite que l’on commence sa toilette est aussi une façon de s’intéresser à sa volonté.
M. Hervé de Lépinau (RN). La dignité est consubstantielle à l’humanité. Tout être humain est digne de respect. Il s’agit d’un principe cardinal. M. Peytavie a parlé des conditions indignes dans lesquelles vivaient certaines personnes. Or, le rôle de la solidarité nationale est précisément de faire en sorte que le déroulement de la vie soit digne. Nous nous accordons tous sur la nécessité de lutter contre le logement indigne. Mais la vie, elle, est riche de dignité, du début à la fin. Sinon, que dirons-nous demain aux personnes souffrant d’un handicap lourd ? Certains ont essayé, par le passé, de mettre de côté ceux qui étaient progressivement considérés comme indignes ; cela s’est très mal fini.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Le droit à la préservation de sa dignité est fondamental, protégé par la Constitution. Nous convenons tous que, quel que soit l’état d’une personne, sa dignité doit être reconnue. Mais le débat n’est pas là. Ce que nous devons déterminer, c’est la façon de préserver la personne de traitements dégradants, humiliants ou déshumanisants portant atteinte à sa dignité. C’est ce que recouvre le principe de dignité. Le fait de revenir sur la préservation de la dignité au détour d’un amendement constituerait un immense retour en arrière alors qu’il a fallu du temps pour que ce droit fondamental soit garanti par la Constitution.
Mme la ministre. Je suis en plein accord avec ce qui vient d’être énoncé. L’alinéa 6 dispose que chacun doit être traité et accompagné dans le respect de sa dignité. Il se réfère ainsi à une notion ayant valeur constitutionnelle. Le terme « autonomie » a lui aussi plusieurs sens : il peut désigner la liberté d’agir, mais aussi la capacité à effectuer seul les actes de la vie quotidienne, qui s’oppose à la dépendance. Il est important de conserver la rédaction actuelle du texte. Notre objectif est le maintien de la qualité de vie la meilleure possible.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1209 de Mme Monique Iborra et sous-amendement CS1964 de M. Didier Martin
Mme Monique Iborra (RE). Revenons à la situation du malade, qui est une personne. Les citoyens attendent beaucoup de ce projet de loi : des soins palliatifs, mais aussi pouvoir s’exprimer, être entendus et respectés. De ce point de vue, le texte n’est pas équilibré : les directives anticipées n’y sont évoquées qu’à la marge, ce qui est dommage. Elles pourraient être introduites à l’alinéa 6, qui porte sur les soins d’accompagnement. Ceux-ci peuvent constituer, pour les patients qui ne l’auraient pas encore fait, une occasion de rédiger leurs directives.
M. Didier Martin, rapporteur. Je partage cet avis quoiqu’il me semble préférable d’introduire cette mention à l’alinéa 11 plutôt qu’à l’alinéa 6. Tel est l’objet de mon sous‑amendement.
Très peu de nos concitoyens ont rédigé leurs directives anticipées. Un journaliste me demandait encore tout à l’heure de quoi il s’agissait. Ce serait une bonne chose que de rappeler aux patients, au moment de la mise en place des soins d’accompagnement, qu’ils ont la possibilité de les préparer.
Mme la ministre. J’émets également un avis favorable au sous-amendement ainsi qu’à l’amendement ainsi modifié.
M. Yannick Neuder (LR). Je partage le point de vue de Mme Iborra : les directives anticipées ne sont pas suffisamment évoquées dans le texte. J’aimerais savoir, à ce sujet, ce qu’il adviendrait dans le cas où, après avoir mentionné son souhait de recourir au suicide assisté, une personne voyait ensuite sa conscience s’altérer. Certains estiment peut-être que ce n’est pas maintenant qu’il faut évoquer cette question. Je crois préférable d’acquérir une vision globale du sujet avant de voter l’amendement proposé.
M. Charles de Courson (LIOT). Je suis tout à fait favorable à l’introduction des directives anticipées à l’article 1er. Mais il sera nécessaire de revoir la rédaction de cette disposition en séance publique. Le mot « ils » renvoie aux soins d’accompagnement ; or ce n’est pas le rôle d’un soin que de rédiger ces directives ! Il conviendrait en outre de mentionner la désignation d’une personne de confiance.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je suis favorable à cet amendement. Nombre des personnes auditionnées ont regretté que les directives anticipées soient si peu évoquées dans le texte. Alors que leur existence est peu connue, il semble important qu’elles soient mentionnées dès l’article 1er – pourquoi pas à l’alinéa 11 plutôt qu’à l’alinéa 6... Cela montrerait que l’ensemble du texte est adossé à la volonté de la personne malade. Il faudra aussi, en séance publique, ajouter la notion de la personne de confiance.
Mme la ministre. Nous reviendrons ultérieurement à la question des directives anticipées. Mais je puis déjà réaffirmer que le texte proposé au Parlement prévoit bien que la personne souhaitant bénéficier de l’aide à mourir réitère sa demande. En d’autres termes, les directives anticipées ne suffiront pas.
La commission adopte le sous-amendement puis l’amendement sous-amendé.
Amendement CS636 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de préciser que la répartition des soins palliatifs sur le territoire national « garantit un accès équitable aux personnes malades ». Le Conseil d’État a confirmé, dans le prolongement de la Cour des comptes, que l’offre de soins palliatifs demeure hétérogène et globalement insuffisante dans notre pays. Peut-être allez-vous me répondre, madame la ministre, que le fait que la loi garantisse quelque chose ne se traduit pas forcément dans les faits. Néanmoins, cela va mieux en l’écrivant.
J’aimerais à cet égard que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur la stratégie décennale, dont certains aspects échappent à ma compréhension. La mesure n° 10 prévoit le recrutement de 6 000 équivalents temps plein (ETP) dans les Ehpad. S’agit-il d’emplois spécifiquement dédiés aux soins palliatifs, créés sur la durée de la stratégie décennale, ou plutôt, comme je le crains, des 6 000 postes prévus pour l’ensemble des soins assurés dans les Ehpad dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’an prochain ? Ces recrutements représentent quelque 300 millions d’euros, que je ne vois pas dans l’annexe financière.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne peux que renvoyer une nouvelle fois à la mesure n° 8 de la stratégie décennale. Je laisserai la ministre répondre sur l’aspect quantitatif. Tout en partageant l’objectif recherché, je suis défavorable à l’amendement.
Mme la ministre. Le renforcement de la qualité de la prise en charge dans les Ehpad fait déjà l’objet d’un programme. Quant aux recrutements prévus à partir de 2030, ils seront au nombre de 1 000 en 2031 et 2032 respectivement, puis 2 000 en 2033 et 2034. Cela fait donc 6 000 au total.
M. Jérôme Guedj (SOC). Ces emplois seront-ils spécifiquement dédiés aux soins palliatifs ?
Mme la ministre. Absolument.
M. Patrick Hetzel (LR). Monsieur le rapporteur, je suis étonné de votre avis défavorable. Si nous considérons l’équité territoriale une nécessité, il est de notre devoir, en tant que législateurs, d’inscrire dans la loi les déclarations de Mme la ministre afin de garantir leur effectivité. Les ministres passent, les lois demeurent ! Si vous partagez l’objectif recherché, pourquoi appeler à voter contre cet amendement clair et précis ?
M. Thibault Bazin (LR). Vous faites souvent référence, madame la ministre, à la stratégie décennale, et vous évoquez une montée en puissance des soins palliatifs dès cette année. Or, ces efforts ne figurent pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Envisagez-vous un budget rectificatif pour traduire les annonces faites début avril lors de la présentation de la stratégie décennale ? À enveloppe constante, on risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul...
M. Philippe Juvin (LR). Le groupe Les Républicains votera l’amendement, qui soulève une question clef : l’accès aux soins palliatifs au sein de structures qui fonctionnent. En Île-de-France, un tiers des lits en unités de soins palliatifs sont actuellement fermés ! À Bourges, une unité vient d’ouvrir grâce au recrutement du médecin de l’équipe mobile. Alors que le nombre de professionnels formés n’augmente pas significativement, je ne vois pas quel miracle permettrait le recrutement de 6 000 ETP dans les Ehpad. On sait que l’augmentation du nombre de médecins n’est que de 15 %, là où les Anglais ont décidé de doubler le numerus clausus jusqu’en 2030. Non seulement on ne forme pas d’aides-soignants, d’infirmiers et de médecins, mais ces professionnels consacrent moins d’heures à leur activité que leurs prédécesseurs il y a dix ans. Les chiffres annoncés relèvent du pur affichage. L’amendement de M. Guedj a le mérite de poser le sujet.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je voterai moi aussi cet amendement. Les inégalités d’accès aux soins, criantes, s’accompagnent d’une nécessité d’augmenter les capacités d’accueil globales en soins palliatifs dans notre territoire. Il faut plus d’unités, plus de lits, plus d’équipes mobiles hospitalières et à domicile. Il y a un travail considérable à accomplir. Toute mesure garantissant un accès effectif aux soins palliatifs semble essentielle : il est insupportable que plus d’une personne sur deux en soit privée.
M. Christophe Bentz (RN). Nous ne comprenons pas non plus l’avis défavorable opposé à cet amendement de bon sens, qui répond en grande partie au problème de l’accès aux soins palliatifs dans nos territoires et s’appuie sur un rapport publié en juillet 2023 par la Cour des comptes. Si vous refusez cet amendement, vous passez totalement à côté de l’objectif principal du titre Ier ! Vous ne mesurez pas à quel point les carences sont graves. En Haute-Marne, l’un des vingt et un départements dépourvus d’USP, nous avons trois équipes mobiles de soins palliatifs dans la préfecture et les deux sous-préfectures, mais plus de médecin spécialisé dans ce type de soins. Au-delà d’une carence, nous subissons une absence totale d’accès aux soins palliatifs dans un département de 175 000 habitants.
M. Yannick Neuder (LR). L’amendement de M. Guedj permet d’évoquer le problème de la formation des médecins et du croisement que vous redoutez, madame la ministre, entre la courbe des départs à la retraite et celle des arrivées de nouveaux praticiens.
Nous formons actuellement le même nombre de médecins qu’en 1970 alors que la population a augmenté de 15 millions d’habitants, que notre pays compte de nombreux patients vieillissants ayant besoin de soins palliatifs et que le rapport au travail a changé au fil des générations. Et encore, nous ne parlons que de formation initiale… Les étudiants qui s’inscrivent en faculté de médecine visent rarement d’emblée les soins palliatifs. En général, les nouveaux praticiens exercent d’abord en médecine générale, en médecine de spécialité ou en chirurgie. C’est au cours de leur parcours professionnel, médical ou paramédical, qu’ils se décident pour les soins palliatifs. Si vous voulez favoriser les passerelles, je vous invite à vous saisir de ma proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation, adoptée en première lecture en décembre dernier. Il faudra renforcer la formation initiale pour permettre la formation continue car, je le répète, les soins palliatifs sont rarement un premier choix de carrière.
M. Philippe Vigier (Dem). Comme je le constate en Eure-et-Loir, les départements dépourvus d’unités de soins palliatifs cumulent les inégalités car l’offre médicale générale y est aussi très faible. Adopter cet amendement reviendrait à prendre l’engagement de cibler en priorité ces départements, à qui l’on enverrait un signal fort.
Monsieur Neuder, permettez-moi de rappeler que certains membres de votre famille politique ont, dans les années 1970, pris des décisions folles visant à réduire le nombre de médecins. D’autres ont été poussés à la retraite par le biais du mécanisme d’incitation à la cessation d’activité, en 1999, quand Mme Aubry était ministre de l’emploi et de la solidarité. Ne l’oubliez pas, chers collègues ! Alors que nous sommes loin du compte dans la lutte contre les déserts médicaux, ne commettons pas l’erreur de négliger d’apporter une réponse à ces départements en ce qui concerne les soins palliatifs.
Mme Laurence Cristol (RE). J’aimerais recentrer le débat sur les soins palliatifs, une discipline assez récente. Des erreurs ont sûrement été commises par le passé mais, il y a vingt ans, on ne parlait pas de la mort dans les hôpitaux. Nous avons beaucoup progressé grâce aux lois Leonetti et Claeys-Leonetti, ainsi qu’aux débats organisés par la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Ces spécialités, tout à fait respectables, ne sont pas forcément les plus prisées des internes en médecine. La gériatrie, ma discipline, se situe à l’avant-dernière place du classement. Cependant, nous assistons à un changement de société qu’il faut accompagner en enrichissant ce texte. Pour la clarté de nos débats et par respect pour tous les soignants investis dans les soins palliatifs au cours des dernières années, prenons garde de ne pas tout mélanger. Nous n’allons pas, du jour au lendemain, gommer les effets négatifs de politiques menées depuis quarante ans. Mais grâce à ce texte, nous pouvons soutenir le développement des soins palliatifs au cours des prochaines années.
Mme la ministre. Nous devons assumer un certain nombre de choix faits depuis plus de quarante ans. Nous respectons toutes les spécialités et ceux qui les exercent, notamment les aides-soignants, les infirmiers et les médecins qui s’engagent dans les soins palliatifs.
Je n’ai pas caché la difficulté, que nous connaissons tous, d’accéder à ce type de soins. J’ai cité les chiffres de la Cour des comptes en la matière. Chacun peut souhaiter faire plus et mieux, mais il est une réalité qui nous rattrape : nous avons besoin de professionnels. La nécessité de la formation peut faire l’objet d’un consensus. Au-delà de la formation initiale, la formation continue sera d’autant plus efficace que nous aurons favorisé le développement d’une culture des soins palliatifs, qui attirera des professionnels vers cette spécialité dont je conviens qu’elle n’est pas forcément le premier choix des étudiants.
Ce serait mentir aux Français que de prétendre que nous allons régler le problème en six mois. Les besoins étant immédiats, nous actionnons tous les leviers dont nous disposons, à commencer par celui de la formation. Lors de ma prise de fonction, il y a trois mois et demi, j’ai pris un décret concernant les professionnels à diplôme hors Union européenne. S’ils ne sont pas l’alpha et l’oméga, ils ont permis d’apporter des réponses, dans un esprit de compagnonnage avec des praticiens formés. Ceux qui ont accepté de prendre un poste ont été prioritairement orientés dans les territoires où la vacance était importante.
Il est vrai que le vieillissement de la population suscitera un besoin d’accompagnement croissant et durable. Certains médecins acceptent de travailler plus longtemps, mais cette pratique a des limites, ce qui nous a conduits à ouvrir des formations. Peut-être ne sommes-nous pas allés assez loin. Mais nous avons au moins eu le mérite d’engager cette politique et d’augmenter le nombre de médecins en formation depuis 2017. L’arrivée de ces jeunes docteurs, à partir de 2026, va contribuer à résoudre le problème.
L’amendement CS636 part du principe que ce qui va sans dire va mieux en l’écrivant. Nous devons cependant dire la vérité : ce n’est pas en l’adoptant que nous ferons arriver des médecins, du jour au lendemain, dans tous les départements. Cette question dépasse les gouvernements et les majorités – celles d’hier peuvent aussi regarder ce qui n’a pas été fait. Elle nous engage vis-à-vis de nos concitoyens, notamment des plus âgés, qui nous ont permis de devenir ce que nous sommes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS929 de Mme Cécile Rilhac
Mme Cécile Rilhac (RE). J’aborde un sujet difficile : celui des cancers pédiatriques, dont le taux de mortalité est d’environ 15 % malgré les efforts déployés, notamment, dans le quatrième plan Cancer. Lors des auditions, le professeur Chauvin m’a indiqué qu’il existait des soins palliatifs spécifiques pour les enfants. Je propose donc de compléter l’alinéa 6 afin qu’une attention particulière soit portée aux mineurs, enfants et adolescents, et aux personnes en situation de handicap, qui nécessitent une prise en charge adaptée.
M. Didier Martin, rapporteur. La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a porté une attention particulière à la situation des enfants, de la période néonatale à l’adolescence. Il existe une Société française de soins palliatifs pédiatriques, qui nous a donné des indications sur son fonctionnement, ses travaux de recherche, la prise en charge de la douleur, et aussi sur les demandes de certains mineurs qui expriment leur volonté de mourir. Il y a quelques cas – moins de dix par an – de sédation profonde continue d’enfants. Si nous devons envisager cet aspect dans le développement des soins palliatifs, il ne me paraît pas indispensable de l’ajouter dans le texte. C’est mener une vraie politique de santé publique que de s’occuper des enfants en fin de vie.
Mme la ministre. Merci, madame la députée, de nous permettre de nous arrêter sur cette situation. Les personnes présentant une vulnérabilité particulière doivent bénéficier d’une attention spécifique. La prise en charge des mineurs en soins palliatifs fait l’objet de mesures ambitieuses dans la stratégie décennale par le biais d’un renforcement des équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) et la création d’une unité de soins palliatifs pédiatriques dans chaque région. Les vingt-trois ERRSPP existantes prennent en charge quelque 2 500 mineurs. Multidisciplinaires, elles partagent leur expertise palliative avec l’ensemble des soignants qui travaillent avec des enfants. L’objectif est de passer à vingt-huit équipes et d’accroître le nombre de médecins capables de répondre aux besoins.
M. Yannick Neuder (LR). Merci, madame Rilhac, d’évoquer ce douloureux sujet de la fin de vie d’enfants atteints d’affections pédiatriques. L’adoption de votre amendement reviendrait cependant à s’immiscer dans les bonnes pratiques professionnelles qu’élaborent la HAS, la Société française de pédiatrie (SFP) et la Sfap. Quelles que soient nos convictions, nous ne devons pas franchir le pas consistant à légiférer sur les modalités de prise en charge. Ces dernières doivent rester encadrées par la HAS et établies par les sociétés savantes qui pratiquent ces disciplines difficiles.
M. Julien Odoul (RN). Les soins adaptés aux enfants et aux personnes en situation de handicap, auxquels nous sommes tous favorables, existent déjà dans les USP, qui fonctionnent selon un modèle de suivi individualisé adapté en fonction du profil et de la pathologie des patients. Avec mes collègues Christophe Bentz et Thomas Ménagé, j’ai visité l’USP de Sens. Lors des échanges avec le personnel, nous avons constaté ce suivi individualisé, déconnecté d’un système de santé français trop souvent soumis à la standardisation et à des objectifs de rentabilité – des caractéristiques que l’on peut aussi observer dans les Ehpad. Ce souci de l’humain et des spécificités de chaque patient fait la richesse des USP. Nul besoin de réinventer l’eau chaude et d’avancer de grands principes déjà mis en pratique par les personnels des USP ! Parfois décriées ou entachées d’une image morbide, ces unités sont de fantastiques lieux de fin de vie où l’on s’adapte aux besoins, pathologies et spécificités des patients.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Merci, madame Rilhac, d’avoir évoqué dans cet amendement les besoins spécifiques des mineurs et des personnes en situation de handicap. Il est important d’aborder ces vulnérabilités croisées. Nous avons auditionné des représentants de l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, qui ont expliqué que beaucoup de personnes atteintes de la maladie de Charcot étaient refusées en soins palliatifs. Ces patients, qui ont souvent subi une trachéotomie, suscitent une inquiétude dans les services où les soignants ne sont pas formés à ce genre de situation. Nous sommes très loin du compte en matière de formation !
M. Patrick Hetzel (LR). Comme l’indique Mme Rilhac, la difficulté d’accès aux soins palliatifs est accentuée quand il s’agit d’enfants.
J’aimerais citer un extrait de l’avis du Conseil d’État : « L’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue ainsi une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie. »
Voilà le cœur du problème : nous allons légiférer et débattre du suicide assisté et de l’euthanasie alors que nous savons l’accès aux soins palliatifs non garanti pour l’ensemble de nos concitoyens, ce qui résulte d’une responsabilité collective. C’est incroyable, et il faut savoir le dire comme l’a fait aujourd’hui Jean-Marc Sauvé dans Le Figaro. Nous ne pouvons passer à côté de ce débat éthique fondamental. Sommes-nous conscients que nous allons provoquer un effet Werther ?
M. Thibault Bazin (LR). Nous avons déjà évoqué le formidable travail d’accompagnement effectué par les équipes hospitalières qui dispensent des soins palliatifs à des enfants en fin de vie, souvent atteints de cancers pédiatriques.
Lors de votre audition, madame la ministre, vous avez expliqué que les dispositions de ce projet de loi n’étaient pas liées à l’âge ou au handicap. En matière de soins palliatifs, le handicap présente pourtant une spécificité, notamment lorsque le patient n’est pas capable d’exprimer sa souffrance. Ce serait l’honneur de notre pays que de développer une filière d’excellence de soins palliatifs pour les personnes en situation de handicap. Il y a quelque temps, madame la ministre, les majorités auxquelles vous apparteniez défendaient de grandes lois sur le handicap.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens l’amendement de Mme Rilhac, qui porte une attention particulière à des individus vulnérables au sein des services de soins palliatifs. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous ne légiférons pas sur les modalités de prise en charge : nous imposons l’obligation d’en prévoir à l’égard de personnes vulnérables.
Les enfants ne sont pas des adultes en miniature même s’ils peuvent recevoir des traitements similaires à ceux des adultes. Leur vécu a fait l’objet de nombreux mythes dont on est désormais revenu : on a longtemps cru que leur expérience de la douleur était différente. Ils ont besoin d’une prise en charge spécifique, qui aborde certains sujets tels que la compréhension de ce qu’est la mort, la distinction entre cette dernière et la séparation d’avec les proches, ou encore le caractère irréversible et universel du décès. Il s’agit tout simplement de reconnaître la nécessité anthropologique de prendre en charge un être humain de manière différente lorsqu’il est petit.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Quitte à surprendre, j’avoue ne pas comprendre ces échanges. D’abord, toutes les situations n’ont pas à être mentionnées dans la loi, au risque de la rendre illisible. Ensuite, tel qu’il est rédigé, l’article 1er concerne tout le monde, y compris les enfants et les personnes en situation de handicap atteintes de maladies incurables. Si le handicap n’est pas une maladie mais la conséquence d’un état, les personnes en situation de handicap peuvent développer des maladies incurables nécessitant des soins palliatifs. Nous devons travailler à améliorer leur accueil dans les hôpitaux et les USP. Je sais que Mme la ministre connaît le sujet. Mais je ne vois pas du tout l’intérêt de mentionner leur situation spécifique dans cet article qui s’adresse à tous.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ce type d’amendement témoigne de carences exprimées par des proches de malades. Tout au long de nos discussions, ces ressentis subjectifs vont alimenter notre réflexion.
J’aimerais rebondir sur la remarque de M. Hetzel. Je serai délibérément provocateur en formulant une observation juridique. Le titre Ier du projet de loi est évidemment consensuel. Pour preuve, nous avons tous applaudi l’amendement CS636 de M. Guedj, qui a eu le mérite de mettre le doigt sur une question juridique, celle de la faute lourde de l’État. Or, si nous sommes obligés de prévoir un titre II consacré à l’aide à mourir, c’est à cause d’une carence de moyens dans le champ du titre Ier : la mission des soins palliatifs n’est pas assurée. L’amendement de M. Guedj permet justement de préciser les manquements de l’État dans la mise en œuvre d’une véritable politique de santé publique en matière de soins palliatifs. Reprenons l’avis du Conseil d’État : « L’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. » Or, les amendements dont nous débattons illustrent ces fameuses insuffisances.
M. Gilles Le Gendre (RE). Nul ne conteste que les populations vulnérables font déjà l’objet d’attentions particulières. Nul ne conteste que la stratégie décennale proposée en annexe de ce texte tient compte de cette préoccupation. Nul ne conteste l’idée que la loi que nous construisons ne doit pas être inutilement bavarde. Néanmoins, le titre Ier consiste en une remise à plat exhaustive des conditions d’administration des soins palliatifs, afin de les renforcer et de les améliorer autant que possible. Pour que ce texte soit accepté par l’ensemble de la population, il ne faut négliger aucun aspect. Ce qui va sans dire va mieux en le disant : je voterai donc l’amendement de Mme Rilhac car nous devons penser à ces populations.
M. Nicolas Turquois (Dem). Le fondement profond de mon engagement politique étant la modération, j’ai été choqué par l’intervention de M. de Lépinau. Sur un tel sujet, nous pouvons avoir des convictions mais pas des certitudes, pour reprendre les mots de notre rapporteur. Aussi devons-nous faire preuve de pondération dans notre expression. Dire que le titre II témoigne d’une faute grave de l’État en matière d’accès aux soins palliatifs, c’est une provocation que je ne saurais supporter et que je condamne. Ce n’est pas à la hauteur de ce que les Français attendent de nous.
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement CS929 nous invite à porter une attention particulière aux mineurs et aux personnes en situation de handicap. C’est évidemment intéressant, mais d’autres catégories de personnes nécessitent aussi des soins spécifiques, notamment les patients âgés. Sur le plan médical et même holistique, ceux-ci appellent une prise en charge particulière, d’où l’invention de la gériatrie. Si nous commençons à créer des sous-catégories, aussi légitimes soient-elles, nous en oublierons. C’est pourquoi je voterai contre cet amendement.
M. Didier Martin, rapporteur. Le centre hospitalier universitaire de ma ville comporte une unité de soins palliatifs efficace, qui travaille en bonne harmonie avec l’ensemble des services médicaux et chirurgicaux. Pourtant, deux personnes sont allées en Suisse obtenir une aide active à mourir, et elles ont d’ailleurs fait l’objet de reportages dans la presse. Il est donc faux de dire que c’est la carence en soins palliatifs qui conduit à l’aide active à mourir.
Pour en revenir à l’amendement de Mme Rilhac, la stratégie décennale contient des objectifs spécifiques concernant les enfants, les migrants, les détenus et toutes les personnes en situation de vulnérabilité. Nous pourrions les inclure dans la loi mais, comme l’a expliqué Mme Darrieussecq, il vaut mieux adopter un texte général qui englobe tous nos concitoyens.
Mme la ministre. Depuis le début l’après-midi, nous faisons un constat : les soins palliatifs doivent être améliorés dans tout le pays. En adoptant l’amendement CS636, vous avez d’ailleurs affirmé la nécessité d’équiper le pays en USP, ce qui concerne les adultes comme les enfants. Si nous devons équiper tout le pays rapidement, je ne suis pas sûre que nous ayons les moyens de bâtir en même temps des filières d’excellence. Prenons les choses dans l’ordre pour répondre correctement aux besoins !
J’ai été interpellée sur la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Dans un souci de modération, je répondrai par cette question : qu’avons-nous fait collectivement de cette loi ?
Pour ce qui est des mineurs, je souligne qu’ils sont exclus de l’aide à mourir prévue par ce texte. Il est important de le préciser car il ne faut pas laisser entendre des choses qui n’existent pas.
Le Conseil d’État indique en effet que « l’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs ». Cela étant, il faut entendre et respecter certaines demandes spécifiques de nos concitoyens. Que prévoit le texte ? Quand une personne demande à bénéficier de l’aide à mourir, on lui propose d’abord des soins palliatifs, qu’elle n’est pas obligée d’accepter. Comme vous, j’ai fait des immersions dans des USP, où l’on m’a expliqué que de nombreuses personnes changeaient d’avis lorsqu’elles y étaient prises en charge. Nous aurons l’occasion d’y revenir quand nous parlerons des directives anticipées. Nous devons néanmoins entendre celles qui persistent à souhaiter une aide à mourir. Tel est le sens de ce texte.
S’agissant enfin de l’amendement CS929, je le considère satisfait par l’évolution des soins palliatifs pédiatriques dans chaque région.
M. le rapporteur général. Notre travail de législateur sur ce texte repose sur le respect de la volonté libre et éclairée du malade. Faut-il rappeler qu’en 2002, nos prédécesseurs dans cette fonction, soucieux de donner à nos concitoyens le droit de ne pas souffrir et de ne pas subir d’acharnement thérapeutique, ont permis à un malade de refuser tout traitement, au risque de sa propre vie ?
Je m’inscris en faux contre les propos de M. de Lépinau. Il est vrai que les soins palliatifs doivent être la réponse primordiale et l’aide à mourir un recours, mais l’une de ces options ne dépend pas de l’autre et le respect de la volonté du malade interdit de rendre obligatoire l’orientation vers les soins palliatifs, dont certains malades ne voudront pas. Militant des soins palliatifs et partisan de l’aide à mourir, je pense les deux foncièrement complémentaires.
La commission rejette l’amendement.
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3. Réunion du lundi 13 mai 2024 à 21 heures 15 (article 1er [suite] à après l’article 1er)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([4]).
Article 1er (suite) : Définition des soins d’accompagnement
Amendement CS1365 de Mme Emeline K/Bidi
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement vise à préciser ce que recouvre « le respect de la volonté de la personne » en inscrivant explicitement à l’alinéa 7 la référence à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, qui reconnaît à toute personne « le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement ». Il s’agit d’un amendement d’appel pour connaître l’intention du texte et l’idée que vous poursuivez.
M. Didier Martin, rapporteur. Cette précision est inutile car l’article L. 1111-4 du code de la santé publique s’applique. Il n’y a aucune intention cachée.
Avis défavorable.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Vous proposez d’ajouter à la définition des soins d’accompagnement une référence à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, pour préciser ce que recouvre la notion de « respect de la volonté de la personne ». Nous estimons que la personne est maîtresse de son destin : elle peut accepter ou refuser un traitement à tous les stades de la procédure, visés par les titres Ier et II. Votre amendement est satisfait.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ayant obtenu la confirmation que je souhaitais, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1274 de Mme Bérangère Couillard
Mme Bérangère Couillard (RE). L’amendement a pour objet de compléter l’alinéa 7 par les mots « en fonction de l’évolution de la situation et des aspirations du patient ». Il est important de préciser que les soins d’accompagnement proposés au patient sont renouvelés et réadaptés dès que l’évolution de sa situation le requiert ou que ce dernier le souhaite, eu égard à ses aspirations et à ses souhaits.
M. Didier Martin, rapporteur. L’alinéa 7 réaffirme le respect de la volonté de la personne et indique que les soins d’accompagnement « anticipent, évaluent et procurent » une réponse aux besoins « dès le début de la maladie puis de façon renouvelée ». Sa rédaction satisfait donc l’amendement. Je vous propose donc de le retirer.
Mme la ministre. Je partage votre point de vue : les soins d’accompagnement nécessitent une approche individualisée, évolutive dans le temps pour satisfaire au mieux les besoins des patients. Si les notions de respect de la volonté de la personne et d’évaluation renouvelée sont bien présentes dans la définition des soins d’accompagnement, posée à l’article 1er, votre amendement renforce la place du patient. C’est pourquoi je lui donne un avis de sagesse.
M. Thibault Bazin (LR). J’espère que vous continuerez de donner un avis de sagesse aux amendements tendant à modifier les dispositions sur le plan personnalisé d’accompagnement dès l’annonce du diagnostic. Plusieurs soignants mettent en garde sur la nécessité d’attendre pour établir ce plan, notamment pour connaître comment le corps du patient réagit aux traitements. L’« évolution de la situation » doit être prise en compte aussi à ce moment.
M. Philippe Juvin (LR). Il faut préciser ce que signifient les mots « dès le début de la maladie ». Il ne sert à rien de proposer un plan d’accompagnement à toutes les personnes diagnostiquées d’un cancer, qui seront heureusement très nombreuses à guérir – pour un cancer de la prostate ou du sein, le taux de survie à cinq ans est de 93 % et 88 % respectivement, et le taux de guérison augmente.
M. Didier Martin, rapporteur. L’évolution des cancers est émaillée d’effets secondaires dus au traitement et à la maladie, souvent tus par pudeur. Les soins d’accompagnement visent à évaluer ces complications, à les anticiper et à accompagner les patients, dont beaucoup survivront, pour leur permettre de mieux surmonter les handicaps risquant de jalonner l’évolution de la maladie.
Mme la ministre. Il convient de souligner le caractère évolutif de l’accompagnement : si le patient va mieux – c’est la meilleure chose que l’on peut espérer –, le plan d’accompagnement s’arrête. On ne peut pas refuser d’accompagner une personne dès le diagnostic sous le prétexte que celle-ci guérira. L’idée est d’accompagner en fonction de l’évolution de la pathologie du patient.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1913 de M. Didier Martin
M. Didier Martin, rapporteur. Amendement rédactionnel.
Mme la ministre. Favorable.
M. Philippe Juvin (LR). À l’annonce d’une maladie cancéreuse, les oncologues, les radiothérapeutes, les chimiothérapeutes ou les chirurgiens ne font rien d’autre que prévoir un plan de soins. Le projet de loi n’apporte rien car les patients sont déjà bien pris en charge, en France.
Mme la ministre. Vous disiez cet après-midi que nous n’en faisons pas assez et que certains territoires n’ont pas accès à l’accompagnement ; à présent, vous dites que nous en faisons trop. Il faut trouver un équilibre par des soins d’accompagnement qui satisfont les attentes des patients. Ce sont des potentialités de réponse, sans aucune obligation. L’idée est d’équiper notre pays et que chaque patient puisse être accompagné selon ses besoins, en fonction de l’évolution de sa maladie, ni plus, ni moins.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1599 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement de précision tend à considérer les besoins psychologiques et sociaux d’un patient, au-delà de ses besoins physiques. Compte tenu de la place importante des familles dans l’accompagnement de la fin de vie, il est indispensable d’évoquer les besoins « familiaux ».
M. Didier Martin, rapporteur. L’alinéa 10 satisfait cet amendement puisqu’il évoque « l’entourage de la personne malade ».
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS961 de Mme Mireille Clapot et amendements identiques CS851 de M. Julien Odoul et CS1637 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
Mme Mireille Clapot (RE). Dans cette période si particulière qu’est la fin de vie, une personne peut ressentir le besoin d’échanger sur le sens de la vie, son bilan personnel, la perspective de la mort ou ses interrogations sur l’après. Dans sa définition des soins palliatifs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) inclut ces besoins spirituels, qui ne doivent pas être laissés à l’exclusivité des religions et des clercs. C’est pourquoi il convient de compléter l’alinéa 8 par les mots : « Les besoins spirituels sont à considérer pour les croyants et les non‑croyants ». Les mouvements sectaires ou susceptibles d’exercer une emprise seront exclus.
M. Christophe Bentz (RN). Par l’amendement CS851, nous estimons que l’accompagnement et le respect de la personne supposent de prendre en compte l’ensemble de ses besoins, dont le besoin spirituel, qui va au‑delà de la religion de chacun.
Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement vise à s’aligner sur la définition de l’OMS, selon laquelle les soins palliatifs doivent non seulement prendre en compte les symptômes physiques et psychosociaux mais aussi satisfaire les besoins spirituels des patients, pour les croyants et les non-croyants. Chacun sait à quel point ces besoins prennent de l’importance dans les derniers moments de la vie. Il s’agit d’enrichir les soins prodigués et de lever certaines des interrogations dont nous avons débattu cet après-midi.
M. Didier Martin, rapporteur. L’alinéa 6 prévoit « une prise en charge globale de la personne malade », ce qui inclut la dimension spirituelle. Néanmoins, j’émettrai un avis de sagesse sur les amendements.
Mme la ministre. Au-delà du champ médical, vos amendements visent à répondre aux besoins plus larges du patient, notamment sur le plan psychique ou social. La volonté du Gouvernement est de satisfaire les besoins des personnes, dans une acception large. Il ne me paraît pas utile d’ajouter que les besoins spirituels doivent être considérés « pour les croyants et les non-croyants » car cela pourrait conduire à de nombreuses divergences d’interprétation et ne modifierait en rien la portée de la loi.
C’est la raison pour laquelle je suggère à Mme Clapot de retirer son amendement au profit de celui, plus large, de Mme Vidal, auquel je donne un avis de sagesse.
M. Hervé de Lépinau (RN). La commission spéciale a auditionné les représentants des grandes religions. Il est recevable d’intégrer au texte cette dimension verticale, reconnue, d’autant que des représentants des grandes religions figurent parmi les personnes qui visitent les malades. L’amendement CS851 est donc pleinement justifié.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). J’évoque depuis 2017 les quatorze besoins fondamentaux de Virginia Henderson : le onzième consiste à agir selon les croyances et les valeurs d’un sujet autonome, découragé, qui exprime sa colère et son angoisse, éprouve un sentiment de vide spirituel et demande une assistance en la matière. Cela fait partie des obligations que satisfont tous les personnels des établissements de santé : elles sont inhérentes à leur formation.
Les amendements sont donc satisfaits : les voter ne fera que renforcer le sentiment d’une loi bavarde. Il faut faire confiance à nos établissements de santé et à nos soignants.
Mme Annie Genevard (LR). L’alinéa 6 évoque une « prise en charge globale de la personne malade ». Si on détaille les besoins physiques, psychologiques et sociaux à l’alinéa 8, on ne peut pas s’opposer à l’ajout de la dimension spirituelle de l’accompagnement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS447 de M. Yannick Neuder
M. Yannick Neuder (LR). Dans le droit-fil d’un amendement précédent, celui‑ci vise à modifier l’alinéa 9 pour préciser que les soins palliatifs sont « accessibles sur l’ensemble du territoire national ». Sept Français sur dix n’ont pas accès aux soins palliatifs auxquels ils ont droit alors que le fait d’en bénéficier peut modifier l’attitude d’une personne à l’égard d’une aide active à mourir.
M. Didier Martin, rapporteur. S’il s’agit d’une redite, l’amendement est satisfait. Je vous propose de le retirer.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1057 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le présent amendement a pour objet de préciser que les soins d’accompagnement « s’organisent territorialement autour d’une convention dans le cadre d’une charte nationale dont le contenu est fixé par décret. » Il s’agit de renforcer la visibilité de la stratégie décennale du Gouvernement pour le développement de ces soins et de donner au Parlement la possibilité de l’analyser et de l’évaluer.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous avez raison de souligner que le projet de loi inclut les notions de charte nationale ainsi que de gouvernance. Votre amendement est satisfait ; je vous propose de le retirer.
Mme la ministre. Il est naturellement nécessaire de renforcer l’organisation territoriale des soins d’accompagnement pour les rendre plus accessibles, en tout point du territoire. C’est le sens de la stratégie décennale, dont la vingtième mesure prévoit une charte nationale, qui servira de base aux agences régionales de santé pour établir l’organisation territoriale des soins d’accompagnement, en lien avec les collectivités territoriales et l’ensemble des parties prenantes. Des textes réglementaires détermineront le contenu de cette charte, qui sera ensuite adaptée à chacun des territoires.
L’amendement est satisfait ; c’est la raison pour laquelle j’en demande le rejet.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS575 de Mme Christine Loir, CS908 de M. Philippe Juvin et CS990 de M. Thibault Bazin
Mme Christine Loir (RN). Mon amendement vise à préciser que l’accompagnement, qui a vocation à être débuté à domicile, mobilise de nombreux professionnels de santé, dont des acteurs de santé de proximité comme le service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et des infirmiers diplômés d’État (IDE). Il s’agit de répondre à la volonté des Français d’être accompagnés aussi longtemps que possible à leur domicile.
M. Philippe Juvin (LR). Lorsque les soins d’accompagnement sont assurés à domicile, des acteurs de santé de proximité peuvent être mobilisés. Si le patient le souhaite, son médecin traitant, l’infirmière qui le connaît ou le pharmacien référent peuvent faire partie de l’équipe qui le prend en charge.
M. Thibault Bazin (LR). Si l’on veut réussir le virage domiciliaire attendu, en plus des équipes de soins mobiles, des unités de soins palliatifs, des maisons d’accompagnement qui restent à définir ou des établissements, il faudra mobiliser tous les acteurs du soin à domicile, dans leur diversité. Ceux-ci ne sont pas organisés de la même manière selon les territoires : services autonomie à domicile, Ssiad, hospitalisation à domicile ou IDE doivent être associées à ce parcours.
M. Didier Martin, rapporteur. Ces amendements identiques correspondent pleinement à l’esprit du texte : l’alinéa 11 mentionne l’« équipe pluridisciplinaire » et l’alinéa 12, de recevoir les soins « sous forme ambulatoire ou à domicile ».
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. Nous avons évoqué cet après-midi la stratégie décennale, notamment le nombre de places supplémentaires et les financements sur dix ans. Les « acteurs de santé de proximité » que vous citez ne font pas l’objet d’une définition juridique précise. Il n’est pas opportun de les opposer aux professionnels de santé, qui seront tous impliqués dans la délivrance des soins d’accompagnement. Pour cette raison, je suis défavorable aux amendements.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1711 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). Le présent amendement vise à remplacer le terme « prodigués » par « garantis » à l’alinéa 11 afin de renforcer l’idée que les patients ont droit à ces soins. On sait qu’à l’heure actuelle, ceux-ci ne sont pas garantis en France.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous dites que les besoins estimés de soins palliatifs ne sont couverts qu’à hauteur de 50 %. Selon le Conseil d’État, la plupart des mesures nécessaires ne relèvent pas du domaine de la loi. Par conséquent, il n’est pas surprenant de ne pas retrouver l’intégralité de ces mesures dans le projet de loi.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Thibault Bazin (LR). Dans la loi, on fixe tout de même des objectifs. Les « soins d’accompagnement » ne sont pas plus définis que les « acteurs de santé de proximité » : ils ne figurent pas dans la sémantique de l’OMS. Les soins palliatifs à domicile constituent un des défis à relever. Or le domicile n’apparaît pas dans les premiers articles. Le maillage en unités est en outre insatisfaisant et les équipes de soins mobiles manquent. Il est question de rebaptiser les soins palliatifs en « soins d’accompagnement », qui comprendront l’hospitalisation à domicile, mais tous les Ssiad proposeront-ils des soins palliatifs ?
M. Patrick Hetzel (LR). En décembre, dans l’hémicycle, nous avons souligné à l’unanimité l’importance d’apporter des garanties en matière de soins palliatifs. L’amendement que le groupe Les Républicains a déposé à cette fin est de nature à rassurer et à prendre pleinement en considération les attentes des patients. Je ne vois pas pourquoi vous vous y opposez alors que vous convenez que des garanties sont nécessaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS984 de M. Raphaël Gérard
M. Jean-François Rousset (RE). La mission d’information sur l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a relevé que la procédure longue et complexe de suspension de peine, qui peut être ordonnée pour les condamnés atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital, n’est pas toujours appliquée. La prise en charge palliative des personnes incarcérées est majoritairement réalisée sous écrous – les unités hospitalières sécurisées interrégionales, dont bénéficient certains détenus, ne garantissent pas une prise en charge palliative suffisante.
L’amendement vise à réaffirmer le droit inconditionnel de toute personne malade, y compris lorsqu’elle est détenue dans un établissement pénitentiaire, de bénéficier de soins d’accompagnement. Il y va du respect de la dignité humaine et du principe d’équivalence des soins en milieu carcéral. Nous invitons les ministères concernés à se saisir de la question dans le cadre de l’élaboration de la future feuille de route relative à la santé des personnes placées sous main de justice.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous souhaitez préciser que les soins d’accompagnement sont prodigués en milieu carcéral. Je suis très attaché à ce que ces soins puissent bénéficier à toutes et à tous. L’article L. 1110-9 du code de la santé publique résultant de l’alinéa 4 du projet de loi, selon lequel « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement », ne fixe aucune restriction quant aux populations couvertes. Dans la mesure où il existe des unités spécialisées pour prendre en charge les détenus, votre amendement semble satisfait.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. Les unités hospitalières sécurisées interrégionales prennent en effet en charge les détenus. L’amendement est satisfait.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Nous devons en effet nous interroger sur la façon dont l’État peut préserver la dignité des détenus jusqu’au bout. Tous ceux qui visitent des prisons savent combien l’accès aux soins des détenus est un sacré défi. S’agissant du droit à mourir dignement, la loi ne permet pas de répondre à toutes les situations. Les unités hospitalières sécurisées interrégionales ne correspondent pas à l’idée que l’on se fait d’une mort digne en prison. C’est pourquoi il faut créer de nouveaux leviers. Les détenus doivent pouvoir être accompagnés avant d’aller en soins palliatifs. Il faut garantir une présence dans les lieux de détention afin de protéger la dignité des détenus, grâce à des soins d’accompagnement ponctuels ou continus. Je voterai pour cet amendement.
M. Philippe Juvin (LR). Il faut absolument soutenir cet amendement, qui met l’accent sur une partie oubliée de la prise en charge de santé. Quiconque a visité une prison comprend que la population y vieillit aussi, y est malade et globalement mal prise en charge, dans des conditions qui nous effraieraient tous. Les dispositions du titre II s’appliqueront-elles en milieu carcéral, madame la ministre ?
M. Hervé de Lépinau (RN). Le code de procédure pénale permet de traiter une partie du problème. En détention provisoire, il est possible de demander un élargissement pour raisons de santé et d’être soigné à l’extérieur de la prison. En règle générale, les chambres de l’instruction accèdent à cette demande.
Si vous purgez une peine, vous avez la possibilité de saisir le juge d’application des peines. Dès lors que votre état de santé est incompatible avec la détention, vous pouvez également avoir accès à un élargissement et être pris en charge dans un centre hospitalier.
Le problème serait plutôt le manque de centres hospitaliers pénitentiaires, dont le maillage territorial est notoirement insuffisant. Cela relève du ministère de la justice, dans le cadre de la gestion des lieux de détention.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Nous pourrions travailler pour la séance sur un amendement plus large englobant l’ensemble des lieux de privation de liberté, où, de façon générale, l’accès aux soins est compromis.
M. Didier Martin, rapporteur. Je partage, en partie, ce qui vient d’être dit. Les soins d’accompagnement sont absolument nécessaires pour tous et toutes, quelle que soit la situation. Il y a des possibilités d’hospitalisation sous surveillance, ainsi que, comme cela a été rappelé, des possibilités d’élargissement lorsque la maladie est évoluée. Heureusement, je crois que très peu de détenus décèdent de maladie en prison.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS317 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et CS448 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS317 vise à garantir l’égalité d’accès aux soins palliatifs, quels que soient le lieu de résidence et la nature des soins souhaités.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable. Cette équité territoriale a été prévue dans la stratégie décennale.
Mme la ministre. Les amendements identiques CS446 et CS1112 adoptés cet après-midi satisfont vos demandes.
Les amendements sont successivement retirés.
Amendements identiques CS486 de M. Yannick Neuder et CS741 de M. Laurent Panifous
M. Yannick Neuder (LR). Mon amendement vise à mentionner la participation des bénévoles dans les soins d’accompagnement de support ou de confort, comme la musicothérapie, les massages, les soins socio-esthétiques ou la nutrition. Les bénévoles font un travail important auprès des patients et des résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
M. Charles de Courson (LIOT). Le texte ne parle pas suffisamment des bénévoles et des associations de bénévoles qui interviennent pour accompagner des personnes malades et en fin de vie. L’amendement CS741 rappelle que l’on peut s’appuyer sur ces bénévoles, qui sont mentionnés à l’article L. 1110-11. Il serait d’ailleurs intéressant qu’ils bénéficient d’une formation adéquate et que l’on puisse labelliser des associations pour leur permettre d’accéder aux structures, y compris aux maisons d’accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). On connaît en effet beaucoup de bénévoles engagés auprès des malades en fin de vie – je pense notamment à l’association Jusqu’à la mort accompagner la vie – Jalmalv – ou à d’autres qui font un travail considérable, notamment sur les soins de support. Je suis parfaitement d’accord avec l’esprit de ces amendements. Néanmoins, il faudrait s’assurer que, dans ce moment si délicat, n’importe qui ne puisse pas intervenir au chevet des malades. À mon sens, il conviendrait de prévoir un minimum d’encadrement. Dans ma région, l’agence régionale de santé (ARS) est partie prenante dans le contrôle des associations de soins de support.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS1380 de Mme Elsa Faucillon
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Après avoir débattu, nous sommes convenus que les soins d’accompagnement englobaient les soins palliatifs, lesquels sont destinés à soulager la douleur et à apaiser la souffrance psychique. Le texte prévoit que les soins d’accompagnement sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire. Nous proposons que les structures spécialisées dans le traitement de la douleur chronique, labellisées par les ARS, soient associées à l’accompagnement des malades. Situées pour 75 % d’entre elles dans des établissements publics, elles nécessitent d’être mieux reconnues et confortées dans leur déploiement.
M. Didier Martin, rapporteur. La mesure numéro 6 de la stratégie décennale prévoit de créer des structures « douleur chronique », des lieux essentiels d’évaluation des problématiques du patient et d’organisation de son parcours de soins – 274 sont ouvertes aujourd’hui. Votre proposition semble satisfaite.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Ces services qui luttent contre la douleur sont évidemment importants. Aujourd’hui, il faut plus de six mois pour obtenir un rendez‑vous avec un algologue. Cela règlerait beaucoup de problèmes de faire de l’algologie une spécialité. La technique pour calmer les douleurs progresse. Mais je ne vois pas comment on peut définir une équipe pluridisciplinaire dans cette loi. Elle sera composée en fonction de la pathologie du patient. Tout le monde n’a pas forcément des douleurs. Mais il ne faudra pas oublier le médecin traitant, qui connaît le patient depuis longtemps.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il ne s’agit pas de fixer une liste exhaustive mais d’intégrer ces centres au dispositif. Le délai pour y obtenir un rendez-vous est exorbitant, ce qui est insupportable quand on souffre. Il faut vraiment travailler sur ce sujet.
M. Yannick Neuder (LR). La place faite au médecin traitant dans le texte pose question. Je ne sais pas si c’est rendre service au patient et à son médecin traitant d’intégrer ce dernier dans une liste de structures pluriprofessionnelles. En revanche, il faudra qu’il puisse prendre part à la décision collégiale.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Exception faite des cas de maladie fulgurante, nous parlons là de personnes en fin de vie, atteintes de douleurs chroniques depuis plusieurs années. On peut donc supposer qu’elles sont suivies par des structures spécialisées dans le traitement de la douleur, lesquelles demanderont à faire partie de l’équipe qui accompagnera la fin de vie du patient dans un autre service.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1675 de Mme Sophie Errante
Mme Sophie Errante (RE). L’amendement vise à inscrire après l’alinéa 11 qu’« un annuaire des structures de soutien, reconnues d’intérêt général, est fourni au malade et à sa famille dès le début de la prise en charge ». Alors qu’il existe une pléthore de propositions, elles ne sont pas toujours connues et l’on ne sait pas à qui se fier. L’amendement a pour but de permettre à la personne malade d’appréhender le mieux possible son parcours de fin de vie, en portant à sa connaissance les structures qui pourront l’accompagner.
Face à la maladie et au diagnostic de la fin de vie, le malade peut se retrouver isolé. Nombre de structures œuvrent sur notre territoire pour accompagner les malades, jeunes ou moins jeunes, vers la fin de leur vie. Cet amendement permettrait d’inclure, dans les soins de confort du parcours de la fin de vie, la possibilité pour le malade de s’inscrire dans un projet qu’il lui sera possible de transmettre à ses proches, telle que l’écriture de ses mémoires. On m’a fait part de l’exemple d’une jeune femme, décédée à 37 ans d’un cancer, qui a laissé ses mémoires. Elle a bénéficié d’un accompagnement auprès de personnes formées, ce qui lui a apporté un grand soulagement, parce qu’elle a pu raconter beaucoup de choses qu’elle ne savait pas forcément écrire. Ses parents ont témoigné de l’utilité de garder une telle trace de sa vie.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre proposition a une certaine utilité. Néanmoins, elle semble plutôt relever du domaine réglementaire. Dans le même esprit, l’amendement CS1133 de M. Peytavie me semble intéressant. Nous pourrions travailler ensemble pour élaborer une rédaction plus adaptée.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. L’idée mise en avant par Mme Errante est très intéressante, étant donné qu’il est important que le patient et ses proches soient accompagnés. Les structures et acteurs susceptibles de proposer cet accompagnement seront présentés au patient par les services au moment du diagnostic et de l’accompagnement. Pour ce qui est des annuaires, le premier problème est celui de leur mise à jour. L’amendement de M. Peytavie nous paraît plus précis.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1133 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement CS1963 de Mme Caroline Fiat
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Un retard important a été pris concernant les directives anticipées, qui ont été peu intégrées par la population. Nous proposons qu’un livret d’information, facile à lire et à comprendre (Falc), sur les droits en matière de fin de vie soit remis à la personne.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Le sous-amendement vise à préciser que ce livret sera accessible aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis favorable à l’amendement sous-amendé.
Mme la ministre. Même avis.
M. Philippe Juvin (LR). Je suis persuadé que cette proposition part d’une très bonne intention : que l’information aille à la personne qui en a besoin. Mais nous sommes en train de décider que, dès l’annonce de la maladie, un livret sera remis à quelqu’un qui va potentiellement guérir. On guérit d’un cancer du sein localisé, après que la tumeur a été retirée et quelques séances de radiothérapie. Vous allez dire à des gens à qui on annonce un cancer : « Tenez, un livret pour votre fin de vie ! » Aimeriez-vous que l’on vous diagnostique un cancer guérissable et que l’on vous parle aussitôt de votre fin de vie ? Le taux de survie à cinq ans des cancers du sein, tous stades confondus, est de 87 %.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il s’agit seulement pour le médecin de donner un livret. Il pourra d’ailleurs préciser que c’est la loi qui le lui demande et se défausser sur nous s’il n’assume pas le fait qu’il est important que les patients le lisent. Cela permettra de rassurer bien des gens, qui ne savent pas du tout ce qui va se passer pour eux si leur situation se dégrade.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Juvin, même s’il y a un taux de guérison de 85 %, on ne se rend pas compte de ce que le patient se prend dans la figure. Le doctus cum libro est dans la tête de chacun. C’est l’effondrement de tous les repères et de toutes les balises. Il est important de savoir qu’il existe au bout du chemin des protocoles, qui s’appliqueront ou non. Le principe d’égalité concerne aussi l’information.
Mme Annie Genevard (LR). Il s’agit d’informer le malade sur ses « droits en matière de fin de vie ». De quels droits parlons-nous ? Du droit à accéder aux soins palliatifs ? À l’euthanasie ? Par ailleurs, comment donner de l’espoir au malade, en lui parlant de sa fin de vie, dès l’annonce de la maladie ? Dans quel monde vivez-vous ? Les malades se battent contre la maladie, parce qu’ils ont l’espoir de la vaincre. Si vous leur parlez tout de suite de l’issue fatale, comment voulez-vous susciter en eux le désir de se battre ? Cela me paraît pourtant relever du bon sens.
M. Yannick Neuder (LR). Si chaque patient doit avoir une information concernant sa maladie, je crois qu’il faut faire confiance à nos professionnels de santé, médicaux et paramédicaux. À un patient, dont vous savez que le pronostic naturel va être bon, il paraît hors de propos de donner un document sur la fin de vie, sauf si le patient le demande. Mais est-ce le rôle du législateur de dire à des professionnels de santé quand donner ce livret ? Faisons-leur confiance.
M. Thibault Bazin (LR). Les soignants nous font part d’un effet de sidération très important au moment de l’annonce de la maladie. Le patient n’est pas toujours capable de recevoir tous les éléments qui lui sont présentés. Il est important, à mon sens, de s’adapter à la personne. Parfois, elle est accompagnée par un proche qui est, lui, davantage capable d’entendre ce qui est dit. Je ne suis pas sûr qu’il soit opportun d’obliger à transmettre ce document dès le rendez-vous d’annonce de la maladie. Mieux vaut le faire pas à pas, en fonction du ressenti des professionnels avec le patient.
M. Patrick Hetzel (LR). Je suis un peu étonné par cette proposition. Dans ma circonscription, une association de bénévoles organise tous les ans un week-end de manifestations, « Une Rose Un Espoir », pour créer une dynamique positive de soutien aux malades. Votre dispositif casse l’espoir, alors que l’on sait que la dimension psychologique joue un rôle important dans l’évolution de la maladie.
M. Nicolas Turquois (Dem). S’il est important de donner des informations, le moment a aussi son importance. C’est aux professionnels de santé d’évaluer celui qui sera le plus approprié. La dimension psychologique peut être fondamentale dans la guérison. Remettre systématiquement cette information au premier rendez-vous peut poser problème.
Mme Michèle Peyron (RE). Un patient se voit poser un diagnostic d’amylose cardiaque par une cardiologue territoriale. Rendez-vous est pris à l’hôpital Henri-Mondor avec le spécialiste européen de la maladie, le professeur Damy. Celui-ci dit à mon père, assis à côté de moi : « Monsieur Peyron, seul votre cœur est touché, mais ça ne va pas être facile. On ne connaît cette maladie que depuis quinze ans » – c’était il y a cinq ans. « Auparavant, des hommes de plus de 70 ans décédaient d’un arrêt cardiaque sans que la cause ne soit connue. À 90 %, c’était à cause d’une amylose. » Ce jour-là, mon père a demandé pour combien de temps il en avait. Un médicament existait aux États-Unis. Grâce à ce traitement, il aurait un peu plus de temps à vivre mais, à un moment donné, son organisme ne le tolérerait plus et il devrait partir. Mon père, qui n’avait jamais été malade de sa vie, a été soulagé par cette réponse. Effectivement, cela dépend des personnes, mais il faut, quand la personne ne le demande pas, que le médecin le dise avec des mots choisis.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Ces amendements posent avant tout la question de l’accessibilité des documents, qui est un vrai défi. Le Falc permet à tous de mieux comprendre : les gens doivent pouvoir s’y retrouver. Rendre accessibles tous les documents, ainsi que les sites des ministères est une obligation. Cela devrait être fait pour 2026, si ma mémoire est bonne.
Quant à remettre un livret lors d’une première consultation, la loi n’est pas faite pour écrire cela ! Pouvons-nous laisser les professionnels de santé et les équipes qui s’occupent du patient juger du meilleur moment pour transmettre les documents ?
M. Thierry Frappé (RN). Prenons le cas d’une personne à qui l’on annonce qu’elle est atteinte d’une maladie incurable, mais soignable. Elle sera prise en charge de façon pluridisciplinaire et son cas fera l’objet d’une réunion de concertation, dont les conclusions seront communiquées au médecin traitant. Or ce dernier, qui connaît son patient, me semble le mieux placé pour juger du moment où le livret d’information peut lui être délivré, en concertation avec l’équipe disciplinaire. Prévoir la remise d’une documentation relative à la fin de vie dès l’annonce du diagnostic, alors même que de nombreux cancers peuvent être guéris, ne serait pas une bonne chose.
M. David Valence (RE). Depuis le début de nos débats, nous évoquons la nécessité de placer le patient au centre du texte – certains membres de cette commission spéciale en semblent d’ailleurs gênés. Si je partage cette idée, j’estime en revanche qu’il n’est pas raisonnable de prétendre graver dans le marbre de la loi ce qui relève du dialogue entre le patient et son médecin. Imposer la remise d’un livret d’information dès le diagnostic posé serait méconnaître la nature de la maladie et de sa prise en charge, qui est avant tout un processus.
M. Jean-François Rousset (RE). La consultation d’annonce est un moment très difficile et intime que partagent le médecin et le patient. Il en est cependant d’autres d’intensité comparable, comme lorsqu’un chirurgien expose à un malade les complications potentielles d’une opération, ce qu’il est tenu de faire sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée.
Il faut certes trouver les mots, et déterminer le moment idéal n’est pas aisé, mais si l’on entend remettre le malade au centre du jeu, ces informations devront de toute façon lui être transmises suffisamment tôt pour éviter qu’il perde confiance en ses soignants, ce qui serait néfaste pour tout le monde à long terme. Ces situations sont difficiles à gérer, mais elles ne sont pas les seules : les oncologues, par exemple, n’annoncent que très difficilement à leurs patients qu’ils sont guéris.
Mme Laurence Cristol (RE). Annoncer à un patient qu’il est atteint d’une pathologie incurable nécessite certes plusieurs consultations pour lui permettre d’intégrer la nouvelle. Mais ce processus permet aussi d’établir un pacte de confiance entre le médecin et le patient, ce qui suppose d’informer ce dernier de la façon la plus claire et la plus exhaustive possible sur la maladie, les traitements possibles ou l’éventualité d’une guérison, même si c’est parfois difficile. Cette transparence est le gage du respect mutuel et de l’entente qui doivent s’instaurer entre le médecin et son soignant. En ce sens, l’amendement de M. Peytavie me semble tout à fait adapté et important.
Mme Annie Vidal (RE). Lorsqu’un médecin annonce à une personne qu’elle est atteinte d’un cancer plus ou moins avancé susceptible d’engager son diagnostic vital, le patient et ses proches, quelle que soit leur capacité de compréhension, sont dans l’incapacité d’assimiler ses explications, parce qu’ils n’entendent qu’un seul mot : cancer. Ce serait exercer une violence envers le patient, déjà sonné par une telle annonce, que de lui remettre à ce moment précis un livret d’information sur la fin de vie. Il sera toujours temps de le faire ultérieurement.
Mme la ministre. À la lumière des différentes interventions, j’ai le sentiment que chacun s’accorde à dire que l’annonce du diagnostic constitue un choc, mais aussi qu’il importe de mettre à disposition des patients un référentiel de prise en charge – intégrant d’ailleurs la possibilité d’enregistrer leurs directives anticipées, qui est mentionnée dans l’amendement mais n’a pas été évoquée par les différents orateurs. Personne ne semble non plus s’opposer à l’élaboration d’un document d’information rédigé selon la méthode Falc, les interrogations portant sur le moment opportun pour le remettre.
Je suggère que nous continuions à travailler sur ce point d’ici à l’examen du texte en séance. Il ne me revient évidemment pas de sous-amender l’amendement, mais peut-être pourrait-on, par exemple, remplacer les mots « droits en matière de fin de vie » par les mots « droits en matière d’accompagnement » : on répondrait ainsi à la volonté d’informer le patient tout en évitant de parler de fin de vie dès l’annonce de la maladie, ce qui pourrait effectivement sembler quelque peu hâtif.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CS1603 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Le Gouvernement a fait le choix très contestable d’héberger dans le même texte le développement des soins palliatifs et d’accompagnement, et l’instauration de l’aide à mourir, alors qu’il s’agit de deux objectifs de natures opposées. Pour assurer la clarté des débats et permettre aux Français de bien comprendre de quoi il retourne, il faut préciser les choses : si les soins d’accompagnement n’incluent ni l’euthanasie ni le suicide assisté, écrivons-le dans le projet de loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Les deux notions figurent certes dans le même texte, mais pas dans le même titre. Nous aborderons l’aide à mourir dans un second temps.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1648 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Vous n’avez pas répondu à notre préoccupation. Par respect pour la représentation nationale et les oppositions, vous nous devez une réponse transparente et sincère : envisagez-vous, à terme, d’inclure l’euthanasie et le suicide assisté dans les soins d’accompagnement ?
M. Didier Martin, rapporteur. Pour être tout à fait clair, transparent et sincère, les termes « suicide assisté » ou « euthanasie » n’apparaissent nullement dans le projet de loi.
Mme la ministre. Les soins d’accompagnement, dont nous débattons dans le cadre de l’examen du titre Ier, ne relèvent pas de l’aide à mourir, qui fait l’objet du titre II : ils sont prodigués bien en amont.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1649 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). De quoi avez-vous peur ? Nous demandons simplement à être rassurés quant au fait que les soins d’accompagnement n’incluront ni le suicide assisté ni l’euthanasie. Vous répondez à côté, en expliquant que ces termes n’apparaissent pas dans le texte. Nous contestons d’ailleurs cet argument, car chacun – Conseil d’État, associations, représentants des cultes, soignants, députés de l’opposition comme de la majorité – s’accorde à dire que l’aide à mourir n’est autre qu’une forme de suicide assisté.
M. Didier Martin, rapporteur. Mme la ministre vient de vous répondre : nous examinons actuellement le titre consacré aux soins d’accompagnement. L’aide à mourir sera abordée dans un titre distinct, aux articles 5 et suivants.
Mme la ministre. J’ai expliqué à l’instant que les soins d’accompagnement ne recouvrent pas l’aide à mourir. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1915 de M. Didier Martin, rapporteur.
Enfin, elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CS1710 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). Il s’agit de garantir aux Français non seulement l’accès aux soins palliatifs, mais aussi la possibilité de les recevoir dans un délai compatible avec leur état de santé. Alors qu’un tiers des lits d’Île-de-France sont fermés, la question est bien celle du caractère effectif de l’accès aux soins.
M. Didier Martin, rapporteur. Vos intentions sont tout à fait louables et nous partageons votre détermination à poursuivre les efforts pour faire des soins d’accompagnement une réalité. Nous avons œuvré en ce sens depuis 2017, consacrant à cette politique publique la somme de 1 453 millions d’euros en 2021, soit une progression de près de 25 %, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2023. Cette action a produit des effets significatifs et permis de renforcer l’offre de soins palliatifs de près de 30 % depuis 2015. La France se place ainsi dans la première moitié du classement des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
La proclamation de nouveaux droits ne me semble pas constituer un gage d’efficacité : seule la politique conduite dans les années à venir permettra de progresser concrètement. Cet amendement, comme les suivants, me semble largement satisfait. Efforçons-nous plutôt d’impulser un changement d’approche et de conforter la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’amendement tendant à garantir l’accès aux soins palliatifs que vous avez adopté cet après-midi me semble satisfaire la demande exprimée. Le projet de loi, que vous jugez insuffisant, s’accompagnera du déploiement de la stratégie décennale, sur laquelle nous avons déjà eu l’occasion d’échanger. Il est vrai que, même si les derniers plans nationaux de développement des soins palliatifs ont permis une augmentation de l’offre, la situation n’est pas totalement satisfaisante pour autant. Il est notamment nécessaire de consacrer davantage de temps à la formation, initiale et continue, de tous les acteurs de la chaîne de soins – médecins, infirmiers, aides-soignants – si nous voulons répondre aux besoins qui ne manqueront pas de croître dans les années à venir, comme l’a souligné la Cour des comptes.
Ce constat est au fondement de la stratégie décennale, qui prévoit d’ouvrir onze unités de soins palliatifs (USP) dès cette année et sera assortie des moyens de contrôle que nous avons évoqués en rappelant les missions confiées aux ARS. L’objectif est bien de développer les soins palliatifs pour garantir à nos concitoyens une prise en charge de proximité sur l’ensemble du territoire. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous assurez partager notre détermination à ouvrir des places en soins palliatifs – bonne nouvelle. À cette fin, vous indiquez déployer depuis 2017 une politique volontariste, dont témoigne la hausse de 25 % des moyens que vous y consacrez – très bonne nouvelle. Vous devriez donc soutenir cet amendement et les trois suivants, dont l’adoption permettrait d’assurer un accès effectif aux soins d’accompagnement.
Ils ont en effet deux vertus. D’abord, si la couleur politique de la majorité venait à changer, les objectifs que vous venez de défendre, parce qu’ils seraient inscrits dans la loi, resteraient valables. Ensuite, nos collègues de la majorité seraient en mesure de gagner leurs arbitrages contre Bercy, puisque la loi imposera à l’exécutif de trouver les centaines de millions d’euros nécessaires au développement des soins palliatifs. Pour toutes ces raisons, ces amendements me semblent servir l’intérêt général et celui des usagers.
M. Thibault Bazin (LR). Nous avons certes adopté l’amendement CS1056 et remplacé, à l’alinéa 6, les mots « mettent en œuvre » par le mot « garantissent ». La portée n’en est toutefois nullement comparable avec celle du CS1710, aux termes duquel la personne malade « se voit garantir, quel que soit son lieu de résidence ou de soins, l’accès aux soins palliatifs [...] dans un délai compatible avec son état de santé ». L’adoption de l’amendement précédent ne satisfait donc nullement notre demande.
Les quatre articles que vous proposez pour renforcer les soins palliatifs sont largement insuffisants. Nous espérons bien les enrichir de dispositions utiles et nous donner les moyens de changer de modèle, en fixant notamment des obligations en la matière.
M. Patrick Hetzel (LR). Il ne vous aura pas échappé que certains professionnels engagés dans les soins palliatifs s’interrogent sur le texte soumis à notre examen. Nous devons envoyer un double message et rassurer à la fois ces professionnels et nos concitoyens en leur faisant savoir, de manière claire, précise et intelligible, que cette question sera enfin prise au sérieux et fera l’objet d’un effort continu. L’inscription des soins palliatifs à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique serait un geste fort en ce sens.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous assurez que l’amendement est satisfait, mais, dans les faits, c’est très loin d’être le cas. Il serait donc utile de réaffirmer dans la loi l’existence d’un droit à l’accès aux soins palliatifs, dont la garantie constituerait un devoir pour la puissance publique. Je soutiens donc la proposition de notre collègue Juvin et je défendrai tout à l’heure un amendement qui, bien que rédigé différemment, s’inscrit dans le même esprit. Si vous voulez réellement garantir ce droit, je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à l’inscrire dans la loi.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous avons adopté cet après-midi un amendement – qui n’était d’ailleurs pas soutenu par le Gouvernement – allant dans le sens de la demande exprimée par notre collègue. Ayant été élu dans un département qui ne compte USP, je crois faire partie de ceux qui réclament l’équité territoriale dans l’accès aux soins avec le plus de force.
Pour autant, ce texte représente un bond en avant considérable et inédit – je note d’ailleurs que ceux qui le jugent insuffisant n’ont pas toujours fait preuve d’un tel niveau d’exigence, y compris entre 2012 et 2017. Au moment où une ambition forte est affirmée et où nous avons adopté un amendement qui garantira la juste répartition des moyens sur le territoire, pourquoi s’engager dans une surenchère sémantique ? Je rappelle que la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti », garantissait déjà l’accès effectif aux soins palliatifs. Je préfère m’assurer que nous mettions de l’argent sur la table, plutôt que d’inscrire dans la loi des objectifs que nous ne sommes pas certains d’atteindre.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS3 de M. Thibault Bazin, CS1385 de M. Pierre Dharréville et CS1709 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Dans le cadre des travaux de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, j’ai été marqué par le constat selon lequel certains hôpitaux sont contraints d’arbitrer entre le maintien de lits en soins palliatifs et la réponse aux urgences, qui impose par exemple de traiter en priorité une personne en détresse vitale à la suite d’un accident de la route. Nous appliquons alors une approche curative qui nous conduit à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour sauver une vie, comme ce fut le cas pendant la crise de la covid.
La même logique pourrait s’appliquer dès lors qu’une personne dont l’état de santé le requiert s’est vue prescrire des soins palliatifs. Je propose ainsi de créer un droit opposable et de permettre aux patients de le faire valoir en engageant un recours devant la juridiction administrative, qui pourrait alors ordonner la prise en charge du patient. Cette inversion du modèle imposerait à tous les acteurs du système de soins, notamment aux ARS, d’assumer leurs responsabilités et de répondre aux besoins en soins palliatifs de manière prioritaire. Qu’il s’agisse de sauver des vies ou de soulager la douleur, la puissance publique doit répondre présent.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Afin de consacrer un droit opposable aux soins palliatifs, mon amendement vise à insérer dans le texte un article ainsi rédigé : « L’accès aux soins palliatifs tels que définis à l’article L. 1110-10 et à un accompagnement est garanti à toute personne malade dont l’état le requiert. Les agences régionales de santé garantissent ce droit sur l’ensemble du territoire. Toute personne malade dont l’état requiert l’accès aux soins palliatifs et à un accompagnement et qui ne peut pas bénéficier de ce droit peut contester l’inégalité de traitement dont elle est l’objet devant la juridiction administrative selon les dispositions de droit commun. »
M. Philippe Juvin (LR). Je soutiens les deux amendements qui viennent d’être défendus, mais je conjure nos collègues de la majorité de prêter attention à la notion de « délai compatible avec l’état de santé du patient ». C’est en effet avoir une perception erronée des services de soins palliatifs que de penser qu’on y entre seulement en fin de vie. Cette vision spécifiquement française trouve son origine dans le faible nombre de lits disponibles, qui conduit bien souvent les patients à ne recevoir ces soins que trop tardivement.
Une étude portant sur des patients atteints d’un cancer pulmonaire métastasé – qui n’étaient donc pas en fin de vie – publiée dans le New England Journal of Medicine a ainsi montré que le groupe ayant bénéficié de soins palliatifs précoces en plus des traitements se caractérisait par une meilleure survie, un moindre recours aux réanimations, une moindre fatigue des aidants et des hospitalisations plus rares.
Il faut donc non seulement garantir l’accès aux soins palliatifs, mais aussi s’assurer qu’ils soient dispensés dans un délai compatible avec l’état de santé des patients, et non en fin de vie comme on l’imagine trop souvent. En l’état, le texte ne le permet pas.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous refusez d’admettre que les soins palliatifs précoces que vous appelez de vos vœux sont en réalité, dans le texte, désignés sous le vocable « soins d’accompagnement ». Si vous faites cet effort, peut-être pourrons-nous avancer plus rapidement.
Au-delà, vos amendements me font songer aux débats sur le droit opposable à la santé : je nous souhaite évidemment à tous la meilleure santé possible, mais qui peut prétendre juridiquement à un droit opposable à la santé ou aux soins palliatifs ? En poussant la logique jusqu’à prévoir des contentieux opposant des patients à l’État, vous promouvez un système qui n’a pas de sens. Si nous voulons faire œuvre utile, il nous faut travailler sur les nombreux déterminants de la santé – qu’ils soient sociaux, sanitaires, ou encore liés au comportement ou à l’environnement – et proposer des soins d’accompagnement adaptés.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’amendement CS1709 prévoit que « le droit de bénéficier de soins palliatifs, tels que mentionnés à l’article L. 1110-10, est garanti à toute personne dont l’état de santé le requiert, dans un délai compatible avec son état de santé et quel que soit son lieu de résidence ou de soin ». Quelle serait l’effectivité d’une telle mesure ? Offrir une réponse précoce au patient suppose de l’accompagner, c’est-à-dire de répondre à son besoin dès l’annonce du diagnostic. C’est pourquoi nous proposons de développer les soins d’accompagnement. Si l’état du patient se dégrade, sa prise en charge évoluera dans un second temps vers les soins palliatifs.
Les professionnels engagés dans ce domaine, comme les adhérents de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, s’ils sont pour certains opposés au titre II du texte, ont fait savoir combien ils approuvaient les évolutions que nous proposons pour accroître l’offre de soins palliatifs. Notre démarche consiste à améliorer l’organisation de ces soins dans le pays par la voie réglementaire, raison pour laquelle le détail de la répartition des lits ne figure pas dans le projet de loi. Vous serez cependant amenés à travailler annuellement sur cette question lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), au cours duquel seront déterminés les moyens à y consacrer.
Si ces amendements étaient adoptés, les intéressés devraient, pour faire valoir ce droit opposable, s’adresser au juge pour protester contre l’absence de places disponibles. Elles obtiendraient ainsi, dans des délais d’ailleurs incertains, une décision de justice condamnant l’État à les indemniser du préjudice subi du fait de sa carence, ce qui ne permettra nullement d’améliorer l’offre de soins palliatifs, contrairement à la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
M. Nicolas Turquois (Dem). À l’instar de ces téléspectateurs qui pensent pouvoir devenir champions du monde depuis leur fauteuil, les auteurs de ces amendements semblent croire qu’il suffit de créer des droits opposables pour régler les situations. C’est porter atteinte à la crédibilité du travail parlementaire, lequel doit aboutir à des mesures de nature à résoudre concrètement les problèmes. Je crains même que la judiciarisation de l’accès aux soins palliatifs ait un effet repoussoir sur certains professionnels et les dissuade de s’engager, de peur de voir leur responsabilité mise en cause.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Cet amendement sécurise le projet de loi en faisant des soins palliatifs un droit opposable. Nous voterons donc en sa faveur car, en coupant l’herbe sous le pied de tous ceux qui nous reprochent d’opposer soins palliatifs et fin de vie, il renforce la crédibilité du texte auprès de ses opposants et surtout auprès de l’opinion, qui s’inquiète.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il n’est pas question d’enclencher une judiciarisation de la santé. Toutefois, si l’on veut agir et non se contenter de belles paroles, il faut aiguillonner l’État par voie de justice. La loi instituant un accompagnement par des soins palliatifs dans tous les départements met à la charge de l’État une obligation de moyens, et non de résultat. Or, plusieurs années après le vote de cette loi, on constate que vingt et un départements en sont dépourvus : l’État est donc fautif car il n’a pas respecté son obligation de moyens. Il me parait donc tout à fait normal de le ramener à ses responsabilités en faisant constater par la justice qu’il a manqué à une obligation légale.
M. Thomas Ménagé (RN). Plus je vous écoute et plus je suis inquiet. Pourquoi refusez-vous d’inscrire dans la loi que l’accès aux soins palliatifs doit être effectif ? Pour ma part, je ne suis disposé à voter ce texte qu’à la condition d’être certain que l’aide à mourir ne sera pas seulement un pis-aller. Il existe certes une stratégie décennale des soins d’accompagnement et des fonds leur seront dédiés, mais l’adoption du PLFSS selon la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution nous met dans l’impossibilité d’agir. Nous avons donc besoin d’être rassurés.
M. Yannick Neuder (LR). Nous sommes très favorables à un développement des soins palliatifs mais comment peut-on envisager une stratégie à dix ans, qui engagera non seulement ce quinquennat mais également les deux suivants, sans l’inscrire dans un texte ? Il faut, pour dépasser le stade de la simple déclaration, afficher une volonté politique et l’assumer. Nous savons bien comment se passe le vote d’un PLFSS et nous n’avons plus confiance : profitez de ce texte pour vous engager, madame la ministre, si vous voulez que l’on vous suive.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Échapper à la douleur ne doit pas être un privilège mais un droit opposable. Certains prétendent que cela n’est pas faisable. Revenons sur la manière dont fonctionne un droit opposable : quand une personne répondant aux critères définis pour l’obtention d’un droit dépose une demande et que celle-ci est validée, l’agence régionale de santé doit lui flécher une place. Si ce n’est pas le cas, la personne peut exercer un recours et, lorsque le préjudice est reconnu, l’État doit l’indemniser. L’objectif est d’obliger l’État, à qui les indemnisations vont coûter très cher, d’ouvrir les places et les postes nécessaires.
Ainsi, en un seul amendement, vous obtenez le droit d’être accompagné et de ne pas souffrir en contraignant l’État à mettre des moyens sur la table. De plus, cela nous permettrait de débattre des moyens de la sécurité sociale, ce qui n’est plus possible puisque nous allons de 49.3 en 49.3 – même si votre réaction, madame la ministre, nous laisse penser qu’il n’y en aura pas cette année ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
M. Philippe Vigier (Dem). Il faut faire en deux ans ce que l’on faisait habituellement en cinq ans. Vingt départements, cela représente 20 % du territoire français ; or il a fallu vingt ans pour faire quatre-vingts départements. L’enjeu est donc très simple : si l’on veut rassurer tout le monde, il faut être capable d’atteindre l’objectif fin 2025. C’est bien beau de brandir un droit ; encore faut-il qu’il soit effectif. Il faut donc passer aux actes pour que tout le territoire soit couvert fin 2025.
Par ailleurs, les modalités de prise en charge – praticiens, soins prodigués, accompagnement – diffèrent selon les établissements dans lesquels on est pris en charge. Nous ne vivons pas dans un monde idéal où les conditions sont les mêmes partout.
Enfin, la judiciarisation de la médecine qui se développe en France, après les États-Unis et d’autres pays, est l’un des facteurs expliquant la baisse des vocations : il faut y faire attention.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Depuis vingt-cinq ans, aucun moyen financier ni humain n’a été alloué aux soins palliatifs. Chacun sait que la loi n’a pas été correctement appliquée et que le budget est insuffisant. Quant aux crédits prévus pour les dix ans à venir, il faut être réaliste : ils ne permettront pas de compenser le manque de médecins et de soignants. Or la moitié des patients en fin de vie doivent recourir à des structures renforcées en moyens et en compétences : c’est la priorité.
Mme Annie Genevard (LR). Ce débat aborde un point clef, pour deux raisons. Tout d’abord, prendre en charge précocement les soins palliatifs, c’est améliorer le pronostic vital ou au moins la fin de vie du patient. La généralisation des soins palliatifs a donc à voir avec l’intérêt fondamental du patient. J’observe au passage, madame la ministre, que vous nous avez dit que les soins d’accompagnement sont ceux que l’on prodigue à un patient que l’on ne peut plus admettre à l’hôpital et qui ne peut pas rentrer chez lui.
Mme la ministre. Non ! C’est la maison d’accompagnement qui est proposée à ces patients.
Mme Annie Genevard (LR). C’est quand même un peu confus.
La seconde raison pour laquelle il faut généraliser les soins palliatifs et les rendre accessibles en tous lieux, c’est parce que quand un malade n’est plus seul et qu’il ne souffre plus, il ne demande plus d’aide active à mourir.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le texte dont nous débattons ouvrira un droit nouveau : l’aide active à mourir. Pour que cette loi soit équilibrée et traite globalement du droit à une fin de vie digne, il faut également reconnaître un droit d’accès aux soins palliatifs. Or cet équilibre fait pour l’instant défaut dans ce texte. Les intentions ne suffisent pas en la matière, particulièrement pour des budgets qui relèvent du PLFSS, dont l’examen est généralement abrégé par le recours au 49.3. Ce droit est impératif pour établir la confiance sur la fin de vie. Je vous invite donc à évoluer dans vos argumentations pour parvenir à un texte équilibré.
La commission adopte l’amendement CS3.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement CS1058 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il s’agit de faire de l’accès effectif aux soins d’accompagnement une priorité dans la stratégie nationale de santé. Dans un tel cadre, les discussions se tiendraient en effet au niveau tant national que territorial, rendant le déploiement des soins d’accompagnement visible et opposable.
M. Didier Martin, rapporteur. Établir une prévision de budget pour les soins et l’accompagnement est un exercice difficile. Toutefois, les chiffres de la Cour des comptes permettent de dessiner une tendance : de 2013 à 2021, le nombre de lits identifiés « soins palliatifs » en France a augmenté de 39,4 % en unités de soins palliatifs, de 10,9 % en unités médico-chirurgicales, de 53,5 % en soins médicaux et de réadaptation et de 50 % en soins palliatifs pédiatriques. Ces chiffres démontrent qu’il y a une progression.
Je ne pense pas, madame Rousseau, qu’il soit nécessaire de rendre un droit opposable en matière de santé. Un système de soins qui s’améliore ne repose pas sur la judiciarisation, mais sur un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) positif et soutenu.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Les chiffres cités par le rapporteur montrent que l’offre de soins d’accompagnement se renforce. Le plan annoncé est soumis à l’annualité budgétaire ; cela étant, il entre en application dès cette année, avant même que le texte ait fini son parcours législatif, afin que nous puissions dès maintenant commencer à équiper le pays.
La loi prévoit déjà que toute personne dont l’état de santé le requiert a le droit d’accéder à des soins d’accompagnement. Le principe sera inscrit à l’article L. 1110-9 du code de la santé publique. L’ajout que vous proposez semble donc superflu, d’autant que l’article que vous entendez modifier énonce des principes de portée générale. Personne ne peut être contre cette déclaration ; en revanche, son effectivité n’est pas évidente. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder (LR). Monsieur le rapporteur, vous nous avez répondu que le budget serait fixé dans le prochain PLFSS au travers de l’Ondam. Or un PLFSS peut se révéler insincère budgétairement et politiquement – celui qui a été adopté en 2024 en est un bel exemple. Si vous ne souhaitez pas inscrire dans la loi l’engagement du Gouvernement pour le financement de la stratégie décennale, à qui enlèverez-vous le milliard correspondant lors des prochains PLFSS ? À l’hôpital, aux Ehpad, à la médecine de ville ? Vous savez très bien que l’Ondam aura du mal à suivre le coût de la vie du fait des mesures budgétaires annoncées pour faire face au mur de la dette.
Le projet de loi que vous nous proposez marche sur deux jambes : le renforcement des soins palliatifs et l’instauration d’une aide active à mourir. Or, concernant le financement de la première jambe, vous prenez un engagement dont nous ne pourrons pas débattre en raison d’un probable recours au 49.3. Nous ne pouvons pas vous signer un chèque en blanc.
Mme la ministre. Le fait de créer un droit ne génère pas automatiquement un budget pour le financer. L’Ondam croît de 3 à 4 % par an : voilà la réalité. L’effectivité de ce droit sera assurée par la mise en place d’une instance de gouvernance et d’évaluation, prévue par la mesure 30 de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, et par la gestion par les équipes des ARS dans les territoires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS991 de Mme Frédérique Meunier
Mme Frédérique Meunier (LR). Il s’agit de garantir l’égalité d’accès aux soins palliatifs et aux soins d’accompagnement à l’ensemble de la population, en métropole comme dans les territoires ultramarins.
M. Didier Martin, rapporteur. Personne ne peut être contre l’égalité. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CS2 de M. Thibault Bazin est retiré.
Amendements CS1 de M. Thibault Bazin, CS634 de M. Jérôme Guedj et CS1054 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre, vous avez indiqué que le rôle du Parlement était de voter le budget et qu’il lui incomberait chaque année de financer la stratégie décennale. Je vous rappelle toutefois que, lors de l’examen du PLFSS 2024, j’avais déposé plusieurs amendements finançant des mesures qui se trouvent dans le plan cette année ; or ils n’ont pas été retenus par le Gouvernement dans le texte soumis en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Ma crainte est que les soins palliatifs servent de variable d’ajustement. Quand les moyens manquent, les premiers lits à fermer sont ceux des USP. Cela m’avait vraiment marqué quand nous avions fait l’évaluation de la loi actuelle. Il me semble donc important, non pas de judiciariser les relations avec les professionnels de santé, mais d’obliger les responsables institutionnels à prévoir les moyens nécessaires afin de poursuivre le déploiement des soins d’accompagnement et des soins palliatifs.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de prévoir l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle des soins palliatifs. En organisant un débat tous les cinq ans, le Parlement pourrait se réapproprier la stratégie décennale présentée par le Gouvernement, faire un bilan régulier du déploiement des soins palliatifs et s’assurer de l’effectivité de l’accès équitable aux soins palliatifs dans tout le territoire.
J’en profite, madame la ministre, pour vous interroger sur l’avis du Conseil d’État portant sur le principe d’une loi de programmation pluriannuelle relative au grand âge. Vous avez indiqué, selon vos déclarations à la commission des affaires sociales du Sénat, le 24 janvier dernier, que vous l’attendiez dans le mois qui suit. Avez-vous réellement saisi le Conseil d’État ? Avez-vous reçu cet avis ? Comme nous ne voyons rien venir, nous commençons un peu à en douter.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il est proposé, conformément à l’une des recommandations du rapport Chauvin, d’obliger le Gouvernement à présenter tous les dix ans une loi de programmation pluriannuelle des politiques des soins d’accompagnement. Cela permettra au Parlement d’exercer un droit de contrôle sur la stratégie de déploiement de ces soins.
M. Didier Martin, rapporteur. Je laisserai Mme la ministre répondre à la question relative aux lois de programmation car il ne nous appartient pas d’obliger le Gouvernement à s’engager de façon pluriannuelle. De plus, la fermeture de lits, en soins palliatifs ou ailleurs, est toujours liée à une carence en personnel. La réponse ne consiste donc pas à voter une loi de programmation mais à trouver les moyens pour recruter et former dans les unités.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Nous nous assurerons de l’effectivité du plan décennal en mettant en place une gouvernance et un suivi, le but étant de pouvoir mesurer son déploiement et de rendre des comptes.
Concernant la loi de programmation sur le grand âge, je n’ai toujours pas reçu l’avis du Conseil d’État, monsieur Guedj – si c’était le cas, je n’aurais pas manqué de vous en parler !
Mme Justine Gruet (LR). Je tenais à revenir sur la judiciarisation, qui doit concerner non pas les professionnels de santé mais les responsables politiques. Les recours doivent être exercés contre les institutions et non contre les professionnels qui travaillent en leur sein.
S’agissant du financement, il est nécessaire de revenir sur la tarification à l’activité. Les prises en charge des accompagnements de fin de vie prennent du temps et sont difficiles à coter.
Enfin, concernant la loi de programmation, il m’apparaît important d’associer l’accompagnement de la perte d’autonomie aux soins palliatifs. Il est nécessaire d’assurer une meilleure prise en charge à domicile et de faire en sorte que le reste à charge présente moins de disparités. La prise en charge de la perte d’autonomie est en effet fonction du niveau de dépendance, du niveau de revenu et du lieu d’habitation ; en outre, elle diffère d’un département à l’autre. Certes, la fin de vie n’est pas nécessairement liée au grand âge mais elle est liée à une perte d’autonomie et à un reste à charge qui peut être important.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1331 de M. Christophe Marion, CS746 de M. Paul-André Colombani, CS489 de M. Yannick Neuder, CS1376 de M. Pierre Dharréville, amendement CS1822 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et sous-amendements CS1962 de Mme Emeline K/Bidi, CS1958 de M. Pierre Dharréville et CS1960 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Christophe Marion (RE). Mon amendement vise à inscrire la stratégie décennale des soins d’accompagnement dans le projet de loi, dont elle est le corollaire budgétaire et pratique. Il vise également à garantir la mise en œuvre de cette stratégie décennale, qui semble satisfaire assez largement les acteurs du secteur. Son application sera encouragée par son existence légale et par l’obligation, proposée par cet amendement, d’évaluation à mi-parcours. Enfin, il tend à pérenniser la stratégie décennale pour faire en sorte que les soins d’accompagnement fassent toujours l’objet d’une attention particulière et de politiques publiques ambitieuses et coordonnées.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Il est proposé d’inscrire dans le code de la santé publique le principe d’une stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement. Le présent projet de loi gagnerait en effet à être étoffé car si les mesures prévues sont ambitieuses, rien ne garantit qu’elles seront appliquées. Il est nécessaire d’augmenter considérablement les moyens consacrés aux soins palliatifs. Prévoir une telle inscription dans la loi, c’est l’assurance d’une révision régulière, tous les dix ans, à l’instar de ce qui est prévu pour la stratégie nationale de santé.
M. Yannick Neuder (LR). Les soins palliatifs n’ont pas besoin de lois : ils ont surtout besoin d’argent, et leur financement relève de la compétence réglementaire. Inscrire la stratégie décennale des soins d’accompagnement dans le code de la santé publique serait une façon de garantir son application.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il me semble que la stratégie décennale figurait dans une version précédente du projet de loi. Y a-t-il une raison particulière pour qu’elle n’y figure plus ? Même si nous jugeons les annonces qui ont été faites insuffisantes, il faut inscrire cette stratégie dans le texte pour donner force aux engagements financiers et, ainsi, garantir des moyens effectifs en faveur des soins d’accompagnement et des soins palliatifs.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mon amendement prévoit que le Gouvernement présente au Parlement une stratégie de développement des soins d’accompagnement qui doit déterminer, pour les dix années à venir, les objectifs ainsi que les priorités de la politique de santé afin d’améliorer les conditions de prise en charge de la douleur et de la fin de vie.
Cette stratégie s’articulera avec les orientations de la stratégie nationale de santé.
Elle fera l’objet de mesures de suivi et d’évaluation qui seront rendues publiques.
Afin d’associer toutes les parties prenantes du système de santé, la révision de cette stratégie sera précédée d’une consultation publique.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Votre amendement est très proche de celui présenté auparavant par Pierre Dharréville.
Nous discutons depuis plusieurs heures de l’effectivité des textes que nous votons et on ne cesse de nous objecter que ce n’est pas parce que l’on adopte un amendement qu’il aura un résultat – ce qui est en soi un véritable problème démocratique. C’est la raison pour laquelle la question des moyens est importante.
Il faut aussi pouvoir identifier précisément ceux qui sont affectés aux soins palliatifs au sein du nouvel ensemble constitué par les soins d’accompagnement. C’est une condition nécessaire pour suivre le déploiement des moyens promis par ce texte, à l’occasion de l’examen chaque année des projets de budget. Tel est l’objet du sous-amendement CS1962.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Le sous-amendement CS1958 prévoit que la stratégie décennale déterminera les moyens nécessaires pour garantir l’égal accès de tous aux soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs.
Nous avons déjà beaucoup débattu des notions de soins d’accompagnement et de soins palliatifs et notre groupe a indiqué toute l’importance qu’il attachait aux moyens qui leurs seraient consacrés et à leur suivi précis dans le budget. Nous craignons une globalisation des crédits qui ne permettrait pas d’en vérifier l’affectation et conduirait à ne pas accorder les moyens nécessaires pour les soins palliatifs. Or tous les professionnels qui ont été auditionnés ont dénoncé les manques criants en la matière.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). On nous a indiqué tout à l’heure qu’il ne servait à rien de vouloir faire figurer le mot « garantit ». En adoptant un amendement qui instaure un droit opposable aux soins palliatifs, nous avons pourtant fait un pas pour rendre le texte opérationnel.
Le sous-amendement CS1960 procède de la même intention, en prévoyant que l’évaluation de la stratégie décennale interviendra tous les deux ans au lieu de tous les cinq ans, afin d’en assurer un meilleur suivi.
M. Didier Martin, rapporteur. Je suis tout à fait favorable au fait de mentionner que la stratégie décennale du Gouvernement est notre cap. Même si je ne doute pas des bonnes intentions du Gouvernement, il est important de donner à cette stratégie un cadre et une impulsion au niveau législatif. Pour ce faire, je suis favorable à l’amendement de Mme Firmin Le Bodo et défavorable aux autres amendements.
Je rappelle que le rapport Chauvin comprend trente mesures, assorties d’indicateurs qui permettront d’en évaluer l’application.
Sur le plan budgétaire, la stratégie décennale des soins d’accompagnement se traduira par un investissement considérable de 1,1 milliard d’euros de mesures nouvelles – soit une hausse 66 % des moyens alloués à ces soins pendant la période 2024-2034, afin de répondre à une hausse de 16 % des besoins. Les dépenses publiques consacrées aux soins palliatifs, qui se sont élevées à 1 543 millions en 2023, passeront à 2 700 millions en 2034. Il convient de noter que la mise en œuvre de cette stratégie commence dès l’année 2024 et précède l’adoption de ce projet.
En ce qui concerne les sous-amendements, avis défavorable au CS1960, car le délai d’évaluation tous les deux ans est trop rapproché, et au CS1962, parce que l’évaluation séparée des soins d’accompagnement et des soins palliatifs serait délicate.
Avis favorable au sous-amendement CS1958.
Mme la ministre. Les amendements proposent que le principe d’une stratégie décennale soit inscrit dans la loi et que des rapports d’évaluation soient remis régulièrement, afin de renforcer notre ambition en matière de soins palliatifs. Je suis d’accord s’agissant du besoin de définir des objectifs afin de mieux répondre aux besoins. Ces objectifs doivent être déterminés grâce à une discussion avec les professionnels de santé, pour identifier les besoins de chaque territoire et les meilleurs moyens d’y répondre.
La stratégie décennale des soins d’accompagnement que j’ai présentée est d’ailleurs issue de ce travail de concertation et elle doit faire l’objet d’une évaluation précise. Il est prévu de créer une instance de gouvernance, laquelle regroupera au sein de son conseil scientifique l’ensemble des parties prenantes, notamment les représentants des usagers, des sociétés savantes et des professionnels. Cette instance sera chargée d’assurer le pilotage et l’évaluation de la stratégie.
Je suis favorable au fait d’inscrire le principe cette stratégie dans la loi, afin de sécuriser la dynamique engagée et de garantir une évaluation régulière.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable à l’amendement CS1822 ainsi qu’au sous‑amendement CS1958.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis d’accord avec la proposition d’inscrire dans la loi l’obligation pour le Gouvernement d’élaborer une stratégie décennale de développement des soins d’accompagnement et de la transmettre au Parlement.
Celle que vous avez présentée comprend une trajectoire financière en annexe. Encore une fois, je regrette que l’on n’ait pas choisi de rédiger cette stratégie avec le Parlement et de lui faire voter la programmation financière. Je sais bien que sous la Ve République le Gouvernement a tous les pouvoirs, mais sur un tel sujet il aurait été utile de s’inscrire dans une logique de coconstruction.
M. Patrick Hetzel (LR). Prévoir une stratégie décennale et l’inscrire dans la loi est évidemment une bonne chose.
Mais l’évaluation de la politique menée en matière de soins palliatifs ne saurait être cantonnée à la dimension quantitative. La question de l’éthique du soin doit aussi être posée. Les professionnels des soins palliatifs ont donné corps à cette éthique, qui passe par la notion du juste soin, et il ne faudrait pas qu’elle soit appauvrie. L’évaluation doit donc également porter sur la dimension qualitative, c’est-à-dire sur la manière dont on préserve la part d’humanité.
Mme la ministre. Je comprends votre point de vue, monsieur Guedj. Pour autant, vous pouvez reconnaître l’effort qui consiste à lancer dès 2024 une action concrète très attendue pour équiper le pays, avant même que la loi ne soit promulguée.
L’éthique du soin est évidemment un aspect important et il fait partie du travail que nous menons avec les professionnels – d’où l’importance de la présence de ces derniers dans l’instance de gouvernance, afin de discuter avec eux de la qualité des soins prodigués.
La commission adopte l’amendement CS1331.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement CS1336 de M. Gilles Le Gendre
M. Gilles Le Gendre (RE). Nous discutons depuis un moment du caractère plus ou moins contraignant de la stratégie décennale. Nous avons tous compris l’importance de cette dernière, notamment pour l’équilibre général du texte et pour la crédibilité du plan de développement des soins palliatifs. Cette stratégie décennale permet aussi d’écarter tout soupçon d’utilisation du titre Ier comme alibi destiné à permettre l’adoption du titre II.
Je regrette que le projet ne permette pas de s’orienter vers une logique de loi de programmation, car cela aurait été une bonne chose. C’est la raison pour laquelle j’ai voté en faveur de l’amendement CS634 de M. Guedj, de façon symbolique.
Je propose que l’on inscrive au moins dans la loi le parcours financier prévu par la stratégie décennale. Je vois bien que cela pose un certain nombre de difficultés, mais l’amendement permettra de consolider les engagements que le Gouvernement entend prendre dans ce domaine.
M. Didier Martin, rapporteur. Je comprends votre demande, mais je ne vous suivrai pas dans cette voie symbolique.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je comprends votre souhait mais c’est techniquement extrêmement compliqué.
Si l’on considère les masses financières, l’Ondam s’élève à 250 milliards d’euros et il augmente chaque année de 3 à 4 %, soit 8 à 9 milliards. La stratégie décennale porte quant à elle sur 100 millions par an. Je ne dis pas qu’il est facile de trouver une telle somme, mais quand il y a une volonté, il y a un chemin.
L’amendement est satisfait. Demande de retrait.
M. Philippe Vigier (Dem). J’imagine que Gilles Le Gendre a réparti les crédits chaque année en divisant la somme globale de 1,2 milliard d’euros sur dix ans. Comment motive-t-il la montée en charge du dispositif ?
M. Gilles Le Gendre (RE). J’ai tout simplement repris le tableau qui figure dans la stratégie décennale.
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement est-il conforme à l’article 40 de la Constitution, madame la présidente ? Si tel n’est pas le cas, il n’est pas opportun de l’adopter car il sera ensuite censuré par le Conseil constitutionnel. Je ne savais pas que des amendements qui prévoient des dépenses supplémentaires pouvaient désormais être déclarés recevables.
M. Jérôme Guedj (SOC). Et ce alors que presque tous les amendements portant sur le titre II ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40…
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les amendements ont été renvoyés au président de la commission des finances. Il a estimé que celui-ci était recevable. Je pourrai l’interroger sur ce point, mais j’imagine qu’il l’a fait car le tableau de chiffres est directement issu de la stratégie décennale présentée par le Gouvernement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS517 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur les moyens de financement des soins palliatifs et des maisons d’accompagnement. Cela permettrait d’accroître la transparence, d’évaluer les besoins, d’orienter les politiques publiques et d’assurer une amélioration continue de ces services essentiels pour les personnes en fin de vie et leur famille.
Chaque personne, quel que soit son état de santé, a le droit d’être traitée avec dignité et respect jusqu’à la fin de sa vie. La mise en place d’unités de soins palliatifs dans chaque département permettra de garantir l’accès à ces soins pour les patients.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre amendement est triplement satisfait. Nous avons adopté un amendement qui prévoit un rapport sur la stratégie décennale. L’instance de pilotage de la stratégie aura également pour mission de procéder à une évaluation. Une annexe du PLFSS est consacrée aux établissements de santé et médico-sociaux financés par l’assurance maladie.
Demande de retrait.
Mme la ministre. Chaque année, l’annexe 6 du PLFSS dresse un état des lieux précis de la situation financière des établissements de santé et des établissements médico-sociaux financés par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Par ailleurs, l’instance de pilotage de la stratégie décennale de soins d’accompagnement va être créée ; elle aura évidemment pour mission de rédiger des rapports d’évaluation.
Votre amendement est satisfait. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS748 et CS749 de M. Laurent Panifous et amendement CS1299 de M. Jocelyn Dessigny (discussion commune)
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement CS748 propose de créer des organisations territoriales destinées à mettre en œuvre les soins d’accompagnement.
Il est indispensable de coordonner l’ensemble des nombreux et très différents acteurs qui interviendront auprès des personnes accompagnées – structures sanitaires, professionnels libéraux, maisons d’accompagnement, établissements médico-sociaux, collectivités, associations de bénévoles et, bien sûr, assurance maladie.
Ces organisations sont prévues par la mesure 20 de la stratégie décennale, issue elle-même de la mesure 3 du rapport Chauvin – lequel précise que cela relève de la loi. Or cette mesure figure seulement dans la stratégie décennale. C’est la raison pour laquelle nous proposons de l’inscrire dans le texte, tout en précisant qu’un décret déterminera le fonctionnement et la gouvernance de ces organisations.
L’amendement de repli CS749 vise le même objectif, tout en étant légèrement moins détaillé.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS1299 prévoit la mise en place d’un dispositif d’accès aux soins palliatifs à l’échelon départemental. Non seulement nous doutons de la capacité des ARS à gérer l’accès à ces soins mais nous considérons que l’échelon départemental est plus adapté pour ce type de dispositif.
M. Didier Martin, rapporteur. Les ARS comprennent des délégations départementales. Cet échelon territorial est donc pris en compte.
L’organisation territoriale des soins d’accompagnement fait l’objet d’une présentation détaillée dans la stratégie décennale. Un premier bloc associe les collectivités territoriales, les municipalités et les départements. Le rôle de la filière de soins palliatifs est également décrit, en précisant notamment la place des associations et de l’assurance maladie. Par ailleurs, les organisations territoriales pourront bénéficier de gestionnaires de parcours, qui auront pour mission de suivre la mise en œuvre du parcours de soins d’accompagnement des personnes malades.
Il n’est pas nécessaire d’intégrer dans le texte toutes les précisions qui figurent dans ces amendements. Avis défavorable.
Mme la ministre. Il est en effet nécessaire de renforcer l’organisation territoriale des soins d’accompagnement pour les rendre accessibles en tout point du territoire. C’est le sens de la stratégie décennale. Une fois encore, la mesure 20 prévoit d’élaborer une charte nationale qui servira de base aux ARS pour établir cette organisation territoriale.
Nous étudierons au niveau national comment cette stratégie est mise en place, en lien avec les collectivités et l’ensemble des parties prenantes. Des textes réglementaires détermineront le contenu de la charte, qui sera adaptée à chacun des territoires. Il s’agit donc de prévoir un contrôle à l’échelle du territoire et un suivi national, l’objectif étant de couvrir la totalité du pays.
Les amendements sont satisfaits. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
4. Réunion du mardi 14 mai 2024 à 16 heures 30 (après l’article 1er [suite] à article 2)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([5]).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Avant de reprendre l’examen des amendements, j’aimerais apporter quelques précisions sur l’application de l’article 40 de la Constitution à nos discussions.
Hier soir, plusieurs collègues se sont interrogés sur la recevabilité de l’amendement CS1336 de Gilles Le Gendre après l’article 1er, que notre commission spéciale a adopté. Cet amendement inscrit dans la loi la stratégie décennale des soins d’accompagnement et il détaille les crédits de paiement supplémentaires attachés. Il avait bien sûr été préalablement soumis au président de la commission des finances. Or, celui-ci ne motive ses avis que s’il estime un amendement irrecevable, en indiquant par exemple qu’il s’agit d’une charge ou d’une perte de recettes non gagée.
En l’occurrence, le président Éric Coquerel a émis un avis de recevabilité sur l’amendement de Gilles Le Gendre. En l’absence de motivation explicite, nous pouvons toutefois déduire qu’il a considéré que, même si cet amendement comprend une programmation pluriannuelle des crédits, il ne crée pas d’obligation juridique de dépenser. Celle-ci serait contraire aux dispositions de l’article 40, car constitutive d’une charge.
Sur cet amendement comme sur tous les autres, j’ai suivi l’avis du président de la commission des finances. Au total, 278 amendements ont été déclarés irrecevables. Cela vaut notamment pour ceux qui assouplissent les conditions de recours à l’aide à mourir. Le président Éric Coquerel a estimé qu’ils constituent une charge pour les régimes de sécurité sociale, ce qui découle de l’article 19 du projet de loi qui prévoit explicitement la prise en charge des « frais afférents à la mise en œuvre des dispositions du titre II ».
Il me revient d’assurer le respect des dispositions constitutionnelles, organiques et réglementaires au cours de nos travaux, dont le résultat sera sans nul doute soumis au Conseil constitutionnel. Quand j’ai statué sur l’application de l’article 45 de la Constitution, je crois l’avoir fait avec le souci de favoriser au maximum l’initiative parlementaire. De fait, seuls neuf amendements ont été déclarés irrecevables sur ce fondement.
Quand je me conforme aux avis du président de la commission des finances, il ne s’agit pas pour moi d’empêcher un débat dont je souhaite au contraire qu’il ait lieu. Au demeurant, ce débat aura lieu. Certains collègues ont trouvé une parade à l’irrecevabilité financière de leurs initiatives : leurs amendements écartent explicitement la prise en charge par l’assurance maladie des dépenses supplémentaires qu’ils occasionnent. S’agissant d’une sorte de gage, cette manière de procéder est certes très formelle car l’intention des auteurs n’est évidemment pas que ces frais soient à la charge du patient, mais elle assure la recevabilité des amendements, permettant leur discussion et leur éventuelle adoption.
Il en ira tout naturellement de même pour la séance publique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous avons été très surpris hier de voir nos amendements tomber un à un. Nous n’étions pas les seuls. Certes, c’est le président Coquerel qui s’est prononcé sur la recevabilité. Mais c’est vous qui l’avez saisi, madame la présidente. Sans les amendements de nos collègues du groupe Écologiste qui ont trouvé la parade consistant à écarter l’application de l’article 19, nous aurions été privés de débat sur l’élargissement de l’aide à mourir. Seuls les opposants à une telle évolution et, de manière générale, au projet de loi auraient pu défendre leurs amendements. Le débat aurait été non seulement tronqué, mais aussi déséquilibré.
La saisine du président de la commission des finances sur un texte comme celui-ci nous semble exagérée. Vos explications nous rassurent : le débat aura lieu. Nous essaierons de nous raccrocher aux initiatives de nos collègues, faute de pouvoir présenter les nôtres. Nous espérons également que les rapporteurs useront pleinement de leur faculté de déposer. Vos explications dissipent le climat malsain qui s’était installé hier soir et de repartir sur de bonnes bases.
M. Thibault Bazin (LR). Je dois également faire part de ma surprise devant le sort réservé à des amendements ayant trait à la collégialité de la décision, débat dont nous serons privés alors que la charge supposée paraît douteuse. J’ai été encore plus étonné du moment choisi pour la notification de l’irrecevabilité : dans la nuit, à l’issue de nos travaux et avant la reprise. Y a-t-il eu une relecture de l’irrecevabilité ou certains amendements étaient-ils encore en traitement ?
Je suis enfin sceptique sur l’argument de la création de charge puisque la légalisation du suicide assisté aura plutôt pour effet de générer des économies pour l’assurance maladie.
M. Yannick Neuder (LR). Vos explications nous laissent sur notre faim. Nous revivons avec la collégialité ce que nous avons connu avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale au sujet des médecins coordonnateurs devenus prescripteurs. Patrick Hetzel vous a adressé, au nom du groupe Les Républicains, un courrier demandant communication des données relatives à l’impact financier du projet de loi. La collégialité que nous réclamons dans la décision finale de l’aide à mourir est de mise dans les unités de concertation pour les prises en charge complexes ou dans les équipes hospitalières pour les chirurgies complexes. Sur un tel sujet, l’irrecevabilité est incompréhensible pour les Français. Ce n’est pas de cette manière que nous renouerons le lien avec eux.
Pourquoi ne pas prendre en considération les « recettes », ou plutôt les dépenses, heureusement ou malheureusement évitées, que le projet de loi pourrait apporter ? L’appréciation de l’impact financier ne peut pas être à sens unique. Le débat ne saurait être sincère dans ces conditions.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Je suis également déconcertée depuis hier soir. Il est surprenant d’écarter des amendements qui n’ont aucun coût financier. La collégialité est assurée en recourant à des professionnels déjà rémunérés ; il n’est pas nécessaire de créer des postes supplémentaires. Il en va de même pour l’accompagnement psychologique des équipes. Le prétexte de la charge induite ne tient pas. Il y a sans doute matière à un réexamen des amendements si nous voulons discuter du texte sans être entravé par ce carcan.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je veux vous faire part de mon désappointement. Comme l’a dit Mme Battistel, la décision prise est susceptible d’entacher la sincérité des débats et de rompre l’équilibre. Les amendements qui étendaient les dispositions et ouvraient un débat plus large sur l’aide à mourir ne seront pas examinés tandis que la parole sera donnée à ceux qui souhaitent empêcher une telle discussion.
Je remercie les rapporteurs qui, comme nos collègues du groupe Écologiste, ont trouvé une parade pour déposer des amendements. Je regrette que les simples députés, contraints par le délai de dépôt, n’en aient pas les moyens.
Je ne comprends pas en quoi la perte d’autonomie, les directives anticipées ou l’obligation de nationalité française peuvent occasionner des coûts supplémentaires. Pourquoi empêcher le débat du projet humaniste que nous avons à cœur de défendre ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Comme l’ensemble du groupe Démocrate, je partage l’émotion générale. Bien sûr, il y a toujours des implications financières. Mais de là à opposer l’article 40 qu’il s’agisse de collégialité, de directives anticipées, de la notion de moyen terme, du délai de réflexion – il est incompréhensible pour moi qu’ait été refusé un amendement qui le portait de trois à douze mois... Nous sommes assez mécontents.
Nous espérons que des solutions seront trouvées. Je ne soutiens pas tous les amendements et mes positions ne sont pas complètement arrêtées à ce jour. Mais je souhaite que nous puissions discuter de tout sereinement. Ce qui nous est tombé sur la tête hier soir est inapproprié pour un texte de cette nature.
M. Patrick Hetzel (LR). Quels que soient les points de vue, pour la sincérité et la clarté des débats, certains amendements déclarés irrecevables n’auraient pas dû l’être. Plusieurs d’entre eux, dont un du groupe Les Républicains, concernent la collégialité. L’une des avancées majeures de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti », a précisément été de la renforcer. En raison de l’irrecevabilité des amendements, cette question de fond est évacuée sans débat.
Il est choquant de balayer d’un revers de la main, au nom de l’article 40, une question éthique aussi fondamentale dans un texte aux préoccupations sociétales. Il faut y remédier. Vous invoquerez certainement le débat dans l’hémicycle mais nous souhaitions que celui-ci ait lieu en commission. Je proteste donc vivement contre une décision qui menace la clarté et la sincérité de nos débats.
M. Thomas Ménagé (RN). Nous ne pouvons pas continuer nos travaux comme si de rien n’était après ce qui nous est tombé sur la tête. Je partage l’émoi général. J’entends vos explications et celles du président de la commission des finances. En ce qui concerne la collégialité, certains amendements pouvaient être considérés comme une charge puisqu’ils prévoyaient de solliciter des professionnels supplémentaires. Je souhaitais ainsi la présence d’un psychiatre. Il me semble néanmoins que le fait de limiter l’initiative parlementaire à la modification de quelques virgules empêche un débat sain et apaisé, évitant de diviser la société et donnant une bonne image de notre institution. En revanche, lorsqu’un amendement impose aux trois personnes déjà impliquées de décider de manière collégiale, en quoi crée-t-il une charge nouvelle ?
J’ai cru comprendre que les rapporteurs allaient tendre la main à ceux qui souhaitent aller plus loin. Accepteront-ils de le faire avec ceux qui veulent encadrer strictement l’aide à mourir ? Puisqu’ils peuvent déposer des amendements hors délai en usant du subterfuge employé par nos collègues écologistes, sont-ils prêts à reprendre l’amendement que je viens de mentionner ?
Mme Monique Iborra (RE). Chaque fois que les amendements sont victimes de l’article 40, cela ne renforce ni la démocratie, ni les droits des députés. Plus un texte comporte de verrous, plus il est compliqué de trouver un compromis entre ceux qui veulent élargir sa portée et ceux qui souhaitent la limiter. Si le texte n’est pas équilibré, on se heurte à des difficultés.
Un amendement en vertu duquel un médecin administre le produit a été jugé irrecevable parce qu’il crée une dépense. Mais si la personne se l’administre elle-même, aucun problème ! Le texte tel qu’il est conçu ne peut que produire des irrecevabilités financières.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). En tant que présidente de la commission, madame Firmin Le Bodo, vous avez pris la décision de saisir le président de la commission des finances. Vous n’y étiez pas obligée. Vous l’avez fait. Pourquoi ? Vous ne pouviez ignorer qu’il se verrait contraint d’appliquer l’article 40 de la Constitution. Le groupe La France insoumise est opposé à cet article. J’entends que nous sommes loin d’être les seuls, au‑delà des rangs de la NUPES. Dans la prochaine semaine d’ordre du jour de l’Assemblée nationale, défendons ensemble un texte visant à abroger l’article 40 ! (Exclamations.) On ne peut pas être pour ou contre selon ce qui nous arrange.
Les membres de La France insoumise défendent depuis 1999, voire avant pour certains, le droit de mourir dans la dignité. Sous la précédente législature, nous avons présenté une proposition de loi en ce sens. Nous sommes attachés au droit d’amendement. En aucun cas, nous n’avons intérêt à l’application de l’article 40.
Quelles solutions s’offrent à nous désormais ? Chaque député peut déposer en séance publique des amendements dont le dispositif ne donne pas lieu à l’application de l’article 19 du projet de loi. Imaginez à quel point cette phrase nous fait mal tant la prise en charge par la sécurité sociale est essentielle à nos yeux. Madame la présidente, je vous demande de prendre l’engagement, si les amendements devaient être adoptés, de ne pas tenir compte de cette mention, donc d’autoriser le remboursement par la sécurité sociale.
Les rapporteurs n’ont-ils pas la possibilité de déposer des amendements en échappant à l’examen de leur recevabilité financière ? Pourriez-vous reprendre les amendements censurés ? Si vous souhaitez que le débat ait lieu, vous en avez le pouvoir. Utilisez-le !
Mme Annie Genevard (LR). Pendant une semaine, nous avons auditionné des dizaines de personnes. Plusieurs d’entre elles ont déploré les insuffisances du texte en matière de collégialité. Elles ont également été nombreuses à plaider pour l’intervention d’un psychiatre. Soit les auditions sont utiles et on en tire les enseignements, ce que nos amendements entendaient faire. Soit on s’assoit dessus et on laisse l’article 40 jouer la grande faucheuse. En amputant des questions nettement posées lors des auditions, vous dégradez la qualité du débat.
M. Christophe Bentz (RN). Madame la présidente, pour le bon déroulement et la sérénité des débats, entendez l’unanimité qui s’exprime contre ces décisions d’irrecevabilité. Peut-être est-ce dû à un dysfonctionnement ou un problème de procédure ? L’erreur est humaine !
Je prends un exemple pour illustrer ces interprétations discutables. Mon amendement CS1692 se bornait à recenser les maladies psychiatriques qui altèrent le discernement. En quoi est-ce une charge ? Nous avons des dizaines d’exemples similaires. Il est souhaitable que le président de la commission des finances et vous-même révisiez votre jugement pour que le débat se poursuive sereinement.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je suis favorable à la discussion la plus large possible sur les questions soulevées par le texte. Mon point de vue semble totalement partagé. J’imagine l’embarras du président de la commission des finances : un jour, on l’accuse de laxisme dans son application de la Constitution et, le lendemain, d’être trop scrupuleux. Je note aussi que l’émotion que suscitent ses décisions n’est pas toujours la même. Indéniablement, l’article 40 pose problème. Il serait temps de s’interroger sur sa légitimité ou, à tout le moins, sur l’ombre qu’il porte sur l’action du Parlement.
M. Joël Giraud (RE). Ayant exercé pendant trois ans les fonctions de rapporteur général de la commission des finances et travaillé avec le président de la commission de l’époque, je relève que la décision d’hier constitue un revirement total de jurisprudence. Jusqu’à présent, lorsqu’un projet de loi ouvrait des droits, l’article 40 ne s’appliquait pas aux amendements relatifs à son champ ou à ses modalités d’application. Il était entendu que la règle d’irrecevabilité ne devait pas porter atteinte à la sincérité des débats.
Madame la présidente, il serait utile d’ouvrir un dialogue avec le président de la commission des finances pour que ce changement de jurisprudence ne s’applique pas en séance publique afin de garantir un débat exhaustif sur ces sujets essentiels. Un tel changement aurait dû être annoncé préalablement. Il ne peut pas tomber comme un couperet.
M. Gilles Le Gendre (RE). L’émoi unanime est légitime. Nous devons désormais le dépasser. La première solution consisterait à dire : « Circulez, y’a rien à voir ! » Ce n’est pas la vôtre et je vous en remercie. La seconde solution est de convaincre les rapporteurs de reprendre les amendements déclarés irrecevables. C’est un gros travail car il est impensable qu’ils effectuent un tri ; ce n’est que dans un second temps qu’ils donneront leur avis.
Pour la bonne marche de la commission et la sincérité indispensable des débats, nous devons choisir cette solution. Les amendements devront être assortis de la martingale que les écologistes ont eu le flair de trouver, donc s’affranchir de l’article 19. Je suis désireux de voir les amendements discutés dans la forme qu’avaient choisie leurs auteurs.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Beaucoup a déjà été dit sur l’application de l’article 40. Celle-ci pose la question du rôle de l’Assemblée nationale dans l’écriture d’une loi aussi importante que celle-ci. Avoir écarté certains amendements empêche un débat de fond sur l’accès à l’aide active à mourir. Je pense à un de nos amendements qui concerne la proche présence d’un soignant pour les personnes qui s’administrent elles-mêmes la substance. Il ne sera pas débattu alors que la question des conditions humaines de la fin de vie est au cœur de la philosophie de la loi. Ce choix nous prive d’un débat éthique qui aurait permis de rassurer.
J’aimerais entendre la ministre sur les amendements irrecevables qui portaient sur des points essentiels de l’accompagnement de la fin de vie.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Quel plaisir d’entendre cet émoi autour de l’article 40 ! Je ne me souviens pas d’une telle réaction lorsque des propositions de loi gagées en ont subi les foudres. Je note également que l’interprétation de cet article diffère selon les textes et les sujets concernés.
Il est regrettable de devoir consacrer du temps à l’article 40. Je suis la première à le reconnaître. En Conférence des présidents, ce matin, le président de la commission des finances a fait part de sa déception d’être de moins en moins consulté en amont par les députés sur la recevabilité de leurs amendements. Tout député peut solliciter les services de la commission des finances pour obtenir de l’aide afin de surmonter l’article 40. Certains députés l’ont fait, ce qui a permis de sauver des amendements dont nous pourrons débattre.
Madame la présidente, êtes-vous prête, sur les rares amendements qui ont survécu, à laisser la parole à tous ceux qui souhaiteront s’exprimer ?
M. Philippe Vigier (Dem). Nous vivons un moment important. Je fais partie des plus anciens ici. Je sais comment l’article 40 s’est appliqué depuis de longues années. Invoquer la création d’une charge pour refuser des amendements fondamentaux sur un sujet tel que la fin de vie est une aberration. Où est la charge dans la collégialité des décisions ? Où est la charge lorsqu’on prolonge de trois à six mois le délai de réflexion pour confirmer la demande d’administration de la substance létale ?
Le président de la commission des finances et la présidente de la commission spéciale, qui ont décidé de l’irrecevabilité, portent une responsabilité majeure. Ce choix vient contredire les propos du Président de la République la semaine dernière, auxquels j’ai assisté comme le rapporteur général et la ministre. Il a expliqué que des raisons financières ne devaient en aucun cas entraver le débat à l’Assemblée nationale et que les députés seraient libres d’enrichir le projet de loi.
La sanction de l’article 40 exclut de nos débats des sujets dont les auditions, auxquelles le groupe Démocrate a assidûment participé comme beaucoup d’autres, ont souligné l’importance. En interdisant de discuter de la notion de moyen terme s’agissant du pronostic vital engagé, on vide le débat de sa substance. Ce n’est pas acceptable !
Mme Anne Bergantz (Dem). Il semble inconcevable que nous soyons privés de débat sur des points essentiels. La commission spéciale avait bien commencé par une semaine d’auditions absolument passionnantes qui ont parfois remis en cause certaines de nos convictions. Tous les amendements irrecevables sont le fruit des réflexions que nous y avons entendues. Les personnes auditionnées ont ainsi souligné unanimement la difficulté à appréhender la notion de moyen terme. Je ne comprends pas à quoi ont servi ces auditions si les points sur lesquels nous avons été alertés ne peuvent être débattus. J’espère que nous trouverons des solutions.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Hier soir, j’étais très en colère. Je le resterai si la commission spéciale ne peut pas aborder l’ensemble des sujets qui ont émergé lors de la remarquable série d’auditions. Par respect pour tous ceux que nous avons écoutés pendant de longues heures, la Représentation nationale se doit de se pencher sur les problématiques mises en avant.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé, à titre personnel, un amendement sur la question du moyen terme, qui est revenue de façon récurrente tant chez les farouches opposants au texte que chez ses plus fervents défenseurs. Je souhaitais qu’elle puisse être au cœur de nos échanges parce qu’elle l’a été tout au long des auditions. Il apparaît invraisemblable que l’on ne puisse pas en parler lors de l’examen du texte.
J’ai la possibilité, en tant que rapporteur général et avec les autres rapporteurs, de déposer des amendements hors délai. Mais nous sommes soumis, comme tous, au respect de l’article 40. Cela m’a amené, avec la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie, dont les articles sont les plus concernés par les irrecevabilités, à déposer hier soir un amendement qui mettra dans le débat la question du moyen terme. Nous avons néanmoins été obligés d’exclure la prise en charge par la sécurité sociale. Vous voyez l’aberration que cela représente.
Si j’étais en colère, c’est parce que, comme Joël Giraud, j’ai connu une jurisprudence en vertu de laquelle, s’agissant de textes ouvrant des droits notamment sociétaux, l’Assemblée nationale n’avait pas l’indécence de refuser un débat pour des raisons financières. Je pense au moyen terme, mais aussi à la collégialité. Je suis d’accord, ce qui ne se reproduira peut-être pas souvent dans les jours qui viennent, avec Annie Genevard et Patrick Hetzel : la question de la collégialité a aussi été évoquée à de nombreuses reprises lors des auditions. Je ne suis pas forcément d’accord avec les amendements de ces collègues mais, pour reprendre une formule connue, je me battrai pour qu’ils puissent les défendre. Ce serait une négation du travail parlementaire de ne pas pouvoir aborder cette question.
J’ai trouvé particulièrement indécent que nous soyons privés de tels débats et je resterai très en colère si, à la fin de nos travaux, nous n’avons pas pu parler de ces thématiques. Nous allons regarder, avec mes collègues rapporteurs, comment faire en sorte, sans redéposer les mêmes amendements, que les sujets écartés au nom de l’article 40 soient abordés et que tous nos collègues, quelles que soient leurs positions, puissent s’exprimer en commission. J’y veillerai dans la mesure de mes possibilités.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je salue l’unanimité qui règne au sujet de l’article 40. Certains ont suggéré que j’aurais pu, en tant que présidente de la commission spéciale, ne pas saisir le président de la commission des finances. Mais que diriez-vous si je ne l’avais pas fait et qu’ensuite le texte était censuré par le Conseil constitutionnel ? J’étais dans mon rôle en demandant les avis, comme nous le faisons pour tous les textes, du président de la commission des finances. J’ajoute qu’il s’est prononcé après avoir discuté avec la Présidente de l’Assemblée nationale, qui le saisira aussi lors de la séance publique.
Nous pourrons débattre. Je l’ai dit dès le départ. Si j’avais appliqué intégralement l’article 45, ce sont 175 amendements qui auraient été écartés, et non neuf. Cela prouve ma volonté d’avoir des débats. À aucun moment, nous ne les éluderons sur cette question qui est sociétale, comme l’a dit M. Hetzel, éthique et, ainsi que l’a souligné Mme Rilhac, humaniste. Mme Maillart-Méhaignerie et M. Falorni ont déposé un amendement subtilement travaillé et Mme Cristol entend en rédiger un autre au sujet de la collégialité. Nous en débattrons, comme nous le ferons à propos des cinq critères d’éligibilité. J’en prends l’engagement. Nous le devons à cette question, à nous-mêmes et à notre institution, à tous nos concitoyens qui suivent nos travaux, favorables ou non à une évolution, et à la démocratie. Je compte aussi sur vous pour que nous débattions dans le respect des positions des uns et des autres.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. C’est une question qui concerne essentiellement l’Assemblée nationale mais, ayant été interpellée, je ne peux ne pas répondre. Il me semble absolument essentiel que nous puissions travailler sur des sujets aussi fondamentaux que le moyen terme et la collégialité. C’est indispensable à la bonne compréhension du texte. J’aurai l’occasion de me prononcer, au nom du Gouvernement, amendement par amendement, sur la levée du gage.
Après l’article 1er (suite)
Amendements CS1060 de Mme Sandrine Rousseau et CS638 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Mon amendement inclut dans la stratégie nationale de santé un volet dédié au déploiement des soins d’accompagnement. Un amendement proche a été adopté hier. Mais il me semble qu’une mention dans la loi garantirait l’existence d’une stratégie claire, ferait en sorte que les citoyens soient au courant de son déploiement et permettrait à l’Assemblée nationale de l’évaluer.
M. Jérôme Guedj (SOC). On pourrait considérer que l’adoption de l’amendement CS1331, qui prévoit une stratégie décennale des soins d’accompagnement, permet d’atteindre les objectifs que nous visons. Mais il y a un intérêt à insérer les soins palliatifs dans la stratégie nationale de santé : c’est que la loi prévoit qu’elle donne lieu à un suivi et à une évaluation chaque année. L’amendement adopté hier demande au Gouvernement un rapport à mi-parcours, c’est-à-dire uniquement tous les cinq ans. Or, il serait intéressant qu’un bilan nous soit transmis chaque année afin de nous renseigner sur la montée en puissance de la stratégie décennale. Il faut inclure les soins palliatifs dans la stratégie nationale de santé si nous voulons avoir la certitude d’un bilan chaque année.
M. Didier Martin, rapporteur. Je vous rejoins sur l’importance d’un cadre législatif. Nous l’avons fait avec l’amendement CS1331 de M. Marion. J’entends l’argument de M. Guedj, mais je pense qu’il reste raisonnable de prévoir un bilan tous les cinq ans.
Avis défavorable aux deux amendements.
Mme la ministre. Même avis pour les mêmes raisons. J’ajoute que la façon dont la stratégie est mise en place fera l’objet d’un bilan tous les six mois, comme j’ai eu l’occasion de le dire hier à plusieurs reprises. Je rappelle aussi qu’il existe dans chaque agence régionale de santé (ARS), donc dans chaque région, un référent pour la mise en place de la stratégie.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous avons une stratégie nationale de santé qui prévoit des actions et des objectifs prioritaires pour plusieurs années. Ces amendements affirment l’importance pour la population des soins d’accompagnement, qui feront partie des priorités reconnues par la loi. Ils sont l’occasion d’affirmer, ensemble, qu’au-delà des grandes déclarations la logistique doit suivre. Il faut les adopter.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1059 de Mme Sandrine Rousseau et CS639 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Nous souhaitons que la loi prévoie que les schémas régionaux de santé et les projets régionaux de santé comportent un volet concernant le déploiement des soins d’accompagnement dans les territoires concernés.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Ce sera la garantie d’un meilleur pilotage du développement et de la répartition géographique des soins palliatifs au niveau régional. Je rappelle qu’un des axes de la première partie du projet de loi est d’assurer leur présence sur l’ensemble du territoire. Notre amendement s’appuie sur un rapport de la Cour des comptes qui a constaté une prise en compte variable selon les régions du plan relatif aux soins palliatifs pour la période 2021‑2024.
M. Didier Martin, rapporteur. Le déploiement territorial des soins palliatifs est prévu par la mesure n° 20 de la stratégie décennale. S’agissant des schémas régionaux de santé, on connaît leur variabilité territoriale et celle de l’évaluation. Ce que vous proposez ne constituera pas une garantie.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Plusieurs plans régionaux de santé comportent déjà cette dimension et notre objectif est évidemment que ce soit le cas partout. Cela fait partie des instructions données aux ARS.
M. Jérôme Guedj (SOC). Madame la ministre, vous avez dit que des bilans seraient produits tous les six mois par les ARS. Pour nous assurer de disposer de ces bilans et de mettre sous tension les ARS, il faut qu’elles aient l’obligation d’inclure dans leur projet régional de santé un volet concernant le déploiement des soins palliatifs. La Cour des comptes, Stéphane Delautrette l’a évoqué, a constaté que seules cinq ARS sur treize l’avaient prévu dans leur programme. Cela veut dire que tous les volets de votre stratégie décennale ne sont pas pris en compte. Il ne serait pas normal qu’une ARS, parce qu’elle n’y aurait pas pensé ou qu’on ne l’aurait pas obligée, adopte demain un projet régional de santé sans déclinaison de cette stratégie.
J’ai évalué quelques projets régionaux de santé dans une vie antérieure. Nous regardions à chaque fois comment étaient déclinés les stratégies nationales de santé et des plans nationaux spécifiques tels que le programme national nutrition santé. Nous devons adopter l’amendement CS639 afin de nous assurer que les ARS inscrivent dans leur projet régional de santé un volet relatif aux soins palliatifs.
Mme la ministre. J’ai rencontré personnellement les responsables des ARS, il y a une dizaine de jours. J’ai vu avec eux plusieurs éléments : la production d’un bilan tous les six mois et l’inscription, désormais, de ces questions dans les projets régionaux de santé. Des instructions ont été données. Elles seront suivies.
M. Jérôme Guedj (SOC). Alors mettons-le dans la loi.
Mme la ministre. Cela relève clairement du domaine réglementaire.
La commission adopte l’amendement CS1059.
En conséquence, l’amendement CS639 tombe.
Amendement CS1055 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement concerne le comité consultatif proposé par le rapport Chauvin pour servir d’instance de gouvernance des soins d’accompagnement. Vous avez dit que l’installation des comités consultatifs se ferait par voie réglementaire. Nous pensons important que cela figure dans la loi afin de consolider le titre relatif aux soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Cela figure au point n °30 de la stratégie nationale, relatif à la gouvernance. Il n’est pas nécessaire d’inscrire cette mesure dans la loi.
Mme la ministre. J’ai également une lecture réglementaire de cette question. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1062 de Mme Laure Lavalette
Mme Laure Lavalette (RN). Cet amendement crée un droit de visite des proches dans les établissements délivrant des soins palliatifs. Ce droit pourra s’exercer, si nécessaire, au moyen d’un recours contentieux en référé. Madame la présidente, je vous sais sensible à cette cause. Vous aviez reçu, avec Mme Aurore Bergé, le rapport du collectif Tenir ta main sur le droit de visite en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Vous allez dire l’amendement satisfait puisque la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie a instauré, ce dont je me réjouis, un droit de visite quotidien pour les personnes en fin de vie ou dont l’état requiert des soins palliatifs. Ce texte laisse néanmoins les établissements définir les conditions de ce droit de visite et garantir le respect des consignes visant à protéger la santé des personnes. La crise sanitaire s’est accompagnée de nombreux témoignages bouleversants sur l’impossibilité pour les familles et les proches d’accompagner sereinement les personnes en fin de vie lorsque les visites étaient interdites ou avaient lieu selon des modalités ne permettant pas d’apporter le soutien et la chaleur humaine essentiels aux personnes dont les jours sont comptés. Si nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait, les crises sont des événements qui poussent naturellement à se rapprocher de ceux que l’on aime et des plus vulnérables.
Lorsqu’un droit est créé, c’est une source de réjouissance. Lorsqu’il est bafoué, la possibilité de le faire respecter apporte un soulagement. Le recours à une ordonnance de référé permettra au patient de faire valoir immédiatement son droit de visite. Il me paraît important, dans ce texte dont le titre fait référence à l’accompagnement des malades, de sécuriser l’accompagnement par les proches, en particulier le droit de visite dans les établissements disposant de services de soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous avons appris à l’épreuve de la crise du covid‑19, à l’école du malheur. Nous avons vu, effectivement, des drames se dérouler, des couples et des familles séparés. Nous avons donc travaillé sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie, soutenue par la majorité, sur le droit fondamental à recevoir des visites. Je ne crois pas que votre groupe ait été associé à ce texte. Quant au recours contentieux, il semble peu judicieux de s’engager sur cette voie. Il est logique de laisser la main aux établissements en fonction des situations locales et des résidents, qu’ils connaissent, et de leurs relations avec les familles.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la ministre. La loi du 8 avril 2024 reconnaît aux personnes prises en charge dans un établissement le droit de recevoir tous les jours les personnes qu’elles souhaitent. L’amendement est satisfait.
Mme Annie Vidal (RE). Je reviens sur le droit qui a été renforcé par la loi du 8 avril 2024 et sur les conditions posées en commission mixte paritaire, à la demande des sénateurs dont nous connaissons la sagesse. Il est apparu opportun de préciser que le directeur d’établissement pouvait organiser les choses et fixer un certain nombre de conditions pour des raisons sanitaires, comme le port d’un masque. Cela ne retire rien à la consécration législative du droit de visite quotidien, y compris dans les services de soins palliatifs. Il est inutile de répéter ce qui existe déjà.
M. Yannick Neuder (LR). Il a beaucoup été question hier des maisons d’accompagnement. Quel est leur statut juridique ? Sont-elles des établissements médico‑sociaux ?
Mme la ministre. Nous y reviendrons dans quelques minutes mais je peux d’ores et déjà vous le confirmer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1157 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Je vous propose d’inscrire la délivrance d’un enseignement portant sur l’éthique et la fin de vie dans les missions incombant à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), qui forme les dirigeants des établissements de santé. Il est indispensable de combler cette lacune compte tenu des enjeux bioéthiques et du souhait unanime de voir les soins palliatifs se déployer.
M. Didier Martin, rapporteur. Je serais étonné que les questions éthiques soient contournées à l’EHESP. Ce que vous proposez est superflu et relève du domaine réglementaire.
Mme la ministre. L’EHESP propose un master droit, santé, éthique parmi ses formations diplômantes. Un certain nombre de diplômés de ce master intègre des fonctions de direction au sein d’établissements. L’amendement est satisfait.
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement de M. Bazin n’est pas satisfait. J’ai regardé quels sont les enseignements proposés par l’école de Rennes. Vous avez parfaitement raison de dire que ce master existe. Mais les questions éthiques ne font pas l’objet d’un enseignement dans certains cursus.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Quelle est la compatibilité entre cet amendement et la liberté académique ? Nous nous sommes déjà posé cette question, en commission des affaires sociales, pour plusieurs types de formation. Nous avons toujours répondu que nous n’étions pas en mesure de définir le contenu des maquettes et que ce n’était pas notre responsabilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS754 de M. Laurent Panifous et sous-amendement CS1981 de M. Hadrien Clouet
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement, comme d’autres, cherche à répondre au défaut de formation des professionnels de santé, qui a beaucoup été évoqué lors des auditions, mais aussi du personnel paramédical et de tous les acteurs au côté des personnes en fin de vie. Il s’agit de s’assurer que les aides à domicile, qui jouent un rôle important d’accompagnement des personnes âgées et en situation de handicap, dont ce texte traite aussi, bénéficient d’une formation adaptée.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous partageons l’idée que la formation professionnelle est importante pour enrichir les tâches, les faire différemment, mieux travailler et être mieux payé. Mais il faudrait respecter deux conditions essentielles. La première est que la formation doit être qualifiante, c’est-à-dire faire l’objet d’un diplôme délivré de façon indépendante, ce qui n’est pas le cas lorsqu’un organisme de certification privé intervient. Il faut ensuite que la formation soit gratuite, donc accessible et démocratique. Nous le demandons à un moment où la Macronie compte facturer 100 euros à tout utilisateur du compte personnel de formation : essayons au moins de protéger les aides à domicile.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Si j’étais taquin, je vous adresserais les salutations de la Macronie. Mais je me contenterai de dire que le sous-amendement est à la limite de tomber sous le coup de l’article 40.
Mme la ministre. Même avis, aussi bien pour le sous-amendement que pour l’amendement.
M. Jérôme Guedj (SOC). J’insiste sur l’importance de prévoir la formation de l’ensemble des professionnels qui auront directement ou indirectement à connaître de publics vulnérables susceptibles de solliciter des soins d’accompagnement, des soins palliatifs ou une aide à mourir. Qu’il s’agisse de cet amendement, qui concerne les interventions à domicile pour les personnes âgées ou handicapées, ou de l’amendement CS1311 de M. Marion, qui traite plus largement des professionnels de santé et du secteur médico-social, il faut une obligation de formation initiale et continue, même si l’amendement que nous sommes en train d’examiner n’évoque que le second point.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CS510 de Mme Emmanuelle Ménard
Mme Emmanuelle Ménard (NI). J’ai déposé cet amendement pour souligner l’importance de la formation transversale en matière de soins palliatifs. La structuration de la filière universitaire est fragile dans ce domaine alors qu’il existe un réel besoin d’encadrement des services. Il n’y a que peu ou pas d’enseignement et il n’existe pas de chaire. Selon Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, les soins palliatifs, « qui demeurent l’honneur de la médecine et le dernier refuge du soin, n’ont jamais eu la place qu’ils auraient dû avoir » en France. Mon amendement facilite les changements d’orientation des médecins et du personnel médical au cours de leur carrière, notamment vers le secteur sous-doté des soins palliatifs. Il répondra aux difficultés de recrutement. L’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France révèle un décalage significatif de 30 % entre les effectifs réels en soins palliatifs et l’encadrement en équivalent temps plein théorique.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous avons déjà préconisé l’an dernier, dans le rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, la généralisation des formations à la fin de vie et à l’approche palliative. La stratégie décennale s’inscrit pleinement dans cette logique. Le développement de la recherche et de la formation est l’un de ses axes stratégiques. Il me semble, par ailleurs, que la formation proposée a été créée lors de la réforme du troisième cycle des études de médecine. L’amendement me paraît satisfait.
Mme la ministre. Même avis pour la même raison, à savoir la réforme des études de médecine intervenue en 2017.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS345 et CS346 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Ces deux amendements ont pour inspiration un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales relatif au développement des soins palliatifs.
L’amendement CS345 insère des programmes intégrés de soins palliatifs dans la formation continue des médecins. Il y reste des marges de progression alors que la question est davantage abordée dans le cadre de la formation initiale.
L’amendement CS346 assure une formation par des stages pratiques en unités de soins palliatifs et en équipes mobiles de soins palliatifs. Il est important, si on veut développer une éthique du soin, que la dimension qualitative soit pleinement diffusée auprès de l’ensemble des professionnels concernés.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Il existe déjà une offre de formation continue en soins palliatifs. Par ailleurs, la stratégie décennale prévoit d’inclure un module spécifique dans les maquettes universitaires. L’enjeu est de faire connaître aux médecins cette offre de formation continue, de même que l’offre de stages.
Mme la ministre. Je rappelle que l’offre de formation s’adresse à toute la filière, au personnel médical aussi bien que paramédical. On peut se dire qu’il faut aller plus loin, mais la formation continue existe. Les universités proposent des diplômes interuniversitaires en soins palliatifs délivrés à près de 1 600 professionnels par an. La formation spécialisée transversale de médecine palliative que nous avons créée comprend des stages pratiques en unités de soins palliatifs et au sein des équipes mobiles de soins palliatifs. Les amendements sont satisfaits.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1142 de M. Sébastien Peytavie
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à développer l’accès à la formation continue des médecins généralistes. La Cour des comptes a noté que, au rythme actuel, il faudra plus d’un siècle pour que tous les généralistes soient formés aux soins palliatifs. Nous avons voté hier le renforcement des soins d’accompagnement et des soins palliatifs ainsi qu’une garantie d’accès aux soins palliatifs. La formation continue des médecins en est le corollaire indispensable.
M. Didier Martin, rapporteur. Même explication que celle apportée à M. Hetzel. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS752 de M. Laurent Panifous et sous-amendement CS1982 de M. Hadrien Clouet
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement traite aussi de la formation et de la culture palliative des professionnels qui travaillent auprès des personnes en fin de vie. Deux critiques ont été formulées à l’encontre de l’amendement précédent : il ne concernait pas tous les professionnels mais uniquement les aides à domicile, et il n’employait pas l’expression « formation initiale et continue ». Celui-ci mentionne clairement « la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé ainsi que des professionnels du secteur médico‑social ». Pour garantir l’effectivité de cette formation, nous devons l’inscrire dans la loi.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous sommes favorables à une formation tout au long de la vie pour le personnel de santé. Néanmoins, par le sous‑amendement CS1982 nous devons nous assurer que cette formation est à la fois gratuite et qualifiante, avec un diplôme reconnu dans la France entière. Nous ne pouvons pas exiger une participation financière du personnel qui s’occupe de nos aînés alors que nous voulons augmenter son niveau de qualification.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous proposez que la formation initiale et continue des professionnels de santé du secteur médico-social soit mieux prise en charge pour lutter contre les douleurs aiguës et chroniques. Comme je l’ai déjà dit, il existe des formations spécialisées transversales en médecine palliative qui incluent la lutte contre la douleur, et les universités proposent des diplômes interuniversitaires en soins palliatifs. L’amendement est satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel (LR). Je tiens à signaler un souci technique : l’application Eloi est actuellement bloquée, ce qui nous empêche de déposer des sous-amendements. Il conviendrait de suspendre nos travaux le temps qu’une solution soit trouvée.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. On me dit qu’il est possible de déposer des sous-amendements. Certains de vos collègues l’ont fait à l’instant.
Mme Annie Vidal (RE). Pour avoir souvent échangé avec des professionnels exerçant en Ehpad ou au domicile, j’ai souvent entendu des aides-soignants et des auxiliaires de vie dire accompagner les personnes en fin de vie à l’instinct, car ils n’avaient reçu aucune formation initiale ni continue sur le sujet. Si les programmes actuels de formation continue proposent un module, il semble n’être pas enseigné. Il serait souhaitable d’inscrire dans la loi que tous les professionnels reçoivent une formation à l’accompagnement de la fin de vie. Ce serait valorisant pour eux et meilleur pour les patients.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a une contradiction dans la réponse apportée aux amendements de M. Panifous, comme à l’amendement CS1311 de M. Marion, que nous examinerons tout à l’heure. Chacun s’accorde à dire que la formation est essentielle, à tel point qu’elle fait l’objet de la mesure 25 de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Sa formulation pour le moins lapidaire – « La formation continue sera développée » – est ainsi justifiée : « Nous constatons une insuffisante reconnaissance universitaire des soins palliatifs et un défaut de culture palliative aujourd’hui. » Malgré cela, vous rejetez la proposition d’inscrire dans la loi une obligation de formation initiale et continue des professionnels qui ruissellerait sur l’ensemble des organismes concernés.
La loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie a introduit dans la formation initiale et continue un module obligatoire sur la bientraitance des personnes âgées. Ne serions-nous pas capables de la même chose pour les soins palliatifs ?
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendements CS11 de M. Thibault Bazin et CS1397 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). J’ai eu le plaisir de participer à la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, dont notre rapporteur général était le président. L’une de ses préconisations était la généralisation des formations à la fin de vie et aux approches palliatives pendant les études des professionnels de santé, mais aussi en cours de carrière.
Madame la ministre, vous nous renvoyez sans cesse à la stratégie décennale des soins d’accompagnement en disant que nos propositions relèvent du domaine réglementaire. Pour avoir travaillé le sujet et même déposé une proposition de loi dessus, je sais qu’une partie d’entre elles sont législatives. C’est pourquoi je propose de compléter l’article L. 632‑1 du code de l’éducation et l’article L. 4021‑1 du code de la santé publique. La formation aux soins palliatifs est souvent présentée comme facultative. Si nous voulons qu’une culture palliative se diffuse, il faut y mettre les moyens.
Par ailleurs, vous avez rappelé qu’il ne fallait pas oublier la formation des professionnels paramédicaux. Je propose un rapport sur l’opportunité de créer une spécialité d’infirmier en soins palliatifs afin de les valoriser.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). La question de la formation initiale et continue est revenue souvent au cours des auditions. À juste titre, car elle touche à la modification de la culture qui entoure la fin de vie et les soins palliatifs. Nous sommes nombreux à évoquer la question des moyens : pour notre part, nous avons conscience qu’ils doivent participer à la transformation de la culture. Néanmoins je constate que des députés de différents groupes, qui n’ont pas tous le même avis sur la seconde partie du texte, cherchent eux aussi à inscrire cette formation dans la loi. Le rapporteur en a déposé un, lui aussi, qui n’a toutefois pas la même visée car il évoque l’évolution de la formation consécutive à l’adoption du texte. La formation semble faire consensus. Inscrivons-la dans la loi !
M. Didier Martin, rapporteur. Les deux amendements abordent la formation universitaire et continue aux soins d’accompagnement, à la médecine palliative et à la lutte contre la douleur. On pourrait y ajouter la recherche. Tout cela est inscrit dans la stratégie décennale, d’ordre réglementaire.
Mme la ministre. L’acquisition de compétences transversales par le plus grand nombre et les maquettes de formation initiale relèvent du niveau réglementaire. J’ajoute que, avec la réforme du troisième cycle des études de médecine, une formation spécialisée transversale de médecine palliative a été créée, dont les effectifs sont en croissance constante. Pour ce qui est de la formation continue, les universités proposent des diplômes interuniversitaires en soins palliatifs.
M. Bazin propose de créer une spécialité d’infirmier en soins palliatifs. Mais ces soins concernent tous les infirmiers. D’ailleurs, plusieurs amendements qui viennent d’être discutés appelaient à former un maximum de professionnels. Nous travaillons actuellement à une refonte de la profession infirmière qui sera l’occasion de travailler sur la formation et les compétences socles déjà intégrées par la pratique, dont les soins palliatifs.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). Avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente, nous avons essayé d’utiliser l’application Eloi. Voici le message qui s’affiche : « L’application est en cours de maintenance. Les équipes techniques de l’Assemblée sont en train d’intervenir sur cette application. »
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. L’application fonctionnait au moment où je vous l’ai indiqué. On me confirme qu’elle devrait repartir d’ici 10 minutes, si le problème n’est pas déjà réglé.
La commission rejette l’amendement CS11 puis adopte l’amendement CS1397.
Amendement CS1606 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Le texte comporte un point faible : la formation en médecine palliative. L’amendement vise à recenser les besoins locaux pour y faire correspondre, territoire par territoire, une formation propédeutique avec l’ouverture d’un institut universitaire de santé spécialisé sur le modèle de ceux qui existent outre-mer et en Corse. L’idée avait été évoquée lors de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation de notre collègue Neuder. Elle permettrait à de nombreux jeunes qui entament des études de médecine de s’engager dans ces territoires délaissés, souvent ruraux, sans centre hospitalier universitaire et mal dotés en structures de formation. Je rappelle que vingt et un départements sont dépourvus d’unité de soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Ce que vous dites ne correspond pas à la formation de médecin telle que je l’ai connue. Je trouve étonnant de proposer une formation aux soins palliatifs dès l’accueil des étudiants. De plus, la création de ces instituts risque de générer une dépense.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je ne me permettrai pas d’invoquer l’article 40. Il est important d’atteindre rapidement l’objectif d’une unité de soins palliatifs dans chaque département, et les instituts de formations ne feraient que ralentir le processus.
Avis défavorable.
M. Nicolas Turquois (Dem). Si cet amendement, qui propose explicitement une dépense, ne tombe pas sous le coup de l’article 40, c’est à n’y rien comprendre ! Il y va de la crédibilité de nos débats. Je suis sincèrement furieux de ce qui se passe.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Sans me faire l’avocate du président de la commission des finances, je me permets d’indiquer que l’amendement précise que la création de ces instituts n’est pas obligatoire. C’est sans doute ce qui a prévalu.
M. Nicolas Turquois (Dem). Il faut regarder l’exposé sommaire !
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ce qui est inscrit dans la loi, ce n’est pas l’exposé sommaire mais le dispositif de l’amendement.
M. Julien Odoul (RN). Je tiens à réagir aux propos du rapporteur, que je trouve choquants. Une suspicion de recherche de rentabilité pèse déjà sur ce texte. Nous l’avons entendu lors des auditions. Si, chaque fois que nous parlons de soins palliatifs, de formation, d’investissement ou de collégialité, vous bloquez le débat par des arguments indécents sur la dépense, vous risquez de nourrir cette suspicion qui, de plus en plus, devient une réalité.
M. Didier Martin, rapporteur. Monsieur Odoul, en matière d’indécence, vous savez de quoi vous parlez. L’amendement était suffisamment bien tourné pour contourner l’écueil de la dépense, mais mon avis défavorable tient toujours.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS316 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement crée un programme d’enseignement sur les soins palliatifs destiné aux étudiants en médecine, durant leur cycle de formation, afin de former les futurs médecins aux enjeux de la fin de vie. Actuellement, en raison du manque de formation, les connaissances des professionnels de santé sont limitées. Les moyens humains et financiers nécessaires pour délivrer ces soins font souvent défaut. Chacun le constate, y compris les médecins.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hervé de Lépinau (RN). Mme la ministre a dit hier qu’il serait difficile d’armer notre dispositif de soins palliatifs car les étudiants en médecine n’avaient pas d’appétence pour la gériatrie et la médecine palliative. L’amendement renforce l’attractivité de cette matière, et il reçoit un avis défavorable ! Je peine à comprendre la logique. Si nous voulons susciter des vocations, il faut intéresser les étudiants à la question. C’est incohérent.
Mme la ministre. Pour vous répondre en un mot, c’est une mesure réglementaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1311 de M. Christophe Marion et CS174 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune)
M. Christophe Marion (RE). Mon amendement garantit aux professionnels de santé du secteur médico-social l’accès, au cours de leur formation initiale et continue, à un module de formation spécifique à la fin de vie. Ce module leur apprendrait les soins d’accompagnement et leur évolution, la prise en charge de la douleur et l’accompagnement de la fin de vie. Il les formerait également au recueil de la volonté des malades sous toutes ses formes et, plus généralement, à l’accueil des personnes en perte d’autonomie ou de discernement.
Cette mesure est en partie prévue dans la stratégie décennale des soins d’accompagnement, qui prévoit l’émergence d’une filière de formation universitaire en médecine préventive pour les médecins et les autres professionnels de santé ainsi que l’inclusion d’un module spécifique dédié aux soins d’accompagnement dans les maquettes universitaires. Toutefois, il m’apparaît important d’inscrire dans la loi ce droit d’accès à une formation spécifique pour garantir son existence, en particulier pour la formation continue, sur laquelle la stratégie décennale gagnerait à être plus précise. S’il est important d’adapter la formation initiale, il est tout aussi essentiel de permettre aux équipes actuelles de se préparer car elles seront les premières à rendre le texte applicable.
J’aurais pu ajouter que cette formation peut être assurée par des enseignants bénévoles, afin de ne pas être frappé par l’article 40.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Mon amendement complète l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique par l’alinéa suivant : « Les cursus médicaux et paramédicaux » – j’insiste sur le paramédical – « intègrent des formations obligatoires dédiées aux soins palliatifs et à l’accompagnement. » Cela évitera l’argument récurrent selon lequel le sujet relève du réglementaire.
M. Didier Martin, rapporteur. J’apporterai la même réponse qu’à M. Panifous : il existe déjà des offres de formations spécialisées transversales. L’objectif que vous fixez doit être une boussole. Il ne s’agit pas de le rendre juridiquement applicable à court terme.
Mme la ministre. Dans la réforme du troisième cycle des études de médecine lancée en 2017, une formation spécialisée transversale de médecine palliative a été créée, dont la participation est en constante croissance. Cette formation est accessible en formation initiale et, depuis cette année, aux médecins hospitaliers et libéraux en exercice. Les amendements sont satisfaits.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le groupe La France insoumise votera l’amendement de notre collègue Marion car il couvre la question de la formation des professionnels de manière exhaustive. Tout d’abord, il traite à la fois de la formation initiale et continue. Deuxièmement, il concerne tous les professionnels de la santé et du médico-social ; la réponse de Mme la ministre, qui argue de la réforme des études de médecine, tombe à côté du sujet puisque l’amendement touche des centaines de milliers de personnes qui ne sont pas des médecins. Troisièmement, il raisonne par niveau de qualification et par blocs de connaissances plutôt que par discipline, ce qui permettra aux professionnels de s’imprégner des différentes composantes des soins palliatifs à mesure que ceux-ci évolueront.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement de M. Marion, comme ceux défendus précédemment par M. Panifous, est essentiel. Qui peut le plus, peut le moins ! Puisque la stratégie décennale fixe l’objectif de renforcer la formation continue, inscrivons dans la loi celui d’une formation initiale et continue pour le personnel de santé et les professionnels du secteur médico-social. La culture palliative se développera ainsi en Ehpad et dans les services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Mme la ministre. Ce sont les mêmes professionnels qui interviennent dans la santé et le médico-social : des médecins, des infirmiers, des aides-soignants, pour lesquels existent déjà des formations en soins palliatifs. La formation des aides-soignantes a été ajoutée en 2021.
La commission adopte l’amendement CS1311.
En conséquence, l’amendement CS174 tombe.
Amendement CS755 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Je suis assez surpris de votre réponse, monsieur le rapporteur. Comme vous, j’ai participé aux débats de la commission spéciale et à bien d’autres débats dans les groupes d’étude depuis le début de la législature. Pas un seul professionnel ne considère avoir reçu une formation aux soins palliatifs et aux soins d’accompagnement. Il ne s’agit pas uniquement des médecins spécialistes, pour lesquels on indique qu’une formation sera créée et c’est tant mieux, mais de tous les acteurs de la santé.
L’amendement inscrit dans la loi la création du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine palliative et de soins d’accompagnement. Vous me répondrez probablement, comme aux autres, qu’il est satisfait.
M. Didier Martin, rapporteur. La stratégie décennale prévoit la création d’un DES pour donner ses lettres de noblesse à la spécialité. Je ne pense pas qu’il soit utile de le préciser dans la loi. Les formations existent mais elles sont méconnues. Il faut en faire la publicité et orienter vers elles tous les professionnels de santé.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS756 de M. Paul-André Colombani
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement crée une filière universitaire dédiée aux soins palliatifs et d’accompagnement en concrétisant l’annonce du Gouvernement, dans sa stratégie décennale, de créer un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative et de soins d’accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Même réponse ; avis défavorable.
Mme la ministre. Je suis étonnée que l’amendement ne soit pas tombé du fait de l’adoption du précédent. Je le considère satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1396 de Mme Elsa Faucillon et CS12 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’amendement CS1396, moins-disant que celui que nous venons d’adopter, consiste en une demande de rapport évaluant l’opportunité et les modalités selon lesquelles la filière palliative pourrait se structurer en discipline autonome par la création d’un DES de médecine palliative. C’est un véritable besoin dans une société vieillissante où la question de la prise en charge de la douleur se pose de manière prégnante et requiert un personnel qualifié en nombre suffisant. Malheureusement cette discipline, difficile, peine à attirer les jeunes et nous manquons de médecins formés.
M. Thibault Bazin (LR). Je retire mon amendement en raison de l’adoption de l’amendement CS755.
M. Didier Martin, rapporteur. Outre que l’avis par défaut soit défavorable aux demandes de rapport, je suggère le retrait de l’amendement de Mme Faucillon pour la raison avancée par M. Bazin.
Les deux amendements sont retirés.
Amendement CS1594 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous nous réjouissons de l’adoption de l’amendement de notre collègue Panifous, pour lequel nous avons voté. Il est mieux-disant que celui-ci.
Je tiens à revenir sur la réponse apportée à mon amendement concernant la création d’instituts universitaires de santé. Vous ne pouvez pas dire que des amendements sont satisfaits alors qu’ils ne le sont pas encore, ou encore qu’ils constituent une charge au sens de l’article 40 alors qu’ils ont passé le filtre de la commission des finances. Donnez-nous des arguments de fond !
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Vous proposez de créer une filière médicale dédiée aux soins palliatifs. Nous convenons de son importance mais il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Il est honteux de dire que nous comptons réaliser des économies avec ce texte. Le Gouvernement s’est engagé à faire évoluer la dépense publique pour les soins palliatifs de 1 453 millions à 2 700 millions d’euros.
Mme la ministre. Depuis 2016, une sous-section du Conseil national des universités travaille à structurer la filière universitaire de médecine palliative. Votre amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS516 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement demande un rapport sur la formation initiale aux soins palliatifs. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques, la demande en soins palliatifs s’accroît. Assurer une telle formation à tous les étudiants dans le domaine de la santé permettrait de répondre à cette demande croissante et de préparer les professionnels de santé à relever ce défi.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement CS1331 que nous avons adopté prévoit un rapport évaluant la mise en œuvre de la stratégie décennale. Je vous suggère de retirer votre amendement.
Mme la ministre. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1871 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Le besoin de formation en soins palliatifs et le manque de moyens ont été fréquemment soulignés lors des auditions. La Convention citoyenne sur la fin de vie en a fait une de ses recommandations principales, 88 % de ses membres réclamant le développement de la formation initiale des professionnels de santé aux soins palliatifs ainsi que la prise en charge de la douleur et de la fin de vie.
Développer une culture palliative suppose de la cultiver par la formation initiale et continue. Si nous nous réjouissons que l’amendement CS1331 ait été adopté, nous demandons également qu’un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’ajout de modules relatifs à la fin de vie dans la formation initiale et continue des médecins, des professionnels de la pharmacie et de la physique médicale, ainsi que des auxiliaires médicaux.
M. Didier Martin, rapporteur. Même réponse qu’à Mme Pollet : satisfait, demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS9 de M. Thibault Bazin et CS1394 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement appelle votre attention sur la nécessité de réviser le modèle de financement des unités de soins palliatifs (USP) et des unités mobiles, sans se limiter à l’article 2 pour le financement des maisons d’accompagnement.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement CS1394 prévoit un rapport évaluant l’opportunité et les modalités selon lesquelles le financement des soins palliatifs pourrait être réformé, alors que les professionnels de santé soulignent l’inadéquation du mode de financement actuel à la réalité des soins dispensés. La disposition suit la septième recommandation de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, conduite en mars 2023, qui préconisait un financement mixte fondé sur une dotation forfaitaire et des recettes issues de l’activité. Il est capital d’établir la manière dont nous finançons ces activités, les reconnaissons et leur donnons les moyens de se déployer.
M. Didier Martin, rapporteur. Je vous remercie de mettre en lumière cette proposition du rapport d’évaluation. Il faut en effet faire évoluer le modèle de financement des soins palliatifs, pour le dégager du tout‑tarification à l’activité et aller vers un modèle mixte, alliant une part forfaitaire et une part liée à l’activité. Le temps passé auprès des patients n’est pas quantifiable de la même façon que les actes techniques.
La recommandation étant reprise par la stratégie décennale, j’émettrai toutefois un avis défavorable.
Mme la ministre. Nous travaillons à réformer la tarification à l’activité afin de mieux prendre en compte le temps pris par les soignants, par opposition à celui que requièrent les gestes techniques. Ces modalités d’évolution seront évaluées cette année. Vous avez pu constater que la tarification instaurée en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) prévoit une augmentation importante. L’amendement étant pris en compte, je vous en demande le retrait.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les deux amendements sont distincts. Celui de Mme Faucillon, que nous voterons, part d’un constat partagé : le modèle de financement des soins palliatifs est problématique.
Celui de M. Bazin vise à évaluer un mode de financement fondé sur des recettes issues de l’activité. Or, on ne peut pas financer l’établissement sur des actes que les personnes ne veulent pas recevoir puisqu’étant en soins palliatifs, elles ont opté pour ne plus recevoir de traitements curatifs. En outre, la tarification à l’acte a pour principe de réduire la durée des séjours. Ici, le but est au contraire de l’étendre. Enfin, le risque est de ne pas disposer de fonds prévisibles sur le temps long. Aller dans cette direction semble donc un contresens éthique. Nous ne voterons pas l’amendement CS9.
M. Thibault Bazin (LR). Je maintiens l’amendement afin d’obtenir les résultats des travaux menés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS351 de M. Patrick Hetzel, CS1156 de M. Thibault Bazin et CS347 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS351 confie à la Haute Autorité de santé (HAS) une mission d’évaluation et de gestion de la douleur chez les patients en phase terminale, dont le pronostic vital est engagé à court terme. Un tel outil peut contribuer à la diffusion des soins palliatifs. La prise en charge de la douleur constitue un élément du processus de certification des établissements de santé par la HAS.
L’amendement CS347 a pour objet de développer des indicateurs qualitatifs dans les équipes mobiles de soins palliatifs. La mission serait également confiée à la HAS, qui endosserait logiquement ce rôle.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
La définition et l’évaluation des indicateurs sont des enjeux centraux mais il ne semble pas pertinent de les confier à la HAS car l’instance de gouvernance assurera cette mission.
Mme la ministre. Je comprends la volonté d’assurer une prise en charge efficace de la douleur ainsi que de garantir la capacité à l’évaluer. Toutefois, cette mission est déjà remplie par la HAS : lorsqu’elle visite les établissements de santé, elle travaille sur la qualité de la prise en charge comme sur son organisation. La demande est satisfaite.
M. Charles de Courson (LIOT). Il est étonnant que le rapporteur estime que cette mission n’est pas de la compétence de la HAS. Si celle‑ci n’est pas compétente en la matière, qui l’est ?
Mme la ministre. Je l’ai dit, la HAS réalise elle-même une évaluation.
La commission rejette successivement les amendements CS351, CS1156 et CS347.
Amendement CS348 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Après l’adoption, hier soir, de certains amendements garantissant l’accès aux soins palliatifs, la mesure et l’évaluation de la mise en œuvre de cette garantie restent en discussion. Il revient au Parlement, dans sa mission d’évaluation des politiques publiques, de suivre la concrétisation des engagements pris. C’est pourquoi nous demandons un rapport annuel sur la mise en œuvre du plan pluriannuel de développement des soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
D’autres modalités d’évaluation sont prévues, notamment par l’amendement CS1331. La HAS est bien chargée d’évaluer les bonnes pratiques. Nous avons à contrôler son travail par des inspections.
M. Thibault Bazin (LR). Le rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti soulignait l’absence de données robustes pour évaluer l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs, ainsi que la nécessité d’indicateurs. Hier, nous avons voté l’accès garanti aux soins palliatifs. Un contrôle, par la publication d’un rapport avec des indicateurs, va dans le bon sens. Donnons-nous les moyens de suivre et de vérifier la stratégie. Le Premier ministre l’a dit, l’établir est une chose ; la mettre en œuvre, c’est mieux !
M. Didier Martin, rapporteur. Je donnerai bientôt un avis favorable à un amendement de Mme Fiat, qui porte sur cette évaluation.
Mme la ministre. La stratégie décennale sera évaluée puisque son pilotage, son suivi et son évaluation seront confiés à une instance de gouvernance regroupant l’ensemble des parties prenantes, notamment des représentants des usagers, des sociétés savantes et des collèges professionnels. L’instance remettra des rapports annuels sur le déploiement de la stratégie ainsi qu’une évaluation complète à l’issue des dix ans. En parallèle, les ARS vérifieront tous les six mois l’application locale.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement prévoit un rapport annuel établi par l’Observatoire national de la fin de vie. Or, il a été dissous le 5 janvier 2016.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1387 de Mme Elsa Faucillon, CS4 de M. Thibault Bazin, CS509 de Mme Emmanuelle Ménard et CS5 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’amendement CS1387 ordonne de publier chaque année l’évolution de l’offre de soins palliatifs sur le territoire, en établissement et à domicile, afin de suivre son déploiement. Il reviendrait aux ARS d’assurer le recensement et la publication régulière de ces données, parallèlement au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie qui a publié un Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France en 2018, 2020 et 2023. L’amendement est cohérent avec les dispositions adoptées hier, qui définissent les soins palliatifs comme un droit opposable sous la responsabilité des ARS.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS4 précise que ces indicateurs sont établis « dans des conditions définies par le ministre chargé de la santé, après avis de la Haute Autorité de santé », contrairement à l’amendement de Mme Fiat, qui prévoit que le service statistique public les définisse. En effet, ces derniers concernent la santé, non la seule statistique. Leurs résultats font en outre l’objet d’une publication.
Je retire l’amendement de repli CS5 au profit du CS4.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Mon amendement rend obligatoire la publication annuelle par chaque ARS d’un rapport permettant d’apprécier l’adéquation de l’offre aux besoins de soins palliatifs, sous la responsabilité du ministre de la santé. Il permettra au Gouvernement, aux parlementaires et aux citoyens d’évaluer la situation des soins palliatifs dans chaque région.
M. Didier Martin, rapporteur. Vos amendements sont satisfaits. Un sous‑amendement à l’amendement de Mme Fiat confiera au Gouvernement un rapport sur l’offre de soins palliatifs.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’inclusion des soins palliatifs dans les projets régionaux de santé, que vous avez votée précédemment, constitue une partie de la réponse. Les ARS remonteront les données, qui seront mises en avant par l’instance de gouvernance créée pour piloter et évaluer la stratégie.
Les trois amendements sont donc satisfaits. J’en demande le retrait.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est l’application de la loi au dernier kilomètre qui importe. L’attente des Français est forte : ils veulent savoir comment l’objectif de couverture en unités de soins palliatifs dans les deux ans sera atteint dans leur territoire. Intégrer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale des états d’avancement, région par région, fournirait une vision objective, qui enlèverait tout doute et conforterait votre démarche.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous sommes favorables aux amendements CS1387 et CS4, qui prévoient une évaluation du déploiement des soins palliatifs par chaque ARS, notamment dans les départements qui ne disposent pas d’unité de soins palliatifs.
L’amendement CS5 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement CS352 de M. Patrick Hetzel, amendement CS1839 de Mme Caroline Fiat et sous‑amendement CS1969 de M. Didier Martin (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Le rapport sur les soins palliatifs de la Cour des comptes, publié en 2023, a mis en évidence de multiples difficultés. Nous souhaitons que le Gouvernement publie chaque année un rapport contenant les indicateurs de couverture des soins palliatifs, département par département. Il recensera les unités de soins palliatifs, les équipes mobiles ainsi que les lits identifiés afin d’améliorer l’efficacité et l’organisation de l’accès à ces soins. Ces indicateurs permettront au Gouvernement et aux citoyens de savoir si l’offre s’améliore, conformément aux engagements pris.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Mon amendement crée des indicateurs statistiques relatifs à l’offre de soins palliatifs ainsi qu’au recours à la sédation profonde et continue, et aux directives anticipées. La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a souligné un manque d’indicateurs concernant l’application de la loi et, plus globalement, la fin de vie. On ne sait pas dénombrer précisément le nombre de sédations profondes et continues administrées chaque année, ni les demandes à cet effet, pas plus que les procédures collégiales. Les rares données publiées sont anciennes ou peu représentatives. Quant aux données collectées, elles sont muettes sur le parcours et l’expérience de la personne en fin de vie, dont les besoins sont mal évalués.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous manquons en effet de données robustes quant à la fin de vie et au nombre de sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès.
Par ce sous-amendement, nous demandons au Gouvernement un rapport sur l’offre de soins palliatifs. Les données ainsi recueillies, agrégées et anonymisées, tiendront compte de la recherche sur la prise en charge de la fin de vie, et des réponses à apporter conformément à la loi Claeys-Leonetti.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement CS352 et un avis favorable sur le CS1839, moyennant mon sous‑amendement.
Mme la ministre. Mêmes avis.
M. Yannick Neuder (LR). Je m’interroge sur la faisabilité de ces dispositions. Comment les départements d’information médicale pourront-ils enrichir le programme de médicalisation des systèmes d’information avec le nombre de sédations profondes, si cette demande n’est pas codifiée ? Les certificats de décès devront-ils également la renseigner ?
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS1839 va dans le bon sens car nous avons besoin de données robustes. Il est toutefois insuffisant car, contrairement à l’amendement CS1387 de Mme Faucillon, il ne traite pas d’un élément important de pilotage de la stratégie décennale : l’adéquation entre l’offre et le besoin en soins palliatifs. Il manque aussi un mode opératoire pour définir les différents critères. Les soins palliatifs ne se résument pas à la sédation profonde et continue.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Pour écrire un rapport, il faut l’alimenter. C’est toute la pertinence de l’amendement CS1839, par lequel ma collègue Fiat propose des indicateurs concernant différents soins, dont on a été incapable de mesurer l’importance. Je vous invite à le voter.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il est préférable que le service statistique public, non le Gouvernement, remette le rapport. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et l’Institut national de la statistique et des études économiques disposent d’une autonomie intéressante pour remplir cette mission. Les méthodes de la statistique publique sont également plus avancées que celles des opérateurs gouvernementaux où les formations, les mises à niveau ou les dotations peuvent manquer. Enfin, cela garantit que le travail ne sera pas réalisé par des cabinets de conseil privés qui, souvent, manipulent des données moins fiables ou moins robustes. En cela, il semble préférable de ne pas sous‑amender l’amendement de Mme Fiat.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne souhaite pas entrer dans la polémique : je fais autant confiance à l’évaluation du Gouvernement qu’à celle des établissements publics.
M. Neuder a raison, nous manquons d’un outil de codification. Il fera l’objet d’un amendement ultérieur.
Mme la ministre. Le Gouvernement a prévu de modifier le programme de médicalisation des systèmes d’information en vue de connaître le nombre de sédations profondes et continues.
La commission rejette l’amendement CS352 puis adopte le sous-amendement CS1969 ainsi que l’amendement CS1839 sous-amendé.
Amendements CS291 de M. Fabien Di Filippo, CS1373 de Mme Elsa Faucillon, CS1298 de M. Jocelyn Dessigny et CS1390 de Mme Emeline K/Bidi (discussion commune)
M. Fabien Di Filippo (LR). Mon amendement demande un rapport sur l’état des soins palliatifs en France et sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir leur accès dans l’ensemble du territoire. Malgré les annonces, on sait qu’il sera impossible de couvrir toute la France. Finalement, on rédige une nouvelle loi sur la fin de vie avant d’avoir réussi à appliquer la loi précédente, qui convenait sans doute à une grande majorité de situations.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement CS1373 prévoit que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport d’évaluation du déploiement des soins d’accompagnement, y compris les soins palliatifs. Il formule, le cas échéant, des propositions pour garantir le droit de tous à ces soins.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Notre amendement demande au Gouvernement un rapport portant sur la stratégie nationale visant à renforcer l’offre de soins palliatifs, tant sur le plan quantitatif – plus d’une vingtaine de départements ne disposent d’aucune unité de soins palliatifs – que qualitatif, pour satisfaire les nouvelles attentes. Dès lors que les malades préfèrent être soignés à domicile ou dans des maisons de soins palliatifs, il faut sortir de la logique du tout-hôpital. Le personnel soignant doit également être formé à l’accompagnement de la douleur et aux soins palliatifs. Ces deux impératifs commandent une coordination, entre eux et dans le territoire. Nous souhaiterions connaître la stratégie gouvernementale en la matière car elle n’apparaît pas dans le projet de loi.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Suivant la deuxième préconisation du rapport de la Convention citoyenne, notre amendement demande au Gouvernement de présenter un rapport formulant des propositions confortant les missions du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, notamment en le dotant d’une base législative. Ce centre a été créé par décret en 2016 pour une période de cinq ans. Ses missions ont été prolongées, également par décret, pour cinq nouvelles années en 2022. Il faut inscrire ce centre et ses missions dans la loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Monsieur Di Filippo, la Cour des comptes nous a déjà fourni des rapports d’évaluation. L’idée de rapprocher le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie de la plateforme de recherche est intéressante. Lors de notre mission d’évaluation, nous avons constaté qu’il lui était difficile de fournir des données quantitatives comme qualitatives. Je pense que l’adoption des précédents amendements, dont le CS1331 de M. Marion, a permis de répondre à vos questions.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Ce rapport serait pourtant très utile, notamment pour savoir comment mieux développer les soins palliatifs et les améliorer chaque année.
La commission rejette l’amendement CS291 puis adopte l’amendement CS1373.
En conséquence, les autres amendements tombent.
La réunion est suspendue de dix-neuf heures à dix-neuf heures dix.
Article 2 : Création des maisons d’accompagnement
Amendements de suppression CS176 de M. Philippe Juvin, CS342 de M. Patrick Hetzel, CS571 de Mme Annie Genevard et CS598 de Mme Justine Gruet
Mme Sylvie Bonnet (LR). L’article 2, que l’amendement CD176 propose de supprimer, crée des maisons d’accompagnement en s’inspirant des propositions du rapport du professeur Franck Chauvin, remis au Gouvernement le 9 décembre 2023. Ces maisons d’accompagnement viennent s’ajouter aux Ehpad, aux USP et aux équipes mobiles de soins palliatifs, sans que leur valeur ajoutée soit clairement définie.
M. Patrick Hetzel (LR). L’article 2 crée une nouvelle catégorie d’établissement médico-social dans le code de l’action sociale et des familles pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage : la maison d’accompagnement. Si l’exposé sommaire du projet de loi définit ces structures, le dispositif législatif apporte peu de précisions, ce qui laisse entendre une mise en place par décrets et arrêtés d’application. Alors que les unités de soins palliatifs manquent cruellement de moyens, certaines étant même en sursis comme celle de Houdan, ne serait-il pas plus pertinent de flécher les financements vers les acteurs gérant déjà des lits de soins palliatifs et de garantir un droit universel à leur accès ?
M. Thibault Bazin (LR). Je défends l’amendement CS571.
L’un des avis du Comité consultatif national d’éthique alertait sur le fait que, dans un contexte de pénurie de moyens humains et financiers, la question de l’allocation des ressources est importante. On peine à déployer les unités de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire et à l’armer en équipes mobiles. La démographie médicale et paramédicale montre qu’il sera difficile d’appliquer la stratégie décennale à très court terme. Ne risque-t-on pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? J’ai bien compris que les maisons d’accompagnement seraient moins médicalisées. Certains professionnels des USP ne seront-ils pas plus intéressés par un travail dans les maisons d’accompagnement, ce qui fragiliserait encore ces unités qui manquent déjà de professionnels ?
Mme Justine Gruet (LR). Je rejoins les propos de Thibault Bazin et je crains un effet d’annonce. L’implantation de ces maisons semble difficile au vu du seul financement du fonctionnement et non de l’investissement par l’État. S’il est nécessaire de démédicaliser la fin de vie, en évitant l’hospitalisation à tout prix lorsque c’est possible, nous avons déjà le devoir de permettre le retour et le maintien à domicile, lorsqu’il est souhaité, avant de créer des structures qui pourraient augmenter les disparités territoriales. Je pense notamment au rôle essentiel des hospitalisations à domicile dans nos départements. Plus on dilue les moyens, moins les dispositifs seront efficaces. Si ces maisons d’accompagnement sont louables dans leur principe en offrant un lieu serein d’accompagnement des derniers jours d’une vie, il demeure nécessaire de renforcer l’existant avant de créer du nouveau.
M. Didier Martin, rapporteur. Lors des auditions, nous avons reçu des témoignages intéressants. Je pense notamment à ceux relatifs à la maison de vie de Besançon ou à la Maison de Nicodème à Nantes. Ces maisons d’accompagnement remplissent une mission qui n’est pas assurée par les dispositifs actuels, qu’il s’agisse des Ehpad qui reçoivent des personnes âgées en perte d’autonomie, des unités de soins palliatifs très médicalisées et dispensant des soins médicaux et chirurgicaux avec un taux d’encadrement important, et des soins palliatifs pris en ville.
Lorsqu’un maintien à domicile n’est pas envisageable, ces maisons, dont le financement sera en partie pris en charge par l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et en partie par chaque résident, constitueront un lieu de répit pour les familles et les aidants. Leur cahier des charges ainsi que l’appel à manifestation d’intérêt restent à définir.
Mme la ministre. Je me permets de présenter assez longuement les maisons d’accompagnement. Nous sommes d’accord pour nous centrer sur la pathologie de patients et pas forcément sur leur âge. On entend parler d’Ehpad alors que tous les patients en fin de vie n’en relèvent pas, puisqu’ils peuvent être jeunes.
L’article 2 crée une nouvelle catégorie d’établissement médico-social pour compléter les dispositifs existants. Ces maisons d’accompagnement ne sont pas le seul lieu dans lequel des soins d’accompagnement pourront être dispensés. Elles sont destinées à accompagner des personnes en fin de vie, dans une situation intermédiaire étant donné que leur état est stabilisé, ce qui ne justifie pas un accueil en milieu hospitalier, mais que leurs contraintes ne leur permettent pas de retourner chez elles dans de bonnes conditions. Imaginons une personne isolée angoissée à l’idée de rester seule, quelqu’un qui partage son logement avec d’autres personnes qui ne peuvent pas supporter la perspective prochaine d’un décès, ou une personne dont le logement n’est pas adapté à l’état de santé et pour laquelle entreprendre des travaux serait compliqué.
Ces maisons ont vocation à accueillir des personnes dans un contexte moins médicalisé que l’hôpital, même si elles y recevront des soins, selon une logique du « comme à domicile ». Ce segment n’est pas prévu dans notre système de santé. On a cité l’exemple de Besançon. J’ai discuté avec les professeurs Aubry et Chauvin sur ce sujet. On imagine des structures de douze à quinze places avec une présence continue d’aides-soignants et une coordination médicale avec des infirmiers.
Trois grands types de soins pourront y être pratiqués : accompagnement physique permettant d’assurer le bien-être corporel, accompagnement psychologique pour le malade ou ses proches, soins palliatifs pour traiter et atténuer la douleur le cas échéant. Ce sont des lieux de soin qui ont vocation à accueillir différents intervenants, de l’hospitalisation à domicile si nécessaire ou des personnels libéraux comme des kinés.
Sur le plan des soins d’accompagnement, les soins médicaux techniques sont limités dans la mesure où les personnes sont stabilisées. L’approche holistique permettra de bénéficier d’interventions thérapeutiques et d’activités de relaxation, physiques ou culturelles. L’intervention de bénévoles extérieurs et d’associations sera encouragée. Ce sont bien sûr des lieux de vie pour les résidents comme pour leurs proches. La notion d’accueil est importante.
Comme l’a dit le rapporteur, tout n’est pas déterminé. L’étude d’impact détaille le calibrage. Une phase d’expérimentation s’ouvrira en 2025 à l’issue d’un appel à projets lancé cette année pour une dizaine de maisons, ce qui permettra de financer des expériences et de faire émerger d’autres projets. Il y aura ainsi une phase de préfiguration qui permettra de définir complètement le cahier des charges et les textes réglementaires fixant les conditions minimales de fonctionnement.
Je serai défavorable à plusieurs amendements, non que nous ne partagions pas leur ambition, mais parce qu’il est important que nous puissions d’abord construire le modèle. En tant qu’établissement et service social médico-social, les procédures communes s’appliqueront : autorisations, soumission au régime d’inspection, contrôle, évaluation périodique, projet d’établissement.
Ces maisons s’inscrivent dans une nouvelle approche. Elles sont un complément de ce qui existe. Elles n’ont pas vocation à remplacer quoi que ce soit. Nous aimerions créer une maison par département ces dix prochaines années.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous espérons que les amendements de suppression ne seront pas adoptés car la création de ces maisons d’accompagnement est une bonne chose. Développer des structures entre le domicile et l’hôpital répond à une demande des patients et des soignants, comme le confirme le rapport de la Convention citoyenne. Ces modèles existent d’ailleurs déjà en Italie et au Royaume-Uni.
Si nous souhaitons pouvoir examiner cet article, c’est aussi parce que nous avons des propositions d’amélioration : qu’il y en ait au moins une par département, que leur évolution suive celle de la population départementale, qu’elles soient à but non lucratif ou qu’il y ait des ratios d’encadrement.
M. Charles de Courson (LIOT). C’est dommage que nos collègues aient déposé ces amendements parce que ces maisons sont une bonne idée. J’imagine qu’ils sont d’appel. Le texte est tout à fait insuffisant sur leur définition. Mais il y a beaucoup d’amendements. Nous ne voterons pas la suppression de l’article.
M. Philippe Vigier (Dem). Madame la ministre, merci pour vos précisions sur le fonctionnement de ces maisons. Elles ont une vraie valeur ajoutée et elles ne viennent en rien se superposer aux structures et aux dispositifs existants, comme l’écrit Philippe Juvin dans l’exposé des motifs de son amendement. Mon département est l’un des vingt et un où il n’y a aucun lit en soins palliatifs. N’aurions-nous pas intérêt à concentrer l’appel à projets sur ceux-là ? Nous avons déjà des services de soins infirmiers à domicile, des associations de maintien à domicile et des communautés professionnelles territoriales de santé qui marchent bien. Je suis persuadé que nous pouvons créer des structures d’accueil.
Mme Annie Genevard (LR). Madame la ministre, l’aide active à mourir pourra‑t‑elle être délivrée dans les maisons d’accompagnement ?
Mme la ministre. Monsieur Vigier, on ne peut pas substituer la maison d’accompagnement à une USP. Il est nécessaire d’avoir un équipement d’USP dans un département comme le vôtre, ce qui n’empêche pas la maison d’accompagnement. Mais jamais je ne pourrai imaginer substituer l’un à l’autre, surtout dans ce sens.
Madame Genevard, la maison d’accompagnement aura vocation à être un domicile. Comme au domicile, l’aide à mourir y sera possible.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS26 de M. Thibault Bazin et CS1300 de M. Jocelyn Dessigny
M. Thibault Bazin (LR). C’est un amendement de cohérence avec ceux défendus à l’article 1er afin d’appeler les maisons d’accompagnement des « maisons de soins palliatifs ». Le terme « accompagnement » ne correspond pas au référentiel international de l’Organisation mondiale de la santé.
Madame la ministre, vous avez mentionné les trois types de soins qui pourraient être délivrés. Mais vous n’avez pas répondu à ma question sur le risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul dans un contexte de pénurie de moyens budgétaires et humains. Alors que l’on a du mal à armer les lits théoriques dans les USP et les équipes de soins mobiles, n’y a-t-il pas un risque que des professionnels se détournent des unités existantes pour aller vers ces maisons d’accompagnement ?
Qui plus est, j’ai l’impression que les types de soins que vous dites propres aux futures maisons d’accompagnement sont déjà prodigués dans certains établissements, dans des centres de cancérologie dotés d’une unité spécifique d’une dizaine de lits par exemple. Certains centres de soins de suite et de réadaptation ont spécialisé l’une de leurs unités en soins palliatifs. Comment cela va-t-il s’articuler et avec quels arbitrages budgétaires ?
M. Jocelyn Dessigny (RN). Madame la ministre, je suis choqué. Vous venez d’annoncer froidement que vous êtes en train de créer des maisons de la mort. À partir du moment où c’est une maison dans laquelle on administrera la mort, c’est comme cela qu’il faut l’appeler. Les maisons d’accompagnement, c’est pour accompagner les gens dans leur fin de vie sans souffrance.
M. Didier Martin, rapporteur. Ce que l’on vient d’entendre sur les « maisons de la mort » est navrant. Vous n’avez pas voulu comprendre ce que l’on essaie de vous expliquer, ce que sont les soins d’accompagnement, comment et quand on peut les délivrer. Une palette de soins seront prodigués dans ces maisons. M. Juvin s’obstine à ne pas vouloir comprendre ce que sont les soins d’accompagnement et les réduit à la notion de soins palliatifs.
Monsieur Bazin, il est vrai que certains soins d’accompagnement sont dispensés dans des unités de soins palliatifs. Toutefois, il y a des patients qui ne relèvent pas des soins palliatifs, techniques, mais des soins d’accompagnement. Vos remarques se fondent sur une pirouette : puisqu’il y a des soins d’accompagnement dans les unités de soins palliatifs, il n’est pas nécessaire de créer des maisons d’accompagnement. Vous refusez de comprendre que certains patients relèvent des soins d’accompagnement et non des soins palliatifs.
Vos amendements prouvent votre obstination à ne pas vouloir admettre qu’il existe des soins d’accompagnement.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Dans ces maisons d’accompagnement, il y aura des aides‑soignants ainsi qu’une coordination avec des infirmiers et des médecins. Vous avez fait référence à une unité de cancérologie et aux centres de soins de suite et de réadaptation : l’une relève de l’hospitalier, l’autre du sanitaire. Il s’agit ici de médico-social. C’est une structure plus légère d’accompagnement médical. Il y a un besoin de personnel et de prise en charge. On le sait depuis la première minute de travail sur ce texte : il faut plus de lieux et de plus de monde. On essaie d’élargir la palette des réponses pour mieux satisfaire les attentes. Ces maisons s’adressent à des patients stabilisés et proposent un service d’accueil des familles, qui n’existe ni dans un service de cancérologie ni en soins de suite et de réadaptation.
Les professionnels de la structure ne seront pas plus obligés de participer à l’aide à mourir que dans d’autres lieux. Il y aura évidemment une clause de conscience. Néanmoins, la maison d’accompagnement sera tenue d’autoriser la personne à bénéficier d’un tel accompagnement, si elle le souhaite et qu’elle y a droit.
Avis défavorable.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous devons voir ces maisons d’accompagnement comme une maille supplémentaire, comme un nouvel échelon dans l’offre de lutte contre la souffrance. Ce ne sont pas des maisons de la mort mais d’allègement de la souffrance. Quand une maladie incurable est diagnostiquée et que le pronostic vital est engagé, il faut un accompagnement qui n’existe pas actuellement. On s’épuise à expliquer que c’est un complément. Collègues, faites un effort !
M. Jean-François Rousset (RE). Je tiens à revenir sur les définitions. Tout à l’heure, vous avez beaucoup argumenté sur la nécessité de former les gens aux soins palliatifs et aux soins d’accompagnement, en ne cessant de mélanger les deux. Les soins palliatifs correspondent à une liste de soins codifiés – la mise en place d’une perfusion, d’une sonde urinaire ou d’une sonde gastrique par exemple – qu’apprennent les infirmiers et les médecins, s’ils ont envie de se former. Les soins d’accompagnement, c’est tout le reste dont on ne parle pas, qui est nécessaire pour accompagner dans ces situations difficiles. Les maisons d’accompagnement sont des lieux qui n’existent pas et qui les délivreront. Et s’il y a besoin, à la fin, d’un soin spécifique pour aider les gens à mourir, ce sera le meilleur lieu, parce qu’il faut le considérer comme un domicile. Des gens ne peuvent pas mourir chez eux parce qu’ils ont une famille, des enfants, que leur logement est exigu. Il faut voir ces maisons comme un progrès humain, comme le développement des soins d’accompagnement.
M. Hervé de Lépinau (RN). On essaie de réinventer l’eau tiède. Tout ça existe déjà. Puisque chacun y va de son exemple personnel, ma mère est décédée au centre de soins de suite et de réadaptation de Colpo, en Bretagne. Il y a dans cette maison une partie consacrée à la rééducation pour des polytraumatisés et une autre dédiée à l’accompagnement des patients en soins palliatifs. Un accompagnement a lieu, mais pas vers une dose létale. Ma mère avait décidé de ne pas soigner la récidive de son cancer : elle n’avait donc pas sa place à l’hôpital et son cancer n’était pas suffisamment avancé pour des soins palliatifs. L’offre de soins pour son cas existait. Je vous invite à visiter cette maison dans le Morbihan.
Mme Annie Genevard (LR). Les interventions de nos collègues, dans leurs tentatives de compréhension des différences entre soins d’accompagnement et maisons d’accompagnement, montrent que la confusion naît de l’identité du terme. Alors que cela ne désigne pas la même chose, pourquoi employer le même mot ? Nous sommes en commission et nous baignons dans le texte. Vous verrez qu’en séance publique, avec des collègues qui connaissent moins bien le projet de loi, le questionnement va s’amplifier.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). En effet, le terme d’accompagnement pose problème. Ce qui m’importe, c’est que ces maisons, que vous appelez comme vous voulez, seront des lieux complémentaires dont les services de soins palliatifs ont besoin. On sait que des personnes qui ne requièrent pas de soins techniques particuliers ne peuvent pas rentrer chez elles, pour diverses raisons, et qu’elles auront besoin d’une prise en charge particulière. Ces maisons permettront un peu plus de fluidité dans les services de soins palliatifs. L’important, c’est que les patients soient pris en charge du début à la fin. Ces maisons offriront des possibilités supplémentaires si elles sont bien fléchées par les professionnels.
M. le rapporteur général. Madame Genevard, je ne vais pas revenir sur la différence entre soins d’accompagnement et palliatifs. La maison d’accompagnement est une structure hybride entre les domaines sanitaire et médico-social. Elle représente une troisième voie entre le domicile et l’hospitalisation. Au sein des maisons d’accompagnement, il y aura des soins d’accompagnement, et aussi des soins palliatifs si la personne en a besoin. On n’imposera pas à quelqu’un qui aurait besoin de quelques soins palliatifs de partir en USP. Le but est d’être accompagné et de bénéficier de soins de support, de confort et d’interventions médicales si nécessaire. Ce ne sont pas des structures ultra-médicalisées. Un autre aspect me semble important : elles prendront soin des aidants.
J’ai été surpris par les amendements de suppression. Nous avons auditionné la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), qui a considéré que les maisons d’accompagnement étaient une très bonne chose. Comprenez mon étonnement quand je lis que ces maisons fragiliseront les soins palliatifs. Même la Sfap ne le pense pas ! Vous opposez artificiellement des structures qui ne sont pas identiques.
Mme la ministre. La Sfap a elle-même des projets. La grande différence, c’est que les crédits des maisons d’accompagnement seront des enveloppes de fonctionnement, soit précisément ce qui manquait aux expérimentations. L’une des raisons de la fermeture de la maison de Besançon, c’était le manque de crédits de fonctionnement.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1984 de M. Didier Martin
M. Didier Martin, rapporteur. Puisque Mme Genevard croit déceler dans les termes employés une source de confusion, je rappelle que les soins d’accompagnement peuvent être engagés dès l’annonce de la maladie et qu’ils se poursuivent, parallèlement aux soins curatifs, jusqu’à la phase terminale. Les maisons d’accompagnement auront donc vocation à accueillir, à tous les stades de la maladie, des patients ne relevant pas des unités de soins palliatifs et ne pouvant pas être maintenus à domicile.
Pour en venir à mon amendement, il s’agit d’étendre aux maisons d’accompagnement l’article L. 311‑5‑2 du code de l’action sociale et des familles, qui garantit aux personnes accueillies dans les établissements concernés le droit de recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix. Une telle mesure répondrait à la demande exprimée par Mme Lavalette en défense de l’amendement CS1602 et conforterait les progrès accomplis par la loi relative à la société du bien vieillir.
Mme la ministre. Avis favorable.
M. Thibault Bazin (LR). Depuis quelque temps, le rapporteur semble vouloir caricaturer mes propos alors que nous devrions débattre de la façon la plus apaisée possible. Malgré la réponse de la ministre, la question de la pénurie de moyens reste posée. Dès lors que certaines des compétences mobilisées au sein des maisons d’accompagnement sont sollicitées par ailleurs dans d’autres établissements et services, comment l’allocation des moyens sera-t-elle assurée alors qu’on peine déjà à répondre à tous les besoins ?
Je maintiens que certains établissements sanitaires ou services de cancérologie assurent déjà les missions que vous entendez confier aux maisons d’accompagnement, y compris en accueillant les familles. Pourront-ils bénéficier en partie de la transformation prévue et des financements qui l’accompagneront ?
Mme la ministre. Le passage en maison d’accompagnement sera lié à un diagnostic : il concernera des patients en fin de vie dont l’état est stabilisé et qui, de ce fait, ne relèvent plus des soins hospitaliers. La prise en charge sera donc complémentaire de celle proposée à l’hôpital et, dans une moindre mesure, dans les services de soins de suite et de réadaptation.
Je suis consciente que la question des moyens se posera. C’est l’objet de la stratégie décennale de développement des soins d’accompagnement que de répondre aux besoins en aides-soignants, infirmiers ou médecins de tous les établissements. Certains malades demeurent dans des services hospitaliers quand leur situation ne le requiert plus. S’ils souhaitent en partir mais qu’ils ne veulent pas ou ne peuvent pas vivre seuls au domicile, l’accueil en maison d’accompagnement constituera une réponse pertinente. Nous construisons un panel de solutions afin de répondre aux attentes, l’essentiel étant évidemment d’offrir le meilleur accompagnement possible. C’est bien ce dont il est question à l’article 2.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1431 de Mme Delphine Lingemann
Mme Delphine Lingemann (Dem). Je propose de remplacer, à l’alinéa 4, les mots « fin de vie » par les termes « situation palliative », qui décrivent de façon plus précise la situation des personnes concernées.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1651 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Le caractère nébuleux et flou de ce texte apparaît de façon évidente depuis hier soir, puisque le rapporteur et la ministre ont été incapables de dire si les soins d’accompagnement incluraient ou non l’aide à mourir. Mme la ministre vient toutefois d’avouer que celle-ci serait bien dispensée dans les maisons d’accompagnement.
Dans le même temps, elle a assuré, lors de son audition du 22 avril dernier, que le texte ne promeut pas « un modèle euthanasique, puisqu’une personne extérieure n’intervient que si le patient n’est plus en capacité physique de s’administrer le produit létal. Ce n’est pas non plus une autorisation à se suicider, puisque des conditions strictes sont prévues, dont un examen médical ». Si réellement les maisons d’accompagnement ne sont pas destinées à être le théâtre d’euthanasies ni de suicides assistés, précisons-le dans le projet de loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Il n’est pas pertinent d’introduire, dans le titre Ier, les notions de suicide assisté ni d’euthanasie. Nous y viendrons lors de l’examen du titre II.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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5. Réunion du mardi 14 mai 2024 à 21 heures (article 2 [suite] à après l’article 2)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([6]).
Article 2 (suite) : Création des maisons d’accompagnement
Amendement CS1956 de M. Didier Martin et sous-amendement CS1976 de Mme Sylvie Bonnet
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement complète l’alinéa 4 en précisant que les maisons d’accompagnement mentionnées au présent alinéa peuvent être rattachées à un établissement de santé.
Mme Sylvie Bonnet (LR). Je propose que les maisons d’accompagnement soient systématiquement, et non possiblement, rattachées à des établissements de santé pour assurer la meilleure prise en charge des personnes en fin de vie.
M. Didier Martin, rapporteur. Rendre ce rattachement obligatoire serait une erreur. Des maisons existantes ont montré leur utilité sans être rattachées à des établissements de santé.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement du rapporteur contient deux éléments. L’un est intéressant : la logique de rattachement, de coordination des différents acteurs. L’autre pose un problème insurmontable : c’est le caractère privé des établissements auxquels les maisons d’accompagnement pourraient être rattachées. Les soins d’accompagnement consistent à prendre en charge des personnes avec leur entourage, dans une logique de confort et de bien-être qui va au-delà de l’acte curatif. Si l’on place le confort de l’individu au centre du jeu et que l’on refuse de mettre le personnel sous pression, on ne peut recourir à des entreprises privées, en quête de profit et sujettes aux logiques de financiarisation dont nous avons tous critiqué les conséquences. Cela risquerait d’annihiler tout ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi. Nous aurons l’occasion de le dire à plusieurs reprises au cours de la soirée : nous souhaitons en rester à une logique de service public.
M. Patrick Hetzel (LR). Pourriez-vous préciser, monsieur le rapporteur, la raison pour laquelle vous souhaitez ce rattachement à un établissement de santé ? Vous avez indiqué que le suicide assisté et l’euthanasie pourraient être pratiqués dans ces maisons d’accompagnement. Celles-ci seraient-elles le cheval de Troie étendant ces pratiques aux établissements de santé ?
M. Charles de Courson (LIOT). Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, préciser ce que vous entendez par le terme « rattachées » ? Comme il s’agit d’une possibilité, est-ce à dire que certaines maisons de santé seraient autonomes, dotées d’un statut juridique propre ? Quant aux établissements de santé en question, sont-ils des hôpitaux publics, des cliniques privées, les deux ?
M. Thibault Bazin (LR). Nous avons besoin de précisions sur le processus de création des maisons d’accompagnement. Elles sont inscrites dans le code de l’action sociale et des familles et non dans celui de la santé publique, mais elles seraient rattachées à un établissement de santé. Y a-t-il une procédure de labellisation, d’autorisation, d’agrément ? Peut-il s’agir de la transformation de structures existantes ? Comment tout cela va-t-il se conjuguer avec l’offre existante ? Dans le domaine des soins de suite et de réadaptation, certaines unités spécialisées correspondent à la description de votre cahier des charges. Pourront-elles avoir accès aux modalités de financement spécifiques prévues pour les maisons accompagnement ?
M. Didier Martin, rapporteur. Tout est assez ouvert. Un établissement de santé pourra créer une maison d’accompagnement de la même manière qu’il peut ouvrir parmi ses services une unité de soins palliatifs. L’idée est de permettre à ceux qui le veulent et le peuvent, en fonction de leur politique de développement, de mobiliser des moyens en personnel sans être confrontés à l’écueil du recrutement, et de s’insérer dans un appel à manifestation d’intérêt. Le Gouvernement s’engage à un financement public du fonctionnement de ces maisons dans le cadre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), une partie des frais restant à la charge des résidents.
Je n’anticipe pas sur le débat de l’aide à mourir, qui sera ou non pratiquée dans ces maisons d’accompagnement. À ce stade, nous discutons de structures délivrant des soins d’accompagnement à des malades en fin de vie. Ce qui sera décidé au titre II pourra s’appliquer quel que soit le lieu de résidence de l’individu qui en formulera la demande.
Cet amendement, court et simple, facilite la diffusion rapide de ce nouvel établissement social et médico-social.
Mme Monique Iborra (RE). Ce n’est pas très clair. Ces maisons d’accompagnement ont-elles obligatoirement le statut d’établissement médico-social ou peuvent-elles en avoir un autre ? La description faite ici ne donne pas l’impression qu’il s’agit d’établissements médico-sociaux.
Mme Annie Vidal (RE). Ce rattachement est-il de même nature que celui de certains établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à des établissements de santé ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). On réinvente l’eau chaude. Ces situations existent partout ! Pour ma part, je connais bien un établissement hospitalier qui a des Ehpad, une maison d’accueil spécialisée et des établissements médico-sociaux. Son tropisme est même de développer ce type de structures. Si des établissements hospitaliers souhaitent ouvrir des maisons, qu’ils le fassent ! Il faut autoriser toutes les possibilités pour que cela se fasse vite et bien.
Mme Monique Iborra (RE). Ouvrir y compris aux établissements privés ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Dans le domaine médico-social, il existe de nombreux établissements privés non lucratifs, notamment des associations dans le monde du handicap ou dans celui des personnes âgées. Je ne vois pas bien où est le problème.
M. Philippe Vigier (Dem). Peut-on envisager qu’une maison de santé pluridisciplinaire ait une extension sous la forme d’une maison d’accompagnement, comme on peut le voir parfois ?
M. Didier Martin, rapporteur. Merci à Mme Darrieussecq de cet éclaircissement. Nous connaissons tous des établissements de santé, privés ou publics, auxquels sont rattachés des Ehpad, des structures de soins de suite et de réadaptation et autres. Les maisons d’accompagnement pourront entrer dans ce schéma, il suffira de choisir un statut et de répondre au cahier des charges annexé à l’appel à manifestation d’intérêt.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CS1844 de M. René Pilato, CS1061 de Mme Sandrine Rousseau et CS641 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous proposons de compléter l’alinéa 4 par la mention selon laquelle ces maisons sont dotées de la personnalité morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif. Il s’agit de nous prémunir des dérives constatées dans la gestion des crèches ou des Ehpad notamment, en bannissant toute immixtion de l’argent dans la sphère de la souffrance et de l’accompagnement. Ceux qui sont mus par l’esprit de lucre ne doivent pas faire irruption dans ce dispositif.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Par l’amendement CS1061, nous soutenons la création des maisons d’accompagnement à condition d’écrire qu’elles sont de statut public ou privé à but non lucratif. Ce garde-fou est nécessaire s’agissant d’établissements qui accueilleront des personnes en fin de vie, y compris pour donner un répit aux aidants. Il faut prévenir la financiarisation de la souffrance humaine.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous touchons ici à l’article L.312‑1 du code de l’action sociale et des familles en ajoutant un dix-huitième élément à la typologie des établissements sociaux et médico-sociaux, qui se décline en une quarantaine de catégories : instituts médico-éducatifs (IME), instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), Ehpad, services autonomie à domicile, centres éducatifs fermés, services d’action éducative en milieu ouvert pour l’aide sociale à l’enfance...
Il est intéressant de noter qu’il n’existe aucune définition des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but lucratif dans le code de l’action sociale et des familles. Il n’y a qu’une référence, en partie réglementaire, aux règles comptables auxquelles sont soumis les établissements d’hébergement de personnes âgées non habilités à l’aide sociale, donc privés à but lucratif. Il faudra que se pencher un jour sur cette anomalie du droit français, qui ne définit pas certaines catégories – établissement public, établissement privé à but non lucratif et établissement privé lucratif – que nous utilisons en permanence.
Les maisons d’accompagnement pourraient donc être publiques ou dites d’intérêt collectif, ce qui figure dans le code de l’action sociale et des familles, mais aussi, dans son silence, des établissements privés à but lucratif. Je ne vous fais pas un dessin : nous avons déjà abordé en commission des affaires sociales les effets de la financiarisation croissante des politiques de santé et médico-sociales. Au moment de créer un nouvel établissement social et médico-social, mettons un pied dans la porte avant de légiférer plus tard sur ce qui ne peut pas relever du privé lucratif ! Nous aurons à discuter du financement de ces maisons d’accompagnement, mais excluons d’emblée le privé lucratif en introduisant, par exemple, une règle d’habilitation. Envoyons ce signal fort ! Nous affinerons au cours de la navette.
M. Didier Martin, rapporteur. Merci, monsieur Guedj, d’avoir rappelé les différents statuts d’établissements. À ce stade, il ne me semble pas nécessaire de fermer la porte à certains. Ce texte s’insère à la fois dans l’histoire des établissements et dans le code de l’action sociale et des familles. Nous pouvons envisager la création de maisons d’accompagnement dans ce cadre sans dérapages dus à l’appât du gain, comme vous le redoutez. Il existe des établissements privés à but lucratif ou non lucratif. Ces maisons devront respecter un cahier des charges et seront soumises à une autorisation de l’agence régionale de santé (ARS), qui aura la possibilité d’accréditer ou de labelliser, suivant le terme qui sera choisi. La puissance publique veille à l’équilibre de l’offre de soins. C’est la mission fondamentale des ARS. Si un établissement public répond à l’appel à manifestation d’intérêt, ce sera très bien. Si la réponse émane d’un établissement privé lucratif, pourquoi pas ? À ce stade, je ne ressens pas le besoin de l’empêcher.
Avis défavorable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Pour ma part, j’adhère à l’esprit de ces trois amendements en ayant une petite préférence pour la rédaction de M. Guedj qui précise que l’exclusion vise les établissements privés à but lucratif. Dans les trois exposés des motifs, nous retrouvons les mêmes préoccupations concernant les abus constatés dans le secteur social et médico-social. Nous les gardons en mémoire au moment de discuter de l’accompagnement des personnes en fin de vie. Ces maisons pourront être gérées par des associations à but non lucratif ou cogérées avec des établissements publics de santé, mais il me paraît important de poser un garde-fou pour éviter les écueils déjà rencontrés. Je voterai l’amendement de M. Guedj.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, il y a bien des gens qui n’ont pas hésité à mettre le pied dans la porte et certaines entreprises privées à but lucratif n’ont qu’un rêve : continuer à l’ouvrir un peu plus grand. Il faut, au contraire, faire en sorte que les maisons d’accompagnement s’inscrivent dans une logique de service public, d’égal accès aux droits, de réponse à des besoins.
Les ARS sont chargés de veiller à l’équilibre de l’offre de soin, dites-vous. Je ne sais pas ce que recouvre cette notion. Parlez-vous d’un équilibre entre les territoires, entre les secteurs public et privé ? On en est loin !
Cela ouvre une discussion essentielle. Il y a quelques heures, le président de la Caisse nationale de l’assurance maladie me parlait de la financiarisation de la santé comme d’un problème redoutable qui n’est pas pris en compte à sa juste mesure. Après l’affaire Orpea et tout le reste, cette ouverture d’un nouveau segment est inquiétante.
M. Philippe Juvin (LR). J’adhère aux trois propositions d’amendement et aux arguments présentés pour leur défense. Il ne faut surtout pas commencer à s’engager dans cette histoire de suicide assisté qui serait source d’enrichissement pour qui que ce soit. S’il fallait donner une raison supplémentaire de voter ces amendements, on pourrait citer le discours dans lequel le Président de la République justifie les mesures sur le suicide assisté et l’euthanasie en disant qu’il s’agit d’une loi de fraternité. Par définition, la fraternité ne peut pas faire l’objet de transactions financières.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Lors de la première audition de la commission spéciale, j’avais alerté sur le risque que le privé à but lucratif ne s’engouffre dans la brèche. Notre pays accusant un retard énorme dans l’accès aux soins palliatifs, la création des maisons d’accompagnement est bienvenue. Cependant, nous nous inquiétons d’autant plus du manque de projection chiffrée claire, et du peu de moyens prévus par rapport aux besoins, que l’heure est au détricotage du service public et aux économies à tout prix. Nous en avons vu les résultats avec les scandales dans les Ehpad et les crèches. Comme l’État n’investit plus suffisamment, les acteurs privés s’engouffrent et engrangent des profits sur les membres les plus vulnérables de la société. C’est le risque qui plane sur ces maisons d’accompagnement, qui accueilleront elles aussi des publics vulnérables.
Le texte reste silencieux sur le statut de ces maisons alors que, lors des auditions, la ministre a indiqué qu’elles seraient créées sur la base d’appels à projets et qu’elles pourraient donc être privées ou publiques. Pouvez-vous nous rassurer ? Nous proposons que ces maisons ne puissent être que publiques ou privées à but non lucratif. Leur action doit être orientée vers la dignité des personnes et non le profit, et d’éviter de créer une inégalité d’accès.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il serait bon de ne pas aller vers une « orpéisation » de la fin de vie. Il a fallu du temps pour prendre la mesure de l’affaire Orpea, puis pour légiférer. Il est apparu clairement que certains investissaient les segments non occupés du secteur de la santé pour gagner de l’argent. Je comprends que vous vouliez un dispositif souple pour que des maisons voient le jour sur tout le territoire. Il semble toutefois dangereux de ne pas imposer une orientation claire de service public ou non lucratif.
Mme Annie Genevard (LR). S’il y a une raison pour laquelle je soutiendrai ces amendements, c’est la récente déclaration de la ministre selon laquelle les maisons d’accompagnement pourraient pratiquer une aide active à mourir. Cela compromet toute l’architecture du texte, fondée sur un titre Ier traitant de l’accompagnement au sens général du terme et un titre II dédié à l’euthanasie et au suicide assisté. La déclaration de la ministre efface cette frontière puisque les maisons d’accompagnement, prévues au titre Ier, pourront pratiquer une aide active à mourir. Dans ce cas, la plus grande des précautions est requise : la libérale que je suis n’est pas hostile à l’intervention du privé lucratif dans le domaine de la santé, mais s’agissant de l’aide active à mourir, elle doit être exclue.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Dans une loi, peut-on exclure d’emblée un acteur potentiel, dire qu’il ne peut pas répondre à un appel à manifestation d’intérêt ? C’est une vraie question. Cela pourrait créer un précédent. Je m’interroge aussi sur la possibilité de séparer l’immobilier, qui pourrait être propriété d’un bailleur ou d’un promoteur privé, de la gestion qui serait confiée à un établissement public ou privé non lucratif.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). J’approuve aussi la philosophie de ces trois amendements. Les nouveaux établissements sont destinés à accueillir des patients atteints d’une grave maladie et qui ont besoin des soins de confort ou palliatifs qu’on ne peut leur offrir en unité de soins palliatifs. Est-il moral de faire de l’argent avec ce genre de soins ? Non. Il faut exclure le secteur privé.
M. Philippe Vigier (Dem). Est-on capable, d’abord, de créer ces maisons d’accompagnement ? Je comprends que vous vouliez exclure le secteur privé. Mais il arrive bien que des maisons de santé pluridisciplinaires ou des maisons médicales soient créées par des praticiens sous forme associative ou par des collectivités. Vous allez ajouter de la crise à la crise. Pour ma part, je pense qu’il serait bon que nous parvenions à créer des maisons d’accompagnement, notamment dans les endroits privés d’unité de soins palliatifs. Ce seront aussi des structures de répit pour les aidants, sur le modèle des maisons des parents.
Je peux faire visiter la maison des parents que j’ai contribué à faire sortir de terre : elle est gérée par des associations et vous constaterez qu’elle n’a pas de but lucratif. Faisons preuve de rigueur, passons par la labellisation et les financements croisés. Mais, de grâce, ne faites pas le coup de l’argent. Ou alors, demandez la suppression du secteur privé à l’hôpital !
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous n’avons jamais refusé la création de maisons des parents, associations à but non lucratif. Depuis le début de nos débats, il n’a été question que de créer un droit opposable pour que chacun puisse avoir accès à ces maisons d’accompagnement quel que soit le territoire, dans un souci d’égalité. Mais l’égalité implique un caractère non lucratif ! S’il faut débourser 4 000 euros à l’entrée, il n’y a pas d’accès pour tous. C’est pourquoi je voterai ces amendements.
M. Hervé de Lépinau (RN). Petite observation d’ordre juridique : la structure existe déjà. Il s’agit de l’établissement de santé privé d’intérêt collectif, qui relève notamment de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Cette forme juridique présente l’intérêt d’un but non lucratif, ce qui permet au secteur privé de s’investir. Voici quelques exemples de centres hospitaliers privés : l’hôpital Saint-Joseph, l’Institut mutualiste Montsouris, le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint‑Simon, l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, etc. Les maisons d’accompagnement existent déjà !
M. Didier Martin, rapporteur. Je vous ai déjà donné mon avis : l’idée est de ne pas fermer la porte aux établissements privés, les ARS veillant à réguler l’offre de soins privée ou publique sur le territoire. Je comprends qu’on refuse que ces maisons d’accompagnement soient une source de profit. Mais la qualité de service et le fonctionnement seront contrôlés de très près puisqu’il y aura un financement par l’État.
Pour que ces maisons d’accompagnement puissent voir le jour à l’initiative d’acteurs locaux, il faudra trouver d’autres investisseurs – établissements privés, collectivités territoriales, mécènes. C’est de la même idée que procédait mon précédent amendement, qui cherchait à accélérer le processus. Il est plus facile de lancer un projet quand on peut l’adosser à un établissement de santé existant.
La commission adopte l’amendement CS1844.
En conséquence, les amendements CS1061 et CS641 tombent.
Amendements CS1154 et CS1153 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le croisement des questions du handicap et de la fin de vie ou de l’aide sociale à l’enfance laisse entrevoir l’important retard de la France dans la formation au handicap. L’amendement CS1153 garantit donc que tous les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux soient formés à l’accueil des personnes handicapées. En audition, les représentants des malades de Charcot ont expliqué que nombre d’entre eux se voient refusés par ces établissements, faute de personnel compétent. L’amendement CS1154 est un amendement de repli qui vise uniquement les maisons d’accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre préoccupation est louable et pertinente. Cependant, si nous voulons généraliser les maisons d’accompagnement, qui existent déjà et dont le modèle sera démultiplié dans les territoires grâce à l’article 2, il ne faut pas alourdir leur cahier des charges. En outre, les aides-soignants, les infirmiers et les médecins sont déjà formés. Il convient effectivement d’approfondir la question de l’accueil des personnes handicapées, qui requièrent un service particulier, mais il ne me semble ni nécessaire ni opérationnel d’en faire un préalable. Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). La question des personnes en situation de handicap est tout de même essentielle ! Je suis étonné par votre argumentaire, monsieur le rapporteur. Nous avons des doutes sur la manière dont fonctionneront les maisons d’accompagnement et nous ne comprenons pas que vous refusiez les amendements proposés par M. Peytavie.
M. Thibault Bazin (LR). Lors des échanges de terrain avec les acteurs de l’accompagnement des personnes en fin de vie, nous avons constaté des lacunes dans l’accueil des personnes en situation de handicap. Il n’est pas toujours aisé pour elles d’exprimer la douleur, ni pour les établissements sociaux et médico-sociaux de prendre en compte leur spécificité. L’amendement va dans le bon sens. Il faut que les maisons d’accompagnement puissent s’adapter aux spécificités des personnes en situation de handicap.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Nous avons abordé le sujet hier avec l’amendement CS1133 de M. Peytavie proposant un livret d’information, amendement que je l’invite à présenter à nouveau en séance publique. Il y a un problème général d’adaptation aux personnes en situation de handicap dans les structures de soins en France. Évitons de leur faire mauvais accueil là où elles devraient justement bénéficier d’un accompagnement attentif. Les textes prévoient le développement de la formation sur le handicap, tant pour les médecins que pour les infirmiers et les aides-soignants. À titre personnel, pour marquer l’importance du sujet, je voterai l’amendement CS1153.
J’ajoute qu’il n’existe pas que des handicaps moteurs. Les handicaps cognitifs nécessitent des interactions spécifiques qui appellent une formation et une approche particulières.
M. Hervé de Lépinau (RN). Bien qu’il soit rédigé en écriture inclusive, il me paraît nécessaire d’adopter cet amendement qui, en promouvant une prise en charge adaptée des personnes handicapées par le personnel soignant, touche à la notion même de dignité de la personne.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je précise que seul recourt à l’écriture inclusive l’exposé sommaire de l’amendement, qui n’a pas vocation à figurer dans le texte de la loi.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il ne me semble pas souhaitable d’apporter des obstacles supplémentaires au développement des maisons d’accompagnement, dont le champ a déjà été suffisamment restreint. Je ne suis donc pas favorable à l’amendement CS1154.
En revanche, le CS1153 revient sur un problème récurrent qui se pose aussi dans les Ehpad : comment prendre en charge les malades lourdement handicapés ? La formation des équipes à l’accompagnement des personnes en situation de handicap est tout à fait bienvenue.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Le handicap fait déjà partie des modules obligatoires de formation des infirmiers et des aides-soignants. Même si l’amendement CS1153 est mieux rédigé, aucun des deux amendements ne force tout le personnel de santé à suivre à nouveau un enseignement. Il travaille en équipe pluridisciplinaire et, accompagné d’une bonne équipe paramédicale, il sait montrer les bons gestes aux soignants qui auraient besoin de s’améliorer.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je soutiens ces amendements. Je ne doute pas que les aides-soignants et les infirmiers soient formés. Cependant, il faudra bien aborder un jour le problème des faisant fonction, de plus en plus nombreux du fait de la pénurie et qui, eux, ne sont pas formés.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous touchez du doigt le problème : sans les faisant‑fonction, les établissements ferment ou du moins le taux d’encadrement s’effondre. Dans les Ehpad, en fin de semaine, il y a parfois un infirmier et un aide-soignant pour deux étages.
Comme ne cesse de le dire Mme Fiat, le personnel est formé aux situations de handicap et il le sera dans les maisons d’accompagnement comme dans tous les établissements de soins. Hier, la commission n’a pas adopté l’amendement de M. Peytavie malgré mon avis favorable. Mais pour celui d’aujourd’hui, l’alinéa 8 de l’article 1er précise que les soins d’accompagnement apportent « une réponse aux besoins physiques, dont le traitement de la douleur, ainsi qu’aux besoins psychologiques et sociaux de la personne malade ». Quel que soit le besoin physique, ils doivent donc s’adapter. Je comprends votre intention mais c’est déjà ce qui doit se faire.
L’amendement CS1154 étant retiré, la commission adopte l’amendement CS1153.
Amendement CS177 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). Puisque les maisons d’accompagnement incluront manifestement des activités relevant de l’action sociale, pilotée par les départements, l’amendement permet au président du conseil départemental de donner un avis sur leur implantation.
M. Didier Martin, rapporteur. Le financement des maisons d’accompagnement sera intégralement pris en charge par l’assurance maladie et intégré dans un Ondam spécifique. Les ARS semblent donc les acteurs pertinents pour autoriser leur implantation. Ajouter d’autres intervenants ne ferait que compliquer la procédure et, par conséquent, limiter l’offre de soins.
Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Dès lors que le conseil départemental ne finance pas les maisons d’accompagnement, il n’est pas de sa responsabilité de les autoriser. C’est parce que le département habilite les Ehpad à un financement au titre de l’aide sociale qu’il les autorise, mais il n’autorise l’implantation ni d’un IME ni d’un Itep, financés exclusivement par l’ARS.
Puisque nous parlons de financement, je souhaite aborder le sujet du reste à charge pour les résidents des maisons d’accompagnement, sur lequel j’avais déposé plusieurs amendements irrecevables au regard de l’article 40. L’étude d’impact prévoit un forfait hospitalier journalier de 20 euros. Ce forfait, comme son nom l’indique, doit s’appliquer à un hôpital, alors qu’il s’agit d’un établissement social et médico-social. Il y a là quelque chose qui ne tourne pas. De plus, l’étude d’impact prévoit une cible de 30 jours, ce qui représente un total de 600 euros de forfait hospitalier journalier. Ne peut-on pas exonérer de reste à charge ceux qui fréquenteront les maisons d’accompagnement ?
M. Thibault Bazin (LR). Il semble y avoir une confusion sur le positionnement des maisons d’accompagnement, quelque part entre les établissements sanitaires et médico-sociaux. D’un côté, elles seront financées par l’ARS, c’est-à-dire par l’assurance maladie. De l’autre, elles ont vocation à être peu, voire pas médicalisées. C’est incompréhensible.
Un double encadrement est possible dans le secteur médico-social. M. Guedj sait que les Ehpad sont financés à la fois par les départements et par l’ARS. Par ailleurs, les établissements d’accueil du jeune enfant, financés exclusivement par la branche famille de l’assurance maladie, reçoivent un agrément du département via la protection maternelle et infantile. Il faut préciser qui autorise quoi dans une logique de maillage. En l’espèce, le département joue un rôle clef pour le maintien au domicile, comme nous l’avons fait valoir lors des débats de l’automne dernier.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous sommes opposés à l’amendement. L’égalité territoriale est notre fil conducteur. Hier, nous avons fait adopter un amendement créant un droit opposable aux soins palliatifs. Aujourd’hui, nous avons obtenu une deuxième victoire en excluant la possibilité de maisons d’accompagnement privées à but lucratif. Ce n’est pas pour laisser aux conseils départementaux le pouvoir de décider l’implantation des maisons d’accompagnement. Imaginez qu’un département décide de privilégier une clinique privée de soins palliatifs à une maison d’accompagnement : ce serait une rupture d’égalité territoriale qu’il est hors de question d’autoriser. Nous pensons au contraire qu’il faut fixer l’objectif d’une maison d’accompagnement par département d’ici à 2034. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
Mme Monique Iborra (RE). Il n’a échappé à personne que nous venons de lancer une expérimentation pour simplifier la gouvernance et le financement des Ehpad. Ce n’est pas pour réintroduire la même chose ailleurs. Nous ne pouvons pas accepter une double gouvernance pour un établissement médico-social consacré à des soins, quels qu’ils soient.
M. Charles de Courson (LIOT). Le soin ne relève pas de la compétence des départements. J’ajoute que, vu l’état de santé financier de nombre d’entre eux, il serait plus que délicat de leur confier cette compétence.
M. Patrick Hetzel (LR). Le débat montre à quel point l’absence d’éléments financiers dans l’étude d’impact pose problème. L’amendement de M. Juvin ne fait qu’ouvrir une piste face aux difficultés de financement des soins palliatifs. Tant que la médecine palliative sera moins considérée que la médecine curative, nous avons peu d’espoir de la voir se développer. Nous aimerions être éclairés sur la réforme en cours de la tarification à l’activité qui, de toute évidence, porte préjudice aux soins palliatifs. Nous regrettons que la ministre ne soit pas là pour nous répondre.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Bien que le Gouvernement ne soit pas tenu d’y participer, la ministre a assisté à toutes les réunions de notre commission. Elle est actuellement retenue par une réunion et nous rejoindra sous peu.
Mme Anne Bergantz (Dem). Que les maisons d’accompagnement aient un forfait journalier n’est pas bien étonnant, il en existe dans les services de soins de suite et de réadaptation par exemple. Les forfaits journaliers à l’hôpital peuvent être pris en charge par les mutuelles. J’imagine que ce sera également le cas ici.
Mme Annie Vidal (RE). Il est faux de prétendre l’étude d’impact vide. On trouve aux pages 46 et 47 une estimation du coût de fonctionnement d’une maison d’accompagnement en fonction de ses besoins en personnel. Il est écrit clairement, page 48, que l’autorisation est donnée par l’ARS avec la possibilité de faire appel aux collectivités territoriales pour l’investissement.
M. Didier Martin, rapporteur. Le rapport commun des rapporteurs reproduit, en page 17, le budget annuel estimé d’une maison d’accompagnement : 970 000 euros par an pour une structure de douze à quinze places. Il est précisé que le financement sera également assuré par un forfait journalier à la charge des personnes accueillies. Comme le rappelle l’étude d’impact, un décret en Conseil d’État sera nécessaire à la prise en charge d’un tel forfait par une assurance complémentaire, cette possibilité étant actuellement limitée aux forfaits journaliers des établissements hospitaliers.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS1301 de M. Jocelyn Dessigny et CS1957 de M. Thibault Bazin, amendements CS1302 de M. Jocelyn Dessigny et CS932 de Mme Cécile Rilhac (discussion commune)
M. Jocelyn Dessigny (RN). L’amendement CS1301 parle de maisons de soins palliatifs plutôt que de maisons d’accompagnement. Nous l’avions déposé dans un but de clarification sémantique. Les propos de la ministre plus tôt rendent d’autant plus important le distinguo entre les maisons de soins palliatifs et celles où l’on administrera la dose létale, qui seront des maisons d’euthanasie. Nous souhaitons un développement massif de maisons de soins palliatifs, et non de centres d’accompagnement à la mort.
M. Thibault Bazin (LR). Nous avons déjà eu ce débat sémantique et je pense que nous l’aurons de nouveau en séance publique.
M. Jocelyn Dessigny (RN). L’amendement CS1302 vise également à parler de maisons et appartements de soins palliatifs et non d’accompagnement, puisque nous savons désormais qu’il s’agit d’un accompagnement vers la mort.
Mme Cécile Rilhac (RE). Il faut rappeler que les soins d’accompagnement ne s’opposent pas aux soins palliatifs. Si tout le monde n’a pas besoin ou ne souhaite pas bénéficier de soins palliatifs, tous les patients ont besoin d’accompagnement. Puisque l’alinéa 13 indique que les maisons d’accompagnement donneront accès à l’ensemble des soins visés à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique, dont la nouvelle rédaction précise que les soins d’accompagnement intègrent des soins palliatifs délivrés de façon active et continue, mon amendement propose de les renommer « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ».
M. Didier Martin, rapporteur. Sans rouvrir le débat sur la différence entre les soins d’accompagnement et les soins palliatifs, je rappelle que le taux d’encadrement dans une unité de soins palliatifs est bien supérieur à celui d’une maison d’accompagnement. Avis donc défavorable sur les amendements visant à substituer les soins palliatifs à l’accompagnement. Par ailleurs, l’expression « appartements de soins palliatifs » n’a pas de sens puisque ceux-ci ne sont pas délivrés dans des appartements. Enfin, l’amendement de Mme Rilhac serait source de confusion concernant l’objet des maisons d’accompagnement, dont le taux d’encadrement n’est pas prévu pour prodiguer des soins techniques qui se substituent parfois à des fonctions vitales, comme l’alimentation ou les fonctions urinaire et pulmonaire.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette discussion commune rassemble des propositions très différentes. Celle de Mme Rilhac veut mettre le titre du chapitre X en adéquation avec la nature des maisons d’accompagnement, en juxtaposant les deux registres distincts que sont les soins d’accompagnement et les soins palliatifs. Nous voterons pour.
Les trois autres amendements appellent toujours la même réponse : les soins d’accompagnement comprennent les soins palliatifs sans s’y résumer. Ils correspondent à la prise en charge du patient par un personnel médical et non médical – kinésithérapeute, diététicien, esthéticien, accompagnateur sportif – et par les proches aidants. Ils traduisent la volonté de fournir confort, quiétude, soulagement et petits plaisirs à ceux qui souffrent. Refuser d’accompagner les personnes pour les laisser exclusivement en soins palliatifs, c’est leur imposer des souffrances inutiles.
M. Julien Odoul (RN). Essayons de dissiper cette grande confusion. Vous dites que, dans les maisons d’accompagnement, l’encadrement sera moindre que dans les unités de soins palliatifs. Vous dites aussi que des soins d’accompagnement seront prodigués dans les maisons d’accompagnement, lesquels sont déjà dispensés en unités de soins palliatifs. Et la ministre a annoncé que le suicide assisté et l’euthanasie pourront prendre place dans les maisons d’accompagnement, alors même que ce ne sont pas des soins. Il y a là un désordre que vous entretenez à dessein. Si, à terme, vous voulez y permettre l’euthanasie et le suicide assisté, nous devons rebaptiser ces maisons et mettre un nom sur la réalité.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il faut rappeler à M. Odoul que, si la disposition est votée, n’importe quel lieu de vie sera ouvert à l’aide à mourir – domicile, Ehpad, hôpital, maison d’accompagnement. Les maisons d’accompagnement seront des lieux où les soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs, seront prodigués à titre principal et où des équipes dédiées au suicide assisté et à l’euthanasie pourront intervenir, ni plus ni moins qu’ailleurs. Il ne faut pas dramatiser.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Plus je vous écoute expliquer la distinction entre les soins d’accompagnement et les soins palliatifs, moins je comprends. Le débat ne lève aucune ambiguïté, ce qui confirme mon impression initiale. Je me permets d’insister, monsieur le rapporteur : les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique ne sont pas ce que vous dites. J’espère que nous parviendrons à clarifier le sujet avant la séance publique pour prendre des décisions intelligibles à la fois par ceux qui devront les appliquer et par ceux qui pourraient en bénéficier, sans quoi ce sera intenable.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je ne comprends pas pourquoi ces amendements sont en discussion commune. Les deux premiers reviennent sur la qualification de soins d’accompagnement ou de soins palliatifs ; or, nous avons compris qu’il s’agit de deux catégories distinctes. L’amendement de Mme Rilhac, quant à lui, ne vise qu’à inscrire dans la loi ce qu’a indiqué la ministre, à savoir que des soins palliatifs pourront être prodigués dans les maisons d’accompagnement, afin d’épargner au patient le traumatisme supplémentaire d’avoir à quitter l’établissement pour une unité de soins palliatifs.
M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’il n’y aura pas de soins palliatifs dans les maisons d’accompagnement, uniquement des soins d’accompagnement. Or, lors du débat sur l’article 1er, on nous a expliqué que les soins palliatifs étaient un sous-ensemble des soins d’accompagnement. C’est à n’y rien comprendre ! En séance publique, il faudra faire clairement la distinction entre les deux. Vous avez eu jusqu’ici la position inverse, ce qui est source de confusion.
Mme Annie Genevard (LR). L’article 2 tente de définir ce que seront les maisons d’accompagnement et il est pertinent que nous passions du temps à en clarifier le contenu. Vous faites référence à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique, qui renvoie exclusivement aux soins palliatifs. Or, nous savons désormais, depuis la réponse de la ministre, que ces établissements délivreront potentiellement une aide active à mourir. Cela doit figurer dans la définition donnée à l’article 2.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). On tourne en rond, notamment en raison de la complexité des définitions. À mon sens, les soins palliatifs et l’accompagnement au sens général ont partie liée, et les services de soins palliatifs assurent les deux de manière pertinente. Nous discutons ici de la création d’établissements de petite taille qui soigneront des personnes qui n’ont plus besoin d’actes techniques lourds, tels que ceux que l’on effectue dans les services médicalisés de soins palliatifs, mais qui doivent recevoir des soins particuliers et qui ne peuvent pas vivre chez elles. Par ailleurs, comme l’a rappelé M. Guedj, le titre II laisse la possibilité à la personne de choisir l’endroit où l’aide à mourir lui sera apportée.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). On a le sentiment que certains ne veulent pas que le débat avance. On voit bien ce que recouvrent les soins d’accompagnement et les maisons d’accompagnement. On sait qu’on en a besoin. On a une définition de ces maisons, au sein desquelles on pourra mourir, comme on pourra le faire à son domicile ou à l’hôpital. J’ai l’impression que certains cherchent à faire peur en parlant de maisons de la mort, en faisant semblant de ne pas percevoir ce que sont les soins palliatifs et en embrouillant l’auditoire. En réalité, vous vous opposez à la création de ces maisons dans une sorte de déni de la mort. Nous préférons que les gens puissent mourir accompagnés et rassurés au sein de ces établissements.
M. Philippe Juvin (LR). Il faut se féliciter de la multiplication des lieux où les patients pourront être accompagnés, même s’il conviendra de se pencher sur les moyens affectés. Si nous tournons en rond, c’est que la définition des soins d’accompagnement n’est pas claire. Nous avons bien compris que ce ne sont pas des soins palliatifs. Mais pouvez-vous nous préciser ce qui les distingue des soins de support qui, eux, sont définis ? Je suis prêt à soutenir les soins d’accompagnement. Mais je veux savoir de quoi on parle.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je me mets à la place du patient à qui l’on annonce un diagnostic grave. C’est faire preuve d’humanité que lui proposer une démarche d’accompagnement, de prise en charge globale, sans lui imposer de se projeter dans des soins palliatifs, dans la fin de vie. Il faut porter une attention particulière à ces personnes, notamment lorsqu’elles sont isolées. Je suis opposée à ces amendements car le terme d’accompagnement est plus humain que celui de soins palliatifs. On peut aussi parler de soins de support.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Tout à l’heure, plusieurs députés ont présenté des amendements de suppression de cet article qui crée les maisons d’accompagnement. Je me réjouis de cette conversion soudaine, ou en tout cas de ce repli assez incompréhensible. Comme vous l’avez dit à juste raison, il faut créer des structures qui permettent une autre forme d’accompagnement. Par ailleurs, à ceux qui s’ébahissent de l’apparition de la notion d’accompagnement dans nos débats, je rappelle l’existence de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, que chacun connaît.
M. Didier Martin, rapporteur. Dans son rapport, la Cour des comptes distingue les soins palliatifs selon qu’ils sont dispensés à l’hôpital ou en ville, et place l’hospitalisation à domicile à mi-chemin entre les deux. Nous avons introduit la notion de soins palliatifs dans le titre Ier et dans la définition des soins d’accompagnement. On a tendance, parfois, à aller un peu trop vite et à associer les soins palliatifs aux unités de soins palliatifs.
Je donne finalement un avis favorable à l’amendement CS932 de Mme Rilhac qui intitule le chapitre X « Maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ».
La commission rejette successivement les amendements CS1301, CS1957 et CS1302, puis elle adopte l’amendement CS932.
Amendement CS1332 de M. Jocelyn Dessigny
M. Jocelyn Dessigny (RN). On mesure la grandeur d’une civilisation à la manière dont elle traite ses anciens. Aussi proposons-nous d’élever au rang de droit fondamental l’accès de tous les Français aux soins palliatifs en appartements et maisons de soins palliatifs. Il est essentiel de consacrer ce droit avant de parler d’euthanasie et de suicide assisté.
M. Didier Martin, rapporteur. Défavorable.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Même avis.
M. Julien Odoul (RN). D’aucuns considèrent les unités de soins palliatifs des mouroirs où les gens ne voudront pas aller. Cela traduit une méconnaissance totale de ces structures et du travail qu’y effectuent les personnels soignants. Je vous invite à vous y rendre. Vous n’avez pas le monopole du cœur des patients et vous n’avez pas à réfléchir à leur place. Les unités de soins palliatifs sont des structures d’accompagnement au sens noble du terme. Avant de parler de vie ou de mort, leur rôle principal est de prendre en charge la souffrance. Dire que c’est un mouroir est un non-sens. Cela dénote une volonté de se passer de ce système essentiel.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement consacre le retour du refoulé puisque son objet n’est pas d’ouvrir ce droit fondamental, mais de l’ouvrir aux seuls Français. Une personne de nationalité étrangère qui aurait passé sa vie en France et cotisé quarante ans aurait droit à un traitement curatif, mais pas aux soins palliatifs. Le racisme est une manière de déléguer à l’autre le dégoût que l’on a de soi-même, qui est manifestement considérable. Cet amendement dénote aussi une hostilité à la République et à la Constitution. Le Préambule de 1946 dispose en effet que la nation garantit à tous la protection de la santé. En outre, le droit international interdit ce type de discriminations.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS758 de M. Laurent Panifous et sous-amendement CS1972 de Mme Sylvie Bonnet, amendement CS759 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS758 précise la définition des futures maisons d’accompagnement en se fondant sur l’étude d’impact et sur la mesure 4 du rapport du professeur Chauvin, qui a préfiguré la stratégie décennale. Il indique que les maisons d’accompagnement sont des structures non hospitalières, qui ont pour objet d’accueillir et d’accompagner les personnes en fin de vie et leurs proches dans une approche pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle. Il énonce leurs deux missions : l’accueil et l’hébergement des personnes en fin de vie d’une part, et le répit pour les aidants d’autre part.
Il précise le profil des personnes accueillies, des patients en fin de vie dont l’état médical est stable mais nécessite des soins techniques. L’admission des personnes sera subordonnée à une évaluation médicale. Cette précision est importante car elle garantit que leur admission ne sera pas la conséquence d’un défaut d’accès à une structure palliative.
Pour cela, les maisons d’accompagnement travailleront en réseau avec l’ensemble des structures palliatives de leur territoire dans une logique de prise en charge graduée. Le passage en maison d’accompagnement doit correspondre à un moment précis du parcours de soins du patient. Tous les acteurs d’un territoire doivent travailler en coopération.
Les maisons d’accompagnement pourront aussi conclure une convention avec des associations de bénévoles formés afin d’accompagner les personnes et leurs proches.
Comme indiqué dans l’étude d’impact, les maisons d’accompagnement seront autorisées par le directeur général de l’ARS sur la base d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre de la santé. Ce cahier des charges fixera leurs conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement, en particulier leur taille et leur degré de médicalisation.
L’amendement CS759 donne une définition plus restreinte.
Mme Sylvie Bonnet (LR). Le sous-amendement rappelle que la mission première de ces maisons est de prodiguer des soins palliatifs. La dénomination « maisons de soins palliatifs » est plus juste que celle de « maisons d’accompagnement ».
M. Didier Martin, rapporteur. Les précisions que vous apportez, monsieur de Courson, relèvent du niveau réglementaire. Elles seront largement satisfaites par le cahier des charges et les appels à projets. La ministre pourra sans doute apporter plus d’informations à ce sujet. Nous souhaitons maintenir la dénomination de « maisons d’accompagnement ».
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ai eu l’occasion d’expliquer, cet après-midi, la vision du Gouvernement concernant les maisons d’accompagnement. Elles sont destinées à accueillir des personnes en fin de vie dans une situation en quelque sorte intermédiaire : leur état est stabilisé et un accueil en milieu hospitalier ne se justifie plus, mais les contraintes que leur impose leur pathologie leur interdisent de rentrer chez elles dans de bonnes conditions. Nous souhaitons les accueillir dans un contexte moins médicalisé que l’hôpital.
Dans ces maisons seront prodigués trois types de soins : des soins d’accompagnement visant à assurer le bien-être corporel de la personne, des soins psychologiques pour elle comme pour ses proches, et des soins palliatifs le cas échéant pour atténuer la douleur. J’en profite pour préciser que les soins de support sont des soins d’accompagnement apportés en cancérologie. Le texte visant toutes les pathologies, on ne peut utiliser des termes spécifiques à l’oncologie.
Ces maisons seront des lieux de soins ayant vocation à accueillir différents intervenants comme ceux de l’hospitalisation à domicile si nécessaire ou encore des professionnels libéraux, à l’image de kinésithérapeutes. Les soins médicotechniques seront limités puisque les personnes seront dans un état stabilisé. L’approche holistique se composera d’interventions thérapeutiques et d’activités de relaxation, voire d’activités physiques adaptées. L’intervention de bénévoles extérieurs, d’associations, sera encouragée pour ouvrir ces lieux sur leur environnement.
M. Léo Walter (LFI - NUPES). Les amendements CS757 et CS760, qui n’ont pas été soutenus, étaient similaires. Ils précisaient que les maisons d’accompagnement sont des structures non lucratives. Suite à l’adoption de l’amendement CS1844 de M. Pilato, il me semble que le caractère non lucratif doit être le fil rouge de notre réflexion. Nous aurions voté ces amendements.
M. Patrick Hetzel (LR). Depuis le début, nous demandons une définition des maisons d’accompagnement. M. le rapporteur affirme que les dispositions proposées sont d’ordre réglementaire, mais nous sommes dans notre rôle lorsque nous souhaitons préciser à quoi devraient correspondre ces établissements. Madame la ministre, vous indiquez que, dans le cadre de la prise en charge globale qu’elles assureront, ces maisons pourront prodiguer des soins palliatifs. Il est d’autant plus nécessaire de préciser le rôle de chacun.
M. Philippe Juvin (LR). Monsieur le rapporteur général, pour répondre à votre remarque tout à l’heure sur nos amendements de suppression, je suis opposé aux maisons d’accompagnement tant qu’elles ne sont pas définies. Je soutiens l’amendement intelligent de M. de Courson parce qu’il propose une définition et qu’on sait enfin de quoi l’on parle.
Madame la ministre, si le budget des maisons d’accompagnement est d’environ 1 million d’euros par an, comment pourraient-elles faire tout ce que vous nous annoncez ?
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je m’interroge sur le fonctionnement par appel à projets. Cette manière de procéder laisse pour le moins dubitatif.
M. Julien Odoul (RN). Nous cherchons depuis quelques heures une définition et un cadre précis pour les maisons d’accompagnement. Or, on nous donne des réponses différentes. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que les maisons d’accompagnement étaient destinées aux personnes en extrême fin de vie. Madame la ministre, vous avez affirmé que ce sont des lieux intermédiaires où se rendront les personnes avant de recevoir, éventuellement, des soins palliatifs. Nous aimerions savoir la vocation et le périmètre exacts de ces établissements. Outre les soins énumérés, madame la ministre, l’euthanasie et le suicide assisté pourront-ils y être accomplis ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, je laisse chacun s’exprimer mais je suggère que nous nous épargnions des redites sur des sujets sur lesquels le rapporteur comme la ministre se sont déjà exprimés. En l’occurrence, la ministre avait apporté une réponse très claire à la question de Mme Genevard tout à l’heure.
Mme la ministre. J’ai déjà expliqué le concept des maisons d’accompagnement en fin d’après-midi. Je le redis : elles sont destinées à accueillir des personnes en fin de vie, se trouvant dans une situation qu’on peut qualifier d’intermédiaire, dont l’état est suffisamment stable pour que leur accueil en milieu hospitalier ne se justifie plus. J’ai également indiqué que nous allions lancer un appel à manifestation d’intérêt cette année dans l’objectif d’une expérimentation en 2025, portant sur une dizaine de maisons. La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs a déjà fait part de son intérêt. Au vu de ces expérimentations, nous définirons un référentiel. Nous souhaitons créer une centaine de maisons d’accompagnement en dix ans, soit en moyenne une par département. Enfin, à la question de savoir si, une fois la loi votée, un patient sera susceptible de recevoir l’aide à mourir dans une maison d’accompagnement, la réponse est toujours oui.
La commission rejette successivement le sous-amendement et les amendements.
Amendements CS1398 de Mme Emeline K/Bidi et CS1401 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Par cohérence avec l’amendement CS1844 adopté un peu plus tôt, mon amendement précise, à l’alinéa 13, que les maisons d’accompagnement ne peuvent avoir un but lucratif. Plusieurs personnes auditionnées étaient inquiètes de constater le développement d’une logique de rentabilité à l’hôpital public, qui se traduit par exemple par la fermeture de certains services. Elles craignent cette même logique appliquée à la fin de vie et aux soins palliatifs. Il est important de réaffirmer ce point : ce n’est pas une redite mais une mise en cohérence.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement poursuit le même objet avec une rédaction différente. Puisque nous créons un chapitre X sur les maisons d’accompagnement, il faut préciser que ce sont des établissements de droit public ou de droit privé sans but lucratif. Au cas où certains voudraient revenir sur le vote de l’amendement CS1844, ils devraient ainsi s’y prendre à deux fois.
M. Didier Martin, rapporteur. Il n’y a aucun intérêt à faire répéter sans cesse la même chose à la loi. Avis défavorable.
Mme la ministre. Je dois quand même rappeler que le code de l’action sociale et des familles ne fait jamais de distinction entre les établissements médico-sociaux publics et privés, comme l’illustre son article L. 311‑1. La loi place les personnes publiques et privées sur un pied d’égalité. Aucun type d’établissement social et médico-social n’est réservé au secteur non lucratif. Il en va de même pour les maisons d’accompagnement, sans quoi il faudrait justifier une différence de traitement vis-à-vis des autres établissements médico-sociaux, Ehpad et structures pour personnes handicapées. Il faudrait également expliquer pourquoi les maisons d’accompagnement ne pourraient pas être gérées par le secteur privé, ce qui semble assez difficile.
Par ailleurs, ces nouvelles structures forment une catégorie d’établissements médico-sociaux soumise à un cadre national et à des exigences communes en matière de qualité. Elles seront soumises au régime d’autorisation préalable par les ARS, qui les tariferont et procéderont à des inspections-contrôles. Elles seront également supervisées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour vérifier si des prestations annexes sont offertes. Afin que ces structures incarnent l’esprit d’accompagnement qui préside à leur création, je demanderai aux ARS d’être vigilantes sur l’ensemble des aspects liés à la qualité et à la fiabilité.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’espère que ces amendements seront adoptés, par cohérence avec notre vote ayant proscrit l’objet lucratif dans ce domaine. C’est de l’harmonisation rédactionnelle.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1653 de M. Christophe Bentz et CS1306 de M. Jocelyn Dessigny (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). La création des maisons d’accompagnement est source de deux problèmes. Premièrement, vous avez défini tout à l’heure, madame la ministre, ces établissements comme des lieux de soins et de bien-être après avoir dit, en fin d’après-midi, qu’ils pourraient constituer le cadre de l’aide à mourir. Vous refusez les termes d’euthanasie et de suicide assisté, mais le titre II évoque bien l’administration d’une substance létale ce qui ne constitue ni un soin ni du bien-être. J’espère que l’on s’accordera au moins là-dessus. Deuxièmement, l’article 2 ne fait nullement mention de l’aide à mourir, ce qui soulève un problème de transparence vis-à-vis des Français.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il est important de distinguer les maisons de soins palliatifs, où l’on soigne les gens, des maisons d’accompagnement, où l’on administrera la mort. Nous refusons que ces deux notions soient associées et que l’on procède au suicide assisté ou à l’euthanasie dans les maisons de soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Monsieur Bentz, nous aurons cette discussion lors de l’examen du titre II. Monsieur Dessigny, si l’on adoptait votre amendement, on ne pourrait pas offrir l’aide à mourir aux patients des maisons d’accompagnement.
Mme la ministre. Les maisons d’accompagnement sont un domicile, au même titre qu’un Ehpad. La personne qui demande l’aide à mourir et qui réitère cette demande aura le choix du lieu dans lequel elle sera procurée, les personnels des établissements pouvant faire jouer leur clause de conscience.
Je suis défavorable aux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS762 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Il importe que les maisons d’accompagnement s’inscrivent dans un parcours et un réseau pluridisciplinaires. À cette fin, elles doivent pouvoir conventionner avec les unités de soins palliatifs et les unités à domicile pour plus d’efficacité dans l’accompagnement des usagers. Cette convention, pour être obligatoire et contraignante, doit être inscrite dans la loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne suis pas hostile à de telles conventions avec les unités et équipes chargées des soins sur le territoire, dont j’avais même proposé le rattachement à ces établissements.
Sagesse.
Mme la ministre. Sagesse également.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS487 de M. Yannick Neuder, CS546 de Mme Annie Genevard et CS764 de M. Charles de Courson (discussion commune)
M. Yannick Neuder (LR). Mon amendement précise la place des bénévoles dans les maisons d’accompagnement. Elles auront, comme les Ehpad, un statut d’établissement médico-social où pourront être pratiqués non seulement des soins palliatifs, mais aussi des soins de support et de confort comportant de la musicothérapie, des massages et des soins socio-esthétiques. Il s’agit donc de compléter l’alinéa 13 pour permettre aux bénévoles de jouer leur rôle important et, moyennant sans doute une formation et un encadrement, de participer au bien-être des patients et de leur entourage.
Mme Annie Genevard (LR). J’ai déjà évoqué la nécessité d’une forme d’encadrement, surtout dans des établissements accueillant des personnes en fin de vie particulièrement vulnérables. Mon amendement souligne le rôle des associations de bénévoles au sens du code de la santé publique. En effet, l’article L. 1112‑5 évoque les « associations de bénévoles qui peuvent apporter un soutien à toute personne accueillie dans l’établissement, à sa demande ou avec son accord, [...] dans le respect des règles de fonctionnement de l’établissement et des activités médicales et paramédicales » et qui œuvrent après avoir conclu avec les établissements concernés « une convention qui détermine les modalités de cette intervention ». Un tel cadre peut protéger d’interventions inappropriées.
M. Charles de Courson (LIOT). Mon amendement précise que les maisons d’accompagnement pourront conventionner avec des associations de bénévoles formés. La présence de bénévoles est recommandée dans le rapport du professeur Chauvin, qui préconise des structures ouvertes sur l’extérieur. Les associations concernées sont celles mentionnées à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique, composées de bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie et soumises à la signature d’une charte et à des règles de convention édictées par décret en Conseil d’État.
M. Didier Martin, rapporteur. M. de Courson et Mme Genevard ont certainement à l’esprit des associations comme Jusqu’à la mort accompagner la vie, qui font un travail précieux. Je préfère néanmoins l’amendement de M. Neuder, qui se réfère à l’article L. 1110‑11 du code de la santé publique. Je demande le retrait des deux autres.
Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur. D’une part, l’amendement de M. Neuder se réfère au code de la santé publique. D’autre part, rien n’interdit à des bénévoles de créer des associations. À Paris, la maison d’accompagnement Jeanne Garnier dispose d’une association de bénévoles structurée et organisée. Je suis favorable à l’amendement CS487 et je demande à Mme Genevard et à M. de Courson le retrait des leurs.
M. Charles de Courson (LIOT). Nos trois amendements vont dans le même sens. L’argument du rapporteur fondé sur la référence à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique est étrange car mon amendement s’y réfère aussi. Le mien est en outre mieux rédigé car il est plus précis de dire que les associations peuvent conventionner que d’indiquer seulement que les bénévoles ont vocation à intervenir.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je ne comprends pas ces successions d’amendements ajoutant à la loi des choses qu’elle prévoit déjà. Tout établissement a le droit de conventionner avec qui il veut et de prévoir des interventions de bénévoles. Il ne sert à rien de passer du temps sur des amendements décoratifs. Je m’étonne que M. de Courson, dont les interventions sont d’ordinaire ciselées, en présente de tels.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Puisque la réglementation permet aux bénévoles d’intervenir dans les établissements de santé, pourquoi le préciser dans le présent texte ? Écrire dans la loi que les bénévoles interviennent auprès des patients peut devenir dangereux.
Mme Annie Genevard (LR). Ces amendements ne sont ni des fioritures inutiles ni porteurs de dangers. Quiconque fréquente des établissements de fin de vie sait qu’ils sont utiles. Je persiste à penser le mien meilleur mais je le retire au profit de celui de M. Neuder.
L’amendement CS546 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS487.
En conséquence, l’amendement CS764 tombe.
Amendement CS1303 de M. Jocelyn Dessigny
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il s’agit de faire en sorte que le personnel des maisons de soins palliatifs soit convenablement formé. Certains nous objecteront que c’est déjà le cas. Mais il me semble important que cela figure dans la loi.
M. Didier Martin, rapporteur. Ce sera le cas et il est inutile de l’inscrire dans la loi. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1100 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ces questions sont d’autant plus complexes que la mort est aujourd’hui exclue de nos sociétés et même de nos débats. Mon amendement prévoit qu’à la création d’une structure d’accompagnement, une information sera dispensée non seulement sur cette structure, mais aussi sur la fin de vie ainsi que sur les personnes qui assurent cet accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Cet amendement, qui embrasse des questions intéressantes à propos de l’information et de la communication à destination du grand public, est trop imprécis.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Comme vous, monsieur Isaac-Sibille, j’ai rencontré des associations qui interviennent dans ces domaines et je suis consciente de l’importance du travail à accomplir sur différents sujets comme les directives anticipées, le deuil et les enfants face au deuil. Mais il ne me semble pas que votre amendement trouve place dans la loi.
J’en demande le retrait.
M. Patrick Hetzel (LR). Madame la ministre, vous avez déclaré que les maisons d’accompagnement, qui proposeront des soins palliatifs, seront également susceptibles de proposer le suicide assisté et l’euthanasie. Vous êtes en train de créer, sans le dire, un continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté ou l’euthanasie. Nous débattrons de cette question au titre II. Mais je tiens à souligner la cohérence qui s’exprime dans la construction du projet de loi. Dès le titre Ier, en réalité, les maisons d’accompagnement ont bien pour finalité une rupture du paradigme actuel en matière de soins palliatifs, qui ne prévoyait ni le suicide assisté ni l’euthanasie que vous introduisez explicitement. Dites ce qui est car la loi doit être claire.
Mme la ministre. Monsieur Hetzel, depuis la première minute de la discussion de ce texte, vous revenez systématiquement sur cette question. Je répète qu’une personne en fin de vie, en quelque lieu que ce soit dès lors qu’il s’agit d’un domicile, si elle pense remplir les conditions prévues par le texte et que nous examinerons demain à l’article 6, peut demander une expertise médicale sur la base de laquelle on peut lui proposer des soins palliatifs, qu’elle acceptera ou non. Si elle les accepte, cette personne reçoit ces soins, ce qui ne l’empêche pas de solliciter un examen médical au terme duquel on lui dira si elle est, ou non, éligible à l’aide à mourir. Elle peut alors, avec un délai de réflexion, choisir de donner suite, ou non, à cette éligibilité et demander, ou non, à bénéficier de cette aide, dans un lieu qu’elle choisit et qui peut être aussi bien son domicile qu’un hôpital, un Ehpad ou une maison d’accompagnement. J’espère avoir été claire.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends l’argument sur l’imprécision.
Madame la ministre, cette question est difficile et, si nos débats eux-mêmes manquent de clarté, comment nos concitoyens comprendront-ils ce que nous sommes en train de décider ? Il est essentiel de leur fournir une information non seulement sur ces structures, mais aussi sur ce qui concerne la mort. Je retire cet amendement mais je reviendrai en séance publique avec une rédaction plus claire.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1872 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il s’agit de garantir aux aidants des personnes accueillies en maison d’accompagnement une information relative à leurs droits, méconnus et donc peu utilisés. C’est en particulier le cas du congé de solidarité familiale spécifique pour les personnes qui accompagnent des proches en fin de vie. Il conviendrait donc d’inscrire dans le texte les modalités d’une meilleure connaissance de ces droits afin que les aidants bénéficient du temps nécessaire à l’assistance d’un proche en fin de vie. Cette mission pourrait être attribuée aux maisons d’accompagnement qui, selon l’exposé des motifs, accorderont une attention particulière aux proches aidants.
Cela ne répond évidemment pas aux problèmes de tous les aidants. Certains s’occupent d’enfants, d’autres de personnes qui ne sont pas en fin de vie. Mais il serait déjà bon d’apporter un commencement de réponse.
M. Didier Martin, rapporteur. Sagesse. Une information des aidants serait certainement utile.
Mme la ministre. L’accès à leurs droits des personnes qui accompagnent des proches doit être amélioré. Sagesse.
M. Thibault Bazin (LR). L’Inspection générale des affaires sociales a publié un rapport intéressant sur les aidants, évoquant le répit et les améliorations nécessaires dans ce domaine. La disposition proposée par Mme Fiat s’inscrit dans cette démarche.
Je saisis cette occasion de vous interroger, madame la ministre, sur le modèle de financement du répit destiné aux aidants. M. de Courson, défendant l’amendement CS758 sur la définition des maisons d’accompagnement, en a souligné tout à l’heure l’importance. Les ARS nous disent qu’il n’existe pas de modèle et elles invitent à prendre des lits d’Ehpad. Mais cela ne convient pas du tout. Travaillez-vous aussi à un modèle de financement du répit des aidants et les maisons d’accompagnement proposeront-t-elles des solutions en la matière ?
Mme la ministre. À ce stade, un dispositif existe pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Le moins qu’on puisse dire est que ce modèle est assez limité, avec des exemples peu nombreux. Il me semble toutefois qu’une expérience est menée dans votre département avec le Baluchon, monsieur Bazin.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1307 de M. Jocelyn Dessigny
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il est important que les maisons de soins palliatifs soient aussi un espace d’accueil pour les familles et les proches. L’amendement vise à ce que ces derniers puissent y prendre leurs repas.
M. Didier Martin, rapporteur. Un tel degré de précision ne me semble pas utile. L’amendement est certainement satisfait et relève de toute façon du domaine réglementaire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1308 de M. Jocelyn Dessigny
M. Jocelyn Dessigny (RN). Cette réponse ne me satisfait pas. Nous parlons de maisons dans lesquelles des gens vont finir leurs jours. Il est important que leurs proches puissent y avoir accès et s’y rendre aussi régulièrement qu’ils le souhaitent.
Mon amendement prévoit que les centres de soins palliatifs disposent d’un espace dédié à la pratique d’une activité sportive.
M. Didier Martin, rapporteur. Les maisons d’accompagnement accueilleront également des séjours de répit pour les familles et comprendront donc nécessairement des espaces de restauration. Quant à la pratique d’une activité physique, ce sera selon les possibilités des différents établissements. Ils peuvent comporter, ou non, des appartements, des maisons et des espaces extérieurs. Laissons cela au cahier des charges. Ne l’inscrivons pas dans la loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1399 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Depuis le début, nous demandons des garanties et des engagements quant au bon déploiement des mesures que nous votons. Pour ce qui concerne les maisons d’accompagnement, le texte doit comporter une stratégie décennale sur laquelle le Parlement puisse exercer un suivi.
M. Didier Martin, rapporteur. Je propose d’en rester à la rédaction de l’amendement CS1331. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
J’ai expliqué que nous lancions un appel à manifestations d’intérêt qui donnera lieu à une expérimentation en 2025. Après quoi, nous lancerons la création des autres maisons.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Ici encore, l’égal accès à une nouvelle liberté est au centre de nos préoccupations. Nous ne voulons pas qu’elle soit une aubaine financière pour le privé, ni à double ou quadruple vitesse. Compte tenu des difficultés que connaissent les hôpitaux, nous pouvons difficilement donner un blanc-seing au Gouvernement. La stratégie décennale doit être évaluée par le législateur, qui sera particulièrement attentif à l’égal accès aux maisons d’accompagnement partout sur le territoire.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le Conseil économique, social et environnemental n’a pas spécialement demandé la création d’une nouvelle structure. Il s’est surtout prononcé en faveur d’un renforcement des structures existantes et d’une bonne coordination des acteurs. Nous sommes favorables aux maisons d’accompagnement, mais nous aurions dû commencer par renforcer ce qui existe déjà alors que certaines unités ont besoin de moyens et que certains Ehpad sont sur le point de fermer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1840 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous souhaitons ajouter à l’article 2 que « l’État met à l’étude les conditions dans lesquelles la création de 101 maisons d’accompagnement permettra d’assurer leur déploiement dans chaque département à horizon de l’année 2034. Il étudie les modalités d’implantation, dans chaque région, de maisons d’accompagnement prenant en charge les populations ayant des besoins spécifiques tels que les enfants et les adolescents. »
Il faut souligner que ces maisons d’accompagnement ne s’adressent pas aux seules personnes âgées. La ministre avait annoncé par voie de presse la création de huit maisons en 2025 alors que le rapport Chauvin en préconise vingt. Il faut inscrire dans la loi que chaque département disposera bien d’une maison d’accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Il ne me semble pas nécessaire d’imposer des études préalables sur les modalités d’implantation des maisons d’accompagnement. L’objectif d’une structure par département a été fixé dans le plan et repris par la ministre.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
J’ai précisé tout à l’heure que nous lancions pour 2024 un appel à manifestations d’intérêt, que huit à dix maisons seraient ouvertes en 2025 et que nous évaluerions la situation afin de définir un référentiel. L’objectif est bien d’une maison par département d’ici à 2034.
M. Philippe Vigier (Dem). Il me semble qu’il faut des structures différentes pour les enfants et les adultes car il n’est pas judicieux de les mélanger. Par ailleurs, si le rapport Chauvin vise cent maisons en dix ans, le calendrier qui figure dans l’exposé sommaire de l’amendement atteindrait cet objectif en trois ans seulement – vingt maisons en 2025, trente en 2026 et cinquante en 2027. Il y a là une anomalie. Ce sera déjà très bien si nous parvenons à en créer cent en dix ans.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Il est important d’inscrire dans la loi notre volonté d’une maison d’accompagnement par département. L’objectif de cent une maisons d’ici à 2034 est cohérent avec ce que nous avons défendu jusqu’à présent et avec le rapport Chauvin. Comme dit à propos des soins palliatifs, l’objectif en matière d’accompagnement n’est pas de créer des maisons, mais d’en garantir l’égal accès à tous sur le territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1400 de Mme Emeline K/Bidi
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’amendement prévoit une évaluation annuelle des maisons d’accompagnement, portant sur la nature des accompagnements dispensés, le profil des personnes accompagnées et les moyens humains et financiers mobilisés, ainsi que sur le déploiement sur l’ensemble du territoire et son adéquation aux besoins recensés. Notre préoccupation reste la même : le développement des maisons d’accompagnement et, surtout, des soins prodigués sur l’ensemble du territoire et pour l’ensemble des citoyens.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable. Cette évaluation relèvera de l’instance de gouvernance. L’amendement est, en quelque sorte, satisfait.
Mme la ministre. L’amendement est en effet satisfait car, en tant que nouvelle catégorie d’établissements médico-sociaux dans le code de l’action sociale et des familles, les maisons d’accompagnement seront soumises à la procédure d’évaluation interne et externe commune à tous les établissements sociaux et médico-sociaux, rénovée par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le rapport demandé apporterait une réponse aux doutes sur le périmètre et la nature de l’activité des maisons d’accompagnement. Sans épuiser nos questions, il permettrait de les envisager dans le temps long, en termes quantitatifs, car il s’agit de mesurer la densité des maisons et leur intégration sur le territoire, et qualitatifs, pour déterminer dans quelle mesure elles répondent à des besoins. L’amendement est bienvenu et nous le voterons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1842 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Notre pays accuse un immense retard dans l’accès aux soins palliatifs et d’accompagnement. Les investissements prévus par le projet de loi et la stratégie décennale sont bienvenus, mais très insuffisants. La ministre a annoncé la création de huit maisons d’accompagnement d’ici à 2025 contre vingt préconisées par le rapport Chauvin. Une vingtaine de départements, parmi lesquels la Sarthe, n’ont pas d’unité de soins palliatifs. Nous ne pouvons pas créer des déserts médicaux et contraindre les citoyens à traverser plusieurs départements pour être accompagnés. Nous devons investir sérieusement de façon à couvrir les besoins des populations, différents en Creuse, à Paris ou en Corse. L’indicateur de densité de l’offre de soins d’accompagnement que nous proposons de créer permettra de mieux déterminer les besoins et les investissements pour y répondre.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat sur les indicateurs à l’article 1er. J’ai indiqué à cette occasion que j’accordais de l’importance à cette question, mais qu’elle était traitée par la stratégie décennale, qui crée une instance de gouvernance et qui est dotée de nombreux indicateurs pour chaque mesure proposée.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Par ailleurs, les unités de soins palliatifs et les maisons d’accompagnement sont deux réalités distinctes, qui ne se substituent pas l’une à l’autre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1843 de Mme Élise Leboucher
Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). La création des maisons d’accompagnement répond à une demande issue de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Elle est fondée puisque près de 53 % des citoyens décèdent à l’hôpital. La Cour des comptes a souligné le manque de solutions intermédiaires entre l’hôpital et le domicile pour accompagner le plus dignement possible les personnes en fin de vie, quel que soit leur âge.
La nécessité d’un recrutement important pour répondre à cette noble mission s’impose. Mais les prévisions figurant dans l’étude d’impact sont très insuffisantes. Pour éviter que les difficultés qui gangrènent l’hôpital public ne se reproduisent, il est essentiel d’envisager un ratio minimal d’encadrement par le personnel médical et médico-social dans les maisons d’accompagnement. Le groupe LFI - NUPES demande un rapport en ce sens.
M. Didier Martin, rapporteur. Avec l’adoption de l’amendement CS1331, un tel rapport est inutile. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Philippe Juvin (LR). Cet amendement a le mérite de poser la question des moyens. J’ai fait une règle de trois. Une maison d’accompagnement dispose d’un budget de 1 million d’euros par an, soit 2 700 euros par jour. Si l’on pose un prix de journée de 500 euros, ce qui est très faible, on a la prise en charge de cinq patients. Madame la ministre, cet ordre de grandeur correspond-il à ce que vous attendez des maisons d’accompagnement ?
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement est intéressant. Mais je voudrais profiter de la présence de la ministre pour rebondir sur certains sujets précédemment évoqués. Vous avez fait le choix de faire des maisons d’accompagnement des établissements sociaux et médico-sociaux alors qu’elles dispenseront des soins d’accompagnement, qui relèvent du code de la santé publique. Elles seront financées principalement par un Ondam médico-social spécifique et, pour partie, par l’Ondam soins de ville, plutôt que par l’Ondam classique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Pourquoi ne pas avoir fait le choix d’en faire des établissements de santé, notamment des établissements de santé privés d’intérêt collectif ? Cela n’aurait pas interdit un projet de vie financé en tant que tel. Ce statut permettrait de régler la question du but lucratif ou non lucratif. J’espère que nous aurons un débat en séance publique sur les modalités de tarification des maisons d’accompagnement, car nos amendements ont été déclarés irrecevables.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous avons modifié l’intitulé de ces maisons d’accompagnement en ajoutant « et de soins palliatifs ». Il est évident que l’accompagnement de personnes en fin de vie nécessitera du personnel. Les services de soins palliatifs sont d’ailleurs soumis à un ratio obligatoire minimal d’encadrement. En raison de l’article 40, nous ne pouvons déposer d’amendement prévoyant un tel ratio pour les maisons d’accompagnement. Mais nous posons la question : y seront-elles soumises ?
M. Thibault Bazin (LR). Les maisons d’accompagnement devront disposer des moyens nécessaires à leurs missions. L’hypothèse posée par Philippe Juvin mérite d’être étudiée : 500 euros par jour – la moitié du coût d’un patient en unité de soins palliatifs – seront-ils suffisants pour remplir les trois missions assignées par la ministre ? Si c’est le montant retenu, les maisons d’accompagnement accueilleront cinq personnes. S’il est inférieur, des soins palliatifs pourront-ils vraiment être assurés ?
Mme la ministre. Un budget annuel de 1 million d’euros permet de financer les charges de personnel à hauteur de 528 000 euros, une enveloppe de 79 000 euros pour les remplacements, une ligne de 70 000 euros pour les prestations extérieures et des frais de structure correspondant à 30 % du dimensionnement initial, soit 290 000 euros.
La prise en charge médicale sera financée par l’Ondam soins de ville. Le financement général sera assuré par un Ondam spécifique grâce à des mesures nouvelles dans le champ médico-social car les maisons d’accompagnement relèvent d’une catégorie d’établissement médico-social accueillant un public pas nécessairement âgé ni en situation de handicap. C’est déjà le cas pour les lits d’accueil médicalisés, les lits halte soins santé ou les appartements de coordination thérapeutique.
Le coût d’une place en maison d’accompagnement est sensiblement inférieur à celui d’un lit identifié de soins palliatifs en service de médecine soit 220 000 euros, en unité de soins palliatifs soit 294 000 euros, en soins médicaux et de réadaptation soit 110 000 euros, ou en maison d’accueil spécialisée soit 83 000 euros. Il est en revanche supérieur au coût d’une place en Ehpad, évaluée à 45 000 euros.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1309 de M. Jocelyn Dessigny.
Amendement CS765 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement assure que chaque Ehpad consacre un volet de son projet d’établissement aux soins palliatifs et d’accompagnement. Le code de l’action sociale et des familles mentionne déjà la possibilité de ce volet spécifique, mais sans caractère impératif. Son inscription obligatoire dans le projet d’établissement suscitera une réflexion systématique au sein de l’Ehpad, qui le poussera à faire le point sur ses ressources internes et externes. Son absence serait une perte de chance pour les usagers.
M. Didier Martin, rapporteur. Le code de l’action sociale et des familles le prévoit déjà. En outre, la dixième mesure de la stratégie décennale des soins d’accompagnement renforce la qualité de la prise en charge palliative en Ehpad et en établissements sanitaires et médico-sociaux, en diffusant la culture des soins d’accompagnement et en fixant un objectif de conventionnement de 100 % des établissements en 2030. Votre amendement semble donc satisfait.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’article D. 311‑38‑5 du code de l’action sociale et des familles prévoit déjà ce que vous proposez. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1152 et CS1151 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1151 intègre dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements sanitaires et médico-sociaux l’objectif de renforcer la culture des soins palliatifs, notamment par la formation des professionnels. Le CS1152 est un amendement de repli qui prévoit cette formation pour les seuls Ehpad.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne suis pas certain que votre proposition soit le meilleur moyen d’atteindre cet objectif. Je rappelle que la mesure 10 de la stratégie décennale renforce la qualité de prise en charge palliative dans les Ehpad et les établissements sanitaires et médico-sociaux en diffusant cette culture de soins. Cet objectif pourra être atteint d’ici 2030.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS577 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’amendement contraint la présence d’un référent dans tous les établissements et tous les services sociaux ou médico-sociaux au sein desquels sont dispensés des soins d’accompagnement. Ce référent aura pour mission d’accompagner les patients et les familles dans le processus de fin de vie. Bien qu’il s’agisse d’une recommandation de la Haute Autorité de santé, elle n’a pas encore été systématiquement mise en place.
M. Didier Martin, rapporteur. Cet amendement semble contre‑productif. Il serait plus pertinent de s’adresser directement aux professionnels prodiguant les soins plutôt qu’à cet intermédiaire.
Avis défavorable.
Mme la ministre. La définition des soins d’accompagnement à l’article 1er a pour but de soutenir la personne malade. Dans les services qui dispensent des soins d’accompagnement, ce sont tous les membres de l’équipe qui sont sensibilisés à la situation des proches.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS768 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement reprend la mesure 8 du rapport du professeur Chauvin, elle-même figurant dans la stratégie décennale à sa dix-septième mesure. Elle crée des collectifs d’entraide qui reposent sur un partenariat entre les patients et, notamment, les collectivités territoriales, les associations d’usagers ou les associations de bénévoles. Il en résulterait une expérimentation menée dans dix régions avant une éventuelle généralisation.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous avons déjà sanctuarisé à deux reprises la place et le rôle des bénévoles. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS6 de M. Thibault Bazin et sous-amendement CS1977 de Mme Sylvie Bonnet
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement reprend une des préconisations de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Il encourage l’accompagnement bénévole au chevet des personnes en fin de vie. À la lumière de l’instruction ministérielle relative à la structuration des filières, un conventionnement avec les structures d’hospitalisation à domicile n’apparaît plus nécessaire.
Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré. En conséquence, le sous-amendement CS1977 tombe.
Amendement CS7 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit du même sujet : je le retire également.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1851 de Mme Caroline Fiat
M. Didier Martin, rapporteur. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS767 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement reprend la réflexion entamée dans le rapport du professeur Chauvin pour favoriser le maintien à domicile pour les soins palliatifs et d’accompagnement. Il sollicite un rapport pour évaluer l’impact financier de l’accompagnement de la fin de vie à domicile et le reste à charge pour les ménages.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous soutenons cette demande de rapport. Nos concitoyens doivent pouvoir choisir d’être accompagnés en fin de vie à domicile s’ils le souhaitent. Il est urgent d’identifier les obstacles, notamment économiques, afin de les éliminer.
Le professeur Chauvin recommande de porter une attention particulière aux 3 % de Français ne bénéficiant pas de couverture d’assurance maladie complémentaire ainsi qu’aux bénéficiaires des minima sociaux.
La commission rejette l’amendement.
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* *
6. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 9 heures 30 (article 3 à article 4)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([7]).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, nous reprenons nos travaux : 1 410 amendements restent en discussion.
Article 3 : Plan personnalisé d’accompagnement
Amendement de suppression CS343 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement vise à supprimer l’article relatif au plan personnalisé d’accompagnement. Des dispositions similaires sont déjà inscrites dans la loi. Il faut en rester au droit actuel des soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Le plan personnalisé d’accompagnement pourra être élaboré au moment de l’annonce du diagnostic d’une affection grave. Il sera alors proposé un temps de discussion avec un médecin ou un professionnel de santé, le cas échéant avec l’assistance de personnes que le patient aura choisies, par exemple sa personne de confiance. Ce plan, dédié à l’anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaire, psychologique, sociale et médico-sociale, comprendra également un volet relatif à la prise en charge de la douleur.
Le droit actuel ne concerne pas tous les patients, en particulier ceux atteints d’une affection chronique qui n’engage pas le pronostic vital ou qui n’est pas incurable. Par conséquent, ce plan est utile et il est malvenu de supprimer l’article 3.
Avis défavorable.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Les dispositions existantes concernent les soins palliatifs. Le champ de l’article est plus vaste.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS344 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Le présent amendement vise à prévoir un tel dispositif pour les patients atteints d’affections graves et incurables. Sans cette précision, on pourrait envisager le suicide assisté ou l’euthanasie pour des patients qui ne seraient pas considérés comme incurables.
M. Didier Martin, rapporteur. La précision n’est pas la bienvenue : il est question d’affections graves, en général. Nous reviendrons sur le terme « incurable » au titre II.
Avis défavorable.
M. le ministre. Je donne un avis défavorable à l’amendement car il n’est pas opportun de restreindre le champ du plan personnalisé d’accompagnement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS179 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). Par cet amendement, nous proposons de confier l’élaboration du plan personnalisé d’accompagnement à un médecin, non à un « professionnel de santé de l’équipe de soins » car des compétences médicales élargies sont requises. Ce plan suppose en effet d’articuler des décisions médicales parfois complexes, qu’il s’agisse de traitements, d’actes de chirurgie, de chimiothérapie, d’hormonothérapie ou de radiothérapie.
M. Didier Martin, rapporteur. Chacun, qu’il soit médecin, infirmier ou aide-soignant, dispose de compétences professionnelle, dans sa spécialité. Le médecin jouera pleinement son rôle mais tous les professionnels compétents peuvent être associés à la démarche. Une telle restriction ne semble donc pas souhaitable.
Avis défavorable.
M. le ministre. Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Le plan personnalisé d’accompagnement est nécessairement réalisé de façon collégiale dans la prise en charge d’un patient. Il est impératif pour assurer la programmation des soins proposés dans les semaines ou les mois suivant le diagnostic.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS23 de M. Thibault Bazin et CS450 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement a pour objet de transformer en une possibilité l’obligation de présenter un plan personnalisé d’accompagnement « dès l’annonce du diagnostic d’une affection grave ». Dans les faits, un tel dispositif pourrait être fréquemment irréalisable, en raison de la sidération qui peut saisir la personne atteinte d’une affection grave ainsi que le professionnel de santé. Il paraît plus pertinent de construire un tel plan au fur et à mesure, en fonction de la personne, plutôt que d’étudier avec elle sa formalisation dès l’annonce du diagnostic.
Une « affection grave » n’étant pas nécessairement incurable, il pourrait être préjudiciable de devoir présenter un plan personnalisé d’accompagnement dès le moment du diagnostic, alors que le plan de soins n’est pas encore élaboré, et, surtout, sans savoir comment réagira le corps du patient. Il convient donc de s’en remettre à l’appréciation des soignants.
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement CS450 est défendu.
M. Didier Martin, rapporteur. Les deux amendements vont dans deux directions incompatibles. J’en déduis que la rédaction de l’article est la bonne et vous invite à préférer le terme « propose » aux mots « peut proposer » ou « propose systématiquement ». Avis défavorable.
M. le ministre. Même avis.
M. Jean-François Rousset (RE). Le diagnostic est annoncé lors d’une consultation spécifique d’annonce, souvent au détour de l’analyse d’un examen radiologique, mais il est question d’un plan dont le malade a l’initiative. C’est bien le patient qui est au centre du jeu : lors d’une consultation dédiée avec les professionnels de santé, il exprime ses besoins, par exemple celui d’une directive anticipée.
Mme Laurence Cristol (RE). La prise en charge doit être multidisciplinaire et globale dès l’annonce du diagnostic. Une relation de confiance, immédiate, avec le malade crée un environnement propice, où l’on peut proposer un plan dans lequel il se sentira en sécurité et pourra se projeter. L’amendement ne correspond pas à la réalité des situations : un plan élaboré au fil de l’eau pourrait déstabiliser le malade et l’équipe de soins. Au contraire, la rédaction actuelle de l’article permet de sécuriser un plan global d’accompagnement.
Mme Annie Genevard (LR). Alors qu’il est question de l’annonce du diagnostic, une de nos collègues a suggéré de formaliser une directive anticipée : cela veut dire que l’on projette le patient venant d’apprendre sa maladie dans la perspective de sa fin de vie. Depuis hier, on sait que l’accompagnement dans les maisons d’accompagnement peut signifier une aide active à mourir, quand le titre Ier devait n’être dédié qu’au renforcement des soins palliatifs par l’accompagnement. Une telle aide sera-t-elle proposée au patient à l’article 3 ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Vous avez déjà posé la question à quatre reprises hier, et la ministre a répondu très clairement à chaque fois.
M. Patrick Hetzel (LR). Il est inquiétant que le dispositif proposé ne se préoccupe pas de la temporalité. En cela, il pourrait même se révéler contre-productif. Lorsqu’on annonce une maladie grave, on doit peser ce que l’on fait, la dimension psychologique pouvant contribuer à l’évolution d’une pathologie. À ce titre, l’article nous inspire des réserves car il ne semble pas aller dans l’intérêt du malade.
M. Jérôme Guedj (SOC). Un de mes amendements répondra ultérieurement aux préoccupations de Mme Genevard.
Mme Anne Bergantz (Dem). La temporalité est bien inscrite à l’article 3 : il ne dit pas que le plan personnalisé est élaboré à l’annonce du diagnostic mais prévoit simplement des échanges pour construire ce plan.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1920 de M. Didier Martin.
Amendement CS1875 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). L’amendement vise à intégrer les dispositifs de la personne de confiance et des directives anticipées dans le cadre du plan personnalisé d’accompagnement, facilitant ainsi leur rédaction et leur articulation. Eu égard à la philosophie générale du rôle de la personne de confiance, il est essentiel de stipuler dans le texte cette possibilité d’accompagnement au moment de la création du plan personnalisé d’accompagnement.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre proposition est satisfaite car le patient peut être assisté « de personnes de son choix », y compris sa personne de confiance.
Avis défavorable.
M. le ministre. Je ne suis pas opposé à cet ajout, bien que la formulation actuelle englobe la personne de confiance. Pour mémoire, celle-ci a vocation à accompagner le patient dans ses démarches et à assister aux entretiens médicaux afin de l’aider à prendre ses décisions. Sa participation aux échanges préfigurant le plan personnalisé d’accompagnement s’inscrit dans le cadre de cette mission.
Je vous propose de retirer votre amendement au profit de l’amendement CS1330, qui poursuit le même objectif.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1638 de Mme Annie Vidal et CS1330 de M. Christophe Marion (discussion commune)
Mme Annie Vidal (RE). Par mon amendement, nous proposons de préciser qui sont les « personnes de son choix » en insérant les mots « y compris tout aidant formellement reconnu par le patient ou sa famille ». Il s’agit de clarifier le rôle des intervenants dans le plan personnalisé d’accompagnement, et d’élargir leur champ.
M. Christophe Marion (RE). Mon amendement vise à préciser que le patient peut être assisté par sa personne de confiance lors des échanges préalables à la formalisation du plan personnalisé d’accompagnement. Bien que l’article L. 1111-6 du code de la santé publique le prévoie déjà, il semble utile de rappeler ce dispositif largement méconnu aux patients et aux professionnels de santé. Il est d’autant plus utile de désigner une personne de confiance et de l’inviter aux échanges que l’affection diagnostiquée peut affecter les capacités d’expression ou le discernement du patient. La personne de confiance pourra permettre au patient d’anticiper les conséquences de sa maladie et recueillir sa perception et ses sentiments sur son état et son avenir à chaque instant décisif.
M. Didier Martin, rapporteur. Je donne un avis défavorable à l’amendement CS1638 et un avis favorable à l’amendement CS1330.
M. le ministre. J’émets un avis favorable sur l’amendement CS1330. Quant à l’amendement CS1638, je suggère le retrait.
Mme Annie Vidal (RE). Je le maintiens car la place des aidants semble essentielle, notamment pour aider à accomplir le geste choisi ultérieurement.
Mme Cécile Rilhac (RE). Un de mes amendements, jugé irrecevable, prévoyait d’ajouter la perte d’autonomie à l’article. Lorsque le patient est atteint d’une maladie pouvant entraîner une perte de discernement, d’autonomie voire de conscience, il est capital qu’une personne de confiance soit associée sinon à l’élaboration des directives anticipées, du moins au dialogue avec les soignants.
M. Thibault Bazin (LR). Introduire l’aidant me semblait intéressant car le fait qu’il n’appartienne pas toujours à la famille peut poser des difficultés. La solitude devant la maladie représente une grande souffrance. Certains demandent d’ailleurs parfois une aide à mourir pour cette raison.
L’allusion de Mme Vidal à un accompagnement dans le dernier geste m’inquiète. Une étude d’impact a-t-elle été menée pour déterminer l’impact psychologique du suicide assisté pour la personne tierce ?
M. le ministre. Tel n’est pas l’objet de l’article : vous anticipez sur l’examen du titre II.
Successivement, la commission rejette l’amendement CS1638 et adopte l’amendement CS1330.
Amendement CS1555 de Mme Anne-Laurence Petel
Mme Anne-Laurence Petel (RE). Cet amendement vise à préciser que le dialogue du patient avec les professionnels de santé inclut un échange sur ses directives anticipées. Seuls 18 % des Français ont rédigé ce document, ce qui contraint parfois les médecins ou la famille à prendre des décisions à leur place.
M. Didier Martin, rapporteur. Je partage cette orientation. Néanmoins, je vous suggère de retirer l’amendement au profit de l’amendement CS706 de M. Raphaël Gérard.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1402 de M. Pierre Dharréville et CS27 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Par cet amendement de cohérence, nous proposons de substituer aux mots « plan personnalisé d’accompagnement » l’expression « planification anticipée des soins futurs », qui figure depuis 2016 dans les référentiels de la Haute Autorité de santé (HAS) relatifs à la démarche palliative. Elle traduit la notion d’advance care planning, dont le professeur Chauvin a proposé une nouvelle traduction.
La planification anticipée des soins futurs est le « procédé de communication et de reformulation sur les valeurs et les souhaits de la personne au sujet de sa santé future et de ses préférences concernant les soins et traitements ». Fondée sur les priorités de la personne, sur ses croyances et ses valeurs, elle implique de prendre du temps pour s’enquérir des options thérapeutiques en fin de vie, avant qu’un événement aigu ne survienne. Elle conduit à proposer une déclaration anticipée de ses souhaits et préférences, la rédaction des directives anticipées et la désignation de la personne de confiance.
M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement vise à supprimer la notion de « soins d’accompagnement » pour lui préférer celle de « soins palliatifs » afin de préserver la centralité et l’unicité de cette notion.
M. Didier Martin, rapporteur. Il n’est pas nécessaire de prévoir l’articulation du plan personnalisé d’accompagnement avec le programme personnalisé de soins, élaboré par une équipe pluridisciplinaire pour les patients atteints de cancer : l’article 3 traite plus largement des affections graves.
Avis défavorable à l’amendement CS1402.
Je donne également un avis défavorable à l’amendement CS27, pour les mêmes raisons qu’hier.
M. le ministre. Avis défavorable aux deux amendements.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’article prévoit que le moment d’échange soit consacré au « suivi des prises en charge sanitaire, psychologique, sociale et médico-sociale ». Les deux amendements amputent l’article d’une partie de ces dimensions puisque le CS27 le limite aux soins palliatifs et le CS1402, aux soins et traitements, selon la conception de la HAS. En conséquence, mon groupe ne votera pas les deux amendements.
M. Philippe Juvin (LR). Nous reprochons souvent au projet de loi de ne pas prendre en compte l’existant, comme s’il était face à une page blanche : il invente les « soins d’accompagnement » alors que les soins de support sont bien définis dans la littérature. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de M. Dharréville qui substitue à raison au plan d’accompagnement personnalisé – une invention du texte, insuffisamment définie – une notion figurant dans les référentiels, à laquelle les professionnels sauront se rattacher. Nous ne réinventons pas l’ensemble de la prise en charge des patients.
M. Patrick Hetzel (LR). M. Dharréville insiste sur le fait qu’il s’agit d’un amendement de cohérence au regard des référentiels à l’œuvre dans la pratique et la culture palliatives. Vous donnez l’impression de vouloir faire table rase de l’existant. Loin de donner confiance aux professionnels engagés dans les soins palliatifs, l’article ne résout pas les problèmes et instaure un trouble.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement CS1402 invite à réfléchir à la différence entre les soins, le cure, et l’accompagnement, le care. Avec ce dernier, il importe de prendre soin plutôt que de donner des soins : le terme « accompagnement » semble donc plus juste.
Tout cela est déjà fait. Il est bon de le redire mais faisons surtout confiance aux professionnels de santé.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS178 et CS180 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement CS178 vise à préciser que le plan personnalisé d’accompagnement doit être formalisé par écrit. Les actuelles réunions pluridisciplinaires obligatoires, destinées à prendre en charge les patients atteints de cancer, sont très formalisées : l’identité et la qualité des participants doivent notamment être précisées. Il est important que le plan personnalisé d’accompagnement entre dans ce cadre, qui a fait ses preuves depuis plusieurs décennies. Ne détricotons pas ce qui fonctionne.
M. Didier Martin, rapporteur. Je donne un avis de sagesse à l’amendement CS178 et un avis défavorable à l’amendement CS180.
M. le ministre. Avis favorable au premier amendement.
Le second semble satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je soutiens l’amendement CS178. Le découpage évoqué est surprenant : l’accompagnement fait partie intégrante du soin. Quelle que soit la gravité de la maladie, le manque de temps pour la relation humaine dégrade la qualité du soin. Les soignants ne demandent que d’avoir le temps de cet accompagnement. On ne peut pas reprocher au référentiel de la HAS d’occulter cette dimension.
M. Thibault Bazin (LR). Les professionnels accompagnent dès lors qu’ils soignent – leur logique n’est pas seulement celle du soin thérapeutique. Ils mènent une approche fondée sur la coordination et l’accompagnement, et pourraient être blessés que l’on résume leur travail d’une façon qui ne correspond pas à la réalité d’un grand nombre de services.
Je soutiens aussi l’amendement CS180, afin de préciser que le plan est « élaboré collégialement en équipe pluridisciplinaire ». Contrairement à ce qu’a dit une collègue, ce n’est pas déjà le cas dans toutes les situations que recouvre le texte. Cette précision est notamment importante dans le cadre d’une discussion sur les directives anticipées : on doit pouvoir rassembler l’ensemble des différentes compétences et spécialités, par exemple pour traiter un cancer.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il peut être délicat de formaliser de tels échanges. Devra-t-on les faire valider et signer par la personne ? Je crois plutôt au colloque singulier dont les subtilités peuvent être difficiles à transcrire par écrit.
Il faut non seulement « donner des soins » – cure mais aussi « prendre soin » – care : c’est tout l’enjeu de l’accompagnement.
Mme Frédérique Meunier (LR). Il est souhaitable de mettre par écrit les propos d’un patient se trouvant dans une situation psychologique difficile car cela témoigne de votre considération à son égard.
Je suis plus réservée quant à l’amendement CS180 : qu’importe si la prise en charge est collégiale ou pluridisciplinaire, c’est surtout le ressenti du patient qui compte.
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement va dans le bon sens. Depuis quelques jours, nous nous inscrivons dans une démarche nouvelle qui, avec cette grande loi, doit permettre une prise en compte globale du patient grâce au plan personnalisé d’accompagnement. Il s’agit précisément de placer le malade au centre du dispositif. Demander que ce plan soit formalisé par écrit est une preuve de considération et contribue à la traçabilité.
La commission adopte l’amendement CS178.
Puis elle rejette l’amendement CS180.
Amendements CS1210 de Mme Monique Iborra, CS937 de Mme Cécile Rilhac, CS706 de M. Raphaël Gérard et CS1845 de Mme Caroline Fiat (discussion commune)
Mme Monique Iborra (RE). Mon amendement prévoit que la rédaction de directives anticipées fait partie intégrante du plan personnalisé d’accompagnement.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je propose que la rédaction ou la révision des directives anticipées soit abordée à l’occasion des échanges avec l’équipe de soins et de la rédaction du plan personnalisé d’accompagnement.
Le rapporteur ayant indiqué qu’il préférait la rédaction de l’amendement CS706, je retire mon amendement au profit de ce dernier.
L’amendement CS937 est retiré.
M. Jean-François Rousset (RE). Le plan personnalisé d’accompagnement sera construit à un moment où le patient manifeste ses souhaits et pose des questions. Il est logique qu’à l’occasion de ce dialogue singulier, la possibilité de rédiger ou réviser ses directives anticipées puisse être mentionnée au malade, soit à la suite d’une question soit sur proposition. C’est ce que prévoit l’amendement CS706.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ces différents amendements ont pour objet de démocratiser les directives anticipées. Nous sommes nombreux à être convaincus que ne pas pouvoir s’exprimer ne doit pas signifier que l’on ne peut pas décider. Il faut donc trouver un moyen permettant à quelqu’un qui n’est pas en mesure de dire ce qu’il souhaite de pouvoir néanmoins disposer de son propre corps. Les directives anticipées sont l’instrument adéquat.
Or elles sont trop peu utilisées. Près des deux tiers de la population ignorent qu’elles existent ou ne savent pas comment les formuler. Et même parmi ceux qui connaissent leur existence, beaucoup ne savent pas quelles instructions on peut y faire figurer.
Il est donc nécessaire que le temps d’échange d’ores et déjà prévu pour élaborer le plan personnalisé d’accompagnement soit utilisé pour aborder les directives anticipées. Il ne s’agit pas de contraindre les patients à les rédiger, mais de permettre à chacun d’exercer un droit. Tel est le sens de l’amendement CS1845, dont la rédaction est très prudente.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous partageons l’objectif qui consiste à sensibiliser nos concitoyens à l’importance de rédiger leurs directives anticipées, en particulier à l’annonce d’une maladie grave. Je suis favorable à la rédaction proposée par Raphaël Girard, qui prévoit que l’élaboration ou la révision du plan personnalisé d’accompagnement soit l’occasion de proposer au patient de rédiger ses directives anticipées et, le cas échéant, de les réviser.
Demande de retrait pour les autres amendements.
M. le ministre. Même avis.
Mme Monique Iborra (RE). Je retire mon amendement, mais je précise qu’il est d’ores et déjà indiqué dans la définition des directives anticipées que celles-ci sont révisables et peuvent être adaptées en fonction de l’évolution de la maladie.
L’amendement CS1210 est retiré.
M. Philippe Juvin (LR). Notre groupe soutient les amendements de M. Gérard et de Mme Fiat, mais pas celui de Mme Iborra en raison de son caractère contraignant. Rédiger ses directives anticipées ne doit pas être obligatoire.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les directives anticipées sont en effet un bon outil et elles sont sans doute assez peu utilisées.
Cependant, il ne faudrait pas glisser vers une forme d’injonction à rédiger ses directives anticipées. Décider de le faire ou ne pas le faire constitue une liberté dans les deux cas. C’est un point important qui avait été mis en évidence lors des travaux de la mission d’information sur l’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, organisée dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Cela étant, la faculté de rédiger ses directives anticipées reste encore trop méconnue et il est opportun d’encourager l’information à leur sujet dans le cadre de l’élaboration du plan personnalisé d’accompagnement.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je remercie les collègues qui ont retiré leur amendement, car notre fil conducteur doit être la liberté de choix de la personne. Certes, il importe de mieux faire connaître ce dispositif, et il est donc nécessaire d’informer à leur sujet à chaque fois que c’est possible, mais il ne saurait en aucun cas être question de rendre obligatoire la rédaction des directives anticipées.
L’amendement de Mme Fiat me semble plus intéressant que celui de M. Gérard car il mentionne également la personne de confiance. L’information sur les directives anticipées doit être l’occasion de faire connaître le rôle de cette dernière.
M. Charles de Courson (LIOT). La rédaction proposée par notre collègue Gérard est meilleure, mais il serait opportun de la compléter en séance afin de mentionner la possibilité de désigner une personne de confiance.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). L’amendement de Mme Fiat est plus complet car il prévoit d’évoquer le rôle de la personne de confiance, ce qui constitue un élément essentiel pour notre groupe.
M. Thibault Bazin (LR). La rédaction des directives anticipées doit rester une faculté et ne pas devenir une obligation. Je me félicite donc du retrait de l’amendement CS1210 de Mme Iborra. Par cohérence, il faudra revenir sur son amendement CS1209, qui a été adopté à l’article 1er et qui prévoit une forme d’injonction.
M. Philippe Vigier (Dem). Comme l’a relevé Pierre Dharréville, la loi Claeys‑Leonetti a été une belle avancée. Malheureusement, 12 % des Français seulement ont saisi l’opportunité de rédiger leurs directives anticipées. Quant à la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, elle est à l’origine d’un progrès très important en permettant aux patients de manifester leur souhait. C’est la plus belle des libertés.
L’amendement proposé par M. Gérard est intéressant car il mentionne la rédaction ou la révision des directives anticipées. Il ouvre ainsi le champ le plus large.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les amendements CS643 et CS644 présentés par mon groupe seront discutés plus tard. Ils visent eux aussi à mieux informer sur ces directives. Le premier prévoit ainsi que le médecin ou un professionnel de santé de l’équipe de soins propose au patient de rédiger ou d’actualiser ses directives anticipées.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Proposer au patient de rédiger ses directives anticipées est un peu directif. Plusieurs amendements qui viendront ensuite – dont un de notre groupe – prévoient de donner une information au patient sur ces directives et sur la personne de confiance, ce qui me semble préférable.
Mme Annie Vidal (RE). Il est intéressant de mentionner la personne de confiance d’autant que l’amendement sur le rôle du proche aidant n’a pas été adopté. Un certain nombre de personnes malades n’ont pas désigné une personne de confiance. Force est de constater que, dans le parcours d’accompagnement d’une maladie grave, la personne de confiance est souvent le proche aidant, dont chacun connaît l’importance du rôle. Nous avons l’occasion de lui donner la place qu’il mérite dans ce plan d’accompagnement.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS706 prévoit qu’« il est rappelé au patient la possibilité de rédiger ou réviser ses directives anticipées ». Il ne faut cependant pas oublier que le médecin peut refuser de les appliquer dans certaines situations – par exemple en cas d’urgence vitale, ou lorsque ces directives lui paraissent inappropriées ou ne correspondant pas à la situation médicale.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il me semble que l’on est obligé de désigner une personne de confiance lorsque l’on rédige ses directives anticipées. Cela va de pair, même s’il s’agit de deux documents séparés.
M. Paul-André Colombani (LIOT). La rédaction de l’amendement CS770, qui vient plus loin, me paraît plus adaptée. Il prévoit qu’il soit proposé au patient de rédiger ou d’actualiser ses directives anticipées, mais aussi de désigner une personne de confiance.
M. Didier Martin, rapporteur. Les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance sont normalement liées. Néanmoins, ces directives peuvent être acceptées dans le cas où une personne de confiance n’est pas désignée.
L’amendement CS732 de M. Gérard, dont nous discuterons par la suite, prévoit qu’il est proposé au patient de désigner une personne de confiance à l’occasion de l’élaboration ou de la révision du plan personnalisé d’accompagnement.
M. le ministre. J’émettrai également un avis favorable à l’amendement CS732 lorsqu’il sera abordé.
La commission adopte l’amendement CS706.
En conséquence, les amendements CS1845 de Mme Caroline Fiat, CS1700 de M. Jean-François Rousset ainsi que CS643 et CS644 de M. Jérôme Guedj tombent.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je me réjouis de l’adoption de l’amendement de notre collègue Raphaël Gérard. Il souhaitait participer à nos travaux et il a beaucoup œuvré sur la question de la fin de vie. J’ai une pensée particulière pour lui, alors qu’il vit des moments difficiles.
Amendement CS1137 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à s’assurer que le plan personnalisé d’accompagnement sera accessible aussi bien aux personnes en situation de handicap qu’aux personnes ne parlant pas ou peu français. Cela passe notamment par la mise à disposition de l’information dans un format facile à lire et à comprendre et par une communication alternative adaptée.
Selon une étude de France Assos Santé publiée en 2022, 56 % des usagers en situation de handicap ont manqué de supports de communication adaptés à leurs besoins et dans 40 % des cas la personne en situation de handicap n’a pas pu exprimer ses choix ou poser des questions. De plus, 77 % des personnes en situation de handicap ont dû renoncer à un soin en 2019.
M. Didier Martin, rapporteur. Les textes que nous votons doivent en effet tenir compte de la situation de toutes les personnes concernées. L’amendement est satisfait par le corpus juridique en vigueur.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS992 de Mme Frédérique Meunier
Mme Frédérique Meunier (LR). Le patient est certes placé au centre du dispositif mais il est souvent seul. Il convient de dissiper le flou du texte sur la présence des aidants et des accompagnants. Mon amendement propose ainsi que le plan personnalisé d’accompagnement soit établi en lien avec ces derniers. Leur présence est en effet nécessaire car la rédaction de ce plan est un moment très délicat, qui matérialise le passage à une étape nouvelle.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est satisfait. La rédaction de l’article prévoit que le patient peut être accompagné par la personne de son choix. Demande de retrait.
M. le ministre. Avis défavorable.
M. René Pilato (LFI - NUPES). L’adoption de cet amendement conduirait à la rédaction suivante : « Ce plan est élaboré à partir des besoins et des préférences du patient en lien avec les aidants et accompagnants ». Cela n’a pas de sens. S’il s’agit de prendre en compte les préférences du patient, ce dernier ne doit pas subir d’influence. Notre groupe votera contre cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS769 de M. Laurent Panifous
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement vise à préciser que le plan personnalisé d’accompagnement tient compte de l’environnement de la personne, et notamment de son entourage. C’est un élément capital pour favoriser le maintien à domicile.
M. Didier Martin, rapporteur. Cette précision n’est pas utile. Avis défavorable.
M. le ministre. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1138 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement propose de porter une attention particulière aux personnes vulnérables, dont notamment les personnes en situation de handicap mais également les personnes incarcérées.
En effet, une enquête menée en 2016 par le centre d’investigation clinique du centre hospitalier régional universitaire de Besançon fait état d’un accès limité aux antalgiques, au confort et au repos et d’un manque de formation des professionnels pour accompagner la fin de vie des personnes incarcérées. Il convient également de se préoccuper des lieux de soins qui ne sont pas accessibles aux personnes en situation de handicap.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.
M. le ministre. Même avis. Le droit commun s’applique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS181 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). La commission a précédemment adopté mon amendement CS178, qui prévoit que le plan d’accompagnement personnalisé est formalisé par écrit. Je vous propose d’aller plus loin en faisant figurer ce plan sur l’espace numérique de santé du patient.
La transmission des dossiers des patients sur cet espace numérique est l’une des conditions de la certification des établissements de santé. L’amendement permettra en outre d’améliorer la collaboration et l’information des différents acteurs chargés du suivi du patient – médecine de ville, hôpital et secteur médico-social.
M. Didier Martin, rapporteur. Sagesse.
M. le ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous voterons pour cet amendement car il a en outre pour vertu de donner au patient un meilleur accès à l’information qui le concerne. La transmission du plan personnalisé d’accompagnement sur l’espace numérique de santé est donc bénéfique tant pour les soignants que pour les patients.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous voterons également en faveur de cet amendement. Il va vraiment dans le bon sens en intégrant l’ensemble des données qui concernent le patient. Il permet la mise en réseau de tous les acteurs ainsi que la montée en puissance de l’espace numérique de santé – laquelle est d’ailleurs très forte depuis quelques mois.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Notre groupe votera également pour cet amendement, qui permet de partager les informations relatives au plan personnalisé d’accompagnement mais aussi et surtout d’assurer la traçabilité de ce dernier.
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement va dans le bon sens. Je remercie le rapporteur et le ministre pour leurs avis, qui s’apparentent à un avis favorable.
Monsieur le ministre, nous avions discuté avec vos prédécesseurs du chantier de l’amélioration du dossier médical partagé (DMP). Ce dernier est le réceptacle de très nombreux documents, mais ils ne sont pas forcément triés et sont donc en fait peu accessibles. Il convient donc d’améliorer l’organisation et l’arborescence de cet espace numérique.
Pourriez-vous nous indiquer si vous vous êtes penché sur ce point et où en est ce chantier ?
M. le ministre. L’outil numérique Mon espace santé marche très bien et il a déjà été activé par 17 % de la population En quelques mois nous avons obtenu beaucoup plus de résultats qu’avec le DMP mis en place il y a des années. Le déploiement de l’espace numérique de santé a atteint un très bon rythme. Les patients y ont renseigné 241 000 directives anticipées et ont désigné 341 000 personnes de confiance. Ces données montrent que les Français s’approprient assez rapidement cet outil.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS772 de M. Laurent Panifous
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement prévoit de confier à un professionnel de santé un rôle de référent dans la formalisation du plan personnalisé d’accompagnement.
Il aura pour fonction de formaliser le plan, avec le patient et son entourage, et de l’actualiser, en coordination avec les acteurs et professionnels de santé impliqués dans le parcours de soin ainsi qu’avec ceux chargés des soins palliatifs et d’accompagnement.
Cet amendement s’inspire de la mesure 2 du rapport du professeur Chauvin, qui préfigurait la stratégie décennale sur les soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Il faut laisser aux équipes de professionnels de santé une latitude en matière d’organisation. Dans les faits, c’est le médecin traitant ou le spécialiste de la pathologie concernée qui endossera le plus souvent le rôle de référent.
Demande de retrait.
M. le ministre. Nos débats ont mis en évidence l’intérêt de l’équipe pluridisciplinaire. L’amendement risque de rigidifier le dispositif et de nous éloigner de la pluridisciplinarité.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (LR). Ce que propose l’amendement est plutôt intéressant.
Vous avez raison, monsieur le ministre : il est indispensable que la décision soit prise dans un cadre pluridisciplinaire. C’est d’ailleurs ce qui est pratiqué depuis des années. Mais les patients nous disent qu’une fois que la décision a été prise, ils ne savent plus vers qui se tourner. Il faut bien distinguer le rôle de l’interlocuteur de celui de l’équipe, à laquelle revient la décision.
Prévoir un référent est logique et répond à un besoin de transparence vis-à-vis du patient.
M. Charles de Courson (LIOT). Il faut se mettre à la place du patient, qui a besoin d’avoir un interlocuteur une fois que la décision a été prise de manière collégiale. L’amendement – que j’ai cosigné – va dans le bon sens et ne remet pas en question la collégialité.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1921 de M. Didier Martin.
Amendement CS1379 de Mme Maud Petit
Mme Maud Petit (Dem). Cet amendement rédactionnel précise que le plan personnalisé porte également sur l’accompagnement. Il est utile de le mentionner clairement.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
M. le ministre. L’amendement est satisfait tant par la rédaction de l’article que par son esprit. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1922 de M. Didier Martin.
Amendement CS449 de M. Yannick Neuder et sous-amendement CS1988 de M. René Pilato
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement précise que le volet relatif à la prise en charge de la douleur doit concerner les trois types de douleur : physique, psychique et psychologique.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement est très intéressant, mais nous proposons par notre sous‑amendement CD1988 d’en retirer le terme « psychique », d’abord parce qu’il est un peu nébuleux et rarement employé par les soignants, ensuite par cohérence avec la suite du texte, d’ailleurs citée dans l’exposé sommaire, qui parle de « souffrance physique ou psychologique ».
M. Didier Martin, rapporteur. Défavorable à l’amendement, qui alourdit la rédaction en apportant une précision non nécessaire à ce stade, comme au sous-amendement.
M. le ministre. Même avis. Nous sommes tous soucieux d’éviter les lois bavardes. L’amendement n’apporte rien.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CS774 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Suggéré par l’association Être‑là, il vise à informer les personnes atteintes d’une affection grave de la possibilité de bénéficier d’un accompagnement par des bénévoles dans le cadre du plan personnalisé d’accompagnement.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS770 de M. Laurent Panifous et CS1329 de M. Christophe Marion
M. Charles de Courson (LIOT). Notre amendement CS770 prévoit que, lors des échanges concourant à l’élaboration du plan personnalisé d’accompagnement, le professionnel de santé propose au patient de rédiger ou d’actualiser ses directives anticipées et de désigner une personne de confiance.
Les travaux d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti ont montré que le recours aux directives anticipées est encore très insuffisant : selon une enquête de 2022, seuls 18 % des répondants connaissent leur existence ; moins de 8 % ont rédigé des directives anticipées ; 98 000 personnes les ont renseignées dans leur dossier médical partagé. La notion de personne de confiance semble mieux connue, mais une confusion existe parfois avec la personne de contact.
Si l’on veut développer la culture palliative et l’information des patients sur leurs droits, le cadre de l’élaboration du plan personnalisé paraît être un moment privilégié d’échanges avec le patient sur ces sujets.
En mentionnant et la personne de confiance et les directives anticipées, cet amendement aurait l’intérêt d’intégrer l’apport tant de l’amendement CS1845 de Mme Fiat que de l’amendement CS706 de M. Gérard : il est plus complet que celui-ci, que nous avons adopté.
M. Christophe Marion (RE). Aux termes de mon amendement, le plan personnalisé d’accompagnement du patient prend en compte ses directives anticipées ou, si elles n’existent pas, est l’occasion d’informer le patient de son droit de les rédiger.
Dès lors que ce plan a pour objectif d’anticiper l’accompagnement du malade, il évoque nécessairement une partie des directives anticipées. L’article 4 du projet de loi prévoit d’ailleurs que le patient peut annexer le plan personnalisé d’accompagnement à ses directives anticipées, ce qui confirme l’imbrication de ces deux textes et la nécessité qu’ils s’articulent avec cohérence.
La précision apportée par l’amendement vise à garantir que le plan personnalisé d’accompagnement sera l’occasion pour le patient de relire ses directives anticipées, de les actualiser si besoin ou de les écrire s’il ne l’avait pas fait.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement CS770 est redondant par rapport à l’amendement CS706, que nous avons adopté. L’amendement CS732 de M. Gérard nous permettra de revenir à la question de la personne de confiance. Avis défavorable.
Demande de retrait de l’amendement CS1329.
M. le ministre. Même avis.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous préférons l’amendement CS1329, plus clair et qui, à la différence de l’amendement CS770, ne limite pas au stade de l’élaboration du plan la nécessité de prendre en compte les directives anticipées.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Je suis défavorable à la rédaction de l’amendement CS770. Le plan personnalisé d’accompagnement étant censé intervenir dès l’annonce de l’affection grave, cette rédaction implique que, dès ce stade, on va parler à la personne de directives anticipées et de personne de confiance. Il est certes nécessaire de mieux informer de l’existence de ces dispositifs mal connus, mais, en l’occurrence, le moment me paraît mal choisi et la démarche trop brutale.
M. Charles de Courson (LIOT). Nous voulions que soient mentionnées tant les directives anticipées que la personne de confiance. Je retire donc l’amendement au profit des deux amendements de M. Gérard, celui précédemment adopté et celui que l’on nous annonce.
L’amendement CS770 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1329.
Amendement CS1140 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). À l’heure où les Français vieillissent et où une grande partie d’entre eux veut vieillir et mourir à domicile, la présence des aidants est indispensable. Ils sont quelque 9,3 millions, dont 500 000 mineurs. Il va vraiment falloir réfléchir à leur statut ; le retard en la matière est considérable.
Nous proposons que la définition du plan personnalisé d’accompagnement soit l’occasion d’informer les aidants de leurs droits – au répit, au bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie, à des congés et allocations financières, à un soutien psychologique.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable. Le plan personnalisé ne sera pas réservé aux personnes dont le pronostic vital est engagé.
M. le ministre. Avis défavorable.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous soutenons l’amendement. Dans une situation aussi difficile, le fait que tout le monde bénéficie du même niveau d’information évite interprétations et malentendus.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CS578 de Mme Christine Loir, CS909 de M. Philippe Juvin et CS989 de M. Thibault Bazin
Mme Christine Loir (RN). L’article 3 instaure, avec la participation des patients, une démarche de planification anticipée de leurs besoins. Le plan personnalisé d’accompagnement a vocation à évoluer pour tenir compte du développement de la maladie du patient et adapter la prise en charge.
Il semble nécessaire de préciser dans cet article que ce plan personnalisé ne se limite pas à la prise en charge hospitalière ou ambulatoire du patient, mais s’applique à ses besoins quel que soit son lieu de vie et de soins, donc tout particulièrement à son domicile.
M. Philippe Juvin (LR). Une des avancées de la loi pourrait être de contribuer à abattre les murs qui séparent médecine de ville et médecine hospitalière. Les réunions de concertation pluridisciplinaire concernent surtout l’hôpital. Puisque l’on introduit ici une nouveauté, allons jusqu’au bout de l’exercice et rendons la prise en charge transversale au lieu de la limiter à l’hôpital.
M. Thibault Bazin (LR). L’évaluation de la loi actuelle, notamment en ce qui concerne le déploiement des soins palliatifs, a montré que l’accompagnement global à domicile est un vrai défi.
M. Didier Martin, rapporteur. Sagesse.
M. le ministre. Je considérais que l’expression qui figure dans le texte, « les professionnels qui interviennent auprès du patient », englobait naturellement ceux qui interviennent à domicile. Néanmoins, la rédaction proposée ne me dérange pas.
Sagesse.
M. Patrick Hetzel (LR). Un avis favorable eût été encore préférable !
Beaucoup de prestataires de santé à domicile appartenant à une association nous ont alertés : cette question suscite des attentes. Une mention explicite du domicile a donc du sens.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1923 de M. Didier Martin.
Amendements CS1752 et 1753 de Mme Anne Brugnera, CS771 de M. Laurent Panifous, CS1647 de Mme Anne Bergantz, CS1910 de Mme Caroline Fiat, CS1768 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CS1801 de M. François Gernigon et CS1062 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement CS1752 permet d’intégrer dans le plan personnalisé d’accompagnement les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance.
L’amendement CS1753 prévoit que le plan est révisé à chaque évolution notable de la maladie. Ce serait l’occasion de réaffirmer les directives anticipées ou de les annuler.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS771 permet simplement de bien prévoir l’actualisation du plan.
L’amendement CS1647 est retiré.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). L’amendement CS1910 vise à intégrer les dispositifs de la personne de confiance et des directives anticipées dans le cadre du plan personnalisé d’accompagnement.
Étant donné le rôle de la personne de confiance, il est essentiel que le texte de loi précise clairement la possibilité pour la personne malade d’être accompagnée par sa personne de confiance au moment de la création du plan personnalisé d’accompagnement. Ce plan devrait également tenir compte des directives anticipées, qu’elles existent déjà ou qu’elles soient rédigées lors des échanges prévus par l’article. Bien que la rédaction de ces directives ne soit pas obligatoire, le plan personnalisé d’accompagnement offre un support pour leur création ; il permet de mieux anticiper les volontés de la personne malade et de rendre les directives anticipées plus détaillées et compréhensibles en tenant compte de la spécificité du patient.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). En la matière, l’important n’est pas de proposer ou d’obliger, mais d’informer le patient de ce qu’il peut faire. Ensuite, chacun reste libre de le faire ou non. Tel est le sens de mon amendement.
M. François Gernigon (HOR). Notre amendement prévoit qu’à l’annonce d’une maladie grave ou ultérieurement, lors d’une consultation, selon l’appréciation du médecin, ce dernier ait une discussion anticipée avec le patient dans l’optique de l’aider et de le rassurer quant à la complétion éventuelle de ses directives anticipées, suivant l’évolution de la maladie, et d’évoquer ses souhaits en matière de prise en charge sanitaire, psychologique, sociale, médico‑sociale et de prise en charge de la douleur.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Dans l’amendement CS1062, il s’agit de proposer au patient un accompagnement pour la rédaction des directives anticipées. Celles-ci sont rares et, quand elles sont librement rédigées, risquent de l’être d’une manière qui ne permet pas au corps médical de les prendre en compte.
M. Didier Martin, rapporteur. Tous ces amendements sont intéressants, mais un peu répétitifs par rapport à ceux que nous avons déjà adoptés sur ces sujets. Avis défavorable.
M. le ministre. Même avis.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, c’est justement parce que des amendements sont venus préciser ce que nous souhaitons indiquer dans le texte s’agissant des directives anticipées qu’il importe de prévoir que le patient sera accompagné dans la rédaction de ces dernières. En la matière, nous avons besoin de passer d’une culture du secret, de la peur et du dernier moment à une gestion beaucoup plus fluide de cette question, qui n’attende pas nécessairement l’annonce d’une maladie – même si cette dernière est l’occasion de réviser les directives. La rédaction des directives anticipées est encore moins simple que le don d’organes. Pour aller vers ce changement de culture, un accompagnement est requis à cette étape.
M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Certains des amendements en discussion ne tiennent pas compte du droit de ne pas rédiger de directives anticipées. L’amendement CS771 tend à imposer une obligation d’actualisation et une périodicité qui n’apportent rien au texte, lequel prévoit déjà une actualisation au besoin. C’est parce qu’il souhaite privilégier la liberté de choix que mon groupe défend l’amendement CS1910, qui insiste sur l’accompagnement du patient dans la rédaction.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous essayons de faire de la légistique fine ; je me demande donc comment ces amendements s’articulent avec l’article 4. Aux termes de ce dernier, « la personne qui bénéficie d’un plan personnalisé d’accompagnement [...] peut l’annexer à ses directives anticipées ». Autrement dit, il s’agit d’une simple possibilité, alors qu’il est prévu ici que le plan comprend automatiquement les directives anticipées si elles existent.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS732 de M. Raphaël Gérard
M. Joël Giraud (RE). L’amendement tend à rappeler qu’à l’occasion de l’élaboration ou la révision du plan personnel d’accompagnement, il convient de proposer au patient de désigner une personne de confiance qui sera consultée dans le cas où il serait hors d’état d’exprimer sa volonté.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS773 de M. Paul-André Colombani, amendement CS1139 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement CS1989 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
M. Paul-André Colombani (LIOT). Notre amendement vise à prévoir un volet renforcé destiné aux proches aidants lorsqu’une prise en charge à domicile est envisagée.
Dans ce cas, le plan personnalisé d’accompagnement doit comporter une évaluation des conditions et de l’environnement de la personne ainsi que des besoins de son entourage, afin de pouvoir adapter la prise en charge le cas échéant. Il doit aussi permettre d’informer les patients et leurs aidants de leurs droits et des mesures à leur disposition – solutions de répit, maisons d’accompagnement, associations de bénévoles, congés de proches aidants, etc.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit pour nous de garantir que le plan d’accompagnement personnalisé anticipe la faisabilité matérielle et humaine d’une hospitalisation à domicile.
Malgré les avancées en matière de soins palliatifs, l’hospitalisation à domicile se heurte encore à plusieurs difficultés qui peuvent empêcher les personnes qui le souhaitent d’y recourir. La capacité à choisir son mode d’hospitalisation et son lieu de fin de vie est notamment très entravée par la persistance des déserts médicaux et par le manque de personnel.
Si le plan personnalisé d’accompagnement va dans le sens de l’anticipation des besoins relatifs à la fin de vie, son application et son appropriation ne seront que partielles si l’on ne s’assure pas de la possibilité matérielle et humaine d’effectuer ses propres choix en la matière.
Il convient ainsi que le ou la professionnel ou professionnelle de santé vérifie la présence de proches ou de bénévoles aptes à assurer le maintien à domicile, la disponibilité d’équipes de proximité et d’un accès aux dispositifs sociaux et médicaux adaptés, conformément à l’une des propositions de la Convention citoyenne sur la fin de vie, soutenue par 91 % de ses membres.
M. Léo Walter (LFI - NUPES). Le sous-amendement CS1989 est sémantique ; il a pour but de rendre l’amendement applicable. M. Peytavie a parfaitement résumé les difficultés qui peuvent s’opposer à une hospitalisation à domicile, mais il nous semble que la formulation de l’amendement n’est pas tout à fait adéquate : il faudrait indiquer non que le plan « s’assure de la faisabilité » de l’hospitalisation à domicile, mais qu’il en « comporte l’évaluation ».
Si nous privilégions l’amendement CS1139, c’est qu’il est plus centré sur le patient – ce qui est essentiel – que le CS773.
M. Didier Martin, rapporteur. Les deux amendements sont satisfaits. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le ministre. Même avis.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous devrions nous inquiéter de la charge que nous faisons reposer sur les aidants et aidantes. Plutôt que de l’alourdir, nous avons besoin, a fortiori dans les moments dont nous parlons, de professionnels, de protection sociale et de services publics. L’organisation des soins et de l’accompagnement repose beaucoup trop sur une solidarité familiale aléatoire, terrain d’inégalités sociales. Ce système ne peut pas durer. Laissons les aidants à leur place et garantissons l’accompagnement professionnel auquel chacun doit avoir droit.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis étonné que tant d’amendements soient déclarés satisfaits. Où la demande d’évaluation de l’environnement du patient, de ses besoins et de ses droits, des conditions d’exercice des soignants est-elle satisfaite ? Si vous voulez la satisfaire, il faut que vous le fassiez quelque part ; si vous ne donnez cette réponse que pour que la discussion s’arrête, c’est frustrant, voire irrespectueux pour celles et ceux qui regardent nos débats. En quoi, concrètement, ces amendements sont-ils satisfaits ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). La précision apportée par les amendements est importante. La possibilité de bénéficier de soins à domicile dépend de nombreux facteurs – la dotation du territoire en professionnels de santé, leur formation...
La commission rejette successivement l’amendement CS773, le sous‑amendement CS1989 et l’amendement CS1139.
Amendements CS1063 et CS1064 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1063 est partiellement satisfait par l’adoption de celui de M. Juvin qui prévoit l’intégration du plan personnalisé d’accompagnement dans le dossier médical. Il lui ajoute cependant un élément : l’aide dont le patient bénéficierait pour accéder à ce dernier. Il s’agit de lutter contre la fracture numérique.
Quant à l’amendement CS1064, il complète le même amendement Juvin en proposant uniquement cette aide.
M. Didier Martin, rapporteur. Demande de retrait de ces amendements en raison de l’adoption de l’amendement CS181 de M. Juvin.
M. le ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je retire le premier, mais je maintiens le second, car il complète l’amendement Juvin précité. L’accessibilité et la traçabilité qu’il assurerait me semblent essentielles à l’effectivité des droits du patient.
L’amendement CS1063 est retiré.
La commission rejette l’amendement CS1064.
Amendement CS1119 de Mme Natalia Pouzyreff
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il est essentiel d’assurer la traçabilité du plan personnalisé d’accompagnement pour garantir son intégrité et sa mise à jour. À cette fin, il est nécessaire de disposer d’un protocole d’information numérique accessible en temps réel à toute l’équipe de soignants qui entoure le patient. Il a été mentionné pendant les auditions que le dossier médical partagé n’était pas toujours l’outil informatique adéquat pour cela.
M. Didier Martin, rapporteur. Ces informations seront dans le dossier numérique. Demande de retrait.
M. le ministre. L’amendement me semble satisfait par le vote du CS181. Demande de retrait ; à défaut, sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
La réunion, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.
Article 4 : Renforcement de l’utilisation et de l’accessibilité des directives anticipées
Amendement CS1849 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il convient d’établir un guide destiné aux personnes de confiance, afin de leur garantir une meilleure connaissance de leur rôle et de ses implications.
Le rapport de la mission d’évaluation de la loi « Claeys-Leonetti », que j’ai présenté avec M. Martin, soulignait déjà que le dispositif des personnes de confiance n’était pas assez utilisé. Selon un sondage BVA, seuls 42 % des répondants le connaissent. Les patients et les personnes de confiance qu’ils ont désignées confondent en outre fréquemment personne de confiance et personne contact à prévenir en cas d’urgence.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis favorable.
M. le ministre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1407 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Il faut diversifier les supports possibles pour les directives anticipées, afin de diffuser ce dispositif et d’en garantir l’accès aux personnes pour qui la lecture ou l’écriture sont compliquées.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
M. le ministre. Défavorable.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Ces avis sont un peu courts. Puisque nous souhaitons démocratiser le recours aux directives anticipées, il faut renforcer l’information les concernant. Certains, parce qu’ils peinent à écrire, s’autocensurent. L’amendement vise à y remédier, en diversifiant les supports et en permettant de recourir à un format audiovisuel, par exemple. Chacun se sentirait ainsi légitime, reconnu.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement améliorerait l’accès aux directives anticipées. Pourquoi ces avis défavorables ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS993 de Mme Frédérique Meunier et sous-amendement CS1990 de Mme Élise Leboucher
Mme Frédérique Meunier (LR). Pensons au cas des personnes qui, après avoir formulé des directives anticipées, ne sont plus en mesure d’exprimer leur volonté. L’amendement vise à rassurer ceux qui pourraient être concernés, en garantissant que leur choix en matière d’accompagnement pour une aide à mourir sera transmis à leurs proches et aux professionnels de santé, afin qu’il soit respecté.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Le sous-amendement vise à clarifier la rédaction. Puisque la notion d’absence de « pleine conscience » est floue, dépourvue de valeur juridique, il faut lui substituer celle de perte de « conscience [...] irréversible ». Votre texte ne permet pas de préciser dans les directives anticipées le choix en matière d’aide à mourir dans de tels cas, alors que cela devrait être possible.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement et le sous-amendement. Il est déjà possible de formuler une demande d’aide à mourir dans les directives anticipées, mais nous ne comptons pas rendre cette demande effective. En effet, en l’état, le texte prévoit que l’accès à l’aide à mourir sera subordonné à l’expression continue de la volonté de la personne, tout au long de la procédure, jusqu’à l’administration de la substance létale.
M. le ministre. Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (LR). Je m’étonne que vous abordiez l’aide active à mourir au titre I, alors que cette notion ne devait être traitée que dans le titre II.
En outre, ne cherche-t-on pas à reprendre des dispositions de la loi Claeys-Leonetti ? Au lieu de se faire plaisir en reprenant ce texte, interrogeons-nous sur les raisons du faible recours aux directives anticipées telles qu’elles y sont définies, et tirons-en les conséquences pour remédier au problème.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous n’abordons pas ce sujet pour le plaisir. Il ne s’agit pas ici de savoir si les individus visés peuvent ou non exprimer leur volonté, mais quelle norme s’applique quand ils ne sont pas en mesure de le faire. Soit nous faisons comme s’ils n’avaient pas d’opinion, option que je rejette ; soit nous leur attribuons la dernière opinion qu’ils ont exprimée, ce qui semble logique et cohérent. L’amendement le permettrait.
Quant au sous-amendement, il en clarifierait la rédaction, l’expression « pleine conscience » ne faisant pas l’objet d’une définition juridique exacte.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les directives anticipées permettent actuellement d’exprimer de manière anticipée la volonté de renoncer à un traitement. Grâce au présent texte, elles devraient en outre permettre de demander le recours à l’aide à mourir dans certaines situations. Sinon, quel sera l’intérêt de recourir à ce dispositif, qui reste trop peu utilisé ? Nous y reviendrons au titre II.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous souhaitons tous la généralisation des directives anticipées. Celles-ci doivent permettre à chacun de choisir son sort, au cas où il serait frappé d’une maladie incurable et perdrait sa lucidité. C’est une question de respect de la continuité de la pensée et de respect des droits du malade, auxquels je suis attaché. Je suis donc favorable à cet amendement.
Mme Monique Iborra (RE). Si le recours aux directives anticipées est si peu fréquent, c’est faute de volonté politique de les promouvoir et parce que les médecins n’étaient pas convaincus par ce dispositif de la loi Claeys-Leonetti, au moment de son élaboration – je le sais parce que j’étais présente.
Si nous rendons les directives anticipées d’un individu caduques dès lors qu’il cesse de pouvoir s’exprimer, il faudra s’interroger sur l’utilité du dispositif. Nous le ferons au titre II.
M. Gilles Le Gendre (RE). Les directives anticipées apparaissent comme le fil d’Ariane de ce texte. Elles ont été évoquées à l’article 3 ; elles font l’objet de l’article 4. J’espère que nous pourrons en débattre au titre II, en dépit des incidents de procédure que nous avons tous déploré, hier.
Je suis favorable à l’amendement, car les directives anticipées doivent pouvoir inclure le souhait, formulé par un individu pleinement lucide, de recourir à l’aide à mourir dans certains cas. Toutefois, je m’étonne que nous anticipions, avec ce débat, le titre II.
Par ailleurs, je suis surpris : des amendements déposés au titre II ont été déclarés irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution alors qu’ils étaient très similaires à celui-ci. Peut-être serai-je taxé de mauvais esprits. J’espère que nous surmonterons cette difficulté.
M. Charles de Courson (LIOT). Quelle norme doit primer, au cas où un individu ayant perdu la faculté de s’exprimer a formulé des directives anticipées cinq ou dix ans plus tôt, mais a également nommé une personne de confiance ? Si, selon moi, ce doit être la volonté de la personne de confiance, j’aimerais savoir ce que les signataires de l’amendement prévoient en la matière, sachant que le titre II établira une sorte de date de péremption des directives anticipées.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les directives anticipées ne valent malheureusement comme fil d’Ariane qu’au titre Ier. Elles ne sont même pas mentionnées au titre II, qui concerne l’aide active à mourir. C’est un problème majeur que nous aurons à trancher. Si je soutiens cet amendement, il ne vaut donc pas solde de tout compte.
M. Thibault Bazin (LR). J’ai discuté avec des professionnels de santé qui accompagnent les patients sur le terrain. Selon eux, notamment dans les cas où une maladie grave est annoncée, il conviendrait de développer, plutôt que les directives anticipées, des « discussions anticipées », car les demandes évoluent dans le temps. Je sais que la proposition énerve ; elle émane néanmoins du terrain.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Nous fixerons les conditions de recours à l’aide active à mourir plus tard, lors de l’examen du titre II.
Pour l’heure, nous traitons des directives anticipées. Par principe, celles-ci permettent à chacun de réfléchir à la conduite à tenir, au cas où il n’aurait plus les moyens de s’exprimer à la fin sa vie. Si nous interdisons d’intégrer à ces directives le choix de l’aide active à mourir – dont le contenu reste à déterminer –, nous les vidons de leur substance. Elles sont déjà trop peu connues et utilisées ; elles le seraient encore moins.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous abordons un débat essentiel du titre II, sur le caractère opposable des directives anticipées concernant l’aide à mourir.
Selon le Gouvernement, comme l’a répété notamment la ministre de la santé, il est essentiel qu’un patient ne puisse bénéficier de l’aide à mourir que s’il en réitère la demande et dispose pleinement de sa capacité de discernement.
Cet amendement ne prévoit pas de délai de validité des directives anticipées. Comment s’appuyer sur des directives déposées plusieurs années plus tôt pour décider d’un acte aussi important que l’aide à mourir ?
La loi Claeys-Leonetti permet déjà de demander dans les directives anticipées le maintien d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès et prévoit que la décision d’appliquer ou non cette demande a lieu après une procédure collégiale impliquant le témoignage de la personne de confiance. À titre personnel, j’estime qu’il faut maintenir cette contrainte. Je maintiens mon avis défavorable.
M. le ministre. Je souscris au propos du rapporteur. Veillons à l’équilibre du texte. Nous aurons l’occasion de débattre de ces questions au titre II.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS28 de M. Thibault Bazin.
Elle adopte ensuite l’amendement CS1919 rédactionnel de M. Didier Martin.
Amendements identiques CS1065 de Mme Sandrine Rousseau et CS1912 de M. Philippe Vigier
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Le présent texte prévoit l’annexion du plan personnalisé d’accompagnement aux directives anticipées uniquement à titre de possibilité. L’amendement CS1065 vise à la rendre obligatoire.
M. Philippe Vigier (Dem). Le rapport de la mission d’évaluation de la loi « Claeys-Leonetti » mentionne les directives anticipées comme l’un des points faibles de ce texte. Les patients et le corps médical ne se les sont pas appropriées. Pour donner de la force à ces directives, il faut y annexer obligatoirement un plan personnalisé d’accompagnement, dans le respect des droits des malades. La communauté médicale doit également être embarquée dans cette logique.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis de sagesse.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS1846 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Pour s’assurer que chacun pourra effectivement accéder aux directives anticipées, il faut compléter l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, en précisant que le modèle de directives anticipées est « accessible aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif » et disponible sous une forme facile à lire et à comprendre.
Force est de constater que la loi prévoyant l’accessibilité du contenu des sites gouvernementaux n’est pas respectée. Il est par exemple difficile d’accéder directement aux documents sous forme physique, notamment en braille. Trop de documents restent inadaptés aux personnes malvoyantes.
M. Didier Martin, rapporteur. Une version des directives anticipées en français facile à lire et à comprendre est déjà disponible sur le site du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, qui les diffuse lors de séances de sensibilisation et de formation des professionnels de la santé et du médico-social du secteur public.
Votre amendement étant satisfait, demande de retrait.
M. le ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Tout à l’heure, après nous être accordés sur le manque d’accessibilité des formats de directives anticipées actuellement disponibles, nous avons adopté l’amendement CS1407 de Mme Faucillon, qui permettra notamment de formuler des directives anticipées sous un format audiovisuel.
L’adoption du présent amendement serait la conséquence logique et souhaitable de ce vote. Le site service-public.fr et celui du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ne prévoient que des formulaires Cerfa, au format PDF, alors que tout le monde n’est pas en mesure de les télécharger, de les comprendre et de les compléter.
Nous devons lever les difficultés d’accès liées aux handicaps visuels ou auditifs, ainsi qu’à la mauvaise compréhension de la langue administrative. À défaut, les directives anticipées ne seront pas un droit, mais resteront le privilège de ceux qui maîtrisent celle-ci.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Nous avons la responsabilité d’améliorer l’accès aux documents pour les personnes malvoyantes, notamment. Seules 20 % de celles‑ci environ maîtrisent le braille, car le nombre de documents disponible dans cette écriture est si faible que pour beaucoup de malvoyants, il n’est pas intéressant de l’apprendre.
Fournissons un effort d’accessibilité, au moins dans un domaine aussi fondamental que la santé et les directives anticipées.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Il est déjà demandé aux candidats aux différentes élections de fournir une version facile à lire et à comprendre de leur profession de foi. Continuons dans ce sens.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Dans la continuité de l’amendement relatif à l’accessibilité de la documentation que nous avons discuté hier, nous pouvons adopter celui-ci, même si nous risquons d’alourdir inutilement la rédaction. En effet, je rappelle que le Gouvernement est tenu d’assurer l’accessibilité totale des sites internet publics d’ici à l’année 2026, au plus tard.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1338 de M. Gilles Le Gendre
M. Gilles Le Gendre (RE). Le présent amendement s’inscrit dans l’objectif de promotion des directives anticipées affiché à cet article. À compter de la majorité des assurés, la caisse d’assurance maladie de leur département les informerait, par voie électronique ou postale, tous les trois ans, des dispositions en vigueur relatives à la fin de vie et de la possibilité de rédiger des directives anticipées ou de les actualiser. Les caisses d’assurance maladie exercent déjà des compétences similaires d’information, notamment pour tous les examens liés à la prévention.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie est déjà chargé de la mission – importante – d’informer nos concitoyens sur les directives anticipées et les soins palliatifs. L’article 4 du présent texte prévoit en outre une information régulière de la part de l’assurance maladie, dès lors qu’une personne a enregistré ses directives anticipées dans son dossier médical partagé. Enfin, les campagnes de communication électronique de l’assurance maladie peuvent contribuer à rappeler la possibilité et l’intérêt de remplir ses directives anticipées.
M. le ministre. Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes étonnés que cet amendement n’ait pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Par ailleurs, le rôle de l’assurance maladie est de permettre à nos concitoyens de recevoir les soins nécessaires et d’apaiser leur douleur. Ne la faisons pas glisser dans la promotion du suicide assisté et de l’euthanasie souhaitée par la majorité. Nos concitoyens doivent connaître votre projet de dévoiement, de changement radical de paradigme. Assumez-le !
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je réfute l’intervention de M. Hetzel, qui montre la méconnaissance dont souffrent les directives anticipées. En effet, dans ces documents, nos concitoyens peuvent formuler leur souhait de mourir tranquillement, naturellement, de ne pas bénéficier des dispositifs de la loi Claeys-Leonetti ou de l’aide à mourir.
Mme Annie Vidal (RE). Les directives anticipées servent à exprimer sa volonté, quelle qu’elle soit, et il n’est pas nécessaire d’être atteint d’une maladie grave ou incurable pour les formuler. Comme d’autres, j’ai déposé les miennes alors que mon pronostic vital n’est pas engagé.
Actuellement, ceux de nos concitoyens dont les directives anticipées sont enregistrées dans le dossier médical partagé sont invités tous les trois ans à se prononcer soit pour les confirmer, soit pour les infirmer soit pour les réviser. Le présent amendement me semble donc cohérent avec le droit en vigueur. Il permettrait en outre d’informer ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’informatique, en passant par la voie postale. Ainsi, l’ensemble des personnes ayant formulé des directives anticipées ou susceptibles de le faire seraient couvertes. Je le voterai.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Hetzel, je suis surpris par vos propos. Vous êtes heureux, j’imagine, d’être informé par l’assurance maladie des dépistages dont vous êtes susceptible de bénéficier, à votre âge. Pour diminuer le nombre de soins curatifs, nous devons privilégier une approche préventive. Qui s’en chargera mieux que l’assurance maladie, qui entretient un lien direct avec chaque patient et leur écrit régulièrement ?
Alors que vous êtes habituellement d’une si grande honnêteté intellectuelle, vous dévoyez le sens de l’amendement, avec un très mauvais argument.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Premièrement, l’assurance maladie informe déjà utilement nos concitoyens en matière de dépistage. Il faut qu’elle puisse le faire en matière de directives anticipées, si nous souhaitons que celles-ci soient mieux connues.
Deuxièmement, Caroline Fiat a rappelé à juste titre que l’on peut très bien, dans ses directives anticipées, exprimer sa volonté de ne pas faire usage de certains droits. Les personnes qui ne souhaitent bénéficier ni de la loi Claeys-Leonetti, ni de l’aide à mourir et qui veulent laisser faire le destin peuvent très bien exprimer ce souhait. Mais celles qui estiment que leur ultime liberté est de bénéficier de l’aide à mourir doivent aussi pouvoir l’écrire.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je suis choquée par les propos de notre collègue Patrick Hetzel. Je pense aux personnes qui souffrent, qui demandent depuis des semaines, voire des mois, une aide à mourir et qui l’entendent aujourd’hui parler de « promotion ». Nous ne sommes pas dans un supermarché ! Jusqu’à présent, nos débats ont été dignes et j’aimerais qu’ils le restent. Les mots ont un sens et ceux que vous avez prononcés sont blessants pour les personnes qui sont dans une situation très difficile.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement me paraît un peu disproportionné et j’ai l’impression qu’il nous fait basculer vers autre chose. D’autres messages de prévention de la sécurité sociale mériteraient, tout autant que celui-ci, d’être mieux diffusés – il faudrait une approche globale de l’ensemble de ces messages. Quelqu’un a dit que les directives anticipées étaient un outil essentiel ; je pense pour ma part qu’elles sont un outil parmi d’autres et qu’il faut relativiser la portée de déclarations faites à un instant T à propos d’une situation que l’on ne peut même pas imaginer. Informons, incitons, mais n’allons pas trop loin.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les directives anticipées servent à exprimer par avance sa volonté de poursuivre, limiter, arrêter ou refuser des traitements ou actes médicaux. Il faut savoir que lorsque des personnes arrivent dans une maison de soins palliatifs et sont accompagnées, leur demande d’aide à mourir diminue. Par ailleurs, je m’étonne que l’on parle d’inscrire l’aide à mourir dans les directives anticipées, alors que cette aide n’est pas encore entrée dans la loi.
M. le ministre. Je crois que l’on s’emballe un peu et que ce n’est pas à la loi de définir le rythme des campagnes de promotion et de communication de l’assurance maladie. Ou, si tel est le cas, reprenons l’ensemble des actions de prévention dans lesquelles on souhaite voir s’engager l’assurance maladie et faisons de la loi le guide méthodologique de ses campagnes de communication.
Votre amendement me paraît satisfait, puisqu’il reviendra à l’assurance maladie de promouvoir, en cette matière comme sur tous les autres sujets, les droits des assurés sociaux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1406 de Mme Emeline K/Bidi
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Tout à l’heure, lorsque nous avons adopté l’amendement CS993 sous-amendé, qui intègre la question du choix de l’aide à mourir dans le périmètre des directives anticipées, le rapporteur a parlé de l’opposabilité et de la temporalité de ces directives. Notre amendement concerne précisément la question de l’opposabilité.
L’article L. 1111-11 du code de la santé publique dispose que les directives anticipées ne s’appliquent pas en cas d’urgence vitale et lorsqu’elles « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Nous proposons de supprimer la clause d’urgence vitale, qui n’est pas conforme à la volonté du patient, et de ne conserver que la deuxième condition.
M. Didier Martin, rapporteur. Madame K/Bidi, je maintiens les termes d’opposabilité et de temporalité : nous y reviendrons.
La clause d’urgence vitale me paraît fondamentale. Tous les médecins urgentistes vous diront que, dans de telles circonstances, on doit porter les premiers secours et sauver des vies quand on peut le faire. Supprimer cette clause serait un grave dérapage et je crois que l’on enverrait un mauvais signal aux professionnels des urgences si on leur disait que les directives anticipées permettent de baisser les bras en cas d’urgence vitale. Avis très défavorable.
M. le ministre. Votre amendement va à l’encontre de la conception française du secours et de l’urgence vitale. Il aurait par ailleurs pour effet de rompre l’équilibre de la loi Claeys-Leonetti, que ce projet de loi ne souhaite pas entamer. Comme le rapporteur, j’émettrai un avis très défavorable sur cet amendement.
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement a le mérite d’appeler notre attention sur une zone d’ombre des directives anticipées. Il se trouve que je fais partie des personnes qui, si elles font un jour un arrêt cardiorespiratoire à la suite d’un accident de la route, ne souhaitent pas que l’on tente de les réanimer. Physiologiquement, je serai mort et si l’on me réanime après plusieurs minutes, alors que j’ai fait une anoxie cérébrale, j’aurai un lourd handicap. Comment les sapeurs-pompiers pourront-ils connaître mes directives en la matière ?
M. Philippe Juvin (LR). Je suis très défavorable à cet amendement, car la rédaction de l’article L. 1111-11 du code de la santé publique me semble tout à fait adaptée. Il dispose que les directives anticipées s’imposent « sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». C’est la quintessence de la médecine d’urgence et je crois qu’il serait très dangereux d’y toucher.
Mme Justine Gruet (LR). Je souscris aux propos de Philippe Juvin. Je crains qu’un tel amendement ne déséquilibre la relation de confiance qui doit exister entre le patient et le médecin et qu’il ne fragilise l’alliance thérapeutique. La loi Claeys-Leonetti a introduit la notion d’obstination déraisonnable : faisons confiance au corps médical, qui est capable de décider des actes qui sont nécessaires au patient.
M. Didier Martin, rapporteur. Monsieur de Lépinau, vous avez exprimé votre volonté personnelle et je la respecte, mais je veux évoquer le travail que font sur le terrain les équipes de secouristes. Après un arrêt cardiovasculaire, il arrive effectivement que des patients gardent des séquelles, mais beaucoup de vies aussi sont sauvées, avec une restitutio ad integrum et sans séquelles. Il est donc totalement impossible de s’abstenir de ces gestes de réanimation d’urgence.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS1540 de M. Thomas Ménagé et CS1556 de Mme Anne‑Laurence Petel, amendements identiques CS930 de Mme Cécile Rilhac, CS1113 de Mme Sandrine Rousseau et CS1211 de Mme Monique Iborra, amendements CS1769 de M. Philippe Vigier et CS645 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS1540 est défendu.
Mme Anne-Laurence Petel (RE). Nous proposons de rendre automatique la conservation des directives anticipées dans le dossier médical partagé, afin de leur donner une plus grande légitimité et de respecter au mieux la volonté du patient.
M. Joël Giraud (RE). L’alinéa 4 prévoit que les directives anticipées « peuvent notamment être conservées dans le dossier médical partagé ». Nous proposons par l’amendement CS930 de remplacer les mots « peuvent notamment être » par « sont », afin de garder une trace de la volonté exprimée.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je défends l’amendement CS1113. À partir du moment où des directives anticipées ont été rédigées, nous estimons que leur conservation dans le dossier médical doit être obligatoire. La première série d’amendements identiques propose de supprimer aussi les mots : « Lorsque tel est le cas, » ; or il nous semble important de les conserver, car il n’y aura pas toujours des directives anticipées.
Mme Monique Iborra (RE). Il faut remplacer les mots « peuvent notamment être » par « sont » pour deux raisons. D’une part, les directives anticipées sont opposables au médecin, sauf dans les deux cas qui ont déjà été rappelés. D’autre part, il peut arriver que l’équipe médicale change, selon que la personne est soignée à son domicile, en institution ou en Ehpad. Il importe donc que ces directives soient dans le dossier médical partagé, c’est-à-dire dans l’espace numérique de santé.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Par l’amendement CS1769, nous proposons de remplacer « peuvent notamment » par « doivent ».
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souhaitons nous assurer que les directives anticipées peuvent être conservées sur différents supports, et pas uniquement sur le dossier médical partagé.
M. Didier Martin, rapporteur. J’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Une personne qui rédige ses directives anticipées a et doit avoir la liberté de choisir de les annexer, ou pas, à son dossier médical partagé. Beaucoup de nos concitoyens préfèrent conserver leurs directives anticipées chez eux, sur un papier. J’estime que l’on doit respecter ce choix. J’ajoute que dans la loi, sauf erreur de ma part, les directives anticipées ne sont jamais opposables, mais contraignants, et les mots ont un sens.
M. le ministre. Pour faciliter l’accès au dispositif et favoriser l’adhésion de nos concitoyens à celui-ci, il me paraît effectivement nécessaire de conserver une certaine souplesse.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements CS1540 et CS1556 puis adopte les amendements identiques CS930, CS1113 et CS1211.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement CS1245 de Mme Nicole Dubré-Chirat
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La carte Vitale étant personnelle et sécurisée, nous proposons que les directives anticipées y soient mentionnées.
M. Didier Martin, rapporteur. La carte Vitale n’est pas le bon support. C’est un moyen d’identification électronique ; elle n’a pas le même usage que le dossier médical partagé et c’est bien dans l’espace numérique de santé que doivent figurer les directives anticipées.
Avis défavorable.
M. le ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le groupe La France insoumise votera cet amendement, d’abord parce qu’il permet de consulter les directives anticipées d’une personne en cas de prise en charge non programmée, par exemple à la suite d’un accident ; ensuite, parce que beaucoup de gens n’ont pas un accès régulier à leur espace numérique de santé et ignorent parfois même son existence. Faire figurer les directives anticipées sur la carte Vitale est un gage d’opérationnalité.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1925 de M. Didier Martin.
Amendements CS1576, CS1577, CS1578 et CS1554 de Mme Brigitte Liso (discussion commune)
Mme Brigitte Liso (RE). Les amendements CS1576, CS1577 et CS1578 visent tous à rendre obligatoire la révision régulière des directives anticipées, mais à des échéances diverses. Ces directives sont une photographie faite à un instant T, mais chacun est susceptible d’évoluer au cours de sa vie et il importe que les équipes soignantes aient accès à un dossier médical à jour, afin de respecter la volonté du patient. L’amendement CS1554 ne fixe aucune échéance et introduit seulement une possibilité de révision.
M. Didier Martin, rapporteur. Il n’a jamais été envisagé de rendre obligatoire la rédaction de directives anticipées et elles peuvent déjà être révisées à tout moment.
Avis défavorable.
M. le ministre. Même avis. Un tel dirigisme risque seulement d’éloigner les gens de ce dispositif. Laissons à chacun son libre arbitre. Au nom de quoi faudrait-il introduire un rythme de révision obligatoire ? C’est le rythme de la vie qui doit pousser les gens à s’interroger sur leurs directives anticipées.
M. Philippe Juvin (LR). Vous voulez rendre obligatoire la révision de quelque chose qui ne l’est pas. Faites confiance aux gens ! Les directives anticipées, c’est la liberté : on peut et on peut ne pas. Un de mes collègues demandait tout à l’heure à la cantonade s’il faudrait mettre une amende à celui qui ne réviserait pas ses directives anticipées tous les cinq ans. Il faut continuer à aimer la liberté, à faire confiance aux gens et à ne pas les contraindre.
Mme Justine Gruet (LR). Je trouve moi aussi assez incongru de rendre obligatoire la révision d’une chose qui ne l’est pas. Il faut faire confiance aux professionnels de terrain : c’est à eux de guider les patients et de les aider à aborder cette question des directives anticipées.
Je n’ai toujours pas d’idée claire sur ce que serait le moment judicieux pour rédiger ses directives anticipées. Est-ce que cela doit se faire bien en amont, avant qu’il nous arrive quelque chose ? Au moment de l’annonce du diagnostic ? Quand on commence à entrer dans un processus d’accompagnement ? Le médecin traitant, avec qui le patient a tissé une relation de confiance et une alliance thérapeutique, peut sans doute l’aider à déterminer à quel moment il convient de rédiger, ou de réviser, ses directives anticipées.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS1328 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Nous proposons que les rendez-vous de prévention donnent lieu à une discussion sur les directives anticipées. C’est une façon de compléter la stratégie décennale des soins d’accompagnement, qui prévoit d’allouer 1 million d’euros en 2024 à des campagnes de communication pour sensibiliser à cette question les personnes de 18 à 35 ans, celles de plus de 55 ans et les professionnels de santé.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis favorable.
Cet amendement complète utilement mon amendement CS1952, relatif aux rendez-vous de prévention, que je vous présenterai un peu plus tard.
M. le ministre. Avis favorable. Cet amendement donne tout leur sens aux rendez‑vous de prévention.
M. Thibault Bazin (LR). Je ne vois pas bien comment vous entendez articuler les rendez-vous de prévention et la question des directives anticipées. Ces rendez-vous ne correspondront pas forcément à l’annonce d’une maladie grave et incurable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les six derniers amendements déposés à l’article 4 visent à enrichir les rendez-vous de prévention et vous proposerez, monsieur le rapporteur, avec votre amendement CS1952, qu’ils servent à « promouvoir la rédaction des directives anticipées et la désignation de la personne de confiance. » J’aimerais savoir si l’adoption de l’amendement CS1328 risque de faire tomber votre amendement et ceux qui font, avec lui, l’objet d’une discussion commune.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous pouvons voter à la fois l’amendement CS1328 et le mien. Celui de M. Marion modifie l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, qui porte sur les directives anticipées, tandis que mon amendement modifie l’article L. 1411-6-2 dudit code, qui porte sur les rendez-vous de prévention.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1346 de M. Gilles Le Gendre
M. Gilles Le Gendre (RE). Il conviendra sans doute de faire le point sur toutes les dispositions relatives aux directives anticipées, quand nous aurons fini de les enrichir et de les affiner, car on commence à s’y perdre – et je reconnais que je ne simplifie pas les choses en déposant moi-même des amendements sur ce sujet.
Je propose que le médecin, l’aide-soignant ou l’infirmier qui annonce au patient que son pronostic vital est engagé l’informe également de la possibilité de rédiger ses directives anticipées.
M. Didier Martin, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement. Au moment où l’on annonce à un patient qu’il est atteint d’une maladie grave, voire que son pronostic vital est engagé, il convient de ne pas le brusquer, car il est souvent déjà dans un état de sidération. Je précise par ailleurs que c’est au médecin qu’il revient de faire une annonce aussi délicate, et non au personnel paramédical. Cela nécessite expérience et savoir‑faire.
L’amendement est retiré.
Amendement CS775 de M. Laurent Panifous
M. Paul-André Colombani (LIOT). Il est proposé que le ministère de la santé et les agences régionales de santé fassent régulièrement des campagnes de communication pour informer le grand public de l’existence et du rôle des directives anticipées. Je pense que nous sommes très peu nombreux, dans cette salle, à en avoir rédigé – pour ma part, je ne l’ai pas fait.
M. Didier Martin, rapporteur. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, ainsi que l’assurance maladie, mène déjà des campagnes d’information sur les directives anticipées.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1691 de Mme Emeline K/Bidi
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Nous proposons que les personnes placées sous tutelle, lorsque la mise sous protection juridique n’a pas décelé d’altération grave de leurs facultés cognitives, puissent rédiger leurs directives anticipées sans autorisation préalable du juge des tutelles.
Certaines personnes se trouvent placées sous curatelle ou sous tutelle, parce qu’elles ont des difficultés dans leur vie, par exemple une addiction aux jeux, qui les empêchent de gérer correctement leurs affaires. C’est pour les protéger qu’on les place, souvent temporairement, sous protection juridique. Mais cela ne remet pas en cause leur discernement et leur capacité à dire ce qu’elles souhaitent pour leur fin de vie. Or il est particulièrement dégradant pour ces personnes de devoir demander l’autorisation d’un juge pour s’exprimer sur un sujet aussi intime. Cette proposition a été formulée par le Collectif Handicaps.
M. Didier Martin, rapporteur. Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, s’il a été constitué – ce qui est protecteur. La personne chargée de la mesure de protection ne peut ni l’assister, ni la représenter à cette occasion : son autonomie et son discernement sont donc respectés. La personne peut en revanche, si elle le souhaite, renseigner ses directives avec l’aide du médecin.
Avis défavorable.
M. le ministre. Le régime actuel est protecteur et équilibré. Votre proposition risquerait de le dénaturer et me semble dangereuse.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour prolonger les propos du rapporteur, le fait que les personnes sous tutelle doivent demander l’autorisation du juge pour rédiger leurs directives anticipées était déjà inscrit dans la loi de 2016.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je veux apporter mon soutien à l’amendement de ma collègue. La France a été condamnée par l’ONU à ce sujet et il importe de faire évoluer le statut de la tutelle pour sortir de cette forme d’infantilisation. Sur une question aussi intime, il importe que les personnes puissent exprimer leur volonté sans passer par le juge. Un médecin peut très bien les accompagner.
La commission rejette l’amendement.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je veux apporter mon soutien à l’amendement de ma collègue. La France a été condamnée par l’ONU à ce sujet et il importe de faire évoluer le statut de la tutelle pour sortir de cette forme d’infantilisation. Sur une question aussi intime, il importe que les personnes puissent exprimer leur volonté sans passer par le juge. Un médecin peut très bien les accompagner.
Amendement CS852 de M. Julien Odoul.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS776 de M. Paul-André Colombani.
M. Laurent Panifous (LIOT). Afin de renforcer l’accessibilité des directives anticipées, l’article 4 prévoit qu’elles puissent figurer dans le dossier médical partagé du patient, et que celui-ci puisse autoriser sa personne de confiance ou un proche à y accéder.
Nous proposons que la personne de confiance soit sollicitée en priorité et que ce ne soit qu’en l’absence d’une personne de confiance qu’un parent ou un proche puisse être désigné pour y accéder. Il s’agit aussi, de la sorte, d’encourager à désigner une personne de confiance, d’autant que les parents ou les proches ne sont pas toujours une option privilégiée par le patient.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne suis pas favorable à cette proposition. Je pense que la personne doit rester libre de donner accès à son espace numérique de santé à la personne qu’elle souhaite.
M. le ministre. Chacun doit pouvoir décider s’il souhaite ou non ouvrir ses données de santé à sa personne de confiance. Il faut laisser à chacun cette liberté, cela relève du bon sens.
M. Charles de Courson (LIOT). Comment s’articule l’action de la personne de confiance avec les directives anticipées, si elle n’a pas accès à ces dernières ? Certaines personnes ont à la fois une personne de confiance et des directives anticipées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS931 de Mme Cécile Rilhac
M. Joël Giraud (RE). Il s’agit de préciser que seul un parent ou le tiers de confiance peut accéder à l’espace numérique de santé du patient, et non « la personne de confiance [...], un parent ou un proche ». En effet, la notion de proche nous paraît ambiguë.
M. Didier Martin, rapporteur. Ne rigidifions pas le dispositif : le titulaire doit être libre de donner accès à son espace numérique à qui il le souhaite.
M. le ministre. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées.
M. Philippe Juvin (LR). On peut préférer un proche à un parent. Je ne voterai donc pas l’amendement.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Notre groupe votera contre cet amendement, qui restreint la capacité de choix du patient. Il appartient à ce dernier d’apprécier les liens affectifs qu’il entretient avec les personnes qui lui sont proches, au-delà des membres de sa famille, et de choisir à qui il ouvre son espace de santé. L’esprit du texte est de garantir les droits et l’autodétermination des patients.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1926 de M. Didier Martin.
Amendements CS1658, CS1667 et CS1766 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Décidément, l’aide à mourir – l’euthanasie – s’invite dans le titre Ier. Il en a déjà été question hier au sujet des maisons d’accompagnement. Cela pose un problème de fond, car l’aide à mourir – l’euthanasie – est illégale. Le titre II et le projet de loi n’étant pas encore votés, nous légiférons par anticipation sur une pratique illégale : c’est parfaitement incohérent. Le texte mérite d’être scindé en deux : le titre II doit être supprimé et reporté.
M. Didier Martin, rapporteur. Je me suis exprimé à titre personnel sur les directives anticipées et l’aide à mourir. Néanmoins, je suis défavorable aux trois amendements.
M. le ministre. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (LR). J’appelle votre attention sur les amendements de M. Bentz, en particulier sur le CS1766. Tel qu’il est rédigé, l’article 4 permettra à un tiers de confiance, un parent ou un proche de modifier les directives anticipées du titulaire, puisque cette personne pourra effectuer « toute action » pour le compte de ce dernier dans l’espace numérique de santé. Comme le propose M. Bentz, nous devons préciser, qu’il s’agit de « toute action à l’exclusion de toute modification des directives anticipées ».
M. Nicolas Turquois (Dem). Bien que je ne partage pas votre position sur l’aide à mourir, monsieur Bentz, je la respecte : elle fait appel à des ressorts profonds. En revanche, vos arguties légistiques n’ont pas de sens : un projet de loi forme un tout, et des dispositions peuvent parfaitement renvoyer à des articles qui figurent plus loin dans le texte.
Mme Justine Gruet (LR). La forme a tout de même son importance. Si le titre II n’est pas voté, l’aide active à mourir ne sera pas autorisée en France ; pourtant, certains articles du titre Ier la mentionneront. C’est problématique.
Mme Annie Vidal (RE). Imaginons qu’une personne ait rédigé des directives anticipées demandant une aide à mourir, et qu’elle ait désigné un tiers de confiance. Si elle change d’avis mais que son état ne lui permet pas de se connecter à son espace numérique, son tiers de confiance doit pouvoir y effectuer des modifications pour elle. Ce tiers peut aussi intégrer à son dossier la dernière révision de son plan d’accompagnement, entre autres mises à jour.
M. Thierry Frappé (RN). Les directives anticipées sont personnelles et ne peuvent être modifiées que par la personne concernée. Il est exclu qu’un tiers les modifie.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1847 de M. René Pilato et sous-amendement CS1994 de M. Hadrien Clouet
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous souhaitons que la personne qui accède à l’espace numérique du titulaire dispose de ses propres codes d’identification, afin que ses interventions soient tracées. Cette disposition contribuera à renforcer le lien de confiance entre le patient, ses proches et son équipe médicale ; elle garantira au patient que seules les données médicales sensibles seront accessibles au tiers de confiance qu’il aura désigné, et que toutes les modifications seront clairement identifiées. Le tiers de confiance aura la pleine responsabilité d’agir au nom du patient si celui-ci n’a pas les moyens physiques d’accéder à son espace numérique. Ce fonctionnement favorisera une relation de soins fondée sur la transparence, le respect de la vie privée et la protection des droits du patient.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Puisqu’il est question de l’espace numérique de santé, mon sous-amendement vise à remplacer le mot « patient » par le mot « titulaire ».
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est satisfait : la personne tierce pourra se connecter avec ses propres identifiants. J’en demande donc le retrait.
M. Patrick Hetzel (LR). L’article 4 est rédigé ainsi : « Le titulaire de l’espace numérique de santé en est le gestionnaire et utilisateur. Il peut autoriser la personne de confiance [...], un parent ou un proche à accéder à son espace numérique de santé et à y effectuer pour son compte toute action. » Si nous votons le suicide assisté et l’euthanasie au titre II, la personne de confiance pourra donc modifier les directives anticipées du patient. C’est très grave. Il faut prévoir des garanties pour empêcher les abus de faiblesse.
M. Philippe Juvin (LR). Si le DMP n’a pas fonctionné il y a vingt ans, c’est notamment parce qu’il était prévu que les patients pouvaient modifier leurs propres données de santé. Cela entachait la crédibilité des informations. Ne faisons pas la même erreur. Si l’espace numérique de santé peut être modifié par un proche, les professionnels ne s’y référeront plus, car ils douteront de sa véracité.
En définitive, c’est surtout la possibilité donnée au tiers de confiance d’effectuer « toute action » dans l’espace numérique qui pose problème.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’entends votre dernière remarque, monsieur Juvin. Toutefois, ne laissez pas croire qu’une tierce personne pourra ajouter l’aide active à mourir dans les directives anticipées du patient. L’aide active à mourir ne s’appuiera pas sur les directives anticipées, et devra être confirmée par la personne en pleine conscience.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). En quoi l’amendement est-il satisfait, monsieur le rapporteur ? Comment ce sujet est-il encadré ? Il faut prévoir des codes de connexion spécifiques pour la personne de confiance et le patient, afin d’assurer la traçabilité des modifications.
Mme Annie Vidal (RE). L’article L. 1111-6 du code de la santé publique précise le rôle et les missions de la personne de confiance – j’insiste sur ce qualificatif. Étant une personne de confiance, elle n’effectuera que les modifications demandées par le patient. Elle n’a pas lieu d’agir de son propre chef. L’article L. 1111-6 précise d’ailleurs que « son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».
Ce même article prévoit des mesures particulières quand le patient fait l’objet d’une mesure de protection juridique.
M. Philippe Vigier (Dem). La rédaction de M. Pilato me paraît très protectrice pour les patients qui ont écrit leurs directives anticipées. Elle permettra d’assurer une traçabilité totale des interventions de la personne de confiance ; ce n’est pas une marque de défiance, mais un gage supplémentaire de confiance.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En l’état actuel du droit, les directives anticipées ne peuvent être modifiées que par la personne concernée. Par ailleurs, il arrive que la personne de confiance qui a été désignée à une époque ait perdu le contact avec l’intéressé dix ans plus tard.
Mme Emeline K/Bidi. L’espace numérique de santé n’est pas un outil sur lequel on rédige ses directives anticipées ; il ne peut donc pas davantage servir à les modifier. Il permet seulement de les consulter – reste à savoir qui sera autorisé à le faire. Notre débat n’a donc pas lieu d’être. Peut-être faut-il préciser le texte pour lever toute ambiguïté.
M. Didier Martin, rapporteur. Ces précisions sont importantes. Si un tiers enregistre des directives anticipées à la place du titulaire, l’équipe soignante en sera informée : ses actions seront tracées. Cette personne ne pourra pas modifier les directives anticipées ultérieurement.
Par ailleurs, l’amendement CS1926 que nous venons d’adopter vise à remplacer « toute action » par « des actions » ; celles-ci seront précisées par voie réglementaire.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement CS1271 de M. Benoit Mournet
M. Gilles Le Gendre (RE). Cet amendement, travaillé à la suite d’une réunion citoyenne qui s’est tenue à Tarbes le 19 avril, vise à ajouter l’obligation, pour un proche ou un parent, d’informer le médecin traitant des actions effectuées au nom du titulaire dans son espace numérique de santé. Il s’agit ici de protéger les plus vulnérables.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
La personne qui aura accès à l’espace numérique du titulaire est une personne de confiance. On peut donc considérer qu’elle agira dans l’intérêt du malade. Le médecin traitant a déjà accès au dossier médical de ses patients et peut voir les modifications qui y sont apportées.
Mme Justine Gruet (LR). L’amendement CS993 que nous avons adopté précise que « dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience ». Cela ouvre le champ des possibles. La loi doit au contraire prévenir tout abus. L’espace numérique pourra mentionner qu’une modification a été effectuée par un tiers, mais rien ne garantit que cela correspond à la volonté du titulaire. Il me paraît dangereux de définir par voie réglementaire les actions que peut effectuer ce tiers : cela incombe plutôt au législateur, qui doit s’assurer que les directives anticipées ne pourront être modifiées que si la personne concernée a pleinement conscience de sa décision.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les directives anticipées sont l’équivalent d’un testament de vie. Vous pouvez désigner une personne de confiance pour faire respecter vos intentions – ou votre testament –, mais comment imaginer qu’un tiers puisse modifier votre testament de vie – ou, tout simplement, votre testament ? La personne de confiance doit avoir accès à l’espace numérique de santé, mais toute modification doit lui être interdite ; je défendrai un amendement en ce sens en séance.
M. Philippe Juvin (LR). Je partage pleinement cet avis. La personne de confiance, un proche ou un parent doit pouvoir consulter l’espace numérique, mais il est exclu qu’elle en modifie le contenu – en gommant un antécédent médical, par exemple – et qu’elle modifie les directives anticipées.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous ne voterons pas l’amendement, car il met en doute la liberté du titulaire de désigner les personnes susceptibles d’actualiser les données.
En pratique, comment cela fonctionnera-t-il ? Le médecin sera-t-il alerté de chaque modification dans l’espace numérique de chacun de ses patients ? Cela paraît infaisable.
Je rappelle aussi que tous les Français n’ont pas accès à un médecin traitant dans les mêmes conditions. À titre d’exemple, les personnes dépourvues de médecin traitant sont deux fois plus nombreuses en Haute-Garonne que dans les Hautes-Pyrénées, et trois fois plus dans le Gers. Une partie de la population sera donc exclue du dispositif prévu par l’amendement.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). J’ai rempli mes directives anticipées et je les modifie très régulièrement. Imaginez qu’une maladie m’empêche d’écrire : je demanderai à ma personne de confiance de le faire à ma place. Il est indispensable que je puisse exercer ce droit, avec son aide.
Mme Anne Bergantz (Dem). Un document d’information du ministère du travail, de la santé et des solidarités apporte la précision suivante : « Si vous êtes dans l’impossibilité physique d’écrire seul vos directives anticipées, quelqu’un peut le faire pour vous devant deux témoins ». Le dispositif est donc déjà suffisamment cadré.
Mme Annie Vidal (RE). L’alinéa 8 est ambigu, car il vise à autoriser non seulement la personne de confiance à accéder à l’espace de santé et à y effectuer des actions – ce qui paraît normal –, mais aussi un parent ou un proche. Nous pourrions le réécrire en ne mentionnant que la personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant. Cela résoudrait nos difficultés.
M. le rapporteur général. Le rapporteur a proposé la rédaction suivante : « [Le titulaire de l’espace numérique de santé] peut autoriser la personne de confiance prévue à l’article L. 1111‑6, un parent ou un proche à accéder à son espace numérique de santé et à y effectuer des actions pour son compte. » Nous devrions préciser ces actions en séance ; pour que le dispositif soit sécurisé, il ne doit pas passer par la voie réglementaire. Notre rôle de législateur est de l’expliciter dans la loi.
L’amendement CS1271 est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1927 de M. Didier Martin.
* *
7. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 15 heures (article 4 [suite] à article 5)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([8]).
Article 4 (suite) : Renforcement de l’utilisation et de l’accessibilité des directives anticipées
Amendement CS1410 de Mme Emeline K/Bidi
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’alinéa 10 aborde le cas de l’espace numérique de santé d’une personne majeure sous protection juridique qui n’est pas apte à exprimer sa volonté. Nous voyons une contradiction dans le fait que la personne chargée de la mesure de protection puisse gérer cet espace pour son compte « en tenant compte de son avis ». Comment une personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté peut-elle donner son avis ?
Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 10, mais peut-être en existe-t-il une autre lecture.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
La phrase que vous voulez supprimer correspond à la formule introduite dans le code de la santé publique et celui de l’action sociale et des familles par l’ordonnance du 11 mars 2020 afin d’harmoniser leurs dispositions avec celles du code civil. L’objectif d’une telle formulation est de renforcer l’autonomie des personnes en veillant à ce qu’elles soient associées aux décisions prises, y compris lorsqu’elles ne sont pas pleinement en capacité d’exprimer une volonté libre et éclairée.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1924 de M. Didier Martin.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1411 de Mme Emeline K/Bidi.
L’amendement CS1414 de Mme Elsa Faucillon est retiré.
Amendement CS1848 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). L’amendement tend à préciser que la mission de promotion de la santé assurée par Santé publique France comporte un volet de sensibilisation de la population au dispositif des directives anticipées et au rôle de la personne de confiance. Si 48 % des Français connaissent le dispositif des directives anticipées, seulement 18 % d’entre eux ont rédigé les leurs. Quant à la définition de la personne de confiance par la loi, seuls 42 % des Français la connaissent. Davantage sensibilisés, les citoyens pourraient faire des choix éclairés pour leur santé.
M. Didier Martin, rapporteur. Cette sensibilisation est précisément le rôle du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Le site internet de cet organisme met à disposition de nombreuses ressources accessibles à tous les citoyens. Dans le cadre de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, nous avons prévu de mieux sensibiliser grâce à des campagnes de communication, ciblées notamment sur les 18‑35 ans, les plus de 55 ans et les professionnels de santé.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1145 et CS1146 de M. Sébastien Peytavie, CS777 de M. Paul‑André Colombani, CE1850 de Mme Caroline Fiat, CS1952 de M. Didier Martin et CS646 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Afin que les directives anticipées soient davantage répandues et mieux acceptées, nous proposons que les rendez-vous de prévention aux trois âges de la vie – les questions de la fin de vie ne se posent pas qu’aux personnes âgées – soient l’occasion d’en informer les patients : l’amendement CS1145 propose qu’un livret soit remis et l’amendement de repli CS1146 propose une simple information.
M. Laurent Panifous (LIOT). Il n’est pas souhaitable d’imposer aux personnes de remplir leurs directives anticipées, mais il faut s’assurer qu’elles connaissent leurs droits. L’amendement CS777 tend à ce que la question des directives anticipées puisse être abordée dans le cadre des rendez-vous de prévention.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Par l’amendement CS1850, nous proposons qu’une discussion sur les directives anticipées et la personne de confiance soit engagée lors des consultations de prévention aux âges clefs.
M. Didier Martin, rapporteur. Les rendez-vous de prévention mentionnés à l’article L. 1411-6-2 du code de la santé publique ont notamment pour objectifs de promouvoir l’activité physique et sportive et une alimentation favorable à la santé, prévenir les cancers, les addictions et l’infertilité et promouvoir la santé mentale et la santé sexuelle. Ils pourraient constituer des moments privilégiés pour faire connaître les directives anticipées et le dispositif de la personne de confiance, qui sont encore largement méconnus des Français. L’amendement CS1952 tend donc à ajouter comme objectif la promotion de la rédaction des directives anticipées et de la désignation de la personne de confiance.
M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement vise à modifier l’article L. 1411‑6‑2 du code de la santé publique afin que les rendez-vous de prévention permettent de sensibiliser et d’informer sur la possibilité de rédiger des directives anticipées.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif. Je vous propose donc de retirer vos amendements au profit du mien, le CS1952, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Mme la ministre. Tous ces amendements sont intéressants, mais celui du rapporteur me semble être plus complet. Je demande donc le retrait des amendements au profit de ce dernier.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je vais retirer l’amendement, mais les mots sont importants : l’amendement CS1952 utilise le verbe « promouvoir » quand d’autres amendements utilisent les verbes « informer » et « sensibiliser », qui traduisent mieux l’idée que les directives anticipées sont une liberté. La promotion place le médecin dans une position où il doit convaincre le patient de rédiger des directives anticipées.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les directives anticipées doivent être mieux connues, mais je suis étonné que l’amendement CS1952 mette la promotion des directives anticipées sur le même plan que les autres objectifs. Nous devons être très attentifs à ne pas faire de cette promotion une démarche de culpabilisation. Il existe déjà suffisamment de culpabilisation dans notre société, et sur cette affaire en particulier, pour que nous en rajoutions encore.
Les amendements CS1145, CS1146, CS1850 et CS646 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CS777 puis adopte l’amendement CS1952.
Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.
Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Il nous reste 1 300 amendements à examiner. Je précise que réuni avant notre séance de cet après‑midi, le bureau de la commission spéciale a décidé que, pour chaque thématique, au moins un amendement déclaré recevable, peu importe le groupe l’ayant déposé, devait être débattu. En l’absence d’amendement recevable sur une thématique, les rapporteurs ont déposé un amendement pour que le débat puisse avoir lieu.
Après l’article 4
Amendements CS1135 et CS1134 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par l’amendement CS1135, nous proposons que la signature du contrat d’hébergement dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) donne systématiquement lieu à la remise d’un livret de sensibilisation sur les droits en matière de fin de vie et de soins d’accompagnement, et à une information sur la possibilité de rédiger ses directives anticipées ou de les actualiser. L’amendement CS1134 prévoit une simple information plutôt que la remise d’un livret.
M. Didier Martin, rapporteur. Le contenu précis du contrat de séjour relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.
Mme la ministre. Ce projet de loi n’est pas relatif aux Ehpad. Le fait générateur de l’application de ses dispositions est une pathologie, qui peut toucher des personnes jeunes.
Par ailleurs, je rappelle que plus tôt les directives anticipées sont rédigées, plus grandes sont les chances de les voir respecter. L’amendement me semble donc « contre‑productif » au vu de l’âge moyen d’entrée en Ehpad.
Avis défavorable.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le retard est tel qu’il me semble utile de compléter la promotion des directives anticipées lors des rendez-vous de prévention – donc bien avant l’âge moyen d’entrée en Ehpad – que nous venons d’adopter.
Mme Chantal Bouloux (RE). Les agences régionales de santé imposent déjà l’obligation de remplir les directives anticipées lors de l’entrée en Ehpad.
Mme Annie Genevard (LR). Lorsqu’on pose la question des directives anticipées aux familles amenant leur parent âgé en Ehpad, elles le vivent en général assez mal, car cela donne aux Ehpad cette image de mouroir dont ils voudraient se départir.
Les amendements sont successivement rejetés.
Amendement CS13 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement tend à garantir à tous l’accès aux formulaires relatifs aux directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, en chargeant les agences régionales de santé, en lien avec les caisses primaires d’assurance maladie, d’en assurer une large diffusion et en prévoyant également que le modèle soit rédigé de manière intelligible.
Il vise également à compléter l’article L. 1111-11 du code de la santé publique par un alinéa prévoyant qu’un référent « discussions anticipées » est nommé dans chaque équipe de soins.
M. Didier Martin, rapporteur. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a conçu de nombreuses ressources sur les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre. Parmi ces ressources pédagogiques, certaines sont composées avec des pictogrammes et sont rédigées en méthode facile à lire et à comprendre (Falc) ou en braille. Elles peuvent également avoir un format audio, comme des podcasts ou des interviews avec des professionnels, ou vidéo. Le centre est chargé de diffuser et de faire connaître ces ressources auprès du plus grand nombre, professionnels et grand public.
Par ailleurs, le plan personnalisé d’accompagnement impliquera les équipes soignantes et sera l’occasion de faire connaître le dispositif des directives anticipées et de la personne de confiance. Il n’y a pas lieu de prévoir un référent dédié aux discussions anticipées.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis pour les mêmes raisons.
Mme Annie Genevard (LR). Le référent, qui est toujours la même personne, engrange un savoir-faire en la matière, ce qui est important. Je regrette donc les avis défavorables.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous sommes convaincus de la nécessité de faire des progrès sur l’intelligibilité et la diffusion des directives, mais nous ne sommes pas enthousiastes à l’idée d’avoir un référent dédié par équipe de soin. Cela poserait nécessairement un problème de coordination entre les différentes équipes et risquerait de soviétiser par la bureaucratisation. Gardons-nous donc de multiplier les référents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1155 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Loin de moi l’idée de soviétiser le système ! Les référents permettent d’assurer une démarche qualité grâce à leur expertise et il en existe dans de nombreux domaines, comme ceux du risque dans les établissements et de la déontologie.
Le présent amendement tend à faire en sorte que les espaces de réflexion éthique régionaux puissent contribuer à la vulgarisation des directives anticipées.
M. Didier Martin, rapporteur. Cela fait déjà partie de leurs attributions. Votre amendement étant déjà satisfait, je demande son retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS451 de M. Yannick Neuder, CS1067 et CS1066 de Mme Sandrine Rousseau et CS1757 de Mme Anne Brugnera
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS451 est défendu.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Nous proposons qu’une campagne sur les soins d’accompagnement, les directives anticipées et l’aide à mourir soit organisée après la promulgation de la loi. Avec l’amendement CS1066, elle serait réalisée par le Gouvernement et avec l’amendement CS1067, elle le serait par des associations.
Mme Michèle Peyron (RE). Parce qu’il a des implications sociales, économiques et sanitaires, le deuil affecte les citoyens de tous les milieux sociaux et de toutes les générations : 88 % des Français ont vécu un deuil et 12 % d’entre eux ont contracté une maladie à la suite de la perte d’un proche. Il importe de sensibiliser sur les conséquences du deuil et d’informer sur les différentes modalités d’accompagnement des personnes endeuillées. Le Gouvernement doit se saisir pleinement du sujet du deuil à travers une campagne de santé publique complète, allant de l’information et de la prévention jusqu’à la prise en charge et à l’accompagnement, sur tout le territoire.
Tel est l’objet de l’amendement CS1757, travaillé avec l’association Empreintes.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous partageons l’objectif de ces amendements, mais cette mission est celle du Centre national de soins palliatifs et de la fin de vie, qui dispose des moyens pour la remplir.
Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Mme la ministre. La stratégie décennale des soins d’accompagnement a vocation à mieux accompagner le deuil, notamment à travers des campagnes de sensibilisation. Elle prévoit de simplifier le parcours des familles endeuillées grâce notamment à l’automatisation du versement de la pension de réversion dans le cadre de la solidarité à la source, à l’encadrement des frais bancaires, à une simplification des démarches, à une information systématique dans les quinze jours suivant le décès, à une anticipation des démarches pendant que les personnes sont encore en vie et à l’accompagnement des familles endeuillées par des campagnes de sensibilisation nationale et des ressources numériques.
Nous envisageons également de travailler avec les professionnels de l’éducation afin d’accompagner les jeunes enfants confrontés de façon brutale au deuil pour la première fois, et d’accompagner les professionnels de santé avec une enquête d’évaluation du nombre d’établissements déclarant avoir mis en place des dispositifs d’accompagnement et de soutien.
Par ailleurs, la stratégie décennale prévoit des actions de communication sur les directives anticipées et les personnes de confiance afin que ce dispositif soit mieux connu de l’ensemble de la population et pas seulement des gens malades ou âgés. La communication sur l’aide à mourir demande une approche différente, qui ne peut passer par des spots à la télévision.
Je suis donc défavorable à ces amendements, qui sont satisfaits.
Mme Bérangère Couillard (RE). Je suis étonnée que ces amendements n’aient pas été déclarés irrecevables au regard de l’article 40 alors qu’ils créent une charge. Un de mes amendements proposant un accompagnement a été déclaré irrecevable à ce titre. Cela me semble incohérent.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Avec quels moyens la campagne proposée par l’amendement CS1757 pourrait-elle être menée ? On sait dans quelle situation de crise se trouve la psychiatrie. Nous préférons appeler à une meilleure indemnisation du congé de solidarité familiale et à des réformes permettant de lutter contre le non-recours.
M. Thomas Ménagé (RN). Nous soutenons l’amendement CS451. Quand 17 % seulement des Français ont rédigé leurs directives anticipées et que la moitié d’entre eux ne connaissent même pas ce dispositif, on ne peut pas dire que tout va bien. Une campagne d’envergure mettant en œuvre des spots télévisuels, l’envoi d’information par l’assurance maladie ou des rendez-vous obligatoires est donc nécessaire – sans bien sûr forcer ceux de nos compatriotes qui ne souhaitent pas rédiger leurs directives anticipées.
L’irrecevabilité des amendements est devenue un gimmick dans les débats sur ce projet de loi et je partage l’incompréhension de la collègue Couillard.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS117 de Mme Sandrine Dogor-Such
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne dis jamais que tout va bien. Nous sommes là pour faire de la norme et pour dire qui doit faire quoi. Tel était le sens de mon propos sur les actions du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
Pour en venir à l’amendement, il tend à remplacer les mots « obstination déraisonnable » par ceux d’« acharnement thérapeutique ». Or cette expression a été abandonnée par le corps médical, sans compter qu’elle est un oxymore : le soin est un acte de solidarité et d’amour incompatible avec l’acharnement – à moins d’accepter que l’amour puisse être violent.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette question du choix des termes, hautement philosophique, renvoie aux débats sur la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Elle a déjà été tranchée. L’expression « obstination déraisonnable » rappelle que la question n’est pas thérapeutique, mais morale puisqu’elle porte sur l’adéquation entre le traitement proposé et la volonté du patient ou de la patiente. Cet amendement doit être rejeté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS17 de M. Thibault Bazin et amendements identiques CS304 de Mme Emmanuelle Ménard, CS911 de M. Philippe Juvin et CS1771 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)
Mme Annie Genevard (LR). L’amendement CS17 est défendu.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). La décision de limiter ou d’arrêter les soins prodigués à une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ne peut être prise qu’à l’occasion d’une procédure collégiale et en recueillant, à défaut de directives anticipées, le témoignage de la personne de confiance ou celui des proches. Cette procédure ne prend pas toujours en compte l’avis du médecin traitant de la personne ou du médecin référent de la structure médico-sociale qui l’accompagne. Pourtant, ce médecin et l’équipe soignante ou médico-sociale, qui interviennent au quotidien auprès de la personne, sont les plus à même de poser un diagnostic averti sur sa situation réelle.
Lorsque la personne n’a jamais été en capacité de rédiger de directives anticipées ou de désigner une personne de confiance, il faut renforcer le rôle de la famille, dont la légitimité, pour être au plus près d’une volonté qui n’a jamais pu s’exprimer, est incontestable. Les arguments des proches et aidants doivent être pris en considération lors du débat sur la fin de vie de la personne avec qui ils vivent quotidiennement ou presque, et la possibilité doit leur être laissée de décider de ne pas s’exprimer sur le sujet afin d’éviter toute culpabilité.
L’amendement CS304, conçu avec le Collectif Handicaps, tend donc à élargir la composition de la procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.
M. Philippe Juvin (LR). La décision d’arrêter les traitements ou de limiter les soins est généralement prise de façon collégiale, mais les études montrent que le médecin en charge du patient la prend encore seul dans 20 % des cas. En précisant qu’il prend l’avis du médecin traitant ou, le cas échéant, du médecin coordinateur de l’Ehpad, mon amendement identique aiderait à ce que soit davantage respectée l’obligation de collégialité.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement a été travaillé avec le Collectif Handicaps et vise à détailler la composition de l’équipe pluridisciplinaire. Il précise qu’elle comprend au moins le médecin en charge du patient, son médecin traitant s’il en dispose d’un, le médecin référent de la structure médico-sociale qui l’accompagne le cas échéant et un professionnel de l’équipe de soins à domicile ou en établissement.
Il est plus opportun de prévoir cette composition dans la loi plutôt que dans un décret.
M. Didier Martin, rapporteur. Je ne suis pas de cet avis. La loi n’a pas à préciser la composition de l’équipe pluridisciplinaire. Quand bien même ce serait le cas, cela poserait des difficultés pratiques, car l’on sait qu’il est parfois impossible de réunir autant de personnes en même temps.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Juvin a indiqué que dans 20 % des cas, un médecin prenait seul la décision. Pourrait-il fournir la source de cette information ?
M. Philippe Juvin (LR). Il s’agit de l’étude Preval-S2P.
Mme la ministre. La cohorte ne paraît pas très importante.
M. Philippe Juvin (LR). Sous réserve de vérification, elle représentait tout de même 2 000 patients.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1663 de Mme Patricia Lemoine
Mme Annie Vidal (RE). Pour nombre de personnes en situation de handicap complexe, l’alimentation et l’hydratation artificielles sont courantes et constituent un soin quotidien qui améliore leur qualité de vie. Or, depuis la loi du 2 février 2016, le code de la santé publique dispose que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés », sous certaines conditions qui ne sont pas explicitement précisées.
Pour éviter abus et souffrance, cet amendement, issu d’un échange avec le Collectif Handicaps, tend à inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d’État s’agissant de la prise en charge d’un patient qui se trouve hors d’état d’exprimer sa volonté. Selon la décision n° 375081 du 24 juin 2014, la procédure collégiale de décision d’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles doit être fondée sur un ensemble d’éléments médicaux et non médicaux « dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient ».
M. Didier Martin, rapporteur. La loi Claeys-Leonetti considèrent l’hydratation et la nutrition comme un soin. Ce projet de loi n’a pas pour objet de modifier le droit applicable en matière de limitation et d’arrêt de traitement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1417 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Cet amendement est également issu de propositions formulées par le Collectif Handicaps.
Quand des proches désapprouvent la décision prise dans un cadre collégial car ils estiment qu’elle va à l’encontre de la volonté du malade, ils peuvent saisir la justice. Mais cette procédure est longue. L’amendement leur permettrait d’enclencher une procédure de médiation, qui serait évidemment plus rapide mais également à même d’apaiser les débats et le climat autour du patient.
M. Didier Martin, rapporteur. Ce sont des moments délicats. Le travail des équipes de soins consiste à soigner, à éviter l’obstination déraisonnable, à prendre en compte l’équilibre entre bénéfices et risques – qui détermine la décision médicale – et à informer les familles pour qu’elles comprennent pleinement la situation.
Une médiation a de fait lieu, y compris lorsque les choses sont tendues. Tous les établissements disposent d’un médiateur pour traiter certains recours et servir d’intermédiaire dans les cas difficiles. Les cadres de santé et les chefs de service ont aussi pour rôle de faire part des décisions de l’équipe soignante.
Il n’est donc pas nécessaire de modifier le droit applicable. Avis défavorable.
Mme la ministre. On peut en effet faire face à des situations extrêmement difficiles lorsque le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté et qu’il n’a ni rédigé de directives anticipées, ni désigné une personne de confiance. Pour autant, créer une étape de médiation rendrait les choses encore plus compliquées et pourrait faire obstacle à l’application de la décision médicale collégiale de limiter ou d’arrêter les traitements afin de ne pas s’obstiner de manière déraisonnable.
Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Le cas qui a été évoqué est extrêmement compliqué. C’est bien pour l’éviter au maximum qu’il convient d’encourager la rédaction des directives anticipées.
Quant à la médiation proposée par l’amendement, elle ouvrirait la porte à de nouvelles contestations – tant de la procédure que des médiateurs eux-mêmes. Attention à ne pas ouvrir une voie de recours qui soit une impasse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS18 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Je souhaite que l’on évite l’obstination déraisonnable, quel que soit l’âge du patient. Mon collègue Juvin m’a indiqué que c’est déjà le cas et je retire donc mon amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CS175 de Mme Emmanuelle Ménard
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Cet amendement a pour but de s’assurer qu’il n’existe aucun rapport hiérarchique entre le médecin traitant et le médecin consultant, afin de garantir une parfaite autonomie de chacun d’eux.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est sans objet. Le médecin traitant ne s’inscrit pas dans une hiérarchie. Et dans le cas où un rapport hiérarchique existe entre deux médecins dans un établissement, il n’est pas de nature à avoir un effet sur la conscience et l’impartialité de chacun des praticiens.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Il est difficile d’imposer en pratique une absence de lien hiérarchique, car le médecin consulté peut appartenir au même service que le médecin qui reçoit la demande. Ils peuvent aussi avoir des liens hiérarchiques dans le cadre de la commission médicale d’établissement. L’amendement rendrait plus complexe la procédure au sein des établissements.
L’existence d’un lien hiérarchique entre les deux médecins intervenant dans la procédure n’est pas de nature à remettre en cause l’impartialité de la décision prise.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (LR). Dans quel contexte intervient la demande en question ? S’il s’agit de l’application des directives anticipées, mentionner l’absence de lien hiérarchique entre les médecins n’a pas d’intérêt.
Mme la ministre. L’amendement se réfère à la loi Claeys-Leonetti.
M. Philippe Juvin (LR). L’article R. 4127-37-2 du code de déontologie médicale dispose qu’« il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant ».
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS350 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Créés par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, les espaces de réflexion éthique régionaux constituent, en lien avec les centres hospitalo-universitaires, des lieux de formation, de documentation, de rencontres et d’échanges interdisciplinaires sur les questions d’éthique dans le domaine de la santé. Il apparaîtrait logique que ces espaces prennent toute leur part dans la diffusion de bonnes pratiques en la matière. L’enjeu est de mettre l’accent sur l’éthique du soin.
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement est satisfait. Ces espaces fonctionnent bien. Les révisions de la loi relative à la bioéthique et le présent projet ont fait l’objet au préalable d’un travail de débat démocratique dans le cadre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et des espaces de réflexion éthique régionaux.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Je précise que le code de déontologie médicale est de nature réglementaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS744 et CS743 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Des rapports ont souligné la méconnaissance de la procédure de sédation profonde et continue. Afin de répondre à l’une des propositions de la Convention citoyenne, l’amendement CS744 prévoit d’informer les proches dans le détail sur cette procédure et ses conséquences, notamment lorsque celle-ci a lieu à domicile.
L’amendement CS743, qui suit, apporte une réponse à une autre difficulté révélée dans le cadre du rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti : l’absence de codage de la procédure de sédation profonde et continue, qu’elle ait lieu dans un établissement médical ou à domicile. Il en résulte des problèmes de traçabilité et d’évaluation de la loi.
L’amendement propose tout simplement que cette procédure fasse dans tous les cas l’objet d’un codage en vue de son recensement dans le système national des données de santé.
M. Didier Martin, rapporteur. Ce que vous proposez dans l’amendement CS744 n’est pas du tout nécessaire. La loi Claeys-Leonetti prévoit que la procédure de sédation profonde et continue peut être mise en œuvre jusqu’au décès du patient dans deux cas. D’une part, à la demande de ce dernier – et votre amendement est alors sans objet. D’autre part, lorsque le patient a perdu conscience, la décision est prise de manière collégiale après une discussion avec la personne de confiance et les proches.
Avis défavorable.
Demande de retrait de l’amendement CS743 au profit de mon amendement CS1968, qui porte sur la pratique de la sédation profonde et continue.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1968 de M. Didier Martin et sous-amendement CS1987 de M. Christophe Marion
M. Didier Martin, rapporteur. L’amendement vise à établir une traçabilité des sédations profondes et continues jusqu’au décès.
Lors des travaux que nous avons menés avec Olivier Falorni et Caroline Fiat dans le cadre de la mission d’information sur l’évaluation de la loi du 2 février 2016, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des données quantitatives et qualitatives sur cette procédure. Les équipes qui assurent les soins palliatifs ont fourni des réponses assez évasives. On ne nous a jamais expliqué de manière précise quels étaient les critères de décision, les protocoles de mise en œuvre et les réactions des patients mais aussi de leur entourage et de l’équipe soignante. Ces éléments doivent pourtant être connus dans une perspective de santé publique et d’évaluation de l’application de la loi.
Je vous propose que ces actes soient codifiés, afin qu’ils soient enregistrés de manière précise dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Ils devront être, à mon sens, assortis de données qualitatives, afin que les équipes qui travaillent parfois de manière un peu isolée puissent confronter leurs expériences d’un établissement ou d’une ville à l’autre, les pratiques n’étant pas les mêmes sur l’ensemble du territoire.
M. Christophe Marion (RE). Il est en effet indispensable d’avoir une traçabilité de la sédation profonde. Les personnes auditionnées nous l’ont dit et nous aurions tous voulu davantage de données pour éclairer l’examen de ce texte.
Pour que cette traçabilité soit utile, je propose que les données soient transmises à la commission de contrôle et d’évaluation dont la création est prévue par l’article 17. Il s’agit seulement de prévoir cette transmission, et non de confier à cette commission un travail d’évaluation de ces informations – ce qui aurait constitué une charge au regard de l’article 40 de la Constitution. Il me semblerait néanmoins pertinent que cette commission utilise ces données pour éventuellement exercer un contrôle de la sédation profonde, voire de le lier à celui de l’aide à mourir.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous abordez un terrain un peu glissant. Cette commission de contrôle et d’évaluation sera chargée de l’aide à mourir. La sédation entre quant à elle dans la catégorie des soins. Effectuer un rapprochement entre les deux procédures ne me paraît pas du tout souhaitable.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Comme je l’ai indiqué à l’occasion de la discussion de l’amendement CS1839, le Gouvernement s’est engagé à faire aboutir cette année les travaux techniques qui permettront d’identifier les actes de sédation profonde et continue. Je rappelle que cette procédure est engagée à la suite d’une décision collégiale et figure dans le dossier médical du patient. Il s’agit donc d’un sujet différent de celui de la commission de contrôle et d’évaluation, qui a pour mission de sécuriser la procédure d’aide à mourir prévue par ce projet.
Avis défavorable au sous-amendement CS1987.
En revanche, l’amendement du rapporteur propose un ajout intéressant. Il est en effet opportun d’organiser la traçabilité des procédures de sédation profonde et continue en assurant la remontée d’informations précises, afin de mieux suivre cette pratique, à l’hôpital comme en ville. Je suis donc favorable à cet amendement.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre groupe est plutôt favorable à l’amendement du rapporteur. Lors des auditions, l’absence de données consolidées sur la pratique de la sédation profonde et continue a été relevée à de nombreuses reprises.
Les remontées d’information impliquent-elles une codification de l’acte ? Comment seront prises en compte les procédures mises en œuvre en dehors des hôpitaux, c’est-à-dire à domicile ou par des équipes mobiles de soins palliatifs ?
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous voterons en faveur de cet amendement parce qu’il va dans le même sens que l’amendement CS1839 de Caroline Fiat et apporte une réponse cohérente aux problèmes qui ont été soulevés lors des auditions et au cours de cette discussion. Comment procéder à des évaluations si l’on ne dispose pas d’éléments statistiques ?
M. Laurent Panifous (LIOT). Une petite remarque : le rapporteur m’a demandé de retirer l’amendement CS743, qui prévoyait presque exactement la même chose que le sien, en étant plus large puisqu’il évoquait aussi la sédation profonde et continue pratiquée à domicile. Je voterai néanmoins l’amendement du rapporteur car il s’agit d’une bonne mesure.
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement est intéressant et il fait écho à l’une des recommandations de la mission d’information sur l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Il est en effet étonnant de ne pas disposer des données permettant de savoir combien de sédations profondes et continues sont pratiquées. Les auditions n’ont d’ailleurs pas permis d’en savoir plus.
Je suis également d’avis que le sous-amendement de M. Marion est inquiétant. Il peut créer une confusion entre le suicide assisté et la sédation profonde et continue, alors que l’intention n’est pas du tout la même.
Reste la question de savoir ce que deviendra la loi Claeys-Leonetti si le projet qui nous est soumis est adopté. Son titre II ne s’articule pas avec cette loi et il en est de même pour les procédures. On ne fait plus mention de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, laquelle est assortie de critères fixés par la loi.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je soutiens évidemment l’amendement du rapporteur, mais aussi le sous-amendement de M. Marion.
Moins prudent que lui, j’avais déposé un amendement un peu plus ambitieux – probablement trop, puisqu’il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. J’y proposais d’instaurer une instance de contrôle et d’évaluation qui aurait été le pendant de celle prévue par l’article 17, mais chargée cette fois de suivre l’application de la loi Claeys-Leonetti sur la sédation profonde et continue. Cela pour répondre aux interrogations quasi unanimes qui ont été exprimées lors des auditions au sujet de l’application réelle de cette loi.
M. Philippe Juvin (LR). Tout d’abord, prévoir la traçabilité des actes liés à la sédation profonde et continue relève du règlement et non de la loi.
Ensuite, le code qui est déjà prévu pour les soins palliatifs n’est probablement pas assez précis. Mais la solution ne réside pas tant dans le fait de créer un nouveau code que de se pencher sur les très nombreuses raisons pratiques qui expliquent pourquoi les codages ne sont pas bien effectués dans les hôpitaux. De ce point de vue, l’amendement ne résout rien.
Mme Monique Iborra (RE). Nous attendons tous d’avoir les informations dont nous ne disposons pas. Néanmoins, la rédaction de cet amendement garantit-elle une réponse à cette demande ? Comment les données sont-elles collationnées et publiées ? Cela reste assez flou.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends que le législateur se préoccupe des données qui lui permettent d’évaluer, mais cet amendement pourrait être contre-productif.
J’entends qu’il est difficile d’évaluer la loi Claeys-Leonetti. Mais qu’est-ce qui est le plus important : évaluer cette loi ou soulager le patient ? Nous savons tous comment on procède à une sédation. Il faut tantôt administrer un peu de morphine – ce qui provoque une dépression respiratoire rapide – et tantôt davantage.
Dans la pratique, les actes peuvent être accomplis par un infirmier ou par un médecin. Faudra-t-il prévoir un code différent pour chacun ? Cette codification et cette transparence ne risquent-elles pas de freiner la pratique de cette sédation ? Je me préoccupe de l’intérêt du patient. L’important, c’est qu’il ne souffre pas ; l’évaluation est secondaire. C’est la raison pour laquelle je suis plutôt défavorable à ce type d’amendement.
M. Didier Martin, rapporteur. De nombreux aspects ont été abordés, aussi bien techniques qu’humains ou éthiques.
Je ne crois absolument pas que ce projet va faire disparaître la sédation profonde et continue. Il ne concerne pas du tout les mêmes situations. De manière très synthétique, la loi Claeys-Leonetti s’adresse à des malades qui vont mourir ; ce projet de loi bénéficiera à des malades qui veulent mourir – c’est tout à fait différent. C’est un constat que Mme Fiat, M. Falorni et moi-même partageons.
Je ne vais pas trop rentrer dans la mécanique de la codification hospitalière, que je ne connais pas très bien. La sédation profonde et continue est pratiquée le plus souvent dans les unités de soins palliatifs, c’est-à-dire en milieu hospitalier. Elle est beaucoup plus rare en dehors de ce dernier, même si on soulage en cas d’hospitalisation à domicile.
La mise en œuvre de la sédation suppose de suivre un véritable protocole. Il faut savoir comment et quand agir afin d’être raisonnablement efficace pour s’assurer du confort et de la dignité du patient. L’évaluation de ces protocoles est un élément fondamental. Nous avons entendu des témoignages faisant état de procédures de sédation pratiquées sur des enfants d’une manière telle que les réactions de l’organisme prolongeaient les choses de façon insupportable, tant pour la famille que pour le personnel soignant.
Enfin, je salue l’élégance du propos de M. Panifous.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. J’ai souvent dit que j’avais des convictions mais pas de certitudes. J’en ai pourtant une : si ce texte devait être voté, il ne mettrait pas un terme à la pratique de la sédation profonde et continue. Loin de là.
Tout d’abord, si nous adoptons l’aide à mourir, la situation de certains malades qui souffrent et doivent être accompagnés ne correspondra pas aux critères fixés dans ce texte, mais ils auront besoin d’une sédation profonde et continue. En l’occurrence, nous parlons non pas de la vieillesse mais de la maladie grave et incurable, qui peut malheureusement se déclarer à tout âge. Il n’est pas prévu d’ouvrir l’aide à mourir aux mineurs mais, pour ces derniers, la sédation profonde et continue restera malheureusement l’un des outils à la disposition du corps médical. Nous avons pu le constater dans le cadre de la mission d’information sur l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti.
La sédation profonde est effectivement destinée aux malades qui vont mourir ; l’aide à mourir sera proposée à des personnes qui veulent certes mourir, mais parce qu’elles vont mourir. Elles voudront mourir parce qu’elles sont condamnées par la maladie mais qu’elles ne veulent pas être condamnées à l’agonie. Il était important de le préciser.
Mme la ministre. J’aimerais ajouter quatre éléments aux propos du rapporteur général, auxquels je souscris.
Premièrement, ce que nous proposons, c’est une codification de l’acte de sédation profonde et continue, afin d’en garantir la traçabilité. Nous allons créer un codage spécifique « classification commune des actes médicaux » (CCAM) pour la ville, à côté du PMSI qui existe à l’hôpital.
Deuxièmement, je tiens à redire clairement que le présent projet de loi ne fera pas disparaître la loi Claeys-Leonetti, car la sédation profonde et continue s’adresse à des personnes qui ne sont plus conscientes et qui n’ont plus la capacité de s’exprimer de manière libre et éclairée. Ces personnes, du reste, peuvent avoir indiqué dans leurs directives anticipées qu’elles souhaitaient bénéficier d’une sédation profonde et continue. Il me paraît important de rappeler que la sédation profonde et continue permet d’accompagner les personnes qui ne sont plus conscientes. Il y a donc une complémentarité entre les deux textes.
Troisièmement, le titre Ier renforce la loi Claeys-Leonetti, avec toutes les dispositions relatives aux soins d’accompagnement et aux soins palliatifs.
Quatrièmement, la codification et la traçabilité ont aussi vocation à protéger les professionnels qui, dans le cadre de leur activité, sont conduits à prendre des décisions difficiles.
Pour toutes ces raisons, je réitère mon soutien à l’amendement CS1968.
La commission rejette le sous-amendement puis adopte l’amendement.
Amendement CS124 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les directives anticipées ont été instaurées par la loi Leonetti de 2005 dans le but de renforcer la parole du patient et de faciliter la décision du médecin lorsque le malade ne peut plus donner son avis. En théorie, elles doivent permettre à chacun de décider à l’avance des mesures thérapeutiques à prendre ou à proscrire lorsqu’il arrivera en fin de vie.
Depuis 2016, en cas d’urgence vitale, la décision appartient au médecin dans le cadre d’une procédure collégiale obligatoire. Les directives ne sont pas consultées si le patient n’est pas lucide à ce moment-là. La réalité oblige à nuancer la valeur des directives anticipées : notre rapport à la mort évolue au fil du temps et des événements traversés. Il se transforme avec l’avancée en âge, toute comme l’appréhension consciente et inconsciente de l’échéance.
La liberté, c’est avant tout de changer d’avis. Le médecin conserve donc sa liberté d’appréciation. La volonté du patient s’arrête là où les règles de déontologie médicale commencent. La partie réglementaire du code de la santé publique l’illustre parfaitement.
M. Didier Martin, rapporteur. Je peux souscrire à certaines de vos remarques, mais je ne comprends pas du tout le sens de votre amendement. Les directives anticipées ont leur utilité. La décision médicale est prise dans une situation donnée, en fonction de l’état du patient et conformément à l’art de la pratique médicale. Il va de soi que le médecin agit en conscience, avec les outils qui sont à sa disposition et conformes à la pratique médicale la plus performante.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’irai dans le même sens, en rappelant que les directives anticipées sont rendues opposables au médecin sans condition de temporalité en dehors de deux hypothèses : en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ou lorsque les directives sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS14 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Il me paraît important de préciser que selon l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), une personne consciente peut aussi demander la sédation profonde.
La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a montré que les personnes de confiance désignées n’ont pas toujours connaissance de ce dispositif, ni de ses implications. Nous proposons qu’un document informatif, dont le contenu serait déterminé par décret en Conseil d’État pris après avis de la HAS, soit mis à disposition des personnes de confiance désignées afin de les informer de leur rôle – et des limites de celui-ci.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre amendement me semble satisfait par l’adoption de l’amendement CS1849 de Caroline Fiat. Je vous invite donc à le retirer.
Mme la ministre. Même avis.
Il est vrai que la loi Claeys-Leonetti peut concerner des personnes aussi bien conscientes qu’inconscientes. Ce que je voulais souligner, c’est la différence entre les deux textes : la loi Claeys-Leonetti peut s’appliquer à des personnes inconscientes, mais le présent projet de loi ne concerne pas les personnes qui ne sont plus capables de donner leur consentement.
M. Patrick Hetzel (LR). Vous ne répondez pas à la question que M. Thibault Bazin soulève avec son amendement. L’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a montré que beaucoup de personnes de confiance n’ont pas connaissance du dispositif, et encore moins de ses implications. C’est un vrai problème, qui mérite d’être pris en compte dans la loi.
Mme Justine Gruet (LR). Aux termes de l’amendement CS993 qui a été adopté, « dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience ». Il me semble que nous avons introduit une possibilité qui contredit l’esprit initial du projet de loi, selon lequel la personne malade doit être « en capacité d’exprimer sa volonté de façon libre et éclairée ».
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS16 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit d’harmoniser les définitions de la personne de confiance données par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles, conformément aux préconisations de la mission d’évaluation de la loi de 2016.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre amendement est satisfait, puisque le mode de désignation de la personne de confiance a été simplifié et facilité par la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1690 et CS1415 de Mme Emeline K/Bidi
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’amendement CS1690 vise à faciliter la désignation de la personne de confiance pour les personnes qui font l’objet d’une mesure de protection. Actuellement, elles doivent passer devant le juge des contentieux de la protection et attendre souvent plus de six mois pour obtenir une audience. Or la désignation d’une personne de confiance peut avoir un caractère d’urgence et, même quand ce n’est pas le cas, ces délais sont trop longs. Il convient donc de faciliter ce processus de désignation.
L’amendement CS1415 vise à créer un guide à l’attention des personnes de confiance. Chacun d’entre nous peut être désigné comme telle et il importe de savoir en amont ce que cela implique.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.
S’agissant du premier, l’équilibre prévu par la loi permet d’éviter toute confusion des rôles entre le tuteur et la personne de confiance. Le dispositif actuel s’en remet ainsi au juge pour apprécier s’il y a lieu, dans l’intérêt de la personne protégée, de maintenir une personne de confiance. Ce dispositif est respectueux de la volonté de la personne.
Quant à l’amendement CS1415, il est satisfait par l’adoption de l’amendement CS1849 de Mme Caroline Fiat.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel (LR). La situation que décrit Mme K/Bidi est exacte, mais le problème se situe du côté de la justice et du juge des tutelles – j’y ai insisté à plusieurs reprises en tant que rapporteur spécial du budget de la justice. Ne nous trompons pas et n’allons pas à l’encontre de l’intérêt des personnes, qui est bien de passer devant un juge afin de s’assurer qu’elles ne sont pas victimes d’un abus de faiblesse. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour demander au ministre de la justice d’être actif sur ce point.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1770 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Alors que les directives anticipées doivent permettre d’éviter l’obstination thérapeutique, les médecins ne respectent pas toujours la volonté exprimée par le patient. Or la personne de confiance et la famille ont peu de recours lorsque c’est le cas. Une médiation doit pouvoir avoir lieu au sein de l’hôpital lorsque les directives anticipées ne sont pas respectées, afin de faire cesser l’obstination thérapeutique.
M. Didier Martin, rapporteur. Nous avons déjà évoqué cette question à propos d’un autre amendement. L’obstination thérapeutique ne se défend pas, puisqu’elle est contestable et ne doit pas s’appliquer. C’est justement lorsqu’elle a lieu que l’on sort du cadre raisonnable.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ai déjà rappelé les deux cas dans lesquels les directives anticipées peuvent ne pas s’appliquer. Avis défavorable.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Cette proposition devrait être approfondie, car il nous semble qu’un recours permettrait de gagner du temps. Mais la rédaction manque de clarté et nous ne prendrons pas part à ce vote.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS779 de M. Charles de Courson
M. Laurent Panifous (LIOT). Il s’agit de clarifier les dispositions de l’article L. 1111-12 du code de la santé publique relatives à la consultation de la famille ou des proches d’un patient incapable d’exprimer sa volonté, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable.
En l’absence de directives anticipées du patient et d’une personne de confiance désignée, le médecin doit recueillir le témoignage de la famille ou des proches, sans précision ni hiérarchie sur les personnes qu’il doit consulter, alors même que celles-ci ne sont pas toujours unanimes. Nous proposons d’expliciter clairement qu’il doit chercher le témoignage de l’époux, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin ou, à défaut et dans l’ordre, des enfants majeurs, des parents ou des frères et sœurs majeurs. Il s’agit d’éviter tout contentieux ou déchirement des familles. Cet amendement reprend exactement ce qui avait été adopté dans la proposition de loi d’Olivier Falorni.
M. Didier Martin, rapporteur. Avis défavorable.
Il ne me paraît pas souhaitable d’établir une hiérarchie entre les proches du patient.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1870 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). La personne de confiance étant un relais précieux entre le patient, l’équipe soignante qui l’accompagne et ses proches, il importe qu’elle soit soutenue. Le projet de loi prévoit certes un soutien à l’entourage de la personne malade, mais le faible investissement annoncé dans les soins d’accompagnement nous inquiète. Toutes les personnes de confiance qui en auront besoin pourront-elles accéder au dispositif d’accompagnement psychologique ? Par ailleurs, de nombreuses personnes de confiance sont écartées de l’accès aux congés pour événements familiaux ayant trait au deuil d’un proche.
Afin de garantir que toutes les personnes de confiance puissent être accompagnées, nous sollicitons un rapport évaluant les besoins d’accompagnement psychologique des personnes de confiance, les conditions concrètes d’accès à cet accompagnement ainsi que de possibles mesures d’amélioration. Ce rapport explorerait, en outre, de possibles conditions d’aménagement de congés de deuil pour les personnes de confiance.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre demande me paraît satisfaite. La personne de confiance, y compris lorsqu’il s’agit d’un ami proche de la personne à accompagner en fin de vie, n’est nullement exclue du congé de solidarité familiale.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ce n’est pas parce que la personne de confiance n’est pas membre de la famille qu’elle s’est moins investie psychologiquement et moralement dans l’accompagnement de la personne ou que le décès de cette dernière est moins violent pour elle. Et pourtant, on lui méconnaît un moment de repos pour souffler et faire son deuil.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de seize heures trente-cinq à seize heures cinquante.
Amendements identiques CS305 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1150 de M. Sébastien Peytavie, CS1418 de Mme Elsa Faucillon et CS1772 de M. Cyrille Isaac-Sibille, et amendements CS1744 de Mme Anne Brugnera et CS819 de Mme Christelle Petex (discussion commune)
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Mon amendement, proposé par le Collectif Handicaps, vise à préciser que lorsque la personne majeure est dans l’impossibilité partielle ou totale de s’exprimer, la mise en place d’une communication alternative et améliorée doit permettre de rechercher prioritairement l’expression de son consentement éclairé pour toutes les décisions qui la concernent. Les personnes en situation de handicap doivent être associées à toutes les décisions qui les concernent, conformément à leur mot d’ordre « Rien pour nous sans nous ».
Cet amendement vient renforcer les dispositions du code de la santé publique en donnant aux personnes qui ne peuvent pas parler les moyens d’exprimer leur consentement, leur avis et leurs préférences dans les décisions qui concernent leur santé.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). La participation des personnes handicapées aux décisions qui les concernent directement leur est souvent niée. L’amendement propose de recourir à la communication alternative et améliorée afin de permettre aux personnes handicapées d’exprimer leur consentement, leur avis et leur préférence sur leur santé de façon libre et éclairée. Cette proposition, issue d’une recommandation du Collectif Handicaps, est conforme à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Afin de mieux associer les personnes en situation de handicap aux décisions qui les concernent, l’amendement CS1418 propose de mettre en place une communication alternative et améliorée pour que celles qui sont dans l’impossibilité partielle ou totale de s’exprimer puissent tout de même faire valoir leur avis.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cet amendement, effectivement proposé par le Collectif Handicaps, tend à prévoir le recours à une communication alternative et améliorée pour toutes les personnes handicapées se trouvant dans l’impossibilité partielle ou totale de s’exprimer.
Mme Anne-Laurence Petel (RE). L’amendement CS1744 a également été travaillé avec le Collectif Handicaps. Il vise à donner aux personnes non oralisantes les moyens d’exprimer leur consentement grâce à la mise en place d’une communication alternative et améliorée.
Mme Christelle Petex (LR). Mon amendement, qui a également été travaillé avec le Collectif Handicaps, vise à mettre en place une communication alternative et améliorée pour toutes les personnes se trouvant dans l’impossibilité partielle ou totale de s’exprimer. Il renforce les dispositions du code de la santé publique en donnant aux personnes non oralisantes les moyens d’exprimer leur consentement, leur avis ou leurs préférences.
M. Didier Martin, rapporteur. Le recueil du consentement par tous les moyens adaptés à l’état de santé du patient est l’une des missions essentielles des soignants. Ce principe me semble bien établi et il ne me paraît pas utile d’ajouter de nouvelles dispositions dans la loi.
Avis défavorable à tous les amendements.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Dans notre pays, certaines personnes ont un droit juridique mais pas le mode de communication qui leur permettrait d’en faire usage. Pour sortir de cette contradiction, il existe une solution : la communication alternative et améliorée, qui permet d’utiliser autre chose que la parole pour se faire comprendre, comme l’expression corporelle, les mouvements du visage, la langue des signes ou l’usage de matériel. La combinaison de ces différentes formes de communication nous semble à même de garantir les droits des personnes qui n’arrivent pas à les faire valoir. Nous voterons ces amendements, qui viennent combler un manque dans notre droit.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS349 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Dans chaque établissement de santé, une commission des usagers veille à la qualité de la prise en charge. Nous proposons qu’elle puisse être saisie, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État après avis de la HAS, des difficultés de prise en charge des patients atteints d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme dans les unités de soins palliatifs.
M. Didier Martin, rapporteur. Votre amendement est satisfait, puisque la mission que vous évoquez fait pleinement partie des attributions de la commission des usagers, qui est d’ores et déjà chargée de veiller au respect du droit des usagers et de participer à la politique de qualité de l’établissement sur l’ensemble de son champ d’activité.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ajoute que cette commission est informée des difficultés de prise en charge rencontrées par les usagers et elle peut même s’autosaisir.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS10 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). L’article 14 de la loi Claeys-Leonetti prévoyait que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d’application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.
Huit ans plus tard, aucun des rapports prévus n’a été produit. L’une des préconisations de la mission d’évaluation de la loi était de porter le délai de remise de ces rapports à deux ans, pour être sûr de les avoir. C’est ce que je propose avec cet amendement.
M. Didier Martin, rapporteur. Vous me mettez dans une situation délicate, puisque cela fait effectivement partie de nos conclusions... Il est vrai que le Gouvernement n’a pas fait ce que la loi lui demandait, mais comme je crois aussi à la force d’évaluation du Parlement, je m’en remettrai à la sagesse de la commission.
Mme la ministre. Même si je ne suis en fonction que depuis quatre mois, je prends sur moi cette responsabilité et m’en remets, moi aussi, à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS367 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Selon le professeur Emmanuel Hirsch, spécialiste des questions d’éthique médicale, le fait de donner la mort ne peut pas être considéré comme un soin. Dans une tribune publiée récemment, il a écrit que « les soins palliatifs ne peuvent être ni la caution ni l’alternative des protocoles de l’acte létal », que « le geste létal d’un médecin rompt un soin » et qu’il « ne l’achève pas ».
Conformément à la philosophie des soins palliatifs, nous proposons d’écrire qu’il n’existe pas de continuum entre les soins palliatifs, d’une part, et le suicide assisté ou l’euthanasie, d’autre part. Je vous invite à voter cet amendement, sauf évidemment si vous voulez inscrire dans la loi un nouveau paradigme créant ce continuum, ce que je n’ose imaginer.
M. Didier Martin, rapporteur. Il n’y a pas de continuum : il y a les soins palliatifs et il y a l’aide à mourir. Et des demandes d’aide à mourir peuvent s’exprimer malgré une prise en charge palliative. La notion de « suicide assisté » ne figure pas dans ce projet de loi et il n’est donc pas approprié d’en parler.
Mme la ministre. Les soins palliatifs n’ont absolument pas comme finalité l’aide à mourir. Par opposition aux soins curatifs, ce sont des soins additionnels apportés à une personne, visant à limiter les douleurs et les souffrances liées à sa pathologie et à son traitement curatif. Votre amendement n’a pas sa place au titre Ier.
Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a le même continuum entre les soins palliatifs et l’aide à mourir qu’entre la vie et la mort.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Hetzel, en écrivant qu’« il n’existe pas de continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté », vous sous-entendez qu’il y en a un. Les soins palliatifs et l’aide à mourir sont deux choses bien distinctes et c’est vous qui créez cette confusion.
La commission rejette l’amendement.
TITRE II
Aide à mourir
Amendement de suppression CS1421 de M. Pierre Dharréville
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’aimerais partager les questionnements et les objections qui me semblent devoir être opposés. La gravité du sujet qui nous occupe appelle le doute.
Le projet de loi qui nous est proposé marque une rupture éthique. C’est une position politique que je prends, de gauche et communiste, et si je sais qu’il peut y en avoir d’autres. Nous partageons tous le même refus radical de la souffrance. Je ne crois pas que cette nouvelle possibilité d’abréger la vie constitue un soin, un progrès social ni un progrès fraternel. La loi actuelle permet de répondre à la quasi-totalité des situations mais on ne lui en n’a pas donné les moyens. Lorsque les personnes sont bien prises en charge et bien accompagnées, la demande de mort disparaît le plus souvent.
Nous sommes tous traversés de pulsions de mort, de pulsions de vie, parfois au même moment. Alors que la solution actuellement proposée par la société est celle de l’accompagnement, la question sera désormais posée : à partir de quand une vie ne vaut-elle plus d’être vécue ? C’est un basculement qui a une dimension anthropologique vertigineuse. Chacun sera renvoyé à son propre choix, à sa propre solitude.
Je ne pense pas que ce que vous proposez soit une solution. Je crois à l’égale dignité des personnes, quel que soit leur état de santé. Je ne crois pas à l’absolue liberté qui présiderait à la décision, a fortiori dans un moment de vulnérabilité : c’est une fiction. Méfions-nous du culte de la bien-portance, de la performance, de la productivité qui structure notre société. Nous sommes conditionnés par les rapports sociaux, les relations familiales, qui ne sont pas toujours magnifiques, le bain culturel dans lequel nous vivons et où l’on nous explique toute notre vie qu’on coûte trop cher à la sécurité sociale par nos conditions matérielles d’existence – même si de tout cela nous essayons de nous affranchir. Nous ne pouvons pas évacuer la question sociale, qui pèse plus encore au bout d’une vie.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je serai amenée à vous faire des propositions concernant la définition de l’aide à mourir et les conditions d’accès.
J’émets un avis défavorable à l’amendement, car il vise à supprimer le titre II du projet de loi. Celui-ci vise à légaliser l’aide à mourir, clairement définie dans les différents chapitres du titre II, et prévoit de nombreuses garanties procédurales. Nous aurons de longs débats sur ces sujets.
Mme la ministre. Nous en arrivons à l’examen d’une partie très importante du texte. Cela nécessite de réfléchir ensemble. Personne n’a de certitudes quand il s’agit de vie et de mort ; personne ne détient la vérité. Le Gouvernement a souhaité proposer une réponse éthique à des besoins d’accompagnement et à des souffrances inapaisables qu’il nous semble particulièrement important de ne pas ignorer. C’est pourquoi le projet de loi ouvre l’accès à une aide à mourir et donne naissance à un nouveau modèle, dont nous allons débattre ensemble.
Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement qui supprimerait toute discussion.
Mme Cécile Rilhac (RE). L’aide à mourir ne sera pas une nouvelle liberté, mais un nouveau droit, qui n’enlèvera rien à personne.
La question du choix est très importante. Il n’y a pas de vérité, mais seulement des choix éthiques, philosophiques, religieux ; tous doivent être respectés. Ouvrir l’accès à l’aide à mourir consiste simplement à laisser à la personne la liberté de choisir jusqu’au bout les modalités de sa propre mort.
Enfin, le fait d’ouvrir ce choix est une manière de rassurer. Pour ceux qui sont confrontés à une échéance difficile, voire brutale, savoir qu’ils pourront bénéficier d’une aide à mourir apporte un réconfort. Mais ils conservent la possibilité de revenir sur leur décision le moment venu : voilà le véritable choix que nous souhaitons inscrire dans ce texte. Je voterai donc contre cet amendement.
M. Philippe Juvin (LR). Dans l’Oregon, où le suicide assisté est légalisé, la majorité de ceux qui en bénéficient sont les classes les plus pauvres. Vous parlez de volonté libre et éclairée. Or les conditions de vérification de cette liberté et de ce libre choix sont en réalité très parcellaires. Quant à la collégialité, le candidat au suicide assisté ne rencontrera qu’un seul médecin : ce sera un colloque singulier. Les fameuses conditions strictes sont en fait extrêmement lâches. Nous soutiendrons donc l’amendement de suppression de M. Dharréville.
M. Christophe Bentz (RN). Cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce sujet dans le cadre du groupe d’études sur la fin de vie, présidé par Olivier Falorni, dont je tiens à saluer le travail.
L’aide à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté sont des thèmes qui relèvent de l’intime conviction et de notre rapport à la vie et à la mort. La dignité et la fraternité supposent d’accompagner les personnes jusqu’à la fin en prenant leurs souffrances en considération. C’est précisément la réponse que permettent d’apporter les soins palliatifs. L’honneur de la France et de notre civilisation est d’avoir toujours choisi la voie des soins palliatifs.
M. Gilles Le Gendre (RE). Il y a deux ans, j’aurais probablement voté cet amendement de suppression. J’avais d’ailleurs refusé, et nous n’étions pas nombreux dans mon groupe, de m’associer à la démarche de notre rapporteur général, Olivier Falorni, sur sa proposition de loi entrouvrant la porte à l’aide à mourir. Je considère, comme Pierre Dharréville, que ce que nous allons peut-être voter constitue une rupture anthropologique. Le fait que ce soit un droit n’enlève rien à cela, ni au fait que c’est tout sauf un acte banal.
Ce qui m’amène aujourd’hui à entrer dans cette discussion avec un esprit d’ouverture et avec la volonté de faire aboutir un texte, c’est qu’il existe des situations humainement insupportables que la loi actuelle, malgré tous ses bienfaits, ne couvre pas. Elles sont peu nombreuses, mais elles sont pour moi inacceptables. C’est le travail que nous avons été nombreux à mener au cours des derniers mois qui m’a permis d’accepter ce saut anthropologique et éthique.
Si je soutiens l’équilibre général qui est proposé, je m’interroge néanmoins sur l’applicabilité de cette loi. Les critères proposés constituent des verrous qui ne sont pas d’une parfaite clarté ; certains introduisent même des formes d’injustice entre des pathologies, ce qui me pose de vrais problèmes de conscience. C’est à cela que j’aimerais travailler pendant la discussion de ce titre II.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je voterai contre cet amendement de suppression, car je souhaite que nous débattions du titre II. À mes yeux, l’aide à mourir participe d’une œuvre de civilisation en prolongeant des intuitions qui remontent à la Révolution française : d’une part, l’individu est libre de choisir le moment où il souhaite mettre fin à son existence, parce que les conditions de dignité ne sont plus réunies à ses propres yeux et, d’autre part, aucun principe d’ordre public ne peut justifier qu’une personne soit contrainte à souffrir. La question se pose car il existe des souffrances réfractaires qui sont intolérables pour la personne qui les éprouve.
Les soins palliatifs ne s’opposent pas au droit à mourir. Une petite proportion des personnes prises en charge dans ce cadre demande à mourir. Les soins palliatifs ne conduisent pas à effacer totalement cette demande, ce n’est pas vrai. Il ne s’agit pas de mettre en doute l’engagement et le dévouement des salariés dans ces unités, qui font le maximum, mais ils sont confrontés à des personnes qui, parfois, estiment qu’elles sont arrivées au bout de leur parcours. Nous devons mettre fin à une grande hypocrisie : aujourd’hui, on aide des gens à mourir dans ce pays, mais on le fait dans l’ombre, de manière clandestine, et en pourchassant les personnes qui ont apporté leur aide.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). En autorisant l’aide à mourir, ce texte historique reconnaît l’ultime liberté, celle de choisir le moment où l’on souhaite éteindre la lumière. Dans des conditions bien particulières, que je trouve néanmoins trop restrictives, il permet à chacun d’affirmer que son corps, sa vie, sa mort lui appartient, créant un droit individuel, comme pour l’avortement. C’est une loi laïque qui respecte toutes les croyances et la spiritualité de chacun. Je souhaite vraiment que cet amendement ne soit pas adopté et que ce titre soit maintenu.
M. Philippe Vigier (Dem). Un sujet aussi difficile en appelle nécessairement à la conscience et au parcours de chacun. Pour ma part, j’ai évolué au fil des années et, instruit par ma pratique professionnelle, j’ai accompagné Olivier Falorni sur le texte précédent. Mais quels que soient nos parcours professionnels, nul n’est autorisé à donner des leçons à qui que ce soit.
J’ai beaucoup réfléchi aux notions de fraternité et de dignité. La dignité est-elle toujours au rendez-vous quand nous échouons à soulager des patients dont les douleurs sont réfractaires ? Ne peut-on les accompagner fraternellement dans leur souhait de mettre fin à leur existence quand les pathologies qui les affectent ne leur permettent plus de vivre dans la dignité ? Oui, il faut encadrer ce droit et ne pas en faire un acte de portée générale ; oui, il faut prévoir une forme de collégialité dans la décision, encore insuffisante à ce stade.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les lois de 2005 et 2016 concernant les droits des malades et la fin de vie défendent les principes de non-abandon, de non-souffrance et de non-acharnement. Elles permettent d’accompagner des personnes en fin de vie mais n’autorisent pas à donner la mort.
La vie humaine est la valeur suprême de notre civilisation. On ne peut pas nier cependant la demande sociétale de légalisation de l’euthanasie, même si sa mise en pratique est loin d’être simple. Le manque de moyens dans les services de soins palliatifs entraîne une inégalité d’accès à un accompagnement de qualité en fin de vie. Il faut améliorer prioritairement cette prise en charge. Les lois qui existent apportent des solutions mais elles peinent à devenir effectives, car les moyens pour le développement de ces soins ne sont pas mis en place.
C’est la crainte de la souffrance qui entraîne la demande d’aide à mourir. Le respect de la dignité est souvent avancé pour justifier cette demande, mais peut-on réellement apprécier la dignité d’une personne à l’aune de son autonomie apparente ? Une personne très dépendante n’est-elle plus digne de vivre ? L’interdit de tuer permet au malade d’exprimer son hésitation entre son désir de mourir et celui de vivre. Quand un malade arrive en soins palliatifs et qu’il exprime son souhait d’en finir, l’équipe l’accueille en s’interrogeant sur la demande sous-jacente. Les témoignages révèlent que la plupart des malades n’ont en réalité pas envie de mourir.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). L’argument qui m’a le plus frappée, au cours des auditions, est que les progrès de la médecine sont aujourd’hui tels que certaines maladies peuvent désormais être soulagées, sans toutefois que l’on puisse empêcher totalement les souffrances. Dans certaines situations, les souffrances ne peuvent être soulagées, même lorsque les soins palliatifs existent et sont effectifs. Il faut pousser à l’effectivité des soins palliatifs et des soins d’accompagnement si nous voulons que les patients aient un véritable choix, car c’est ce choix qui préservera leur dignité.
M. Patrick Hetzel (LR). Je soutiens totalement l’amendement de Pierre Dharréville, parce que le sujet que nous abordons est vertigineux. Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde, dit-on. L’avis du Conseil d’État est extrêmement clair : ce texte traite bien de suicide assisté et d’euthanasie. Sur un tel sujet, mal nommer les choses est en soi un problème éthique. Il ne faut pas tromper les gens ; la loi doit être explicite et non chercher à louvoyer. Vous devez donc clairement dire que nous allons aborder les questions du suicide assisté et de l’euthanasie.
Dans son avis, le Conseil d’État a également rappelé qu’avant de légiférer sur le suicide assisté et l’euthanasie, il était nécessaire de permettre un accès réel aux soins palliatifs. Que cela ne soit pas au rendez-vous devrait nous empêcher d’examiner le titre II.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Les écologistes voteront contre cet amendement de suppression. Depuis 2002, nous soutenons l’adoption d’une législation donnant le droit de choisir d’abréger ses souffrances en mettant un terme à son existence. Le terme « aide à mourir » correspond à l’équilibre trouvé pour ce texte. Dans une volonté de heurter les esprits, certains voudraient le remplacer par « suicide assisté » ou « euthanasie ». Si ce dernier mot est utilisé dans certaines législations, il fait aussi référence à une période obscure de l’histoire, notamment de l’Allemagne nazie, qui a ainsi exterminé des « indésirables ».
Le droit que nous allons créer participe des principes d’égalité et de fraternité. Les personnes souhaitant recourir à l’euthanasie ou à l’aide à mourir peuvent certes se rendre en Suisse ou en Belgique, encore faut-il qu’elles en aient les moyens ; celles qui n’ont pas d’argent ne le peuvent pas. Il me semble indispensable, en tant que mouvement politique de gauche, d’affirmer que l’égalité, la fraternité et la prise en charge par la sécurité sociale sont essentielles dans l’ouverture de ce nouveau droit.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Quel sera le périmètre du dispositif de l’aide à mourir ? A-t-il pour vocation de s’adresser à des patients relevant de l’exception, envers lesquels nous éprouvons évidemment de la compassion, ou a-t-il au contraire pour ambition de s’adresser à tous, en ouvrant un nouveau droit à 2,5 % de la population, soit plusieurs centaines de milliers de personnes ?
Par ailleurs, les dispositions du texte ne seront-elles pas contre-productives en fragilisant les équipes de soins palliatifs, qui perçoivent cette loi comme contraire à l’objectif qu’elles se sont fixé ?
Enfin, pourquoi cette loi fait-elle reposer sur les seuls médecins la décision d’apporter à un patient le droit de choisir sa fin de vie ? N’est-ce pas une manière pour la société de se dédouaner ? Je souhaite obtenir des réponses à ces interrogations, raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement de suppression : le débat doit avoir lieu.
M. Charles de Courson (LIOT). En l’état du droit, le suicide est libre ; seule l’incitation ou l’assistance au suicide est pénalisable. Combien y a-t-il de contentieux en la matière ? Fort peu. Combien de médecins ont été sanctionnés à l’issue de contentieux en la matière ? Pratiquement aucun. Faut-il donc vraiment lever cet interdit ? Nous pourrions commencer par appliquer la loi Claeys-Leonetti, ce qui nous prendrait déjà dix ans. Ensuite, nous examinerions la question d’une éventuelle levée de cet interdit.
La fraternité, qui est l’un de nos trois principes fondateurs, consiste à aider nos concitoyens à finir leur vie dignement, entourés de leur famille, de leurs amis et d’éviter les pressions économiques et psychologiques sur des personnes fragilisées dont les souffrances sont souvent réfractaires, pour une petite minorité, aux traitements antidouleur des soins palliatifs. Si nous levons cet interdit, la dérive commencera : c’est ce que démontrent toutes les expériences étrangères.
M. François Gernigon (HOR). Il faut faire attention aux mots qu’on utilise. Le suicide est une décision brutale, surtout pour les proches et les aidants. Il ne faut pas le confondre avec l’aide à mourir. Il ne faut pas ignorer qu’à l’hôpital, il y a des malades qui se suicident parce que les soins palliatifs n’arrivent pas à leur apporter une solution. Ces personnes ne souhaitent pas vivre en sédation devant leurs proches, qui les voient mourir petit à petit.
On m’a rapporté des cas de patients qui se suicident à l’hôpital : ils refusent les soins palliatifs et mettent fin à leur vie tout seuls, ce qui est violent pour les proches comme pour les aidants. Un homme de 42 ans, père de deux enfants, s’est ainsi suicidé parce qu’il n’a pas eu accès à l’aide à mourir. S’il avait pu y recourir, il aurait vécu ses derniers instants d’une façon beaucoup plus noble, entouré de ses proches et de ses aidants. Ce cas n’est pas isolé.
Quant aux soins palliatifs, ils consistent à plonger quelqu’un dans la sédation en disant à la famille que cela durera quelques jours. Pour ma part, je l’ai vécu avec un parent : on m’a téléphoné trois heures après pour m’annoncer le décès de mon père. Quand on force un peu la dose, les soins palliatifs ne s’apparentent-ils pas à de l’euthanasie ?
M. le rapporteur général. Le ton et la teneur de vos interventions illustrent tout à la fois la gravité du sujet et le respect qui doit prévaloir tout au long de l’examen du titre II.
Il faut toujours avoir en tête les raisons pour lesquelles nous souhaitons légiférer. Nous avons la volonté, partagée, que ceux de nos concitoyens qui sont condamnés par la maladie ne soient pas, en plus, condamnés à subir une agonie et une souffrance insupportables. Les soins palliatifs sont une réponse primordiale, même si tous les malades ne peuvent pas être pris en charge de façon satisfaisante dans ce cadre. C’est sur la base de ce constat que nous engageons le débat sur l’aide à mourir.
Ce débat a aussi une dimension sémantique. Contrairement à ce que notre collègue Patrick Hetzel a dit, jamais le Conseil d’État n’a enjoint au Gouvernement de parler d’« euthanasie » et de « suicide assisté ». Dans de nombreux pays ayant adopté une législation sur la fin de vie, ces termes ne sont pas employés : au Canada, on parle d’aide médicale à mourir, en Nouvelle-Zélande, de mort assistée, en Australie, de mort assistée volontaire, en Oregon, de mort dans la dignité. Chaque pays choisit les termes qu’il souhaite utiliser.
Certains mots magnifiques ont été souillés par l’histoire. « Euthanasie » est un mot qui est apparu en 300 avant Jésus‑Christ ; les Grecs considéraient alors qu’il s’agissait du meilleur cadeau que l’homme pouvait recevoir des dieux. Le régime nazi a utilisé ce mot de façon abjecte, pour organiser l’assassinat de masse des personnes handicapées. Personne dans cette salle n’imagine que l’idée de recourir à l’euthanasie telle qu’elle a été pratiquée par le IIIe Reich puisse effleurer le moindre cerveau. Ce mot a été souillé et cette souillure rend difficile, voire impossible de l’utiliser. C’est la raison pour laquelle, dans ma proposition de loi de 2021, je parlais d’aide médicalisée à mourir. Le mot d’euthanasie n’a rien à faire dans ce texte : nous devons utiliser un terme plus simple, plus humain, plus apaisant, parce qu’il s’adresse à des malades.
De la même façon, l’expression « suicide assisté » crée de la confusion. Personne dans cette salle ne remet en cause la lutte acharnée que nous devons mener pour la prévention du suicide. Une telle confusion serait dommageable. Par ailleurs, les pays qui utilisent ce terme n’ont pas connu de recrudescence des suicides. Le débat sémantique est important mais il n’est pas l’essentiel. Il faut d’emblée dire que ce que nous souhaitons, c’est proposer un ultime recours qui, dans des circonstances extrêmes, permettra, selon la belle étymologie grecque, de partir en douceur.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les quatre députés de mon groupe présents aujourd’hui voteront contre l’amendement. Pour ma part, avant les auditions, j’aurais peut‑être déposé un amendement pour proposer de retenir les termes d’euthanasie et de suicide assisté. Les auditions m’ont persuadée que le Gouvernement a eu raison de ne pas le faire. Je me souviens en particulier que le docteur Michèle Lévy-Soussan nous a fait part de son cheminement, nous expliquant comment elle en était arrivée à soutenir l’aide à mourir, alors qu’elle avait été responsable d’une unité de soins palliatifs pendant vingt-cinq ans. Elle nous a remerciés de ne pas utiliser les termes « suicide assisté » et « euthanasie », tout simplement parce qu’ils étaient inutilement blessants également pour les soignants.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS600 de Mme Justine Gruet, CS519 de M. Philippe Juvin, CS720 de M. Charles de Courson, CS628 de Mme Christine Loir, amendements identiques CS520 de Mme Marie-France Lorho et CS547 de Mme Annie Genevard, amendements CS353 de M. Patrick Hetzel, CS998 de M. Thibault Bazin, CS469 de M. Yannick Neuder et CS853 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Justine Gruet (LR). Mon amendement, de transparence, vise à clarifier le véritable objet du titre II : il m’apparaît essentiel d’y inscrire les notions de suicide assisté et d’euthanasie.
Ne choisissons pas de créer un droit nouveau sans avoir relevé le défi d’un accompagnement bienveillant pour chacun de nos concitoyens et ayons conscience que nous changerions, avec ce texte, de paradigme en nous plaçant du point de vue de l’individu, alors que le législateur se doit d’adopter des lois qui protègent le collectif et les plus vulnérables. Par ailleurs, j’ai très peur des dérives possibles du fait de l’ouverture d’un tel droit.
M. Philippe Juvin (LR). Je souhaite qu’apparaissent dans l’intitulé du titre II les mots « légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie ». Le suicide assisté désigne l’aide apportée à une personne qui souhaite mourir en lui procurant un environnement favorable et les moyens nécessaires ; l’euthanasie désigne très clairement un acte médical consistant à provoquer intentionnellement la mort d’un patient afin de soulager ses souffrances. L’un et l’autre sont exactement ce que nous allons faire.
Monsieur le rapporteur général, vous avez indiqué le 23 juin dernier, sur Public Sénat, que « la Convention citoyenne a dit que le suicide assisté seul n’était pas possible, qu’il fallait le suicide assisté et l’euthanasie ». Vous utilisiez alors les bons mots ; je regrette qu’ils aient changé. Cela montre bien qu’il existe une volonté de ne pas dire les choses, pour des raisons qui continuent à m’échapper.
M. Charles de Courson (LIOT). L’aide à mourir, telle qu’elle est proposée dans ce texte, est en fait une assistance au suicide avec exception d’euthanasie. Les législations européennes qui ont été adoptées en la matière définissent précisément tant les actes de suicide assisté que ceux d’euthanasie. Il n’y aurait rien de pire que de dissimuler par des mots la réalité des choses. Disons-les, d’autant qu’il a été question pendant des mois de suicide assisté et d’exception d’euthanasie dans l’hypothèse où le malade ne pourrait pas déclencher lui-même son suicide.
Mme Christine Loir (RN). J’insiste sur l’importance de la sémantique. Les auditions ont mis en lumière qu’il était absurde de ne pas assumer de parler d’euthanasie et de suicide assisté. Les mots ont un sens et les Français attendent de nous de la sincérité et de la clarté. La fin de vie, selon l’expression que vous aimez utiliser, n’est pas un sujet comme les autres : elle touche à l’intimité de chacun. Parlons clairement d’euthanasie et de suicide assisté.
Mme Annie Genevard (LR). Une fois n’est pas coutume, je vais citer le titre d’un ouvrage de Bourdieu, Ce que parler veut dire. La sédation profonde, au sens de la loi Claeys-Leonetti, est une aide à mourir, mais ce n’est pas la même que celle que vous proposez aujourd’hui. En tant que législateurs, nous avons besoin de clarté, les mots doivent être précis et il faut dire les choses : l’euthanasie et le suicide assisté sont l’objet du titre II.
Madame la présidente, lorsque vous étiez ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, vous avez chargé Erik Orsenna de composer un lexique destiné à préparer les esprits à ce que nous allions voter. Ce lexique, à ma connaissance, n’a pas été produit ou communiqué. Le Président de la République a lui-même dit qu’il n’aimait pas le mot « euthanasie ». Vous avez souligné, quant à vous, qu’il pouvait être perçu de manière violente. Mais dissimuler, euphémiser la réalité ne la fait pas disparaître. On ne peut qu’avoir le soupçon qu’il s’agit d’une opération visant à rendre socialement acceptable une démarche qui est profondément bouleversante pour notre société et à laquelle personnellement et en conscience je suis profondément hostile.
Mme Marie-France Lorho (RN). L’absence de définition des termes du projet de loi constitue une singularité préoccupante pour qui est attaché au droit. Le principe de clarté de la loi, affirmé par le Conseil constitutionnel en 2001, est un rempart contre l’arbitraire et l’interprétation approximative du droit. Nous déplorons donc que le projet de loi n’utilise pas des termes adéquats, contrairement à ce qui a été fait dans d’autres pays. L’aide à mourir qui vous sert à caractériser à la fois le suicide assisté et, dans quelques cas, l’euthanasie ne recouvre aucune réalité : elle ne permet pas aux personnes de « prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé », comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le demande pour toute énonciation d’une norme. C’est pourquoi mon amendement tend à remplacer les termes utilisés.
M. Patrick Hetzel (LR). Ce que vous proposez est une rupture anthropologique et le projet de loi ne nomme pas correctement ce qu’il va autoriser : le suicide assisté et l’euthanasie, que tous les pays qui ont légalisé de tels actes en Europe ont désignés en ces termes. L’aide à mourir, ce sont les soins palliatifs et la sédation profonde et continue, c’est-à-dire ce que prévoit la loi Claeys-Leonetti. Aider à mourir est une chose ; ce n’est pas faire mourir.
Le Gouvernement dit vouloir mettre en avant le suicide assisté ; l’euthanasie serait réservée au cas dans lequel le patient ne peut pas s’administrer lui-même la dose létale. Or, lorsque le suicide assisté et l’euthanasie coexistent, on voit que se produit très rapidement une dérive dans laquelle l’euthanasie supplante le suicide assisté. Nous n’avons absolument aucune garantie en la matière. En outre, l’association de proches à l’acte létal, y compris avec l’accord du patient, ne semble pas exclue. Or cela doit être prohibé en raison d’évidents risques d’abus de faiblesse.
La manière dont on nomme les choses a des incidences. Comme l’a dit Annie Genevard, l’euphémisation traduit sans doute une volonté de rendre les choses socialement acceptables, alors que vous êtes fondamentalement en train de nous exposer à un risque énorme. Un arbitrage doit être fait entre les droits individuels et le vivre-ensemble. Le pouvoir de donner la mort a d’abord été confié au juge avant de lui être retiré ; la question qu’il faut se poser est celle du risque que nous allons créer en le confiant à un médecin.
M. Thibault Bazin (LR). J’essaie de prendre du recul et je me pose beaucoup de questions. Un choix sémantique a été fait. Ne risque-t-on pas ainsi de passer à côté d’un débat nécessaire sur le mal-être d’une partie de nos concitoyens, qui est tel qu’ils veulent mourir ? Ne devrions-nous pas concentrer notre énergie sur l’analyse des raisons, multiples, de ce mal‑être ? Le taux de suicide des hommes de plus de 95 ans est six fois supérieur au taux moyen. Nous n’avons toujours pas un bon accompagnement pour le grand âge – une loi en la matière est toujours attendue – et pour le handicap. J’ai été marqué par les paroles de membres du CCNE qui se disaient inquiets du sentiment d’indignité d’un certain nombre de nos concitoyens, qui se trouvent inutiles et seuls, faute d’un accompagnement, et se posent dès lors la question de leur mort. La société a une responsabilité de fraternité à leur égard. Un certain nombre de demandes de mort pourraient disparaître si on savait accompagner. Le présent débat est nécessaire : si on ne répond pas aux questions, nous risquons de vraies dérives éthiques.
M. Philippe Juvin (LR). Je défends l’amendement CS469.
On parle officiellement d’assistance organisée au suicide en Suisse, d’euthanasie en Belgique et de terminaison de la vie sur demande et de suicide assisté en Hollande : les choses sont dites en Europe. « Aider à mourir » est, en revanche, un terme très général. Tous les soignants aident à mourir, mais ils le font, aujourd’hui, sans donner la mort. Si on décide de légaliser cela, il faut parler de suicide assisté et d’euthanasie par exception.
M. Julien Odoul (RN). Mon amendement est de clarification. Même si toutes les sensibilités doivent être respectées et toutes les opinions entendues, il faut mettre des mots sur la réalité. Vous ne pouvez pas la masquer : il ne s’agit pas seulement d’une aide à mourir mais aussi d’une aide à tuer. L’aide à mourir, cela a été dit, existe déjà ; c’est la sédation profonde et continue jusqu’au décès, ce sont les soins palliatifs. Une confusion est entretenue pour rendre les choses acceptables ou aussi douces que possible, mais cela ne change pas la réalité. Pour que notre débat soit éclairé, donc sincère, il faut pouvoir dire qu’il est question d’euthanasie et de suicide assisté. Vous ne pouvez pas continuer à faire semblant et à avancer en entretenant la confusion. On doit évidemment rebaptiser le titre II en employant les bons mots.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. J’ai envie de reprendre une belle formule qui a été utilisée pendant les auditions, « l’humanité compassionnelle ». C’est une bonne façon d’aborder ce sujet, complexe et intime, puisqu’il concerne des personnes malades qui savent qu’elles vont mourir, leur pronostic vital étant engagé, et qui subissent des souffrances intolérables, en faisant appel à l’autonomie des personnes et à leur libre arbitre, ce qui est très important. Le projet de loi s’efforce de mettre le patient au cœur de la décision, tout en l’accompagnant. Le débat sémantique que vous voulez ouvrir par vos amendements, parce que vous avez des objections sur le fond, n’a pas forcément de lien avec l’humanité compassionnelle qui conduit à proposer une nouvelle liberté, un nouveau droit pour les patients atteints d’une maladie incurable.
J’émets un avis très défavorable à ces amendements. L’aide à mourir est clairement définie à l’article 5 et, dans le cadre des conditions d’accès, à l’article 6. S’agissant du point de droit que vous évoquez, il ne faut pas faire dire au Conseil d’État ce qu’il n’a pas dit : il a précisé qu’il n’avait pas d’objection à l’égard de l’expression « aide à mourir », déjà utilisée par le Comité consultatif national d’éthique, qui parle d’« aide active à mourir ».
La notion d’aide à mourir présente l’avantage d’englober les deux modalités de mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 5 et d’éviter de recourir à des notions qui seraient peu pertinentes au regard de la philosophie du projet de loi. Par ailleurs, l’aide à mourir ne peut être réduite ni au suicide assisté – le malade devra remplir des conditions strictes et être accompagné jusqu’au dernier moment, y compris, j’ose le dire, pour ne pas être confronté à une solitude extrême lors de son dernier geste – ni à l’euthanasie, car c’est en effet un mot souillé par l’histoire et il reviendra au malade de s’administrer la substance létale dans la plupart des cas. Le principe posé par le projet de loi est l’administration de la substance létale par la personne elle-même, l’administration par un tiers n’étant que l’exception, lorsque la personne n’est physiquement pas en mesure d’y procéder elle-même. Dans les deux hypothèses, la volonté libre, éclairée et répétée du malade sera une condition indispensable.
Mme la ministre. Je partage l’avis défavorable de Mme la rapporteure.
Ce texte fait suite à de nombreux travaux, que vous connaissez tous – ceux du CCNE, de la Convention citoyenne et de la HAS. Le CCNE a lui-même utilisé la notion d’aide active à mourir.
Le modèle que nous cherchons à construire correspond aux cas bien spécifiques de pathologies conduisant à un pronostic vital engagé, l’idée étant de respecter le choix du seul patient et l’avis du médecin, qui aura néanmoins travaillé avec d’autres médecins et des membres du personnel paramédical.
La fraternité, c’est l’écoute et l’accompagnement du patient qui se trouve en situation de vulnérabilité. La première approche qui y répond, tout le monde en est d’accord, ce sont les soins palliatifs, et c’est le sens du titre Ier du projet de loi. Mais la fraternité, c’est aussi être à l’écoute d’un patient que sa pathologie conduit à s’interroger sur sa fin de vie, parce qu’il ne veut plus souffrir, subir ; il en exprime et réitère la volonté. D’où la réflexion engagée sur un ultime recours.
Quels sont les termes utilisés ailleurs ? On parle d’aide médicale à mourir au Canada, de mort dans la dignité dans l’Oregon, de mort accompagnée en Nouvelle-Zélande et en Australie, d’euthanasie en Belgique et en Espagne et d’assistance au suicide au Luxembourg et en Suisse. Outre qu’il a en effet été souillé, le mot « euthanasie » ne constitue pas un référentiel ; l’utiliser n’apporte pas une clarté particulière. L’euthanasie est l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne, qui le demande, dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. La définition de l’euthanasie insiste sur l’intervention d’un tiers. Or tout l’esprit du projet de loi est qu’il n’y aura pas précisément d’intervention d’un tiers pour mettre fin à la vie.
Quant au « suicide assisté », cette notion est utilisée pour désigner le fait d’apporter à une personne, qui le demande, l’environnement et les moyens nécessaires pour mettre fin à sa vie. Cette définition peut laisser penser que toute personne qui le demanderait pourrait bénéficier d’un environnement et de moyens lui permettant de mettre fin à sa vie. Or ce n’est pas du tout l’esprit de ce texte. La notion de suicide assisté est trop imprécise.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Je dois dire que j’étais attachée aux termes habituels, mais que j’ai évolué : parler d’aide à mourir a le mérite d’être clair et de correspondre à la réalité. J’ai accompagné, au cours de ma carrière, des patients dont le souhait était de partir, entourés de leur famille, en établissement ou à domicile, et qui ont été apaisés par le fait d’être soulagés et entendus, sans avoir à agir dans l’illégalité.
M. Christophe Bentz (RN). Ce débat sémantique, nécessaire, n’est pas qu’un combat autour des mots ; c’est le véritable débat de fond.
Monsieur le rapporteur général, je peux entendre vos arguments à propos du terme « euthanasie ». Le point d’entrée de ce texte est le suicide assisté et, par exception, si la personne ne peut pas s’administrer elle-même la substance létale, l’euthanasie. La définition du suicide, je pense que nous pouvons tous nous accorder sur ce point, c’est se donner la mort soi-même. Le projet de loi propose de s’auto‑administrer une substance létale : il s’agit donc d’un texte relatif au suicide assisté et à l’exception d’euthanasie. Il faut dire aux Français la vérité : c’est une exigence de transparence et un véritable devoir pour nous qui sommes des législateurs.
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur le rapporteur général, si l’on suivait votre logique, on ne pourrait plus écouter Wagner et notre devise nationale serait amputée du mot « liberté » – je ne peux m’empêcher de penser à Mme Roland montant à l’échafaud, victime de la Terreur parmi des milliers d’autres personnes : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ». Le mot « liberté » a servi à certains pour justifier des abominations, mais il est toujours présent, fort heureusement, dans notre devise nationale. N’ayons donc pas peur des mots.
Nous avons tous compris que ce texte était soutenu par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et il se trouve que je suis un partisan de ce droit. Or la dignité est consubstantielle à l’humanité du début à la fin ; c’est le cadre de vie qui est digne ou indigne. Nous devons tout faire pour accompagner les personnes en fin de vie dans un cadre digne.
M. David Valence (RE). On sent bien que le choix des mots est important : il dit tout des convictions de chacun. À cet égard, je n’ai rien à ôter aux arguments invoqués par le rapporteur général pour bannir du texte les termes « euthanasie » et « suicide assisté ».
La mort est l’état le plus démocratique, mais le chemin vers elle ne l’est pas dans notre pays : certains ont un choix et d’autres non. Certains peuvent avoir recours aux soins palliatifs, d’autres ne le peuvent pas, et nous sommes tous d’accord pour que chacun puisse avoir ce choix – c’est l’objet du titre Ier. On peut aussi avoir un choix différent selon les moyens financiers qu’on a ou selon son réseau social, par exemple quand on connaît un médecin, y compris quand le pronostic vital n’est engagé qu’à moyen terme. De même, on dispose parfois d’un autre choix quand on a les moyens d’aller en Suisse ou en Belgique. C’est dans un esprit de justice sur le chemin vers la mort que je soutiens ce texte. J’estime, par ailleurs, que les termes « euthanasie » et « suicide assisté » ne doivent pas y figurer, au contraire de l’expression « aide à mourir ».
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Il est très important de définir ce que nous allons entendre par « aide à mourir » dans la suite du texte : il s’agit de l’administration d’une substance létale par la personne souhaitant mourir ou, lorsqu’elle n’est pas physiquement en mesure d’y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désignera elle-même. La notion d’aide à mourir désigne donc deux réalités différentes : celle d’une personne qui s’administre elle-même une substance létale, ce qui peut se définir comme un suicide assisté, et celle d’une personne qui n’a pas la capacité physique de se donner la mort et a donc besoin de l’aide active d’un tiers, ce qui correspond à une euthanasie. Je ne comprends pas les précautions prises pour enrober ces termes. Permettez-moi de citer encore Didier Sicard, ancien président du CCNE : « je suis plus hostile à sa rédaction qu’au principe même du texte. Car il évite [...] de nommer les choses dans leur crudité ».
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le Président de la République a dit, il y a quelques jours, qu’un nouveau droit ne serait pas forcément créé. Or ce texte ouvre, de fait, une possibilité nouvelle. S’agissant de mourir, peut-on parler de droit ? On se suicide parce qu’on ne voit pas d’autre possibilité et le texte tend à accompagner cela. Il existe des lois qui n’enlèvent rien à personne, mais qui ne sont pas souhaitables pour autant.
Je ne suis pas sûr que la formule retenue soit très adaptée : tout le monde se verra imposer un tel questionnement et la société sera convoquée, puisqu’il s’agira d’un droit‑créance. Elle sera donc associée au geste, comme le seront certaines personnes, ce qui ne sera pas sans préjudice.
La loi Claeys-Leonetti, qui a complété la loi Leonetti initiale, donne les moyens de soulager des souffrances, et il faut le faire savoir. Le présent texte va bien au-delà d’éventuels cas non couverts, car il pêche très large : il est loin de traiter seulement les quelques cas sur lesquels le CCNE s’est appuyé, et il produira sa propre dynamique. Certains défendent ainsi, y compris dans le cadre de nos échanges, des possibilités plus larges encore, reposant sur un droit opposable et universel qui nous éloignera beaucoup de la question initiale.
M. François Gernigon (HOR). Je reviens sur les propos tenus tout à l’heure par Thibault Bazin au sujet des personnes âgées. Tout le monde attend la loi grand âge pour assurer un meilleur accompagnement, mais ce n’est pas la question : être une personne âgée n’est pas une maladie grave et incurable qui occasionne des souffrances physiques. Ce projet de loi s’adresse aux malades, et surtout pas aux personnes âgées, sauf si elles sont atteintes d’une maladie grave et incurable s’accompagnant de souffrances physiques qu’on ne peut pas traiter.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Puisque vous voulez tous un débat sur la sémantique, sortons de l’hypocrisie. La sédation profonde et continue jusqu’à la mort recouvre actuellement deux réalités : si le patient ne l’a pas demandée, c’est une euthanasie ; s’il l’a demandée, c’est un suicide assisté. Ce texte conduira à une troisième réalité : des patients pourront décider, d’une façon libre et éclairée, de prendre un produit létal. L’aide à mourir couvre ces trois situations, et j’en félicite le Gouvernement.
Mme Annie Vidal (RE). Ce débat sémantique est essentiel ; bien nommer les choses permet de les clarifier. Nous nous inscrivons bien dans une démarche de suicide assisté et, par exception, quand la personne concernée ne peut ingérer elle-même la substance létale, d’euthanasie. Nous allons travailler sur un texte, et peut-être le voter, qui engendrera un changement anthropologique important. Avant de s’engager dans cette réflexion fondamentale, il faut, je le répète, bien nommer les choses. J’entends ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général, quant à l’adoucissement des mots, qui est sans doute nécessaire, mais il ne faut pas se cacher qu’il s’agit d’un texte majeur. Je reconnais aussi la volonté du Gouvernement d’assurer un encadrement, en prévoyant des conditions très strictes. Seulement, on entrouvre une porte et tous les pays qui nous ont précédés ont fait sauter peu à peu les verrous. Je suis profondément convaincue que la porte sera grande ouverte, peut-être pas à la fin de l’examen du texte, mais dans deux, trois ou cinq ans. Ne l’ouvrons donc pas.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ce débat sémantique est effectivement important. Je ne pense pas qu’il soit question d’un droit à mourir : ce n’est pas l’enjeu. En revanche, le texte ouvrira quatre autres droits : le premier est de décider le niveau maximal de souffrance qu’on accepte d’endurer ; le deuxième est de décider à quel moment on part ; le troisième est de décider à qui et comment on dit au revoir ; le quatrième est de ne pas avoir peur de ce qui va arriver, en sachant qu’on pourra y mettre fin. Ce n’est donc pas d’un droit à mourir qu’il est question, mais d’un droit à des formes de sérénité, de quiétude, qui sont aujourd’hui inaccessibles pour beaucoup de nos compatriotes.
Mme Anne Bergantz (Dem). Je n’ai pas beaucoup entendu parler de la place du patient lors de la défense de certains amendements.
J’ai bien conscience que nous avançons sur un chemin de crête, entre la volonté du patient et la société. Comme beaucoup, j’ai assisté aux auditions et j’ai réfléchi. J’ai entendu Alain Claeys se demander si une bonne application de la loi de 2016 permettait de traiter toutes les situations, et sa réponse a été très clairement non. En cas de maladie grave incurable, irréversible et s’accompagnant de souffrances insupportables, la possibilité d’avoir une aide à mourir ne me paraît pas, après mûre réflexion, être un choix entre la vie et la mort, car la mort est déjà là. Dans une telle impasse thérapeutique, il faut être capable de faire une vraie place au patient, d’entendre sa souffrance et de la reconnaître. Que proposent ceux qui sont hostiles à l’aide à mourir ? Ne rien faire pour ceux qui en expriment la demande, les laisser partir en Belgique ou en Suisse ou les laisser avec leurs souffrances.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Quoi de plus clair, en réalité, que le terme « aide à mourir » ? Il est compréhensible par chacun et chacune, sans qu’il soit besoin d’avoir fait de hautes études ou d’avoir suivi des cours d’histoire ou de sémantique. L’aide à mourir est l’expression la plus simple pour faire comprendre ce que veut dire et faire le projet de loi. Je le dis d’autant plus facilement que mon autre pays, les Pays-Bas, n’emploie pas ces termes et leur préfère celui d’euthanasie.
Je note que ce sont les opposants au texte et à l’ouverture de l’aide à mourir qui ont déposé ces amendements sémantiques. Ils s’en servent d’épouvantail, sans rien apporter en matière de clarté.
Je crois que le texte a trouvé les bons termes pour nommer ce que nous voulons promouvoir dans ce projet de loi.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les auditions ont montré les travers de l’utilisation des termes que certains veulent nous faire adopter, termes qui ont été souillés par l’histoire, comme l’a rappelé le rapporteur général. Je soutiens le choix de l’expression « aide à mourir », qui englobe les deux modalités. Mais la terminologie mérite-t-elle vraiment des débats interminables ? L’essentiel n’est-il pas de chercher à soulager la personne qui vit des souffrances inapaisables ? C’est à cela que nous devons consacrer notre énergie et notre temps.
La commission rejette successivement les amendements.
L’amendement CS1419 de Mme Emeline K/Bidi est retiré.
Amendement CS1017 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Je m’interroge sur les effets du projet de loi sur l’ensemble de la société. L’étude d’impact évoque un nombre limité de personnes concernées. Pourtant, M. Claeys l’a dit lors de son audition, ce texte n’est qu’une étape. N’y a-t-il pas un risque que la faculté se transforme en injonction pour ceux qui sont habités par un sentiment d’indignité ? Ce sentiment, qui naît d’un manque d’accompagnement et de la solitude, doit nous préoccuper, même s’il n’entre pas dans les critères d’éligibilité. La société a le devoir d’y apporter une réponse car il peut être à l’origine de demandes d’accès à l’aide à mourir.
Par ailleurs, le titre II ne risque-t-il pas de causer des souffrances aux membres de l’entourage de la personne concernée ? A-t-on étudié les éventuelles externalités négatives pour eux ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. J’ai déjà développé mes arguments. Mon avis reste défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Nombre d’entre vous ont évoqué, à juste titre, l’impasse thérapeutique. En revanche, rares sont ceux qui ont mentionné l’examen médical. Je souhaite insister sur l’équilibre du dispositif : d’un côté, la demande du patient, dans des conditions que nous aurons à travailler ; et de l’autre, l’examen médical.
Mme Monique Iborra (RE). Monsieur Bazin, vous vous interrogez à juste titre sur d’éventuelles conséquences négatives du projet de loi. Mais, compte tenu de la demande de la société, nous pourrions tout aussi bien examiner les effets de l’inaction.
Le projet de loi n’est pas le permis de tuer que vous présentez, le suicide assisté, l’euthanasie : vous utilisez ces termes pour faire peur, pour culpabiliser ceux qui sont favorables à ses dispositions. Moi, je crois que cette loi d’humanité et de solidarité peut avoir des effets positifs sur la société, en particulier sur les plus vulnérables.
Vos choix sémantiques reflètent ce que vous pensez, mais ils sont aussi dictés par une arrière-pensée : vous voulez faire passer l’idée que ce texte est un permis de tuer. Vous n’avez pas le droit de dire cela.
Enfin, n’oublions pas que la position de chacun dépend de son histoire.
M. Julien Odoul (RN). Il n’y a pas d’un côté les partisans d’une loi d’humanité et, de l’autre, ceux qui seraient dénués d’humanité. Les différentes sensibilités doivent pouvoir s’exprimer et être respectées.
Ce qui préoccupe les patients aujourd’hui, plus que le droit à mourir, c’est le droit à ne pas souffrir. Or celui-ci n’est pas garanti. Lorsque les patients bénéficient du droit de ne pas souffrir, lorsqu’ils ont accès à la sédation profonde et aux soins palliatifs, ils renoncent à anticiper leur mort – c’est ce que disent la plupart des médecins.
Enfin, ce qui est dérangeant, M. Bazin l’a dit, c’est qu’on nous annonce déjà d’autres étapes alors même que la législation actuelle n’est pas appliquée, ou partiellement.
Mme Annie Genevard (LR). Dans ce débat sémantique, il n’est évidemment pas seulement question de mots : il s’agit de respecter le principe constitutionnel d’intelligibilité de la loi. D’abord, chers collègues, il faut savoir ce que nous votons.
Ensuite, l’étude d’impact est plus courageuse que la loi elle-même puisque le mot d’euthanasie y est employé à vingt-cinq reprises et ceux de suicide assisté à vingt-huit. Pourquoi ne pas dire clairement de quoi on parle ?
Le Conseil d’État ne vous a pas enjoint d’utiliser les mots que vous avez choisis. Il donne simplement une définition de l’aide à mourir parce que votre texte ne le fait pas. Je vous ai connu plus allants pour vous appuyer sur ses préconisations ou ses déclarations pour modifier les textes !
M. Christophe Bentz (RN). Puisque vous ne nous entendez pas sur la sémantique, faisons un peu de français. Le terme « aide » signifie soulagement, secours, autant de mots qui appartiennent au registre du soin. Une aide ne peut pas consister à administrer une substance létale pour provoquer intentionnellement la mort. L’aide à mourir existe déjà : ce sont les soins palliatifs. Nous vous le répétons, rétablissez la vérité des mots.
M. Fabien Di Filippo (LR). Le débat est tellement complexe et important qu’il mérite de ne pas être euphémisé ou rendu excessivement vague.
Le Président de la République a refusé d’utiliser le terme d’euthanasie parce qu’il ne voulait pas hystériser le débat. L’expression « aide à mourir » – difficile de faire plus vague –peut recouvrir des réalités très différentes, tandis que les termes « euthanasie » et « suicide assisté », débarrassés des connotations historiques que vous leur donnez pour les disqualifier, sont très précis.
L’euthanasie est destinée à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. Elle est pratiquée pour nos animaux de compagnie sans que cela n’émeuve personne. Quant à l’assistance au suicide, elle consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même, en absorbant le produit létal qui lui a été délivré.
Je ne saisis pas la difficulté que poserait l’inscription dans la loi de ces termes précisément définis, sauf à vouloir dissimuler quelque chose.
M. Jean-Pierre Pont (RE). Dura lex, sed lex. C’est ce à quoi je pense en entendant certains collègues vouloir imposer les mots d’« euthanasie » et de « suicide assisté ». Même s’ils ont sémantiquement raison, nous devons penser à ceux qui vont appliquer la loi : soignants, infirmières, médecins. Laissons-les utiliser les termes appropriés. Le malade les comprendra nécessairement puisque c’est lui qui demande à partir, qui demande une aide pour cela. Ne croyez pas que partir soit chose facile : même si l’on souffre, il faut un sacré courage, et on a besoin d’aide. C’est la raison pour laquelle ce mot est important pour moi.
M. René Pilato (LFI - NUPES). La sédation profonde et continue jusqu’au décès suppose l’injection de produits. Nous poussons donc déjà vers la mort des patients parce qu’ils le demandent ou que l’équipe médicale en a pris collégialement la décision.
Vous ne voyez rien d’hypocrite, chers collègues, à employer ces termes de sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Mais lorsqu’il s’agit de la décision libre et éclairée de le faire soi-même, en pleine conscience, pour partir de manière apaisée, vous revendiquez d’y accoler les termes d’« euthanasie » et de « suicide assisté ». Pourtant la notion d’« aide à mourir » couvre ces trois types de mort, de la même manière que les soins d’accompagnement englobent les soins palliatifs. Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de vous en convaincre, sans succès.
Mme Laurence Cristol (RE). Depuis lundi, il est clair que lorsque nous ne sommes pas d’accord, c’est parce que nous ne parlons pas de la même chose. C’est la raison pour laquelle le texte comporte une définition très précise du nouveau droit qu’il ouvre : une aide à mourir pour des personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, qui voient la mort devant eux et souffrent de façon intolérable. Il s’agit de les soulager en les aidant à mourir de façon apaisée et respectueuse.
Je connais le sujet, pour être médecin dans un service de soins de support depuis plus de vingt ans. Grâce au texte, nous allons essayer d’apporter de la paix à des personnes qui ont besoin qu’on les aide à mourir de façon apaisée et respectueuse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1420 de M. Pierre Dharréville
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il y avait pour moi un euphémisme dans l’expression « aide active à mourir ». Le mot « active » a été retiré, en ajoutant encore à mon sens dans l’euphémisme.
Nous devons nommer les choses. Dans mon esprit, il n’y a rien d’infâmant. La société a cessé de déshonorer la personne qui se suicide. Il vaut mieux dire les choses telles qu’elles sont pour qu’elles puissent être appliquées correctement. Il est indispensable de faire un effort d’intelligibilité et de lever les malentendus – et ils sont nombreux dans ce débat.
Certes, le Président de la République a dit qu’il n’aimait pas le mot « euthanasie », mais il me souvient qu’il a aussi dit ne pas aimer le mot « pénibilité »... Ce qu’aime ou pas le Président de la République n’est donc pas un critère pour moi.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Philippe Juvin (LR). Monsieur Pont, vous avez dit que nous avions sémantiquement raison, je le note.
Monsieur Pilato, la sédation profonde, ce n’est pas l’euthanasie. Dire cela, c’est ne pas avoir compris la loi Leonetti.
Madame Cristol, en tant que médecin dans un service de soins de support, vous aidez à mourir, comme tous les soignants d’ailleurs. Ce que propose ce projet de loi, c’est bien autre chose que l’aide à mourir, et il faut définir ce quelque chose.
J’appelle votre attention sur l’obligation constitutionnelle d’intelligibilité de la loi. M. Pont l’a dit, nous avons sémantiquement raison de souligner que l’expression « aide à mourir » ne décrit pas la réalité. L’étude d’impact emploie les mots « euthanasie » et « suicide assisté », la loi ne le fait pas. En refusant de dire les choses, cette dernière présente une faille constitutionnelle.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous sommes le législateur, pas une association de bienfaisance. Lorsque j’entends un collègue dire qu’il faut édulcorer la réalité pour qu’elle soit mieux supportée, je pense qu’il fait fausse route et devrait se consacrer à d’autres fonctions.
Je ne suis pas médecin, je suis avocat. Je sais déjà quels seront les effets d’un défaut de qualification : des contentieux. Immanquablement, tante Geneviève, qui possède plusieurs appartements à Paris, va très bizarrement demander une aide active à mourir ; très rapidement, des intérêts contradictoires vont se manifester et un contentieux s’ensuivra. Que demandera le juge ? Une définition précise. Si la jurisprudence est aussi abondante, les magistrats le disent, c’est parce que la loi est parfois bavarde, mais pas précise. Soyons-le.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Depuis tout à l’heure, j’entends parler de fraternité et de dignité. Mais lorsqu’on répond à la souffrance par la mort, c’est un détournement de la fraternité. Quant à la dignité, les derniers moments d’une vie sont des instants précieux pour celui qui s’en va comme pour celui qui reste. La dignité consiste à pouvoir vivre jusqu’au bout avec le soutien de la famille, des amis, des personnels soignants ou des visiteurs. Il est de notre responsabilité d’accompagner ceux qui vont mourir.
En ce qui concerne la sédation profonde et continue, c’est l’évolution naturelle de la maladie qui mène au décès, pas la sédation. Certains services ont aussi recours à la sédation partielle pour les personnes qui ont peur de mourir et sont stressées.
M. Patrick Hetzel (LR). Vous nous dites que l’avis du Conseil d’État ne pousse pas à faire référence à l’assistance au suicide ni à l’euthanasie. Je me permets de vous en lire un extrait : « Le projet de loi porte sur la fin de vie [...]. Il a pour objet principal de créer une “aide à mourir” entendue comme la légalisation [...] de l’assistance au suicide et, dans l’hypothèse où la personne n’est pas en mesure physiquement de s’administrer elle-même la substance létale, de l’euthanasie à la demande de cette personne. » Les termes sont bien utilisés.
La Constitution impose que la loi soit intelligible. Le projet de loi ne l’étant pas, il y a bien un problème de constitutionnalité qui pourrait être soulevé dans un recours devant le Conseil constitutionnel, et vous le savez.
M. François Gernigon (HOR). Une personne, victime d’un accident, a perdu l’usage de son corps mais a toute sa tête. Si j’ai bien compris, il suffit que cette personne prisonnière de son corps refuse les soins – cela peut être simplement le fait de refuser de s’alimenter, même à la cuillère ou par une sonde – pour être plongée dans une sédation profonde et continue jusqu’à ce qu’elle meure. Je voudrais une définition de cet acte, parce que la finalité reste l’accompagnement de la personne vers la mort.
M. Jean-François Rousset (RE). Sur le terrain, M. Tout-le-monde me dit : « aujourd’hui je vais bien mais quand ça ira mal, quand je serai fatigué, quand mon cancer va me manger, qu’est-ce que votre loi fera pour moi ? » Je lui réponds qu’on va l’aider à mourir, pas qu’on va l’euthanasier ! Ce sont des mots que les gens ne peuvent pas entendre, alors qu’ils comprennent très bien qu’on leur dise que cette loi pourra, si elle est votée, les aider à partir quand ils en auront besoin. Les gens ont besoin d’entendre cela. La loi a un effet placebo : le fait de savoir qu’il sera possible de traiter chaque cas selon des critères bien définis chasse l’inquiétude. Les gens vivent tranquillement en sachant qu’on les aidera à mourir quand il le faudra.
Mme la ministre. Je rappelle un point important : tant pour la sédation profonde et continue que pour l’aide à mourir, le fait générateur est une pathologie. En vertu de l’article 6, celle-ci fait partie des conditions que le corps médical doit examiner pour autoriser ou non une personne à bénéficier de l’aide à mourir. Il est important de souligner combien l’encadrement de la procédure est précis.
S’agissant des contentieux potentiels, le Conseil d’État n’a absolument pas mis en cause l’intelligibilité du projet de loi. Les juges auront à apprécier le respect des conditions d’éligibilité, d’une part, et celui de la procédure d’autre part. À la différence de la loi Claeys-Leonetti, le texte assure une traçabilité du début à la fin de la procédure, qui permet d’établir les responsabilités dans un souci de protection notamment du corps médical – dont je souligne le travail.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre Ier
Définition
Avant l’article 5
Amendement CS1953 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Le projet de loi ne prévoit pas une codification des articles 5 à 17, qui portent sur la définition, les conditions d’accès, la procédure, le contrôle et l’évaluation de l’aide à mourir ainsi que sur la clause de conscience, et cela malgré le caractère permanent de ces dispositions.
Or, comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis du 4 avril dernier, le Conseil constitutionnel juge que la codification tend à faciliter l’accessibilité et l’intelligibilité des règles de droit, qui constituent un objectif à valeur constitutionnelle.
Suivant la recommandation du Conseil d’État et de professeurs de droit que nous avons auditionnés, nous vous proposons de codifier les articles 5 à 17 en créant une nouvelle section dédiée à l’aide à mourir et des sous-sections au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique. Ce chapitre serait désormais intitulé « Information des usagers du système de santé, expression de leur volonté et fin de vie ».
Mme la ministre. Avis favorable.
M. Philippe Juvin (LR). Cet amendement est intéressant en ce qu’il reconnaît la difficulté d’intelligibilité que nous avons soulevée tout à l’heure. Malheureusement il ne la résout nullement : l’ajout des mots « expression de la volonté et fin de vie » dans le titre du chapitre n’indique en aucun cas qu’une procédure particulière permettant d’abréger la vie est créée au sein dudit chapitre. Il enferme le texte dans une inintelligibilité que nous condamnons et qui soulève une difficulté constitutionnelle.
M. Thibault Bazin (LR). Je peine à mesurer l’impact de cet amendement. J’avais compris que les dispositions à venir ne figuraient pas dans le code de la santé publique. Dès lors, pourquoi modifiez-vous le titre du code ? Quelle est la portée de cette modification ?
M. Hervé de Lépinau (RN). L’exposé sommaire contredit les propos, au demeurant novateurs, selon lesquels la loi aurait un effet placebo. Il est écrit que le projet de loi ne prévoit pas en l’état actuel une codification des articles 5 à 17, qui portent sur la définition, les conditions d’accès, la procédure, le contrôle et l’évaluation de l’aide à mourir. On est très loin de l’effet placebo.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je suis un peu embarrassé par cet amendement parce que plusieurs dispositions du titre II ne relèvent pas de la santé publique. Je comprends votre intention, madame la rapporteure, mais est-il bien raisonnable de modifier l’intitulé du chapitre du code ? Cela mérite plus ample réflexion de ma part.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Cet amendement en appellera d’autres toujours liés à la codification. En la matière, nous avons suivi la préconisation du Conseil d’État ainsi que de personnes auditionnées.
Par ailleurs, il n’a jamais été question d’une loi placebo. Quant à l’intelligibilité, le Gouvernement a eu justement le souci de présenter un texte explicite. J’ai estimé pour ma part qu’il était nécessaire d’inscrire dans le code de la santé publique les dispositions que nous allons voter dans les articles qui vont suivre.
Mme la ministre. Le Conseil d’État a recommandé la codification. Nous y faisons droit dans un souci de lisibilité et d’accessibilité pour nos concitoyens, à l’instar de ce qui a prévalu pour la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse ou la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 : Définition de l’aide à mourir
Amendements de suppression CS97 de M. Thibault Bazin, CS183 de M. Philippe Juvin, CS288 de Mme Christine Loir, CS354 de M. Patrick Hetzel, CS548 de Mme Annie Genevard, CS827 de Mme Lisette Pollet, CS1272 de M. Benoit Mournet et CS1423 de M. Pierre Dharréville
M. Thibault Bazin (LR). L’article 5 me laisse dubitatif. Ne risque-t-il pas de contrarier la réalisation de l’objectif du titre Ier de renforcer les soins d’accompagnement ? Une analyse empirique publiée en 2020 montre en effet que les soins palliatifs ont stagné, voire régressé dans les pays où le suicide assisté ou l’euthanasie ont été autorisés.
Lors de son audition par la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, Annabel Desgrées du Loû disait ceci : « Faire avancer vraiment l’accompagnement de la fin de vie pour tout le monde, et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs, va prendre énormément de temps, d’argent, de volonté. [...] Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. »
Alors que l’accès aux soins palliatifs ne sera pas garanti à court terme sur l’ensemble du territoire, n’y a-t-il pas un risque à appliquer l’article 5 avant que les dispositions du titre Ier soient concrétisées ? La stratégie décennale montre que le choix peut être biaisé.
M. Philippe Juvin (LR). Je tiens d’abord à soulever un point de principe : un État ne peut pas mettre en place un système qui donne volontairement la mort à l’un de ses membres. Ma deuxième remarque est d’ordre constitutionnel. Le Président de la République a insisté sur la valeur fraternité pour justifier la loi, et il est vrai que la fraternité est fondamentale envers les patients en fin de vie. Mais quelle fraternité y a-t-il à organiser la mort de l’un de nos concitoyens ? L’étude de la jurisprudence du Conseil constitutionnel révèle que nous sommes en désaccord sur la définition même de la fraternité.
Mme Christine Loir (RN). Outre la manipulation des mots que nous ne cessons de condamner, nous considérons qu’autoriser l’euthanasie et le suicide assisté ouvrirait la voie à des abus et à des dérives. Cette crainte est légitime et les soignants la partagent. Chez nos voisins, la légalisation de l’euthanasie s’est malheureusement toujours accompagnée d’une extension de son champ d’application. Les garde-fous sautent peu à peu : en Belgique, elle est ouverte aux mineurs ; au Canada, aux personnes atteintes de maladies mentales ; aux Pays‑Bas, une jeune femme de 28 ans a programmé sa mort pour dépression en ce mois de mai. Écarter cette pratique, c’est réduire le risque d’exploitation des personnes fragiles et vulnérables. Il nous faut renforcer et améliorer les soins palliatifs et l’accompagnement dans notre pays. Là est l’urgence.
M. Patrick Hetzel (LR). Madame la ministre, pouvez-vous expliquer pourquoi les articles 5 à 19 n’ont pas été codifiés dans le code de la santé publique ? Deuxièmement, à la fin de l’article 5, il est écrit : « L’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal. » N’aurait-il pas été plus logique d’introduire une exception à l’homicide volontaire à l’article 221-1 du code pénal ?
Ces étrangetés dans le fondement juridique du texte nous ramènent à son intelligibilité. Vous modifiez le code de la santé publique alors que la mesure émane du ministère de la santé, vous touchez au code pénal sans que la Chancellerie ait donné son avis, vous le faites dans un autre article que celui qui concerne l’homicide volontaire. Vous allez vers une évolution juridique qui constitue de surcroît une rupture anthropologique.
Mme Annie Genevard (LR). L’article 5 est le cœur du projet de loi. Il est normal que nous y passions du temps, car c’est là que se concentre la réalité du texte. Pour ma part, je demande sa suppression car je suis fondamentalement hostile à l’euthanasie et au suicide assisté. Tous les arguments invoqués en leur faveur appellent des contre-arguments.
La loi serait la conquête d’un droit nouveau, et même un acte de fraternité ? Mais il y a un fait troublant, c’est qu’une personne renonce à mourir quand on répond à ses problèmes de douleur et d’isolement. N’est-ce pas là que devrait se concentrer le soin ?
Le texte couvrirait des cas qui échappent à la loi Claeys-Leonetti ? Mais il ne répondra pas non plus à toutes les situations.
Ce droit serait strictement circonscrit ? Pourtant, dans tous les pays où il a été introduit, il a appelé un élargissement.
Enfin, une telle loi n’entraînerait aucun effet de contagion ? Mais au Canada, en huit ans, la demande d’euthanasie et de suicide assisté a connu une croissance exponentielle.
Tout cela ne peut pas ne pas nous faire réfléchir.
Mme Lisette Pollet (RN). L’article 5 définit l’aide à mourir, un euphémisme qui ne masque pas le contenu réel du texte : le suicide assisté et l’euthanasie. Bien nommer les choses est essentiel à la bonne compréhension de la loi, et il ne faut pas atténuer la réalité des actes qui seront pratiqués. Rappelons que les lois belge, espagnole, hollandaise et luxembourgeoise emploient les mots d’euthanasie et de suicide assisté.
Autoriser l’euthanasie, c’est rompre le lien de confiance entre le patient et les soignants et transgresser l’interdit fondateur de notre civilisation, qui est de ne pas provoquer la mort. La priorité est au développement des soins palliatifs sur tout le territoire. Demander à une personne volontaire d’administrer la substance létale est inconséquent et montre une désinvolture surprenante. Quid des conflits d’intérêts, des potentielles divisions des familles, des traumatismes personnels qui pourraient s’ensuivre ? Pour ces raisons, mon amendement vise à supprimer la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie.
M. Benoit Mournet (RE). Mon amendement ne vise pas à tuer le débat, car deux humanismes s’affrontent autour de cet article, et j’ai le plus grand respect pour l’avis de chacun. Toutefois, je tiens à exprimer les trois raisons de ma réserve concernant l’aide à mourir.
Premièrement, même si je salue l’existence de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, sur les 400 000 personnes qui en ont besoin, seules 200 000 accèdent aux soins palliatifs. Je crains que l’aide à mourir ne devienne un palliatif aux soins palliatifs.
Deuxièmement, les soignants en soins palliatifs, à quelques exceptions près, vivent cette disposition comme une négation de leur travail d’accompagnement. Nous discuterons plus loin des conditions d’accès à l’aide à mourir, mais je considère que le passage par les soins palliatifs doit être un préalable.
Enfin, l’éthique commence où le droit s’arrête. Le projet de loi légifère sur des pratiques existantes, mais je ne suis pas sûr qu’il change la donne. La semaine dernière, le président de l’ADMD m’a fait rencontrer, dans un Ehpad, des personnes souhaitant bénéficier de l’aide à mourir : le texte ne répond malheureusement pas à leurs préoccupations. Soit il va trop loin, soit il ne va pas assez loin.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le Conseil d’État considère que l’introduction de l’horizon à moyen terme constitue « une rupture par rapport à la législation en vigueur, d’une part, en inscrivant la fin de vie dans un horizon qui n’est plus celui de la mort imminente ou prochaine et, d’autre part, en autorisant, pour la première fois, un acte ayant pour intention de donner la mort ». Tout cela va perturber l’éthique du soin et de la médecine et, potentiellement, la relation de confiance entre les soignants et les patients.
Deux logiques incompatibles s’affrontent. L’étude Jones-Paton de 2015 montre que la légalisation de la mort provoquée n’a pas diminué le nombre de suicides non assistés, plutôt le contraire. Ce texte de loi est un problème au moment où les soins palliatifs sont en situation d’insuffisance criante, où l’hôpital connaît une crise profonde et durable, où le droit à la retraite a été abîmé, où les pénuries de médicaments, y compris pour soulager la douleur, perdurent. Alors que le traumatisme de la pandémie a laissé pour trace une crise sociale profonde, il sera bientôt plus rapide d’obtenir un produit létal que de décrocher un rendez-vous dans un centre antidouleur.
Je crains que cette loi ne crée sa propre dynamique en ouvrant l’éventail des cas plus largement que ne l’avait prévu le CCNE, avec le risque que de nombreuses personnes mettent fin à leur existence de manière prématurée. Je crois que le droit a une fonction sociale, que la société doit être du côté du droit à vivre, du désir de vivre, et que la loi doit protéger. Ce n’est pas le cas de cet article.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. La suppression de l’article 5 couperait court à tout débat et viderait le projet de loi de son sens. Je rappelle qu’il s’appuie sur les travaux de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti et sur l’avis 139 du CCNE, selon lequel « il existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir », dans certaines conditions très précises. Ce serait aussi faire l’impasse sur les travaux des 184 membres de la Convention citoyenne et sur la qualité du travail du Conseil économique, social et environnemental, qui a accompagné ces citoyens bénévoles dans un cheminement qui les a menés à des conclusions à la fois modérées, pertinentes et tolérantes.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Je veux répondre à plusieurs des arguments qui ont été soulevés.
Tout d’abord, la CEDH a reconnu, dans l’arrêt Mortier contre Belgique de 2022, la possibilité, pour un État, de mettre en place un dispositif d’aide à mourir.
Deuxièmement, le titre II sera codifié par d’autres amendements ; cela fait partie des travaux que nous avons menés avec les rapporteurs, que je remercie pour leur engagement.
Troisièmement, l’aide à mourir constituera une cause d’irresponsabilité pénale – ce que l’on appelle un fait justificatif – pour les professionnels de santé et les personnes qui agiront en respectant les conditions posées par la loi. Je rappelle que le code pénal définit le meurtre comme le fait de donner volontairement la mort à autrui, l’assassinat comme un meurtre commis avec préméditation ou guet-apens et l’empoisonnement comme le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort, mais qu’il énonce au premier alinéa de son article 122-4 que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives et réglementaires ». L’aide à mourir, autorisée et encadrée par la loi, n’entraînera donc pas de poursuites pénales.
Enfin, l’aide à mourir reposera sur les conditions définies à l’article 6, lesquelles sont validées par une expertise médicale ; on ne pourra pas y accéder de son propre gré. D’autre part, si l’aide à mourir peut avoir lieu dans un Ehpad, le fait d’être dans un Ehpad ne génère pas le droit à en bénéficier. Nous parlons d’une pathologie, non d’un état civil.
M. Julien Odoul (RN). Je tiens à rappeler que les quelques citoyens de la Convention citoyenne n’ont aucune légitimité démocratique. Ce n’est pas parce qu’ils ont été tirés au sort que leur avis est inspiré par le Saint-Esprit.
L’humanité est complexe, pour le meilleur et pour le pire. C’est pourquoi la loi doit être la plus précise possible. L’article 5 est potentiellement source de graves dérives car il n’est pas intelligible par nos concitoyens – il n’y a pas que le Conseil d’État qui doive le comprendre. En n’identifiant pas clairement l’acte qui leur sera demandé, il n’apporte une protection ni aux soignants, ni aux patients et aux familles.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). L’ancien ministre Jean Leonetti a eu une phrase très belle : « La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. » Le projet de loi change clairement de paradigme. Au lieu de prendre le problème des soins palliatifs à bras‑le‑corps pour permettre à chacun de mourir dignement et sans souffrance, on veut légaliser le suicide assisté et l’euthanasie dans un texte qui, en associant cyniquement les trois sujets, prend en otage ces soins palliatifs. Je considère qu’une société qui fait cohabiter les soins palliatifs avec le suicide assisté et l’euthanasie est une société malade. Il y a un réel antagonisme entre une société qui cherche à supprimer la souffrance et une société qui cherche à supprimer la personne qui souffre.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous défendons ardemment cet article 5. Il est temps de sortir de l’hypocrisie : la loi Claeys-Leonetti accorde le droit au laisser-mourir, pas une aide à mourir. Ne croyez pas que les souffrances soient toutes effacées. Les auditions ont fait entendre des témoignages terribles : on cesse de vous hydrater et de vous alimenter pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines... La personne qui choisira l’aide à mourir par l’administration d’un produit létal aura la possibilité de choisir une autre fin pour sa vie. Quel soulagement pour les angoisses des personnes dont le pronostic vital est engagé ! Beaucoup seront soulagées de savoir qu’elles ont ce droit, sans forcément en user. En cela, l’article 5 est humaniste et fraternel.
M. Thomas Ménagé (RN). À titre personnel, je voterai contre les amendements de suppression. Je suis favorable à la loi, car c’est un sujet sur lequel les Français nous attendent. Cependant, ce que je viens d’entendre me choque, et je ne peux pas laisser nos collègues insinuer que les soignants laisseraient des patients mourir de faim dans des douleurs atroces. La loi Claeys-Leonetti, même si elle ne couvre pas l’ensemble des cas, répond à un grand nombre de situations.
Pour le reste, je suis ouvert au débat. J’ai une ligne rouge claire concernant la collégialité et des doutes concernant les souffrances psychologiques liées à l’affection – si l’on m’annonçait aujourd’hui que je suis condamné, j’aurais certainement des souffrances psychologiques. Je serai également attentif à la nécessité de garantir un accès effectif aux soins palliatifs pour éviter que l’aide à mourir soit un palliatif à leur absence. Madame la ministre, pouvez-vous nous donner la liste des unités de soins palliatifs qui seront ouvertes, département par département, en indiquant leur date d’ouverture et le nombre de lits ? Avec le recours l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, nous n’avons aucune certitude.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Certains collègues ont évoqué un risque de dérive. Or c’est précisément en l’absence de loi que surviennent les dérives, lorsque les pratiques sont clandestines et hors de contrôle.
Il ne s’agit pas de tuer, mais de permettre à des personnes en fin de vie, condamnées par la médecine, d’entrer dignement dans la mort selon leur volonté et en fonction de leur capacité à supporter la souffrance, en choisissant à quel moment elle aura lieu et auprès de qui. La loi n’abandonne pas la prévention du suicide et elle n’ouvre pas l’aide à mourir aux personnes dont l’envie de suicide est la manifestation d’un syndrome anxiodépressif. Elle accepte la possibilité de souffrances psychologiques insupportables, à condition qu’elles soient provoquées par une pathologie qui engage le pronostic vital.
L’aide à mourir n’est pas contradictoire avec le respect de la vie. La France insoumise continue de batailler pour une vie digne en défendant l’accès aux soins et aux droits, la hausse des salaires et les minima sociaux.
Mme Frédérique Meunier (LR). De quel droit peut-on refuser à une personne en situation de souffrance extrême, atteinte d’une maladie grave et incurable, le droit à mourir ? Je ne comprends pas qu’on veuille supprimer l’article 5, qu’on veuille obliger ces personnes à continuer de vivre pour satisfaire ses propres convictions. Ce n’est pas votre choix, c’est le choix de la personne qui vit cette souffrance !
De grâce, laissons l’idée d’aide à mourir dans le texte : si le mot « euthanasie » était employé, les auteurs de ces amendements se jetteraient sur l’occasion de faire des rappels à l’histoire et nous accuser de vouloir assassiner des gens ! Je voterai contre ces amendements.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Sans surprise, nous voterons contre ces amendements. Toutefois, puisque les Pays-Bas ont été cités à plusieurs reprises comme exemple de graves dérives, y compris avec le cas d’une patiente de 28 ans atteinte de graves troubles psychiatriques, je tiens à rappeler que l’euthanasie y est encadrée par des médecins et validée à plusieurs reprises, y compris pour les troubles psychiatriques, et que ces derniers représentent en réalité une infime partie des cas, la majorité étant dus à des cancers en phase terminale. Les Pays-Bas ont plus de vingt-cinq ans de recul sur le soulagement que l’euthanasie peut apporter aux personnes qui souffrent de manière irrémédiable et à leurs proches. Il n’y a pas de dérive, c’est un argument que l’on emploie pour faire peur.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Notre groupe s’opposera fermement à ces amendements de suppression. On oppose systématiquement l’aide à mourir aux soins palliatifs. Pourtant, une prise en charge palliative de qualité ne conduit pas toujours à l’effacement du désir de mourir : une récente étude du CCNE, conduite sur le fondement de plus de 2 000 dossiers médicaux de patients admis en service de soins palliatifs, fait état de 9 % de patients qui expriment un souhait de mourir et de 3 % qui demandent une euthanasie. En audition, le docteur Michèle Lévy-Soussan, qui a été responsable d’une unité de soins palliatifs pendant vingt-cinq ans, nous a expliqué comment sa réflexion avait cheminé sur le sujet. Par ailleurs, on ne peut pas faire fi du vote de la Convention citoyenne, dont les membres se sont prononcés à 76 % en faveur des propositions du titre II.
M. Laurent Panifous (LIOT). Je crois profondément en la science, mais il existe des souffrances que l’on ne sait soulager et je considère qu’il faut accepter les limites de la médecine. De ce point de vue, le projet de loi est un texte d’humilité, mais aussi un texte d’humanité, puisque nous cesserons enfin de laisser les personnes seules face à leur souffrance. Il représente donc un progrès majeur. Je voterai contre la suppression de l’article 5.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). La question n’est pas de savoir si la sédation profonde jusqu’à la mort prévue par la loi Claeys-Leonetti est suffisante, mais celle de la nature même de l’aide à mourir. Est-ce un soin ou un droit ? Chacun s’est exprimé sur le sujet, tantôt en parlant de soin, tantôt en parlant de droit, mais la question n’est pas abordée dans le texte. Si c’est un soin, est-ce un soin comme les autres ou un soin ultime, auquel on ne recourt que quand les soins palliatifs ne sont plus efficaces ? Si c’est un droit, les personnes éligibles pourront décider d’y recourir sans rien enlever à ceux qui sont contre. Il serait bon de clarifier cette question.
Mme Anne Bergantz (Dem). On entend souvent dire, pour s’opposer à l’aide à mourir, que les soins palliatifs répondent à toutes les souffrances. Bien sûr, grâce au travail remarquable des soignants et des bénévoles, les soins palliatifs apaisent les souffrances et il y a des personnes qui arrêtent d’exprimer leur envie de mourir quelques heures ou quelques jours après avoir commencé ces soins. C’est tant mieux. Mais, si l’immense majorité des malades atteints d’une maladie grave veulent vivre, ce n’est pas le cas de tous, les unités de soins palliatifs elles-mêmes le disent. Cette demande doit être d’autant plus entendue qu’elle est rare, et ce n’est pas parce qu’elle est rare qu’elle ne doit pas être entendue.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS169 et CS170 de Mme Emmanuelle Ménard et amendement CS355 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
Mme Emmanuelle Ménard (NI). J’ai déposé ces deux amendements de repli qui disent clairement les choses, d’une part en nommant l’euthanasie comme telle, d’autre part en précisant qu’il s’agit d’une procédure et non d’un acte médical. Il s’agit de donner intentionnellement la mort à une personne qui la demande ; cela requiert une intervention humaine, en rupture avec le développement naturel d’une maladie qui pourrait conduire à la mort. Et, pour compléter ma citation de tout à l’heure, Didier Sicard, l’ancien président du CCNE, disait de ce projet de loi : « Ne pas parler expressément d’euthanasie ou de suicide assisté pour éviter des mots lourdement chargés ne peut être que la source de conflits incessants. »
M. Patrick Hetzel (LR). Je propose une rédaction inspirée de la définition du suicide assisté de l’Académie suisse des sciences médicales, laquelle a été consultée en amont de la rédaction de la loi suisse : « L’assistance au suicide est l’acte accompli dans l’intention de permettre à une personne capable de discernement de mettre fin à ses jours, après la prescription de médicaments par un médecin à des fins de suicide. »
Puisque nous évoquions des exemples étrangers, je signale que certains acteurs qui étaient intervenus aux Pays-Bas sont revenus sur leurs pratiques et que la Belgique vient d’être condamnée par la CEDH pour un manque de contrôle, notamment pour non-respect des procédures et défaillance dans la détermination du clair consentement du patient. Les risques de dérive sont importants. Je ne les citerai pas toutes mais en Belgique, où il y a eu à la fois un effet de cliquet et un effet domino, il a fallu réécrire la loi à dix-neuf reprises pour des raisons d’intelligibilité.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
M. le rapporteur général. Je remercie notre collègue qui, en évoquant l’arrêt Mortier contre Belgique, me permet de rappeler que cet arrêt a représenté une avancée très importante en jugeant que la loi sur l’euthanasie en Belgique était parfaitement conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.
Mme la ministre. J’ajoute que l’une des différences de notre texte avec la loi Claeys-Leonetti tient au système d’information qui permet une traçabilité du début à la fin de la procédure.
M. Philippe Juvin (LR). Nous avons appelé à plusieurs reprises l’attention de la commission sur le risque d’inconstitutionnalité de ce texte qui n’utilise pas les bons mots. Vous ne pouvez pas vous référer à l’arrêt Mortier, qui utilise le mot « euthanasie » 345 fois dans son attendu, pour un texte qui ne le dit pas une seule fois ! De même, la Convention citoyenne, à laquelle vous vous référez souvent, a conclu à la nécessité d’instituer « le suicide assisté et l’euthanasie ». Nous répétons que l’absence de ces termes pose un problème constitutionnel.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le premier amendement évoque des souffrances insupportables. Il n’est pas normal que des gens souffrent seuls en 2024, mais il faut savoir que la sédation profonde et continue sert à cela. On diminue la douleur en endormant le patient. Je rappelle aussi que les besoins d’hydratation et de nutrition sont diminués du fait de la perte des sensations de faim et de soif chez les personnes en fin de vie. C’est une hypocrisie de dire que la personne décède faute d’hydratation et de nutrition : on lui apporte un confort, et la survenue du décès est due à l’évolution naturelle de la maladie.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’article 5 consacre une rupture anthropologique. Les amendements de Mme Ménard définissent l’euthanasie comme le fait de provoquer intentionnellement la mort d’un patient ; l’article 5 prévoit donc la dépénalisation d’un homicide. C’est un monstre juridique. Vous avez beau invoquer des garde-fous, il est peu probable que nous en restions là : un effet de cliquet se sera produit. Dans une tribune parue dans Le Monde, Theo Boer, initiateur de l’euthanasie aux Pays-Bas, nous avertit de nous garder de commettre les mêmes erreurs qu’eux !
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La question de Mme K/Bidi mérite une réponse : s’agit-il de créer un nouveau soin, ou un nouveau droit ? Les implications ne sont pas les mêmes, alors quelle est votre intention réelle ? Le projet de loi semble plutôt verser dans le second registre que dans le premier.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Certains amendements emploient l’expression « suicide assisté » : il faut la bannir du texte. Ne laissons pas croire que l’aide à mourir pourra être utilisée par tous ceux qui souhaiteraient mettre fin à leurs jours. Elle devra répondre à des conditions médicales bien précises.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Quelles sont ces fameuses dérives des Pays-Bas, qu’on n’explicite jamais ? Soyons précis. Theo Boer, dont on parle souvent, n’a pas été à l’initiative de la loi néerlandaise, mais a fait partie d’un comité gouvernemental de contrôle de l’euthanasie. Il est de confession protestante, ce qui influe sur son avis.
Dans ce pays comme ailleurs, la population vieillit et les pathologies incurables ou graves se multiplient. C’est ce qui explique l’augmentation du nombre d’euthanasies. L’ancien Premier ministre des Pays-Bas, un chrétien-démocrate initialement opposé à la loi sur l’euthanasie, vient finalement d’y avoir recours avec sa femme ; tous deux étaient malades. Les mentalités évoluent. Quand on vieillit, qu’on est confronté à une maladie incurable, qu’on perd ses capacités et que la fin de vie se profile inéluctablement, on perçoit les choses autrement ; on peut faire le choix libre et éclairé de mettre fin à ses jours. Ce n’est pas une dérive, mais une belle évolution.
Mme Annie Vidal (RE). Depuis le début on nous dit que l’aide à mourir ne concerne que des malades, en aucun cas les personnes âgées, et voilà qu’on entend que ce sera une évolution naturelle ? Que, quand on est vieux et malade, on peut faire ce choix ?
J’ai posé plusieurs fois la question en audition : quand on a 92 ou 95 ans et qu’on présente des pathologies multiples, le pronostic vital à moyen terme est-il engagé ? Je n’ai pas obtenu de réponse.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Selon vous, madame la ministre, quel est le périmètre de l’aide à mourir ? Parlons-nous de quelques centaines de cas qui emportent la compassion de la société, ou d’un droit qui pourrait finir par représenter, comme en Belgique ou en Suisse, 2,5 % des décès ? Rapporté à la France, cela représenterait 15 000 cas par an.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Voyons ce qu’il en est dans les pays qui ont instauré un tel dispositif. En Belgique, le Centre de prévention du suicide n’a pas constaté d’évolution du taux de suicides depuis qu’existe l’aide à mourir. Les deux phénomènes ne concernent donc pas les mêmes personnes. Selon une étude canadienne de 2020 couvrant la période 2016-2018, les personnes qui recourent à l’aide à mourir sont plus fortunées que la moyenne, plus souvent mariées, et essentiellement atteintes d’un cancer. Cela ne correspond pas au profil des personnes vulnérables et isolées. Et une étude de 2022 croisant les données des États de Washington, de l’Oregon, du Montana et du Vermont ainsi que de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas conclut à l’absence totale de corrélation entre le taux de suicides dans la population générale et les dispositifs d’aide à mourir.
M. Didier Martin (RE). En 2018, dix-huit ans après la légalisation, les Pays-Bas ont recensé quelque 6 150 euthanasies, soit 3,8 % des décès. Ce ratio appliqué à la France donnerait, dans dix-huit ans, si le projet de loi est voté, quelque 24 000 personnes recourant à l’aide à mourir.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’aide à mourir est un droit que nous proposons, auquel le patient peut renoncer. Cette liberté lui est offerte de façon encadrée, sécurisée, accompagnée et tracée. Une étude menée en Oregon montre qu’au moins un quart des personnes renoncent à l’aide à mourir : c’est une donnée intéressante. Enfin, nous ne disposons d’aucune base pour établir le moindre début de statistiques concernant l’aide à mourir en France.
Mme la ministre. S’agissant de l’arrêt Mortier, la Belgique a été condamnée par la CEDH car les garanties d’indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie ont été jugées insuffisantes : cette commission comptait un médecin qui avait pratiqué l’aide à mourir.
L’aide à mourir est-elle un droit ou un soin ? Nous l’envisageons comme un droit ouvert sous conditions, dans un contexte déterminé. Nous examinerons ces conditions à l’article 6.
J’en viens aux Ehpad. Si le patient considère qu’il remplit les conditions précitées, il demandera à bénéficier de l’aide à mourir. Il se verra d’abord proposer des soins palliatifs. Il passera ensuite un examen médical qui le déclarera éligible ou non à l’aide à mourir. S’il l’est, il pourra en bénéficier, dans un Ehpad comme ailleurs, mais rien ne dit qu’il exercera effectivement ce droit.
Pour ce qui est du périmètre de l’aide à mourir, notre approche est compassionnelle, monsieur Isaac-Sibille. La construction du texte le montre bien. Le titre I er vise à renforcer les soins palliatifs. Comme vous en effet, j’ai rencontré des patients dans des unités de soins palliatifs et beaucoup m’ont confié qu’ils avaient changé d’avis entre l’annonce du diagnostic et leur prise en charge dans ces unités. Certains se satisfont de cette vie dans laquelle ils se sentent accompagnés et entourés, d’autres pas. Cette liberté individuelle est capitale, dès lors qu’elle est précisément encadrée. Enfin, je le répète, personne ne peut savoir si un patient qui demande à bénéficier de l’aide à mourir – perçue comme une « assurance », pour reprendre le terme de l’un d’entre vous – utilisera in fine ce droit. C’est pourquoi il n’est pas possible de faire de statistiques en la matière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1954 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et CS1736 de M. Nicolas Turquois (discussion commune)
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Comme tout à l’heure, je vous propose une codification de l’article 5. J’invite M. Turquois à retirer son amendement, qui me paraît moins complet que le mien.
Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement CS1736 partage en effet les mêmes objectifs que le vôtre, mais est peut-être moins abouti. Je le retire.
Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement de la rapporteure.
M. Patrick Hetzel (LR). L’aide à mourir n’est pas un acte thérapeutique, mais une interruption des soins. Ce que vous voudriez inscrire dans le code de la santé publique est en complète contradiction avec le reste de ses dispositions, dont l’article L. 1110-5 qui définit les thérapies médicales comme « les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ».
M. Yannick Neuder (LR). Soupesons les bénéfices et les risques. L’étude d’impact évoque une centaine de patients potentiellement concernés chaque année. Certes, il est difficile de prévoir les dernières volontés des malades ; mais sachant que les suicides assistés représentent 3,8 % à 4 % des décès en Belgique et aux Pays-Bas, on peut estimer qu’à terme, ils concerneront 25 000 personnes par an en France, sur 660 000 décès annuels. Dans cette fourchette, où vous situez-vous ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je suis un peu ennuyée. J’ai la ferme conviction que l’aide à mourir n’est pas un soin, mais un droit encadré, sous conditions. Il serait donc paradoxal de l’inscrire dans le code de la santé publique, sans compter la symbolique négative que cela revêtirait.
Mme la ministre. Comparons ce qui est comparable. En Belgique et en Espagne, les conditions du recours à l’aide à mourir sont plus larges que celles que nous proposons. C’est pourquoi il est difficile d’avancer des prévisions chiffrées. Je me rapproche plutôt de la logique de l’Oregon, où le nombre de cas est beaucoup plus restreint.
Par ailleurs, c’est le Conseil d’État qui a recommandé de codifier ce droit pour le rendre plus accessible – il en fut de même pour l’interruption volontaire de grossesse.
L’amendement CS1736 étant retiré, la commission adopte l’amendement CS1954.
Amendement CS648 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Dès lors que l’aide à mourir est un droit, il faut l’indiquer clairement dans le texte, de sorte que toute personne puisse y recourir lorsque sa situation devient insoutenable. Il importe également de renforcer la prise en compte du choix du patient. Tel est l’objet de cet amendement, qui s’inspire de la proposition de loi de la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie visant à établir le droit à mourir dans la dignité, et de celle d’Olivier Falorni donnant le droit à une fin de vie libre et choisie.
Dans la préconisation 11 de son rapport « Fin de vie : faire évoluer la loi ? », le Conseil économique, social et environnemental « préconise, au nom du principe de liberté individuelle, de garantir solidairement le droit pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, en état de souffrance physique ou psychique insupportable et inapaisable, de demander l’aide active à mourir ». Nous proposons donc d’ajouter la mention suivante avant l’alinéa 1er : « Toute personne qui répond aux conditions de l’article 6 peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d’une aide à mourir. »
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Votre amendement me semble satisfait par les articles 5 et 6, qui définissent l’aide à mourir et ses conditions d’accès. Je vous demande de le retirer.
Mme la ministre. Je partage cet avis.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je lis dans l’article 5 que « l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale ». Pour moi, cela n’équivaut pas à l’ouverture d’un droit.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Tels que sont rédigés les articles 5 et 6, il n’y aura aucun doute possible.
Mme la ministre. La formulation que vous proposez, lue à la lumière de votre exposé sommaire, appuie l’intention du projet de loi : créer un cadre permettant à toute personne remplissant les conditions fixées à l’article 6 d’accéder à un accompagnement et à une aide à mourir. L’amendement est donc satisfait.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je le retire ; nous le retravaillerons pour la séance.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques CS37 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1425 de M. Pierre Dharréville
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de supprimer les dispositions relatives à l’aide à mourir.
Nous nous éloignons manifestement de l’enjeu initial : il ne s’agit plus de traiter quelques cas isolés, mais d’établir un droit plus large. Je n’y suis pas favorable. Le fait d’institutionnaliser cette possibilité aura des effets sociaux problématiques. Cela constitue une rupture éthique, sociale et culturelle que je ne souhaite pas accompagner.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Ces amendements reviennent à supprimer l’article 5. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Thibault Bazin (LR). Je soutiens ces amendements, rendus d’autant plus pertinents par la codification opérée par la rapporteure.
Le Conseil d’État est plus prudent que vous ne le dites, madame la ministre. Dans son avis relatif au projet de loi, il appelle « l’attention du Gouvernement sur l’opportunité de procéder à la codification » et « estime » que cela pourrait figurer dans telle partie du code. Il précise : « Le Conseil d’État n’a toutefois pas été en mesure d’y procéder en raison du délai qui lui a été imparti pour examiner ce projet, particulièrement court au demeurant au regard des enjeux et des difficultés constitutionnelles ou conventionnelles qu’il soulève. » Quelles sont ces difficultés induites par la codification, et comment y répondrez-vous ?
M. Philippe Juvin (LR). Je soutiens aussi les amendements.
Une question demeure : combien de personnes recourront à l’aide à mourir ? À l’issue des auditions, j’en estimais le nombre à une centaine mais si l’on se rapproche de l’Oregon, comme l’envisage Mme la ministre, 4 000 personnes pourraient être concernées en France. Il est important de nous éclairer sur ce sujet.
M. Christophe Bentz (RN). Nous soutenons ces amendements. Lorsqu’un patient souffre trop, c’est la douleur qui doit s’arrêter, pas la vie. La réponse réside dans les soins palliatifs, certainement pas dans le suicide assisté et l’euthanasie. Les légaliser serait un renoncement. Ce serait aussi le reflet de votre échec à développer les soins palliatifs.
Mme Cécile Rilhac (RE). L’aide à mourir, telle que l’article 5 la définit, ne signifie pas provoquer la mort. Les personnes qui y recourront seront frappées par une maladie incurable face à laquelle les soins ne pourront plus rien. L’aide à mourir ne provoquera donc pas des morts supplémentaires, elle accompagnera la fin de vie dans des conditions que le patient aura choisies en son âme et conscience. Pour ces raisons, je m’oppose à ces amendements.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Il me semble que certains collègues ne cherchent pas à se mettre à la place des personnes concernées. L’envie de mourir n’est pas une lubie qui vous prend un beau matin. Il s’agit de personnes qui subissent des souffrances et dont le parcours de soins connaît des échecs ; on leur a parfois annoncé qu’aucun soin ne pourrait plus soulager leur maladie et leurs douleurs. Le patient doit avoir le choix. Il doit pouvoir opter pour les soins palliatifs, ce qui implique de les rendre plus accessibles, mais il doit aussi pouvoir décider d’être acteur de sa mort. Ce sont deux choses différentes.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Le périmètre de la loi sera circonscrit. Il est difficile d’évaluer le nombre de personnes concernées, mais les dispositions envisagées ne préfigurent pas une augmentation exponentielle des cas : ils resteront contenus et il n’y a pas lieu de craindre une dérive. C’est la différence entre le dispositif de l’Oregon, où le nombre de cas est stable d’année en année, et celui du Québec où il augmente.
Mme la ministre. Vous avez donné une lecture rapide de l’avis du Conseil d’État, monsieur Bazin. Relisons-le plus attentivement : « Le Conseil d’État n’a toutefois pas été en mesure d’y procéder en raison du délai qui lui a été imparti pour examiner ce projet, particulièrement court au demeurant au regard des enjeux et des difficultés constitutionnelles ou conventionnelles qu’il soulève. » C’est bien le projet de loi, au masculin, qui soulève ces difficultés, et non la codification...
La commission rejette les amendements
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8. Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 15 (article 5 [suite])
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([9]).
Article 5 (suite) : Définition et conditions d’accès de l’aide à mourir
Amendements CS34 de Mme Emmanuelle Ménard, CS649 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS1019 de M. Thibault Bazin, CS1422 de M. Pierre Dharréville et CS948 de Mme Mireille Clapot (discussion commune)
Mme Emmanuelle Ménard (NI). La rédaction actuelle de l’alinéa 1 prête à confusion. C’est regrettable, dans la mesure où c’est sur l’article 5 que repose le dispositif. La notion d’aide à mourir désigne deux réalités bien différentes : le suicide assisté d’une part, l’euthanasie d’autre part. Pourquoi ne sont-elles pas explicitées ici ? Nous devrions avoir le courage de nommer la réalité telle qu’elle est et non telle que nous voudrions qu’elle soit.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous proposons une réécriture de l’alinéa 1 qui ne hiérarchise pas les modalités d’administration de la substance létale – suicide assisté et euthanasie – et qui exclue l’intervention d’une tierce personne volontaire. L’alinéa serait ainsi rédigé : « L’aide à mourir signifie la prescription et l’assistance à l’administration d’une substance létale à une personne qui en exprime la demande par un médecin ou un infirmier, dans les conditions déterminées au titre II de la présente loi. »
M. Thibault Bazin (LR). Vous avez dit, madame la ministre, que le dispositif proposé se rapproche de ce qui a été mis en place dans l’Oregon. Je crois quant à moi que ce projet de loi est plus large, dans la mesure où il prévoit aussi l’euthanasie, ce qui n’est pas le cas dans l’Oregon. En outre, dans cet État, la demande écrite doit être rédigée devant deux témoins, donc dans un cadre plus strict que ce qui est prévu en France.
J’ai bien compris que ce n’est pas la codification qui soulève des problèmes constitutionnels et conventionnels, mais le projet de loi en lui-même – je vous remercie de l’avoir souligné ! Je m’interroge sur la possible contradiction entre cette codification et l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, l’aide à mourir ne pouvant être considérée comme un acte thérapeutique.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le Conseil d’État entend l’expression « aide à mourir » dans un sens extensif, visant des pratiques autres que l’assistance au suicide et l’euthanasie telles que les soins palliatifs ou d’autres formes d’accompagnement. Il constate néanmoins que « le projet de loi crée une procédure autorisant l’assistance au suicide et l’euthanasie à la demande de la personne ». Je propose simplement que l’on nomme les choses.
Mme Mireille Clapot (RE). Nous proposons de réécrire l’alinéa 1 en déresponsabilisant pénalement, au sens de l’article 122-4 du code pénal, la personne qui met à disposition ou administre la substance létale dans un cadre strictement déterminé par les modalités prévues aux articles 6 à 11. Vous remarquerez que je n’ai employé ni le terme « euthanasie » ni l’expression « suicide assisté ».
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. La notion d’aide à mourir présente l’intérêt d’englober les deux modalités de mise en œuvre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Les amendements CS34 et CS649 mettent sur le même plan l’auto-administration de la substance létale et l’intervention d’un tiers. Telle n’est pas l’intention du Gouvernement, qui souhaite au contraire affirmer que l’auto-administration est la règle et l’intervention d’un tiers l’exception.
L’amendement CS1019 tend en réalité à réécrire l’article 5 dans son intégralité. L’article L. 1110-5 du code de la santé publique, auquel M. Bazin fait référence, vise à permettre à chacun de voir sa douleur soulagée. Il n’est donc pas en contradiction avec le présent projet de loi.
Quant à l’amendement CS1422, il vise à préciser que l’expression « aide à mourir » renvoie au suicide assisté. C’est un sujet dont nous avons déjà beaucoup parlé.
Enfin, la formulation proposée par l’amendement CS948 vide de son sens la portée de l’article : elle lève la responsabilité pénale de la personne désignée qui met à disposition une substance létale, mais pas celle de la personne chargée de l’administration du produit, ce qui limite l’aide à mourir au suicide assisté.
Avis défavorable à ces cinq amendements, donc.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je soutiens l’amendement de Mme Battistel. Ce texte a pour ambition de consacrer une liberté de choix dans la façon d’envisager sa fin de vie. Je ne comprends pas que l’on ne mette pas cette idée en application jusqu’au bout en laissant au patient le choix de la méthode utilisée. Pourquoi le contraindre à s’administrer lui-même la substance lorsqu’il est en mesure de le faire ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS293 de M. Fabien Di Filippo, CS356 de M. Patrick Hetzel et CS1660 de M. Christophe Bentz, amendements CS1273 de M. Benoît Mournet, CS999 de M. Thibault Bazin et CS128 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques CS452 de M. Yannick Neuder et CS726 de Mme Annie Genevard, amendements CS854 de M. Julien Odoul, CS265 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS1669 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Compte tenu du changement anthropologique entrepris, il est important que nous qualifiions correctement les actes qui seront mis en œuvre. Tel est l’objet de notre amendement CS293.
Je réitère ma question, madame la ministre, sur la contradiction entre le texte et l’article L. 1110-5 du code de la santé publique.
Il faudra par ailleurs approfondir l’étude d’impact, tant l’on s’est éloigné de ce qui avait été imaginé initialement.
M. Patrick Hetzel (LR). Je propose moi aussi d’inscrire dans le texte les termes « suicide assisté » et « euthanasie », que la Convention citoyenne sur la fin de vie a explicitement utilisés.
Le dispositif mis en place dans l’Oregon est souvent évoqué, alors que ce que prévoit le présent texte, c’est non seulement ce dispositif-ci, mais couplé à celui de la Belgique ! Quoi qu’il en soit, l’expérience a montré que dans l’Oregon, les personnes à faible revenu étaient surreprésentées parmi les candidats au suicide assisté et que les problèmes financiers occupaient une place croissante dans leurs motivations. L’absence d’étude d’impact à ce sujet est très ennuyeuse : les questions de nature strictement sociologique sont essentielles et doivent nous interroger. Nous ne devons pas oublier que la fraternité consiste à se soucier de ses concitoyens, sans quoi l’on s’éloigne de préoccupations éthiques.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS1660 vise également à restaurer une sémantique de vérité – j’en ai déposé des dizaines tout au long du titre II, car nous ne lâcherons rien en la matière.
D’abord, la plupart des pays du monde et la quasi-totalité des pays d’Europe ayant légalisé l’euthanasie ont utilisé ce terme. C’est le cas de nos voisins belges et espagnols, dont la culture est très proche de la nôtre. Pourquoi ne devrions-nous pas employer nous aussi les bons mots ?
La plupart des personnes auditionnées – soignants, représentants de cultes ou de loges maçonniques –, qu’elles soient favorables ou non au texte, ont clairement exprimé la nécessité de légiférer en utilisant les bons termes. De nombreux députés de la majorité comme de l’opposition vous l’ont sans doute dit aussi. En tant que législateur, nous devons au moins faire preuve de précision dans l’esprit et dans les mots. Quand allez-vous tenir compte de ce que nous vous disons ?
M. Benoit Mournet (RE). Lors d’une rencontre citoyenne que j’ai organisée récemment, j’ai constaté que les participants souhaitaient unanimement que les choses soient dites telles qu’elles sont prévues. Aussi mon amendement vise-t-il à mentionner les termes « euthanasie » et « suicide assisté » dans le texte.
M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement est un amendement de clarification.
Mme Marie-France Lorho (RN). Dans son avis, le Conseil d’État a souligné que l’aide à mourir pouvait être entendue comme « la légalisation, sous certaines conditions, de l’assistance au suicide et, dans l’hypothèse où la personne n’est pas en mesure physiquement de s’administrer elle-même la substance létale, de l’euthanasie à la demande de cette personne ». Ce dispositif n’est pas intelligible, car la même expression désigne deux actes différents que d’autres législations – en Suisse ou dans l’Oregon, par exemple – distinguent.
La confusion entretenue par l’expression « aide à mourir » est éminemment politique. Cette expression a d’abord été employée par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), partisane de l’euthanasie et du suicide assisté. Pour Michel Castra, professeur de sociologie à l’université de Lille, elle a permis à l’association de faire avancer ses idées sur la scène médiatique. Il souligne que « l’expression euphémise considérablement la réalité qu’elle désigne, et peut donc désigner des choses diamétralement opposées ».
Nous refusons de mentir aux Français et de leur cacher ce qui les attend avec ce projet de loi. Par notre amendement de repli CS128, nous proposons donc de remplacer les mots « l’aide à mourir » par les mots « le suicide assisté ».
Mme Annie Genevard (LR). Mon amendement vise également à remplacer les mots « l’aide à mourir » par les mots « le suicide assisté ». Je ne mentionne pas l’euthanasie, considérant qu’elle relève également d’une démarche de suicide assisté par un tiers. Cette formulation lève la prévention que l’on peut avoir à l’égard d’un terme souillé par l’histoire – je reprends vos mots, monsieur le rapporteur général. J’ajoute que vous n’avez pas réagi au fait que, dans l’étude d’impact, les mots « suicide assisté » apparaissent vingt-huit fois. Pourquoi sont-ils admissibles dans l’étude d’impact et pas dans le texte lui-même ?
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS854 vise à substituer aux mots « aide à mourir » le terme « euthanasie », qui désigne, aux termes de l’étude d’impact, « un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable ». Dans un souci d’honnêteté intellectuelle, et pour pouvoir aborder les sujets de fond, il est nécessaire d’adopter la sémantique qui convient.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Qu’elle soit active ou médicale, l’aide à mourir n’est rien d’autre qu’une euthanasie ou un suicide assisté. Or l’euthanasie impose de transgresser un interdit fondateur de notre civilisation : celui de tuer.
Les demandes d’euthanasie sont surtout des appels à l’aide, des demandes de soins et de vie. Les personnes en fin de vie ont besoin de notre soutien inconditionnel.
La légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté soulève enfin la question de la pénalisation de la non-assistance à personne en péril et de la provocation au suicide. Le deuxième alinéa de l’article 233-6 du code pénal impose une obligation de solidarité.
M. Christophe Bentz (RN). Puisque vous avez du mal à nous entendre lorsque nous nous plaçons dans le registre de la langue française, madame la ministre, je vais aller sur le terrain politique.
En tant que parlementaires, nous devons rendre les sujets techniques compréhensibles par les Français, ce qui exige l’usage de termes adaptés. Pour vous, l’aide à mourir ne serait ni le suicide assisté ni l’euthanasie. Vous ajoutez que le dispositif prévu ne correspond pas à un modèle euthanasique, dans la mesure où une personne extérieure n’interviendrait que si la personne ne pouvait plus physiquement s’administrer le produit létal. Ce ne serait pas non plus, selon vous, l’autorisation de se suicider, dans la mesure où le respect de conditions strictes – le passage d’un examen médical, notamment – est exigé. Ce ne sont pas nos mots, mais puisque vous le dites, allons jusqu’au bout : inscrivons dans la loi le fait que l’aide à mourir n’est ni le suicide assisté ni l’euthanasie ! Tel est l’objet de notre amendement CS1669.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Ce sont des sujets que nous avons déjà abordés, et je réitère mon avis défavorable.
On peut bien sûr comparer le droit et les pratiques des différents États en matière d’aide à mourir – c’est d’ailleurs ce qui a été fait. Les différences entre notre système de santé et celui des États-Unis rendent en revanche totalement inopérantes les comparaisons sociologiques avec l’Oregon. Peut-être le faites-vous pour servir vos arguments, monsieur Hetzel, mais je ne pense pas que l’on puisse affirmer que le recours à l’aide à mourir serait un geste de désespoir des personnes les plus modestes.
Mme la ministre. Dans l’Oregon, le patient se voit prescrire par ordonnance une dose létale de médicament. Il doit au préalable faire deux demandes orales à son médecin, à quinze jours d’intervalle, et une requête écrite en présence de deux témoins. En 2021, 97,5 % des personnes ayant demandé à recourir au suicide assisté bénéficiaient de soins palliatifs. La loi américaine ne prévoit aucune surveillance ou réglementation distincte de ce qui est fait pour d’autres soins médicaux. Le modèle est donc différent du nôtre.
S’agissant de la Convention citoyenne, elle a été amenée à se prononcer sur des concepts et non sur les termes en tant que tels. On ne peut pas lui faire commenter un texte qui n’existait pas lorsqu’elle s’est réunie, en 2023.
Quant à l’étude d’impact, il n’est pas abscons d’y trouver les termes « suicide assisté » et « euthanasie », ne serait-ce que parce qu’elle contient des éléments de comparaison avec d’autres droits.
Enfin, il me semble effectivement important d’être honnête intellectuellement et de dire aux Français ce qui les attend. Disons-leur, justement, que le titre II n’oblige aucun patient à recourir à l’aide à mourir, mais ne fait que la proposer. Lisons le texte tel qu’il vous est proposé aujourd’hui : quelqu’un qui refuse l’aide à mourir aura le droit de ne pas y recourir ! Ne commençons pas à raconter autre chose que la vérité – ce n’est pas moi qui ai parlé de « sémantique de vérité » ! Les mots ont un sens. Travaillons sur le texte, rien que le texte.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre groupe votera évidemment contre ces amendements.
L’exposé des motifs de l’amendement CS293 indique à tort que « le geste létal serait réalisé au choix par le patient lui-même, un proche, les infirmiers ou les médecins ». Ce libre choix laissé au patient, quand bien même il serait en état de s’administrer la substance létale, était en effet ce que je défendais dans mon amendement précédent, qui n’a pas été accepté. Mme la ministre a redit, d’ailleurs, que la philosophie du texte n’était pas la même que la nôtre.
M. Thomas Ménagé (RN). À l’instar de M. Mournet, j’organise actuellement des débats citoyens. Or, qu’ils soient favorables ou non au projet de loi, la totalité des participants utilisent les termes « suicide assisté » et « euthanasie ». Pendant nos longues heures de débat, personne ne parle d’« aide à mourir ». Quand bien même je suis favorable au titre II, je vous invite à employer les mêmes termes que ceux qui sont utilisés dans tous les autres pays, car ils sont compréhensibles par tous. Pour que la loi soit claire, assumons d’utiliser ces termes !
Mme Monique Iborra (RE). Je suis surprise et déçue par l’obstination désespérée dont font preuve nos collègues des groupes Les Républicains et Rassemblement National – même si, de la part de l’extrême droite, cette attitude m’étonne moins. Vous avez tellement peu d’arguments à opposer à notre projet de loi que vous insistez sur les seules définitions !
M. Yannick Neuder (LR). Mme la ministre indique que 97,5 % des personnes ayant demandé le recours au suicide assisté dans l’Oregon bénéficiaient de soins palliatifs. Or il me semble – je n’ai plus les chiffres exacts en tête – que 50 % seulement des patients obtenant l’ordonnance pour la délivrance du produit létal vont le chercher, et que 20 à 30 % uniquement le prennent. Cela montre que le suicide assisté reste une possibilité offerte aux gens, à laquelle ils ne recourent pas nécessairement. Soyons factuels et distinguons bien l’obtention de l’ordonnance de la prise du produit.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). L’exemple des Pays-Bas étant souvent évoqué, je voudrais signaler que la loi qui y a été adoptée le 12 avril 2001 – la première en Europe – ne comporte ni le terme d’euthanasie ni celui de suicide. Son intitulé évoque l’interruption de vie sur demande et l’aide à la mort par soi-même – zelfdoding, en langue néerlandaise, alors que le suicide est désigné par un terme différent, zelfmoord.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Lorsque j’organise des réunions citoyennes sur le sujet, je constate toujours, pour commencer, que personne ne définit le suicide assisté et l’euthanasie de la même façon. J’explique alors aux participants que le premier terme renvoie à la loi suisse tandis que le second renvoie à la loi belge, et qu’il pourrait être intéressant d’utiliser un nouveau mot pour la loi française – par exemple, « aide à mourir ». Ils comprennent ce choix et, durant le reste de la réunion, il n’est plus question de sémantique mais uniquement du contenu du projet de loi.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS994 de Mme Frédérique Meunier
Mme Frédérique Meunier (LR). Vous avez souligné tout à l’heure, madame la rapporteure, que l’aide à mourir était un droit sécurisé et encadré. Quant à vous, madame la ministre, vous avez reconnu qu’il s’agissait d’un nouveau droit ouvert sous conditions. Précisons donc clairement dans le texte que l’aide à mourir est un droit.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je donne un avis défavorable à cet amendement, même si j’en comprends le sens. L’aide à mourir est un droit, c’est vrai, mais pas seulement : c’est aussi une liberté. La modification proposée pourrait être source d’ambiguïté, car le texte ne vise pas à faire de l’aide à mourir un droit absolu ouvert à tous : il prévoit un cadre et des critères.
Mme la ministre. Même avis. Il s’agit d’un droit sous conditions.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons cet amendement. Similaire à notre amendement CS648, que nous avons retiré tout à l’heure pour le retravailler, il correspond tout à fait à ce que nous souhaitons.
Pour nous, la création d’un droit n’exclut pas la liberté. Chacun choisit de l’exercer ou non. Le texte ouvre un droit à tous et toutes, sous réserve de satisfaire à certaines conditions. Mieux vaut le dire clairement.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Un droit peut tout à fait être accessible sous conditions. Chacun a le droit de conduire sous réserve d’avoir plus de 18 ans. Chacun a le droit de voter pourvu qu’il s’inscrive sur les listes électorales. Le texte ouvre bien un nouveau droit, assorti de critères. Mieux vaut le dire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS470 et CS471 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Yannick Neuder (LR). J’aimerais revenir sur le volume et le périmètre de l’aide à mourir. Il ne s’agit pas de livrer une bataille de chiffres ni de brandir des chiffres pour faire peur à quiconque. Toutefois, selon qu’elles se fondent sur le modèle de l’Oregon, sur celui de la Belgique ou des Pays-Bas ou sur d’autres encore, l’étude d’impact et les simulations identifient 100 à 25 000 personnes concernées. Plus généralement, il est très difficile d’extrapoler les chiffres.
Si nous légiférons pour une centaine de cas, le risque de dérive est supérieur au bénéfice. Si nous légiférons pour un effectif de 25 000 patients, qui demeure mal évalué, cela présente un intérêt plus évident. En outre, nous ne savons pas comment les patients et la communauté des soignants s’approprieront les nouvelles dispositions, si elles sont adoptées.
Une voie de passage pourrait être de prévoir une expérimentation pour une durée limitée, par exemple de deux ans, permettant d’évaluer correctement, en disposant du recul nécessaire, le nombre de demandes, les circonstances dans lesquelles elles sont formulées et la façon dont elles sont satisfaites. Nous pourrions ensuite légiférer à la hausse ou à la baisse en fonction des résultats de l’expérimentation. Une telle démarche est une spécificité française.
Transposer un modèle étranger à la situation française n’est pas le choix du Gouvernement. Faut-il pour autant se priver de garde-fous ? Il s’agit de prévoir une période évitant toute exposition inutile à des dérives sociétales et permettant le déploiement tant demandé des soins palliatifs pour tous et partout. Une telle voie de passage offre une période de transition permettant de trouver un consensus sur un sujet difficile.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Je comprends l’intérêt de la démarche, mais elle est inapplicable s’agissant d’une loi de bioéthique de cette ampleur. Je sens, cher collègue, que vous vous engagez sur le chemin de l’acceptation des dispositions du projet de loi...
Mme la ministre. Je comprends ce qui fonde votre analyse. Le projet de loi prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation, qui produira un rapport annuel. Le suivi de l’application de la loi est donc prévu.
Par ailleurs, l’une des grandes différences entre le modèle de l’Oregon et le nôtre est que, même si nous prévoyons une ordonnance médicale, nul ne se procurera la substance létale par lui-même. Par conséquent, nul ne sera seul chez lui avec le produit.
M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements rappellent que nous n’avons pas pris la mesure de l’impact des dispositions que nous examinons. L’alinéa 1 de l’article 5 prévoit l’intervention d’une personne volontaire ; l’article 11 indique que cette dernière est désignée « lorsqu’aucune contrainte n’y fait obstacle ». Pourquoi cette précision est-elle absente de l’article 5 ? Est-ce en raison des dispositions du code pénal ?
La substance létale peut aussi être administrée par un médecin ou un infirmier, comme dans l’Oregon. Or les articles R. 4127-38 et R. 4312-21 du code de la santé publique interdisent respectivement aux médecins et aux infirmiers de provoquer délibérément la mort. L’alinéa 1 de l’article 5 est-il compatible avec ces dispositions réglementaires ? Sinon, prévoyez-vous de les abroger ?
M. Stéphane Delautrette (SOC). Certes, nous ne mesurons pas l’effet des dispositions que nous examinons, mais avons-nous une idée de l’impact de ce que prévoient ces amendements sur les personnes en attente d’une évolution du droit s’agissant de l’aide active à mourir ?
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Le sujet dont nous parlons est grave. Personne ici ne souhaite qu’un individu souffre tellement qu’il ait envie de se donner la mort. En ce sens, nous ne recherchons pas le succès du présent projet de loi.
Sur quoi porte l’expérimentation proposée ? Si peu de gens recourent à l’aide à mourir, y mettra-t-on un terme en considérant qu’il s’agit d’un échec ? Faudra-t-il espérer que beaucoup de gens aient envie de se donner la mort et souffrent beaucoup pour aller au bout de l’expérimentation et la renouveler ?
J’espère, sans doute comme beaucoup d’autres, que les dispositions du présent projet de loi seront peu utilisées. Que nous légiférions pour une minorité n’enlève rien à l’importance du sujet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1103 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Plutôt que d’autoriser l’aide à mourir, je propose de la dépénaliser. Simone Veil, il y a cinquante ans, a eu l’intelligence et la subtilité de dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) plutôt que l’autoriser.
Dépénaliser permet de diminuer la pression pesant sur les médecins. Il ne faut pas se raconter d’histoires : l’aide à mourir est pratiquée dans les établissements de santé. Le problème est qu’elle repose sur les médecins. En supprimant les mots « à autoriser et », nous pouvons inverser les choses. Cette proposition est susceptible de faire consensus.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Il semble insuffisant d’indiquer que l’aide à mourir consiste uniquement à « accompagner » la mise à disposition d’une substance létale. Cette mise à disposition doit être clairement autorisée. À défaut, tous les doutes seront permis sur la manière dont la personne demandeuse pourra se la procurer.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hervé de Lépinau (RN). Du point de vue juridique, la proposition de dépénaliser l’aide à mourir offre un nouvel exemple des effets de bord du présent projet de loi, dont certains utiliseront les dispositions à des fins crapuleuses. La dépénalisation réduit à néant l’élément intentionnel de l’infraction. Les avocats de celui qui aura détourné la loi mettront en avant le respect de la procédure, l’absence de tout élément intentionnel empêchant toute poursuite. Il est donc très dangereux de s’engager dans cette voie. S’il faut adopter une disposition, c’est l’autorisation, certainement pas la dépénalisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1392 de Mme Maud Petit
Mme Maud Petit (Dem). Cet amendement rédactionnel vise à clarifier le propos en déplaçant quelques mots. Il me semble assez étonnant d’accompagner une mise à disposition – on accompagne la personne qui en a exprimé la demande. Je propose donc de rédiger ainsi le début de l’alinéa 1 : « L’aide à mourir consiste à autoriser la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale, et à l’accompagner dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11 ».
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Vous proposez de dissocier la mise à disposition de la substance létale de l’acte d’accompagnement. Or l’aide à mourir n’est pas simplement la mise à disposition d’une substance létale ; elle inclut la mise en œuvre d’un accompagnement du patient en fin de vie tout au long de sa maladie et de la procédure.
Votre amendement étant contraire à l’esprit de la loi, je vous demande de le retirer, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
L’aide à mourir n’est pas simplement la mise à disposition d’une substance létale ; elle se traduit aussi par la mise en œuvre d’un accompagnement du patient en fin de vie tout au long de sa maladie et de la procédure.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS934 de Mme Cécile Rilhac
Mme Cécile Rilhac (RE). Cet amendement m’a été inspiré par l’évocation, lors de nos auditions, des dispositions en vigueur dans l’Oregon.
L’alinéa 1 de l’article 5 comporte une ambiguïté. Il définit l’aide à mourir en autorisant et en accompagnant le suicide assisté ou l’euthanasie – je pèse mes mots – grâce au recours à une substance létale. Cette dernière n’est pas seulement mise à disposition.
Dans l’Oregon, au contraire, la loi autorise le suicide sur ordonnance sans aucun accompagnement : elle prévoit la simple mise à disposition d’une substance létale ingérable. Les études disponibles font état de nombreuses personnes qui, dans ce cadre, se sont donné la mort dans la solitude la plus absolue, en agonisant parfois plusieurs heures ou voire plusieurs jours. Dans certains cas, le produit létal n’a pas eu d’effet immédiat, mais personne n’était physiquement présent aux côtés du demandeur.
Le législateur, comme le Gouvernement, ne s’inscrit pas dans cette logique de simple mise à disposition d’un produit létal, mais dans une logique d’accompagnement des personnes décidées à abréger leurs souffrances, dans un acte fraternel et solidaire. C’est pourquoi je propose de remplacer la notion de mise à disposition du produit létal par celle de recours à ce produit.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’amendement me semble procéder d’un malentendu. Vous savez, madame Rilhac, que nous n’adopterons pas le modèle de l’Oregon. L’article 5 ne prévoit aucunement d’isoler la personne, mais au contraire de l’accompagner jusqu’à l’administration de la substance létale, par elle-même ou, si elle n’est pas en mesure de le faire, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire. L’idée est de l’accompagner jusqu’au bout, jusqu’au geste ultime, absolument pas de la laisser dans un isolement qui n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre du projet de loi.
Mme la ministre. L’alinéa 1 de l’article 5 dispose que l’administration de la substance létale a lieu « dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11 ». L’article 11, par exemple, décline la procédure à laquelle doit se conformer « le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne ». Les articles 6 à 11 décrivent le déroulement de la procédure et prévoient l’accompagnement de la personne. Nul ne sera laissé seul avec le produit létal.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1928 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.
Amendements identiques CS275 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS357 de M. Patrick Hetzel
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement vise à remplacer les mots « une personne » par les mots « un patient en phase terminale ». Cette rédaction est plus conforme au titre du projet de loi, où figure l’expression « fin de vie » alors que le dispositif actuel ne vise pas la fin de vie. Il s’agit donc de lever une ambiguïté.
M. Patrick Hetzel (LR). Si le projet de loi concerne certes des personnes, il faut être plus précis pour limiter la portée de ses dispositions. On nous indique qu’il comporte des garde-fous et que certaines lignes rouges éthiques ne seront pas franchies. Il convient donc de préciser que le texte concerne spécifiquement des patients en phase terminale.
Pourquoi recourir à une désignation générique et non à l’expression plus précise « patient en phase terminale » ? Celle-ci garantit que l’aide à mourir ne sera pas ouverte au-delà de ce que souhaitent le Gouvernement et le législateur.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
L’article 6 prévoit que les patients susceptibles d’accéder à l’aide à mourir doivent être atteints d’une affection grave et incurable engageant leur pronostic vital à court ou moyen terme. L’expression « patient en phase terminale » suggère qu’il s’agit uniquement du court terme. Aussi votre amendement est-il contraire aux critères prévus par le projet de loi.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Un patient en phase terminale relève concrètement du court terme. Or, tel qu’il vous est proposé, le texte englobe le court terme et le moyen terme : c’est pourquoi il recourt à la notion plus large de personne.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS125 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). Dans le point 9 de son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État rappelle la disparité des législations en vigueur en Europe sur le suicide assisté et l’euthanasie. Par-delà les spécificités reflétant des différences de conception éthiques et sociales, il identifie quatre caractéristiques communes : le patient doit être dans une situation médicale sans issue, faire état d’une souffrance physique ou psychique insupportable, être capable de discernement au moment de la formulation de sa demande et exprimer de manière libre sa volonté de mourir.
Tel qu’il est rédigé, l’article 5 fait voler en éclats des éléments éthiques auxquels tous les pays appliquant une telle législation ont refusé de porter atteinte. Si toute « personne qui en a exprimé la demande » peut avoir recours au suicide assisté ou à l’euthanasie, alors nous risquons d’observer une recrudescence de demandes de personnes qui ne peuvent accéder aux soins palliatifs et renonceront à vivre par défaut.
Par ailleurs, que dit cette formulation aux personnes vulnérables ou handicapées qui, désespérées par leur situation et se sentant coupables de peser sur les leurs, choisiront d’abréger leur vie parce que la société les y invite ?
Pour toutes ces raisons, mon amendement vise à substituer aux mots « qui en a exprimé la demande » les mots « atteinte d’une maladie physique incurable ».
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
L’accès à l’aide à mourir repose sur l’expression d’une demande et d’une volonté libre, éclairée et répétée d’un patient atteint d’une maladie incurable. Votre amendement supprime la nécessité, pour la personne, d’exprimer une demande d’aide à mourir, ce qui est inquiétant.
Mme la ministre. Avis défavorable.
L’adoption de cet amendement aurait pour effet de modifier les conditions requises pour accéder à l’aide à mourir telles qu’elles sont définies à l’article 6 du projet de loi. Elles prévoient notamment que le pronostic vital de la personne doit être engagé à court et moyen terme. La suppression de l’un des premiers impératifs pour accéder à l’aide à mourir est contraire à la position des auteurs de l’amendement.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’espère qu’il ne s’agit que d’une erreur de rédaction. L’amendement ne se contente pas d’ajouter le critère de maladie incurable, il l’inscrit dans la loi en lieu et place de l’expression de la demande ! Il est paradoxal que ceux-là mêmes qui s’opposent au droit à mourir dans la dignité pour qui le souhaite soient disposés à laisser des gens qui n’en veulent pas acquérir le produit létal. Cet amendement, s’il ne résulte pas d’une erreur due à une rédaction trop rapide, est inquiétant.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS184 et CS185 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement CS184 vise à compléter l’alinéa 1 par le mot « personnellement » afin d’éviter que la demande d’administration du produit létal n’émane d’une tierce personne.
Quant à l’amendement CS185, il prévoit une confirmation au moment de l’administration du produit. Une telle disposition a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable.
Le caractère volontaire et personnel de la demande est omniprésent dans l’esprit du projet de loi ; il est clair et plutôt explicite à l’article 6. Ces amendements, dont je comprends la motivation, sont redondants avec le texte.
Mme la ministre. Même avis.
Les dispositions relatives à la procédure de l’aide à mourir prévoient que le patient formule une demande et qu’il la réitère en ayant la pleine disposition de ses facultés.
M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, l’esprit de la loi apparaît dans nos débats, mais sa lettre compte aussi. Tel qu’il est rédigé, je ne suis pas certain que l’article 6 satisfasse aux dispositions prévues par les amendements.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. J’ai mentionné l’article 6 car il est inclus dans le périmètre dont j’ai la charge, mais l’article 7 prévoit une demande expresse. Par ailleurs, l’alinéa 6 de l’article 6 dispose que la personne doit être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».
Le consentement pleinement libre et éclairé du patient est donc prévu. Aucune disposition ne permet à quelqu’un d’autre de prendre la décision à sa place.
M. Thibault Bazin (LR). Être apte à manifester sa volonté est une chose, la confirmer au moment de l’administration du produit, comme le propose M. Juvin, en est une autre.
Mme la ministre. Permettez-moi de vous lire l’alinéa 1 de l’article 7 : « La personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin en activité qui n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni un ayant droit de la personne. »
L’alinéa 1 de l’article 8 dispose par ailleurs que « le médecin mentionné à l’article 7 vérifie que la personne remplit les conditions prévues à l’article 6 ». Il est également prévu qu’il recueille plusieurs avis médicaux.
Les amendements sont donc satisfaits par les dispositions relatives à la procédure.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS361 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Lors de son audition, le président du Conseil national de l’Ordre des médecins a clairement indiqué que l’administration d’un médicament devait avoir une visée curative ou préventive. Il peut s’agir de lutter contre des douleurs, mais en aucun cas de donner la mort. Il importe donc de préciser à l’article 5 que le produit n’a pas de but thérapeutique.
La défense de cet amendement me donne l’occasion de souligner l’importance, à nos yeux, d’introduire dans le projet de loi une clause de conscience pour les pharmaciens. Il n’est pas absurde de supposer que ces derniers ne souhaiteront pas fournir des médicaments donnant la mort.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Je précise par ailleurs à M. Juvin que l’alinéa 12 de l’article 8 prévoit la confirmation de la volonté de la personne.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS186 de M. Philippe Juvin, CS570 de Mme Annie Genevard et CS1804 de M. Christophe Bentz
M. Philippe Juvin (LR). Il s’agit de supprimer la possibilité d’une intervention d’un professionnel de santé ou d’une personne volontaire, en reprenant au modèle de l’Oregon la disposition selon laquelle la personne s’administre elle-même le produit létal. J’indique à ceux qui objecteront qu’elle ne le peut pas toujours que l’expérience de l’Oregon a montré qu’il existe de nombreux systèmes permettant à toute personne de s’administrer elle-même un produit.
Mme Annie Genevard (LR). De nombreux médecins et infirmiers que nous avons auditionnés ou qui se sont exprimés à ce sujet dans les médias ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas se trouver en situation d’administrer un produit létal. Cette possibilité, nonobstant la clause de conscience, préoccupe le corps médical.
La formule de Jean Leonetti selon laquelle « la main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort » est un très beau résumé de ce que nous pensons en la matière.
S’agissant de l’administration du produit par une personne volontaire, surtout s’il s’agit d’un membre de la famille, il est avéré qu’elle induit des troubles psychologiques.
M. Christophe Bentz (RN). Les médecins et les infirmiers sont des soignants. Provoquer la mort par une substance létale n’est ni leur vocation, ni leur rôle, ni leur mission – c’est même tout le contraire, puisqu’il leur incombe de soigner et d’accompagner le malade jusqu’à la fin de sa vie. Du reste, ce geste n’est pas conforme au serment d’Hippocrate.
La « personne volontaire » prévue par le texte, si elle n’est pas médecin, ne sera pas habituée à être confrontée à la mort. Imaginez-vous les conséquences psychiques ou psychologiques qu’elle subira ?
Par ailleurs, cette personne volontaire, mentionnée à l’article 5 visant à définir l’euthanasie ou le suicide assisté, n’est pas autrement désignée. Aucun critère d’âge n’est prévu. Cette personne pourrait être ma fille de 9 ans. Cet exemple, parmi d’autres, prouve que le texte n’est pas viable. Il ne tient pas debout. Il n’a pas été assez travaillé pour offrir les garde-fous annoncés. Franchement, cela n’est pas sérieux.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis très défavorable.
Le projet de loi repose avant tout sur l’autonomie des malades et sur la solidarité que nous leur devons. L’article 5 privilégie l’auto-administration de la substance létale et, en cas d’impossibilité, le recours à un tiers, qui peut être un médecin, un infirmier ou une personne volontaire.
Les amendements auraient pour effet de priver d’accès à l’aide à mourir les personnes qui ne sont pas en mesure de s’administrer elles-mêmes la substance létale, excluant les malades très affaiblis, dont la demande n’est pas moins légitime que celle des autres. Ils introduisent donc une rupture d’égalité entre les malades s’agissant de l’accès à l’aide à mourir. Je ne peux le concevoir.
Mme la ministre. Même avis.
J’ajoute que l’article 16 est entièrement consacré à la clause de conscience. Aucun soignant ne sera obligé d’administrer le produit – c’est écrit noir sur blanc.
Par ailleurs, je me permets d’indiquer à la représentation nationale que le texte a été travaillé par de très nombreux professionnels. Dire qu’il n’est pas sérieux, c’est leur manquer de respect.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’appelle à ne pas adopter ces amendements.
Deux positions, respectables, s’opposent. Au nom de l’ordre public ou d’un principe métaphysique, la première consiste à interdire à certains de choisir le moment où ils souhaitent mourir. La seconde, qui est celle des membres du groupe LFI - NUPES, consiste à penser que choisir le moment où l’on éteint la lumière, avec qui et comment, fait partie des droits naturels de l’individu. Les amendements en discussion tendent à interdire ce choix aux individus incapables d’agir par eux-mêmes, en raison d’un handicap physique, ou encore de l’indisponibilité d’une substance. La Suisse a été citée en exemple pour justifier une telle règle, mais un réseau associatif vient compenser ce fonctionnement. Il ne serait pas normal, dans une République, de faire varier les droits en fonction de l’état et de la capacité des individus.
M. Patrick Hetzel (LR). Nous abordons un point très sensible. Dans l’ouvrage L’Univers, la Vie, l’Homme, le paléontologue et préhistorien Henry de Lumley estime que les plus anciens squelettes ayant de toute évidence bénéficié de soins marquent l’émergence de l’humanité et de la fraternité. Ainsi, depuis que des individus s’occupent d’autres individus, la perception de l’altérité inclut une dimension de protection. En rompant ce fil qui nous relie à la préhistoire, nous sommes bien en train de procéder à une rupture anthropologique.
M. Thomas Ménagé (RN). Il ne faut pas faire fi des auditions et de nos rencontres de terrain avec les soignants. J’adhère à ce qui a été dit précédemment : si je suis personnellement favorable au projet de loi, il faut se rappeler que ce n’est pas le cas de nombre de professionnels, qui s’inquiètent d’avoir à subir, demain, une pression déraisonnable. J’entends que la clause de conscience sera préservée, mais lorsqu’une unité de soins palliatifs ne comporte qu’un seul médecin – cela existe –, il sera très difficile de l’invoquer devant les familles.
S’agissant des tierces personnes volontaires, je m’inquiète moi aussi des conséquences non négligeables que subira un fils, une fille, un frère ou une sœur, après avoir accepté d’aider un proche à mourir. Pourquoi ne pas avoir envisagé la technologie évoquée par Philippe Juvin permettant à une personne en difficulté physique d’enclencher elle-même la délivrance de la substance létale ?
M. Hervé de Lépinau (RN). Ces amendements posent la question de la clause de conscience des médecins et des personnels de santé. Vous la présentez comme un totem devant les protéger, mais le fait est que certains membres de notre hémicycle – les députés du groupe LFI - NUPES, pour ne pas le nommer – souhaitent la supprimer s’agissant de l’IVG. On voit très bien l’effet cliquet qui se profile : dans dix, quinze ou vingt ans, ces mêmes députés militeront pour faire sauter ce verrou permettant aux médecins de ne pas administrer une substance létale s’ils ne le souhaitent pas. Je vous renvoie donc de nouveau à la tribune de Theo Boer, car il convient de tenir compte de l’expérience de personnes qui nous ont précédés dans la légalisation de l’euthanasie, et vous invite à considérer les dangers avant d’ouvrir la boîte de Pandore.
M. Thibault Bazin (LR). L’intervention d’un tiers constitue effectivement un point sensible. On nous dit que cette possibilité doit être prévue, car il est parfois impossible de s’auto-administrer la substance létale. Or un article paru le 13 avril dans The Lancet indique que la Suisse a su répondre à ce cas de figure. Il me semble que nous continuons de faire l’impasse sur l’impact psychique et psychologique de l’acte, à moyen et long terme, pour la tierce personne qui intervient.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). La question de l’intervention d’un tiers est indissociable de l’objet central du texte, à savoir le respect de la liberté revendiquée de choisir de s’ôter la vie si on estime que celle-ci n’a plus de sens – parce que la souffrance devient insupportable ou parce que ses facultés sont si altérées qu’on en vient à estimer qu’on n’est plus en vie. Dès lors, soit le patient est en mesure de s’administrer la substance, soit il n’en est pas capable ou désire l’intervention d’un tiers, qui peut être un soignant ou quelqu’un de son choix. Les conséquences pour la personne ayant accepté d’intervenir doivent être mesurées, mais il convient de prévoir cette configuration, car le pire serait qu’un tiers qui interviendrait tout de même soit accusé d’avoir commis autre chose qu’un ultime acte d’amour.
M. Philippe Vigier (Dem). À écouter les députés ayant défendu ces amendements, l’on pourrait penser que le droit à la mort est gratuit, alors qu’il n’en est rien. Nous parlons de personnes atteintes d’une maladie incurable, en proie à des douleurs réfractaires ou psychologiques, dont le pronostic vital est engagé. Du reste, c’est un collège qui décidera si l’administration d’une substance létale peut être autorisée.
De plus, ces amendements passent sous silence le fait que l’accompagnant volontaire n’aura pas à pousser lui-même la seringue : il devra être présent, à côté du système automatique que nous inventerons, pour accompagner la volonté du patient qui est au bout du chemin. J’insiste : il ne s’agit en rien d’une généralisation de l’acte. Nous ne faisons que trouver une solution, de dignité et de fraternité, à quelques cas.
M. Gilles Le Gendre (RE). Les rappels au Règlement sont impossibles en commission et c’est heureux, car nous souhaitons tous débattre du sujet à fond. Cependant, je constate qu’à l’occasion de cet article 5, qui n’est long que de six lignes, nous déroulons l’ensemble du dispositif décrit en détail ultérieurement. Les arguments des uns et des autres sont tout à fait légitimes et illustrent parfaitement nos différentes sensibilités, mais nous prenons les choses à l’envers. Peut-être y verrez-vous une obsession de ma part pour la méthode, mais ne pourrions-nous pas, à ce moment du texte, condenser nos discussions ?
Dans le cas contraire, chacun demandera à s’exprimer, à commencer par moi, qui m’interroge sur l’opportunité de permettre à un tiers d’administrer une dose létale à un proche en fin de vie. Il me semble que nous devrions en discuter ultérieurement, car le présent article 5 n’est qu’un article chapeau installant la notion d’aide à mourir. Je ne fais à personne le moindre procès, mais il ne faudrait pas que nos débats deviennent une forme d’obstruction.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Vous avez parfaitement raison.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS651 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS1071 de Mme Sandrine Rousseau, CS1212 de Mme Monique Iborra, CS1426 de Mme Emeline K/Bidi et CS1852 de M. Emmanuel Fernandes
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement vise à supprimer la hiérarchie entre les deux modalités d’administration de la substance létale afin que la personne concernée puisse choisir librement. Aucun pays européen autorisant l’aide à mourir ne prévoit une telle hiérarchie, seule l’Australie l’ayant établie. J’ai conscience qu’un tel fonctionnement ferait évoluer le texte de manière fondamentale, mais il me semble plus juste. C’est aussi l’avis de certaines associations de professionnels de santé.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Par l’amendement CS1071, le groupe Écologiste - NUPES plaide également pour la liberté de choix entre l’auto-administration et l’administration par un tiers.
Par ailleurs, madame Genevard, la main qui soigne peut également être celle qui prodigue le dernier soin, pour reprendre les mots d’Yves de Locht. Cela suppose de considérer un tel geste comme un acte d’humanisme.
Mme Monique Iborra (RE). J’ai déposé un amendement identique, mais c’est un hasard. Aux termes du projet de loi, une personne à même de réaliser l’acte doit obligatoirement le faire elle-même, mais un tel procédé donne l’impression que le patient agira dans la solitude. Il convient selon moi de laisser à la personne, entourée de l’équipe médicale et de sa famille, le choix entre se donner la mort elle-même et demander à quelqu’un de l’y aider, sans que la loi n’impose de règle. L’intervention d’un tiers ne serait incontournable qui si la personne est physiquement incapable d’agir elle-même.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’ensemble du texte est une histoire de choix, et je suis intimement persuadée que ce choix doit pouvoir s’exprimer jusque dans l’acte ultime. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi opère une distinction et induit une inégalité, pour ne pas dire une injustice, puisque seule une personne physiquement incapable de s’inoculer la substance létale pourra demander à se la faire injecter par un médecin ou par un proche. Or j’estime que le passage à l’acte n’a rien à voir avec la volonté de recourir à l’aide à mourir. Quelqu’un peut tout à fait désirer mourir, mais ne pas vouloir s’auto-administrer la substance.
J’ajoute que les mots « en mesure physiquement d’y procéder » introduisent une insécurité juridique. Qui déterminera si une personne est capable ou incapable, sur le plan physique, de se donner la mort ? Faudra-t-il avoir un handicap physique ? Qu’en sera-t-il d’une personne tétanisée par la peur au moment d’agir, mais qui demeure certaine de son choix ? La décision reviendra-t-elle aux médecins, au cas par cas ? Un tel fonctionnement entraînera des différences de traitement selon les patients et les lieux de prise en charge. Laisser le choix à tous serait la moindre des choses sur une question aussi grave.
M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Je rejoins les propos d’Emeline K/Bidi s’agissant du flou de la formulation. Comment déterminera-t-on si la personne est physiquement à même de s’auto-administrer la substance ? Si l’on permet déjà au patient de codéterminer la date et le lieu de la procédure ainsi que de choisir la manière dont il sera accompagné pour ses derniers instants, il nous semble indispensable de lui accorder également le choix des modalités de l’acte, pourvu, bien sûr, que la personne qu’il désignerait pour lui administrer le produit soit volontaire et majeure. Je précise que notre amendement CS1852 est inspiré d’une proposition de l’ADMD.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Ces amendements identiques changeraient profondément l’esprit du texte et bouleverseraient ses équilibres, raison pour laquelle j’y suis défavorable. La règle générale est l’auto-administration de la substance létale ; l’exception, qui consiste en l’intervention d’un tiers ou d’une personne du corps médical, ne s’applique qu’aux personnes incapables d’agir par elles-mêmes. J’insiste sur le fait que l’équilibre du projet de loi est fondé sur le libre arbitre et l’autonomie de la personne désirant mourir. Cet aspect est largement abordé aux alinéas 7 et 8 de l’article 11, où il est également spécifié – c’est très important – que l’accompagnement du malade est prévu jusqu’au bout. Le patient ne sera jamais laissé seul jusqu’au geste ultime, madame Iborra.
Mme la ministre. Comme la rapporteure, j’estime que ces amendements bouleverseraient l’équilibre du texte. Je rappelle également que nous n’en sommes qu’à l’article 5 et que la procédure est décrite aux alinéas 7 et 8 de l’article 11.
Mme Cécile Rilhac (RE). Madame la présidente, l’adoption de ces amendements identiques ferait-elle tomber la série d’amendements suivante, CS707 à CS1791 ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous le confirme.
M. Thomas Ménagé (RN). Je voterai évidemment contre ces amendements identiques, qui déséquilibreraient le texte. Je m’inquiète d’ailleurs d’entendre qu’une personne désireuse de mourir et capable d’agir par elle-même pourrait refuser de s’auto-administrer la substance. En effet, j’aurais peur que certains patients fassent appel à un tiers non parce qu’ils n’ont pas la force d’agir, mais parce qu’ils ne sont en réalité pas convaincus de leur choix. Quand on est physiquement capable, la meilleure manière de confirmer son consentement libre et éclairé est de réaliser le geste soi-même. Du reste, il s’agit d’une démarche personnelle, dans laquelle il convient d’impliquer le moins de tierces personnes possible.
Je salue votre présence, madame la ministre, car il est rare de voir le Gouvernement représenté en commission. Pourriez-vous donc répondre à ma question concernant la technologie évoquée par M. Juvin, laquelle permettrait à un patient, même physiquement empêché, d’enclencher le dispositif, par exemple en usant simplement du regard ?
M. Gilles Le Gendre (RE). Je réitère mes propos précédents, car nos débats me causent un cas de conscience terrible. Je suis plutôt favorable à ces amendements identiques, mais j’ai besoin que nous débattions à fond du sujet, ce qui suppose de prendre le temps et de le faire au moment idoine. Dans cette attente, je pourrais décider de me taire et de m’abstenir, mais cela me gêne, car j’accorde un grand intérêt à cette proposition. Je le répète donc avec conviction, avec mon cœur : nous sommes en train de faire tourner la machine de manière totalement désordonnée. Nous abîmons le débat, tout simplement parce que nous n’en respectons pas le cours. Le moment venu, nous pourrons tous nous exprimer et faire valoir nos avis, nos sensibilités, nos nuances. Prenons les sujets dans l’ordre : attendre ne nous privera de rien. Si nous continuons ainsi, nous aurons épuisé les sujets avant l’heure, nous nous serons nous-mêmes épuisés, et le texte ne ressemblera plus à rien.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je comprends la logique dans laquelle s’inscrivent ces amendements, qui montrent d’ailleurs combien le geste que le texte prévoit d’autoriser sera difficile à accomplir, et ce notamment parce que la décision de le réaliser sera elle-même délicate.
Pour ma part, je mets plutôt au crédit du projet de loi – mais peut-être est-ce une interprétation erronée – le fait d’essayer de faire peser le moins possible sur les personnels et sur les tierces personnes les actes liés à ce droit-créance. Il me semble que c’est ce vers quoi nous nous dirigeons, mais il m’intéresse de poursuivre la discussion.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Si je souscris aux propos de Gilles Le Gendre, il me semble que ces amendements arrivent au bon moment. Ce sont bien les termes de l’article 5 qui nous posent problème, car ils établissent une hiérarchie entre suicide et euthanasie, alors même que la philosophie du texte repose sur le libre choix. Au nom de quoi priverions-nous du droit à mourir une personne capable d’agir par elle-même au motif qu’elle ne voudrait pas s’auto-administrer la substance et souhaiterait recourir à un médecin ou à une infirmière volontaire – et j’insiste sur le mot « volontaire » ? Ce serait d’une cruauté infinie, madame la ministre ! On peut demander l’aide à mourir et ne pas vouloir s’administrer le produit, même si on en est physiquement capable.
M. Philippe Juvin (LR). Pour dire les choses clairement, si ces amendements sont adoptés, nous passerons du suicide assisté à l’euthanasie, ce qui ne sera pas mon choix.
Par ailleurs, si je comprends parfaitement votre crainte, monsieur Le Gendre, d’aborder plusieurs fois les mêmes sujets, le fait est que des éléments de la procédure pratique figurent aussi bien à l’article 5 qu’aux articles 7 et 8, le texte étant ainsi rédigé. Dès lors que l’on souhaite amender le texte, on est condamné à le faire à ces différents articles.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Non, monsieur Juvin, on ne peut pas dire qu’il s’agit de passer du suicide assisté à l’euthanasie, ni de privilégier l’un ou l’autre. Nous souhaitons donner le choix entre deux dispositifs.
Je confirme que cette discussion intervient au bon moment, puisque c’est l’article 5 qui établit une hiérarchie entre les méthodes. Quant aux articles 6 à 11, ils ne décrivent que la procédure consistant à s’auto-administrer la substance. Si nous n’introduisons pas maintenant la liberté de choix, nous ne pourrons plus le faire ensuite.
Mme Laurence Cristol (RE). L’article 5 est effectivement un article chapeau, dans lequel se retrouve l’esprit du texte, dont l’équilibre est une ligne de crête. Il est ainsi proposé d’ouvrir, dans des conditions extrêmement strictes, un droit à mourir fondé sur un modèle préservant l’autonomie des patients grâce à l’auto-administration de la substance létale. En effet, aux termes du projet de loi, ce n’est que quand la personne ne peut se l’inoculer elle-même qu’une tierce personne peut l’y aider. Peut-être discutons-nous de cette question de manière prématurée, mais amender cet article reviendrait à changer l’esprit du texte qui, je le répète, vise à entendre la volonté libre, éclairée et réitérée des malades en fin de vie et à les accompagner – l’aide à mourir ne devant être que l’exception. Notre philosophie est claire, nette, précise, et j’estime que la changer serait une profonde erreur.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS707 de M. Raphaël Gérard, CS326 de Mme Cécile Rilhac, CS650 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1791 de M. François Gernigon (discussion commune)
Mme Brigitte Liso (RE). L’amendement CS707 vise à laisser aux malades la possibilité de choisir les modalités d’administration de la substance létale afin de ne pas exacerber des situations de souffrance.
Mme Cécile Rilhac (RE). Élaboré avec notre ancien collègue Jean-Louis Touraine, mon amendement tend à remplacer les mots « lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder » par les mots « selon son choix ». Nous estimons en effet que le choix entre euthanasie et suicide assisté doit dépendre du malade et non de la maladie ou d’éventuelles paralysies dont il souffrirait.
Dans le livre Six mois à vivre, le conjoint de Marie Deroubaix, parti en Belgique pour recourir à l’euthanasie en raison d’un cancer généralisé, écrivait le juste commentaire suivant : « Marie me répétait sans cesse : “le suicide, j’y ai pensé, mais je ne veux pas”. [...] Elle était persuadée à juste titre que les proches de quelqu’un qui s’est suicidé ressentent à vie une culpabilité. [...] Elle voulait que la société prenne jusqu’au bout, vis-à-vis de l’homme, ses responsabilités. »
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement relève de la même philosophie : il vise à substituer aux mots « n’est pas en mesure physiquement d’y procéder » les mots « le demande ».
M. François Gernigon (HOR). Mon amendement a le même objet. Il s’agit de remplacer les mots « n’est pas en mesure physiquement d’y procéder » par les mots « en fait la demande ».
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Comprenez bien que la méthode, la procédure et l’évaluation, que nous examinerons plus tard, sont pensées pour le dispositif prévu à l’article 5. Il convient de ne pas modifier à ce point l’équilibre et la structure du texte.
Mme la ministre. Même avis.
M. Philippe Vigier (Dem). J’estime moi aussi que ces amendements briseraient l’équilibre général du texte. Si une personne souhaitant mourir est en mesure de s’auto‑administrer la substance, elle le fait elle-même ; si elle en est incapable physiquement, une tierce personne le fait à sa place.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue entre vingt-trois heures et vingt-trois heures cinq.
Amendements identiques CS187 de M. Philippe Juvin et CS1763 de M. Christophe Bentz, amendement CS1506 de M. Hervé de Lépinau, amendements identiques CS126 de Mme Marie-France Lorho et CS359 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Nous rappelions tout à l’heure cette parole forte de l’ancien ministre Jean Leonetti : « La main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort. » Dans son avis 121, le Comité consultatif national d’éthique estime qu’« il faut désamorcer l’illusion qui voudrait que l’euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours ». Tenons compte des avis des acteurs du soin, qui ne sont pas favorables au fait de donner intentionnellement la mort. Du reste, dès lors que ce geste n’est pas un soin, il n’y a pas de raison qu’il soit pratiqué par des professionnels de santé. Aussi l’amendement CS187 vise-t-il à supprimer de l’article 5 la mention du médecin et de l’infirmier.
M. Christophe Bentz (RN). L’euthanasie n’est et ne sera jamais un soin. Ce n’est aucunement la vocation des médecins ou des infirmiers que d’administrer une substance létale.
Madame la ministre, je vous ai posé plusieurs questions auxquelles vous n’avez pas répondu. Je vous remercie de votre présence, mais quelle en est l’utilité si vous ne répondez pas aux députés ? Concernant la personne volontaire qui sera amenée à administrer la substance létale, il n’y a dans l’article 5 aucun critère d’âge ni d’état psychologique. J’avais déposé un amendement prévoyant un examen psychologique préalable ; puisqu’il a été déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution, je le redéposerai sous une autre forme en vue de la séance. Mais j’aimerais au moins une réponse.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’administration de la substance létale ne peut incomber à un professionnel de santé puisqu’elle contrevient au serment d’Hippocrate, qui interdit au médecin de provoquer délibérément la mort. Ce serait demander aux médecins d’agir contre leur conscience. Pour ceux qui veulent vraiment trouver une solution au cas où la personne malade ne pourrait s’administrer la substance elle-même, on peut parfaitement prévoir un mécanisme impliquant le tribunal judiciaire : une sorte de mandataire serait désigné dans chaque juridiction pour procéder à ce geste. Ainsi, la démarche serait juridiquement encadrée.
Mme Marie-France Lorho (RN). De même que le code de déontologie des infirmiers défend à cette profession de donner la mort, le serment d’Hippocrate interdit aux médecins de le faire délibérément. La première mission du médecin est le soin – et non la guérison, puisque celle-ci peut être impossible. En permettant que le médecin donne la mort, vous changez le paradigme qui régit la profession. Aussi mon amendement vise-t-il à exclure les médecins d’une telle procédure.
M. Patrick Hetzel (LR). Le médecin doit demeurer celui qui soigne et non celui qui accomplit l’acte létal. Si on considère que donner la mort n’est pas un soin, et sûrement pas le soin ultime, il faut être cohérent : supprimons la possibilité pour un médecin de réaliser cet acte.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Les médecins bénéficient d’une clause de conscience, mentionnée à l’article 16.
De plus, les amendements rompraient avec le modèle d’accompagnement du patient. La présence d’un médecin ou d’un infirmier, que ce soit pour administrer la substance létale ou pour superviser son administration, est indispensable afin de s’assurer du bon déroulement de la mise en œuvre de l’aide à mourir. Il s’agit aussi de pouvoir intervenir en cas de complications.
Mme la ministre. Selon l’avis de l’Académie nationale de médecine intitulé « Favoriser une fin de vie digne et apaisée : répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables », adopté le 27 juin 2023, « il est inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d’abréger les souffrances qu’elles subissent du fait d’une maladie grave et incurable ». Il convient de « répondre à ces situations de supplice non soulagé » avec tempérance et d’« aider à mourir le moins mal possible ». L’Académie souligne l’impératif de poser légalement des garanties et des limites strictes dans le cas où une évolution législative serait opérée.
Je reviendrai sur le sujet des mineurs à l’occasion d’un amendement qui sera discuté à la fin de l’examen du présent article et auquel je donnerai un avis favorable. C’est la raison pour laquelle je n’avais pas répondu pour l’instant.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Pourquoi exclure les médecins du dispositif ? La clause de conscience est là pour protéger tous ceux qui ne voudraient pas accomplir l’acte. Mais j’ai beaucoup de mal à entendre qu’ils y seraient majoritairement opposés. En 2023, un collectif de cent dix‑huit soignants – médecins et infirmiers –, tous en activité, s’est déclaré très favorable à l’aide active à mourir. En instaurant celle-ci, on éviterait les démarches qui ont de toute façon lieu clandestinement.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas autoriser à avoir recours à un médecin le patient qui ne peut faire lui-même le geste ou – et là, je vais plus loin que le texte – ne le veut pas ?
M. Jocelyn Dessigny (RN). Ce n’est pas parce qu’un collectif de quelques médecins a estimé en 2023 qu’il fallait adopter ce projet que nous devons le voter. Nous avons auditionné un grand nombre de médecins qui nous ont majoritairement fait part de leur volonté de ne pas administrer la substance létale, de ne pas donner la mort à leurs patients.
Quand on prête le serment d’Hippocrate, c’est par vocation et cette vocation n’est pas de donner la mort, mais de soigner et d’accompagner jusqu’à la fin, sans souffrance. C’est une raison suffisante pour exclure les médecins du dispositif.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il faut tout de même reconnaître que, dans ce projet de loi, on demande beaucoup aux soignants. Il est important de tenir compte d’eux, de les protéger, de s’intéresser à leur sensibilité, à leurs états d’âme, à leurs difficultés. La clause de conscience ne suffit pas. Il faut un critère très simple : le volontariat, manifesté par l’inscription sur une liste. J’ai déposé des amendements en ce sens. Cela réglerait le problème et apaiserait la communauté médicale. Comme vous, je vois des médecins, j’en connais beaucoup, et je suis d’ailleurs médecin moi-même. Je peux vous assurer que ce projet de loi ne fait pas l’unanimité parmi eux.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). À l’appui de ces amendements, on entend d’abord qu’une partie des soignants ne voudrait pas pratiquer l’acte. Cela ne pose pas de problème puisque le texte prévoit une clause de conscience : personne ne sera contraint d’accomplir un acte contraire à son éthique personnelle ou à sa conception de son métier. Ensuite, à supposer qu’une majorité de soignants s’y refuse – ce dont je doute –, cela n’empêcherait pas le texte de s’appliquer puisqu’il ne concerne qu’un nombre très réduit de cas par an.
Bonne nouvelle : certains se montrent soudain très attentifs aux exigences des soignants. On espère que ce sera toujours le cas au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et que la même attention sera accordée aux tribunes dans lesquelles ils demanderont des moyens et des conditions décentes d’exercice.
M. Thierry Frappé (RN). Le médecin est là pour prévenir, pour soigner, pour promouvoir et garantir la santé, non pour tuer d’une façon ou d’une autre – suicide assisté ou euthanasie. Il soigne jusqu’au bout, accompagne la vie et prend s’il le faut des décisions de sédation jusqu’au décès, non pour aller jusqu’au décès mais parce que la sédation va jusqu’au bout – elle n’a pas pour but le décès mais le soin.
L’inclusion du médecin dans le dispositif risque de créer d’importantes dissensions au sein du corps médical, la majorité des soignants étant opposée à ce geste. Je rappelle qu’une pétition contre celui-ci a recueilli, en début d’année, 850 000 signatures.
M. Yannick Neuder (LR). Mme Darrieussecq l’a bien dit, il s’agit d’entendre la communauté médicale et paramédicale. L’idée d’une clause de volontariat est intéressante, car le point de vue des soignants n’est pas tout blanc ou tout noir : certains voudront, d’autres non. Trouvons donc la bonne rédaction pour apporter cette précision. Il me paraîtrait sage de créer une liste déposée auprès des conseils de l’ordre et des agences régionales de santé ; les soignants qui le veulent pourront ainsi se déclarer. Il ne faut pas mettre à mal la communauté des soignants alors qu’il y a beaucoup de sujets à discuter avec elle.
Mme Anne Bergantz (Dem). En ce qui concerne le serment d’Hippocrate, je ne suis pas médecin mais, lors des auditions, j’ai entendu des médecins donner un éclairage différent à ce sujet. Le serment d’Hippocrate de 2012 affirme : « Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. » Il me semble que le texte dont nous discutons est conforme à cette disposition.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La phrase qui vient d’être citée correspond à la loi existante ; elle en est le principe fondateur.
Les amendements soulèvent une question difficile. Qui doit accomplir ce geste ? Je ne vois pas de bonne solution. Je ne suis pas sûr que, dans cette salle, nous soyons très nombreux à avoir envie de le faire. Dans une enquête nationale conduite auprès de 2 297 acteurs des soins palliatifs et publiée en mars, très peu s’y disent prêts. Il y a donc bien un problème, même si on peut ne pas vouloir en discuter.
M. Philippe Juvin (LR). Mme Bergantz a cité une phrase du serment d’Hippocrate, mais elle a oublié celle qui suit : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »
Une question technique que j’ai oublié de poser durant les auditions : les médecins qui auront déjà prêté serment pourront-ils faire fi de ce dernier en participant à l’application de la loi ?
Mme Annie Vidal (RE). Si les amendements étaient adoptés, il n’y aurait plus pour accomplir le geste qu’une « personne volontaire » dont on ne sait qui elle est – un proche, un membre d’une association ? Cela pose un problème majeur. De plus, le médecin a un rôle prépondérant à jouer : c’est lui qui autorise ou non la mise à disposition d’une substance létale. Il n’est pas cohérent de faire dépendre de lui ou de l’équipe médicale l’acceptation de cette demande puis de les dispenser du geste.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Il me semble que l’aide à mourir ne contredit pas le serment d’Hippocrate. Dans les cas dont nous parlons, la mort n’est pas provoquée par le médecin : elle est inéluctable car causée par une maladie incurable et elle résulte du choix du patient. Le médecin ne fait que soulager des souffrances, à l’instar du médecin en soins palliatifs. Il ne paraît donc pas nécessaire de refaire prêter serment ni de modifier le serment pour pouvoir voter le texte.
M. Jean-François Rousset (RE). Il est très compliqué de parler à la place des médecins. Nous sommes quelques-uns à l’être dans la salle et nous avons tous été confrontés à ce type de situation. Si l’on exerce ce métier, c’est que l’on a une conviction – chacun la sienne – quant à ce que l’on peut faire pour soigner. Certains médecins ne peuvent pas voir les malades, ils font de la radiologie ; d’autres les adorent et font de la médecine d’urgence ; d’autres encore choisissent la réanimation. En tout cas, nous avons tous eu à prendre une décision difficile à un moment ou à un autre. Si elle est trop difficile, la clause de conscience permet de se retirer. Mais ceux qui ont envie d’aller au bout du bout peuvent considérer que délivrer une substance létale à quelqu’un fait partie des soins.
Il y a de l’hypocrisie dans cette affaire : de nombreux médecins vous diront, si vous discutez avec eux, qu’ils l’ont fait. Le but du projet de loi est de les protéger, ainsi que les soignants soumis à ces décisions. Car s’ils ne le font pas, qui va s’en charger ?
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Pendant les auditions, un médecin réanimateur nous a expliqué qu’il mettait en place une sédation profonde et continue et qu’au bout de trois minutes, c’était fini, parce qu’il débranchait les machines. Il me semble que cela ne remet pas en cause sa fidélité au serment d’Hippocrate.
Plusieurs personnes ont employé le mot « vocation ». Je ne veux pas choquer, mais j’aimais beaucoup ce slogan qui date de plusieurs décennies : « Ni nonnes, ni bonnes, ni connes. »
Mme Laurence Cristol (RE). Je suis très heureuse de prendre la parole après Caroline Fiat, puisque c’est beaucoup des soignants qu’il est question – médecins, infirmiers, aides-soignants.
Monsieur Juvin, nous sommes plusieurs ici à avoir prêté le serment d’Hippocrate. Nous parlons de personnes en fin de vie, dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme et dont les souffrances sont intolérables. Ce n’est pas le soignant qui va procurer la mort : il va apporter une mort apaisée. Ne soyons pas hypocrites. En tant que soignants, quand nous ne pouvons plus guérir, nous sommes là pour accompagner, pour apaiser, pour secourir. Je suis profondément convaincue que cela n’est pas rompre le serment d’Hippocrate.
Médecins, infirmiers ou aides-soignants, nous avons tous envie d’apporter du bien‑être à ces malades en fin de vie. Il ne me semble pas opportun d’ôter à un soignant, comme le proposent les amendements, la possibilité d’aider jusqu’au bout. Quand on est soignant, qu’on s’implique dans la vie des autres et qu’on les aime, on est capable de rester jusqu’au bout et d’assumer ce geste. Je connais beaucoup de soignants qui y sont prêts, même si certaines études tendent à montrer le contraire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS360 de M. Patrick Hetzel et CS608 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Mon amendement s’inspire de la situation en Suisse. Ayant eu les mêmes débats que nous, les Suisses ont considéré que le suicide assisté devait se faire dans des tiers‑lieux, pour éviter la moindre ambiguïté, et ne pas dépendre de professionnels de santé, afin d’appliquer une clause de conscience. Le suicide assisté a ainsi été confié à des associations qui militaient en sa faveur, donc volontaires, et à but non lucratif.
Comme le disait fort pertinemment Mme Darrieussecq, les professionnels de santé sont déjà lourdement mis à contribution. Le secteur souffre d’un manque de motivation. Nous sommes nombreux à rendre hommage aux soignants. Il faut trouver une autre solution que celle de leur confier le suicide assisté.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En Suisse, le médecin n’intervient que pour fournir la dose létale. Les accompagnants, qui ne connaissent pas les suicidants, interviennent à titre bénévole. Ainsi, le processus entraîne moins de problèmes psychologiques.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Justine Gruet (LR). Le mode d’administration de la substance létale a son importance. Si le patient se l’administre lui-même, il peut le faire par voie orale, mais la voie injectable suppose qu’une perfusion ait été installée, ce qui requiert l’intervention d’un professionnel de santé. Si c’est une personne tierce qui pratique l’acte, cela ne sera pas par voie orale, sinon le patient le ferait lui-même ; quant à la voie injectable, elle nécessite là encore l’intervention d’un professionnel de santé, même si l’acte incombe à une personne tierce volontaire. Faire une injection ou poser une perfusion est un geste très technique.
M. Philippe Juvin (LR). Madame la ministre, je crains de ne pas avoir eu de réponse à ma question. Le serment, c’est très important. Il ne s’agit pas seulement d’un moment où l’on se fait prendre en photo avec sa famille ; c’est un acte fondateur dans une vie professionnelle. Les médecins qui ont prêté serment en disant « je ne provoquerai jamais la mort délibérément » seront-ils relevés de leur serment ? Et, eu égard à la nouvelle loi, est-il envisagé de modifier le serment d’Hippocrate, qui figure dans la loi ? Ce serait – malheureusement – logique.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ces deux amendements nuisent à la cohérence générale du dispositif. La procédure suisse a sa cohérence interne : les associations sont chargées du suicide assisté, mais celui-ci ne relève à aucun moment d’institutions ni d’une surveillance médicale : pas de validation par une commission médicale, pas d’intervention des soignants. Ici, nous sommes majoritairement d’accord pour que les critères retenus intègrent des éléments médicaux – par exemple, la nature de l’affection. Or on ne peut pas avoir les deux systèmes : cela signifierait qu’une fois que les commissions médicales ont donné leur validation, elles se défaussent totalement sur les associations de ce qui arrive à la personne qu’elles ont autorisée à entamer ce chemin.
Par ailleurs, prendre en charge des personnes est un travail qui repose sur des qualifications, et toute qualification mérite salaire. Il ne serait pas normal de se défausser s’agissant d’un droit fondamental, le droit de mourir dans la dignité, au lieu de se faire un devoir de payer des gens pour permettre son exercice.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il est un peu spécieux de prétendre s’inspirer du modèle suisse en n’en retenant que les éléments qui vous intéressent. Certains cantons suisses ont introduit l’obligation de pratiquer le suicide assisté pour les institutions publiques hospitalières ou accueillant des personnes âgées. Les associations comme Dignitas ou Lifecircle n’en ont donc pas le monopole. À Genève, où cette obligation n’existe pas, c’est l’hôpital lui-même qui a décidé que le suicide assisté serait pratiqué en son sein, sans recours aux associations.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je reste très embarrassé par la question de savoir qui doit faire le geste une fois la décision prise. Je comprends la proposition qui nous est soumise, mais je suis d’accord avec Hadrien Clouet pour considérer que ce geste relève d’un travail. Les personnels soignants soulèvent aussi le problème de la relation de confiance avec le patient. De plus, ce geste, qui n’est pas anodin, hante longtemps les personnes qui ont été amenées à le faire.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Un accompagnement médical en fin de vie est une demande des citoyens, y compris au sein de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Il s’agit de répondre à la demande des patients, comme le prévoit la loi.
En soins palliatifs comme à l’extérieur, en libéral ou en établissement hospitalier, un certain nombre de soignants sont d’accord pour accompagner les patients jusqu’à leur fin de vie. S’ils ne le veulent pas, ils ont la clause de conscience, comme pour l’interruption volontaire de grossesse.
Le modèle suisse correspond à un choix différent, et si le geste ne pouvait pas être pratiqué en milieu hospitalier auparavant, cela se fait désormais.
Mme Annie Vidal (RE). Monsieur Hetzel, j’ai cru comprendre que vous n’étiez pas favorable à l’article 5 ; pourtant, vous défendez un amendement évoquant la promotion du suicide assisté. Cette notion me gêne beaucoup, car elle laisse penser que l’on pourrait faire pression sur la personne pour qu’elle demande ce geste.
Mme la ministre. J’invite M. le professeur Juvin à consulter la page du site du Conseil national de l’Ordre des médecins sur le serment d’Hippocrate. Il verra que ce qu’il vient de dire n’est pas tout à fait exact : le serment d’Hippocrate ne figure pas dans la loi. On y lit que « même s’il n’a pas de valeur juridique », il « est considéré comme l’un des textes fondateurs de la déontologie médicale ». La déontologie relève du cadre réglementaire, dont vous, mesdames et messieurs les députés, déterminez les grandes règles par la loi. Si le serment d’Hippocrate devait évoluer, ce serait parce que le cadre législatif aurait évolué du fait du législateur.
En Suisse, l’assistance au suicide a lieu aujourd’hui au sein des hôpitaux. Cette évolution date d’une dizaine d’années.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS21 de M. Thibault Bazin, CS1708 de M. Jean-François Rousset et CS780 de M. Laurent Panifous
M. Thibault Bazin (LR). Je souscris à la suggestion de Geneviève Darrieussecq au sujet du volontariat, mais il ne faut pas permettre aux proches de la personne en fin de vie de faire partie des volontaires, afin de les protéger des conséquences, évoquées par Pierre Dharréville, qu’un tel geste risquerait d’avoir sur elles. Selon une étude conduite en Suisse, 13 % des endeuillés ayant été témoins d’un suicide assisté présentaient les symptômes d’un état de stress post-traumatique total et 16 % étaient en dépression. Ces chiffres sont considérablement supérieurs à ceux que l’on observe en cas de mort naturelle. L’étude d’impact fait l’impasse sur cette question fondamentale. Nous sommes là pour soulager le mal-être, pas pour le provoquer.
M. Jean-François Rousset (RE). Il convient de supprimer la possibilité, pour le patient, de désigner un tiers volontaire pour l’administration de la substance létale. Un tel dispositif placerait le tiers dans une situation paradoxale, puisqu’il devra à la fois avoir été désigné et être volontaire. Outre qu’un engagement personnel aussi fort et complexe risque d’avoir des conséquences psychologiques dommageables, ce processus ne permettrait pas forcément de garantir le respect du protocole d’administration de la substance létale.
M. Charles de Courson (LIOT). Je défends l’amendement CS780.
Votre texte placerait la tierce personne volontaire désignée par le patient dans une situation très délicate. Si c’est un proche du malade, un membre de sa famille, il pourrait se sentir obligé d’accéder à la demande du malade sans pour autant y être prêt, ce qui emporterait de lourdes conséquences psychologiques. En outre, les aspects techniques de l’administration de la substance létale risquent d’accaparer l’entourage du malade et de l’empêcher de jouer son rôle fondamental d’accompagnement, de soutien émotionnel lors de la fin de vie. Par ailleurs, même si le tiers désigné n’est pas un proche, mais le membre d’une association, par exemple, le geste est loin d’être anodin ; or le texte ne prévoit aucun accompagnement de ce tiers. Enfin, aucune disposition ne vise à encadrer les conditions de désignation de la personne volontaire, et rien n’est prévu pour éviter de potentielles dérives.
Les législations étrangères, notamment celles d’une dizaine d’États américains, prévoient que la substance est administrée par le personnel médical. Seul le modèle suisse, qui s’appuie sur des associations, fait exception, mais cela rejoint la mentalité de ce pays. Ne mélangeons pas les deux modèles d’administration !
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Outre un médecin ou un infirmier, un tiers désigné – qui pourrait, pourquoi pas, être un proche – doit pouvoir administrer la substance létale au malade qui ne pourrait pas le faire lui-même. Ce tiers sera protégé sur le plan pénal : il ne pourra pas encourir de poursuites, comme le prévoit l’alinéa 2.
Comme vous, lors des auditions, je me suis interrogée sur ce dispositif. J’ai donc déposé l’amendement CS1959, qui vise à préciser que le tiers désigné devra être majeur, qu’il devra consentir à administrer la substance et qu’il ne pourra recevoir aucune rémunération ou gratification, à quelque titre que ce soit, en contrepartie de sa désignation – je réponds ainsi à l’alerte lancée par plusieurs associations.
Afin que nous puissions examiner ce dispositif, il convient de rejeter les trois amendements en discussion. La présence d’une tierce personne constitue une richesse : elle nous évitera de nous en remettre exclusivement aux professionnels de santé.
Mme la ministre. Je partage l’avis de la rapporteure. Le présent texte repose sur le principe de l’auto-administration de la substance létale ; si elle n’est pas possible, le produit doit pouvoir être administré par un tiers protégé pénalement, comme le prévoient les articles consacrés à la procédure. Le Gouvernement donnera par ailleurs un avis favorable à l’amendement CS1959 de la rapporteure, qui vise à apporter des garanties concrètes, concernant notamment l’âge de la personne volontaire.
Mme Monique Iborra (RE). L’amendement de la rapporteure constitue un progrès, mais des interrogations demeurent. Personne n’a répondu aux questions très concrètes de Mme Gruet. Ainsi, l’article 5 évoque le cas où la personne bénéficiant de l’aide à mourir n’est « pas en mesure physiquement » de s’auto-administrer la substance, mais quid des incapacités d’ordre technique plutôt que physique – dans le cas d’une perfusion, par exemple ? Cette interrogation s’ajoute au fait que l’obligation, pour le malade, de s’administrer lui-même la substance me semble contraire aux principes d’humanité et de solidarité.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ces questions seront examinées à l’article 11.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Notre fil conducteur doit être le respect de la volonté du patient.
Durant les auditions, j’en suis venue à douter. Faut-il interdire l’administration de la substance par une tierce personne ? Si un proche me désigne, aurai-je la force d’accepter, ou celle de refuser ? Ne serait-il pas plus confortable que la loi me protège de ces dilemmes ? J’estime finalement que non, car le pire serait encore d’avoir la force d’accepter de donner à la personne que j’aime cet ultime geste d’amour, mais d’en être empêché par la loi, sous peine de poursuites pénales. La faculté de confier l’administration du produit létal à un tiers doit donc être maintenue ; l’amendement de la rapporteure permettra de garantir le consentement de cette personne et de la protéger de poursuites pénales.
Mme Cécile Rilhac (RE). Lors des auditions, j’ai également éprouvé des doutes concernant l’administration de la substance par un tiers de confiance. Toutefois, après avoir visité différentes structures médico-sociales ou de soins palliatifs, j’ai compris qu’il s’agissait, au fond, du même débat que celui relatif à la clause de conscience des soignants. Maintenons donc cette possibilité.
Sachez enfin, chers collègues, que l’adoption des amendements en discussion ferait tomber la quasi-totalité de ceux restant à examiner à l’article 5.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis surpris : M. Bazin propose ici de réserver l’acte au corps médical, alors qu’il refuse par ailleurs d’imposer à celui-ci le devoir de l’accomplir !
Grâce à la clause de conscience, le présent texte protégera les médecins – mais non les infirmiers, ce qui pose problème. Quant aux tiers, permettons-leur d’administrer la substance en réponse à la demande du malade, dans un signe d’amour ultime.
M. Thomas Ménagé (RN). Je voterai pour ces amendements car la pertinence de l’administration par un tiers me semble douteuse.
Madame la rapporteure, vous apportez des réponses sur le plan pénal sans que personne ne parle de l’aspect psychologique de ce geste. Le consentement du tiers, que vous prévoyez, sera-t-il réellement libre et éclairé ? Si demain mon père me demandait de lui administrer une substance létale, j’accepterais sans doute, par respect pour ses dernières volontés, mais ce serait peut-être ensuite une croix que je devrais porter toute ma vie.
Prenez en considération la capacité de résistance des individus. Même si certains soignants ne souhaitent pas réaliser ce geste, il faut le réserver à des professionnels, qui sont davantage habitués à la mort que les proches. Peut-être d’autres professionnels que les soignants pourraient-ils d’ailleurs également s’en charger ?
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les difficultés pratiques, concrètes, restent pour moi entières. Nous avons nous aussi déposé un amendement visant à empêcher l’administration du produit létal par un tiers, qui ne nous semble pas raisonnable. C’est tout le problème des droits-créances. Une telle demande, exorbitante, ferait peser sur le tiers une charge psychologique énorme, qui conduirait, selon moi, à des traumatismes importants. Pour autant, l’acte doit-il incomber à des infirmiers et à des médecins ? La question demeure.
Mme Annie Genevard (LR). Comme le montrent les exemples choisis par chacun, les tiers désignés seront sans doute souvent des membres de la famille du malade. S’ils accomplissent ce geste consistant à administrer la mort, ils le paieront probablement en années de psychanalyse.
L’amendement de la rapporteure présente l’intérêt de réserver l’acte aux tiers majeurs, de prévoir le consentement de ces derniers et d’interdire leur rémunération. Toutefois, nous n’évoquons pas assez le risque d’emprise, d’incitation ou de manipulation du mourant en vue de le pousser à choisir le suicide assisté ou l’euthanasie. Ce risque doit être mentionné, d’une manière ou d’une autre, dans la loi.
M. Jérôme Guedj (SOC). Bien que je sois favorable à l’aide à mourir et que je considère qu’il faut traiter de la même manière suicide assisté et euthanasie, je suis farouchement opposé à la proposition d’octroyer la faculté d’administrer une dose létale à un membre extérieur au colloque singulier entre soignant et patient. Sauf erreur de ma part, cela constituerait une innovation mondiale. Moi aussi, je m’inquiète des conflits d’intérêts, des pressions psychologiques et des chantages affectifs qui pourraient s’exercer sur les membres de la famille à la faveur d’un tel dispositif, avec des conséquences psychologiques à long terme.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). M. Bazin voulait tout à l’heure interdire aux infirmiers et aux médecins d’administrer la substance létale. Il demande désormais de l’interdire aux tiers volontaires, pour qu’il ne reste plus rien du texte.
Pour ma part, je remercie Mme la rapporteure d’avoir déposé l’amendement CS1959. Bien que je souhaite autoriser l’administration par un tiers volontaire, je doute moi aussi qu’il faille permettre aux proches d’accomplir cet acte, car les risques seraient trop grands. Il faudrait le réserver aux bénévoles d’associations, qui jouent d’ailleurs bien souvent le rôle de confident auprès des malades qu’ils suivent pendant des mois.
Mme Laurence Cristol (RE). Le projet d’autoriser l’administration de la substance létale par un tiers non soignant me semble inédit – je ne vois pas d’équivalent dans les législations étrangères. Il doit susciter notre vigilance.
Tout d’abord, il est impossible d’être véritablement à la fois désigné et volontaire. Si le malade n’a qu’un seul proche, celui-ci devra occuper le rôle de tiers volontaire par défaut.
Ensuite, contrairement à votre présupposé, cet acte n’est pas banal. Pour assurer sa qualité, sa sécurité, il doit être effectué par un soignant.
Certains arguent que l’administration par un tiers non soignant rassurera les soignants opposés à l’aide à mourir. Pourtant, lors des auditions, ces derniers se sont montrés hostiles à ce dispositif.
Depuis les années 1990, je travaille avec les soignants et les aidants. Même si nous avons toujours cherché à protéger les aidants, la moitié d’entre eux déclarent encore se sentir très isolés et insuffisamment soutenus. Il est difficile d’imaginer qu’ils administrent une dose létale, avec toutes les conséquences qui s’attachent à cet acte.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Chacun a souligné l’importance du respect des directives anticipées, du choix de la personne de confiance, du libre arbitre des personnes. Ne privons pas les malades de la possibilité d’être accompagnés par la personne de leur choix, s’ils le désirent. S’il est impératif de protéger les mineurs, l’administration de la dose létale doit être possible au sein d’un couple, à domicile, dans un ultime geste d’amour. Il y aura toujours des cas où une tierce personne sera aux côtés du malade lorsqu’il s’auto-administrera la dose létale ou qu’il s’y fera aider, à domicile ou dans un cadre hospitalier. Cette tierce personne doit être protégée sur le plan pénal. N’essayons pas d’aider les gens malgré eux, de les protéger malgré eux, et allons au bout de la belle logique du libre arbitre, de l’autonomie et du volontariat.
Mme la ministre. Ce texte repose sur une philosophie : le patient doit être l’acteur central. Si la règle est donc l’auto-administration, celle-ci est parfois impossible, mais cela n’empêche pas de laisser le patient choisir lui-même la personne par qui il souhaite être accompagné. De toute manière, un personnel médical ou paramédical sera toujours présent lors de l’administration du produit – nous y reviendrons. Dès lors, le patient ne sera jamais seul avec le proche qu’il a désigné.
Ces amendements visent à interdire l’administration par un tiers. Leur adoption conduirait à priver les proches des malades d’une protection face aux procédures pénales, et même à exclure les proches de la discussion.
Le problème est que nos débats ne suivent pas l’ordre d’examen du texte. Comme le disait tout à l’heure Gilles Le Gendre, l’article 5 a été conçu comme un article chapeau, les modalités précises de la mise en œuvre de l’aide à mourir étant détaillées dans les articles suivants. L’amendement CS1959 de Mme la rapporteure à cet article, qui précisera notamment le statut du proche, puis l’article 11 permettront de nous prémunir de certains des risques avancés.
La commission rejette les amendements.
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9. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 9 heures (article 5 [suite] à article 6)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([10]).
Article 5 (suite) : Définition et conditions d’accès de l’aide à mourir
Amendement CS1805 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous proposons d’exclure du dispositif les médecins militaires, afin qu’ils n’aient pas à provoquer la mort, par l’administration d’une substance létale, de soldats français prêts à donner leur vie pour défendre la nation. S’il est vrai que le risque de mourir fait intrinsèquement partie de l’engagement des militaires, ces derniers se sont avant tout engagés pour défendre la paix, donc la vie.
En demandant aux médecins militaires de pratiquer l’euthanasie sur leurs soldats, alors que leur mission est de prendre soin d’eux, on risque de les exposer à des troubles psychologiques, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les théâtres d’opérations.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Avis défavorable.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Les médecins militaires, comme les autres, ont fait le serment d’Hippocrate pour sauver des vies et soigner des personnes. Il serait inconcevable de demander à ces médecins, qui sont aussi des militaires, de donner la mort dans leur propre camp, à nos soldats qui se battent pour défendre notre pays.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1453 de Mme Emeline K/Bidi, amendements identiques CS264 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS358 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement CS1453 vise à supprimer la possibilité que la substance létale soit administrée par un infirmier, une infirmière ou une personne volontaire désignée par le malade. J’ai dit hier soir combien il me paraît difficile de désigner la personne adéquate censée faire ce geste.
Les arguments que vous avez utilisés hier – si quelqu’un en fait la demande, pourquoi le lui refuser ? – pour nous convaincre qu’une personne volontaire de l’entourage du malade doit pouvoir intervenir ont confirmé ma conviction qu’il s’agit d’un projet extrêmement libéral. Or le rôle de la loi est précisément de déterminer un cadre et des limites, pour protéger à la fois la personne qui formule une demande et celle qui est volontaire.
Quant aux infirmières et aux infirmiers, il convient de les laisser dans le registre du soin et d’éviter que, pris dans des relations humaines, mais parfois aussi dans des relations hiérarchiques, ils ne se sentent contraints d’accomplir un geste qui leur coûterait trop cher humainement et qui constituerait pour eux un préjudice.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En décembre 2023, une vingtaine de syndicats et d’organisations de soignants ont exprimé leur inquiétude et leur colère. Ils demandaient notamment que le volet relatif aux soins palliatifs soit mis en œuvre le plus tôt possible et qu’il soit séparé du projet de loi sur la fin de vie et l’aide à mourir. Ils s’inquiétaient aussi de la notion de « secourisme à l’envers », qui signifie qu’un soignant pourra hâter le décès si l’administration de la substance létale se passe mal.
Les infirmiers, qui s’attachent à soulager la souffrance et à accompagner les patients jusqu’à leur décès, sont conscients de la complexité des situations en fin de vie. C’est pourquoi ils s’opposent à ce texte et à tout ce qui risque de faire peser une pression sur les patients vulnérables. Ce qu’il faut avant tout, c’est une meilleure prise en charge de la douleur et de la souffrance.
M. Patrick Hetzel (LR). L’article R. 4312-621 du code de la santé publique énonce que « l’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort ». Comment comptez-vous surmonter la contradiction qui existe entre votre projet de loi et cet article ? Le considérez‑vous désormais comme nul et non avenu ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Adopter l’amendement CS1453 reviendrait à supprimer la possibilité de recourir à une personne volontaire. Or nous avons déjà eu ce débat hier soir et voté le maintien de cette disposition.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). En audition, la présidente de l’Ordre national des infirmiers nous a dit que, pour elle, l’aide à mourir percute la déontologie des infirmiers et que, selon une petite enquête réalisée au sein de la profession, il faut avant tout faire des efforts en matière de soins palliatifs. Elle craint que les patients ne subissent des pressions et que les personnes vulnérables aient le sentiment d’être un poids – elle le constate quotidiennement.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Pour tenter de répondre à la question qui nous occupe depuis hier – qui peut administrer la substance létale ? –, peut-être faudrait-il poser celle de ses modalités d’administration. Ce n’est pas la même chose, pour le patient comme pour le soignant ou la personne volontaire, s’il s’agit d’appuyer sur un interrupteur commandant un pousse seringue.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Les infirmières, comme les aides-soignantes, sont sans doute les personnes les plus présentes auprès des patients jusqu’à leur mort, puisqu’elles les accompagnent au quotidien. Elles pourront, comme les médecins, invoquer la clause de conscience. Il faudra effectivement envisager de modifier le code de déontologie pour le rendre compatible avec l’acte d’aide à mourir.
M. Jocelyn Dessigny (RN). C’est précisément parce que ces personnes accompagnent les malades au quotidien qu’il ne faut pas qu’elles aient à donner la mort. Leur métier consiste à accompagner les gens dans la vie et à les soigner ! Avez-vous pensé aux répercussions psychologiques que cela peut avoir ?
M. Nicolas Turquois (Dem). Tous les professionnels de santé savent qu’à la fin, la vie s’arrête. Il ne s’agit pas de donner la mort mais d’anticiper quelque chose d’inéluctable, dans le cadre du volontariat. Remettons les choses à leur place et ne faites pas comme s’il s’agissait d’assassiner quelqu’un.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les infirmières et les infirmiers, parce qu’ils accompagnent les personnes au quotidien, sont effectivement celles et ceux qui les connaissent le plus intimement. C’est précisément pourquoi ils et elles sont les mieux placés pour savoir ce que souhaite la personne, dans quelles conditions elle souhaite être délivrée de ses souffrances et comment la guider pour respecter ses vœux, son état et sa condition. Au reste, ce n’est pas un acte isolé ; il s’inscrit dans le prolongement de l’accompagnement d’un individu par la personne qui lui est le plus proche. Enfin, la clause de conscience fait que nul ne sera contraint à faire un acte qui n’est pas conforme à son éthique personnelle et professionnelle. Pour toutes ces raisons, la contradiction que pointent ces amendements n’existe pas.
Mme la ministre. Moi aussi, j’ai rencontré tout le monde, y compris l’ancien président de l’Ordre national des infirmiers. Ce qui est au cœur de ce texte, c’est la notion de choix : celui du patient, évidemment, mais aussi celui du personnel de santé. Personne ne sera obligé de faire un acte qu’il ne veut pas faire : la clause de conscience permet à celui qui ne veut pas faire le geste de ne pas le faire. C’est vrai pour une infirmière, comme pour un médecin.
S’agissant du code de déontologie, il est de nature réglementaire. Une fois que vous aurez écrit la loi, les codes s’y adapteront.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS653 de M. Stéphane Delautrette et CS654 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’un des points problématiques pour nombre d’entre nous, c’est la réalité du consentement libre et éclairé de la personne volontaire. Afin de s’en assurer, nous proposons qu’elle soit désignée dans les directives anticipées. Le fait d’éloigner dans le temps le moment où la personne donne son consentement et celui où elle accomplit l’acte est une bonne façon de s’assurer qu’elle est effectivement volontaire. Rien ne l’empêchera d’ailleurs de se rétracter à tout moment. Nous demandons par ailleurs qu’elle bénéficie d’un accompagnement psychologique, son deuil risquant d’être aggravé par le fait d’avoir eu à agir.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement de repli vise à préciser que la personne volontaire peut à tout moment faire savoir qu’elle ne l’est plus, à garantir qu’elle sera accompagnée et à préciser qu’elle agit à titre gratuit.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je vous invite à retirer vos amendements au profit de mon amendement CS1959, qui est plus complet, puisqu’il précise aussi que la personne volontaire doit être majeure.
Mme la ministre. La personne volontaire peut déjà se retirer à tout moment. L’amendement de la rapporteure est effectivement plus complet, puisqu’il aborde la dimension financière en précisant que la personne volontaire « ne peut percevoir aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit en contrepartie de sa désignation ».
Je suis défavorable à l’amendement CS653 et je demanderai à Mme Battistel de retirer le sien au profit de l’amendement CS1959.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous voterons contre ces amendements. Voulez-vous vraiment qu’un père ou une mère puisse demander à son enfant de lui administrer la solution létale ? Songez-vous au choc que cela peut être de donner la mort à ceux qui nous ont donné la vie ? Et aux conflits auxquels cela pourra donner lieu, entre parents et enfants, dans les derniers moments d’une vie ? Rendre possible de donner la mort à un proche ou à une personne de sa famille, je trouve cela scandaleux.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Madame la rapporteure, vous n’avez rien dit de la proposition de M. Delautrette de désigner la personne volontaire dans les directives anticipées.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous sommes favorables à ces amendements, qui précisent le mode de désignation de la personne volontaire, qui indiquent qu’elle doit être assistée par un médecin ou un infirmier, qu’elle peut se rétracter à tout moment et qu’elle agit à titre gratuit. Mais il nous paraît également très important de préciser qu’elle doit être majeure. Nous voterons pour ces amendements, tout en souhaitant que notre commission adopte également celui de la rapporteure.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Sachez que si l’un de ces amendements est adopté, il fera tomber le mien.
Pour ce qui est des directives anticipées, leur objet est de désigner la personne de confiance, pas la personne volontaire. Cela n’empêche pas que, le moment venu, la même personne puisse être désignée dans le cadre de l’aide à mourir. Je suis, en tout cas, très défavorable à une telle mention à cet endroit du texte.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’aurais volontiers retiré mon amendement si le vôtre précisait aussi que la personne volontaire doit être accompagnée et assistée par un médecin ou par un infirmier. Je propose que l’on sous-amende l’un ou l’autre de ces amendements, car cette précision me paraît essentielle, tout comme celle relative à la majorité.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). On voit là combien nous sommes obligés de nous contorsionner pour rendre les choses un peu acceptables. Or le moment viendra où ces contorsions ne fonctionneront plus.
Dans la mesure où les directives anticipées sont révisables à tout moment, tout au long de la vie, il paraît un peu compliqué d’y désigner une personne volontaire, qui n’aura peut-être pas le réflexe de faire savoir qu’elle souhaite se rétracter.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. J’insiste sur deux points. D’une part, la personne volontaire est à la fois désignée et accepte de l’être, ce qui est quelque peu éloigné de l’objet des directives anticipées. D’autre part, l’adoption de votre amendement ferait tomber le mien, et disparaître la précision que la personne volontaire doit être majeure. Je ne suis pas fermée à l’idée d’un sous-amendement.
Mme la ministre. Le problème, avec les directives anticipées, c’est que l’on ne sait pas à quel moment elles seront rédigées. Or les relations du patient avec sa famille ou ses proches peuvent évoluer dans le temps, et il y a un risque que les directives anticipées ne correspondent plus à la situation. C’est pourquoi je suis très défavorable à l’amendement CS653.
En revanche, garantir un accompagnement psychologique à la personne qui accepterait d’administrer le produit ne me pose aucun problème. Je ne verrais aucun inconvénient, si Mme la rapporteure l’accepte, à ce que son amendement CS1959 soit sous-amendé en ce sens. Dès lors, demande de retrait de l’amendement CS654.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. À moins que vous ne teniez absolument à un sous-amendement, je peux rectifier mon amendement en ajoutant : « Elle est accompagnée et assistée par un médecin ou par un infirmier. »
M. Gilles Le Gendre (RE). Nous sommes en train de construire un élément essentiel du projet de loi autour d’un amendement de la rapporteure. Faut-il vraiment essayer de tout y mettre ? Et faut-il ouvrir dès à présent un débat que nous avions prévu d’avoir plus tard ? Si le débat est ouvert, j’ai, moi aussi, des tas d’idées de sous-amendements à vous soumettre !
Je crois qu’il faut distinguer deux sujets : le rôle éventuel des directives anticipées, d’une part, et l’administration de la substance létale, d’autre part. Sur le deuxième point, se pose la question de savoir si le patient a le choix ou non de se l’auto‑administrer, ou de demander l’aide ou le secours d’un tiers ? Cette possibilité a été exclue hier, mais je continue de penser que c’est un choix qui doit être offert au patient. Et aussi, comment la personne qui administrera la substance létale doit-elle être désignée ? Sera-t-il possible de désigner un volontaire qui ne soit pas un proche ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Monsieur Le Gendre, ne revenons pas sur le débat qui a eu lieu hier soir.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je souhaite que l’on sous-amende maintenant l’amendement de la rapporteure pour aborder des sujets qui n’y figurent pas.
M. Didier Martin (RE). Compte tenu de la complexification qu’annoncent les amendements s’agissant de la personne volontaire, Mme la ministre pourrait peut-être revenir sur les raisons pour lesquelles il a été jugé utile d’introduire une telle personne dans le dispositif.
M. Patrick Hetzel (LR). Les textes qui nous sont soumis sont toujours perfectibles, mais les débats auxquels nous assistons montrent combien celui-ci est imparfait. Par ailleurs, madame la rapporteure, si vous commencez à rectifier vos propres amendements, votre méthode va prendre un tour assez baroque.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous ne prendrons pas part au vote sur les amendements CS653 et CS654, mais nous invitons nos collègues à les réécrire. Afin de protéger la personne désignée volontaire des possibles répercussions psychologiques de son acte, nous proposerons qu’un entretien avec un psychologue ait lieu avant le jour de l’administration de la substance létale, si les délais le permettent.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Il nous faut avancer. Je vous invite à retirer vos amendements et à adopter le mien, que nous pourrons ensuite retravailler ensemble en y ajoutant les précisions que vous voulez, en vue du débat en séance.
Mme la ministre. Pour répondre à M. Martin, le principe de ce texte, c’est le choix du patient : dans la grande majorité des cas, le patient s’administre lui‑même le produit létal ; s’il ne peut pas le faire, il peut le demander au personnel médical ou paramédical, ou à un proche. Il y a une option pour que le patient puisse choisir.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS482 et CS483 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Yannick Neuder (LR). Afin de ne pas diviser la communauté des soignants entre ceux qui sont favorables au texte et ceux qui y sont défavorables, je propose que les médecins et les infirmiers volontaires pour administrer la substance létale se fassent reconnaître auprès du conseil départemental de l’ordre professionnel compétent, afin que l’on dispose d’une liste des professionnels favorables à cette pratique. Il faut bien trouver un système qui permette à la fois à ceux des soignants qui considèrent cet acte comme le dernier soin de le faire, et de respecter la clause de conscience de ceux pour qui la main qui soigne ne peut pas tuer.
Notre rôle de législateur est de trouver une solution qui ne heurte pas la communauté médicale, qui respecte les convictions de chacun et qui ne nuise pas au choix du malade, si on décide de le satisfaire.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’article 16 prévoit que les professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir pourront se déclarer auprès de la commission d’évaluation et de contrôle. Cette commission est notamment chargée de centraliser les données et d’établir un registre à cette fin.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. La commission de contrôle et d’évaluation tient un registre national dont la vocation est d’enregistrer celles et ceux qui souhaitent se déclarer comme tels, ce qui n’empêchera pas le patient de demander à son médecin s’il est prêt à accomplir cet acte. Si le médecin accepte, la procédure se poursuivra. Dans le cas contraire, le registre permettra de trouver un autre médecin.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS188 de M. Philippe Juvin, CS549 de Mme Annie Genevard, CS652 de M. Jérôme Guedj, CS1247 de Mme Nicole Dubré-Chirat et CS1452 de Mme Elsa Faucillon
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS188 vise, comme les autres amendements qui ont été déposés, à supprimer la possibilité de recourir à une personne volontaire. Imaginer qu’un proche puisse intervenir activement dans l’administration de la substance létale nous pose un vrai problème.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je l’ai déjà dit hier soir avec solennité, je ne comprends pas l’introduction de cette disposition, que nous n’avions pas envisagée dans le groupe de contact constitué en amont du dépôt du texte. Cette disposition, qui est une innovation mondiale, est une rupture tellement importante que vous êtes obligés de disposer des garde-fous un peu partout pour essayer d’en limiter la portée.
Depuis le début, on nous dit que l’aide à mourir est un acte de soin, et j’adhère à cette vision. Pourquoi, alors, vouloir rompre le colloque singulier, qui est la rencontre d’une confiance et d’une conscience ? Pourquoi y introduire un proche et lui confier, alors qu’il aura probablement déjà joué un rôle d’aidant depuis des mois, voire des années, cette mission supplémentaire ? Pour moi, cette disposition est très problématique, car elle rompt l’équilibre d’un texte que je souhaite soutenir. Mon amendement a pour but de vous faire part de mon désarroi.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Je vais dans le sens de M. Guedj : il s’agit d’un dialogue entre l’équipe médicale et la personne concernée. La situation de la personne volontaire serait très difficile.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). C’est en effet une responsabilité immense. Cet article donne l’impression qu’on crée un droit nouveau, mais de façon minimale, et qu’on reporte la responsabilité sur d’autres. Il serait, de plus, délicat de savoir si la personne désignée est vraiment volontaire : est-ce qu’un proche sera vraiment en mesure de refuser une telle demande ? L’acte est suffisamment grave pour qu’on laisse au corps médical la responsabilité d’administrer le produit. Je défends donc l’amendement CS1452.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Nous avons eu ce débat. Il me paraît nécessaire de prévoir la présence d’une tierce personne. Comme vous, j’ai réfléchi, cheminé, à la suite des auditions, et j’estime qu’il revient au patient de souhaiter, ou pas, la présence d’un proche, d’un ami, d’un volontaire qui voudra l’aider dans ce geste final.
Que ce soit à domicile, à l’hôpital ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le patient ne sera jamais seul avec cette personne volontaire, qui accepte de l’accompagner : un professionnel de santé sera toujours présent à leurs côtés.
Avis défavorable. Je vous propose de vous rallier à mon amendement CS1959.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. La proposition de Mme la rapporteure me paraît tout à fait équilibrée.
Mme la ministre. Le point central, c’est la notion du choix : nous n’imposons rien. La règle, c’est que le patient s’administre lui-même le produit. S’il ne le peut pas, alors il a le choix de demander cet acte au personnel médical ou paramédical, ou bien à quelqu’un d’autre. Je suis sensible aux propos de M. Guedj : c’est un choix très lourd. Mais si le patient veut confier cette responsabilité à un proche, pourquoi ne pas respecter son choix ?
Ils ne seront pas seuls, évidemment : un professionnel médical ou paramédical sera toujours présent.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je partage la philosophie de ces amendements. Au cours de ce débat, les mots de « volontaire » et de « proche » ont été utilisés ; or il peut y avoir des volontaires non proches. C’est une préoccupation majeure pour moi : je ne voudrais pas qu’un proche doive assumer cette responsabilité. Dans l’immédiat, dans l’émotion, par souci de bien faire, par amour, il le fera ; mais nous créerions ainsi une dette non remboursable, durable.
Est-il possible de désigner un volontaire qui ne soit pas un proche ? J’espère que nous pourrons trouver une solution en ce sens.
M. Charles de Courson (LIOT). Je partage le sentiment des auteurs de ces amendements. On nous dit que cet acte est un soin. Mais une personne volontaire peut-elle apporter un soin ? Cela me paraît contradictoire. Il a aussi été question d’acte gratuit – pour le volontaire mais pas pour le médecin ou l’infirmier ? La confusion est totale.
Madame la ministre, vous parlez de « proche » mais le texte parle de « personne volontaire ».
La sagesse serait de voter ces amendements.
Mme Frédérique Meunier (LR). Cette désignation ne se fera pas le matin au petit déjeuner ! C’est un cheminement long, un échange. Si la personne volontaire accepte d’accompagner le patient jusqu’au bout, c’est après réflexion. Je suis opposée à ces amendements.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Il me semble qu’on mélange ici définition et procédure. Ne faudrait-il pas s’en tenir, à cet article, à la définition de l’aide à mourir pour se concentrer sur la procédure au chapitre III ?
Par ailleurs, comment protéger un enfant de l’emprise psychologique d’un parent ? Comment, inversement, l’enfant qui serait vraiment volontaire peut-il être autorisé à accomplir ce geste ? Le groupe La France insoumise réfléchit à ces questions : nous devons tous chercher une solution.
M. Nicolas Turquois (Dem). En effet, la procédure figure à l’article 11. Nous défendrons à ce moment des amendements pour exclure les conjoints et les proches jusqu’au quatrième degré notamment. Il faut peut-être affiner ou élargir cette réflexion. Mais il me semble également que l’article 5 expose un principe général : ce n’est pas le lieu d’apporter ces précisions, car nous affaiblirions le texte.
Mme Monique Iborra (RE). Croyez-vous que quelqu’un qui veut mourir et désigne un volontaire pour l’y aider n’est pas en mesure de choisir la personne qui va accomplir cet acte ? Le principe, c’est celui de l’autonomie de la personne ; personne n’est obligé de faire quoi que ce soit. Notre mission est d’imaginer des scénarios, mais nous allons ici beaucoup trop loin. Simplifions, et revenons au principe : le choix de la personne concernée.
Mme Justine Gruet (LR). La dose est-elle administrée par quelqu’un d’autre parce que la personne ne peut pas le faire elle-même ou parce qu’elle ne veut pas ?
Qui décide qu’elle ne le peut pas ?
Si c’est parce qu’elle ne le veut pas, on fait porter à une tierce personne la responsabilité de cet acte, que vous revendiquez pourtant comme une liberté individuelle.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je partage l’avis de M. Pilato : c’est une discussion que nous devrons avoir dans le détail un peu plus loin. L’article 5 énonce un principe général.
Pour lever votre inquiétude, monsieur Pilato, mon amendement prévoit que la personne désignée est majeure.
Inscrire ici la présence d’une personne volontaire la protège pénalement.
Il ne nous revient pas de nous substituer au libre arbitre des patients : c’est le principe qu’il faut tenir jusqu’au bout. On ne peut ni protéger, ni aider les gens malgré eux. Il est important de respecter le choix des patients d’avoir à leurs côtés une personne désignée et qui accepte de le faire.
Mme la ministre. C’est bien la notion de personne volontaire qui est inscrite dans la loi. Dans sa rédaction actuelle, le texte n’exclut personne, ni ami, ni proche.
Le principe est que le patient s’administre lui-même le produit. C’est le médecin qui décide s’il en est incapable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1959 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et sous-amendement CS2013 de M. Patrick Hetzel, sous-amendements CS2022 de M. Sébastien Peytavie et CS2023 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune), sous-amendements CS2020 de M. Charles de Courson, CS2018 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS2021 de Mme Annie Genevard, amendements CS935 de Mme Cécile Rilhac et CS1854 de Mme Caroline Fiat (discussion commune)
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. C’est l’amendement dont je vous parlais. Il pose comme principe général que la personne désignée est majeure, qu’elle accepte, et qu’elle ne perçoit pour cela aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit.
M. Patrick Hetzel (LR). Mon sous-amendement prévoit que la personne désignée n’est pas un proche. Ce serait là une ligne rouge absolue. Nous n’avons aucun recul sur ces questions.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par le sous-amendement CS2022, nous proposons d’utiliser plutôt la notion de consentement : accepter, ce n’est pas consentir. Il faut vérifier ce consentement.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le sous-amendement CS2023 va dans le même sens que le précédent. Nous proposons la formule « se manifeste pour ».
M. Charles de Courson (LIOT). Il nous semble prudent d’exclure les proches : parents, alliés, conjoints, concubins, partenaire de pacte civil de solidarité, ayants droit... Il faut éviter des conséquences graves pour la personne désignée, notamment psychologique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le sous-amendement CS2018 prévoit l’accompagnement par un médecin ou un infirmier dont nous avions parlé avec Mme la rapporteure.
Mme Annie Genevard (LR). Je propose de préciser que le médecin « s’assure que le patient n’a subi aucune pression de la part de la personne volontaire qu’il a désignée ». Il faut éviter le risque, identifié par les infirmiers, de pression de l’entourage pour convaincre une personne qu’il est nécessaire qu’elle disparaisse.
Mme Cécile Rilhac (RE). J’ai du mal avec l’idée d’une personne volontaire désignée. Mon amendement précise donc que la personne désignée a accepté cette responsabilité. Je le retire au profit de celui de Mme la rapporteure.
Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Avec l’amendement CS1854, nous allons dans le sens de Mme Maillart-Méhaignerie : la personne chargée d’administrer le traitement létal doit être majeure, car elle doit être en mesure de comprendre pleinement les conséquences de ses actes et de les assumer en toute responsabilité. Cette précision est indispensable pour renforcer le processus menant à cet acte délicat et irréversible qui a des aspects éthiques importants.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je suis défavorable à l’ensemble des sous-amendements, à l’exception du CS2018, dont nous avons déjà discuté : il propose une précision que je m’étais engagée à apporter en séance.
Je souhaite, pour ma part, conserver une définition concise. Les précisions pourront être apportées dans la partie consacrée à la procédure.
Demande de retrait de l’amendement CS1854 au profit du mien.
Mme la ministre. Même avis.
Je redis, monsieur de Courson, que le texte évoque une personne volontaire : ce peut être un proche, mais cela n’a rien d’obligatoire.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je voterai l’amendement de la rapporteure sous réserve de l’adoption des sous-amendements de M. Hetzel ou de M. de Courson. C’est un élément apparu clairement pendant nos auditions, y compris dans la bouche de ceux qui soutiennent ce texte sans réserve : la question du proche est stratégique, sensible. Nous pourrons en reparler à l’article 11, mais dès lors que nous sommes invités à prendre parti sur ce point, je voterai les sous-amendements CS2013 et CS2020.
M. Yannick Neuder (LR). Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’un soignant serait toujours là pour accompagner. C’est un point qu’il faudra évaluer. La rédaction actuelle du texte dit qu’il doit être à proximité. J’aimerais que nous définissions ce terme : à proximité, ce peut être sur le trottoir, dans l’appartement, dans la clinique.
Mme Genevard souligne le risque de contrainte, de pression psychologique. Là aussi, ce sont des problèmes soulevés par des professionnels plutôt favorables à l’aide active à mourir. Ce sous-amendement me paraît prudent : il faut s’assurer que la décision n’est pas contrainte.
Mme Annie Genevard (LR). Il me revient à l’esprit la phrase de Mauriac : « L’épreuve ne tourne jamais vers nous le visage que nous attendions. » Je ne m’attendais pas à un tel débat sur la personne volontaire. C’est une question qui cristallise bien des interrogations éthiques, car on sort de la sphère médicale pour entrer dans une sphère privée où tout devient possible – pressions, mais aussi conséquences psychologiques pour l’entourage.
Ce débat nous invite à nous demander s’il faut conserver cette disposition.
Mme Bérangère Couillard (RE). Il me paraît important de préciser que la personne volontaire souhaite accomplir ce geste. Accepter quelque chose ou manifester son souhait, ce n’est pas la même chose.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je redis que je préfère la notion de consentement. Quand les soignants vont préciser à la personne désignée les conséquences d’un tel acte, et s’assurer de son accord, il me semble qu’elle est plus protectrice.
M. Nicolas Turquois (Dem). Pour conserver toute sa force à cet article, il me semble qu’il ne faudrait évoquer ici que la personne volontaire, pour ensuite préciser la procédure, et notamment les personnes présentes et les qualités requises. Tel que l’article est écrit, on peut même se demander si le médecin ou l’infirmier doivent être volontaires.
Mme la ministre. La difficulté ici est légistique : le Conseil d’État a souhaité qu’il y ait une idée par article. Nous essayons finalement de détailler la totalité de la procédure avec un article chapeau, qui est l’article 5.
Je comprends la volonté des uns et des autres de respecter la volonté du patient tout en garantissant aussi la liberté de la personne désignée : il faut s’assurer que celle-ci est bien volontaire. En vous écoutant, je me dis que le sous-amendement CS2023 est pertinent. Je lui donne donc un avis de sagesse.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je me rallie à la position de Mme la ministre sur ce sous-amendement.
L’amendement CS935 est retiré.
Successivement, la commission rejette les sous-amendements CS2013 et CS2022, adopte le sous-amendement CS2023, rejette le sous-amendement CS2020, adopte le sous‑amendement CS2018 et rejette le sous-amendement CS2021.
Puis elle adopte l’amendement CS1959 sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CS1854 tombe, de même que les amendements CS655 de Mme Christine Pires Beaune, CS1068 de Mme Sandrine Rousseau, CS127 de Mme Marie‑France Lorho, CS1639 de Mme Annie Vidal, CS22 de M. Thibault Bazin, CS550 de Mme Annie Genevard, CS488 de M. Yannick Neuder, CS573 de Mme Annie Genevard et CS782 de M. Paul-André Colombani.
Amendement CS781 de M. Paul-André Colombani
M. Charles de Courson (LIOT). Dans l’esprit du débat que nous venons d’avoir, cet amendement précise que la personne volontaire n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, ni le concubin, ni le partenaire de pacs, ni un ayant droit de la personne. Je sais bien que la commission est divisée, mais cet amendement me paraît important pour protéger les proches.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Bérangère Couillard (RE). Je ne comprends pas le sens de cet amendement. Je comprends que l’on s’interroge sur le sentiment de culpabilité, sur la pression qui pourrait être mise sur les proches. Mais quelqu’un qui veut mourir, qui ne peut plus supporter ses souffrances, ne demandera pas ce geste ultime à quelqu’un qui serait très éloigné de lui. La question des associations se pose, bien sûr, mais on ne prendra pas quelqu’un au hasard.
Mme Annie Genevard (LR). On a beaucoup parlé d’un acte d’amour de celui qui accepte de faire le geste d’administrer le produit létal. L’acte d’amour consiste aussi, à mon sens, à ne pas demander à un proche d’effectuer ce geste : l’amour, c’est aussi le protéger des conséquences d’un tel acte. Celui qui accepterait ne mesure pas nécessairement les conséquences qu’un tel geste aura pour lui. Je suis favorable à l’idée d’épargner aux proches la possibilité d’accomplir ce geste. Le législateur doit aussi protéger le proche du malade.
M. Patrick Hetzel (LR). En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Justice, j’ai demandé à la chancellerie combien de personnes sont condamnées pour abus de faiblesse de proches. Eh bien, il y a déjà cinq cents condamnations par an en moyenne. Ne soyons pas naïfs : il est nécessaire de poser des verrous. C’est un chiffre qui doit nous inquiéter.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Le texte sous-estime l’impact psychologique sur les proches qui devront administrer la mort à un parent, à un ami. Cela va trop loin. Nous voterons cet amendement.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Le législateur doit garantir la liberté tout en l’encadrant : l’aide à mourir est assortie de conditions pour s’assurer qu’il n’y a pas d’abus, et notamment pas d’abus de faiblesse. Nous ne sommes pas ici pour juger ce qui est, ou pas, acte d’amour ; nous devons respecter la volonté ultime du patient. Oui, il faut accepter qu’une personne veuille choisir qui va accomplir l’acte de l’aide à mourir.
Mme Marie-France Lorho (RN). Que se passe-t-il si la personne de confiance, au dernier moment, ne peut plus ? Il y a un médecin à côté, me direz-vous : mais que se passe‑t‑il s’il n’avait pas prévu de le faire, s’il ne veut pas le faire ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Tout cela devra être détaillé à l’article 11 : il vaut mieux s’en tenir ici au principe.
Il faut distinguer deux situations. Il y a celle du proche qui veut simplement assister, comme aujourd’hui on assiste à la fin d’une personne malade : c’est un accompagnement moral et physique. Et il y a celle de la personne qui accomplit le geste. Dans ce dernier cas, nous avons une responsabilité vis-à-vis de la famille proche : il faut poser une limite. Cela n’empêche personne d’être présent ; mais il faut peut-être empêcher certains de faire le geste.
Mme Anne-Laurence Petel (RE). Par cet amendement, vous mettez en avant une idée de culpabilité, de responsabilité qui écraserait la personne volontaire parce que vous voyez cet acte comme celui de donner la mort. Mais l’acte même d’aider à mourir peut aussi être vu de façon positive, comme un acte qui peut être beau, celui de délivrer des souffrances. C’est aussi le sens de cette loi : c’est pour cela que le terme d’aide à mourir est plus intéressant que celui de suicide assisté ou d’euthanasie.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1069 et CS1070 de Mme Sandrine Rousseau
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1069 tend à associer aux soins d’accompagnement, notamment sur le plan psychologique, la personne volontaire. On connaît bien l’importance du soutien à l’entourage de la personne malade. Nous avons dû rédiger l’amendement de manière à contourner la problématique financière, mais il n’est évidemment pas question que ce ne soit pas la sécurité sociale qui prenne en charge le coût.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1070 permettra aussi à l’aidant, la personne volontaire, de bénéficier d’un accompagnement psychologique. C’est une question de santé publique.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je vous rejoins en ce qui concerne la proposition d’un accompagnement pour la personne qui administrera la substance létale et, pourquoi pas, l’entourage de la personne qui décédera. Toutefois, l’amendement CS1069 fait référence aux soins d’accompagnement mentionnés à l’article 1er du projet de loi, qui concernent les personnes malades, alors que ce n’est pas d’elles qu’il s’agit en l’espèce. Je vous propose donc de retirer cet amendement ; sinon, avis défavorable.
Même position en ce qui concerne le second amendement. Une telle disposition n’a pas vocation à être inscrite dans la loi, en particulier dans l’article définissant l’aide à mourir.
Mme la ministre. Mêmes avis.
M. Patrick Hetzel (LR). Une étude suisse a montré que 20 % des proches de personnes décédées à la suite d’un suicide assisté développent des troubles post-traumatiques et que 16 % souffrent de dépression, ce qui est bien supérieur à la moyenne au sein de la population générale. Cela montre qu’une vraie question se pose : nous devrions y être particulièrement attentifs.
M. Thomas Ménagé (RN). C’est vraiment un point majeur. Même si l’écriture de ces amendements ne convient pas, effectivement, il faut mener une vraie réflexion au sujet de l’accompagnement des personnes qui vont donner la mort, tant en amont qu’en aval. On dira peut-être qu’il s’agit de soulager des souffrances, mais les personnes en question n’auront que quelques heures pour prendre une décision qui les poursuivra toute leur vie. Ce n’est pas parce qu’on agira par amour qu’on ne portera pas des stigmates et que des risques de troubles post-traumatiques n’existeront pas.
Mme Bérangère Couillard (RE). J’avais déposé un amendement du même type, mais il est tombé sous le coup de l’article 40. J’aimerais savoir quelles sont les solutions envisagées pour assurer un accompagnement psychologique des personnes aidantes. Si vous nous dites que le Gouvernement y veillera – nous ne pouvons pas, pour notre part, créer de nouvelles charges –, il ne sera pas nécessaire d’adopter ces amendements.
M. Philippe Juvin (LR). M. Hetzel a évoqué des chiffres. Il faut ajouter qu’ils ne concernent pas des personnes qui font le geste, mais qui y assistent, et que se pose également la question des pressions. Quelle est votre estimation, madame la rapporteure, du nombre de gens qui auront besoin d’un soutien ?
Mme la ministre. Selon l’Institut européen de bioéthique, qui doit être la source des statistiques évoquées par M. Hetzel, « une étude menée en Suisse en décembre 2007 sur 85 parents et amis qui ont été témoins d’un suicide assisté a révélé une prévalence plus élevée d’état de stress post-traumatique et de deuil compliqué que suite à un décès naturel ». J’entends tout à fait l’argument, mais cela n’entre pas complètement dans le cadre de cet article.
La question de l’accompagnement est traitée à l’article 11 : il faudra regarder, lorsque nous l’examinerons, si tout est prévu – ce n’est pas le cas à ce stade, je le dis très clairement.
La personne volontaire n’aura-t-elle que quelques heures pour se décider ? Pas du tout. Je reviens sur la procédure : la question des différentes conditions posées à l’article 6 se posera, ainsi que celle des soins palliatifs. Un examen médical permettra de voir si la personne concernée est éligible ou non. Elle aura ensuite un délai de deux jours pour réfléchir. Si elle réitère sa demande, l’organisation à mettre en place fera l’objet d’une discussion. L’espace-temps prévu est court, mais il n’est pas de quelques heures, il est très important de le souligner.
Quant à savoir ce qu’il se passera si la personne volontaire renonce au dernier moment, c’est un peu la même chose, dans un autre registre, que si, au moment de procéder à l’acte, lorsque le médecin ou l’infirmier qui accompagne la personne vérifie qu’elle confirme sa demande, la réponse est non : la procédure s’arrête alors.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1575 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet amendement vise à prendre en compte les directives anticipées en ce qui concerne l’aide à mourir. Celle-ci est conditionnée à l’expression, par la personne concernée, d’une demande. C’est un acte volontaire et il faut respecter cette volonté.
La fonction des directives anticipées est précisément de permettre de respecter une volonté exprimée de façon anticipée dans l’éventualité où on ne pourrait plus le faire le moment venu. Il faut que l’aide à mourir demandée dans le cadre de directives anticipées puisse être prise en considération, comme la demande de refus de tout acharnement thérapeutique et celle d’une sédation profonde et continue, c’est-à-dire le laisser-mourir. Il serait injuste et absurde qu’un accident de voiture ou une maladie dégénérative très rapide vous empêche de bénéficier de l’aide à mourir parce que vous ne pouvez plus exprimer votre volonté et enclencher la procédure ; cela remettrait en cause le principe même des directives anticipées.
Si cet amendement n’est pas adopté, toute la philosophie consistant à respecter la volonté, librement exprimée, de la personne sera très fortement entachée.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je comprends parfaitement la volonté d’apporter une réponse dans des situations où la personne n’est plus en état d’exprimer sa volonté, à la suite d’un accident, par exemple. Le projet de loi repose cependant sur le principe de l’autonomie du patient. La procédure d’aide à mourir fait ainsi appel à la volonté libre et éclairée du malade, dont la demande doit être répétée, notamment à l’issue d’un délai de réflexion de deux jours, au minimum, après l’accord donné par le médecin. Cet amendement ne me paraît pas compatible avec le reste du texte, puisqu’il faudrait prévoir une procédure spécifique pour les cas que vous évoquez.
Par souci de cohérence, j’émets un avis défavorable.
Mme la ministre. L’une des lignes directrices qui nous ont guidés pour l’établissement des critères d’éligibilité de l’aide à mourir a été, je l’ai dit, que le patient devait être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée au moment de la demande d’aide à mourir et devait aussi être capable de réitérer cette demande, de la confirmer, tout au long de la procédure, jusqu’au moment – je ne parle même pas du jour – de l’administration de la substance létale. Le patient doit toujours être en mesure de renoncer. Pour cela, encore faut-il qu’il soit capable de manifester sa volonté. Le texte prévoit donc que le médecin doit évaluer de nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne. Cette condition permet de garantir que l’aide à mourir reste volontaire, ce qui est une des clefs du projet de loi.
Cet amendement conduisant à rompre l’équilibre du texte, j’y suis particulièrement défavorable.
M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Il s’agit d’acter, à cet endroit du texte, le principe de la prise en compte des directives anticipées dans le cadre de l’aide à mourir : les modalités pourront être précisées plus loin.
Nous avons adopté hier un sous-amendement d’Élise Leboucher qui permet aux directives anticipées d’ouvrir le droit à mourir dignement dès lors que la personne qui les a rédigées perd conscience de façon irréversible. Le présent amendement suit la même approche lorsqu’une personne souffrant, par exemple, d’une maladie dégénérative a perdu sa lucidité de manière irréversible. Si nous ne permettons pas d’appliquer les directives anticipées, nous les priverons de leur sens et de leur utilité.
Comme l’esprit de ce texte est le libre choix, il faut respecter la volonté des personnes en déplaçant le curseur dans la direction proposée par Danielle Simonnet.
M. Gilles Le Gendre (RE). Nous abordons là un sujet vertigineux qui relève de la dentelle législative. Pourra-t-on le traiter à l’initiative des rapporteurs, compte tenu du nombre important d’amendements portant sur cette question qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ?
Mme Cécile Rilhac (RE). J’avais déposé un amendement similaire qui a été déclaré irrecevable, comme de nombreux autres – je soutiens donc celui de Mme Simonnet. Nous avons également proposé de modifier les articles 6 à 11 pour assurer, à chaque étape, une prise en compte effective des directives anticipées. Je souhaitais même créer un article 8 bis en ce sens. Je suis favorable à l’idée de préciser dès l’article 5 que la demande peut être faite directement ou par l’intermédiaire des directives anticipées ou de la personne de confiance.
Mme Frédérique Meunier (LR). J’avais également déposé un amendement qui a été retoqué au titre de l’article 40 – je suis ravie qu’un autre, en revanche, soit passé à travers les mailles du filet.
Si les directives anticipées ne sont pas respectées lorsqu’une personne se trouve dans une situation médicale qui ne lui permet plus d’agir, à quoi sert-il de rédiger de telles directives ? Les cas Humbert et Lambert vont-ils se répéter ad vitam aeternam ? Vous dénaturez l’esprit de ce projet de loi qui, pour moi, devait permettre de donner un espoir à des gens qui veulent avoir le choix.
M. Philippe Juvin (LR). Je soutiens la position de Mme la ministre et de Mme la rapporteure : la liberté consiste à pouvoir demander mais aussi à pouvoir dire au dernier moment qu’on ne veut plus. Par construction, quand on est inconscient, on ne peut plus dire non au dernier moment. C’est pourquoi il faut rejeter l’amendement.
Mme Simonnet a avancé l’argument, fréquent, selon lequel on ne pourrait pas « bénéficier » de cette loi dans certains cas, en particulier ceux dans lesquels on n’est pas conscient, mais il y aura toujours, quelle que soit la loi, des cas non couverts. La loi parfaite n’existe pas.
Mme la ministre. Nous sommes très nombreux à expliquer, depuis le début de ce débat, que nous sommes allés dans des services de soins palliatifs et que nous avons échangé et procédé à de multiples auditions. Nous avons très fréquemment entendu dire que l’avis du patient pouvait changer au cours de sa maladie. Il faut qu’il puisse être exprimé : si on reste figé sur des directives anticipées qui n’ont pas été mises à jour, on ferme cette possibilité. Le projet de loi prévoit qu’on repose la question jusqu’au moment de l’administration du produit létal, pour vérifier ce que le patient souhaite. La liberté de choix doit être respectée jusqu’au bout. Or la limite des directives anticipées est qu’elles sont figées : elles ne suivent pas l’évolution du choix du patient. Son discernement, qui lui permet d’exprimer sa volonté jusqu’au dernier moment, est un point clef de l’équilibre du texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1911 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cet amendement est le pendant d’un autre que j’ai défendu hier soir. Il vise non pas à autoriser l’aide à mourir, mais à la dépénaliser, comme Simone Veil a eu la sagesse de le proposer, il y a cinquante ans, dans un autre domaine. Même si les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre ne m’ont pas convaincu, je retire le présent amendement.
L’amendement CS1911 est retiré.
Amendements CS1670 de M. Christophe Bentz, CS727 de Mme Annie Genevard, CS855 de M. Julien Odoul et CS1806 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Thierry Frappé (RN). L’amendement rédactionnel CS1670 a l’avantage de dissiper une équivoque concernant la responsabilité individuelle. « Il suffit de nommer la chose pour qu’apparaisse le sens sous le signe » a écrit Léopold Sédar Senghor dans « Comme les lamantins vont boire à la source ». Il faut donc substituer aux mots « L’aide à mourir est un acte autorisé » les mots « Le suicide assisté et l’euthanasie sont des actes autorisés ».
M. Julien Odoul (RN). Il est essentiel, nous l’avons dit et nous continuerons à le faire, de clarifier le texte pour assurer à la fois sa bonne compréhension et celle des actes qui pourront avoir lieu. Quel que soit l’avis que nous pouvons avoir, les uns et les autres, il faut que la loi soit intelligible afin qu’il n’y ait pas de doute dans l’esprit des patients et des soignants, ni de confusion entre l’aide, le soin et l’euthanasie. Il faut protéger les soignants, et pour cela la loi doit être la plus claire possible. J’ai entendu les arguments du rapporteur général au sujet de l’infamie attachée au terme « euthanasie », mais celui-ci est très clair et connu par une majorité de Français. Il leur évoque quelque chose. Il faut donc l’utiliser pour expliciter cette réalité, pour mettre des mots sur elle.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1806 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1509 de M. Hervé de Lépinau
Mme Marine Hamelet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement0.
Amendement CS952 de Mme Mireille Clapot
Mme Cécile Rilhac (RE). Il s’agit de créer une nouvelle exception à l’article 122‑4 du code pénal pour dépénaliser clairement l’aide à mourir apportée selon les modalités prévues par les articles 6 à 11. Il me semble, néanmoins, madame la rapporteure, que vous avez déjà donné une réponse à ce sujet. Je retire donc l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CS129 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). Nous sommes inquiets de ce que le projet de loi ne comporte aucune mesure susceptible de prévenir des incitations intéressées. La Suisse, où le suicide assisté est légal depuis 1942, a pensé à ériger une telle barrière, avec l’article 115 de son code pénal. Notre amendement s’appuie donc sur le droit suisse pour pénaliser les personnes qui auraient intérêt à en pousser d’autres à commettre un suicide assisté. Il tend à prévoir qu’un tiers intervenant est coupable d’homicide s’il est reconnu avoir été poussé par un mobile égoïste. Nous ne pouvons imaginer que le droit français puisse comporter une lacune en la matière.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même position.
M. Thomas Ménagé (RN). Pourriez-vous nous expliquer les raisons de ces avis ? La question de l’incitation au suicide se pose vraiment.
M. Jocelyn Dessigny (RN). C’est un amendement très important. Il concerne des gens qui pousseraient d’autres personnes, pour des motifs égoïstes, à s’administrer une substance létale. Pourquoi ne voulez-vous pas répondre, madame la ministre ?
Mme la ministre. Il est, bien sûr, toujours intéressant de faire du droit comparé, mais le code pénal français obéit à ses propres principes. La prise en compte d’un mobile, quel qu’il soit, ne correspond pas à la manière dont fonctionne le droit français. Néanmoins, la provocation au suicide est une infraction prévue par notre code pénal. Son article 223‑13 punit le fait de provoquer au suicide d’autrui d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie d’un suicide ou d’une tentative de suicide.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS369, CS362 et CS363 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes un certain nombre à dire très clairement que le fait d’administrer une dose létale ne saurait en aucun cas être assimilé à un soin. L’objet de l’amendement CS369 est de le préciser à l’article 5.
La personne dite de confiance aura un rôle central, et il est important qu’elle soit informée de la demande du patient. Il est arrivé à l’étranger que des proches n’aient pas du tout été prévenus. L’amendement CS362 tend à veiller à ce que ce soit fait.
L’amendement suivant porte sur la question de l’état de faiblesse ou d’ignorance. Il y a, en moyenne, cinq cents condamnations par an pour abus de faiblesse en France. Nous demandons que la personne de confiance, un parent, un proche ou le médecin traitant s’assure que la personne concernée par l’aide à mourir ne se trouve pas en état de faiblesse ou d’ignorance. Vous avez dit, madame la ministre, que la volonté est l’élément central. Pour qu’elle soit pleine et entière, il faut s’assurer de l’absence d’état de faiblesse ou d’ignorance chez la personne concernée.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements.
Mme la ministre. L’article L. 1110-5 du code de la santé publique prévoit, en son alinéa 2 : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » Ce projet de loi vise ainsi à défendre le droit de chacun à avoir une fin de vie digne et à être accompagné par un professionnel de santé qui aura la responsabilité d’apaiser sa souffrance. J’émets un avis défavorable à l’amendement CS369.
S’agissant de l’amendement suivant, je me suis déjà exprimée à plusieurs reprises au sujet de l’équilibre du présent texte. En ce qui concerne le choix du patient, à toutes les étapes de la procédure, votre amendement est satisfait.
Pour ce qui est de l’amendement CS363, nous avons déjà abordé la question des directives anticipées. Il est important que le patient puisse exprimer, à chaque étape, sa volonté. Avis également défavorable.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le texte que nous examinons permettra de libérer des personnes d’une certaine pression, inquiétude ou angoisse vis-à-vis de la mort. Or prévenir les proches est de nature à remettre de la pression. Cet amendement placerait quasiment sous tutelle affective les personnes qui choisiraient de recourir à l’aide active à mourir. Laissons-les plutôt absolument libres, sans contrainte.
M. Julien Odoul (RN). Il est important de réaffirmer, notamment pour les soignants, que l’euthanasie n’est pas un soin. Il existe une grande confusion qui crée un fort traumatisme, car l’euthanasie n’est pas la vocation de ceux qui exercent ces métiers. Beaucoup de médecins s’inquiètent à juste titre de la transformation de leur profession et du risque de crise des vocations. Le fait de participer au suicide assisté ne doit pas être intégré dans les soins. Il faut établir une frontière : ce ne sont pas les mêmes actes que ceux du soin, ni la même philosophie.
Mme Justine Gruet (LR). Un amendement voté hier fait que l’expression de la volonté de mourir n’aura pas forcément à être réitérée en pleine conscience, ce qui nous conduit à nous interroger sur la suite de nos travaux, en particulier au sujet de l’article 6.
M. Philippe Juvin (LR). Madame la ministre, je crois que vous n’avez pas répondu à notre collègue en ce qui concerne l’amendement CS363. Le risque d’abus de faiblesse est un des grands oubliés du projet de loi. M. Hetzel a rappelé que cinq cents condamnations étaient prononcées chaque année en France pour ce motif. Quand on demande un placement sous curatelle ou tutelle d’un parent, il faut passer par le juge, afin de garantir qu’il n’y a pas d’abus de faiblesse. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, rien ne protégera contre ce risque les personnes qui « bénéficieront » de l’aide à mourir ou de l’euthanasie. C’est un des grands dangers du projet de loi.
Mme la ministre. Si l’aide à mourir ne correspond pas à la définition du soin, elle pourra, en revanche, relever des actes que seuls les professionnels de santé peuvent accomplir, comme le diagnostic, la prescription ou l’administration de médicaments. On peut aussi penser, dans un tout autre domaine, à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Si le texte prévoit un examen médical et demande que le patient exprime sa volonté de façon libre et éclairée à chaque étape de la procédure, y compris au moment de l’administration du produit, c’est précisément en lien avec la notion d’abus de faiblesse.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS366 de M. Patrick Hetzel et CS912 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). Mon amendement vise à éviter un mélange des registres. Il y a, d’un côté, les soins, dont s’occupent les professionnels de santé, et, de l’autre, la question du suicide assisté et de l’euthanasie. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un certain nombre d’entre nous voulaient deux textes.
L’idée qui sous-tend mon amendement, c’est qu’on ne peut pas confier le suicide assisté et l’euthanasie à des établissements dont la mission de service public est d’assurer des soins. Il faut renvoyer ces questions vers des tiers-lieux pour faire en sorte que la confiance dans les établissements de santé reste pleine et entière. Il serait extrêmement brutal de leur demander de pratiquer le suicide assisté et l’euthanasie, et je ne pense pas que nos concitoyens aient envie qu’il en soit ainsi.
M. Philippe Juvin (LR). Je souscris à l’argumentation de M. Hetzel. L’acte de l’aide à mourir ne doit pas être effectué par un professionnel de santé.
L’exemple de la Suisse, où les hôpitaux organiseraient eux-mêmes le suicide assisté, est inexact : dans certains cantons, les structures hospitalières peuvent autoriser les associations à intervenir dans leurs murs mais, en aucun cas, les soignants ne participent à l’acte. Cette distinction est absolument fondamentale.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Le projet de loi ne crée pas de mission de service public pour l’accès à l’aide à mourir dans les structures sanitaires et médico-sociales. Le patient pourra choisir le lieu où se déroulera l’acte dans des conditions convenues avec le professionnel de santé chargé de l’accompagner. Tous les lieux de vie et de soins sont ainsi couverts : domicile privé, établissement de santé, établissement et services sociaux et médico-sociaux, maisons d’accompagnement, etc.
Dans les pays qui ont adopté un tel dispositif, le domicile est le lieu principal des décès – 40 % au Canada et près de 50 % en Belgique.
Je suis donc défavorable aux amendements.
Mme la ministre. Même avis.
Le projet de loi ne crée pas de mission de service public. Le choix du patient a été privilégié. En conséquence, lors de l’entretien pour déterminer les conditions d’administration du produit, il sera possible d’envisager les différents lieux de vie possibles. Je vous renvoie au débat d’hier sur les Ehpad et les maisons d’accompagnement.
Il est vrai qu’en Suisse, les gens décèdent encore au domicile mais il est désormais possible de faire l’acte dans certains hôpitaux. Aux Pays-Bas, le pourcentage d’actes à domicile est très élevé puisqu’il est de 81,2 %.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Au nom de l’égalité, le groupe La France insoumise considère que l’aide à mourir est une mission de service public. On ne se débarrasse pas de la souffrance dans les caves ou avec de l’argent. Nous voterons évidemment contre ces amendements.
Mme Frédérique Meunier (LR). Le patient ne pourrait donc pas être entouré par un médecin ou du personnel médical, ni par ses proches. Il se trouverait seul face à la maladie, éventuellement soutenu par des associations, avec les risques de dérive que l’on sait. Vous faites vraiment peu de cas du patient pour privilégier le confort du corps médical et des personnels de santé. C’est très surprenant. Je voterai contre l’amendement.
Mme Annie Genevard (LR). La question de savoir si l’aide à mourir est une mission de service public a été tranchée par la ville de Paris puisque chacun a pu voir inscrit sur les panneaux d’affichage : « choisir de mourir dans la dignité est un droit fondamental ». Je trouve particulièrement choquant que la ville de Paris se prononce avant même que les parlementaires ne l’aient fait et qu’elle ait choisi de faire la promotion de l’aide à mourir.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’objet du projet de loi, c’est de permettre de mourir dans la dignité. Il n’est pas toujours possible de mourir chez soi ; il faut donc garantir au malade que l’acte pourra être effectué dans un hôpital ou un établissement médico-social. C’est une exigence de dignité. Si vous ne l’autorisez dans ces lieux-là, où pourrait-il se faire ? Vous ne proposez rien qui rende vos amendements compréhensibles.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Après l’article 5
Amendement CS647 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il est proposé d’étendre le droit d’avoir une fin de vie digne, tel qu’il est défini à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, au droit à l’aide à mourir. Cette codification nous semble très importante.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’article L. 1110-5 dispose que « toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Le projet de loi visant à renforcer le droit à avoir une fin de vie digne et apaisée, votre amendement va dans le bon sens.
Sagesse.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). La dignité a été abondamment évoquée. Je considère qu’une personne ne perd jamais sa dignité. L’aide à mourir ne peut pas être une réponse à la prétendue perte de dignité. Cette dernière est constitutive de l’être humain, quel que soit son état de santé.
M. Patrick Hetzel (LR). D’un côté, vous réfutez l’instauration d’un droit ; de l’autre, vous êtes favorables à inscrire l’aide à mourir dans le code de la santé publique. Il y a là un vrai paradoxe.
L’aide à mourir n’est pas de l’ordre du soin ; elle relève d’un autre registre. Avec la codification, une ligne rouge est franchie. Il faut assumer et dire que le suicide assisté et l’euthanasie seront désormais dans le code de la santé publique en France.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Seules sont indignes une fin de vie dans la solitude, l’absence ou l’insuffisance de prise en charge médicale, sociale et solidaire de la souffrance, et les réponses inappropriées à une demande ou à un signal de détresse.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Dans le mouvement féministe, on a l’habitude de dire que notre corps nous appartient et que précisément, on perd notre dignité à partir du moment où il ne nous appartient plus. Tel est exactement l’objet de la loi : affirmer que notre corps nous appartient, à chaque instant et jusqu’à la fin.
Mme la ministre. Hier nous avons très longuement parlé de codification. M. Bazin et M. Hetzel nous ont enjoint de respecter les préconisations du Conseil d’État. Or la codification est précisément un des points sur lequel le Conseil d’État nous a interpellés.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). On ne peut pas nous taxer d’hypocrisie et nous reprocher de ne pas utiliser les bons mots, d’un côté, et de l’autre, contester la nécessité de codifier ce qui figure dans la loi.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Le code de la santé publique reconnaît déjà le droit d’avoir une fin de vie digne. L’objet du projet de loi est précisément de garantir le droit de mourir dans la dignité par le biais de différentes modalités, dont l’aide à mourir. Donc soyons cohérents ! Inscrivons le droit à l’aide à mourir dans le code de la santé publique par extension du droit d’avoir une fin digne.
Pour que les autres textes soient conformes à la loi que nous voulons voir adoptée, la codification s’impose.
La commission adopte l’amendement.
La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures vingt-cinq.
Chapitre II
Conditions d’accès
Article 6 : Conditions d’accès de l’aide à mourir
Amendements de suppression CS40 de Mme Emmanuelle Ménard, C189 de M. Philippe Juvin, C712 de Mme Annie Genevard et CS1310 de M. Jocelyn Dessigny
Mme Emmanuelle Ménard (NI). L’article 6 définit les conditions d’accès à l’aide à mourir, c’est-à-dire au suicide assisté ou à l’euthanasie. J’en demande la suppression, après celle de l’article 5, car il pose plusieurs problèmes.
Le premier d’entre eux concerne les conditions posées à l’acte létal, et en premier lieu l’âge. La limite de 18 ans me semble problématique puisqu’elle est une porte ouverte évidente à l’euthanasie ou au suicide assisté des mineurs. Rien ne sera plus facile que de voter plus tard un amendement – il y en a déjà dans la suite de la discussion – proposant l’accès à l’aide à mourir à partir de 10, 12 ou 15 ans, voire sans aucune limite d’âge.
Le second problème a trait au pronostic vital à moyen terme qui est impossible à établir précisément médicalement.
M. Philippe Juvin (LR). Les critères stricts que vous mettez en avant ne le sont pas. J’essaierai de le démontrer dans les futurs amendements.
Mme Annie Genevard (LR). Je me suis opposée à l’article 5, qui est l’article principiel de la loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Par conséquent, il y a une logique à s’opposer et à demander la suppression de l’article 6 qui en fixe les modalités.
Mon attention et mon opposition se portent plus particulièrement sur la délivrance d’un produit létal à un patient dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ; sur les patients présentant une souffrance psychologique ; sur la volonté libre et éclairée, dont on a vu dans les débats ce matin qu’elle pouvait être entravée, notamment par l’emprise ou l’abus de faiblesse.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Bien qu’il ait été longuement préparé en amont, le texte a manifestement été présenté dans la précipitation. Nous ne savons toujours pas ce que vous entendez par moyen terme ni de quelle manière vous comptez administrer la dose létale.
Dans ces conditions, nous ne pouvons pas voter un texte qui va si profondément modifier la société, d’autant plus que le développement des centres de soins palliatifs ne sera pas aussi massif que ce que vous aviez annoncé initialement puisque vous préférez développer des maisons d’accompagnement dans lesquelles l’administration de la dose létale pourra être pratiquée. Ce n’est pas du tout la même chose.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable évidemment. L’article 6 forme avec l’article 5 la pierre angulaire du projet de loi.
Il précise les différentes conditions, qui ont été strictement définies, pour accéder à l’aide à mourir. Celle-ci sera ainsi réservée aux personnes âgées de plus de 18 ans, âge de la pleine capacité juridique. Le Conseil d’État a considéré que cette exclusion des mineurs ne méconnaît aucun principe constitutionnel, ni aucun principe conventionnel.
La personne devra être de nationalité française ou résider de manière stable et régulière en France.
Elle devra être atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette condition compte tenu des questions qu’elle soulève.
La personne doit présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements.
La personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Mme la ministre. J’ajoute que les critères sont cumulatifs. C’est une différence importante avec la loi Claeys-Leonetti dans l’appréciation de la fin de vie et de l’engagement du pronostic vital, lequel dépend de la pathologie, de l’état de santé général du patient et de l’observance du traitement.
La mention d’un engagement du pronostic vital à court ou moyen terme reprend l’avis du Comité consultatif national d’éthique et le souhait des membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Les critères tenant aux souffrances physiques ou psychologiques liées à l’affection caractérisent la situation dans laquelle une personne peut demander l’aide à mourir. La personne doit également présenter une souffrance réfractaire ou insupportable, ce qui englobe toutes les souffrances que peuvent ressentir des personnes en fin de vie sans perspective d’amélioration de leur situation. Ce dernier élément est vraiment très important.
L’aide à mourir est une réponse nécessaire à un besoin d’accompagnement des souffrances inapaisables. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je m’adresse aux députés du Rassemblement National et des Républicains qui ont déposé les amendements : vous exprimez votre opposition à cette ultime liberté. Vous avez le droit de le faire pour vous‑mêmes au nom de vos convictions spirituelles ou religieuses, mais ne vous opposez pas à cette liberté pour ceux qui souhaitent en user.
Plus de 88 % de la population est favorable à l’aide à mourir. Écoutez les citoyens et les citoyennes qui souhaitent avoir le choix d’abréger leurs souffrances quand elles sont insupportables ; le choix d’avoir droit à une mort digne quand ils estiment que les conditions de leur vie ne le sont plus. C’est une question essentielle.
Je l’ai dit hier, mon corps, ma vie, ma mort m’appartiennent. Le débat est proche de celui sur le droit à l’avortement. On peut ne pas vouloir y recourir pour soi-même pour des raisons spirituelles mais on ne peut pas s’opposer à ce que d’autres puissent en faire usage. L’aide à mourir est bien encadrée, les conditions posées sont d’ailleurs trop strictes selon moi.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Je rappelle à toutes et tous ici que le spirituel doit être laissé aux portes du Palais Bourbon. Nous sommes dans une république laïque. Chacun doit se souvenir qu’il est le représentant de toute sa circonscription et de tous les Français.
S’agissant de l’article 6, nous voterons évidemment contre ces amendements de suppression. Nous sommes favorables au texte et à une discussion sur les conditions d’accès à l’aide à mourir. Il y a désormais une option supplémentaire pour choisir la fin de sa vie ou pour mourir.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les conditions posées dans l’article 6 assurent que la décision est prise en pleine conscience, de manière individuelle et sans contrainte.
Il n’y a pas de principe supérieur à la liberté sans contrainte et dans un corps qui nous appartient de prendre la décision de mettre fin à sa vie d’une manière ou d’une autre. Notre travail consiste à définir les conditions dans lesquelles la liberté peut s’exprimer. Vous cherchez à imposer des principes moraux à des personnes en fin de vie. Vous les empêchez de vivre leur vie jusqu’au bout comme elles le souhaitent. Nous sommes ici, au contraire, pour leur permettre de le faire.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Ces amendements de suppression sont cohérents avec les positions défendues par leurs auteurs jusqu’à présent. En cohérence, le groupe socialiste votera évidemment contre ces amendements puisque l’article 6 s’inscrit dans la continuité de l’article 5. Après avoir défini l’aide à mourir, il convient d’en préciser les conditions.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis contre les amendements de suppression. Il est indispensable de pouvoir faire preuve de compassion dans les cas dans lesquels la science montre ses limites.
Je souhaite que l’aide à mourir relève d’une approche compassionnelle et reste exceptionnelle – je proposerai un amendement en ce sens. Elle doit être réservée aux personnes qui sont réfractaires aux traitements et qui endurent des souffrances physiques ou psychologiques.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Rappelons les mots de Jacques Ricot : « l’euthanasie ne complète pas les soins palliatifs, elle les interrompt ; elle ne couronne pas l’accompagnement, elle le stoppe ; elle ne soulage pas le patient, elle l’élimine ».
Pourquoi la solution à la souffrance doit-elle passer par la mort ? En quoi la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté fera-t-elle reculer le « mal mourir » ? Pense‑t‑on aux conséquences pour les proches ? La personne âgée se sent inutile dans notre société qui voue un culte à la performance. Dépendante, lente, non productive, elle entend les signaux du corps social qui cherche à l’évacuer jusqu’à la mort sociale. Est-ce cela la réponse que le projet de loi entend leur apporter : un protocole de mort programmée ?
M. Stéphane Delautrette (SOC). Parmi les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie, 76 % se sont prononcés en faveur de l’évolution de la législation en la matière. Dans tous les sondages, une très grande majorité des Français le souhaite également. Il est de notre devoir d’en débattre, raison pour laquelle les amendements de suppression doivent être rejetés. Faisons ce que nos concitoyens demandent aux parlementaires que nous sommes de faire.
M. Julien Odoul (RN). Pourquoi la majorité de nos compatriotes est-elle favorable à une évolution de la législation, selon les sondages du moins ? Parce que la législation actuelle n’est pas appliquée et parce que nombre d’entre eux n’ont pas accès aux soins palliatifs.
La vraie liberté, le vrai droit s’attache non pas à la fin de la vie, mais à l’éradication de la douleur et de la souffrance. C’est ce que demandent la majorité de nos concitoyens. Malheureusement, le retard de notre pays en la matière est criant ; l’accès aux soins palliatifs n’est pas assuré pour l’ensemble des citoyens. Faute de solutions pour gérer leur souffrance, les citoyens se tournent vers des options plus radicales, mais quand leur souffrance est traitée, ils renoncent à l’euthanasie.
Appliquons d’abord la législation et résolvons les difficultés structurelles d’accès aux soins palliatifs avant d’aller encore plus loin !
M. Philippe Vigier (Dem). On a souvent reproché à la loi d’être bavarde. L’article 6 a le mérite d’être précis dans la définition des conditions d’accès, donc de bien encadrer l’aide à mourir.
Contrairement à ce qui a été dit et répété dans les médias, le texte n’ouvre pas l’aide à mourir aux mineurs. Ensuite, il crée un nouveau droit qui n’enlève rien aux autres. Enfin, il nous faudra revenir sur la notion de moyen terme s’agissant du pronostic vital.
Mme Laurence Cristol (RE). Ces amendements de suppression sont irresponsables.
L’article 6 est particulièrement clair. Il permet de définir un nouveau droit. Je suis en désaccord avec M. Odoul : les lois Leonetti et Claeys-Leonetti sont adaptées à une prise en charge de fin de vie à court terme par le biais d’une sédation profonde et continue. Le projet de loi crée un nouveau droit pour les personnes qui ne répondent aux critères de la loi Claeys-Leonetti mais qui remplissent des conditions très précises : une volonté libre et éclairée ; un pronostic vital engagé à court et moyen terme ; une douleur non contrôlée. Nous sommes là aujourd’hui pour ces malades ; il ne faut pas les oublier.
Le titre Ier, qui permet d’améliorer l’accès aux soins palliatifs, et le titre II relatif à l’aide à mourir ne sont pas antinomiques mais complémentaires.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS1961 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et CS1738 de M. Nicolas Turquois (discussion commune)
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de codification.
M. Nicolas Turquois (Dem). Compte tenu de l’importance du sujet, il est souhaitable d’inscrire les dispositions dans le code de la santé publique.
Mme la ministre. Ayant une préférence pour l’amendement de Mme la rapporteure, j’invite M. Turquois à retirer le sien.
L’amendement CS1738 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1961.
Amendements CS632 de Mme Christine Loir, CS1674 de M. Christophe Bentz, CS722 de M. Charles de Courson, CS856 de M. Julien Odoul, CS130 de Mme Marie-France Lorho, CS266 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1808 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS632 est défendu.
M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit d’appeler les choses par leur nom. Il est proposé de remplacer l’expression « aide à mourir » par celle d’« assistance au suicide avec exception d’euthanasie ».
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Ce n’est pas en supprimant les mots que vous supprimerez la violence de l’acte que vous voulez légaliser. Vous oubliez que les demandes d’euthanasie sont, en réalité, des appels à l’aide. C’est une demande de soins et d’accompagnement qui s’exprime. Ces personnes ont besoin de notre soutien inconditionnel.
Les actes que vous souhaitez légaliser sont incompatibles avec les soins palliatifs. Dans les pays où l’euthanasie est légalisée, les soins palliatifs sont systématiquement marginalisés. Je réitère donc ma question : en quoi la légalisation de l’euthanasie fera-t-elle reculer le « mal mourir » ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Le débat a déjà eu lieu. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS330 et CS276 de Mme Sandrine Dogor-Such ainsi que les amendements identiques CS857 de M. Julien Odoul et CS1355 de Mme Maud Petit.
Amendement CS1340 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Par cet amendement d’appel, je souhaite ouvrir le débat sur l’autorisation de l’aide active à mourir pour les mineurs.
La souffrance d’un patient mineur vaut celle d’un patient majeur. C’est pourquoi il est important de débattre et d’envisager les éventuelles procédures spécifiques qui pourraient être mises en place pour les mineurs.
Deux pays ont instauré un protocole médical éthique d’aide à mourir pour les mineurs : la Belgique depuis 2014, en posant des conditions supplémentaires – l’accord des représentants légaux, l’actualité de la demande, l’exclusion de la seule souffrance psychique résultant d’une affection psychiatrique. À ce jour, seules les demandes d’aide à mourir de quatre mineurs ont obtenu le consentement médical. Ces quatre cas sont connus, recensés, documentés et ont été contrôlés.
Les Pays-Bas permettent l’euthanasie des mineurs dès 12 ans. En dessous de cet âge, l’euthanasie est illégale. À partir de 12 ans, les critères appliqués sont les mêmes que pour les personnes majeures mais une condition supplémentaire est posée : le consentement des parents. Moins de dix cas d’euthanasie des mineurs ont été recensés depuis 2002 ; là aussi, ils sont connus, documentés et contrôlés.
Au sein de la convention citoyenne sur la fin de vie, plus de la moitié des membres s’étaient prononcés en faveur de l’ouverture de l’aide à mourir aux mineurs.
Il me semble important d’engager le débat. Dès lors qu’on reconnaît aux majeurs le droit de mettre fin à ses souffrances lorsqu’on est atteint d’une maladie incurable, pourquoi ne pas l’étendre aux mineurs ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. C’est important que ce débat ait lieu, et je vais prendre quelques minutes pour vous expliquer pourquoi ce texte exclut les mineurs, y compris les mineurs émancipés. Cette exclusion s’explique tout d’abord par des considérations éthiques. Le discernement d’un enfant progresse avec son âge. La faculté d’expression d’une volonté libre et éclairée, condition centrale dans l’accès à l’aide à mourir, suppose une maturité et un discernement plein et entier. L’ouverture de l’aide à mourir aux mineurs impliquerait nécessairement l’accord des parents, titulaires de l’autorité parentale, dont la position peut être délicate et discutable dans cette prise de décision qui doit rester un choix individuel.
L’exclusion des mineurs du dispositif d’aide à mourir repose également sur des raisons médicales. Les traitements destinés aux jeunes patients sont de plus en plus prometteurs, comme en oncologie où le taux de rémission est considérablement plus élevé chez les jeunes.
Le projet de loi prévoit donc de s’en tenir à la seule barrière juridique incontestable, qui est celle de la majorité, l’âge de la responsabilité pleine et entière du patient citoyen.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Aux considérations éthiques et médicales de Mme la rapporteure, que je partage, j’ajoute que l’exclusion du mineur de la prise en charge des frais liés à l’aide active à mourir serait de nature à créer une rupture d’égalité entre les personnes majeures et mineures.
Avis défavorable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je vous remercie, madame Laernoes, d’ouvrir ce débat, alors que les autres amendements relatifs à ce sujet ont été jugés irrecevables. Madame la ministre, madame la rapporteure, vous opposez des arguments juridiques à l’ouverture de l’aide à mourir aux mineurs. Or notre loi reconnaît deux barrières d’âge. À 16 ans, un mineur peut être émancipé. Dès lors que l’on reconnaît qu’un mineur de 16 ans peut s’affranchir de l’autorité parentale pour vivre sa vie en toute autonomie, il me paraît d’ores et déjà possible qu’il puisse bénéficier de l’aide à mourir, sans accord parental. À 13 ans, on reconnaît la responsabilité juridique – demeure la question de l’autorité parentale. Les adolescents atteints d’une maladie grave incurable acquièrent une maturité et une lucidité qui ne sont pas celles des adolescents de leur âge, ainsi qu’une vision de la mort différente de celle des adultes.
M. Christophe Bentz (RN). Nous abordons là un sujet très grave : l’euthanasie des mineurs, des enfants. Cet amendement a au moins un mérite, celui de révéler ce qui risque de nous arriver dans les années à venir si nous votons le texte. Il y a un effet cliquet. Franchissons une étape – ce terme a été prononcé par Jean-François Delfraissy lors de son audition – et tous les garde-fous finiront par sauter. Il suffit de prendre l’exemple belge, qui a vingt-deux ans de recul. Quasiment tous les garde-fous inscrits dans la loi initiale ont sauté.
Mme Justine Gruet (LR). Nous changeons en effet de paradigme. J’ai la grande crainte qu’en se plaçant du point de l’individu et de sa liberté individuelle, nous n’ouvrions la porte à des revendications individuelles et non à une protection collective. Veillons à ce que les verrous que nous nous attachons à poser ne sautent pas. Ayons conscience que nous ouvrons un droit qui modifie profondément le sens que nous donnons à l’accompagnement des personnes plus vulnérables.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement supprime en réalité toute limite d’âge, ce qui rendrait l’aide à mourir possible dès la naissance. Aux Pays-Bas, que vous citez en exemple, deux catégories d’âge ont été définies : les personnes entre 12 et 16 ans et celles de plus de 16 ans. En imposant d’obtenir le consentement des parents, si l’enfant a deux parents, que se passe-t-il si l’un est pour et l’autre contre ? On ne peut pas mettre le doigt là‑dedans. Si le texte est voté, il se passera ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays : une dérive. On a bien vu tout à l’heure à quelles dérives avaient conduit les directives anticipées, avec lesquelles certains tentaient de contourner les fameux critères de l’article 6.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je remercie à mon tour Mme Laernoes d’avoir ouvert ce débat. Je dois avouer que, au début des auditions, j’étais totalement opposée à cette possibilité. Puis l’écoute et la lecture de témoignages m’ont fait évoluer dans ma réflexion. C’est un sujet extrêmement délicat. Je ressens le besoin d’avoir encore du temps pour réfléchir avant de pouvoir voter. Je ne me retrouve pas derrière la personnalité juridique à 13 ans. En revanche, la majorité sexuelle est à 15 ans – ce pourrait être un élément du débat. On met en place l’aide à mourir parce que l’on estime que l’on n’a pas à condamner une personne à des souffrances insupportables. Doit-on condamner à ces souffrances insupportables un jeune sous prétexte qu’il a moins de 18 ans ? J’invite tout le monde à prolonger cette réflexion mais je ne pourrai pas, en l’état, voter cet amendement.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Je suis également encore en cheminement, un cheminement auquel nous invite l’amendement. Les membres de la Convention citoyenne ont dit que ce sujet représentait un si grand chantier qu’ils avaient préféré se concentrer sur les majeurs, pour pouvoir bien travailler. Ils ont senti en eux quasiment des interdits, rien qu’en commençant à y penser. Le législateur ne peut pas s’autoriser ces interdits. En revanche, nous pouvons prévoir de réfléchir sur cette question, même si, admettons-le tous, elle fait partie des sujets sur lesquels on aimerait ne pas avoir à travailler. Notre subjectivité emporte presque tout le reste.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Vouloir légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté pour les mineurs serait une dérive terrible, pour plusieurs raisons. D’une part, l’euthanasie et le suicide assisté rompent, quoi qu’on en dise, avec le principe selon lequel la médecine protège la vie et doit accompagner les malades jusqu’au terme de celle-ci, sans provoquer la mort. D’autre part, même si j’entends les arguments disant que la maladie fait mûrir plus vite, le consentement du mineur ne peut pas être parfaitement libre et éclairé, du fait du jeune âge et du manque de maturité. Enfin, associer les parents à l’euthanasie ou au suicide assisté de leur enfant pourrait être extrêmement traumatisant et laisser des traces insupportables dans leur vie.
M. Julien Odoul (RN). J’aimerais vous alerter, à mon tour, sur les conséquences psychologiques que pourrait créer l’ouverture de l’euthanasie aux mineurs. Chaque année, en France, 10 000 adolescents se suicident ; un adolescent sur sept, selon une enquête nationale, présente de graves risques de dépression. Tout cela a été amplifié par la crise sanitaire et le confinement. Notre jeunesse est de plus en plus exposée à la dépression et aux troubles psychiques et psychologiques. Ouvrir le droit à l’euthanasie aux mineurs, leur donner cette perspective morbide, aurait des conséquences gravissimes au regard des suicides.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Cette question est importante. Même si elle est encore plus taboue que la fin de vie des majeurs, chacun se l’est posée. Est-ce qu’à 15, 16 ou 17 ans un mineur qui souffre a moins le droit de demander l’aide à mourir qu’un majeur ? Est-ce que l’âge de 18 ans a l’importance que certains souhaiteraient lui donner ? Pour ma part, si je ne suis pas prête à franchir ce pas, c’est parce que je pense que la société française est enfin prête à admettre le débat sur l’aide à mourir, mais qu’elle ne l’est pas concernant les mineurs. J’aurais bien trop peur qu’en votant un tel amendement on fasse tout capoter. La législation est faite pour évoluer. Si l’on parvient à voter cette aide à mourir, dans les années qui viennent, nous aurons l’occasion d’y revenir. Certains cas nous obligeront à nous reposer la question.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je ne voterai pas cet amendement, qui ne définit pas d’âge minimum. Néanmoins, il faut entendre la situation des mineurs qui n’atteindront pas la majorité. On pourrait se dire que l’âge n’est qu’un continuum rompu administrativement par la reconnaissance de certains droits. Il n’empêche que c’est ainsi que l’on considère la démographie du pays : des gens obtiennent des droits à différents âges. Dans la salle, certains souhaitent envoyer des jeunes en prison dès 13 ans – je ne me reconnais pas dans cette borne. Il existe déjà des âges associés au droit de choisir : à 16 ans, vous pouvez être administrateur d’une association, faire un testament, demander votre émancipation et faire certains choix médicaux. Cette borne d’âge justifierait, dans l’état du droit, que l’on y fonde notre réflexion.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Compte tenu de la sensibilité du sujet, vous comprendrez que je m’exprime en mon nom personnel. Comme beaucoup de ceux et celles qui ont pris la parole avant moi, je ne voterai pas cet amendement, tout simplement parce que je ne sais pas. Le sujet est tellement sensible qu’il nécessite un temps de réflexion et beaucoup d’échanges entre nous, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent dans les différentes propositions de loi. Je remercie ma collègue de l’avoir mis sur la table, car c’est l’une des premières fois que nous abordons ce sujet qui mérite réflexion. Mais il est beaucoup trop tôt, à mon sens, pour voter un tel amendement.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je remercie ma collègue de nous avoir soumis ce sujet. Effectivement, on ne veut pas se poser cette question, parce que c’est un drame d’avoir à la penser. Monsieur Odoul, les troubles psychiatriques n’entrent pas dans les critères d’accès à l’aide à mourir. Il est évident que, dans le cas d’un cancer avec des douleurs terribles, quoi qu’il en soit, c’est un drame pour les familles. Laisser et voir son enfant souffrir est un drame. On ne peut pas balayer cette question parce qu’elle nous est difficile.
Mme Annie Genevard (LR). C’est l’un des aspects les plus troublants de notre débat que d’imaginer pouvoir administrer la mort à un enfant. Je rappelle que cette question a été tranchée dans certains pays. Aux Pays-Bas, depuis le 14 avril 2023, la mort est autorisée pour les enfants de moins de 12 ans. Cela pose la question du recul des bornes encadrant la loi. Depuis le début du débat, on ne cesse de nous dire que le texte est très cadré. Mais, dès la première audition, des collègues sont intervenus pour demander l’élargissement de la loi, par exemple aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, qui altère le jugement sans engager le pronostic vital. Le professeur Delfraissy lui-même a dit que cette loi n’était qu’une étape avant d’autres. Nous n’avons pas encore voté la loi que nous posons déjà les bases de son élargissement, ce qui ne peut que redoubler nos inquiétudes. Je suis fondamentalement hostile à cet amendement.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je ne crois pas que M. Delfraissy ait dit tout à fait cela, si ma mémoire ne me fait pas défaut.
Mme Annie Genevard (LR). Il a lâché le mot, même s’il l’a regretté !
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je remercie, à mon tour, ma collègue d’avoir posé la question de l’accès aux mineurs de l’aide active à mourir. Cet amendement pose la question du statut de l’enfant et du mineur. Est-il un sujet de droit ? Son corps lui appartient-il ? Peut-il être représenté en justice ? C’est une question qui est bien plus large que le seul sujet de cet accès : à quel moment un enfant devient-il un sujet autonome, capable de choisir et d’être acteur de sa propre destinée ? Cette loi ouvre un champ de libertés nouvelles que, pour l’instant, il faut borner. Je pense que cette ouverture sera une étape, que lorsque nous serons face aux souffrances insurmontables d’enfants qui réclameront cette aide, nous serons obligés de nous confronter tôt ou tard à cette question. Mais, pour l’instant, il est trop tôt.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il existe des cas où la souffrance des mineurs est insupportable et où les parents se retrouvent démunis. Mais, comme beaucoup de nos collègues, je pense que cet élargissement n’a pas été envisagé. Il a été très peu abordé au cours de nos auditions. Parmi les membres de la Convention citoyenne, il n’y a pas eu une forte proportion favorable à cette ouverture. À ce stade, le sujet n’est pas mûr, ni au sein de la société ni à l’Assemblée. Cela mérite davantage de réflexion. Je voterai contre l’amendement.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). C’est effectivement un sujet très grave d’un point de vue éthique. D’ailleurs, ni le Comité consultatif d’éthique ni la Convention citoyenne n’ont voulu ouvrir cette porte. Je souscris pleinement aux arguments de la rapporteure et du Gouvernement. Je pense aussi, à titre personnel, aux répercussions sur la famille, notamment sur les frères et sœurs. L’âge de 18 ans est la borne nécessaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1997 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Pour ouvrir le débat, j’ai repris cet amendement de Mme Faucillon, irrecevable au titre de l’article 40. J’y suis défavorable.
Mme la ministre. Je suis également défavorable à cet amendement, que je laisse Mme Faucillon présenter.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Merci, madame la rapporteure d’avoir redéposé mon amendement ! J’ai bien compris qu’il ne s’agissait pas, dans cet alinéa, d’exprimer une préférence nationale, comme c’était le cas dans la loi immigration, mais d’éviter, à l’échelle européenne, que des gens viennent en France bénéficier de l’aide à mourir. On peut néanmoins s’interroger : des Français vont en Belgique ou en Suisse ; pourquoi la réciproque ne serait-elle pas possible ? Par ailleurs, la condition de résidence stable et régulière ne couvre pas toutes les situations. Les travailleurs sans papiers qui résident sur notre territoire de façon parfois stable, qui cotisent voire surcotisent et qui paient des impôts ne pourraient pas avoir accès à l’aide. Pourriez-vous justifier cette rédaction ?
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je soutiens cet amendement, que nous avions également déposé. Nous avions également proposé des amendements de repli concernant les conventions de réciprocité avec d’autres pays ainsi que les personnes étrangères suivies en France. On ne peut pas, au moment ultime, leur dire que l’on ne peut plus rien pour elles et les renvoyer mourir chez elles. Qui plus est, cela fait des années que les Français peuvent accéder à l’aide à mourir dans d’autres pays. Une réciprocité pourrait être envisagée.
Mme Annie Genevard (LR). Je suis évidemment hostile à l’aide active à mourir, au suicide assisté et à l’euthanasie. C’est la raison pour laquelle je suis également hostile à ce que le dispositif puisse s’appliquer à des étrangers en situation irrégulière. Que diriez-vous si je m’opposais à l’un et pas à l’autre ? J’y suis également hostile, parce que certains pays sont devenus des destinations reconnues, notamment la Suisse, où le réseau associatif peut délivrer une mort administrée pour un coût très important. Je ne souhaite pas que la France s’illustre par cette spécialité. C’est pourquoi je pense indispensable de conserver le critère inscrit dans le texte, si d’aventure il était voté.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). À la lecture, je n’avais pas bien compris pourquoi on limitait l’accès à l’aide à mourir aux citoyens français, avant de comprendre qu’il y avait une question financière, liée à la prise en charge intégrale par la sécurité sociale. On peut parfaitement décorréler la prise en charge et la condition de nationalité. Aurions-nous ce débat si les pays qui nous entourent n’avaient pas autorisé l’aide à mourir avant nous et si les Français n’avaient pas pu y recourir là-bas ? Ce sont eux qui nous permettent d’avoir ce débat et il est très important de garantir une réciprocité.
M. Joël Giraud (RE). Il faudra régler le cas particulier des hôpitaux transfrontaliers. Dans le Briançonnais, un hôpital reçoit des patients français et italiens et ses médecins sont à moitié italiens et à moitié français. Nous devrons trouver une solution adaptée, parce que l’on ne peut pas considérer que, dans deux chambres contiguës, deux droits différents s’appliquent.
M. Charles de Courson (LIOT). Notre rapporteure est assez amusante, puisqu’elle nous incite à voter contre son amendement – ce que je ferai d’ailleurs pour la satisfaire. Se pose la question de l’interprétation de l’article 40, dont l’application est à géométrie variable.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ce n’est pas l’amendement de la rapporteure, mais un amendement qui a été redéposé dans le but d’ouvrir un débat.
M. Charles de Courson (LIOT). Vous déposez un amendement qui est le contraire de ce que vous pensez pour faire réagir les gens !
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). La rapporteure a déposé des amendements pour ouvrir le débat sur différents aspects. Le critère de nationalité ou de résidence régulière sur le territoire français est un sujet sur lequel nombre d’entre nous ont déposé des amendements qui n’ont pas été jugés recevables. J’ai proposé un amendement qui ne vise pas à supprimer tout critère de nationalité mais qui puisse répondre aux cas des patients suivis en France. La loi belge permet cette ouverture, et d’avoir une réciprocité dans les territoires transfrontaliers. Les Belges voient des Français venir chez eux mais ne pourront pas recevoir chez nous les mêmes soins.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’ai un hôpital transfrontalier dans ma circonscription. Des conventions existent. Je ne vois donc pas le souci.
M. Christophe Bentz (RN). Comparativement aux autres pays qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, votre texte est déjà l’un des plus permissifs. Il n’y a que cinq critères restrictifs et vous vous posez déjà la question de faire sauter ces cinq maigres garde-fous. Nous craignons l’effet cliquet et les risques de dérive, dans ce débat et les années à venir. Évidemment, nous voterons contre l’amendement.
Mme Justine Gruet (LR). S’agissant de la réciprocité entre pays, il y a quand même une différence majeure entre la France et la Suisse. Dans un cas, l’acte est remboursé et pas dans l’autre. L’alinéa vise à éviter le tourisme et que des personnes qui ne contribueraient pas à notre système bénéficient du remboursement.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur de Courson, vous connaissez suffisamment la commission des finances pour savoir que, sans intervention du rapporteur, les amendements irrecevables au titre de l’article 40 ne sont pas présentés et qu’il n’y a donc pas de débat. C’est plutôt bien pour la démocratie parlementaire que l’on puisse avoir un débat.
Sur ce sujet, je suis favorable à ce que l’on reste au texte initial. En France, l’aide à mourir sera remboursée, ce qui n’est pas le cas en Belgique ou ailleurs. En revanche, entendons ce qu’a dit Joël Giraud : il peut y avoir des conventions particulières dans des cas particuliers.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. J’ai en effet repris cet amendement pour permettre un débat ; cela n’a rien à voir avec ma conviction. L’article 6 conditionne l’accès à l’aide à mourir à la nationalité française ou à une résidence stable et régulière en France du fait de la couverture des frais associés à l’aide à mourir par l’assurance maladie, prévue à l’article 19. Les citoyens étrangers pourront demander à bénéficier d’une aide à mourir, sous réserve de résider en France de façon stable et régulière. Cette expression est notamment utilisée à l’article L. 111-11 du code de la sécurité sociale. Ces deux critères feront l’objet d’une vérification par le médecin sur la base de pièces justificatives, précisées par voie réglementaire et versées dans le système d’information.
Quant au sujet transfrontalier, qui était apparu lors de nos auditions, nous pourrons trouver une solution ensemble.
Mme la ministre. Le Conseil d’État a considéré que les conditions de nationalité et de résidence ne méconnaissent aucun principe constitutionnel ni conventionnel. Ces conditions de nationalité et de résidence sont importantes, en ce qu’elles permettent de garantir que l’aide à mourir n’est pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans un parcours global. La personne concernée est suivie, depuis longtemps parfois. Ce n’est pas quelqu’un qui arrive du jour au lendemain. L’instauration de cette condition repose aussi sur l’idée que le professionnel de santé qui va accompagner la personne malade la connaît pour l’avoir suivie. C’est dans cette logique que nous avons voulu éviter une sorte de tourisme – le mot est exagéré. Beaucoup d’États qui ont légalisé une forme d’aide à mourir ont introduit cette clause de nationalité ou de résidence, plus ou moins longue, comme l’Espagne, l’Autriche ou le Portugal, l’Oregon, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.
J’entends vos propos sur la réciprocité avec la Suisse ou la Belgique. Selon les chiffres de 2023, les Français représentaient 101 non-résidents sur 110 en Belgique. En Suisse, en dépit de l’absence de centralisation des statistiques, selon l’association Dignitas, il y avait 50 Français sur les 250 non-résidents.
Enfin, en ce qui concerne le sujet évoqué par M. Giraud, des accords bilatéraux – ce n’est d’ailleurs pas le seul domaine dans lequel nous en avons besoin – pourront préciser la situation de patients soignés dans des hôpitaux transfrontaliers.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS42 de Mme Emmanuelle Ménard, CS131 de Mme Marie‑France Lorho, CS190 de M. Philippe Juvin et CS996 de Mme Frédérique Meunier
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Je propose de supprimer la mention « ou résider de façon stable et régulière en France ». Injecter une dose létale à un malade en fin de vie n’a rien d’anodin ; les conditions qui encadrent ce nouveau droit doivent donc être très précises. Or le critère du caractère stable de la résidence n’est pas très précis, car il peut donner lieu à de nombreuses interprétations. Par ailleurs, si le caractère stable était supprimé, la condition de régularité ne serait plus nécessaire non plus puisqu’elle est liée à la stabilité du séjour de la personne et non à la nationalité française.
Mme Marie-France Lorho (RN). En conditionnant le recours à l’aide à mourir à des personnes résidant de façon stable et régulière en France, le législateur favorise la création d’un eldorado de l’assistance au suicide. Devrons-nous demain recevoir des ressortissants d’autres pays souhaitant se faire donner la mort au seul prétexte qu’ils peuvent démontrer qu’ils résident de façon stable ou régulière en France ? N’est-ce pas là privilégier les personnes socialement favorisées, disposant par exemple d’une résidence secondaire en France ?
Par ailleurs, le législateur se doit d’officier dans la seule perspective de la cité qu’il administre. C’est le sens de cet amendement qui prive les personnes résidant de façon stable et régulière en France de la faculté de recourir à cette manière de mourir.
Mme Annie Genevard (LR). L’amendement de notre collègue Philippe Juvin vise à supprimer la condition de résidence stable et régulière pour un étranger qui voudrait bénéficier de l’aide active à mourir, du suicide assisté ou de l’euthanasie. Cette possibilité ne serait réservée qu’aux seuls nationaux français. L’objectif est d’éviter que la France ne se substitue à la Belgique ou à la Suisse. Nous ne cherchons pas à faire la promotion de cette aide active à mourir, d’autant que nous y sommes opposés.
Mme Frédérique Meunier (LR). Ce droit nouveau que vous souhaitez créer, faut-il l’accorder à des personnes résidant de façon stable et régulière en France ? D’ailleurs, on ne comprend pas qui sont ces personnes : s’agit-il de personnes disposant d’une résidence secondaire en France ou bien de personnes résidant en France depuis un ou deux ans ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable, car ce serait une façon d’instaurer une forme de préférence nationale dans un dispositif créant un accès universel à un droit. Au nom de quoi pourrait-on refuser l’accès à l’aide à mourir à des personnes ayant des attaches solides et régulières en France ? Le faire au seul motif de leur nationalité serait contraire à nos principes.
Mme la ministre. Le code de la sécurité sociale fixe de façon habituelle des conditions de stabilité nécessitant six mois de présence par an dans notre pays. La disposition proposée renvoie donc à des règles qui existent déjà.
M. David Valence (RE). Je m’opposerai à ces amendements, car il est à peu près certain qu’ils seraient considérés comme discriminatoires au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, il serait incompréhensible de refuser ce droit à des personnes d’origine sénégalaise, turque ou portugaise vivant depuis des décennies en France alors qu’elles ont payé leurs impôts et cotisé à la sécurité sociale. Je ne fais pas de procès aux personnes qui ont déposé ces amendements ; je pense que c’est simplement l’expression de leur hostilité au texte.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). D’un point de vue philosophique, ces amendements sont contestables. Certains de nos collègues estiment en effet que des gens doivent être obligés de souffrir parce qu’ils ne sont pas Français, alors qu’ils vivent, travaillent et payent leurs impôts ici et qu’ils partagent notre destin commun.
D’un point de vue juridique, ces amendements sont absurdes. Vous prétendez qu’on ne sait pas ce qu’est une résidence stable. Le code de l’action sociale et des familles, lui, le sait : son article R. 245-1 précise qu’il s’agit d’une personne résidant en France et qui ne séjourne pas à l’étranger plus de trois mois par an.
Vous affirmez également que lorsqu’un séjour n’est pas stable, il n’est plus régulier. Là encore, vous vous trompez : le critère de la régularité, purement administratif, concerne le titre de séjour et non la régularité dans le temps. Sur tous les points – philosophiques administratifs et juridiques –, vous avez réussi à faire 100 % d’erreurs ; j’espère donc qu’il y aura 100 % de rejet.
M. Charles de Courson (LIOT). Si j’ai bien compris, ces soins sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Pour ceux qui résident de façon stable et régulière en France, il me semble qu’il y a deux cas de figure : les assurés sociaux, qui payent des cotisations – il est donc normal qu’ils bénéficient de ce droit – et ceux qui, n’étant pas assurés, ne bénéficient pas de la couverture d’assurance maladie. Qu’en est-il pour ces derniers ?
M. Philippe Vigier (Dem). Le texte prévoit qu’il faut avoir la nationalité française ou résider en France de façon stable, c’est-à-dire au moins six mois par an. Cela permet de tordre le cou à l’argument selon lequel cela créerait des filières d’immigration dans notre territoire pour bénéficier de ce droit. Je suis d’ailleurs assez choqué de lire, dans les exposés sommaires des amendements, des formulations telles que « risques de tourisme international sur la mort », qui ne sont pas de nature à apporter de la sérénité au débat.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1339 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Il s’agit, en s’inspirant de la législation belge, d’ouvrir ce droit aux transfrontaliers suivis de manière régulière par un médecin en France. Je ne pense pas que l’on puisse l’ouvrir à une personne n’ayant aucun lien avec le pays.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable, car cette précision n’est pas nécessaire. Les critères de nationalité ou de résidence établis dans le projet de loi permettent d’ores et déjà de garantir un suivi régulier de l’assuré par le corps médical en France : l’aide à mourir ne peut pas être un acte isolé.
Mme la ministre. Avis défavorable, car cela ne peut pas être un acte isolé. Une personne qui viendrait de manière ponctuelle ne justifie pas de six mois de résidence et ne cotise pas : elle ne peut donc bénéficier d’une prise en charge.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1383 de Mme Maud Petit
Mme Maud Petit (Dem). La notion de résidence stable et régulière en France me semble floue – j’ai entendu des durées allant d’un mois à six mois. Mon amendement vise donc à fixer une durée de trois mois, qui correspond à celle qui est nécessaire pour bénéficier de certaines allocations, mais mon objectif est surtout d’obtenir des éclaircissements sur cette notion de résidence stable et régulière.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable ; cet amendement est satisfait.
Mme la ministre. Demande de retrait, car votre amendement est satisfait. Toute personne arrivant en France connaît une carence de trois mois ; ensuite, la prise en charge ne peut commencer qu’après un délai de six mois de résidence.
Mme Annie Genevard (LR). Je tiens à récuser l’utilisation par la rapporteure du terme « préférence nationale » pour qualifier nos amendements : ils ne relèvent absolument pas de cette idéologie.
Quant à l’amendement de Mme Petit, j’y suis absolument défavorable. Obliger une personne à résider au moins trois mois en France avant de pouvoir se faire administrer une dose létale n’est pas faire preuve d’humanité. S’agissant d’une démarche infiniment lourde de conséquences, cela reviendrait, non pas à lui octroyer un droit, mais à lui infliger une peine supplémentaire.
L’amendement est retiré.
Amendement CS814 de M. Jean-Pierre Pont, amendements identiques CS1036 de Mme Frédérique Meunier et CS1251 de M. Joël Giraud, amendements identiques CS659 de M. Stéphane Delautrette et CS1558 de Mme Anne-Laurence Petel, amendement CS374 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Jean-Pierre Pont (RE). Le texte vise les affections graves et incurables. Or certaines maladies graves, comme le cancer, sont fort heureusement curables. Je propose donc de retenir la formulation « affection grave arrivée à un stade incurable ».
Mme Frédérique Meunier (LR). Nombre de médecins affirment qu’il est très difficile de définir ce qu’est un « pronostic vital à court ou moyen terme ». Je propose de remplacer ces mots par « quelle qu’en soit la cause, en phase avancée ou terminale ». Cela permettrait au corps médical d’être plus serein et plus efficace dans ses diagnostics.
M. Joël Giraud (RE). En clarifiant les conditions d’accès à l’aide à mourir, ces amendements permettraient aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives de bénéficier de cette aide sans être entravées par la nécessité d’un pronostic à court terme. Celles qui font le voyage vers la Suisse ou la Belgique seraient ainsi traitées humainement dans le territoire national, ce qui serait un véritable acte d’amour.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Outre la difficulté d’établir ce qu’est le « court et moyen terme », cette terminologie écarte du dispositif de l’aide à mourir certaines affections alors que les patients concernés pourraient souhaiter y recourir.
Mme Anne-Laurence Petel (RE). Nous proposons de remplacer « pronostic vital à court ou moyen terme » par « phase avancée ou terminale » car le moyen terme n’est pas défini par la Haute Autorité de santé, qui a été saisie par la ministre de la santé dans ce but. La formule proposée permettrait d’élargir la possibilité d’accéder à l’aide à mourir tout en préservant un cadre strict.
M. Patrick Hetzel (LR). La mesure proposée ferait prendre énormément de risques. Si vous souhaitez ouvrir ce droit avant la phase terminale, il faudra nous expliquer comment vous le justifiez.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous entendrons les avis de la rapporteure et de la ministre à la reprise de nos travaux.
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10. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 15 heures (article 6 [suite])
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([11]).
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. L’examen du texte en séance publique débutera le 27 mai ; les amendements devront être déposés au plus tard le 23 mai. Si nous n’avons pas terminé nos travaux vendredi, nous nous réunirons ce week‑end.
Article 6 (suite) : Conditions d’accès de l’aide à mourir
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ce matin ont été défendus l’amendement CS814, les amendements identiques CS1036 et CS1251, les amendements identiques CS659 et CS1158 et l’amendement CS374, en discussion commune. Madame la rapporteure, madame la ministre, quels sont vos avis sur ces amendements ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Certains amendements sont relatifs au terme, dont nous débattrons très précisément par la suite ; d’autres concernent la condition d’une atteinte par une affection grave et incurable. La rédaction est issue de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti » ; celle-ci exige, pour pratiquer une sédation profonde et continue jusqu’au décès, que le patient soit atteint d’une maladie qui engage son pronostic vital – donc « grave » – et qui ne peut être guérie – donc « incurable ». Les deux adjectifs sont indispensables : la gravité de la maladie ne présume pas des chances de guérison – c’est le cas du cancer –, tandis que l’incurabilité n’engage pas le pronostic vital – l’arthrose en offre un exemple.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Il est essentiel de conserver les deux adjectifs, « grave » et « incurable ». La maladie incurable n’engage pas le pronostic vital, au contraire de la maladie grave.
Avis défavorable sur tous les amendements de la discussion commune.
Mme Cécile Rilhac (RE). J’avais déposé un amendement identique aux amendements CS659 et CS1558, que je n’ai pas pu défendre. Afin de supprimer le critère de temporalité pour bénéficier de l’aide à mourir, je plaide pour l’expression : « en phase avancée ou terminale ». Il s’agit d’un critère beaucoup plus précis médicalement que le pronostic vital engagé, qu’aucun médecin ne peut définir. Il faut laisser le patient apprécier la temporalité : c’est lui qui souffre, or chacun vit et accepte la douleur différemment. Nous devons choisir le moment de notre fin en fonction de ce que nous vivons.
Mme Annie Genevard (LR). La condition de l’affection « grave et incurable » constitue un aspect capital. La discussion commune réunit des amendements de deux types : les uns visent à supprimer cette condition, quand d’autres, notamment ceux déposés par mes collègues Patrick Hetzel et Philippe Juvin, tendent à la renforcer. Je m’étonne que la commission ait ainsi réuni des amendements contraires.
Évidemment, je soutiens les amendements de la seconde catégorie, et je m’oppose de front à toute proposition de faire sauter ce verrou indispensable qu’est la condition d’être atteint d’une affection grave et incurable. Depuis le début, nous mettons en garde contre un élargissement ; dès l’examen du texte, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer qu’on supprime, un à un, toutes les conditions au suicide assisté et à l’euthanasie. C’est très grave. Jean-Marc Sauvé, qui fut vice-président du Conseil d’État, a estimé qu’il ne faudrait pas trois ans pour que le critère de l’affection grave et incurable soit supprimé. Certains cherchent déjà à l’éliminer : c’est très préjudiciable.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Les amendements ont été placés en discussion commune parce qu’ils concernent le même alinéa, et le même sujet, même si leurs auteurs défendent des idées différentes. Le cas est très fréquent.
M. Joël Giraud (RE). Plusieurs amendements remettent en cause non la nécessité d’être atteint d’une affection grave et incurable, mais le fait que celle-ci doive engager le pronostic vital à court ou à moyen terme. Des médecins ont souligné que cela était très difficile à mesurer, en particulier s’agissant du moyen terme. Aussi proposons-nous d’écrire « en phase avancée ou terminale », en utilisant une notion parfaitement définie sur le plan juridique. Cela permettra également aux patients atteints d’une pathologie évolutive d’être éligibles.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je m’exprime en mon nom propre. Il faut substituer aux mots « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » les mots « qu’elle qu’en soit la cause » – je défendrai un amendement en ce sens lors de l’examen en séance. En effet, à la suite d’un accident, on peut souffrir d’une affection très grave, sans que le pronostic vital soit engagé.
Vous affirmez régulièrement que vous voulez placer le patient au cœur de la décision. Or c’est le médecin qui se prononce sur le pronostic vital – qu’ils ont par ailleurs beaucoup de mal à évaluer à moyen terme. Je ne suis pas spécialiste, mais selon moi la rédaction « en phase avancée ou terminale » correspond davantage à l’idée que le patient peut se faire de sa situation, lorsqu’il estime que sa vie est devenue une survie.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes attachés à la condition d’une « affection grave et incurable ». En revanche, substituer à la formule « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme », qui n’a pas de sens, les mots « en phase avancée ou terminale » permettrait de solliciter l’appréciation du corps médical, or il est essentiel que les soignants soient en position privilégiée pour évaluer la situation du patient.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je soutiens les amendements identiques CS659 et CS1558, qui visent à écrire « en phase avancée ou terminale ». Le court et le moyen terme et l’engagement du pronostic vital n’apparaissent dans aucune des autres législations. Le corps médical a confirmé que cela n’avait pas de sens, car il ne sait pas dire quand un pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme.
Par ailleurs, madame Genevard, aucun des pays ayant légalisé l’euthanasie n’a enlevé la condition d’être atteint d’une maladie grave ou incurable de sa législation. Il s’agit d’une condition sine qua non du droit à mourir. Il n’y a eu aucune dérive et il n’y en aura aucune. Arrêtons de faire peur en avançant des arguments que les faits démentent.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). En défendant l’amendement CS659, qui vise à écrire « en phase avancée ou terminale », nous proposons un moindre mal. Il revient au demandeur de l’aide à mourir de juger les effets de son affection et sa capacité à supporter la douleur. Nous l’avons bien compris lors des auditions : les médecins ne sauront pas définir le court ou le moyen terme. Nous défendons un amendement de repli. À titre personnel, j’estime que la condition de la maladie grave et incurable est suffisante. Il est trop cruel de dire à quelqu’un atteint de la maladie de Charcot qu’il devra attendre d’être en phase terminale, c’est-à-dire de n’avoir plus de jambes, plus de mains, peut-être de ne plus pouvoir respirer, pour avoir, peut-être, le droit de demander l’aide active à mourir.
M. Julien Odoul (RN). Les auditions ont montré que le moyen terme était une notion floue et qu’on ne pouvait pas vraiment apprécier cette dimension. Toutefois, les mots « phase avancée » ajoutent du flou au flou. On comprend que la phase terminale correspond à la fin de la vie du patient, à ses derniers jours, mais la phase avancée ne désigne rien de clair : le malade a encore un certain temps à vivre et sa situation peut encore évoluer. Cela soulève le même problème que le moyen terme. Nous devons être beaucoup plus précis.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Une fois de plus, nos discussions montrent l’impréparation du Gouvernement. On a bien compris que vous vouliez faire passer ce texte pendant la campagne des élections européennes afin de pourrir le débat, mais force est de constater que rien n’est finalisé. Or il n’est pas sérieux de voter dans ces conditions un texte sur un sujet aussi important.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je partage les réserves exprimées sur la notion de moyen terme : il faudrait supprimer cette référence. Néanmoins, nous avons noté que la ministre avait sollicité le président de la Haute Autorité de santé (HAS) pour la préciser. Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer comment la HAS pourrait lever l’énorme ambiguïté que tous les personnels soignants ont pointée ?
M. René Pilato (LFI - NUPES). L’élément fondamental, qui doit nous guider, est la souffrance réfractaire et insupportable. Si nous gardons en tête, à chaque amendement que nous examinons, qu’il s’agit de mettre fin à une souffrance insupportable et réfractaire, le débat serait plus clair et nous penserions, enfin, au patient.
M. Didier Martin (RE). Je suis attaché à la temporalité, et je ne suis pas le seul. Les philosophes que nous avons auditionnés – il est bon d’en fréquenter de temps en temps – ont souligné son importance. M. Frédéric Worms a dit : « L’aide à mourir n’est légitime qu’en fin de vie. » Tous, nous disons que nous siégeons dans la « commission fin de vie ».
La notion de moyen terme me pose un problème, comme à de nombreux commissaires. C’est aussi votre cas, madame la ministre, puisque vous avez interrogé la HAS pour la définir. En tant que médecin, je pense que nous n’y arriverons pas précisément. Les amendements visant à écrire « en phase avancée ou terminale » délimitent très bien le champ dans lequel l’aide à mourir doit s’inscrire. Elle ne peut intervenir dans aucun autre délai – certainement pas dans le long terme.
Mme Laurence Cristol (RE). Les auditions ont montré combien il était difficile d’évaluer que le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Mais si vous votez ces amendements au nom de l’applicabilité de la loi, vous la rendrez inapplicable. Vous partez du présupposé qu’une définition à long terme serait plus claire, mais c’est clairement non ! En trente ans, les progrès de la médecine ont offert un espoir immense pour le pronostic de maladies que l’on pensait incurables à long terme. Pierre a 60 ans. Médecin, il a reçu il y a trois ans le diagnostic d’un cancer du pancréas métastatique résistant à la chimiothérapie : son pronostic vital était engagé au-delà du moyen terme. Il aurait donc été éligible au dispositif que vous proposez. Grâce aux thérapies innovantes qui n’existaient pas il y a peu, il a retrouvé sa qualité de vie, il vit, il profite.
Beaucoup des juristes que nous avons auditionnés ont proposé de retirer le critère de pronostic vital engagé à court ou à moyen terme, mais il faut favoriser l’approche médicale et rester humbles devant la maladie et les évolutions thérapeutiques. Dans de très nombreux cas, le médecin saura dire si le pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme, s’il n’y a plus d’espoir. C’est un horizon peut-être imparfait, critiquable, mais protecteur pour les patients et rassurant pour les soignants. Comprenez que le vote des amendements concernés anéantirait le sens du texte.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Pourquoi est-il essentiel de poser une borne temporelle ? Pour rendre le texte effectif. La loi Claeys-Leonetti prévoit que le pronostic vital doit être engagé à court terme pour autoriser la sédation profonde et continue. Cela cadre l’exercice des soignants. La notion de moyen terme peut être floue, notamment parce que la situation varie d’un patient à l’autre, mais il faut en laisser l’appréciation au médecin. En l’absence de référence à un terme, certains médecins pourront ne pas se sentir en sécurité, ce qui risque de les empêcher d’autoriser l’aide à mourir. Voter les amendements qui tendent à supprimer cette référence irait donc à l’encontre de l’objectif visé.
M. Philippe Juvin (LR). Une affection peut être en phase avancée sans engager le pronostic vital. C’est le cas si votre médecin vous diagnostique un cancer avec des métastases généralisées, mais curable. La rédaction « en phase avancée » ouvre donc très largement le champ d’application.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Bien sûr, cette étape est fondamentale. Nous avons tous beaucoup réfléchi à la notion de moyen terme. Nous avons organisé une soixantaine d’heures d’auditions, au cours desquelles j’ai posé la question à de nombreuses reprises. Nous avons bien vu que quelle que soit la position des intervenants, la notion soulevait des interrogations.
Pour l’objectiver, trois préoccupations ont guidé mes réflexions, comme l’élaboration et la modération du texte, relatif à un sujet de bioéthique particulièrement sensible : l’autonomie et la liberté de choix du patient ; le respect de la compétence du médecin ; le risque d’exclure certaines pathologies du droit à l’aide à mourir. Pour ouvrir le débat, j’ai déposé un amendement tendant à supprimer les mots « à court ou moyen terme », mais il a été déclaré irrecevable. Grâce à nos collègues du groupe Écologiste, qui ont trouvé la parade pour ne pas enfreindre l’article 40 de la Constitution, j’ai déposé un autre amendement dans ce sens. Mes réflexions et mes discussions avec le rapporteur général m’amènent à approuver la rédaction de la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, qu’il avait défendue en 2021 et que j’avais votée : « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable », qui suscite moins de doutes.
En mon âme et conscience, j’émets un avis favorable aux amendements identiques CS659 et CS1558, qui tendent à substituer aux mots : « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » les mots : « en phase avancée ou terminale ».
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous en venons au point le plus problématique : le « moyen terme ». Je pourrais citer cinquante extraits des auditions, d’intervenants diversement disposés à l’égard du texte, pour expliquer à quel point la notion est difficile à définir. J’ai, arbitrairement, choisi l’intervention du président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) : « La notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme est difficile à établir. Déterminée par le médecin, pouvant être endossée par lui, elle ne sera pas adossée à une définition juridique. Si, pour certaines pathologies, on dispose de données concernant le terme éventuel, pour d’autres affections cela sera véritablement complexe. Il y a également des maladies, comme la maladie de Charcot, où on ne peut prédire avec précision le terme de vie et de mort. Pour le patient, ce n’est pas tant le moment de la mort qui importe, mais celui à partir duquel la vie lui sera insupportable, et en cela on ne voit pas comment on pourrait fixer un terme. » Je ne peux pas dire mieux.
Par ailleurs, je m’efforce d’être cohérent dans mon travail parlementaire. Nous parlons d’une des conditions qui doivent être réunies pour autoriser l’aide à mourir ; la maladie, grave et incurable, doit provoquer des souffrances réfractaires et insupportables. Comme lors de l’examen de la proposition de loi que j’ai défendue en 2021, je soutiens que l’affection doit être « en phase avancée ou terminale ». J’émets donc un avis favorable aux amendements CS659 et CS1158.
Mme la ministre. Une fois de plus, je commence par citer l’avis du Conseil d’État. Il considère qu’en retenant les trois dernières conditions énumérées à l’article 6, « le projet de loi ne méconnaît pas les principes constitutionnels et conventionnels » – qu’il a précédemment évoqués : « Pour l’appréciation de la troisième condition relative à l’échéance du “moyen terme”, le Conseil d’État estime que cette expression ne peut être entendue que dans le sens employé par la pratique médicale, pour laquelle elle correspond à un horizon temporel qui n’excède pas douze mois. Il considère qu’elle n’est dès lors pas entachée d’incompétence négative. Il observe que les modalités d’appréciation de l’horizon de “moyen terme” pourront être utilement éclairées, selon les pathologies en cause, par des recommandations formulées par la Haute Autorité de santé. »
Suivant l’avis à la lettre, j’ai interrogé le président de la HAS, le professeur Collet. Il m’a répondu par un courrier en date du 29 avril 2024, que je vous lis :
« Madame la ministre,
« J’ai bien pris connaissance de votre saisine de la Haute Autorité de santé, en date du 22 avril, relative à l’évaluation du pronostic médical engagé à moyen terme par le médecin dans le cadre d’une demande d’accès à l’aide à mourir telle que mentionné dans le titre II du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie prochainement examiné au Parlement.
« Tout d’abord je souhaitais vous remercier pour la confiance portée [à] la HAS pour mener ces travaux aux multiples enjeux que nous ne manquerons pas de réaliser.
« Je tenais également à vous indiquer que l’élaboration d’une recommandation de bonnes pratiques professionnelles de la HAS s’étale de manière générale sur dix-huit mois.
« Ce délai intègre certaines étapes propres à nos travaux et à leur qualité et notamment l’élaboration d’une note de cadrage, la constitution du groupe de travail, l’analyse de la littérature, la préparation d’un avis et la mise en place d’un groupe de lecture ainsi que d’éventuelles auditions de représentants de pays étrangers ayant déjà mis en place des dispositifs liés à la fin de vie et une consultation publique qui apparaît pertinente a priori compte tenu de la nature du sujet traité.
« Compte tenu de ces éléments, de l’enjeu central que représente l’évaluation de la notion de moyen terme dans le projet de loi et afin de garantir la qualité de notre recommandation, le délai fixé au dernier trimestre 2024 apparaît extrêmement contraint.
« Nous mesurons pleinement les attentes concernant ce sujet. En conséquence, nous proposons de publier en juin 2024 une note de cadrage de notre recommandation de bonne pratique puis une note d’avancement de son élaboration au dernier trimestre 2024, avant de vous communiquer la version finale de notre recommandation dès leur adoption par le collège et d’ici le deuxième trimestre 2025.
« Une telle démarche permettrait d’assurer pleinement la qualité des recommandations produites, qualité à laquelle nous sommes tous attachés, et le consensus nécessaire, tout particulièrement sur un sujet dont la sensibilité n’est plus à démontrer. »
Par ailleurs, la référence au moyen terme constitue un des apports importants du texte ; elle le distingue de la loi Claeys-Leonetti, précisément parce qu’il caractérise la fin de vie. Tous les médecins vous le diront, le pronostic vital est engagé à court terme quand a débuté l’agonie, la phase ultime de l’existence, quand l’organisme paraît lutter pour échapper à un glissement inévitable vers la mort – les dernières heures ou les derniers jours. Étymologiquement, « agonie » signifie « lutte », « combat ». Évidemment, il est beaucoup plus compliqué de définir le pronostic engagé à moyen terme. Il s’agit d’une notion médicale. En médecine, malgré les protocoles, il n’est pas toujours aisé de choisir la conduite à tenir ; chaque patient est unique. La liberté du patient est fondamentale, et son corollaire est l’examen médical, qui décidera de l’éligibilité – nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 7.
Comme vous, j’ai évidemment discuté avec des médecins, entendu les avis de l’Académie nationale de médecine et du Comité consultatif national d’éthique : personne, il est vrai, ne borne le moyen terme. Toutes les instances médicales, scientifiques et éthiques considèrent qu’il s’agit d’un horizon de quelques mois. Cela dépend de la pathologie, de l’état général de santé du patient, de l’observance du traitement. Toutefois, la réalité de la pratique médicale quotidienne connaît cette évaluation, nécessaire pour choisir les traitements : on parle de « survie à six mois » ou « à un an » – je n’invente pas ces termes, présents dans la littérature scientifique. La HAS rendra son avis et donnera des repères en fonction des pathologies, pour guider les médecins, mais elle ne normera pas, parce que ce n’est pas possible.
Les auteurs des amendements tendant à supprimer la référence au moyen terme ont des intentions très différentes. Les uns veulent restreindre l’aide à mourir aux affections engageant le pronostic vital à court terme ; ce n’est pas le sens du texte, et j’y suis défavorable. Les autres estiment qu’il est inutile de préciser cette condition dans la loi, que la pratique médicale se suffira. Mais la loi ainsi rédigée serait-elle applicable ? Quel médecin se sentira protégé si la loi n’éclaire pas un minimum son action ? Nous formulons une notion, la pratique se l’appropriera. La pratique est à la médecine ce que la doctrine est au droit. Incontestablement, pour que la pratique soit possible, les médecins ont besoin d’un cadre protecteur, aussi avons-nous inscrit dans le texte la double référence au court et au moyen terme.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements en discussion commune.
Mme Annie Vidal (RE). Nous examinons la partie du texte portant sur les conditions de l’accès à l’aide à mourir, plus précisément sur la troisième condition, la première de nature médicale et non administrative. Les craintes que j’ai exposées hier sur la disparition des verrous se matérialisent. En effet, les deux amendements identiques CS659 et CS1558 visent à remplacer la notion de « pronostic vital à court ou moyen terme » par celle de « phase avancée ou terminale ». Or le critère de l’engagement du pronostic vital est à mes yeux fondamental : le supprimer conduira à éliminer d’autres protections, perspective à laquelle je me refuse. Je voterai donc contre ces amendements.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le moyen terme est une notion imprécise, pouvant correspondre à quelques semaines ou mois, mais également à plusieurs années pour la maladie de Charcot. Pour celle-ci, les débats semblent glisser vers la défense de l’euthanasie, les amendements ayant pour objet de faire évoluer la loi vers une aide à mourir. Les malades, eux, n’ont qu’une seule priorité : savoir comment ils vont vivre et non comment ils vont mourir.
Mme Frédérique Meunier (LR). Je suis l’avis du rapporteur général et retire mon amendement au profit des amendements identiques CS659 et CS1558, que je soutiendrai avec plaisir.
Les amendements CS814, CS1036 et CS1251 sont retirés.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Madame Vidal, le caractère incurable d’une pathologie implique nécessairement l’engagement du pronostic vital.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Madame la ministre, vous pensez que la suppression de la référence à l’horizon de court ou de moyen terme alourdirait la responsabilité pesant sur le médecin, mais on nous a expliqué que celui-ci ne pouvait pas définir ce qu’était le moyen terme : conserver cette référence donnerait au praticien l’entière responsabilité de déterminer si le patient peut accéder ou non à l’aide à mourir. Le maintien de la rédaction actuelle ferait donc peser une charge beaucoup plus lourde sur le soignant.
M. Christophe Bentz (RN). Qui est dupe de ce qu’il se passe actuellement dans cette salle ? Nous partageons les craintes de Mme Vidal, membre de la majorité présidentielle, qui a raison de s’inquiéter : les garde-fous et les verrous sont en effet en train de sauter les uns après les autres. Je vous alerte à nouveau : les conditions strictes que vous prétendez poser dans l’accès au suicide assisté sont non seulement tout sauf impérieuses, mais sont appelées à disparaître au fur et à mesure de l’adoption d’amendements comme les CS659 et CS1558. En effet, ces derniers suppriment – excusez du peu ! – la référence au pronostic vital, qui constituait l’un des cinq petits critères restrictifs. Nous voterons contre l’adoption de ces deux amendements très dangereux.
M. Nicolas Turquois (Dem). Les débats sont extrêmement intéressants. L’ensemble des personnes auditionnées, quelles que soient leurs convictions sur le texte, ont interrogé la notion de moyen terme. J’avais déposé, avec d’autres membres du groupe Démocrate, un amendement visant à supprimer la référence au court et au moyen terme, non par opposition à la fixation d’une limite mais par besoin de débattre de celle proposée par le texte.
Alain Claeys m’a dit que les mêmes questionnements avaient émergé autour de la notion de court terme lors de l’examen du texte de loi qui porte son nom avec celui de Jean Leonetti : s’agit-il de quelques heures, de quelques jours, de quelques semaines ? Aujourd’hui, cette notion est intégrée par les praticiens. La notion de « phase avancée ou terminale » me paraît intéressante, mais je ne suis pas sûr de savoir tout ce qu’elle recouvre. Par conséquent, je m’abstiendrai lors du vote sur les amendements identiques, d’autant que l’idée de pronostic vital me semble également importante.
Mme Monique Iborra (RE). Comme d’habitude, madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, mais si la notion de moyen terme peut effectivement rassurer le médecin, le malade aura la possibilité de remettre en cause la décision médicale, l’interprétation pouvant faire l’objet d’un contentieux judiciaire. Cette perspective fera peser une menace sur le médecin. Il faut reconnaître que, sur cette question, la HAS, en qui j’ai confiance, s’est défilée.
M. Patrick Hetzel (LR). Les amendements CS659 et CS1558 franchissent une ligne rouge en sortant du cadre fixé à l’article 6 par le Gouvernement. Le remplacement du pronostic vital à court et moyen terme par la notion de phase avancée ou terminale ouvre en grand les voies d’accès à l’aide à mourir. Il n’y a aucune étude d’impact sur la question, puisque cette évolution serait consacrée par l’adoption d’un amendement d’origine parlementaire : accepter cette proposition nous ferait courir un risque considérable.
Nous sommes opposés à l’autorisation du suicide assisté et évidemment à la suppression de conditions encadrant son recours. Nous vous avions alertés sur la volonté de certains d’aller plus loin que le texte du Gouvernement ; vous pouvez constater que nous avions raison. Faisons attention et apportons des garanties aux patients, car nous parlons de leur vie.
Mme Anne Bergantz (Dem). L’emploi des mots « court ou moyen terme » a alimenté des interrogations chez les médecins, que ceux-ci soient favorables ou opposés à l’aide à mourir. Comme Nicolas Turquois, j’éprouve une certaine difficulté à percevoir tout ce que recouvre la notion de phase avancée ou terminale. La phase terminale, ou processus du mourir, ne me semble pas susciter de débat car les termes sont suffisamment clairs ; selon le code de la santé publique, la fin de vie désigne les moments qui précèdent le décès d’une personne « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ». Cette notion figure déjà dans le droit.
Mme Justine Gruet (LR). Le dispositif n’est pas adapté à la mission quotidienne des soignants ; ceux-ci peuvent redouter que la notion temporelle de moyen terme n’incite certains patients à demander très précocement une aide à mourir, ce qui induirait un biais dans la dispense des soins par une rupture dans l’alliance thérapeutique et un déséquilibre dans le positionnement des patients par rapport à leurs soignants.
Les médecins relèvent qu’il est impossible d’apporter une aide à mourir en l’absence d’un avis libre et éclairé, mais qu’ils peuvent appliquer la loi Claeys-Leonetti. L’ouverture de l’accès à l’aide à mourir à un stade plus précoce de la maladie pourra limiter la dispense de soins adaptés.
Mme Anne-Laurence Petel (RE). Mme Bergantz m’a devancée en évoquant le code de la santé publique ; la première phrase de son article L. 1111-12 est très claire : « Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. » L’article ne comporte aucune mention au court ou au moyen terme, il emploie l’expression « phase avancée ou terminale ». Les amendements ne font ainsi que reprendre une notion déjà présente dans le code de la santé publique : leur adoption garantirait donc davantage la sécurité juridique du texte que la rédaction actuelle, car le moyen terme ne sera pas défini avant plusieurs mois.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les amendements m’interpellent : le court, le moyen et le long termes sont des critères de nature temporelle. Les maladies graves progressent : une fois le diagnostic posé, elles avancent, donc l’expression « phase avancée » pourrait concerner les premiers stades d’une maladie diagnostiquée. L’adoption de ces amendements sèmerait de la confusion pour les soignants, car toute pathologie évolutive pourrait entrer dans le champ de la loi : nous pénétrerions là sur un terrain dangereux.
Mme Elsa Faucillon (GDR - NUPES). Ce n’est pas parce qu’une maladie progresse qu’elle se situe à un stade avancé. Il ne faut pas oublier que la condition définie à l’alinéa 4 n’est que l’une des cinq posées par l’article 6 : ces conditions sont cumulatives, en remplir une seule ne suffit pas. Il convient de déterminer s’il est possible d’alléger les douleurs aiguës dont une personne malade peut souffrir. Tous les éléments entrent dans la décision collégiale. L’accès à l’aide à mourir ne concernera que les personnes atteintes d’une maladie incurable dont la progression a atteint une phase avancée ou terminale, indépendamment du moment où a été posé le diagnostic, car certaines personnes attendent très longtemps avant de consulter, même si elles souffrent énormément. Une fois ces conditions remplies, encore faudra-t-il que le patient demande à bénéficier du dispositif : si tel est le cas, les médecins disposeront de nombreux éléments pour prendre une décision.
M. Jean-François Rousset (RE). Le texte concerne des situations très particulières dans lesquelles un malade dépourvu de solution demande qu’on l’aide à mourir. Pour que la loi soit applicable, il faut qu’elle soit claire et compréhensible pour que les médecins puissent s’y retrouver. Personne ne peut définir ce qu’est le moyen terme, sauf à s’appuyer sur des études statistiques, qui, intégrant de larges échantillons, peuvent évaluer l’espérance de vie du patient selon son état clinique ; néanmoins, une telle approche n’a qu’un intérêt statistique et non médical.
Les médecins prendront leur décision d’aider un patient à mourir sur le fondement d’un faisceau d’arguments, notamment l’histoire récente du malade, l’examen clinique et les paramètres biologiques. À l’issue de cette réflexion, les praticiens détermineront si le patient est en phase terminale ou avancée – vous pouvez choisir les mots qui vous conviennent ; ils pourront agir si la mort naturelle est proche pour un patient dont la fin de vie est intolérable : c’est là qu’une loi facilement applicable doit intervenir. Dans ce cadre, la notion de terme n’a que peu d’intérêt et n’offre aucune protection au médecin attrait devant un tribunal, car les experts reprendront sa démarche et évalueront les éléments qui ont motivé sa décision.
M. Yannick Neuder (LR). Supprimer le pronostic vital des critères ouvrant droit à l’aide à mourir serait très grave. Ne confondons pas celui-ci avec la phase de la maladie, laquelle peut être avancée sans que le pronostic vital soit engagé ; des maladies avancées sont curables, comme la pathologie dont je souffre, l’insuffisance cardiaque, qui n’entre pas en phase terminale en cas de greffe. Il faut faire preuve de beaucoup de prudence dans le choix des termes et conserver la notion de « pronostic vital à court ou moyen terme ». Il convient également d’avoir l’honnêteté de ne pas confier à la HAS le soin de définir ce critère.
M. Christophe Marion (RE). Je ne suis pas médecin, mais j’entends bien que les mots « à court ou moyen terme » posent une condition de nature temporelle. On voit ce qu’est le court terme et la HAS pourrait préciser ce que recouvre le moyen terme. Après avoir échangé avec des professionnels qui prodiguent des soins palliatifs et qui s’occupent de la fin de vie, il me semble qu’on ne peut pas dire à une personne âgée de 45 ans à qui on diagnostique un cancer au pancréas – maladie pour laquelle l’espérance de vie est de cinq ans – et qui pense que son pronostic vital est engagé à court terme, qu’il a tort. La dimension temporelle n’est pas audible dans un tel cas.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je défends le projet de loi et souhaite que, une fois adopté, ses dispositions soient effectives, c’est-à-dire qu’une personne qui demande une aide à mourir la reçoive. Les soignants pourront-ils suivre les patients dans leur démarche ? J’ai rappelé quelques personnes auditionnées pour connaître leur position sur la notion de court ou moyen terme : elles souhaitent la conserver depuis qu’elles savent que ce sera à la HAS de l’expliciter et elles estiment que les termes « phase avancée ou terminale » sont plus flous.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Pour la première fois de la semaine, je me permets d’intervenir sur le fond du sujet dont nous débattons.
Le projet de loi repose sur un équilibre et une priorité, celle du choix du patient. Néanmoins, cette liberté s’inscrit dans un cadre dans lequel les professionnels de santé accompagnent le malade tout au long du processus. Seul un médecin peut déterminer si le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Le texte fixe des critères, qui assurent l’équilibre du dispositif. La suppression de la notion de court ou moyen terme modifierait en profondeur la nature du projet de loi et romprait son équilibre, car elle autoriserait des personnes dont le pronostic vital est engagé à long terme et qui endurent des souffrances physiques réfractaires à solliciter une aide à mourir.
M. le rapporteur général. La notion de court ou moyen terme n’apparaît nulle part dans le droit actuel. Lors de son audition, le président de la HAS a répondu, lorsqu’il lui a été demandé s’il estimait nécessaire d’inscrire un délai dans le projet de loi, qu’il n’y était pas favorable, estimant qu’il revenait aux professionnels de santé de l’apprécier au cas par cas. Il a ajouté que fixer un délai mènerait à des imprécisions, voire des contentieux. Il a évoqué très rapidement le moyen terme, simplement pour rappeler que sa définition n’existait pas dans le droit comparé à l’échelle internationale. Voilà ce qu’a déclaré le président de l’instance chargée de définir le moyen terme après la promulgation de la loi !
En revanche, la HAS a défini la notion de phase avancée ou terminale avec beaucoup de clarté : celle-ci ne sort donc pas de nulle part. La maladie doit être grave et incurable et sa progression doit avoir atteint une phase avancée ou terminale pour que le patient ait accès à l’aide à mourir : toutes ces conditions sont cumulatives. Un patient atteint d’une maladie grave et incurable ne guérira pas et son pronostic vital se trouve très sérieusement engagé. Le critère du caractère avancé ou terminal de la phase de la maladie renforce le dispositif. L’article 40 de la Constitution a pollué le débat, mais nous sommes parvenus à reprendre des amendements qui avaient été déclarés irrecevables dans un premier temps. Néanmoins, si ces amendements identiques avaient pour objet d’élargir autant qu’on le dit l’accès à l’aide à mourir, ils auraient été jugés irrecevables comme le mien l’a été.
Pour résumer, le président du CNOM et celui de la HAS ne considèrent pas – c’est le moins que l’on puisse dire – que le critère du moyen terme soit opportun ; dans ce contexte, le constat d’une maladie grave et incurable ayant atteint une phase avancée ou terminale et associée à des souffrances insupportables et réfractaires, me semble suffisant pour encadrer l’accès à l’aide à mourir et aboutir à un texte équilibré.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. À la demande de M. René Pilato, je suspends la réunion cinq minutes.
La réunion est suspendue de seize heures cinq à seize heures dix.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je veux insister sur le caractère cumulatif des conditions posées par l’article 6 pour avoir accès à l’aide à mourir. Il ne faut pas oublier l’alinéa 5, qui dispose que les personnes concernées, en plus d’être atteintes d’une affection grave et incurable ayant atteint une phase avancée ou terminale, doivent endurer des souffrances insurmontables, difficiles à vivre, réfractaires aux traitements et insupportables lorsqu’elles ne reçoivent pas ou ont choisi d’arrêter de recevoir des traitements. Il faut intégrer cette dimension dans notre réflexion et notre décision.
Le consentement des patients est également nécessaire, ceux-ci devant être aptes, au titre de l’alinéa 6, à manifester leur volonté de façon libre et éclairée par l’expertise médicale.
Mme la ministre. Chacun a compris que les amendements visaient à modifier la rédaction de l’alinéa 4 en remplaçant l’engagement du pronostic vital à court ou moyen terme par la progression à une phase avancée ou terminale de la maladie. On retrouve en effet la notion de phase avancée ou terminale à l’article L. 1111-12 du code de la santé publique, lequel porte sur l’arrêt de l’administration des traitements et la sédation profonde, c’est-à-dire la phase d’agonie. Par conséquent, les amendements n’élargissent pas l’accès à l’aide à mourir, ils le restreignent ; leur adoption conduirait à un retour à la loi Claeys-Leonetti. Le rapporteur général a cité le président de la HAS, mais je pourrais m’appuyer sur les positions prises par Alain Claeys, le professeur Régis Aubry, le Conseil d’État ou l’Académie nationale de médecine : ces personnes et ces institutions reconnaissent la difficulté de définir la notion de moyen terme, mais elles précisent que celle-ci concerne une période comprise entre six et douze mois et englobe donc des pathologies qui n’entrent pas dans le champ de l’article L. 1111-12. Enfin, si les critères sont bien cumulatifs, l’appréciation finale relève du médecin après examen du patient.
Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à l’adoption de ces deux amendements identiques.
La commission adopte les amendements CS659 et CS1558.
En conséquence, l’amendement CS374 tombe, de même que les amendements CS725 de M. Charles de Courson, CS29 de M. Thibault Bazin, CS133 de Mme Marie‑France Lorho, CS191 de M. Philippe Juvin, CS295 de M. Fabien Di Filippo, CS375 de M. Patrick Hetzel, CS552 de Mme Annie Genevard, CS595 de Mme Justine Gruet, CS630 de Mme Christine Loir, CS972 de Mme Véronique Besse, CS1966 de M. Olivier Falorni CS1967 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, CS1345 de Mme Julie Laernoes, le sous‑amendement CS1991 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements CS45 de Mme Emmanuelle Ménard, CS858 de M. Julien Odoul, CS1640 de Mme Annie Vidal, CS783 de M. Paul‑André Colombani et CS1765 de M. François Gernigon.
Amendement CS132 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). L’affection grave et incurable dont souffre la personne qui a demandé le suicide assisté ne peut être d’ordre psychologique. Si tel était le cas, de trop nombreuses affections psychiques seraient éligibles à cette demande puisque certaines d’entre elles, comme la dépression chronique ou l’anorexie, sont incurables. Je rappelle l’exemple de Shanti de Corte en Belgique, une jeune femme qui a souhaité avoir recours à l’euthanasie car elle jugeait sa souffrance psychologique insupportable. Faut-il pour autant renoncer à soigner les personnes qui souffrent psychologiquement au prétexte que la guérison ne peut être pleine et entière ?
Cet amendement propose de circonscrire les demandes de suicide assisté ou d’euthanasie aux seules affections physiques incurables. Institutionnaliser le suicide assisté et l’euthanasie pour les maladies psychiques serait une défaite du corps médical.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS661 de M. Stéphane Delautrette
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Cet amendement vise à préciser que l’affection grave et incurable dont doit être atteinte la personne pour avoir accès à l’aide à mourir peut avoir des causes pathologiques, mais aussi accidentelles. Le cas de Vincent Lambert est à cet égard emblématique
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis favorable.
Mme la ministre. Cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Il est important de lever toute ambiguïté afin de garantir de l’accès à l’aide à mourir également aux personnes atteintes d’une affection grave et incurable d’origine accidentelle. Nous avons tous en tête des cas terribles de personnes qui, à la suite d’un accident, se trouvent dépourvues de leurs capacités
M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Mme la ministre nous dit que l’amendement est déjà satisfait, mais nous devons être certains que les causes accidentelles sont inscrites dans le projet de loi.
Le texte utilise alternativement les termes d’« affection » et de « maladie », qui sont souvent considérés comme des synonymes, mais la loi belge n’utilise aucun des deux puisque c’est l’expression de « situation médicale » qui a été retenue.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Je soutiens cet amendement, car le texte n’est pas explicite sur la possibilité de recourir à l’aide à mourir pour une personne dont la situation est d’origine accidentelle et car le terme « affection » rapproché des termes « phase avancée ou terminale » peut être interprété comme étant synonyme de maladie. La responsabilité du législateur est d’indiquer clairement ses intentions dans la loi. Ce n’est pas celle du juge.
Mme la ministre. L’amendement est satisfait car, à ce stade, rien dans le texte n’exclut la cause accidentelle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS728 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). Les longs débats que nous venons d’avoir sur l’amendement CS659 ont montré la difficulté, face à la diversité des situations, de définir les critères d’accès à l’aide à mourir. Pourquoi dès lors ne pas renvoyer le soin de le faire à la HAS ? Cela permettrait de donner plus de sécurité au médecin qui doit donner son avis – et qui doit le donner seul, puisque tous les amendements visant à instaurer la collégialité ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 – comme aux patients.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je suis surprise que vous, qui êtes un adepte de la clarté de la loi, proposiez de déléguer à une autorité extérieure la responsabilité d’expliciter la loi. C’est notre rôle de députés de le faire.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je ne partage pas totalement l’avis de Mme la rapporteure, car je pense qu’il est important que, sur des sujets comme celui-ci, nous travaillions avec les autorités.
La HAS est déjà saisie. Votre amendement est donc satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1676 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Le vote de l’amendement supprimant la mention du pronostic vital est très grave. D’ailleurs, madame la ministre, vous qui êtes l’auteur de ce projet de loi avez dit qu’après ce vote, il ne s’agissait plus du même texte. Je constate que tous les garde-fous sont en train de sauter dès l’examen en commission : celui du pronostic vital, qui était le seul critère de sécurisation, mais également celui de l’âge, menacé par un amendement écologiste, ou encore de la nationalité.
Je prends acte qu’il ne s’agit plus du même texte et vous comprendrez donc que notre comportement sera différent afin de restaurer, notamment lors des débats en séance, un minimum de garde‑fous.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Je précise que l’amendement auquel vous faites référence est plus restrictif que la rédaction initiale. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement doit être rejeté car il retire le droit de mourir dans la dignité à des personnes qui ne supportent pas le traitement lié à leur affection, soit que ce traitement provoque de l’inconfort, soit qu’il mette le patient dans une situation de dépendance qu’il juge incompatible avec sa dignité.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CS48 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.
Amendements identiques CS46 de Mme Emmanuelle Ménard, CS134 de Mme Marie‑France Lorho, CS296 de M. Fabien Di Filippo, CS376 de M. Patrick Hetzel, CS553 de Mme Annie Genevard et CS830 de Mme Lisette Pollet
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Il s’agit de supprimer la référence à la souffrance psychologique parmi les critères d’accès à l’aide à mourir. Une telle souffrance ne peut bien sûr être niée, mais elle est extrêmement difficile à évaluer par un tiers et son incurabilité ne peut être affirmée avec une certitude absolue. J’ajoute que les capacités de discernement et de prise de décision d’un patient atteint de souffrances psychologiques sont souvent altérées. Il n’est pas non plus rare qu’une personne âgée soit atteinte de troubles cognitifs qui compliquent encore davantage l’évaluation de la détresse dans laquelle elle se trouve.
Accepter que la souffrance psychologique soit un critère déterminant pour recevoir une injection létale présente un risque de dérive pour les personnes atteintes de dépression chronique ou d’autres maladies psychiques.
M. Philippe Juvin (LR). Je défends l’amendement CS296. La souffrance psychologique est en effet particulièrement difficile à évaluer. J’ajoute que, avec la suppression du critère du pronostic vital, toute maladie incurable pourrait ouvrir l’accès à l’aide à mourir. Or la schizophrénie, par exemple, est une maladie incurable, même si elle peut être traitée.
M. Patrick Hetzel (LR). La loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes punit l’incitation à l’abandon de traitements médicaux. Or le texte dont nous débattons permet à une personne atteinte d’une douleur insupportable, en l’occurrence parce qu’elle aurait abandonné son traitement médical, d’accéder à l’euthanasie. C’est totalement contradictoire !
Mme Annie Genevard (LR). Je voudrais redire notre sidération après le vote supprimant le verrou essentiel du pronostic vital engagé. Cette décision est lourde de conséquences et nous n’allons pas tarder à voir combien elle est dangereuse.
L’amendement propose de supprimer la condition de souffrance psychologique pour accéder à l’euthanasie et au suicide assisté car elle me semble entrer en contradiction avec celle de l’aptitude « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».
Nos débats m’ont rappelé une chanson de Barbara, « Le Mal de vivre », qui débute par l’expression d’une profonde dépression mais s’achève par un retour à la joie de vivre. Il ne faut jamais renoncer à l’espoir de voir une personne même gravement dépressive retrouver la joie de vivre. C’est le pari que je fais.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Ces amendements, s’ils étaient adoptés, conduiraient à exclure de nombreuses personnes du dispositif, puisque les souffrances psychologiques sont communes en fin de vie. Il est faux de dire que celles-ci sont plus difficiles à évaluer et qu’il existerait donc un risque. D’ailleurs, je rappelle que ces souffrances doivent être liées à l’affection en cause.
Monsieur Juvin, contrairement ce que vous avez dit, les malades schizophrènes ne pourront bénéficier de l’aide à mourir, puisque celle-ci n’est accessible qu’au patient apte « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». L’alinéa 2 de l’article 8 est explicite à ce sujet : « Les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. »
M. le rapporteur général. Certains propos, qui nous reprochent d’avoir commis l’irréparable, sont étonnants. Permettez-moi de vous lire l’exposé des motifs du Gouvernement – j’ai des bonnes références – à ce projet de loi : « Pour accéder à l’aide à mourir, la personne doit être atteinte d’une maladie grave et incurable. Cette condition s’inscrit dans la continuité de celles exigées pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès prévue par la loi Claeys‑Leonetti en 2016. » Or, par définition, une maladie grave et incurable engage le pronostic vital.
Mme la ministre. Je le redis : le Gouvernement était attaché à la notion de pronostic vital, car elle me semble être un élément de clarté.
Concernant les amendements, j’insiste sur le fait que la souffrance psychologique doit être liée à l’affection en cause. Ainsi, une souffrance psychologique préexistante au diagnostic de la maladie ne serait pas suffisante pour avoir accès à l’aide à mourir. Nous restons donc dans la logique du texte. Par ailleurs, le médecin, avant de donner un avis à la demande d’aide à mourir, doit d’abord proposer à la personne de bénéficier de soins palliatifs, qui comprennent un soutien psychologique.
Avis défavorable.
M. Yannick Neuder (LR). Quel que soit notre avis sur ce texte, en fonction de nos couleurs politiques, sa force était dans son équilibre, mais, en touchant au critère fondamental du pronostic vital, nous avons ouvert une boîte de Pandore.
Il faut prendre garde à ne pas mélanger les termes. La souffrance psychologique et la dépression sont qualifiées en médecine de troubles de l’humeur. Ceux-ci connaissent différentes phases. Le médecin ne pourra donc donner un retour identique à la même personne souffrant d’un trouble de l’humeur selon qu’elle en phase on ou en phase off. La notion de pronostic vital est donc fondamentale. Nous devons être très prudents.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement supprimant la condition du pronostic vital pour la remplacer par la phase avancée ou terminale de l’affection me laisse très interrogatif car l’expression « phase avancée » est subjective alors que, en tant que législateur, nous nous devons d’être précis.
Monsieur le rapporteur général, je me permets de vous demander si vous estimez vous trouver à un âge avancé. Votre réponse ne pourra être que subjective.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Notre débat sur les critères de l’accès à l’aide à mourir doit reposer sur ce qui est écrit dans le texte. Or celui-ci précise que la souffrance psychologique en elle-même n’y donne pas accès : elle doit être liée à une affection réfractaire ou insupportable. Ces amendements ne sont donc pas les bienvenus.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La version initiale du texte obligeait le médecin à se livrer à un exercice du type « Mme Irma » pour déterminer si le pronostic vital était engagé à court ou moyen terme. L’amendement que nous avons voté lui demande de poser un diagnostic sur le caractère avancé de la maladie, ce qui est très différent.
Monsieur Neuder, vous avez traité la question des maladies psychiques et psychiatriques avec beaucoup de légèreté. Elles ne sont pas des troubles de l’humeur, mais des maladies graves pouvant entraîner des souffrances. Les termes que vous avez utilisés sont indignes de votre profession.
La commission rejette les amendements.
La réunion est suspendue de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures.
Amendements CS2025 de Mme Agnès Firmin-Le Bodo
Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. À la suite de nos discussions pendant la suspension, je viens de déposer un amendement proposant – en accord avec l’avis du Conseil d’État qui estime que c’est la souffrance physique qui doit d’abord être prise en compte – de rédiger l’alinéa 5 de la façon suivante : « Présenter une souffrance physique accompagnée d’une souffrance psychologique liée à cette affection ».
La rédaction initiale de l’alinéa 5 mentionne les souffrances psychologiques afin que la loi ne soit pas moins-disante par rapport à la loi Claeys-Leonetti, qui mentionnait déjà la souffrance psychologique. Le mot « ou » avait été introduit pour signaler que la souffrance physique est prioritaire.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis favorable.
M. le rapporteur général. Cet amendement très judicieux apporte une précision utile. Avis favorable également.
Mme la ministre. Il faut préciser que la souffrance physique peut « éventuellement » s’accompagner d’une souffrance psychologique, car il ne doit pas être nécessaire d’éprouver une souffrance psychologique pour accéder au dispositif.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je viens en effet d’ajouter le mot « éventuellement » après le mot « accompagnée ».
M. Nicolas Turquois (Dem). Si c’est la seule souffrance physique qui donne accès à l’aide à mourir, je ne vois pas l’intérêt de mentionner la souffrance psychologique. Pour ma part j’étais favorable à l’équilibre initial entre ces deux types de souffrance.
En outre, je regrette que, tout à l’heure, dans des propos à l’emporte-pièce, certains aient minoré l’importance de la souffrance psychologique ou psychique, alors qu’elle peut être extrêmement grave.
M. Christophe Bentz (RN). Nous ne sous-estimons pas les souffrances psychologiques.
Madame la présidente, votre amendement améliore le texte, mais n’oubliez pas que, si la loi Claeys-Leonetti faisait déjà référence à la souffrance psychologique, c’était selon une finalité très différente de la vôtre : il s’agissait de donner accès à un soin et non de provoquer la mort.
M. Yannick Neuder (LR). Chers collègues, si je vous ai heurtés, je le regrette. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux précise que, en l’absence de traitement, certains troubles mentaux tels que les troubles de l’humeur, les troubles bipolaires ou les psychoses maniaco-dépressives affectent le discernement. Les patients maniaco-dépressifs peuvent ainsi mener une vie équilibrée et même occuper des postes importants s’ils prennent leur traitement – le lithium –, mais, du jour même où ils l’arrêtent, leur discernement est altéré.
N’en restons donc pas à des discussions philosophiques et garantissons qu’un patient qui serait examiné au cours d’une phase maniaque ou dépressive ne puisse pas accéder à l’aide à mourir, malgré la présence d’une maladie chronique en phase avancée. La vigilance s’impose car la décision d’accéder ou non aux demandes en la matière ne sera pas collégiale et que nous ne connaissons pas encore les modalités de l’examen médical du demandeur.
Mme Annie Genevard (LR). Pour reprendre une expression quelque peu triviale, « c’est moins grave que si c’était pire ». L’amendement CS2025 lèvera une partie des difficultés, en restreignant l’accès au dispositif aux cas de souffrance physique, la souffrance psychique n’ayant qu’une valeur secondaire.
Nous restons toutefois foncièrement hostiles au projet de donner accès à l’euthanasie ou au suicide assisté à un patient souffrant de douleurs physiques, qu’elles soient accompagnées ou non de douleurs psychologiques.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Monsieur Neuder, les personnes qui souffrent d’une maladie psychiatrique sont exclues du champ de ce projet de loi. C’est d’ailleurs un problème : pourquoi une personne schizophrène n’aurait-elle pas accès à l’aide à mourir si elle souffre d’un cancer en phase terminale ? En outre, les troubles de l’humeur ne sont que les symptômes d’une maladie psychiatrique sous-jacente, non une maladie en soi.
Madame la présidente, aux termes de votre amendement, seules les personnes qui souffrent physiquement pourront bénéficier du dispositif. Y incluez-vous celles qui échappent à la souffrance physique uniquement grâce à des antalgiques, la morphine, par exemple ? L’aide à mourir ne peut être réservée à ceux qui souffrent au moment exact où ils demandent à bénéficier du dispositif. Faute d’une telle précision, je ne suis pas d’accord avec votre proposition.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mon amendement vise simplement à clarifier le sens du premier « ou » de l’alinéa 5, sans modifier le reste du texte.
M. Jean-François Rousset (RE). Il faut savoir que la douleur physique se mesure sur une échelle allant de un à dix, et qu’elle peut engendrer des douleurs psychiques, parfois encore plus difficiles à tolérer que la douleur physique elle-même. Selon que la douleur dure depuis trois jours ou depuis huit mois, elle n’a pas le même effet psychologique.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement de Mme la présidente va dans le bon sens, car il lève une ambiguïté. J’ai d’ailleurs déposé un amendement similaire.
Mme Justine Gruet (LR). Notre désaccord porte sur le fond : alors que la loi Claeys-Leonetti visait les personnes qui vont mourir, votre projet de loi vise celles qui veulent mourir, au nom de la liberté de l’individu.
Selon moi, une tierce personne ne doit pas accéder à la demande de mourir d’une personne dont le pronostic vital n’est pas engagé. Vous proposez une rupture éthique.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Tout à l’heure, le débat était mal parti, chacun saucissonnant les phrases au lieu de s’intéresser à leur assemblage. Nous aurions dû faire comme les locuteurs de la langue des signes, qui traduisent les phrases non mot à mot, mais d’après leur signification d’ensemble.
J’ai déposé un amendement visant à subordonner l’accès à l’aide à mourir à une souffrance « physique et psychologique », mais je lui préfère finalement celui de Mme la présidente, qui est moins restrictif. En ajoutant à ce critère celui de la présence d’une maladie incurable, nous parviendrons à ouvrir le dispositif à la majorité des personnes qui pourraient en avoir besoin.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Souhaitons-nous accorder l’aide à mourir à des personnes souffrant d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, mais dont les souffrances sont uniquement psychologiques ?
L’amendement de Mme la présidente tend à instaurer une hiérarchie des souffrances, celles d’ordre physique étant supposément plus importantes que les souffrances psychologiques. De fait, si nous connaissons tous les premières, ce n’est pas forcément le cas des secondes.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Madame la présidente, votre amendement tend à exclure les patients souffrant de douleurs d’ordre strictement psychologique, y compris quand elles sont insupportables ou réfractaires à tout traitement. Vous instaurez ainsi une échelle de la douleur inacceptable.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Madame Pires Beaune, c’est déjà ce que prévoit la version actuelle du projet de loi, dont mon amendement vise simplement à clarifier la rédaction. J’explique depuis des semaines que le premier « ou » de l’alinéa 5 a valeur de « et », aux termes de la jurisprudence.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Plusieurs propositions de loi sur l’aide à mourir, fruits de nombreuses années de travail au sein des groupes d’études, ont déjà été déposées – dont une par vous, madame la présidente. Toutes visent à inclure dans le dispositif les cas de douleur physique « ou » psychologique.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Dans l’usage courant, par exemple dans l’expression « fromage ou dessert », le « ou » a une valeur exclusive, car une possibilité exclut l’autre. C’est le contraire dans le domaine mathématique, où le « ou » a une valeur inclusive, qu’on traduit parfois par l’expression « et/ou ». Lu ainsi, le « ou » de la version initiale du texte ouvrirait l’accès à l’aide à mourir tant aux patients affectés uniquement d’un type de souffrance, qu’à ceux affectés des deux types à la fois.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Je ne cherche pas à minimiser les souffrances psychologiques. Je reprends simplement le propos d’une experte, Anne Bazan, professeure de psychologie clinique et de psychopathologie à l’université de Lorraine. Elle s’oppose à l’euthanasie pour souffrance psychique, au motif que le corps médical n’est pas en mesure de mesurer ce type de souffrances, donc de déterminer si elles sont effectivement insupportables. Or le patient ne doit pas pouvoir déterminer seul si ce critère est rempli.
Mme la ministre. Madame Gruet, vous opposez la loi Claeys-Leonetti, qui s’adresserait aux personnes « qui vont mourir », au présent texte, qui serait destiné aux personnes « qui veulent mourir ». L’amendement que vous venez d’adopter à l’alinéa 4 vous contredit : ce projet de loi reprend désormais exactement la formule inscrite à l’article L. 1111-14 du code de la santé publique, issu de la loi Claeys-Leonetti. Il est ainsi destiné aux personnes atteintes d’« une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale » et qui mourront donc dans un futur extrêmement proche.
Je suis favorable à l’amendement de Mme la présidente. Le Gouvernement veut réserver l’aide à mourir aux patients dont la souffrance physique génère une souffrance psychologique à l’approche de la mort. C’est bien ce que prévoit l’article 6, de manière encore plus nette depuis que nous avons amendé son quatrième alinéa.
Le Conseil d’État, au point 24 de son avis sur le présent projet de loi, interprétait déjà le texte ainsi : « S’agissant de la condition tenant aux souffrances physiques ou psychologiques subies par la personne qui demande l’aide à mourir, le Conseil d’État relève que le projet de loi prévoit que les souffrances doivent être liées à l’affection qui engage le pronostic vital, ce qui constitue une garantie dans le cas de personnes susceptibles d’être atteintes, par ailleurs, de maladies psychiatriques altérant ou abolissant, le cas échéant, leur discernement. »
M. le rapporteur général. Madame Gruet, ce projet de loi s’adresse uniquement aux personnes qui veulent mourir parce qu’elles vont mourir à court terme, à cause d’« une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». La manière dont vous l’opposez à la loi Claeys-Leonetti n’est donc pas exacte.
La commission adopte l’amendement CS2025.
En conséquence, les amendements CS1790 de M. François Gernigon ainsi que les amendements identiques CS710 de Mme Justine Gruet, CS729 de M. Charles de Courson, CS1440 de Mme Delphine Lingemann et CS1740 de M. Philippe Vigier tombent.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1542 de M. Thomas Ménagé.
Amendements CS377 de M. Patrick Hetzel et CS1809 de M. Christophe Bentz, amendements identiques CS297 de M. Fabien Di Filippo et CS1104 de M. Cyrille Isaac‑Sibille, amendements CS47 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1789 de M. François Gernigon (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Le critère retenu dans votre texte pour accéder à l’aide à mourir, celui d’une douleur physique « soit réfractaire aux traitements soit insupportable », est plus permissif que celui inscrit dans le droit belge. Il faudrait plutôt restreindre le champ aux seuls cas de souffrance à la fois réfractaire aux traitements « et » insupportable.
M. Christophe Bentz (RN). Il convient de préciser que les douleurs concernées sont « complètement » réfractaires aux traitements.
M. Philippe Juvin (LR). Le texte prévoit d’accorder l’aide à mourir à la personne souffrant d’une douleur qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements ». Par l’amendement CS297, il nous paraît plus logique de réserver cette aide aux seuls cas de douleur « complètement réfractaire aux traitements ».
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je considère également qu’il faut réserver l’aide aux cas de souffrance « complètement réfractaire aux traitements ».
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Mon amendement vise à exclure du texte le mot « insupportable », trop subjectif.
M. François Gernigon (HOR). Il faudrait réserver l’aide à mourir aux cas de souffrance « soit insupportable et réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements », étant entendu qu’une douleur n’est insupportable que quand elle atteint au moins huit sur dix sur l’échelle de la douleur reconnue par la HAS.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
Mme la ministre. Avis défavorable également. Les termes de l’alternative inscrite à cet alinéa sont importants.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je pourrais être favorable à l’amendement de M. Gernigon mais je suis profondément défavorable aux autres, pour deux raisons.
Premièrement, le projet d’interdire l’aide à mourir aux patients qui ont choisi d’arrêter leur traitement est contraire à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner ». Vous ne pouvez priver ainsi les patients de leur droit à arrêter leur traitement quand ils le décident.
Deuxièmement, selon moi, la souffrance devrait être le premier critère de l’accès à l’aide à mourir.
Mme Justine Gruet (LR). C’est vrai, monsieur le rapporteur général, tant que nous maintiendrons les garde-fous de ce projet de loi, il ne concernera que les personnes qui vont bientôt mourir.
Le paradigme va changer, en matière de liberté individuelle. Les individus disposeront plus librement de leur corps et de leur vie et j’en crains les conséquences. Les garde-fous pourraient tomber et ce texte pourrait permettre à des individus qui ne sont nullement condamnés à mourir bientôt mais le souhaitent d’accéder à l’aide à mourir.
Je m’interroge encore : une tierce personne doit-elle accéder à la demande de mourir d’un patient dont le pronostic vital n’est pas engagé ?
Mme Annie Genevard (LR). Nous ne contestons pas le droit du patient d’arrêter un traitement, consacré par la loi dite « Kouchner ». En revanche, nous contestons avec ces amendements, qu’un tel choix du patient, s’il débouchait sur des douleurs insupportables, puisse lui donner accès au suicide assisté ou à l’euthanasie.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le débat est surréaliste. Vous rendez-vous compte ? Vous avez balayé d’une main l’idée qu’une souffrance d’ordre strictement psychologique puisse être suffisamment intolérable. Vous demandez désormais de réserver l’aide à mourir à ceux qui subissent les douleurs physiques les plus insupportables, au point que l’on se demande qui arrivera à bénéficier de cette aide. Je ne comprends plus ce débat.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage les propos de Mme Rilhac. Quant à l’amendement de M. Gernigon, je ne suis pas certain de la place qu’il accorde à l’adjectif « insupportable ».
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Après avoir exclu de l’aide à mourir les personnes dont les douleurs sont d’ordre strictement psychologique, vous prétendez exclure celles qui ont cessé de prendre un traitement contre leurs douleurs physiques et réserver le dispositif à ceux qui endurent des souffrances insupportables malgré leur traitement. C’est vider la loi de sa substance.
Outre que ces amendements tendent à modifier la loi en profondeur pour ôter toute liberté au patient, qui sera en mesure de juger ce qui est réellement insupportable ?
M. Benoit Mournet (RE). L’accès aux soins devrait être réservé aux personnes présentant à la fois une souffrance réfractaire aux traitements « et » insupportable. Les deux conditions doivent être remplies, sinon ce dispositif conduira à contourner les soins palliatifs, alors que le recours à l’euthanasie ne doit être qu’une exception, dans l’esprit du texte.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Quand un patient considère qu’un traitement curatif constitue une obstination déraisonnable et décide de l’arrêter, il poursuit en général le traitement antidouleur, mais celui-ci, hélas, empêche rarement la douleur de perdurer.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Madame K/Bidi, l’amendement CS2025, que nous venons d’adopter, est d’ordre rédactionnel. Il ne change rien au dispositif initial.
M. Hervé de Lépinau (RN). L’aide à mourir devrait être réservée aux patients dont le traitement a atteint ses limites et dont la douleur est intolérable. Or certains souhaitent décorréler droit à mourir et traitement de la maladie. Ils demandent en outre à ouvrir le dispositif à ceux qui considèrent simplement que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue, à cause d’un trouble psychologique. Ce sont autant de lignes rouges que nous sommes nombreux à refuser de franchir.
Mme Anne Bergantz (Dem). La question est celle de l’acharnement thérapeutique et de l’obstination déraisonnable. Lors des auditions, des médecins ont par exemple présenté le cas de patients qui refusent de poursuivre leur traitement après la troisième ou la quatrième chimiothérapie, parce qu’il leur est devenu insupportable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS662 de Mme Christine Pires Beaune et CS1326 de M. Christophe Marion (discussion commune)
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Le caractère insupportable de la douleur doit être apprécié par le malade et non par le médecin. De fait, comme l’a rappelé le professeur Delfraissy lors des auditions, c’est au patient et non au médecin que la maladie appartient.
La perception par un patient de sa propre capacité à supporter la douleur doit donc être reconnue par notre assemblée. Je rappelle que deux patients affectés de la même maladie peuvent éprouver des niveaux de douleur très différents.
M. Christophe Marion (RE). Mon amendement vise à préciser que le caractère insupportable de la souffrance est apprécié par le patient lui-même. S’il est établi, notamment par la HAS, qu’une douleur est qualifiée de réfractaire lorsqu’aucun traitement antalgique n’est efficace ou utilisable, il est plus difficile de définir le caractère insupportable de la souffrance. Celle-ci étant personnelle et subjective, le fait qu’elle puisse ou non être supportée peut varier d’un patient à l’autre et ne peut être correctement appréhendé par les professionnels de santé. Cet amendement est dans la ligne du projet de loi, qui se veut à l’écoute du patient.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Bien que la souffrance soit un sentiment subjectif, elle peut être jugée objectivement au vu des symptômes et au moyen d’une évaluation du corps médical. Il est toutefois essentiel, évidemment, de prendre en compte l’appréciation de la personne malade. La souffrance constatée doit être le résultat d’une appréciation partagée reposant à la fois sur la vision subjective du patient et sur l’analyse du corps médical. Ce dernier dispose d’outils pour situer la souffrance sur des échelles objectives. La notion de souffrance réfractaire aux traitements énoncée à l’alinéa 5 entre dans ce cadre.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
L’appréciation de la souffrance sera le fruit d’un échange entre le médecin et le patient, qui n’est pas seul juge. La souffrance se manifeste par des symptômes et des manifestations dont il peut être fait état subjectivement. Le médecin est habitué à l’évaluer, en s’appuyant au besoin sur des outils comme des échelles quantitatives et des grilles d’observation.
M. Julien Odoul (RN). Le traitement de la douleur s’inscrit dans un échange permanent entre le patient et son médecin. Le patient exprime l’intensité de la douleur ressentie, le médecin apporte un conseil avisé. En outre, le jugement du patient évolue régulièrement, en fonction du traitement, de sa pathologie et d’autres paramètres comme la visite d’un proche, une bonne nouvelle, tout ce qui peut procurer de la joie dans le quotidien. L’appréciation du patient doit être en permanence accompagnée de l’avis objectif des soignants qui le prennent en charge.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous voterons contre ces amendements, comme nous serions opposés à ce que le médecin apprécie seul la douleur. L’évaluation doit être faite par le professionnel de santé avec le patient, selon des protocoles qui tiennent compte du degré d’autonomie et de la capacité de participation de ce dernier. Se limiter à l’appréciation du patient reviendrait à faire fi des protocoles et serait trop restrictif puisqu’il est des hypothèses où le malade ne peut s’exprimer.
M. Patrick Hetzel (LR). Cette disposition entraînerait une dérive très dangereuse, alors que l’on a déjà supprimé la référence au pronostic vital. Si chacun s’accorde à reconnaître que la douleur comporte une dimension subjective, on ne peut pas simplement enjoindre au médecin d’être l’exécutant d’un suicide assisté en faisant fi de son expertise, qui lui permet d’essayer d’objectiver les choses. Notre rôle, en tant que législateur, est de trouver un équilibre.
Mme Annie Genevard (LR). Valeria Martinez, présidente de la Société française d’étude et de traitement de la douleur, a plaidé, lors de son audition, pour un dépistage précoce de la douleur et pour que la prise en charge de la douleur devienne une spécialité médicale. Elle affirme qu’il n’y a quasiment pas de douleurs réfractaires au traitement, l’une des exceptions étant l’algie de la face. Notre pays ne prend pas suffisamment en compte la douleur, qui est la première crainte d’un malade atteint d’une maladie grave et incurable. Si l’on arrive à traiter la douleur, le désir de mort, souvent, s’efface.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La douleur est qualifiée de réfractaire lorsque l’ensemble des traitements antalgiques disponibles sont inefficaces ou inutilisables. Elle constitue un symptôme très fréquent en fin de vie, souvent source d’angoisse. En 1999 puis en 2002, la loi a reconnu le droit du patient d’être soulagé de toute douleur et affirmé que le médecin a le devoir de tout mettre en œuvre pour ce faire. Depuis, rien.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement de Mme Pires Beaune vise simplement à ce que la première personne à exprimer le fait de la douleur soit le patient – qui mieux que lui est en mesure d’en parler ? Il n’exclut rien de la procédure prévue par les articles suivants. Mme la ministre n’a cessé de rappeler que ce qui comptait, c’était le libre choix et l’expression du patient : c’est ce que cet amendement se borne à dire.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Alors qu’auparavant, l’aspect curatif des soins était toujours privilégié, les soignants sont formés depuis une quinzaine d’années à traiter d’abord la douleur. C’est une évolution vraiment importante.
M. Jean-François Rousset (RE). Il existe un diplôme en algologie, qui s’obtient généralement en un an et est souvent couplé avec une formation en soins palliatifs.
Mme la ministre. La loi Claeys-Leonetti envisage bien les deux notions de souffrances réfractaires ou insupportables. Elle prévoit le cas dans lequel « le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements », et celui dans lequel « la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ». Alors que l’appréciation du caractère réfractaire de la douleur résulte d’un diagnostic médical, l’expression de son caractère insupportable ne peut relever que du patient, avec le concours du médecin, qui l’aide à le verbaliser.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS579 de Mme Christine Loir, CS518 de M. Nicolas Ray, CS323 de Mme Cécile Rilhac et CS784 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
Mme Justine Gruet (LR). L’amendement CS518 est défendu.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS784 vise à préciser le critère de la souffrance insupportable en l’absence de traitement. En prévoyant le cas d’une souffrance insupportable « lorsque la personne ne reçoit pas » de traitement, l’alinéa 5 entretient un certain flou quant à la raison pour laquelle le patient ne recevrait pas ces soins. Il ne faudrait pas donner l’impression que cette souffrance est insupportable parce que le patient n’a pas accès à un traitement, pour une raison ou pour une autre.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le groupe La France insoumise votera en faveur de l’amendement CS784 car il prend en compte le cas de la limitation du traitement et couvre ainsi l’ensemble des hypothèses justifiant l’application de la loi.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement CS1929 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.
Amendement CS192 de M. Philippe Juvin
Mme Annie Genevard (LR). Nous proposons de rédiger l’alinéa 6 comme suit : « Manifester sa volonté de façon libre et éclairée au moment de l’administration de la substance létale. » En effet, la rédaction actuelle – « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » – est imprécise et n’implique pas nécessairement que la personne manifeste sa volonté. Il faut réaffirmer que cette dernière doit le faire à nouveau au moment de l’injection de la substance létale, alors que nous avons adopté, à l’article 4, un amendement de Frédérique Meunier qui envisage le cas où elle ne pourrait plus réitérer sa volonté.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Les dispositions du texte garantissent le bon déroulement de la procédure et le respect de la volonté de la personne.
Mme la ministre. Même avis. L’article 11 dispose, en son alinéa 2, que le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que celle-ci confirme qu’elle veut procéder à l’administration de la substance létale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS193 de M. Philippe Juvin
Mme Annie Genevard (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS193.
Amendement CS43 de Mme Emmanuelle Ménard
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Je rejoins Mme Genevard : les termes « apte à » manquent de précision. Je propose de leur substituer les mots « en capacité de ». L’aptitude est une situation de fait, tandis que la capacité revêt une acception juridique. Il me semble préférable de recourir à une notion juridique lorsqu’on rédige la loi.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable car votre amendement me paraît satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
La capacité juridique à laquelle vous faites allusion est habituellement utilisée par la législation sur les majeurs protégés, lesquels entrent dans le champ d’application du projet de loi. Mais on ne peut pas exclure par principe qu’une personne bénéficiant d’une mesure de protection puisse exprimer sa volonté de façon libre et éclairée pour demander une aide à mourir. Le Conseil d’État, afin de souligner l’indépendance des dispositions du projet de loi vis-à-vis de la législation civile sur les majeurs protégés, a proposé de modifier le texte afin de prévoir que le médecin contrôle l’aptitude de la personne, et non pas sa capacité, à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1276 de Mme Bérangère Couillard
M. Joël Giraud (RE). Afin de s’assurer que les personnes qui ont perdu leur capacité de parole ou de communication seront éligibles à l’aide à mourir, l’amendement prévoit que la formulation de la demande pourra se faire « sous quelque forme et de quelque manière que ce soit ».
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Dans l’hypothèse où un malade aurait perdu l’usage de la parole, il est évident que le médecin pourra trouver une voie alternative de communication adaptée. Toutefois, votre amendement semble également viser les personnes qui ne sont plus en état de communiquer de quelque manière que ce soit. Cela va à l’encontre de l’esprit du projet de loi qui, je le rappelle, a opté pour l’expression itérative de la volonté libre et éclairée.
Avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1678 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement a pour objet de préciser que le patient doit être apte à manifester sa volonté de manière non seulement libre et éclairée, mais également non équivoque. Le terme « libre » renvoie au choix et le mot « éclairée » à la conscience de ce choix, mais celui-ci ne doit pas être interprété de manière erronée.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable. Compte tenu des garde-fous institués par le projet de loi, la précision que vous proposez est inutile.
Mme la ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. Julien Odoul (RN). Cet amendement est très important. Une personne en fin de vie peut être entourée de beaucoup d’amour, de bienveillance et d’altruisme. Mais si les familles peuvent apporter le meilleur, le pire peut aussi se produire : les pressions, l’usurpation, l’abus de faiblesse. Cela existe, on le sait, et il faut absolument prévenir ces dérives.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS382 de M. Patrick Hetzel, CS475 de M. Yannick Neuder et CS815 de M. Charles de Courson et amendement CS327 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Mon amendement vise à protéger nos concitoyens les plus vulnérables. Je rappelle que, depuis quelques années, on compte plus de 500 condamnations par an pour abus de faiblesse. Je propose donc de compléter l’alinéa 6 par les mots « sans pression extérieure susceptible d’être poursuivie au titre de » l’article du code pénal correspondant.
M. Yannick Neuder (LR). Un certain nombre de nos concitoyens peuvent se trouver sous emprise. L’abus de faiblesse n’est pas une vue de l’esprit : il donne lieu à 500 condamnations par an. Il convient donc d’être très prudent dans la formulation des critères.
M. Charles de Courson (LIOT). Il convient de conforter le caractère libre et éclairé de la volonté exprimée en introduisant une référence à l’article 223-15-2 du code pénal, qui réprime l’abus de faiblesse. Ceux qui auraient la tentation de pousser la personne à demander l’aide à mourir pourraient ainsi être sanctionnés pénalement.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement vise à protéger le patient qui demande à recevoir la substance létale en le prémunissant contre un abus de faiblesse, notamment de la part de son entourage.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
L’encadrement prévu permet d’assurer la protection de la personne qui demande l’aide à mourir, notamment par la vérification continue de sa volonté libre et éclairée. Vos amendements sont donc satisfaits. Ils ne feraient qu’alourdir la rédaction alors que nous avons besoin d’une grande clarté sur ce sujet.
Mme la ministre. Nous partageons votre préoccupation : c’est l’une des lignes directrices des critères d’éligibilité posés, qui sont cumulatifs. Le patient doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée non seulement au moment de la demande initiale d’aide à mourir, mais aussi lors des étapes ultérieures, jusqu’à l’administration de la substance létale. Une volonté libre et éclairée est une volonté sans pression extérieure.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (LR). Il incombe au législateur de fixer un cap précis pour rassurer et protéger les personnes les plus vulnérables contre d’éventuelles dérives, même si elles peuvent paraître improbables.
M. Hervé de Lépinau (RN). Dans le processus de la maladie, la souffrance physique et psychologique s’aggravant, le caractère libre et éclairé du discernement, de la volonté, s’atténue mécaniquement. La notion de volonté libre et éclairée sera au cœur des débats judiciaires à la moindre suspicion d’abus de faiblesse ou de détournement de patrimoine. Il serait utile aux malades en fin de vie de bénéficier de cette garantie supplémentaire.
M. Julien Odoul (RN). Ces amendements sont fondamentaux pour préserver l’indépendance du patient en fin de vie. Les pressions ne sont pas seulement motivées par des motifs crapuleux : lorsque je me suis rendu avec Christophe Bentz et Thomas Ménagé dans l’unité de soins palliatifs de Sens, le médecin coordinateur nous a expliqué que les familles pressaient parfois les choses parce que la déchéance de leur proche constitue une souffrance qui leur est insupportable.
Mme Annie Genevard (LR). Si vous souhaitez que la volonté soit libre et éclairée, il faut des procédures pour s’en assurer. Cela doit être inscrit dans la loi. J’avais proposé que le médecin soit chargé de vérifier que le patient n’est pas sous emprise. On pourrait aussi s’inspirer de la loi belge, qui exige que la volonté de la personne ne résulte pas d’une pression extérieure.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Ces amendements sont essentiels. Une étude montre que, dans l’Oregon, un peu moins de 50 % des patients ayant recours à l’euthanasie font ce choix pour ne pas être une charge pour leurs proches. Il faut avoir cet ordre de grandeur à l’esprit. Il ne faut pas négliger les pressions morales.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Nous sommes fermement opposés à ces amendements, dont les auteurs évoquent des crimes crapuleux et des pressions alors que nous parlons de personnes atteintes d’une maladie grave en fin de vie. Nous parlons de personnes condamnées qui veulent abréger leurs souffrances, vous dites que leurs proches voudraient les tuer pour des histoires d’héritage. C’est absolument choquant et indigne du débat que nous devons avoir. Si tel est le regard de la droite et de l’extrême droite sur les proches et les aidants des personnes en fin de vie, je peux admettre que nous n’ayons pas la même vision de la société.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Ayant exercé en tant qu’aide-soignante auprès de personnes en fin de vie, je dois vous dire que les familles nous demandent plus souvent de prolonger la vie de leur proche que de l’abréger. Et nous repérons très bien ce que nous appelons les familles toxiques. Dans le cadre collégial prévu par le texte, l’aide-soignant sera le premier à alerter sur le fait que la personne est entourée d’une telle famille. Je voterai contre ces amendements, qui sont satisfaits.
Mme Cécile Rilhac (RE). Madame Ménard, il ne faut pas oublier que, dans l’Oregon, on met à disposition une substance létale sans aucun accompagnement, alors que le projet de loi institue des garde-fous très solides. Dans les établissements, les soignants sont vigilants et ils accompagneront les malades. On ne peut pas comparer la procédure existant dans l’Oregon et le cadre législatif que nous entendons voter.
Mme la ministre. Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée. J’ai rencontré des professionnels de services de soins palliatifs ou de centres de lutte contre le cancer, je sais que certains proches peuvent exprimer leur lassitude face à une situation qui dure. Le dire n’est pas porter un jugement de valeur sur des familles qui traversent une épreuve très lourde – fort heureusement, la grande majorité d’entre elles n’ont que faire d’un quelconque héritage. Mais les précautions que nous prenons et surtout la traçabilité qui fonde la procédure permettent de se prémunir contre les cas qui pourraient se présenter : le patient sera interrogé à tous les stades de la procédure et sa réponse sera tracée, en s’assurant systématiquement qu’il est capable d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS379 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Dans certains pays, la demande de suicide assisté doit être formulée par écrit. C’est l’objet de cet amendement.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. La demande d’aide à mourir, telle qu’elle est conçue dans ce projet de loi, devra faire l’objet d’un échange entre le médecin et son patient, au cours d’une rencontre qui marquera le début d’un parcours encadré et accompagné. L’oralité y tient une place très importante. La traçabilité de l’ensemble des échanges sera assurée, puisque la demande sera conservée dans un système d’information – en cela, elle sera bien formalisée de façon écrite.
Votre amendement est donc satisfait.
Mme Annie Genevard (LR). À nos collègues qui s’émeuvent qu’on soulève ce type de situations, je rappelle qu’au cours des auditions, la présidente du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, Mme Mazière-Tauran, a expliqué que les pressions de l’entourage ne sont pas rares et font même l’objet de témoignages quotidiens de la part des soignants. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui invitent à la prudence. Il est ici question de personnes en situation de grande vulnérabilité, que nous avons le devoir de protéger contre toute exploitation de leur faiblesse. En quoi est-ce indigne ?
Mme Justine Gruet (LR). Le fait de formaliser la demande par écrit n’empêche nullement que la relation de confiance s’instaure entre le patient et son médecin. Lorsqu’un malade est admis dans un hôpital, il doit signer un certain nombre de documents, ce qui ne pose aucune difficulté. Il me paraît essentiel de conserver une trace écrite de la demande d’accès à l’aide à mourir, ne serait-ce qu’en vue des recours auxquels elle pourrait donner lieu, même s’il est par ailleurs prévu qu’une mention soit conservée dans le système d’information.
M. Julien Odoul (RN). Cet acte écrit constituerait une protection supplémentaire pour les patients et les soignants. L’écrit manifeste la maturation de la pensée et permet l’expression apaisée de la volonté alors qu’une demande orale peut varier, à cause d’une douleur aiguë ou d’une phase particulièrement difficile par exemple.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS44 de Mme Emmanuelle Ménard
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Il est essentiel de préciser que la personne doit être consciente de ce qu’elle fait « à chaque étape de la procédure » visant à injecter une dose létale de produit, pour s’assurer qu’elle ne change pas d’avis, y compris à la dernière minute. La rédaction actuelle de l’alinéa 6, imprécise, rend possibles certains abus.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Votre amendement est satisfait : il est prévu que la volonté du patient soit réitérée tout au long de la procédure d’aide à mourir, jusqu’à l’administration de la substance létale.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Il est effectivement précisé, dans chacun des articles décrivant la procédure, que le patient doit être en mesure d’exprimer sa volonté, laquelle sera consignée par écrit à chaque étape dans le système d’information.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1644 de Mme Annie Vidal, CS1762 de M. Christophe Bentz, CS825 de M. Charles de Courson, CS611 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1579 de Mme Danielle Simonnet et CS474 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement vise à faire de la capacité du patient à exprimer sa volonté de manière libre et éclairée un prérequis absolu pour accéder à l’aide à mourir, afin d’éviter toute ambiguïté ou influence extérieure dans la prise de décision. L’expérience montre que les directives anticipées et les témoignages des proches ont des limites et ne doivent pas remplacer l’expression directe du patient. Je préconise donc de faire preuve de vigilance, en excluant explicitement de l’aide à mourir les patients incapables d’exprimer leur volonté.
M. Christophe Bentz (RN). Au-delà de mon opposition à l’euthanasie et au suicide assisté, j’estime qu’il ne faut pas les inclure dans les directives anticipées pour une raison simple : dans la plupart des cas, ces directives sont rédigées par des personnes en bonne santé, dont la vision des choses peut changer si elles apprennent que leur pronostic vital est engagé. Il faut donc s’assurer que leur choix, libre et éclairé, reste le même.
M. Charles de Courson (LIOT). Le 5° de l’article 6 réserve l’aide à mourir aux personnes capables de manifester leur volonté de façon libre et éclairée au moment de l’acte. Cette volonté ne peut donc être exprimée dans les directives anticipées, qui peuvent avoir été rédigées plusieurs années auparavant.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’expression libre et éclairée de la volonté du patient au moment de l’acte est une condition essentielle pour s’assurer qu’il assume son choix en toute conscience et pour le protéger de tout abus de faiblesse. Pardon de le rappeler, mais toutes les familles ne sont pas animées de bons sentiments : il est des familles toxiques, dysfonctionnelles, ou tout simplement épuisées.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Les auteurs des amendements précédents s’opposent à la prise en compte des directives anticipées pour accorder l’accès à l’aide à mourir. Je pense au contraire que les directives anticipées permettent au patient, avant que son discernement soit défaillant, de désigner une personne qui défendra sa volonté. Il est essentiel que nous appliquions à l’aide à mourir les mêmes préconisations que celles qui prévalent pour le laisser mourir prévu dans la loi Claeys-Leonetti.
Lorsque j’avais présenté un amendement similaire à l’article 5, Mme la ministre m’avait répondu que le patient devait réitérer sa volonté à chaque étape. C’est précisément le rôle de la personne de confiance : exprimer à chaque étape la volonté du patient, telle qu’il l’a formulée lorsqu’il était en pleine conscience. Il importe donc de prévoir, à l’article 6, la possibilité de manifester sa volonté par l’intermédiaire des directives anticipées ou de la personne de confiance.
M. Yannick Neuder (LR). Pour ma part, je retire mon amendement, d’abord parce que l’engagement du pronostic vital à court ou moyen terme ne fait plus partie des conditions d’accès à l’aide à mourir, ce que je regrette. Par ailleurs, mon objectif était d’éviter la judiciarisation observée en milieu hospitalier, quand les familles contestent les directives anticipées. Voyant comment mon amendement pourrait être interprété, je crains toutefois d’ouvrir une boîte de Pandore.
M. le rapporteur général. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
Mme la ministre. Partageant le souhait de Mme Vidal de protéger les personnes vulnérables, je suis tentée de donner un avis de sagesse à son amendement précisant que les directives anticipées ne peuvent pas suffire à exprimer la demande d’aide à mourir, car cet ajout me semble utile et concret. Comme l’a souligné M. Neuder, il s’agit d’éviter les contentieux qui naîtraient de directives anticipées rédigées dans des conditions peu claires.
La même logique prévaut dans l’amendement de M. de Courson, qui, dans son exposé sommaire, souligne que l’aide à mourir exige « une volonté libre et éclairée au moment de l’acte pour prévenir toutes dérives et tout abus de faiblesse » et rappelle que cinq cents condamnations sont prononcées chaque année pour abus de faiblesse. J’y suis néanmoins défavorable en raison de l’usage des termes « suicide assisté » et « euthanasie », ainsi qu’à tous les autres amendements.
M. Gilles Le Gendre (RE). L’intégration de l’aide à mourir dans les directives anticipées est un point très sensible, qui soulève de profondes interrogations. J’avais déposé des amendements entrouvrant la porte à cette possibilité, en prévoyant des verrous très solides, notamment le fait que les directives anticipées ne pourraient être valables qu’après l’annonce d’un diagnostic grave et incurable. Ils ont été retoqués pour les raisons que l’on sait. Je réfléchirai à la manière de les intégrer au texte en séance. En attendant, je ne peux m’associer aux amendements visant à abandonner cette piste.
Mme Cécile Rilhac (RE). Une fois de plus, je rejoins Gilles Le Gendre. Je tiens également à exprimer mon soutien à l’amendement de Mme Simonnet. J’en avais déposé un similaire, dans lequel je précisais que la volonté pouvait être prise en compte quel que soit son mode d’expression. Au moment où il réitère sa volonté, la capacité d’expression du patient peut en effet se trouver altérée. Le monde médical doit être sensibilisé et formé au recueil d’expressions non verbales ou non écrites.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons contre les amendements proposés, à l’exception de celui de Mme Simonnet, que nous soutenons. Nous sommes nombreux à regretter que les directives anticipées soient si peu utilisées en France. Ces amendements ne feraient qu’aggraver la situation. Si une personne n’est pas en mesure d’y faire connaître sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir une fois atteint un stade qu’elle décrira très précisément, et de demander à un proche de faire respecter cette volonté le cas échéant, quel est l’intérêt de ces directives ? Je regrette d’ailleurs que M. Neuder ait retiré son amendement, qui allait en ce sens.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous avions nous aussi déposé des amendements sur cette question. Il est des situations dans lesquelles la personne malade n’est plus capable de confirmer son choix le jour où elle en a le plus besoin, quand bien même elle en aurait exprimé le souhait auparavant. Les directives anticipées peuvent constituer un élément de réponse. Nous y reviendrons en séance.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Certains estiment que l’aide à mourir doit pouvoir figurer dans les directives anticipées, d’autres que la pulsion de vie qui nous traverse tous doit pouvoir s’exprimer jusqu’au dernier moment. Aux Pays-Bas, il faut être capable de donner son consentement au moment de l’euthanasie. De ce fait, une personne dont la demande a été acceptée et qui subit un accident vasculaire cérébral juste avant l’acte ne peut pas en bénéficier. Cela signifie aussi que les personnes atteintes de maladies neurodégénératives doivent, paradoxalement, demander l’euthanasie de façon précoce pour pouvoir en bénéficier, ce qui peut être violent pour les soignants comme pour les proches qui ne perçoivent pas encore la dégradation du malade. Je suis donc partagée sur cette question. Un compromis pourrait consister à prévoir qu’en cas d’altération permanente de la conscience, les directives anticipées puissent être prises en compte, à titre exceptionnel.
Mme la ministre. La difficulté est bien résumée, mais notre texte se fonde sur l’expression de la volonté du patient, jusqu’au bout. Ce dernier doit être capable de réitérer sa demande à tous les stades de la procédure, y compris au moment de l’administration du produit létal. Les directives anticipées, par définition, auront été rédigées avant. Y inscrire la volonté de bénéficier de l’aide à mourir affaiblirait donc considérablement l’équilibre que nous avons recherché. C’est vrai, madame Laernoes, dans certains cas il sera trop tard pour bénéficier de l’aide à mourir. C’est le principe que nous avons retenu qui le veut.
L’amendement CS474 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement CS731 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement vise à préciser que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. Cette précision figure déjà à l’article 8, qui traite de la procédure d’évaluation de la demande. Pour plus de clarté, elle devrait plutôt être inscrite à l’article 6, relatif aux critères d’accès.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable.
Nous n’avons pas à stigmatiser les personnes souffrant d’une pathologie psychiatrique, qui peuvent tout à fait manifester une volonté. En outre, l’évaluation du caractère libre et éclairé de la volonté du patient, qui conditionne l’accès à l’aide à mourir, prendra bien en compte les altérations du discernement qui peuvent résulter d’une maladie psychiatrique. L’exclusion générale des personnes atteintes d’une maladie psychiatrique est injustifiée au vu de la diversité des troubles concernés.
Mme la ministre. L’article 8 concerne la vérification du respect des conditions d’éligibilité à l’aide à mourir. La phrase précisant au médecin chargé de cette vérification qu’il doit prendre en compte une éventuelle maladie psychiatrique y a donc bien toute sa place.
Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement est essentiel : dès lors qu’on inclut l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée parmi les critères cumulatifs conditionnant l’accès à l’aide à mourir, la question du discernement est essentielle. Une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique abolissant ou altérant son discernement ne peut plus exprimer sa volonté de manière libre et éclairée. Il est très important de le préciser.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’alinéa 2 de l’article 8 dispose que « les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée ». Il n’y a donc aucune ambiguïté, nul besoin de le préciser ailleurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS569 de Mme Annie Genevard, CS907 de M. Philippe Juvin et CS383 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
Mme Annie Genevard (LR). J’avais demandé au rapporteur général s’il était sensible à la situation des personnes concernées par une mesure de protection juridique, question qui a d’ailleurs été abordée lors des auditions. Par cet amendement, je propose de compléter l’article 6 en précisant qu’un patient ne doit pas être concerné par une mesure de tutelle ou de curatelle pour accéder au suicide assisté ou à l’euthanasie. Les personnes sous sauvegarde de justice ne seraient pas concernées.
M. Philippe Juvin (LR). Je défends mon amendement ainsi que l’amendement CS383. Les personnes sous tutelle ou sous curatelle ne sont pas considérées comme douées d’un discernement suffisant pour accomplir certains actes importants, comme la vente ou l’achat d’un bien immobilier. Dès lors, il paraîtrait assez illogique qu’elles puissent décider de bénéficier de l’aide à mourir. J’exclus moi aussi du champ de l’amendement les personnes sous sauvegarde de justice, un régime souvent transitoire qui concerne des faits mineurs.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons déjà discuté de ce point.
Mme la ministre. L’article 7 apporte des garanties spécifiques concernant les personnes majeures protégées, qui devront faire connaître leur statut au médecin au moment de demander l’aide à mourir. Le médecin devra ensuite faire part de la demande à la personne chargée de la mesure de protection, recueillir ses observations et en tenir compte, puis l’informer de sa décision.
L’exclusion que vous proposez serait contraire aux engagements pris par la France dans le cadre de la convention des Nations unies relatives aux droits des personnes handicapées, alors même que l’évolution du droit tend à renforcer l’autonomie des personnes protégées, particulièrement dans la sphère personnelle et en matière de santé. Elle porterait en outre atteinte au principe d’égalité devant la loi. Les personnes protégées doivent, comme les autres, pouvoir exprimer un consentement libre et éclairé. Si elles ne sont pas en mesure de le faire, les conditions d’accès à l’aide à mourir ne seront pas remplies.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
M. Charles de Courson (LIOT). Dans de nombreux pays étrangers, les personnes soumises au régime de la tutelle saisissent le juge pour qu’il les autorise à bénéficier de l’aide à mourir. Ne faudrait-il pas, d’ici l’examen du texte en séance, prévoir une démarche similaire ?
Mme Justine Gruet (LR). Il serait surprenant qu’il soit plus facile pour une personne sous tutelle de demander une aide active à mourir que d’acheter un bien immobilier. Or c’est bien la situation que le texte risque de créer.
Pour en revenir à l’amendement précédent, je m’étonne que la maladie psychiatrique soit mentionnée à l’alinéa 2 de l’article 8, qui décrit la procédure, plutôt que parmi les conditions d’accès décrites à l’article 6.
M. Patrick Hetzel (LR). Si l’argument de l’égalité stricte des droits devait s’appliquer, l’existence même des régimes de tutelle et de curatelle serait impossible ! Les mesures de protection juridique sont fondées sur des raisons bien précises, qui doivent être prises en compte.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je comprends votre souci de protéger les personnes vulnérables sous tutelle ou curatelle. Cependant, empêcher une catégorie de personnes d’accéder à l’aide à mourir constituerait une rupture d’égalité. Le critère est le fait d’« être apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée ». Vous supposez qu’elles sont incapables de penser par elles-mêmes, mais les personnes sous tutelle ont par exemple le droit de vote : si elles répondent aux conditions inscrites dans la loi, pourquoi ne pourraient-elles pas bénéficier de l’aide à mourir ?
M. Didier Martin (RE). Je suis toujours gêné par le concept de maladie psychiatrique. Puisque Mme la ministre a insisté sur le critère du discernement, je propose de supprimer, à l’article 8, l’adjectif « psychiatrique ». Il suffit de considérer que toute maladie qui altère le discernement place la personne hors du cadre de la loi.
Mme Anne Bergantz (Dem). Il faut bien entendu s’interroger sur le cas des majeurs protégés, mais ceux-ci peuvent être dans des situations extrêmement différentes : tutelle ne vaut pas curatelle, sans oublier l’habilitation familiale. Si certains ne sont pas capables de décider pour eux-mêmes, d’autres peuvent voter et choisir leur domicile – les personnes sous tutelle, par exemple, ne vivent pas nécessairement en Ehpad. Il est important de préserver une certaine proportionnalité.
Mme la ministre. Selon l’article 8, le médecin vérifie que la personne remplit les conditions cumulatives prévues à l’article 6. C’est donc lui qui apprécie la volonté libre et éclairée de la personne majeure protégée, définie comme une « personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ». Sauf mention expresse contraire, une mesure de protection porte sur deux aspects de la vie d’une personne vulnérable : la protection de ses intérêts patrimoniaux et la protection de sa personne. Toutefois, les majeurs protégés sont dans des situations variées et l’on ne peut pas exclure qu’ils puissent être en mesure d’exprimer leur volonté de façon libre et éclairée.
Les réformes de la législation des majeurs protégés intervenues depuis 2007 ont eu pour objet de renforcer leur autonomie, particulièrement dans la sphère personnelle et en matière de santé, afin de se conformer à nos engagements internationaux, dont l’article 12 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Les dispositifs actuels relatifs à l’arrêt des traitements et à la sédation profonde et continue sont ouverts aux majeurs protégés aux mêmes conditions que pour toutes les autres personnes. L’inclusion des majeurs protégés dans le champ d’application du texte est cohérente avec ces évolutions.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS473 de M. Yannick Neuder
M. Philippe Juvin (LR). Il faut absolument affirmer que le suicide assisté et, a fortiori, l’euthanasie ne pourront en aucun cas s’appliquer aux patients souffrant d’une pathologie psychiatrique diagnostiquée par un médecin psychiatre.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Les critères de l’article 6 et les conditions définies à l’article 8 sont suffisamment précis pour pouvoir vous rassurer.
Avis défavorable.
Mme la ministre. De même que pour les majeurs protégés, il n’y a pas de justification à une exclusion générale, compte tenu de la grande diversité clinique des troubles psychiques. Ainsi, un antécédent d’hospitalisation en établissement psychiatrique ou de traitement médicamenteux pour une pathologie psychiatrique ne constituera pas, en soi, un motif de rejet de la demande. En revanche, il est évident que l’évaluation médicale de la volonté libre et éclairée prendra en compte l’altération du discernement due à un épisode aigu d’une pathologie psychiatrique. La souffrance considérée par le médecin dans son évaluation sera celle liée à la pathologie qui entraîne l’engagement du pronostic vital.
Avis défavorable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je suis farouchement opposée à cet amendement. Nous ne pouvons pas exclure de cette loi des personnes souffrant de douleurs physiques et psychiques insupportables sous prétexte qu’elles souffrent d’une maladie psychiatrique ou que leur discernement a été altéré à cause d’une affection évolutive. Si ces personnes sont malades d’un cancer, elles doivent pouvoir bénéficier, elles aussi, de l’aide active à mourir.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Le texte indique déjà que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. Cet amendement priverait les 13 millions de personnes qui souffriraient de troubles psychiatriques en France de leur capacité de discernement et de choix. Il révèle une méconnaissance des troubles psychiques, qui sont particulièrement divers et peuvent affecter à des degrés variés, voire pas du tout, le discernement de la personne.
Néanmoins, nous souscrivons au constat du manque de personnel en psychiatrie. Je vous invite donc à adopter les amendements que nous déposerons sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour donner à la psychiatrie publique les moyens de mener à bien sa mission.
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement présente l’intérêt de préciser que le diagnostic devra être fait par un médecin psychiatre, alors que l’article 8 prévoit qu’il le sera par le médecin référent, lequel pourra demander un avis à un collègue psychologue ou psychiatre. Cela nous ramène à l’intérêt de la collégialité de la décision, que la majorité de la commission semblait souhaiter, à l’instar de ce qui est prévu dans le texte sur les soins palliatifs. Étrangement, tous nos amendements sur la collégalité ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Pourtant, sans vouloir ergoter, il me semble qu’interrompre la vie d’une personne ferait plutôt économiser des prestations sociales.
M. Patrick Hetzel (LR). Si cet amendement a été déposé à l’article 6, c’est que l’article 8 n’exclut les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique qu’en cas d’altération grave du discernement. Nous craignons que le texte ne protège pas suffisamment des personnes en situation de vulnérabilité. Le rôle du législateur est de protéger ; ne pas le faire pose un problème d’éthique.
M. Hervé de Lépinau (RN). En cas d’altération du discernement, le critère relatif à la volonté libre et éclairée ne sera pas rempli. Je suis étonné que certains refusent les garde‑fous que nous voulons poser et réclament toujours plus d’euthanasie et d’aide active à mourir au lieu de privilégier la protection de la personne en état de vulnérabilité.
M. Didier Martin (RE). Il faut vraiment exclure de notre langage des termes comme « garde-fous », « verrou » et « maladie psychiatrique ». C’était au XIXe siècle de Pinel qu’on enfermait les fous dans des asiles !
Nous devons cesser de stigmatiser ces malades. Les maladies psychiatriques n’existent pas dans la nosologie. Jamais un psychiatre ne vous dira : « Ce patient souffre d’une maladie psychiatrique » ; il vous dira seulement s’il a son discernement ou non. Des maladies somatiques, comme le bas débit cardiaque, altèrent les fonctions cognitives : ce n’est pas pour autant que vous citez les maladies cardiologiques dans le texte ! Je pense qu’il faut écrire que toute maladie qui altère le discernement doit exclure la personne du cadre de la loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1829 et CS1679 de M. Christophe Bentz, CS197 de M. Philippe Juvin et CS985 de M. Raphaël Gérard (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Mes deux amendements visent à exclure la possibilité de l’euthanasie et du suicide assisté pour les prisonniers. Je me réjouis de vivre dans un pays où la peine de mort a été abolie et je ne voudrais pas que le texte la réintroduise de manière détournée, en permettant à un prisonnier de demander la mort plutôt que de purger sa peine.
M. Philippe Juvin (LR). Peut-on considérer qu’une personne incarcérée exerce librement sa capacité de jugement ? Par définition, non ; en prison, le libre arbitre est obéré. Le suicide assisté ou l’euthanasie ne peuvent pas être compatibles avec le respect de la liberté de ces personnes, surtout quand elles sont condamnées à une peine longue. Quand on est privé de liberté, on n’a pas la capacité de jugement d’un homme ou d’une femme libre.
M. Jean-François Rousset (RE). L’égalité devant les soins impose de garantir aux détenus la possibilité de bénéficier de l’aide médicale à mourir. C’est l’objet de l’amendement CS985. C’est un principe fondamental qui est dû à tout le monde.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Les personnes détenues ne sont en rien exclues du dispositif. Elles auront accès à l’aide à mourir si elles remplissent les conditions fixées par le projet de loi, comme le reste de la population française. Comme toute autre procédure médicale, celle-ci sera adaptée au milieu carcéral par les professionnels de santé compétents. L’amendement de M. Gérard est donc satisfait.
Les amendements visant à exclure les personnes détenues de l’aide à mourir me semblent discriminatoires. Les personnes incarcérées doivent avoir accès à une offre médicale équivalente à celle de la population générale en vertu du principe de dignité humaine, de même que, sauf exception, elles disposent du droit de vote.
Mme la ministre. Le fait générateur de l’aide à mourir est la pathologie de la personne, qui doit être atteinte d’une maladie grave et incurable en phase avancée ou terminale au sens de l’article L. 1111-12 du code de la santé publique. Il est peu probable que les détenus concernés soient encore en prison, à moins que celle-ci ne soit dotée d’un service hospitalier. L’argument selon lequel l’aide à mourir deviendrait une alternative à la prison n’est donc pas recevable. En outre, l’incarcération ne justifie pas une rupture d’égalité devant la loi. Les critères d’éligibilité sont strictement les mêmes pour tous les malades, qu’ils soient incarcérés ou à leur domicile. De là à dire que la prison est un domicile, il y a un pas que je ne franchirai pas.
L’amendement de M. Gérard est satisfait, pour les mêmes raisons.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Je veux dire aux collègues du Rassemblement National, qui font des leçons de sémantique, qu’il y a des mots qu’il vaut mieux éviter. Parler de peine de mort, c’est d’un mépris total pour les gens qui veulent mettre fin à leurs souffrances. La peine de mort s’applique à des gens qui ne demandent pas à mourir.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Il est des propos qu’on ne peut pas entendre. Jusqu’à preuve du contraire, un détenu est un citoyen. Il peut être malade, physiquement ou psychiquement, il peut avoir son discernement ou non, mais il a le droit d’être soigné et de demander une fin de vie digne.
M. David Valence (RE). C’est une double peine que proposent nos collègues : non seulement vous êtes condamné à la prison mais, même si vous souffrez, votre qualité de personne incarcérée exclut par principe un soulagement ouvert à d’autres. C’est une proposition scandaleuse et attentatoire à la dignité humaine. J’ajoute que l’idée selon laquelle la qualité de prisonnier ferait perdre le discernement est quasiment un plaidoyer contre la prison, ce qui ne correspond certainement pas à la pensée réelle de M. Juvin.
M. Julien Odoul (RN). Les détenus doivent pouvoir bénéficier d’une offre de soins, mais l’euthanasie n’est pas un soin. De plus, un détenu n’est pas libre – c’est une lapalissade – d’exercer pleinement sa volonté. Cela fait hurler la gauche et l’extrême gauche, et même l’extrême centre, mais ce que nous proposons ici est une mesure de protection pour les détenus, à l’heure où les politiques comptables indiquent que nous manquons de places de prison.
M. Patrick Hetzel (LR). Des travaux de psychologie comportementale établissent que le contexte carcéral influe sur le comportement des individus. Faut-il ignorer les questions que cela soulève ? C’est assez choquant. Si vous voulez éviter les pressions sur la personne, il faut prendre aussi en considération la pression institutionnelle.
Mme Justine Gruet (LR). Je crois que la question soulevée par M. Juvin était de savoir si un avis libre et éclairé est possible dans des conditions de privation de liberté.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez, puisque nous sommes dans le pays des droits de l’homme, et parler de peine de mort et de souci de vider les prisons. Mais ces amendements, qui visent à exclure de l’aide à mourir des détenus en phase terminale et qui souffrent, sont abjects. Ils traitent de manière différenciée des êtres humains, puisque les détenus seraient privés du recours au droit commun.
Le parallèle avec la peine de mort nous met sur une pente glissante : ce que vous dites, c’est que l’on euthanasierait de force des détenus !
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Si un tel amendement était adopté, ce qui ne sera pas le cas je l’espère, il serait censuré pour son caractère discriminatoire. Un détenu reste un homme ou une femme ; en cas de maladie grave et incurable, il doit pouvoir accéder aux soins palliatifs ou à l’aide active à mourir. Dans les unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus qui souffrent de maladies graves et incurables, ceux-ci ont accès aux soins palliatifs, et c’est heureux. Ils auront demain accès à l’aide à mourir, si elle est votée.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis surpris de ces discussions. L’aide à mourir se conçoit de manière exceptionnelle et compassionnelle. Tout homme, toute femme a droit à la compassion.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). J’ai hésité à intervenir, pour ne pas donner davantage de lumière à ces propos, mais nous atteignons là un sommet d’indignité. Votre proposition contrevient à la Déclaration des Droits de l’Homme. Vous entendez priver de leurs droits des citoyens qui ont le droit de vote, des personnes en fin de vie dont la peine est souvent déjà suspendue, car elles sont prises en charge dans des services de soins. Par ailleurs, que sous-entend l’argument de l’exécution intégrale de la peine ? Si un détenu incarcéré pour vingt ans est atteint d’un cancer en phase terminale, que fait-on, on le place en coma artificiel jusqu’à la fin de sa peine ? En fait, vous voulez réintroduire la souffrance parmi les peines de prison.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Cette séance donne à voir le vrai visage, indigne, du Rassemblement National. J’inviterai chacun à en visionner l’enregistrement.
Pour répondre à M. Juvin, il est vrai que 30 à 40 % des prisonniers ont des troubles psychiques et peuvent être considérés comme n’ayant pas un avis libre et éclairé. Néanmoins, si un prisonnier est très malade, il doit avoir accès à tous les moyens de se soigner, et à l’aide à mourir si les médecins jugent collégialement qu’il a l’esprit libre et éclairé. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut proposer une telle discrimination.
M. Hervé de Lépinau (RN). Certains n’ont manifestement pas compris le sens de ces amendements. On essaye même de nous empêcher d’utiliser certains mots ! Ceux qui sont allés régulièrement dans des maisons d’arrêt et des centres de détention savent la désespérance qui y règne. Quand la perspective de la journée se résume à trois promenades d’un quart d’heure et une cellule surpeuplée où l’on subit parfois les sévices de ses codétenus, le discernement est altéré. Certains détenus souhaitent en finir rapidement ; c’est d’ailleurs cette préoccupation qui a dicté l’ergonomie des nouvelles prisons.
L’amendement CS985 étant retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements CS1284 de M. Benoit Mournet, CS490 de M. Yannick Neuder et CS1677 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Benoit Mournet (RE). L’article 7 précise que le médecin propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs et s’assure qu’elle puisse y accéder. En cohérence avec l’esprit du texte, je propose d’ajouter une condition pour accéder à l’aide à mourir : celle d’avoir bénéficié des soins palliatifs pendant trois semaines – durée qui peut se discuter. Personnellement, j’ai vécu les moments les plus forts de ma vie professionnelle en soins palliatifs, avec des gens extraordinaires qui font un travail d’accompagnement incroyable. Je serais très embêté que l’on puisse choisir l’aide à mourir sans avoir eu la chance d’en bénéficier préalablement.
M. Philippe Juvin (LR). Une étude portant sur 2 600 patients de la maison de soins palliatifs Jeanne Garnier a révélé que 3 % d’entre eux demandaient à mourir au moment de leur arrivée, mais que ce taux chutait à 0,3 % une semaine plus tard. C’est dire l’effet bénéfique de ces soins. Par l’amendement CS490, nous proposons de poser comme condition supplémentaire pour accéder à l’aide active à mourir d’avoir bénéficié d’une offre de soins palliatifs.
M. Christophe Bentz (RN). Chaque jour, cinq cents Français en fin de vie meurent sans avoir eu accès aux soins palliatifs. L’aide à mourir, le suicide assisté, l’euthanasie ne sauraient être la seule solution proposée à ces personnes qui endurent de grandes souffrances. Je souhaite qu’elles ne puissent y accéder qu’après avoir eu effectivement accès aux soins palliatifs.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements qui ne suivent aucune logique. Cette condition constitue un obstacle à l’aide à mourir. Aussi formidables soient-ils, les soins palliatifs ne sont pas la panacée. Certains patients peuvent ne pas souhaiter en bénéficier : c’est leur liberté.
Mme la ministre. Comme vous, monsieur Juvin, je me suis rendue dans des services de soins palliatifs et à la maison Jeanne Garnier ; comme vous, j’ai rencontré différents acteurs de ce domaine, dont la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Certains patients se satisfont de cet accompagnement. Précisons par ailleurs que ces services ne proposent pas l’aide à mourir.
L’article 7 du projet de loi précise bien que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs définis à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique et s’assure, le cas échéant, qu’elle puisse y accéder ». Mais le patient a la liberté de refuser ces soins, droit fondamental que lui reconnaît l’article L. 1111-4 du code de la santé publique.
M. Philippe Juvin (LR). Cette réponse me convainc, je retire l’amendement CS490.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons contre ces amendements. Les soins palliatifs ne peuvent pas être obligatoires. J’entends qu’ils sont bénéfiques et que certains patients concernés renoncent à demander l’aide à mourir, mais d’autres la sollicitent néanmoins : il faut en tenir compte. La philosophie du texte est bien d’offrir un choix aux malades. À mon sens, il faudrait même leur proposer directement les deux options, sans donner la prééminence aux soins palliatifs.
M. David Valence (RE). Nous avons tous de l’admiration et de la reconnaissance pour ceux qui œuvrent dans les services de soins palliatifs et nous partageons tous l’ambition d’en ouvrir l’accès à l’ensemble des Français – certains départements, comme le mien, ne comptent malheureusement pas d’équipe fixe. Cependant, imposer des soins palliatifs contreviendrait à la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Juridiquement, cela ne tient pas la route.
Mme Justine Gruet (LR). Le texte devrait préciser dès l’article 6 que le patient ne peut accéder à l’aide à mourir qu’après s’être vu proposer des soins palliatifs – proposition qu’il a le choix de refuser. Cette mention doit figurer avant l’article 7 relatif à la procédure. Dans les territoires ruraux, en effet, certains patients pourraient solliciter l’aide à mourir parce que ce serait plus facile que d’avoir accès aux soins palliatifs.
M. Julien Odoul (RN). Mme la rapporteure tient des propos choquants sur les soins palliatifs et méprisants pour le personnel qui les dispense, considérant avec légèreté qu’ils ne sont « pas la panacée » – comme s’ils étaient accessoires plutôt que de constituer une avancée considérable, un progrès de civilisation. Elle ajoute que nos amendements ne suivent aucune logique : c’est délirant, dès lors que les personnes qui entrent en unité de soins palliatifs renoncent à en finir tout de suite ! Notre logique, c’est le traitement de la douleur. Il est parfaitement logique de conditionner l’accès à l’euthanasie ou au suicide assisté par un passage en unité de soins palliatifs, où la fin de vie se déroule dans la dignité et sans souffrance.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous voterons contre ces amendements aberrants. On ne peut pas obliger un patient à recevoir des soins, à moins de revenir sur la loi Kouchner. La volonté et la liberté du malade doivent être respectées. Le projet de loi préserve un équilibre entre, d’une part, un dispositif renforcé d’accompagnement et de soins palliatifs, et d’autre part l’aide à mourir, qui complète les modalités existantes que sont le refus de l’acharnement thérapeutique et la sédation profonde et continue.
Mme Monique Iborra (RE). À l’occasion de ce projet de loi, j’ai passé beaucoup de temps avec des équipes de soins palliatifs. Ne croyez pas, monsieur Juvin, qu’elles soient prêtes à proposer l’aide à mourir : elles y sont même plutôt opposées.
L’amendement CS490 étant retiré, la commission rejette successivement les amendements CS1284 et CS1677.
Amendement CS580 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Nous souhaitons ajouter une condition à l’accès au suicide assisté ou à l’euthanasie : « avoir fait état dans ses directives anticipées, au moins trois mois avant sa demande, de sa volonté de recourir au suicide assisté ou à l’euthanasie ». Il ne faudrait pas qu’un patient y recoure par peur de la pathologie ou de crainte d’être un poids pour sa famille. La médecine fait beaucoup de progrès, faisons-lui confiance et laissons-lui du temps.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS198 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). Quand on envisage un don d’organe intrafamilial, on enregistre la demande auprès du juge, qui vérifie que les conditions légales sont remplies – l’absence de pression sur le donneur et la gratuité, en particulier. Dans le même esprit, sans retirer aucune liberté à personne, nous proposons qu’un juge enregistre la demande d’aide à mourir et en contrôle la légalité. Il ne s’agit pas d’un jugement – il n’y a pas d’appel, par exemple. La demande peut être traitée en quelques jours. Cela permettrait de s’assurer que le patient agit en toute liberté, sans pression familiale, ce qui soulagerait nombre de consciences dans cette salle. De grâce, madame la rapporteure, veuillez me répondre sur le fond, sans vous contenter de dire que vous ne souhaitez pas ajouter de condition supplémentaire au dispositif.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Le projet de loi subordonne l’accès à l’aide à mourir au recueil du consentement du patient, inhérent à la manifestation d’une volonté libre et éclairée. Il est recueilli au moment de la demande, puis réitéré à chaque étape de la procédure, jusqu’au moment de l’administration de la substance létale. La condition que vous proposez ne constituerait qu’un formalisme supplémentaire, qui n’est ni nécessaire ni souhaitable.
Avis défavorable.
Mme la ministre. La personne qui sollicite l’aide à mourir réitère sa demande à chaque étape de la procédure, jusqu’aux derniers instants. Il n’est pas besoin d’un formalisme supplémentaire, puisque ces expressions réitérées du consentement sont tracées dans un système informatique.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je soutiens fermement cet amendement, qui pourrait lever tous nos problèmes. Le projet de loi fait peser une pression sur les médecins, en leur donnant la responsabilité de prendre cette décision grave et de l’appliquer. C’est plutôt à nous qu’il revient de l’assumer. Dans une mise sous tutelle, la décision ne revient pas au médecin, mais au juge. S’il en était de même pour l’aide à mourir, le juge lirait l’expertise du médecin, s’assurerait du bon discernement du patient et acterait la décision au nom de la société.
M. Patrick Hetzel (LR). Nous ne proposons pas de créer un dispositif ex nihilo : le code de la santé publique prévoit déjà une procédure de recueil du consentement pour sécuriser le don d’organe intrafamilial. La même procédure pourrait être appliquée au suicide assisté et à l’euthanasie. La décision serait actée par un juge, au nom de l’État, ce qui aurait le mérite de ne pas faire peser toute la pression sur le corps médical.
M. Hervé de Lépinau (RN). Dans le même esprit, il me paraît souhaitable d’instituer un mandataire, désigné par le président du tribunal judiciaire, chargé d’administrer la substance létale, afin de décharger les soignants de cet acte qui peut heurter la conscience.
Mme la ministre. Le juge se prononcera en qualité de juge, et non de médecin. Pour prendre une décision éclairée, il devra se référer à une expertise médicale, dans laquelle le médecin aura précisément vérifié que le patient remplit les cinq conditions cumulatives – informations qui auront été consignées dans le système d’information. Il me semble que dans le cas du don d’organe, au contraire, le juge n’a pas à se prononcer sur l’aspect médical du dossier. Les deux situations sont différentes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS381 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Il s’agit d’ajouter la condition suivante : « s’assurer que la personne n’est pas dans un état de faiblesse ou de vulnérabilité psychologique susceptible d’altérer son jugement ». En cas de don d’organe, le juge, car tel est bien son rôle, doit s’assurer que la personne exprime librement son consentement. Il pourrait exercer cette compétence aussi pour les demandes d’aide à mourir.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. Votre souci d’empêcher les abus de faiblesse est parfaitement légitime. Le dispositif que nous proposons – définition de l’aide à mourir, conditions d’accès, consentement réitéré, expertise médicale... – place le patient dans l’environnement le moins propice à l’abus de faiblesse. Parallèlement, il faut le noter, personne ne se soucie des décisions qui sont prises dans le huis clos du domicile de gens isolés, très malades, vivant dans des conditions difficiles.
La procédure prévue offre suffisamment de transparence et de traçabilité pour que les médecins et les soignants puissent détecter un abus de faiblesse. Je suis confiante dans les précautions que nous avons prises.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Justine Gruet (LR). Les quatre premières conditions prévues à l’article 6 relèvent de l’appréciation médiale, mais je m’interroge sur la capacité du médecin à apprécier la cinquième : « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Cette responsabilité mériterait d’être confiée à des professionnels ayant l’habitude de contrôler la légalité des critères, afin de protéger les personnes les plus vulnérables.
M. Hervé de Lépinau (RN). Vous semblez avoir une vision restrictive du rôle du juge judiciaire, madame la rapporteure. En tant que garant des libertés individuelles, il est apte à apprécier les critères qui nous intéressent, qu’il ait ou non des connaissances médicales. Seul le juge peut sanctuariser le consentement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1512 de M. Hervé de Lépinau et CS135 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
M. Hervé de Lépinau (RN). Il s’agit, là encore, de prévoir des garde‑fous – des barrières de protection, si vous préférez. Les lois ont toujours des effets de bord et le législateur doit donner au juge les moyens de prévenir au mieux les abus de faiblesse, en l’occurrence de s’assurer du consentement du malade. Je propose donc d’ajouter la condition suivante à l’article 6 : « avoir manifesté un consentement exempt de contrainte, de provocation ou de manœuvre de la part d’un tiers et dépourvu d’erreur sur la gravité de l’affection ou sur les perspectives de traitement ».
Mme Marie-France Lorho (RN). Notre mission est de prévoir toutes les mesures à même de protéger les personnes les plus vulnérables. Il faut éviter les pressions. La volonté libre et éclairée du patient doit faire l’objet d’un examen amplifié, notamment pour les personnes vulnérables ou atteintes d’un handicap.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’alinéa 6 prévoit déjà que la personne qui demande l’aide à mourir doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS828 et CS829 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS828 vise à éviter que les personnes désirant venir en France pour se faire euthanasier ne le fassent aux frais des Français. Un encadrement similaire à celui qui existe au Canada paraît nécessaire.
Par ailleurs, dans un avis publié le 11 septembre 2017, le Comité consultatif de bioéthique de Belgique exprime la crainte que le vieillissement en lui-même soit considéré comme une affection grave et par conséquent comme un motif légitime de demander l’euthanasie. L’amendement CS829 vise à empêcher toute personne de demander la mort pour des raisons de vieillissement. Nous voulons éviter toute dérive.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure. L’amendement CS828 est satisfait, puisque l’une des conditions d’accès à l’aide à mourir est d’être de nationalité française ou de résider de façon stable et régulière en France. L’amendement CS829 est également satisfait par le dispositif que nous proposons.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
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11. Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 21 heures 15 (article 7 à article 8)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([12]).
Chapitre III
Procédure
Article 7 : Demande d’accès à l’aide à mourir
Amendements identiques CS49 de Mme Emmanuelle Ménard, CS199 de M. Philippe Juvin, CS384 de M. Patrick Hetzel et CS713 de Mme Annie Genevard
Mme Emmanuelle Ménard (NI). L’objectif de l’article 7 est de préciser les conditions de présentation de la demande de suicide assisté ou d’euthanasie, pudiquement appelés dans le projet de loi « aide à mourir ». Si je demande la suppression de cet article, c’est parce que je considère que légaliser l’un ou l’autre de ces actes signifierait un grave recul vis-à-vis des principes éthiques qui ordonnent notre société et par cohérence avec mes amendements de suppression des articles 5 et 6, mais pas seulement. L’article 7 inquiète beaucoup les acteurs de soins. Nombre d’entre eux refusent l’idée de provoquer intentionnellement la mort de quelqu’un – le présent article dispose que le médecin joue un rôle actif dans l’aide à mourir. Il faut prendre en considération ce refus. Il est également prévu, à l’alinéa 6, que le médecin propose à la personne concernée de bénéficier de soins palliatifs. C’est ce que nous demandions à l’article précédent, mais vous l’avez refusé. Cela n’interviendra-t-il pas trop tard dans la procédure ? Nous pensons que la proposition d’accès aux soins palliatifs est mal positionnée : elle devrait avoir lieu avant même qu’une personne ait à imaginer demander le recours au suicide assisté ou à l’euthanasie.
M. Patrick Hetzel (LR). L’article 7 pose deux problèmes éthiques assez importants. Tout d’abord, 85 % des acteurs de soins déclarent être défavorables à l’idée de provoquer intentionnellement la mort. Cette nouvelle mission ne va-t-elle pas modifier profondément leur métier ? Ensuite, l’article 7 demande de proposer à la personne de bénéficier de soins palliatifs au moment où elle formule une demande de suicide assisté ou d’euthanasie : n’est-ce pas trop tard ? Ne faudrait-il pas anticiper ? On a l’impression que vous mettez sur le même plan les soins palliatifs et le suicide assisté ou l’euthanasie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements de suppression.
La procédure proposée pour l’aide à mourir me paraît équilibrée et précise, même si nous allons discuter de certaines pistes d’amélioration. L’article 7 offre de nombreuses garanties. Il dispose que la demande du patient doit être formulée de façon expresse et répétée auprès d’un médecin qui n’a pas de lien avec lui. Sont également prévues une obligation d’information du patient extrêmement précise et une proposition d’orientation systématique vers des soins palliatifs, ce qui ne veut pas dire que le patient n’y aura pas accès au préalable : on vérifie à ce moment-là que le patient peut en bénéficier. Plus encore, le texte prévoit que le médecin doit s’assurer que le patient peut accéder effectivement aux soins palliatifs. C’est important, et la relation entre le malade et son médecin, qui peut être un spécialiste, un médecin traitant ou un médecin de confiance, est particulière. L’article 7 dispose en outre expressément que la personne peut renoncer à tout moment à sa demande. La procédure est donc assez lisible. Enfin, le texte prévoit des garanties supplémentaires pour les majeurs protégés, qui ne seront pas exclus du nouveau droit, conformément au principe du respect de leur autonomie.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je partage ce que Mme la rapporteure vient de dire. Nous sommes arrivés au chapitre III, qui décrit, article par article, la procédure selon laquelle un patient dont la situation correspond aux différents critères définis à l’article 6 demande à bénéficier de l’aide à mourir. L’article 7 précise notamment l’information que reçoit la personne demandant l’aide à mourir et prévoit une orientation vers des soins palliatifs, si la personne le souhaite. C’est le contexte qui permettra au patient de prendre une décision éclairée.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS2003 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement tend à poursuivre la codification des dispositions relatives à l’aide à mourir au sein du code de la santé publique. Comme l’a rappelé le Conseil d’État dans son avis du 4 avril, le Conseil constitutionnel juge que la codification tend à faciliter l’accessibilité et l’intelligibilité des règles de droit, qui constituent un objectif à valeur constitutionnelle. Il s’agit, en l’occurrence, de créer une nouvelle section dédiée à l’aide à mourir et des sous-sections au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code.
La commission adopte l’amendement.
Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CS277 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS386 de M. Patrick Hetzel.
Amendements CS723 de M. Charles de Courson, CS1683 de M. Christophe Bentz, CS385 de M. Patrick Hetzel, CS1810 de M. Christophe Bentz, CS859 de M. Julien Odoul et CS267 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). Nous revenons au débat sur la dénomination de ce qui nous est proposé : ce n’est pas une aide à mourir, mais une assistance au suicide avec une exception d’euthanasie. Utilisons les termes retenus dans tous les pays qui ont mis en œuvre ce type de dispositif.
M. Julien Odoul (RN). Cette question sémantique est importante, notamment pour les soignants. Ils parlent d’euthanasie et de suicide assisté et sont très sensibles à l’utilisation des bons mots. Par les amendements CS1683, CS1810 et CS267, nous souhaitons rappeler, une fois encore, de quoi il s’agit réellement : ce n’est pas une aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Ce projet de loi ouvre l’aide à mourir pour des malades atteints d’une pathologie grave et incurable, provoquant des souffrances intolérables et, désormais, en phase avancée ou terminale. C’est vraiment un accompagnement de malades en fin de vie. La sémantique est très importante, effectivement, mais la rédaction proposée est exactement ce qu’elle doit être : il s’agit d’une aide à mourir.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ai déjà expliqué à plusieurs reprises pourquoi j’étais défavorable à ce type d’amendements visant à introduire dans le texte les notions d’euthanasie et de suicide assisté.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1501 de Mme Geneviève Darrieussecq, CS1607 et CS1614 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Ce texte conduira forcément à une judiciarisation. Mon amendement vise donc à compléter l’alinéa 1 pour protéger les patients en prévenant les conflits d’intérêts.
Mme Annie Vidal (RE). Mes deux amendements visent à garantir, dans le même esprit, que la demande d’aide à mourir est faite d’une manière transparente et documentée. Le premier amendement vise à ce que la demande soit formulée par écrit, devant un médecin et deux témoins sans liens familiaux avec la personne concernée. Le second amendement prévoit une demande non plus « expresse » mais « écrite ».
Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’entends ces préoccupations, inspirées par la bienveillance, mais il faut parfois rester prudent. Nous cherchons à adopter un texte équilibré et recentré sur le malade. Si une personne de confiance ou deux témoins sans lien familial avec le patient devaient obligatoirement être présents, la procédure serait alourdie et, surtout, le patient peut ne pas avoir envie d’associer ses proches à sa demande. Il s’agit d’une décision personnelle, qui peut rester confidentielle. Il est important de respecter le choix de chacun. De plus, la demande d’aide à mourir fera l’objet d’un colloque singulier entre un malade et son médecin. L’inscription de la demande dans le système d’information prévu à l’article 13 et l’exigence d’une réitération de la demande constituent déjà des garanties suffisantes pour assurer la traçabilité et éviter les dérives.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Nous en avons débattu tout à l’heure : j’ai souligné que le projet de loi instaurait un échange entre le patient qui se trouve dans une situation pathologique grave et un médecin. Nous ouvrons la possibilité de suivre un parcours encadré et pleinement accompagné. La traçabilité de chaque demande d’aide à mourir et des différents actes jalonnant cette procédure sera garantie par le système d’information prévu à l’article 13. La demande du patient, de nature personnelle, ne nécessite pas d’assistance ou de témoin.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). Nous soutenons l’amendement de Mme Darrieussecq, pour deux raisons. Il précise qu’il faudra une demande écrite et un témoin, sans lien familial avec le demandeur, si une personne de confiance a été désignée, ou sinon deux. C’est plein de sagesse.
M. Patrick Hetzel (LR). Ces amendements vont dans le même sens que d’autres propositions que nous avons faites précédemment : il s’agit d’instaurer un minimum de garanties. Par ailleurs, on trouve assez fréquemment de telles conditions dans des législations étrangères. Cela risque-t-il de poser des problèmes opérationnels ? En Belgique, manifestement non, quand on voit le nombre de suicides assistés qui sont pratiqués.
M. Philippe Juvin (LR). Qu’il y ait une traçabilité, comme vous le soulignez pour refuser ces amendements, c’est la moindre des choses. On nous dit aussi qu’il y aura un « colloque singulier ». Or c’est toute la difficulté : ce sera un colloque unique, avec un seul médecin. Beaucoup de pays ont prévu un filet de sécurité qui est la présence de témoins. Les propositions de Mmes Vidal et Darrieussecq sont particulièrement avisées : nous ne retirerons aucune liberté à la personne demandeuse, mais nous établirons un filet de sécurité supplémentaire pour nous assurer d’éviter des situations d’abus de faiblesse. Je rappelle que quatre cents condamnations sont prononcées chaque année pour ce motif.
Mme la ministre. Plutôt cinq cents.
M. Philippe Juvin (LR). J’ai d’autant plus raison. Merci de votre soutien, madame la ministre. (Sourires.)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous avons décidé que le plan d’accompagnement personnalisé sera écrit et versé au dossier médical partagé. Je ne comprends pas pourquoi nous ne ferions pas de même, par parallélisme des formes, pour la demande d’aide à mourir, qui est encore plus importante.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1811 de M. Christophe Bentz et amendements identiques CS389 de M. Patrick Hetzel, CS838 de M. Charles de Courson, CS1611 de Mme Annie Vidal et CS1812 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Julien Odoul (RN). Les amendements CS1811 et CS1812 sont défendus.
M. Patrick Hetzel (LR). Un dispositif reposant sur une demande écrite a été mis en place en Belgique. Nous demandons qu’il en soit de même en France.
M. Charles de Courson (LIOT). La demande du patient doit être écrite, comme le prévoit l’article 3 de la loi belge du 28 mai 2022 : en cas de contentieux, ce sera carré.
Mme Annie Vidal (RE). Nous souhaitons que la demande soit faite par écrit à un médecin, devant une personne de confiance. Sa présence est très importante, surtout si nous revenons sur la question de la prise en compte des directives anticipées.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je ne comprends pas très bien ces amendements. Quand une demande est « expresse », cela veut dire qu’elle est écrite, explicite, manifeste et notifiée. Ce qui nous est proposé me paraît donc appauvrir le dispositif.
Mme Annie Genevard (LR). J’imagine que les auteurs d’un texte aussi sensible ont regardé les dispositions déjà adoptées à l’étranger. Une demande écrite est prévue en Belgique, comme dans l’Oregon, où deux témoins doivent être présents. Voilà des exemples de législations par ailleurs assez permissives et anciennes.
Je voudrais savoir pourquoi, si vous pouvez nous le révéler, vous n’acceptez pas cette disposition, demandée par beaucoup d’entre nous, qui n’aurait rien d’attentatoire à la personne, mais renforcerait la traçabilité et permettrait de s’assurer du caractère loyal, transparent, de la procédure.
M. Philippe Juvin (LR). Nous demandons simplement que ce soit écrit : cela n’a rien d’extraordinaire. On met désormais presque tout par écrit en médecine, et même en trois exemplaires pour la plus petite chose. S’agissant du droit à mourir, en revanche, la procédure ne serait pas écrite. Ce que nous proposons ne retirerait aucun droit au demandeur, mais constituerait une garantie qui permettrait de rassurer beaucoup de monde.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je me suis posé la même question. On ne peut pas imposer une demande manuscrite à des personnes qui n’ont pas la capacité physique d’écrire – dans certaines maladies, on ne peut plus le faire. Ce serait une rupture d’égalité. J’ajoute que le qualificatif « exprès », ajouté à la suite de l’avis du Conseil d’État, est plus protecteur que le terme « écrit ». Selon le dictionnaire Larousse, « exprès » veut dire « clairement exprimé ». Selon Le Robert, cela signifie « qui exprime formellement la volonté de quelqu’un ». Rien n’empêche que la demande expresse soit également écrite.
Mme la ministre. Le système d’information prévu à l’article 13 permettra d’assurer la traçabilité de la demande du patient, du début à la fin de la procédure.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1369 de Mme Maud Petit.
Amendement CS1773 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il faut que la demande soit non seulement écrite, mais aussi datée et signée. On le demande pour n’importe quel acte médical afin de s’assurer que la personne a été mise au courant des risques. Je ne comprends qu’on ne le fasse pas pour un acte aussi important qu’une demande d’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je connais, moi aussi, la procédure hospitalière et plus généralement celle des actes médicaux. L’article 13 dispose que « chacun des actes mentionnés au présent chapitre donne lieu à un enregistrement, par les professionnels concernés, dans un système d’information ». Tout un article est consacré à cette question.
Mme la ministre. Même avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). M. Isaac-Sibille a raison. Il existe dans d’autres pays différentes manières de recueillir le consentement. En Autriche, par exemple, un notaire recueille le consentement de la personne si elle ne peut pas écrire sa demande. Nous proposons qu’un juge en soit chargé dans notre pays. Cela permettra de démédicaliser les choses en faisant jouer leur rôle aux juristes.
M. Philippe Juvin (LR). Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’il ne fallait pas prévoir une procédure écrite, parce que certaines personnes ne pourront pas écrire, compte tenu de leur handicap, mais M. Isaac-Sibille a expressément prévu ce cas. Vous avez également répondu que l’article 13 demandait que chacun des actes donne lieu à un enregistrement, mais la proposition de notre collègue va plus loin, sans être extraordinaire pour autant : la demande de la personne concernée devra être actée par écrit – il n’est pas uniquement question d’un enregistrement.
M. Philippe Vigier (Dem). La rapporteure a dit tout à l’heure que la demande, expresse, sera écrite. Il suffirait de l’inscrire dans le texte pour clarifier les choses et s’assurer que la transparence est au rendez-vous.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS481 de M. Yannick Neuder et CS1616 de Mme Annie Vidal, amendements CS1502 de Mme Geneviève Darrieussecq, CS331 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS860 de M. Julien Odoul et CS785 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Yannick Neuder (LR). Un certain nombre de professionnels de santé ne souhaiteront pas, on le sait, s’engager dans une telle procédure, en application de la clause de conscience. Afin d’éviter que des demandes soient refusées et d’orienter les personnes vers d’autres professionnels, il serait bon de répertorier ceux qui acceptent d’accompagner le suicide assisté, voire d’y participer. Nous proposons que la demande soit faite auprès d’un professionnel « volontaire, agréé et inscrit sur un registre du conseil départemental de l’ordre professionnel compétent ».
Mme Annie Vidal (RE). J’ai déposé le même amendement, qui s’inspire de pratiques internationales. Nous nous assurerons ainsi que seuls des médecins qualifiés et explicitement volontaires pratiquent l’aide à mourir. L’expérience canadienne montre qu’une très faible minorité de médecins – 1,3 % en 2020 – choisit de s’engager dans ces actes. Nous simplifierons les demandes des requérants au moyen d’un registre, qui évitera le recours à la clause de conscience.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’amendement CS1502 précise qu’il s’agira de médecins volontaires et inscrits sur la liste évoquée au III de l’article 16. Il me semble nécessaire – et ce sera mon fil rouge pour l’examen des derniers articles du texte – de s’appuyer sur le volontariat plutôt que sur une clause de conscience. Ce sera plus simple pour les personnes qui voudront recourir à l’aide à mourir et cela limitera un peu la difficulté pour les professionnels qui ont du mal à parler de « soin » à propos de l’aide à mourir. Je les rejoins : ce n’est pas un soin. Des volontaires pratiqueront un acte qui est de compassion, il faut vraiment poser une frontière. Par ailleurs, le volontariat évitera une division du monde médical, je vous le dis d’une façon très claire. J’ai beaucoup écouté – et entendu. Ce que nous proposons est un bon moyen d’apaiser et de rassembler autour de ce projet que j’ai envie, personnellement, de voir aboutir, mais dans de bonnes conditions.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement vise à protéger les médecins. On ne peut pas leur imposer de commettre un acte qui est contraire à leurs convictions et au serment d’Hippocrate. L’euthanasie ne devrait être pratiquée que par un médecin volontaire.
Rappelons-le, 800 000 soignants ont fait part de leur opposition au texte. (Protestations.) Ils n’ont pas été reçus au ministère alors qu’ils auraient pu être associés à son écriture.
M. Julien Odoul (RN). Qu’on le souhaite ou non, la légalisation de l’euthanasie va bouleverser la communauté du soin et les soignants. Il importe que les médecins soient volontaires pour accomplir l’acte, qui n’est pas un acte de soin comme ils ont l’habitude d’en effectuer.
L’amendement a donc pour objet d’accoler au mot de médecin : « qui y consent ».
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS785 vise à imposer au médecin qui recueille la demande et l’évalue une formation aux soins palliatifs et d’accompagnement ainsi qu’à la procédure de l’aide à mourir. Cela l’aidera à évaluer les critères et à dialoguer avec le patient et ses proches.
J’ai constaté récemment avec stupéfaction que nombre de médecins ne connaissaient pas la loi Claeys-Leonetti. Une formation serait donc bienvenue.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces amendements procèdent selon moi d’une compréhension erronée de la procédure. La personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin en activité – un médecin traitant, un spécialiste, un médecin en qui cette personne a confiance. Il me semble très inopportun d’imposer au patient de se référer à une liste puisque cela restreindrait à la fois l’accès à l’aide et le dialogue.
Dans un second temps, si le médecin accepte de suivre la personne, cela ne signifie pas pour autant qu’il est volontaire pour d’autres patients. L’établissement d’une liste de médecins agréés volontaires serait à cet égard contre-productif.
Si le médecin ne souhaite pas poursuivre la procédure, aux termes de l’article 16, il doit « informer, sans délai, la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles d’y participer ».
Monsieur de Courson, la demande de formation aux soins palliatifs et d’accompagnement est légitime. En revanche, faire de celle-ci une condition pour autoriser un médecin à recevoir une demande d’aide à mourir risque de rendre la loi inapplicable dans un premier temps et de remettre en cause la liberté de choix du médecin que le patient sollicite en première intention.
M. Didier Martin l’a dit lors de l’examen du titre Ier, il est impératif de développer une culture palliative et de renforcer le soutien aux soins palliatifs au sens large.
Mme la ministre. Madame Darrieussecq, comme vous le soulignez, l’objectif est de garantir la liberté de conscience des professionnels de santé.
Madame Dogor-Such, pour votre information, j’ai reçu le collectif le 18 mars dernier.
Vos amendements demandent que les professionnels de santé fassent connaître à l’avance leur disponibilité pour accompagner toute personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir. Je comprends votre souci de faciliter l’accès à la démarche pour les personnes désireuses de s’y engager et d’éviter aux professionnels de santé d’avoir à décliner une demande. Vous mettez en avant la vertu simplificatrice de votre solution.
Cependant, votre proposition revient à exiger des professionnels de santé une démarche préalable et ce, au moment où nous cherchons à libérer du temps pour leur permettre de se consacrer aux patients. Vous prenez aussi le risque de vous priver de tous les praticiens qui n’auraient pas effectué ladite démarche, alors même qu’ils seraient ouverts à accompagner leurs patients. Enfin, vous leur imposez de se déterminer in abstracto, au risque de faire fi de situations individuelles.
Certains médecins, pour des motifs légitimes de convictions personnelles, pourraient refuser d’accompagner certains patients, par exemple à cause de leur pathologie, sans compter les motifs que la loi prévoit déjà.
Plutôt qu’un volontariat défini à l’avance, il nous apparaît plus protecteur, à la fois pour les patients et pour les médecins, de recourir à la clause de conscience spécifique introduite à l’article 16.
La seconde solution que propose le Gouvernement consiste à reconnaître à tout professionnel de santé sollicité directement par une personne souhaitant s’engager dans la démarche de l’aide à mourir la faculté de décliner cette demande au nom de ses convictions personnelles, professionnelles ou éthiques.
Je suis donc défavorable aux amendements.
Mme Justine Gruet (LR). Les amendements soulèvent plusieurs questions : qui aura accès à la liste ? Les professionnels pour pouvoir réorienter les patients ou les patients eux-mêmes ? Dans le second cas, la liste serait non seulement discriminante mais elle pourrait aussi constituer un moyen de pression sur les professionnels.
Ensuite, de manière très pragmatique, comment le patient sait-il à qui s’adresser ? Si j’ai bien compris, il demande à n’importe quel professionnel, à charge pour ce dernier de l’adresser à un confrère si lui-même refuse. J’en déduis que l’accès à la liste est réservé aux professionnels.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mme la ministre a évoqué le cas des médecins qui n’effectueraient pas la démarche par négligence, donc la difficulté à établir une liste exhaustive. Nous sommes évidemment défavorables aux amendements.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Malgré les réponses de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, il reste une difficulté : comment le médecin qui refuse la demande du patient sait-il à quel confrère adresser ce dernier ?
Dans ce cas, le patient pourrait solliciter l’Ordre des médecins qui, lui, disposerait d’une liste. Nous devrions réfléchir à une solution pratique pour les médecins et pour les patients.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Comme diraient mes enfants : « Attention spoiler ! » Peut-être demain, les réponses, lors de l’examen de l’article 16 !
M. Philippe Vigier (Dem). Nous essayons d’éviter que le texte ne puisse pas s’appliquer dans certains territoires.
C’est l’élu d’un territoire comptant 70 médecins pour 100 000 habitants qui vous demande de poursuivre la réflexion en vue de la séance. Si nous nous en tenons à la seule clause de conscience, le patient devra effectuer un parcours du combattant pour trouver le médecin qui lui viendra en aide.
Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de mon territoire, il n’existe pas de médecin référent ; ce sont les médecins de ville qui viennent, de temps en temps, faire quelques consultations.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La réponse se trouve dans l’article 16 : « Les professionnels de santé qui sont disposés à participer à la mise en œuvre des dispositions du chapitre III peuvent se déclarer auprès de la commission mentionnée à l’article 17. » En vertu de l’article 17, la commission tient un registre des déclarations.
Monsieur Vigier, je ne peux pas vous laisser dire que nous ignorons les difficultés d’accès aux soins. Il est bien précisé dans la procédure que le médecin interpellé initialement peut être un médecin traitant, un spécialiste ou de confiance. S’il ne veut pas entrer dans la procédure, il doit se tourner vers la commission et l’Ordre des médecins. Le texte est écrit de manière à surmonter les difficultés dont vous faites état.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement CS1930 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS667 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons de supprimer la notion d’allié car nous ne comprenons pas à qui elle renvoie. Nous avons noté que le Gouvernement suivait l’avis du Conseil d’État puisqu’il écarte le médecin qui entretient certains liens avec le patient. Pour autant, nous ne trouvons nulle part de définition de l’allié. Les autres exclusions nous semblent suffisantes.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le terme d’allié fait référence aux liens du mariage, il me semble suffisamment précis.
L’exclusion des alliés des médecins pouvant instruire la demande d’aide à mourir est une garantie nécessaire. L’indépendance du médecin vis-à-vis du patient a été jugée comme une garantie particulièrement importante par la Cour européenne des droits de l’homme(CEDH).
Avis défavorable.
Mme la ministre. La notion d’allié, qui figure dans le code civil, renvoie aux époux associés par les liens de l’alliance. Je suis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1802 de M. François Gernigon
M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à exclure le médecin ayant des liens de parenté jusqu’au quatrième degré inclus avec le patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait, car la rédaction inclut déjà les parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
Mme la ministre. Même avis.
M. Stéphane Delautrette (SOC). À la faveur des explications que j’ai reçues, j’aurais retiré l’amendement précédent avant qu’il soit soumis au vote si le bruit ne m’en avait pas empêché.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1813 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Il s’agit d’un amendement de précision. Un héritier n’est pas nécessairement un ayant droit et un ayant droit n’est pas nécessairement un héritier.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement me semble inutile. En effet, les ayants droit, les parents, les conjoints, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, ainsi que les alliés sont exclus de la liste des médecins pouvant recevoir la demande d’aide à mourir.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1583 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Une nouvelle fois, je demande que soient prises en considération les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance.
Je prends un exemple : vous avez un cancer ; vous suivez un traitement ; vous ne pensez pas à l’aide à mourir ; puis, hélas, la maladie évolue, vous vous retrouvez en phase terminale et vous ne pouvez plus exprimer votre volonté. Si vous avez rédigé des directives anticipées et désigné une personne de confiance, il me semble important que celle-ci puisse parler pour vous à ce moment-là et refuser la sédation profonde que vous ne souhaitez pas.
Je pourrais multiplier les exemples. Les directives anticipées servent précisément à anticiper le moment où la personne ne pourra plus manifester sa volonté. Il me semble important que nous leur fassions une place à chaque étape de la procédure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis heureuse que votre amendement nous donne l’occasion d’évoquer les directives anticipées. Vous proposez que celles-ci permettent de demander l’aide à mourir.
Le projet de loi ouvre l’accès à un modèle français d’aide à mourir qui repose sur la volonté libre et éclairée du patient lors de la demande. Même si nous sommes favorables à la promotion des directives anticipées, aller plus loin en autorisant l’aide à mourir pour une personne dont les capacités de discernement sont altérées présenterait un grand risque.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS390 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Pour qu’il y ait un choix – on nous parle sans cesse de la primauté du choix du patient –, il doit y avoir une alternative. Il est donc précisé que le médecin propose une alternative à l’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’ai du mal à comprendre l’amendement. Soit c’est un truisme : puisque la personne le demande, elle a déjà fait le choix entre recourir à l’aide à mourir et ne pas y recourir. Soit c’est une acception différente dans laquelle il est demandé au praticien de proposer une alternative thérapeutique. Quelle peut-elle être pour une personne sous traitement, atteinte d’une maladie incurable et souffrant de douleurs réfractaires et insupportables ? Je ne comprends pas ou plutôt je comprends trop bien et cela m’incite à plaider pour la création d’un délit d’entrave.
M. Julien Odoul (RN). La méconnaissance d’une alternative – des soins palliatifs, de la sédation profonde et continue jusqu’au décès – conduit le plus souvent les patients qui souffrent à demander l’euthanasie. Il est donc indispensable que le médecin puisse informer le patient qui lui demande l’aide à mourir des alternatives permettant de soulager sa souffrance.
La réflexion de notre collègue Clouet est assez absolutiste, radicale, brutale : puisque le patient le demande, l’aide à mourir doit s’appliquer et il n’y a pas d’alternative possible.
M. Hervé de Lépinau (RN). La remarque de M. Clouet, dans la logique de l’effet cliquet, annonce la suite : le délit d’entrave à l’euthanasie. Tout est en train de se mettre en place.
Il est indispensable d’exclure le personnel médical du dispositif auquel vous imposez une violence gravissime. Ensuite, vous faites tomber toutes les barrières de protection pour atténuer le critère de l’affection incurable. Vous refusez qu’un médecin puisse dire à un malade qui décide du jour de sa mort : « monsieur, vous avez une alternative ; votre vie en ce moment ne vous plaît pas, on va peut-être vous aider à faire en sorte qu’elle soit meilleure ».
Votre approche est totalement doctrinale et absolutiste. Il faut adopter l’amendement pour éviter la dérive que M. Clouet a évoqué.
M. Philippe Vigier. Je ne comprends vraiment pas cet amendement. Lisez l’article 7 : le médecin « informe la personne sur son état de santé » ; « propose à la personne du bénéficier des soins palliatifs » ; indique à la personne qu’elle peut renoncer à tout moment » ; explique à la personne les conditions d’accès de l’aide à mourir ». Tout est écrit.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Monsieur Odoul, lorsqu’on vous demande quelle est l’alternative à laquelle l’amendement fait référence, vous évoquez les soins palliatifs et le dispositif de la loi Claeys-Leonetti. Cela tombe bien, c’est écrit dans le projet de loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS613 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1503 de Mme Geneviève Darrieussecq et CS1608 de Mme Annie Vidal
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour protéger le patient qui demande l’euthanasie de tout risque d’abus de faiblesse, l’amendement vise à interdire au médecin de bénéficier de donations ou de dispositions testamentaires de la part du demandeur. Le médecin n’aura ainsi aucun intérêt financier à la mort du patient.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Dans mon souci constant d’assurer une protection maximale des personnes et des soignants, cette mesure complémentaire me semble utile pour éviter certains risques, très rares je le reconnais.
Mme Annie Vidal (RE). Il s’agit en effet de protéger les personnes les plus vulnérables, en empêchant qu’un avantage ne soit accordé aux médecins dans des conditions anormalement favorables.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette précision me semble superfétatoire. En effet, les ayants droit sont exclus à l’alinéa 1 de l’article 7. Par ailleurs, le code de déontologie médicale prévoit des dispositions similaires.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1105 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement vise à préciser que la demande ne peut pas être présentée lors d’une téléconsultation.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis entièrement d’accord. Avis favorable.
Mme la ministre. Sagesse.
Mme Justine Gruet (LR). En vertu de l’alinéa 2, la personne ne peut présenter simultanément plusieurs demandes. Madame la ministre, de quels moyens dispose-t-on pour savoir si plusieurs demandes ont été présentées ?
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous sommes très favorables à l’amendement puisque la téléconsultation n’est absolument pas le cadre approprié. La décision de recourir à l’aide à mourir requiert une écoute, une interaction personnelle, un face-à-face entre patient et médecin.
Mais qui dit médecin, dit accès à un médecin. Il faut donc garantir à tout le monde l’accès sur l’ensemble du territoire. Cela implique de rompre avec les politiques d’austérité qui ont laissé de nombreux citoyens sans accès ou avec un accès compliqué aux professionnels de santé, eux-mêmes surchargés et en sous-effectif. Donc rendez-vous au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La téléconsultation est évidemment problématique pour plusieurs raisons. D’abord, la durée n’est pas la même, elle est souvent plus courte. Ensuite, le contenu n’est pas le même ; par écrans interposés, les interlocuteurs ne s’expriment pas de la même manière et on ne peut pas garantir qu’ils sont seuls. Enfin, des aléas techniques – cela peut concerner l’image, le son ou une rupture de la connexion – peuvent compliquer la consultation, ce qui n’est pas souhaitable sur un sujet aussi sensible Cela appauvrit nécessairement les échanges et par conséquent limite le droit des personnes.
Mme la ministre. Madame Gruet, je vous remercie de mettre en avant le rôle de l’article 13, c’est-à-dire le système d’information qui enregistre toute demande du patient, ce qui permet à la commission de contrôle de connaître en temps réel les demandes présentées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS839 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). C’est un amendement de réflexion. Il s’inspire du droit autrichien, qui, depuis 2021, confie au notaire la vérification du consentement libre et éclairé du patient, à l’instar de ce que celui-ci fait déjà pour recueillir les dernières volontés pour un testament.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Une telle procédure alourdirait notoirement la procédure et rendrait plus difficile l’accès à l’aide à mourir.
L’Autriche est le seul pays ayant autorisé l’aide à mourir exigeant la validation du notaire.
Au demeurant, un notaire ne dispose à l’évidence pas des mêmes compétences qu’un médecin pour apprécier le caractère libre et éclairé de la volonté du patient. En outre, trois des critères pour autoriser l’aide à mourir sont d’ordre médical.
La demande du patient est enregistrée dans un système d’information afin d’assurer sa traçabilité. L’étape du notaire me semble donc inutile.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ajoute un argument financier : l’acte d’un notaire n’est généralement pas gratuit.
M. Patrick Hetzel (LR). Votre raisonnement ne tient pas. Vous faites valoir que le notaire ne peut pas attester d’un consentement libre et éclairé. Mais c’est la base même de son travail lorsqu’il recueille un testament. Madame la rapporteure, vous pouvez ne pas être d’accord mais n’utilisez pas des arguments juridiquement infondés.
M. Charles de Courson (LIOT). Madame la présidente, si vous vouliez bien me donner la parole, je vous dirais que je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1855 de M. René Pilato et CS391 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. René Pilato (LFI - NUPES). Cet amendement vise à préciser que le médecin recueillant la demande doit s’enquérir si la personne qui en est à l’origine fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne.
La rédaction actuelle laisse penser que l’information doit être évoquée lors de l’entretien par la personne elle-même. Que se passe-t-il si elle ne le fait pas ? Afin de s’assurer que le médecin est bien en possession de l’information, l’amendement lui confie le soin de vérifier ce point, comme il doit déjà le faire pour d’autres critères de nature administrative – âge, nationalité, résidence.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage avec vous le constat que c’est au médecin de demander à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique. L’alinéa 3 de l’article 7 prévoit que : « La personne qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne l’indique au médecin. » On ne peut pas exclure que la personne ne le fasse pas, ce qui pourrait rendre inopérante la procédure prévue à l’article 8 pour ces personnes protégées. C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement CS1998, qui ajoute que le médecin peut consulter le registre des personnes protégées créé par la loi « bien vieillir ».
Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien.
L’amendement CS1855 est retiré.
La commission rejette l’amendement CS391.
Amendements CS1998 de Mme Laurence Cristol et CS1693 de Mme Anne Bergantz (discussion commune)
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement vise à permettre la consultation par le médecin en charge de l’évaluation de la demande d’aide à mourir du registre national des personnes sous protection, créé par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie. La consultation de ce registre assurera la mise en œuvre des garanties spécifiques prévues pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. Il prévoit, en outre, que c’est au médecin de demander à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, afin de ne pas faire peser sur elle la charge de l’information.
Mme Anne Bergantz (Dem). Je partage ce que vient de dire Mme Cristol : encore faut-il savoir que ces personnes sont protégées. Lors d’une hospitalisation, cette information peut passer sous les radars, si on ne la demande pas. Je retire mon amendement au profit de celui de la rapporteure, plus complet.
Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1998.
M. Charles de Courson (LIOT). Le fichier ne sera opérationnel qu’à compter du 1er janvier 2027. Que fait-on dans l’intervalle ?
L’amendement CS1693 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1998.
En conséquence, les amendements CS861 de M. Julien Odoul et CS703 de Mme Christine Pires Beaune tombent.
Amendement CS538 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). La personne bénéficiant d’un régime de protection juridique est souvent vulnérable. Il est primordial que le médecin, lorsqu’il est saisi d’un doute, puisse demander à l’autorité compétente si la personne qui fait la demande d’euthanasie ou de suicide assisté est sous la tutelle d’un régime de protection. À l’occasion du passage de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, le ministère de la santé et de la sécurité sociale du Luxembourg rappelait que « ni un mineur ni une personne majeure sous tutelle ou curatelle ni une personne incapable ne peut valablement demander l’euthanasie ou l’assistance au suicide ». Cette disposition nous paraît sensée. C’est pourquoi il nous semble important que le régime de protection puisse faire l’objet d’un examen attentif et, lorsque c’est nécessaire, remplir son rôle de protection pour les personnes vulnérables.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre rédaction me semble trop imprécise. Mon amendement CS1998 permettra de répondre aux éventuels défauts d’information.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1072 de Mme Sandrine Rousseau
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous proposons que la demande d’aide à mourir d’une personne qui a rempli les conditions exigées soit annexée aux directives anticipées.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Aller plus loin et permettre d’aider à mourir une personne inconsciente ou dont le discernement est profondément altéré poserait de graves questions éthiques.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS831 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à donner un caractère obligatoire à l’information délivrée par le médecin au sujet des autres possibilités concernant la fin de vie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le présent de l’indicatif ayant force contraignante dans un projet de loi, votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1931 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS862 de M. Julien Odoul
M. Julien Odoul (RN). L’amendement vise à préciser que les médecins sont volontaires pour pratiquer l’euthanasie afin de protéger ceux qui ne souhaiteraient pas pratiquer cet acte. Il existe un risque d’atteinte à la clause de conscience. En 2021, un collectif de médecins en soins palliatifs et de gériatres avait publié une tribune dans Le Figaro pour alerter sur les potentielles dérives. Au Canada, la loi sanctionne ceux qui s’opposent au choix individuel de l’heure de la mort. Un médecin s’était vu refuser un poste en soins palliatifs car il refusait de pratiquer des euthanasies.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement me semble inutile, puisque les dispositions prévoyant une clause de conscience sont inscrites à l’article 16 du projet de loi. Aucun des soignants inclus dans la procédure d’aide à mourir ne sera donc contraint d’y participer.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS669 de M. Stéphane Delautrette
Mme Christine Pires Beaune (SOC). La possibilité de rédiger des directives anticipées et de désigner une personne de confiance, prévue par le code de la santé publique, a constitué un progrès indéniable. Cet amendement vise à ce que le médecin prenne connaissance des directives anticipées de la personne demandant l’aide à mourir et en tienne compte.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Comme je l’ai déjà indiqué, le choix fait dans ce projet de loi est de réserver l’accès à l’aide à mourir aux personnes capables d’exprimer à chaque étape de la procédure leur volonté libre et éclairée. Cette condition permet de garantir que l’aide à mourir reste volontaire et repose sur l’autonomie de la personne jusqu’au dernier instant. Je crois que c’est un point d’équilibre du projet de loi qu’il ne faut pas remettre en cause.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CS1466 de Mme Elsa Faucillon est retiré.
Amendement CS612 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement vise à donner une place centrale aux soins palliatifs dans l’offre de soins proposée au patient par le médecin.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement me semble inutile. Le texte prévoit déjà que le médecin propose obligatoirement à la personne de bénéficier de soins palliatifs.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS136 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). L’évolution de l’état de santé d’un patient n’est pas toujours linéaire. Lorsque le médecin dresse des perspectives, il peut méconnaître certaines voies de rémission inhérentes au patient même. Cet amendement vise à s’assurer que le patient sera averti que les perspectives établies par le médecin ne sont pas irrévocables. Le docteur Ségolène Perruchio, cheffe de service en soins palliatifs et vice-présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, soulignait l’absence de certitude d’un médecin face à son patient en fin de vie : « On arrive à établir des pronostics quand il s’agit de quelques heures. En revanche, cela devient plus compliqué quand il s’agit de quelques jours. » Le médecin peut donc se tromper lorsqu’il expose ses perspectives à un patient. Or cette information influence nécessairement la demande de ce dernier. L’amendement vise à s’assurer que le médecin présente les perspectives d’évolution de l’état de son patient, lorsqu’il est en mesure de le faire, avec le plus de précisions possible.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre intention est louable mais conduit en réalité, tel que votre amendement est écrit, à ne rendre l’information du patient sur son état de santé obligatoire que lorsque l’évolution de son état est connue. Il faut faire confiance aux médecins : évidemment que les médecins donnent au patient l’ensemble des informations dont ils disposent et l’informent également des incertitudes qui existent.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Nous avons déjà eu le débat lors de l’examen de l’alinéa 4 de l’article 6. Avis défavorable.
M. Julien Odoul (RN). En novembre 1981, alors qu’il souffrait depuis plusieurs mois de douleurs au dos et aux jambes, on diagnostique au président François Mitterrand un cancer de la prostate. Tous les médecins lui donnent une espérance de vie comprise entre trois mois et trois ans. Il restera quatorze ans à la tête de l’État. Cet exemple éloquent montre bien que les perspectives sont très aléatoires. Des rémissions sont possibles, sans compter le pouvoir des « forces de l’esprit » qui permettent au corps de surmonter des épreuves.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Vous étiez donc l’un des médecins du président Mitterrand en 1981 pour nous raconter exactement ce qui s’est passé ! En ce cas, que faites-vous du secret médical, monsieur Odoul ? Bref, quand on ne sait pas, on se tait.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Tout ce qui est spirituel reste à l’extérieur du Palais Bourbon. Nous venons ici pour écouter, nous laisser convaincre ; toutes les convictions intimes doivent rester à l’extérieur. Nous sommes dans une république laïque.
M. Philippe Juvin (LR). Il y a du spirituel dans la République, puisque Renan lui‑même a dit que la nation est un principe spirituel.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1684 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous vous proposons de remplacer, à l’alinéa 5, le mot « dispositifs », technique et froid, par « soins », ce qui exclura d’office le suicide assisté et l’euthanasie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les dispositifs renvoient à l’ensemble des actions qui peuvent être mises en place pour prendre en charge la personne et sont donc plus larges que les soins.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS137 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). Certaines maladies graves peu guérissables bénéficient de traitements expérimentaux pouvant présenter des perspectives de rétablissement. Il me semble incomplet de ne présenter à la personne qui demande la mort que l’ensemble des traitements et des dispositifs d’accompagnement qui s’offrent à lui. La formulation actuelle de l’alinéa 5 limite l’information du patient aux dispositifs disponibles, ce qui risque d’exclure les traitements indisponibles sur le territoire sur lequel réside le patient. Cette formulation est dangereuse, puisqu’elle crée des iniquités territoriales dans les traitements. Par ailleurs, cette terminologie exclut les traitements expérimentaux. C’est pourquoi nous souhaitons que le professionnel précise l’état des connaissances scientifiques sur les dispositifs proposés.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Faisons confiance aux médecins. Évidemment qu’ils donnent au patient l’ensemble des informations dont ils disposent et l’informent également sur les incertitudes qui existent.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Il est évident que le médecin ne peut se baser que sur l’état des connaissances au moment où il informe le patient sans présager des évolutions.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS495 de M. Yannick Neuder, amendements identiques CS392 de M. Patrick Hetzel, CS476 de M. Yannick Neuder et CS1610 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement CS495 est défendu.
M. Patrick Hetzel (LR). Cet amendement reprend des dispositions de la convention d’Oviedo pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, en précisant que le médecin « fournit à la personne une information adéquate sur le but et la nature de l’intervention ainsi que sur ses conséquences et ses risques ».
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement me semble inutile. En effet, l’article précise déjà à l’alinéa 8 que le médecin explique à la personne demandant l’aide à mourir les conditions d’accès et les modalités de sa mise en œuvre.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1774 de Mme Geneviève Darrieussecq, CS1685 de M. Christophe Bentz et CS1612 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Si la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique, il apparaît nécessaire, par l’amendement CS1774, d’informer le tuteur et, le cas échéant, le conseil de famille.
Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement dispose que lorsqu’une personne est sous mesure de protection juridique, l’information du conseil de famille doit être obligatoire.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos amendements sont déjà satisfaits puisque l’alinéa 8 de l’article 8 prévoit un dispositif similaire, qui est même plus large puisqu’il n’est pas centré sur les seules personnes sous tutelle mais concerne toutes les mesures de protection. En outre, la personne en charge de la mesure de protection, dont l’information est déjà prévue par le projet de loi, fait partie du conseil de famille.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les amendements CS1774 et CS1612 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CS1685.
Amendement CS393 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 6, du fait du rétablissement de la place des soins palliatifs dans la hiérarchie des soins.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis très défavorable.
Vous souhaitez supprimer la proposition d’accès à des soins palliatifs pour les patients demandant l’aide à mourir, ce qui n’est pas du tout notre projet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS670 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il ne s’agit évidemment pas de supprimer l’alinéa 6, mais d’en proposer une nouvelle rédaction, afin de lever toute ambiguïté. Nous proposons d’informer la personne qu’elle « peut bénéficier des soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique » et que l’on « s’assure, si elle le souhaite, qu’elle y accède de manière effective ». Cela permet de préciser que, pour bénéficier de l’aide à mourir, il n’y aura pas besoin de passer par l’étape des soins palliatifs.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est la proposition d’orientation vers les soins palliatifs qui est une obligation, le patient est libre de refuser. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS454 de M. Yannick Neuder
M. Yannick Neuder (LR). L’amendement vise à s’assurer légalement que le médecin propose obligatoirement au patient de bénéficier des soins palliatifs. Le passage par les soins palliatifs diminue de façon significative la demande d’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le présent de l’indicatif a force contraignante. Le médecin est bien obligé de proposer un accès aux soins palliatifs.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1275 de Mme Bérangère Couillard et CS786 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Jean-François Rousset (RE). L’amendement CS1275 est en cohérence avec la volonté du Gouvernement de rénover l’approche de la prise en charge de la douleur et de la fin de vie, en intégrant la notion de soins palliatifs dans celle plus englobante de « soins d’accompagnement ».
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CD786 est un amendement de coordination, qui fait suite au long débat que nous avons eu sur l’article 1er.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement propose d’ajouter la notion de soins d’accompagnement aux soins palliatifs qui doivent être proposés par le médecin. Il me semble que la rédaction actuelle, qui met l’accent sur les soins palliatifs, est suffisante.
Sagesse.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1143 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’ai été interpellé par des associations de personnes en situation de handicap, très inquiètes, après ce qui s’est passé au Canada, où de nombreuses personnes, parce qu’elles étaient en situation de handicap et qu’elles n’avaient pas accès au matériel nécessaire, ont pu réclamer l’aide à mourir. Certains malades de Charcot n’ont pas le matériel adéquat, ce qui accélère leur demande d’aide à mourir. L’amendement vise à insérer à l’alinéa 6, après le mot « publique » : « et, pour la personne en situation de handicap, de tous les dispositifs et droits visant à garantir la prise en charge de ses besoins médicaux, matériels, psychologique et sociaux ».
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre demande est tout à fait louable, mais elle est déjà satisfaite par la rédaction actuelle de l’article 7 qui prévoit une information de la personne sur son état de santé, les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles. Nécessairement, ces informations et les dispositifs d’accompagnement proposés doivent être adaptés à la particularité de la situation de chaque personne. C’est le travail des médecins.
Avis défavorable.
Mme la ministre. La prise en compte des besoins spécifiques de la personne en situation de handicap est une exigence générale qui s’impose à tous. L’information qui devra être donnée à la réception de la demande devra être complète. Chaque personne devra pouvoir se voir proposer des soins palliatifs et les dispositifs d’accompagnement disponibles. Cette information devra s’adapter à chaque situation, forcément singulière. Le handicap sera l’un des paramètres à prendre en compte dans une approche globale. C’est pourquoi je ne crois pas nécessaire de prévoir des dispositifs spécifiques pour la personne en situation de handicap.
Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (LR). Il faut absolument soutenir l’amendement de M. Peytavie. La question n’est pas celle de l’information, qui est un minimum, mais des moyens. Avez-vous les 20 000 euros pour le fauteuil roulant ? Avez-vous les 25 000 euros pour l’ordinateur à commande oculaire ? Sans cela, vous avez raison, la fin de vie est plus compliquée, ce qui peut conduire à des demandes de mort, du fait d’une pression sociale, causée par la pauvreté.
M. Patrick Hetzel (LR). Il ne faut pas que quelqu’un ait recours au suicide assisté par défaut, parce qu’il n’a pas pu avoir accès à tous les dispositifs préalables nécessaires. La question financière est non négligeable. Il faut que tout ait été mis en œuvre préalablement pour limiter l’acte d’euthanasie.
Mme la ministre. Je comprends parfaitement M. Peytavie. Incontestablement, le sujet du traitement personnel est important. Mais, dans la mesure où le texte concerne des personnes en fin de vie, il s’adresse intrinsèquement à des personnes touchées par la perte de leur autonomie, qu’elles aient été ou non en situation de handicap auparavant. Il est donc déjà adapté.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS202 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (LR). L’accès aux soins palliatifs doit être garanti dans un délai court compatible avec l’état du patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage avec vous l’idée que la prise en charge en soins palliatifs doit être très rapide. Cependant, votre amendement me semble inutile. L’obligation du médecin de s’assurer que la personne demandant l’aide à mourir pourra bénéficier de soins palliatifs dans un délai rapide est déjà présente dans le projet de loi. La question de l’offre de soins palliatifs sur le territoire relève moins de la loi que des moyens budgétaires sur lesquels le Gouvernement s’est engagé.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je vois dans cet amendement un appel à ce qu’il y ait deux titres dans le texte : un premier sur les soins palliatifs pour équiper le pays et un second concernant l’aide à mourir.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1712 de M. Philippe Juvin et amendements identiques CS201 de M. Philippe Juvin et CS863 de M. Julien Odoul (discussion commune)
M. Philippe Juvin (LR). J’essaie d’introduire dans ces amendements la notion de délai compatible de l’accès aux soins palliatifs avec l’état de santé du patient. Il est bien écrit que le médecin s’assure que la personne peut accéder aux soins palliatifs. Mais cela ne veut rien dire si elle ne peut y accéder que deux mois plus tard alors que son espérance de vie est d’un mois.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS863 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Justine Gruet (LR). La demande d’aide à mourir est parfois un appel à l’aide, notamment par manque de moyens. Si nous travaillons en commission sur un texte théorique, nous prenons conscience, dans nos circonscriptions, de la difficulté de permettre à tout le monde d’accéder à des soins palliatifs. Cela m’embête que l’on ait plus facilement accès à l’aide à mourir qu’aux soins palliatifs. La prise de décision est faussée.
Mme la ministre. Le Gouvernement s’est engagé à compenser le retard pris dans les soins palliatifs, en créant des unités de soins palliatifs dès l’exercice 2024, alors même que le texte ne sera pas opérationnel, si tant est qu’il soit voté, avant 2025.
L’amendement CS201 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS540 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho (RN). Cet amendement tend à s’assurer que la personne qui effectue la demande d’aide à mourir a pu bénéficier, de manière effective, des soins palliatifs. On le sait, vingt et un départements français en sont dépourvus. La Cour des comptes estime que les besoins en soins palliatifs ne sont couverts qu’à hauteur de 50 %. Il est difficile d’exercer un choix libre et éclairé sur sa fin de vie si on n’accède pas à de tels soins. Nombreux sont ceux qui ont renoncé à l’aide à mourir après en avoir bénéficié. C’est toute l’ambiguïté de ce projet de loi : le Gouvernement n’assure pas des services de soins palliatifs dans tout le territoire avant d’ouvrir le débat sur le suicide assisté et l’euthanasie.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS500 de M. Yannick Neuder et CS203 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Philippe Juvin (LR). Dans le droit-fil de l’amendement CS500, qui vise à préciser que le délai d’accès aux soins palliatifs ne peut excéder quinze jours, mon amendement CS203 a pour objet de compléter l’alinéa 6 par les mots « un délai court ». On ne peut pas fixer un objectif concernant les soins palliatifs sans ajouter qu’il doit être atteint dans un délai réduit, compatible avec la vie du patient. Il faut aller au bout de la démarche.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai du mal à comprendre votre proposition. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (LR). Organiser des soins palliatifs est compliqué – cela prend du temps, de l’énergie et des moyens. En facilitant l’aide à mourir sans permettre l’accès à ces soins, on crée un déséquilibre : il y aura deux poids deux mesures. Parfois, le médecin à qui le patient demandera une aide active à mourir sera dans l’incapacité de proposer des soins palliatifs. Que fera-t-on si le malade utilise la demande d’aide active à mourir pour obtenir ces soins ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1215 de Mme Monique Iborra
Mme Monique Iborra (RE). Le présent amendement vise à préciser que le refus par le patient de bénéficier des soins palliatifs ne peut avoir pour effet une interruption de la procédure, par le médecin.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Comme l’a dit la ministre, il n’y a pas d’obligation de soins palliatifs avant d’accéder à l’aide à mourir. La seule obligation est celle d’une proposition par le médecin. La rédaction du projet de loi semble suffisamment claire sur ce point.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Le terme « propose » ne revêt aucun caractère d’obligation. Demande de retrait.
M. Stéphane Delautrette (SOC). La précision selon laquelle « le refus de la personne ne peut constituer pour le médecin un motif de rejet de la demande » d’aide à mourir est d’une grande utilité. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1051 de M. Stéphane Buchou, CS1999 de Mme Laurence Cristol et sous-amendements CS2027 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS2024 de M. Patrick Hetzel, et amendement CS1467 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)
M. Gilles Le Gendre (RE). L’amendement CS1051 vise à ajouter qu’un suivi psychologique sera proposé à la personne concernée par l’aide active à mourir ainsi qu’à la personne de confiance, sa famille et à ses proches.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mon amendement prévoit que le médecin propose systématiquement un entretien avec un psychologue ou un psychiatre. Le patient peut l’accepter et, le cas échéant, communiquer au médecin les résultats de la consultation. Être atteint d’une pathologie grave et incurable avec un pronostic vital engagé et une souffrance réfractaire crée une situation d’intense vulnérabilité psychique. L’entretien avec un psychologue ou un psychiatre peut permettre d’accompagner le malade vers une meilleure compréhension de sa situation et une prise de décision au plus près de ce qu’il désire.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Par notre sous-amendement, nous ajoutons qu’un accompagnement par un psychologue ou un psychiatre est également proposé à la personne volontaire, désignée par la personne à l’origine de la demande d’aide à mourir.
M. Patrick Hetzel (LR). Mon sous-amendement vise à préciser que des psychologues ou psychiatres agréés auprès de la cour d’appel réaliseront l’entretien, afin de prévenir toute dérive.
Mme Emeline K/Bidi (GDR). L’amendement CS1467 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous suggère de retirer l’amendement CS1051 au profit de mon amendement CS1999 et j’émets un avis défavorable sur les deux sous-amendements.
Mme la ministre. Je donne un avis défavorable à l’amendement CS1051, ainsi qu’un avis de sagesse à l’amendement CS1999 de la rapporteure, qui crée une obligation supplémentaire pour le médecin. Celui-ci devra proposer systématiquement un entretien avec le psychologue ou psychiatre ; le patient n’est en revanche pas obligé d’accepter.
S’agissant du sous-amendement CS2024, un entretien avec un expert agréé auprès de la cour d’appel semble difficile à mettre en place.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je retire l’amendement CS1051. Est-il possible d’élargir l’amendement de la rapporteure aux proches de la personne ayant demandé l’aide à mourir ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Non. Seul le malade est concerné par la proposition d’entretien.
L’amendement CS1051 est retiré.
La commission rejette successivement les sous-amendements CS2024 et CS2027, puis adopte l’amendement CS1999.
En conséquence, l’amendement CS1467 tombe.
Amendement CS1468 de Mme Elsa Faucillon
Mme Emeline K/Bidi (GDR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1686 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS138 de Mme Marie-France Lorho.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS139 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement vise à renforcer le droit de rétractation du patient qui fait le choix de renoncer à la mort en indiquant que personne ne peut se substituer à la décision de ne plus recevoir la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est inutile : la demande de recourir à l’aide à mourir est personnelle. La volonté de la personne doit être recherchée à toutes les étapes de la procédure. Une personne qui contreviendrait ainsi à la volonté de la personne engagerait sa responsabilité pénale.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS832 de Mme Lisette Pollet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS1613 de Mme Annie Vidal et CS615 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement a pour objet de renforcer la transparence et l’information de la personne de confiance, des membres de la famille et des proches, dans les décisions d’aide à mourir, de sorte que ces personnes puissent être présentes le moment venu et assurer une prise de décision plus éclairée.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement vise à garantir une obligation d’information des membres de la famille et de la personne de confiance, afin qu’ils ne soient pas pris au dépourvu. Vingt pour cent des proches d’une personne ayant choisi le suicide assisté souffriraient de troubles post-traumatiques et 16 %, de dépression. L’arrêt Mortier contre Belgique rendu par la CEDH le 4 octobre 2022 témoigne qu’une euthanasie réalisée à l’insu des enfants de la personne peut avoir des effets psychiques désastreux sur ces derniers.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’information de la famille à ce stade de la procédure, alors même que la demande n’a pas fait l’objet d’un examen, est bien trop précoce. Elle ne doit pas non plus être réalisée à l’encontre de la volonté du patient. Dans l’arrêt que vous citez, la CEDH a conclu qu’il n’y avait pas de violation du droit à la vie privée et familiale du fait de la non-information de la famille. Cette obligation d’information serait du reste contraire au secret médical auquel sont tenus les médecins.
Avis défavorable aux deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1687 et CS1815 de M. Christophe Bentz, CS140 de Mme Marie‑France Lorho et CS864 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Christine Loir (RN). Ces amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendement CS141 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1671 de M. Hervé de Lépinau
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS833 de Mme Lisette Pollet, CS1761 de M. Christophe Bentz et CS616 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Ces amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS619 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Amendement CS1689 de M. Christophe Bentz et amendements identiques CS1470 de Mme Elsa Faucillon et CS1609 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1689 est défendu.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Par l’amendement CS1470, nous souhaitons renforcer la traçabilité du processus d’aide à mourir en indiquant que le médecin recevant le malade devra transmettre l’ensemble des informations recueillies dans le cadre de leurs premiers échanges, à la commission de contrôle et d’évaluation prévue à l’article 17.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai répondu précédemment à cette question : l’article 13 dispose déjà que tous les actes liés à la procédure seront enregistrés dans un système d’information pour permettre le contrôle par ladite commission. L’amendement est satisfait.
Avis défavorable.
Les amendements CS1470 et CS1609 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CS1689.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Article 8 : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale
Amendement de suppression CS536 de Mme Marine Hamelet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La procédure d’évaluation de la demande d’aide à mourir prévue par le projet de loi repose sur une évaluation collective et pluridisciplinaire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS2004 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Par cet amendement, nous proposons de codifier l’article dans le code de la santé publique.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS332 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS865 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS865 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces amendements précisant que le médecin doit être volontaire sont satisfaits puisqu’une clause de conscience est prévue.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1515 de M. Hervé de Lépinau
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS671 de Mme Christine Pires Beaune
Mme Christine Pires Beaune (SOC). L’amendement vise à s’assurer que la préfecture, sollicitée notamment pour procéder à la vérification de la condition mentionnée au 2° de l’article 6, répond dans des délais raisonnables, compte tenu de l’engorgement des services.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le médecin pourra se fonder sur tout document d’identité et sur l’affiliation à la sécurité sociale. La précision n’est donc pas utile.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je partage cet avis : dès lors que la personne est affiliée à la sécurité sociale, ce dont le médecin a connaissance, la condition de résidence stable et régulière est remplie. Je suis donc défavorable à l’amendement.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Pourquoi avoir indiqué que le médecin pouvait saisir la préfecture, si la carte Vitale suffit ?
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1932 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS1565 de Mme Brigitte Liso
Mme Annie Vidal (RE). Le présent amendement vise à exclure les personnes en état de sujétion physique ou psychologie du processus d’aide à mourir, en complément de celles atteintes d’une maladie psychiatrique. La mise sous emprise entraîne en effet une altération du jugement et des facultés de discernement. Cet état de fait ne permet pas à la personne de manifester sa volonté libre et éclairée, donc de pouvoir prendre une décision pleinement réfléchie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Outre que cette notion me semble imprécise, le critère d’ouverture de l’aide à mourir aux personnes en capacité d’exprimer leur volonté de manière libre et éclairée répond déjà à cette exigence.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je rappelle que le processus d’aide active à mourir est ouvert à une personne en fonction de sa situation individuelle, non d’une catégorie de pathologies ou de situations. Une évaluation permet l’accès à l’aide à mourir pour des personnes déjà en fin de vie, qui font un choix autonome.
Avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). À l’alinéa 2, il est question des « personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ». Pourquoi ne parle-t-on pas simplement des personnes dont le discernement est gravement altéré ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous aborderons la question très prochainement lors de l’examen de mon amendement CS2000.
Mme la ministre. Cela résulte d’une demande du Conseil d’État, afin de préciser cette exclusion.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1238 de M. Thierry Frappé et CS1816 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Julien Odoul (RN). Les amendement sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS2000 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol (RE). Cet amendement a pour objet de supprimer la référence aux pathologies psychiatriques dans la mesure où d’autres maladies peuvent gravement altérer le discernement de la personne. En outre, cibler particulièrement les pathologies psychiatriques paraît discriminant.
Mme la ministre. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1642 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (RE). Mon amendement vise à exclure les personnes atteintes de handicap mental du champ d’application de l’aide active à mourir. Si l’article exclut les personnes atteintes de maladies psychiatriques de l’accès à cette aide, reconnaissant leur vulnérabilité particulière, il ne prend pas en compte les personnes porteuses de handicap mental qui, bien que parfois juridiquement considérées comme aptes à exprimer leur volonté, peuvent se trouver dans des situations de vulnérabilité similaire.
Ces personnes sont souvent incapables de comprendre pleinement les implications de l’aide à mourir et peuvent être influencées par leur entourage ou par l’ostracisme qu’elles subissent. Selon une étude publiée récemment par Cambridge University Press, des personnes présentant des déficiences intellectuelles ou des troubles du spectre autistique ont été euthanasiées à l’étranger, parfois uniquement sur la base de leur handicap.
Il semble nécessaire de renforcer la protection légale des personnes porteuses de handicap mental en les excluant explicitement du champ d’application de l’aide à mourir, afin de prévenir tout abus potentiel et de garantir que leur vulnérabilité soit dûment prise en compte.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La procédure d’évaluation de la demande permettra de déterminer individuellement et au cas par cas si les personnes présentant un handicap mental sont en capacité d’exprimer une volonté libre et éclairée.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je fais la même lecture de cet amendement, qui est satisfait. J’en demande donc le rejet.
M. Jérôme Guedj (SOC). La classification internationale des maladies ne permet pas de présumer qu’une maladie altèrera gravement le discernement. La rédaction du texte permet-elle de garantir que cette altération puisse relever d’une maladie ou d’un handicap ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous en sommes d’accord, c’est pourquoi j’ai déposé l’amendement qui supprime la maladie psychiatrique à l’alinéa 2, afin de permettre une évaluation au cas par cas des capacités de discernement, qui sont au cœur de la décision et de la volonté libre et éclairée de la personne.
Mme la ministre. Le sujet de fond du texte est la notion de discernement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS210 de M. Philippe Juvin et CS1817 de M. Christophe Bentz
M. Julien Odoul (RN). L’amendement CS1817 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendement CS866 de M. Julien Odoul
M. Julien Odoul (RN). L’adverbe « gravement » étant imprécis, il faut plutôt parler d’un « jugement » altéré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS268 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS582 de Mme Christine Loir, CS397 de M. Patrick Hetzel, CS867 de M. Julien Odoul et CS1818 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Julien Odoul (RN). Les amendements CS268, CS867 et CS1818 sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS455 de M. Yannick Neuder
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1588 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’article 8 prévoit d’exclure l’application de l’aide à mourir pour les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement. Mais cette personne peut avoir indiqué antérieurement dans ses directives anticipées qu’elle souhaitait avoir accès à l’aide à mourir et avoir désigné une personne de confiance. Pourquoi la condamnerait-on à souffrir ?
Il faut se poser la question de l’égalité d’accès à l’aide à mourir. Les directives anticipées ont précisément pour fonction d’exprimer sa volonté pour le cas où l’on ne serait ensuite plus en état de le faire.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’une des lignes directrices du projet réside dans la nécessité pour le patient d’être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Il doit avoir son discernement au moment où il exprime sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir, mais également tout au long de la procédure.
Cette condition permet de garantir que l’aide à mourir reste volontaire et repose sur l’autonomie de la personne. Il ne faut absolument pas remettre en cause le point d’équilibre atteint par ce texte.
Aller plus loin et permettre d’aider à mourir une personne inconsciente ou dont le discernement est profondément altéré poserait de lourdes question éthiques.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS119 de M. Thibault Bazin
M. Philippe Juvin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS843 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement prévoit qu’il appartient au médecin de s’assurer que toutes les conditions requises par la loi sont remplies par le candidat au suicide assisté, y compris celles qui consistent à être âgé d’au moins 18 ans et à être de nationalité française ou à résider de façon stable et régulière en France.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le projet est très clair sur les critères d’accès à l’aide à mourir. Mais il n’est pas nécessaire de mettre en place une procédure collégiale pour vérifier les deux critères que vous avez mentionnés.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS2001 de Mme Laurence Cristol et sous-amendement CS2026 de M. Christophe Marion
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage entièrement le souhait de plusieurs de mes collègues d’assurer le caractère collégial de l’évaluation des critères d’éligibilité d’accès à l’aide à mourir. Cette nécessité a été soulignée par de nombreux intervenants lors des auditions. Elle fait partie des pratiques professionnelles habituelles dans le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), notamment en matière de cancérologie.
Il faut toutefois être clair sur ce que l’on entend par procédure collégiale. Il ne s’agit pas d’orienter la demande vers un collège de médecins, comme certains le proposent. Il est naturel que la demande soit reçue par le médecin choisi par le patient. Il ne s’agit pas non plus de prévoir une prise de décision collégiale, laquelle pourrait être excessivement complexe, bureaucratique et pourrait même conduire à une dilution de la responsabilité des médecins. Du reste, pour les décisions médicales les plus lourdes c’est en général un médecin seul qui décide – même s’il est éclairé pour cela par l’avis de plusieurs de ses collègues.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à renforcer la dimension collégiale et pluridisciplinaire de la procédure en prévoyant que le médecin auprès duquel le patient a introduit sa demande recueille l’avis de professionnels. Toutefois, la décision relève in fine de la responsabilité de ce médecin.
Je souligne que cette procédure collégiale n’est pas si différente de celle qui existe en matière d’arrêt de traitements et de mise en œuvre d’une sédation profonde et continue – alors même que cette procédure peut être mise en œuvre dans des situations où le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté. Dans ce cas, c’est bien le médecin en charge du patient qui prend seul la décision après s’être concerté avec ses collègues.
Je vous invite à adopter cet amendement destiné à améliorer la procédure collégiale, ainsi que les quatre autres qui lui sont liés et dont nous discuterons plus loin.
M. Christophe Marion (RE). J’ai également été sensible aux demandes qui nous ont été faites lors des auditions et qui visent à confier l’examen de la demande d’aide à mourir à une RCP, car cela offre une meilleure prise en charge du patient grâce à la consultation de l’ensemble des professionnels de santé concernés. Un tel dispositif sera en outre plus cohérent, puisque l’arrêt des soins ou la sédation profonde et continue relèvent déjà d’une procédure collégiale.
Néanmoins, certaines des personnes auditionnées ont fait part de leurs craintes sur la possibilité d’appliquer en pratique une telle procédure dans les déserts médicaux. Un autre amendement de la rapporteure prévoit donc que les réunions puissent se tenir en visioconférence. J’y suis favorable, mais cela ne résout pas tout, notamment le problème des agendas surchargés.
C’est pourquoi mon sous-amendement propose que, de manière exceptionnelle, cette procédure collégiale puisse ne pas être appliquée lorsque son organisation empêcherait l’examen de la demande d’aide à mourir ou le respect du délai.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La procédure collégiale est une garantie trop importante pour qu’elle puisse faire l’objet d’une dérogation. Avis défavorable.
Mme la ministre. Les amendements de la rapporteure sont intéressants. Avis favorable au CS2001, sous réserve d’une modification prévoyant que la procédure collective est pluriprofessionnelle, et non pluridisciplinaire. Cela permettra de faire participer les personnels paramédicaux que sont les infirmiers et les aides-soignants, dont l’importance a été soulignée lors de nos débats et qui sont en contact permanent avec les médecins.
Avis défavorable au sous-amendement pour les raisons exposées par la rapporteure.
M. Charles de Courson (LIOT). En apparence, cet amendement va dans le bon sens. Nous étions nombreux à demander que la décision en matière d’aide à mourir soit prise de manière collégiale, comme dans le cas des soins palliatifs.
Mais l’exposé sommaire m’inquiète, car ce qui y est mentionné est différent de ce que laisse croire l’amendement. La procédure n’est pas collégiale, puisque la rapporteure explique que le médecin prend l’avis d’autres médecins et professionnels de santé, mais qu’il décide seul.
Pourriez-vous nous éclairer ? Est-ce vraiment une procédure de décision collégiale, ou s’agit-il seulement de consultations qui précédent la décision ?
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Je remercie la rapporteure d’avoir déposé cet amendement qui nous permet de débattre de la question de la collégialité, alors que la plupart de nos amendements sur ce sujet ont été déclaré irrecevables.
Dans la procédure initialement prévue par le texte, il était indiqué que le médecin consultait un certain nombre d’autres professionnels. Mais on croit comprendre qu’il n’était pas tenu par ces avis, ce qui donnait l’impression que la décision reposait sur une seule personne. Or il s’agit d’une décision grave. Nous aurions souhaité instaurer une collégialité et l’amendement de la rapporteure ne correspond pas tout à fait aux rédactions que nous avions proposées. Mais, en l’état, je voterai en faveur de cet amendement.
Mme Justine Gruet (LR). On ne peut pas faire l’impasse sur une véritable collégialité, qui sécurise la décision du médecin et permette qu’il ne soit pas isolé. Il est nécessaire que cette décision soit prise de manière délibérative et pas seulement après une consultation.
Il est certes parfois compliqué de réunir les professionnels concernés, mais le patient ne doit pas pâtir du manque de ressources médicales.
L’intervention d’un comité d’éthique permettrait également de rassurer la personne qui va effectuer l’acte d’aide à mourir, car elle pourra se dire qu’il ne s’agit pas d’une décision d’une seule personne mais de l’aboutissement d’une mûre réflexion et d’un vote.
Mon amendement CS1951, qui sera abordé plus loin, propose d’ailleurs de porter le délai de réponse de quarante-huit heures à une semaine, afin de permettre à ce comité d’éthique de se réunir.
M. Yannick Neuder (LR). Je suis d’accord avec Mme Gruet : il faut une discussion collégiale pluriprofessionnelle.
Mais, si j’ai bien compris, l’amendement prévoit que la décision finale relève du médecin. Or, dans d’autres domaines, la décision est prise par une équipe médicale, comme c’est par exemple le cas pour des interventions chirurgicales ou pour des chimiothérapies ou radiothérapies. Si la décision en matière d’aide à mourir revient à un seul praticien, on risque d’ouvrir la porte à de nombreuses contestations judiciaires. La collégialité permettrait de sécuriser le dispositif. Ce qui est proposé par l’amendement ne va pas assez loin.
Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les intervenants précédents laissent croire qu’il n’y a pas de collégialité.
Or l’article prévoit que le médecin qui reçoit la demande procède à un examen médical, qu’il recueille obligatoirement l’avis d’un confrère qui n’intervient pas auprès de la personne et spécialiste de la pathologie de celle-ci si lui-même ne l’est pas, mais aussi l’avis d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical. La collégialité est donc bien présente. Avec cet amendement, on va encore alourdir la procédure.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Les alinéas 5, 6 et 7 détaillent déjà les avis que recueille le médecin. Prévoir en outre une procédure collégiale pluridisciplinaire en amont alourdirait la démarche.
Il faudrait donc au minimum adopter le sous-amendement de M. Marion, car on sait combien les médecins traitants sont débordés par la charge de travail. Systématiser une procédure collégiale risque en pratique d’empêcher l’accès à l’aide à mourir.
Je voterai donc contre l’amendement mais pour le sous-amendement, afin qu’il y ait un garde-fou.
M. Jean-François Rousset (RE). La collégialité est une très bonne idée, mais comment la décision va-t-elle être prise ? Un vote ne me semble pas adapté. J’ai participé à de nombreuses RCP et, quand il faut prendre une décision difficile en matière de chirurgie ou de radiothérapie, un consensus se dégage. Mais je n’ai jamais vu procéder à un vote pour une décision médicale.
M. Philippe Juvin (LR). Ce n’est pas parce que l’amendement mentionne une procédure collégiale qu’elle existe en réalité. L’essentiel du texte n’est pas modifié. En pratique, la personne n’ira voir qu’un seul médecin et elle pourra ne consulter personne d’autre. C’est ce médecin qui demandera un avis à un autre médecin, lequel prendra éventuellement connaissance du dossier. Mais on ne peut pas parler de véritable collégialité.
Il existe actuellement deux types de collégialité, qui sont très différentes. Pour entamer un traitement contre le cancer, une RCP est organisée et elle donne lieu à un vote. Lorsqu’il est question d’arrêter un traitement, une équipe de soins pluridisciplinaire en débat, mais in fine c’est un médecin qui décide seul.
L’amendement propose un entre-deux, où en fait il n’y a pas vraiment de collégialité.
On a vu qu’en Belgique certains médecins ne pratiquaient quasiment plus que l’aide à mourir. Le risque pour la personne est de consulter un tel médecin et d’être enfermée dans un colloque en l’occurrence très singulier.
M. Patrick Hetzel (LR). Cet amendement est un leurre et il ne répond pas à notre souhait.
J’insiste sur l’apport de la loi Claeys-Leonetti, qui prévoit une véritable procédure collégiale avant de décider de pratiquer la sédation profonde et continue. Rien de tel n’est prévu pour l’aide à mourir. C’est un véritable paradoxe : il sera plus difficile de pratiquer cette sédation que d’autoriser un suicide assisté. Il y a quelque chose qui ne va pas.
En fait, vous proposez une collégialité Canada Dry. La procédure est présentée comme collégiale mais elle n’en a pas les caractéristiques. C’est la délibération qui doit être collégiale : les professionnels consultés doivent pouvoir débattre ensemble.
Avec cet amendement, il s’agit seulement de consultations et c’est un médecin qui prend la décision. La collégialité, ce n’est pas ça.
Mme Annie Vidal (RE). Je souhaiterais obtenir une précision sur l’amendement, car je ne suis pas certaine de bien comprendre. Avec l’introduction de cette procédure collégiale et pluridisciplinaire, le médecin reste-t-il bien chargé de vérifier les conditions d’accès à l’aide à mourir ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le renforcement de la collégialité que je vous propose est un peu difficile à appréhender car il figure dans plusieurs amendements. Je vais donc récapituler le contenu des quatre autres amendements.
Premièrement, le médecin procède à un examen médical de la personne, sauf s’il estime que ce n’est pas nécessaire et que cela risque de complexifier la procédure – notamment parce que le pronostic vital est engagé à court terme. Deuxièmement, le médecin consulté est nécessairement un spécialiste de la pathologie du patient. Troisièmement, l’avis d’autres professionnels de santé est recueilli, dont celui de professionnels de l’établissement médico-social lorsque la personne y est hébergée. Quatrièmement, la procédure peut être réalisée à distance, afin de faciliter le recueil des avis.
J’ai entendu mes collègues médecins. Je le suis moi-même et je connais parfaitement la procédure de la RCP pour en avoir créé une. Dans mon service, cette collégialité est pluriprofessionnelle : tous les personnels qui entourent le patient peuvent faire part de leur avis, qu’il s’agisse d’infirmiers, d’assistantes sociales ou de nutritionnistes. Mais on ne vote pas en RCP. Après la phase de concertation, il revient au médecin responsable du patient de prendre une décision. Il en sera de même ici.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je suis désolé madame la rapporteure, mais je n’ai rien compris à ce que vous proposez.
Le projet décrit la procédure de manière claire et l’on comprend comment est organisée la collégialité. Les consultations prévues permettent de s’assurer de son caractère pluriprofessionnel.
Vous nous proposez un amendement qui fait lui-même partie d’un ensemble d’amendements, dont on ne sait pas bien où ils sont placés. Cela ne nous permet pas d’avoir une vision précise des évolutions du texte qui pourraient s’en suivre. J’ai surtout l’impression que l’on va alourdir la procédure sans pour autant améliorer la rédaction.
Je voterai pour le sous-amendement de M. Marion, car si l’amendement était voté en l’état, il rendrait l’accès à l’aide à mourir encore plus compliqué.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Je note avec satisfaction que je n’ai plus rien à réclamer, puisque la ministre souligne elle-même qu’il faut se référer à la pluridisciplinarité – ce qui permet de reconnaître le rôle joué par les aides-soignantes.
Comme nous ne doutons pas que la correction demandée par la ministre sera faite, nous voterons en faveur de l’amendement de la rapporteure. Ce dernier est suffisant et nous ne voterons pas pour le sous-amendement.
M. Yannick Neuder (LR). Je n’ai jamais dit qu’on devait voter au sein des RCP, madame la rapporteure.
Je souligne que la Haute Autorité de santé exige que la décision d’implanter une prothèse valvulaire aortique par voie percutanée soit prise par une équipe composée de trois médecins – le cardiologue, le gériatre et l’anesthésiste. Pourquoi ne prévoirait-on pas des garanties équivalentes lorsqu’il s’agit de l’aide à mourir ? Cela ne ralentirait pas davantage les procédures que lorsqu’il faut opérer un patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les pratiques professionnelles diffèrent selon les spécialités. En oncologie, nous avons l’habitude de prendre des avis de manière concertée.
Je confirme que, dans le dispositif que je propose, la décision est prise au bout du compte par le médecin en charge du patient.
Je précise que je suis favorable à la rectification proposée par Mme la ministre, et donc à la substitution du mot « pluriprofessionnelle » au mot « pluridisciplinaire ».
Mme la ministre. Je souhaite revenir sur la manière dont la décision est prise par le médecin après une concertation. Cette dernière est bien collégiale.
Qu’entendent certains lorsqu’ils évoquent la collégialité ? Qui doit donner son avis ? La décision devrait-elle être prise à la majorité ou à l’unanimité ? On voit bien que tout cela serait très compliqué en pratique et pourrait aussi poser une question éthique.
La rapporteure propose d’affirmer le caractère collégial de la procédure, mais la décision finale appartient au médecin. Cela s’apparente à la procédure prévue en matière d’arrêt de traitement. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à cet amendement rectifié.
La commission rejette le sous-amendement puis adopte l’amendement CS2001 rectifié.
Amendement CS868 de M. Julien Odoul
M. Julien Odoul (RN). Il faut insister sur le fait que seul un médecin volontaire peut pratiquer un acte d’euthanasie, afin de protéger les soignants et d’informer nos concitoyens.
Une enquête menée en 2019 par le Bureau central de la statistique des Pays-Bas – où l’euthanasie est légalisée depuis 2001 – a en effet révélé que plus d’un tiers des Néerlandais pensaient qu’un médecin ne devait pas pouvoir faire valoir une objection de conscience en matière d’euthanasie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le texte est suffisamment clair. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
*
* *
12. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 9 heures (article 8 [suite] à article 9)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([13]).
Article 8 (suite) : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale
Amendement CS1521 de M. Hervé de Lépinau
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1474 de Mme Emeline K/Bidi et CS788 de M. Charles de Courson, amendements identiques CS478 de M. Yannick Neuder, CS1168 de M. Thibault Bazin, CS1620 de Mme Annie Vidal et CS1777 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Mon amendement précise que les avis recueillis par le médecin doivent être écrits et motivés. Toutefois, nous avons voté hier soir la collégialité de la procédure : je m’interroge donc sur la nécessité de le maintenir. J’aimerais avoir l’avis de la rapporteure ou de la ministre sur ce point.
M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit de préciser que l’avis doit être écrit afin de tenir compte de l’éventualité d’un recours.
M. Yannick Neuder (LR). Je ne peux pas laisser dire que nous avons adopté hier le principe de la collégialité : nous avons seulement prévu une consultation pluriprofessionnelle. C’est d’ailleurs paradoxal car nombre de décisions médicales et chirurgicales beaucoup moins importantes pour le patient nécessitent des décisions prises soit par un staff, soit par une unité de concertation. La procédure pour obtenir une valve cardiaque est par exemple plus contraignante – il faut recueillir les avis d’un cardiologue, d’un gériatre et d’un médecin anesthésiste –, alors que pour bénéficier de l’aide active à mourir, il suffit d’un seul avis médical qui fera foi dans la décision. Comment l’expliquerez-vous aux équipes soignantes pluriprofessionnelles et surtout aux patients ?
M. Thibault Bazin (LR). Je dois avouer que l’inquiétude me gagne : après avoir fait disparaître les conditions strictes de consentement et remplacé « court ou moyen terme » par l’expression beaucoup plus vague de « phase avancée ou terminale », vous avez totalement éliminé la notion de pronostic vital engagé. Ce texte risque d’être le plus permissif au monde. C’est très inquiétant pour les soignants.
L’amendement que je propose prévoit que cette procédure devra laisser une trace écrite, comme les arrêts de traitement et la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Faites au moins cela !
Mme Annie Vidal (RE). Il s’agit de préciser que l’avis du médecin sera formulé par écrit comme en Belgique et aux Pays-Bas, afin de renforcer la traçabilité de la procédure et de faciliter la révision des décisions médicales.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Le projet de loi demande beaucoup aux médecins et aux soignants. Ils doivent être protégés face à la judiciarisation qui ne manquera pas de se développer. Puisqu’un traçage numérique est prévu, il faut que les comptes rendus soient approuvés par tous ceux qui composent le collège et signés de façon numérique. Cela me semble nécessaire pour ne pas mettre les soignants en difficulté.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Concernant la collégialité, la procédure mise en place est semblable à une réunion de concertation pluridisciplinaire, qui est très différente d’un staff. Par ailleurs, le choix de remplacer « à court ou moyen terme » par « en phase avancée ou terminale », dont je ne suis pas sûre qu’il soit meilleur, n’étend pas le périmètre de cette disposition. Enfin, l’article 13 prévoit de façon exhaustive la traçabilité des actes.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur Bazin, je vous invite à lire l’article L. 1111‑12 du code de la santé publique. Cela vous permettra de constater que ce qui a été adopté hier est plus restrictif que ce qui était proposé initialement, contrairement à ce que vous avez pu lire cette nuit – je vois fort bien à quel courrier vous faites allusion. Nous nous inscrivons dans la logique du patient en extrême fin de vie ; c’est tellement vrai que cet article du code sert aujourd’hui à l’arrêt des traitements. C’est cela que les parlementaires ont voté à l’alinéa 4 de l’article 6. Il est important que vous soyez informé des débats qui furent les nôtres hier.
S’agissant de la traçabilité des décisions, la question est celle de l’expertise médicale faite par un médecin qui doit ensuite prendre l’avis d’un médecin de spécialité s’il n’est pas lui-même médecin de spécialité, et d’un personnel paramédical. L’article 13 précise bien que chacun des actes donne lieu à un enregistrement par les professionnels concernés dans un système d’information : c’est donc bien un écrit.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS841 de M. Charles de Courson et CS869 de M. Julien Odoul
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement concerne la clause de conscience. Il s’agit de rappeler que le médecin consulté doit être volontaire.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Un médecin qui souhaiterait faire jouer sa clause de conscience doit être protégé. Il apparaît primordial de préciser dans le projet de loi que seul un médecin volontaire ou qui consent à pratiquer l’euthanasie peut répondre à une demande. L’Ordre national des médecins a rappelé l’importance de cette clause.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS1074 de Mme Sandrine Rousseau et CS1546 de M. Thomas Ménagé
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Il s’agit de préciser que le médecin consulté ne doit présenter aucun lien hiérarchique avec le médecin chargé de l’appréciation de la demande, afin que son avis soit libre et éclairé.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1546 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cela peut compliquer la tâche du médecin s’il souhaite consulter un praticien dans son propre établissement. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Thibault Bazin (LR). Tout comme vous le faites certainement, madame la ministre, nous nous tenons informés des débats même lorsque nous sommes absents. Je viens de relire l’article L. 1111-12 du code de la santé publique. Il concerne les malades refusant un traitement et les malades en fin de vie. Or, nous débattons des personnes atteintes d’une affection grave et incurable mais dont le pronostic vital n’est pas engagé, et qui peuvent vivre encore cinq, dix ou quinze ans.
La commission rejette les amendements.
L’amendement CS1619 de Mme Annie Vidal est retiré.
Amendement CS1622 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (RE). L’amendement précise que le médecin volontaire est étranger à l’équipe chargée du patient et que s’il doit être compétent dans le domaine de l’affection en cause, il n’est pas obligatoirement un spécialiste ou un expert. Cette formulation reprend tout simplement les dispositions de l’article R. 4127‑37‑1 du code de la santé publique, relatif à la déontologie médicale, sur la notion de médecin consultant.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La notion de médecin compétent est plus floue que celle retenue dans le texte. Avis défavorable.
Mme la ministre. La notion de compétence dans le domaine de l’affection en cause ne semble pas assez précise car elle ne se rapporte à aucun référentiel médical, au contraire du spécialiste.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement CS2017 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il s’agit de préciser que le médecin consulté est un spécialiste de la pathologie du patient, même si le premier médecin l’est également. L’avis de deux spécialistes est de nature à renforcer la qualité de l’évaluation de la demande.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS790 de M. Laurent Panifous
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement précise que le médecin consulté sur l’évaluation de la demande d’aide à mourir ne doit pas avoir de lien hiérarchique avec le premier médecin. Il s’agit de la formulation retenue dans le cadre de la procédure collégiale prévue pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cela peut rendre la procédure compliquée quand il s’agit de médecins travaillant dans un même établissement. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je ne comprends pas ce refus : il me paraît important que le médecin émettant un avis ne soit pas soumis à un lien hiérarchique afin que le premier médecin ne puisse orienter son évaluation. Cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent travailler dans le même cabinet, dès lors que cette garantie est apportée.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Lien hiérarchique ou pas, quand on est médecin, on donne son avis. Il faut faire confiance au corps médical.
M. Yannick Neuder (LR). On ne doit vraiment pas travailler dans les mêmes hôpitaux ! Qu’il s’agisse d’une unité de concertation ou d’un staff, quand on prend une décision importante comme une intervention de chirurgie cardiaque ou un suicide assisté, la parole de l’assistant chef de clinique, qui a un ou deux ans d’expérience une fois thésé, sera moins entendue que celle du médecin anesthésiste ou du chirurgien qui a vingt‑cinq ans de pratique. C’est bien l’intérêt de ces staffs, qui ont une visée pédagogique puisque nos étudiants y assistent, qu’il y ait une hiérarchisation. Je voudrais mettre fin à un fantasme : on ne vote ni dans les staffs ni dans les unités de concertation. Le dossier médical du patient indique que la décision a été prise non par un médecin, mais par l’unité de concertation ou par le staff. Cela évite d’ailleurs la judiciarisation évoquée par Mme Darrieussecq.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS1475 de M. Pierre Dharréville, CS496 de M. Yannick Neuder et CS2016 de Mme Laurence Cristol (discussion commune)
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). L’amendement CS1475 précise que le médecin doit examiner la personne et accéder à son dossier médical avant de notifier son avis motivé pour l’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mon amendement prescrit que le médecin consultant examine en principe la personne, sauf s’il ne l’estime pas nécessaire, afin de ne pas alourdir inutilement la procédure, notamment lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. Le but est de renverser la logique du texte en précisant que, par principe, le médecin examine le patient.
Avis défavorable sur les deux premiers amendements.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). Je voudrais dire en préambule combien la journée d’hier a été, de notre point de vue, une journée noire, dont le bilan est catastrophique. Pronostic vital engagé supprimé, demande d’euthanasie inscrite dans les directives anticipées, « moyen terme » remplacé par le terme plus vague de « phase avancée », euthanasie par un proche maintenue, volontariat du soignant rejeté. Nous devons mesurer à quel point nous avons fait sauter des digues.
S’agissant de cet amendement, je ne comprends pas : pourquoi indiquer « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire » ? Dans les auditions de la commission spéciale, beaucoup de médecins ont dit qu’on ne pouvait pas donner un avis sans voir le malade.
M. René Pilato (LFI - NUPES). J’aimerais que l’on s’astreigne à acter ce qui a été voté démocratiquement. Se plaindre de tout ce qu’il s’est passé les jours précédents ne changera pas le vote. Plutôt que d’en parler à chaque prise de parole, je vous invite à amender le texte qui viendra en séance publique et à faire confiance à la démocratie.
Mme Annie Genevard (LR). Je ne sais pas si la composition de cette commission est démocratique !
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Madame Genevard, la démocratie suppose le respect de l’indépendance de chaque groupe dans la composition de la commission.
Mme Cécile Rilhac (RE). Les groupes sont maîtres dans le choix des députés qui composent cette commission et il me semble, au vu de ce que j’observe, que cela a été respecté, quels que soient les positionnements des uns et des autres, plus ou moins maximalistes, vis-à-vis de ce projet de loi.
Je trouve l’amendement de la rapporteure intéressant car il facilite la vie des patients en évitant l’empilement de démarches administratives et en leur épargnant un nouveau passage devant le médecin. Le dossier médical est tellement bien constitué qu’il suffit de le lire, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la personne.
M. Thierry Frappé (RN). Déontologiquement, un médecin doit examiner le patient. L’aide à mourir étant un acte important, le minimum est que le médecin le voie effectivement. Je ne suis donc pas d’accord avec le terme « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire ».
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Il convient de clarifier cette disposition : l’avis d’un second médecin est sollicité par un premier médecin qui, lui, aura examiné le patient. L’expertise de ce second médecin lui permet de juger à partir du dossier médical. De plus, cet amendement n’exclut rien parce qu’il pourra, s’il l’estime nécessaire, examiner le patient.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Sans doute suis-je de la vieille école mais, pour moi, la base de l’acte médical, c’est l’examen clinique du patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. S’agissant de la procédure collégiale, tous les médecins présents dans une réunion de concertation n’ont pas examiné le patient. Cela permet de prendre du recul et d’assurer une certaine objectivité quand il y a des décisions difficiles à prendre, qui mettent en jeu la vie du patient. C’est donc très complémentaire.
Mon amendement pose le principe de l’examen du patient mais permet d’envisager de pas le faire lorsque cela s’avère impossible, par exemple sur du court terme. Il ne s’agit donc pas de refuser quoi que ce soit mais de bénéficier de la collégialité pour porter un regard neuf sur un dossier délicat.
Mme la ministre. Sans refaire le débat d’hier, il faut clarifier certains points. Le volontariat médical a été maintenu dans le texte. Les directives anticipées ne suffisent pas pour bénéficier de l’aide à mourir. Il est important de rappeler qu’à tous les stades, et jusqu’au moment de l’administration du produit létal, c’est la volonté du patient qui prime. Nous écoutons et nous respectons les convictions de chacun. Le texte évolue au cours de son examen en commission. Il est important, d’un point de vue démocratique, de respecter la volonté exprimée par les législateurs.
M. Yannick Neuder (LR). Le sens de ces amendements était de remettre l’examen clinique au cœur de la consultation médicale. C’est aussi l’objectif de la réforme en cours du troisième cycle des études de santé car nous constatons que les étudiants passent plus de temps devant leurs écrans que devant les malades. Ce sont les dangers du numérique. Ne pas replacer l’examen clinique au cœur de la pratique médicale est une erreur.
La commission rejette successivement les amendements CS1475 et CS496, puis adopte l’amendement CS2016.
En conséquence, les amendements CS1775 de M. Philippe Vigier, CS479 de M. Yannick Neuder, CS58 de Mme Emmanuelle Ménard, CS143 de Mme Marie-France Lorho, CS299 de M. Fabien Di Filippo, CS1621 de Mme Annie Vidal et CS1126 de M. Thibault Bazin tombent.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1624 de Mme Annie Vidal.
Amendement CS816 de M. Raphaël Gérard
M. Joël Giraud (RE). Cet amendement autorise l’examen du patient et le recueil de l’avis du médecin par téléconsultation. Mais il me semble que nous avons adopté une disposition en ce sens hier. Si vous me le confirmez, je retire mon amendement.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous le confirme.
L’amendement est retiré.
Amendement CS916 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1169 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Les auxiliaires médicaux et les aides-soignants ne doivent pas être impliqués dans la procédure de mort administrée. De plus, ils ne peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires ordinales comme le prévoit l’article 17, ces professions n’étant pas organisées en ordre professionnel.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis surprise par votre amendement. Le texte s’ouvre à l’avis non seulement d’un deuxième médecin spécialiste mais également des soignants, ce qui a toute sa pertinence compte tenu de leur connaissance du patient. Consulter plusieurs professionnels est gage d’expertise.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Nous avons souvent évoqué le sujet de la place des paramédicaux. Les aides-soignants et infirmiers, en contact quotidien avec les patients, les entendent s’exprimer dans ces moments de vie. Il est important d’entendre leur voix.
Avis défavorable.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Monsieur Bazin, vous avez dit que vous aviez passé beaucoup de temps à discuter avec les collègues des services de soins palliatifs. Ils ont dû vous expliquer que, bien souvent, quand les médecins discutent en réunion des patients, ils reviennent en courant avec les dossiers sous le bras pour demander aux équipes paramédicales si la personne souffrait pendant la toilette ou si elle avait des difficultés à déglutir. Les aides‑soignants et les auxiliaires médicaux ont toute leur place dans cette collégialité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1234 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Mon amendement a pour objectif d’ajouter l’infirmier à l’auxiliaire médical plutôt que de regrouper tout le monde sous le même terme.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Un infirmier relève de la catégorie des auxiliaires médicaux, tout comme un kinésithérapeute ou un psychologue. Votre amendement est donc satisfait.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). Je peine à comprendre pourquoi on recueille obligatoirement l’avis d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant alors que la consultation d’autres professionnels, notamment psychologues et infirmiers, n’est qu’une possibilité. Leurs avis ont pourtant toute leur importance.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Chaque cas étant particulier, l’objectif du texte est de s’adapter aux malades. Il me semble donc pertinent de pouvoir décider, au cas par cas, de ce qui est le mieux pour le patient, qui est au cœur de la décision.
Mme la ministre. L’article 8, dans son alinéa 5, impose de recueillir obligatoirement l’avis d’un autre médecin et, dans son alinéa 6, d’un personnel paramédical. Quant à l’alinéa 7, il ouvre la possibilité au médecin de consulter tous les professionnels dont il estime l’avis important.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS542 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Un auxiliaire médical ou un aide-soignant pourrait accompagner le médecin dans le cadre de la procédure visant à mettre fin à la vie d’une personne. Il faut préciser qu’il doit intervenir auprès du patient depuis une période suffisamment longue pour bien le connaître. À défaut, toute personne ayant été au service du patient, même de manière superficielle, pourrait participer à cette procédure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La notion de « période suffisamment longue pour le connaître » me semble floue et ne correspond pas à la réalité. De plus, le projet de loi précise déjà que le professionnel consulté doit intervenir auprès de la personne, ce qui semble suffisant.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Thibault Bazin (LR). La question de la temporalité est importante. Je tiens à rassurer Mme Fiat : je ne suis pas opposé au principe de recueillir et de prendre en considération l’avis des aides-soignants, bien au contraire. Je pose toutefois la question de la cohérence de l’alinéa 6 avec l’article 17 concernant les sanctions disciplinaires quand il existe un ordre professionnel. C’était là le sens de mon amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS113 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de préciser que les personnes amenées à donner un avis doivent avoir rencontré physiquement la personne demandant une aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les alinéas de l’article 8 prévoient bien que ces professionnels interviennent auprès de la personne. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1591 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques CS1052 de M. Stéphane Buchou et CS1803 de M. François Gernigon, amendements CS721 de M. Raphaël Gérard, CS1498 de Mme Danielle Simonnet et CS1641 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Un patient peut avoir rédigé des directives anticipées et désigné une personne de confiance en plein discernement. Il est important, dans le cas où une procédure d’aide à mourir est enclenchée, de recueillir l’avis de la personne de confiance.
M. Gilles Le Gendre (RE). L’amendement CS1052 propose de recueillir l’avis de la personne de confiance avant que le médecin formule son avis. Cela me semble utile compte tenu du lien particulier que cette personne de confiance entretient avec le patient.
M. François Gernigon (HOR). Mon amendement a pour objectif de permettre au médecin, lors de la procédure d’examen de la demande, de disposer de l’avis de la personne de confiance, connaisseuse des volontés du demandeur.
M. Joël Giraud (RE). L’amendement proposé par Raphaël Gérard rend obligatoire le recueil de l’avis de la personne de confiance désignée par le patient.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Avec l’amendement CS1498, c’est le même argumentaire que pour un amendement précédent qui, miracle, n’avait pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.
Mme Annie Vidal (RE). Il s’agit, dans cette procédure qui se veut collégiale, de recueillir l’avis de la personne de confiance ou, à défaut, de son proche aidant. Pour avoir malheureusement fréquenté beaucoup de services d’oncologie et d’unités de soins palliatifs, je peux témoigner du fait que l’une et l’autre sont associés au parcours du patient. Elles ne le seraient pas ici alors que les enjeux sont importants et qu’il leur faudra peut-être faire le geste final. Le médecin ne sera pas obligé d’aller dans leur sens, mais il me paraît impensable de ne pas les consulter dans un parcours aussi complexe, difficile et important.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis très défavorable.
Le rôle de la personne de confiance est d’assister le patient avec son accord lors de ses démarches médicales ou d’exprimer sa volonté lorsqu’il n’est plus en mesure de le faire. Or, nous parlons ici d’une personne en mesure d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée. Si ce texte est équilibré, c’est parce que les mots sont pesés. La volonté du patient est exprimée de manière libre et éclairée à plusieurs reprises, notamment lorsque la procédure arrive à son terme. Il n’y a pas lieu d’associer la personne de confiance si cela n’est pas la volonté du patient. Ne mélangeons pas les situations. En l’occurrence, nous devons aussi protéger le malade car il peut y avoir des abus.
Mme la ministre. Ce texte spécifique est centré sur deux personnes : le patient qui exprime sa volonté ; le médecin qui expertise sa situation pathologique afin de déterminer s’il est ou non éligible à l’aide à mourir. Dans cet article 8, nous en sommes à déterminer le rôle du professionnel de santé, son lien avec le patient. Certains d’entre vous ont évoqué à plusieurs reprises le risque potentiel d’influence d’une personne extérieure. Nous indiquons ici que le patient exprime sa volonté libre et éclairée, sans autre intervenant.
Je suis très défavorable à ces amendements.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). Dans ces propositions, le plus gênant est le caractère obligatoire de la consultation. On infantilise le patient comme si le fait qu’il soit en fin de vie l’empêchait d’avoir une totale liberté de conscience. Il n’a peut-être pas actualisé la déclaration désignant sa personne de confiance. Mme Fiat nous disait qu’elle en avait déjà changé deux fois ! Imaginez que j’aie désigné mon ancien compagnon, puis oublié de modifier ma déclaration au moment de la rupture. On lui demanderait son avis si j’étais en fin de vie ? Cela me semble compliqué... (Sourires.)
Mme. la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Que personne ne commente les propos de Mme K/Bidi !
Mme Annie Vidal (RE). Quand on accompagne quelqu’un en train de mourir, ce n’est vraiment pas drôle !
M. René Pilato (LFI - NUPES). Dans le cadre de la collégialité, la consultation de la personne de confiance est une corde supplémentaire à l’arc dont disposera le médecin pour prendre sa décision. Nous lui demandons de recueillir l’avis de la personne de confiance, mais rien ne l’oblige à s’y conformer. C’est un peu ce que nous faisons ici : nous recueillons les avis des uns et des autres, même ceux de nos adversaires politiques, avant que chacun ne décide en son âme et conscience. On peut découvrir une chose à laquelle on n’avait pas pensé. L’ajout de la personne de confiance dans le collège ne nuit pas s’il est destiné à apporter des informations au médecin pour l’aider à se forger son opinion.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Mes chers collègues, compte tenu de la place de vos amendements dans le texte, leur adoption reviendrait à demander à la personne de confiance d’exprimer un avis médical : les douleurs sont-elles réfractaires ? La maladie a‑t‑elle progressé pour en arriver à un stade terminal ? Ce n’est pas le rôle de la personne de confiance. Rappelons aussi que cette procédure d’aide à mourir concerne des personnes capables d’exprimer leur volonté de manière libre et éclairée. S’il s’agissait d’une personne inconsciente, je serais d’accord. En l’occurrence, ce serait infantiliser le patient, comme l’a expliqué Mme K/Bidi.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’abonde dans le sens de ma collègue Fiat. Alors que texte est construit autour de la volonté de la personne, pourquoi irait-on demander l’avis de quelqu’un d’autre ?
M. Thibault Bazin (LR). Pour ma part, je rejoins Annie Vidal qui se place dans le cadre d’un parcours auquel le proche aidant a participé, alors qu’il n’est pas toujours la personne de confiance désignée à un moment donné. Compte tenu des échanges qu’ils ont pu avoir avec le patient, notamment dans des parcours en cancérologie, ces proches aidants pourraient être consultés.
M. Gilles Le Gendre (RE). Sensible aux arguments développés, je vais prendre sur moi de retirer l’amendement du collègue Buchou.
Mme la ministre. Je tiens à insister, une fois encore, sur un point majeur : nous sommes dans une logique où le patient exprime sa volonté de manière libre et éclairée. Si vous placez une personne, quelle qu’elle soit, entre le médecin et le patient, vous prenez le risque d’une forme d’influence. Certains d’entre vous ont d’ailleurs évoqué les risques de judiciarisation ou les problèmes d’actualisation de la déclaration de personne de confiance. Cela ne veut pas dire que nous ne respectons pas les proches, les gens qui accompagnent le patient.
Avis défavorable.
Les amendements CS1052, CS1803 et CS721 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements CS1591, 1498 et 1641.
Amendement CS1073 de Mme Sandrine Rousseau
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Toutes les maladies psychiatriques ne donnent pas nécessairement lieu à une altération totale du discernement. Aussi une personne atteinte d’une maladie psychiatrique peut-elle remplir les conditions d’accès d’aide à mourir et être capable d’exprimer une volonté libre et éclairée. On peut être atteint d’une pathologie douloureuse qui n’a aucun lien avec la maladie psychiatrique. C’est pourquoi, sans supprimer l’exclusion des personnes dont la maladie psychiatrique altère gravement le discernement, nous proposons qu’en cas de maladie psychiatrique ne l’altérant que partiellement, le médecin chargé d’apprécier les conditions d’accès recueille l’avis d’un psychiatre afin de qualifier la volonté libre et éclairée de la personne.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous avons déjà abordé ce sujet particulier lors de nos débats sur l’alinéa 2 de ce même article. La consultation systématique d’un psychiatre alourdirait la procédure alors même que le projet de loi n’exclut pas que ces personnes aient accès à l’aide à mourir en fonction de leur discernement. Le caractère libre et éclairé de leur volonté sera examiné dans la même procédure que pour toutes les autres personnes. En outre, le texte permet au médecin de recueillir l’avis d’un psychiatre s’il l’estime nécessaire. Je suis favorable de manière générale à ce qu’un psychiatre soit sollicité, mais je ne pense pas qu’il faille le réserver aux personnes atteintes de pathologies psychiatriques. Votre proposition introduit une différence de traitement susceptible de compliquer l’accès à l’aide à mourir pour ces personnes.
Avis défavorable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Comme je l’ai dit hier lors de nos échanges sur l’alinéa 2, on ne peut pas exclure des personnes atteintes de maladies psychiatriques mais souffrant aussi d’une autre pathologie qui pourrait leur donner accès à l’aide à mourir. Nous allons insister pour que ces personnes puissent bénéficier de cette procédure.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). On donne souvent peu de crédit aux paroles des patients atteints de maladies psychiatriques, ce qui rend d’autant plus importante la consultation d’un psychiatre. Il s’agit de protéger l’accès de ces personnes au droit à mourir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS458 de M. Yannick Neuder
M. Yannick Neuder (LR). Compte tenu de l’importance du consentement libre et éclairé, je souhaite que soit précisé le sort réservé aux personnes sous tutelle et curatelle. Ce placement indique qu’elles ne sont pas aptes à prendre certaines décisions de façon libre et éclairée. Dès lors, faut-il inclure un juge des contentieux de la protection dans le processus décisionnaire les concernant ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous ne souhaitons pas judiciariser une procédure médicale. La saisine d’un juge ne me semble pas opportune pour apprécier ces critères : il devrait se référer lui-même à l’avis d’un médecin. Cela risque d’allonger la procédure pour les majeurs protégés et donc d’entraver leur accès à ce droit. Rappelons que la loi en vigueur prévoit l’autorisation du juge des contentieux de la protection pour des actes médicaux graves concernant un majeur protégé. Cette autorisation se justifie par la nécessité de vérifier son aptitude à exprimer une volonté libre et éclairée dans des hypothèses où il n’existe pas de mécanismes de vérification de cette aptitude. Or, le projet de loi prévoit déjà une procédure pour vérifier la volonté libre et éclairée de la personne. Il n’y a pas lieu d’y ajouter la saisine d’un juge.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Raisonnant par analogie, je rappelle que le juge des contentieux de la protection ne donne pas d’avis ou d’autorisation en matière de sédation profonde et continue.
Avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). On peut hésiter par respect du parallélisme des formes. Cela étant, le jugement désignant un tuteur ou curateur contient-il des éléments relatifs à notre débat ? J’en doute. Un juge des contentieux de la protection peut-il dire que vous n’avez pas votre liberté de décision dans ce domaine ? Si ce n’est pas le cas, le parallélisme des formes n’a pas à s’appliquer.
M. Hervé de Lépinau (RN). Lorsque vous êtes incapable majeur, on part du principe que vous devez être assisté dans les actes de la vie courante. Cette assistance porte généralement sur des questions matérielles telles que la gestion du compte en banque. Mais elle peut aller au-delà : le tuteur pourra, par exemple, saisir le juge dans l’hypothèse d’un placement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et on entre alors dans un domaine lié au bien-être et à la santé. La protection doit s’étendre à cette décision irréversible. Vous allez placer deux tiers, le tuteur et le juge des contentieux de la protection, dans une très grave difficulté d’appréciation.
Mme la ministre. Pour tenir compte de la situation de vulnérabilité des majeurs protégés, qui bénéficient d’une mesure de protection à la personne, assistance ou représentation, nous avons prévu des garanties supplémentaires conformément aux recommandations du Conseil d’État. Tout d’abord, le majeur protégé doit indiquer au médecin qui reçoit la demande d’aide à mourir qu’il bénéficie d’une mesure de protection ; c’est l’article 7, alinéa 3. Ensuite, le médecin informe la personne chargée de la mesure de protection que le majeur protégé a adressé une demande d’aide à mourir. Il tient compte des observations formulées par la personne chargée de la mesure de protection ; c’est l’article 8, alinéa 8. Enfin, le médecin indique à la personne chargée de la mesure de protection le sens de sa décision ; c’est l’article 8, alinéa 9. Le texte contient donc des mesures précises concernant les majeurs protégés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1170 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Si la personne en charge d’une mesure de protection ne réagit pas, on considère que son silence vaut acceptation et qu’elle consent. On l’informe mais on ne demande pas son accord.
Quant à mon amendement, je le considère défendu car il a trait à un sujet déjà évoqué.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous avons, en effet, déjà discuté de ce sujet. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS2015 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je propose de renforcer la collégialité de la procédure en donnant au médecin la possibilité de consulter les professionnels de l’établissement médico-social où est hébergée la personne qui fait la demande.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CS1239 de Mme Nicole Dubré‑Chirat et CS672 de Mme Christine Pires Beaune tombent.
Amendements CS1075, CS1076, CS1077 et CS1078 de Mme Sandrine Rousseau, amendement CS1341 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je retire les amendements CS1075, CS1076, CS1077, CS1078 et CS1079, qui n’ont plus lieu d’être car ils font référence à la notion de « court et moyen terme », supprimée hier.
Quant à l’amendement CS1341, il crée un protocole dérogatoire pour ouvrir l’accès au dispositif d’aide à mourir aux mineurs sur la base de conditions spécifiques définies par la Haute Autorité de santé (HAS). Un amendement de coordination est prévu à l’article 18. Je remercie tous les collègues qui, lors de nos précédents échanges sur ce sujet difficile, se sont exprimés pour que nous ayons un débat apaisé. Il n’est pas de plus grand drame pour un parent que de perdre son enfant. Alors imaginez ce que cela signifie de le voir souffrir d’une maladie incurable qui engage sa vie, de le voir en grande souffrance à la fin de sa vie.
Des protocoles médicaux d’aide à mourir pour les mineurs existent aux Pays-Bas et en Belgique, ce qui prouve qu’il est possible de mettre en œuvre une procédure éthique pour eux. Contrairement à ce que prétendent certains, cela ne constitue absolument pas une dérive car, fort heureusement, les cas sont très rares. Il est néanmoins important de réagir à la situation de mineurs qui souffrent autant que les majeurs d’une affection grave et incurable, et dont les douleurs sont réfractaires à tout traitement. Il faut réfléchir à une application spécifique et prévoir des précautions particulières définies par la HAS. Rappelons d’ailleurs que la sédation profonde et continue, permise par la loi du 2 février 2016, s’adresse à tous les patients sans aucune condition d’âge. Aucune condition supplémentaire n’est exigée pour les mineurs.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous avons discuté des critères d’accès à l’aide à mourir lors de l’examen de l’article 6. Je réitère un avis fermement défavorable concernant l’inclusion des mineurs dans le dispositif d’aide à mourir. Leur exclusion repose sur des considérations éthiques : ils n’ont pas la capacité des adultes à exprimer une volonté libre et éclairée. Elle se fonde aussi sur des raisons scientifiques : les jeunes patients peuvent avoir des perspectives de guérison différentes de celles des adultes.
Mme la ministre. Nous avons déjà eu ce débat. Avis très défavorable.
M. Thierry Frappé (RN). Alors que nous protégeons la santé mentale des adolescents et que nous reconnaissons qu’ils peuvent avoir des troubles de l’humeur, il est proposé de leur donner accès à l’aide à mourir. Ce n’est ni la bonne réponse ni le bon moment.
Les amendements CS1075, CS1076, CS1077 et CS1078 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CS1341.
L’amendement CS1079 est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1477 de Mme Emeline K/Bidi.
Amendement CS1586 de Mme Anne Bergantz
Mme Anne Bergantz (Dem). Cet amendement n’a pas fait l’objet d’une discussion commune avec ceux qui traitaient de la consultation d’un proche aidant ou d’une personne de confiance parce qu’il n’a pas été inséré au même endroit du texte. Il s’agit de donner la possibilité de consulter les proches du patient. À mon avis, cela ne remet pas en cause la notion de volonté libre et éclairée, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Ce proche aidant peut témoigner du cheminement de la personne malade, apporter un regard autre que médical sur sa demande d’aide à mourir. Il peut parler de son environnement, son parcours avant la maladie, sa philosophie de vie, ses motivations existentielles. Donné avec l’accord de la personne malade, ce regard supplémentaire est un appui non seulement pour elle, mais également pour le médecin qui évalue la demande d’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage votre volonté d’associer les proches aidants qui, particulièrement dans la société actuelle, jouent un rôle pivot que nous cherchons à conforter. En revanche, il n’est pas opportun de prévoir le recueil de leurs avis dans cette procédure qui vise à réunir des avis de professionnels de santé pour apprécier des critères médicaux. Pour que sa volonté soit libre et éclairée, il faut que la personne ne soit pas influencée par un proche – époux, enfant, parent – dépourvu de compétences médicales particulières et dont la présence peut être contre-productive. Cette volonté de garder une objectivité n’enlève rien à l’importance de la présence des proches.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1516 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Je souhaite renforcer l’obligation de consultation des tuteurs ou curateurs d’adultes protégés. Certains majeurs protégés sont dans le déni de leur état et n’informent pas les tiers du fait qu’ils sont sous protection de justice. Nous proposons donc d’ajouter la mention « À peine d’irrégularité », au début du 3° de l’alinéa 8. Nous voulons éviter que certaines personnes ne passent entre les mailles du filet, c’est-à-dire qu’elles rencontrent le médecin sans l’informer de la procédure dont ils font l’objet, et que l’on en arrive à l’euthanasie ou au suicide assisté d’une personne sous protection de justice.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement n’apporte rien au dispositif prévu. Avis défavorable
Mme la ministre. Si je comprends l’intention, la forme pose problème : si le patient ne l’informe pas, le médecin peut difficilement consulter le mandataire. Avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS793 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). Il vise à préciser la procédure d’évaluation de la demande d’aide à mourir pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne. Le médecin devrait saisir le juge des contentieux de la protection.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Pour des raisons développées précédemment, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS957 de Mme Mireille Clapot et CS558 de Mme Annie Genevard (discussion commune)
Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement CS957 est défendu.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS558 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1518 de M. Hervé de Lépinau et CS1859 de M. René Pilato (discussion commune)
M. Hervé de Lépinau (RN). Au lieu de se contenter de recueillir l’avis du tuteur, nous proposons de lui donner le pouvoir de s’opposer au suicide assisté ou à l’euthanasie de l’adulte placé sous sa protection. D’après mon expérience, que ce soit une personne physique ou une association, le tuteur accompagne la personne dans un parcours qui peut durer plusieurs années. Il connaît ce majeur protégé et ses problèmes cognitifs. S’il peut faire des observations de nature à mettre en cause le consentement libre et éclairé de la personne protégée, il doit pouvoir s’opposer à l’acte d’euthanasie ou de suicide assisté.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous proposons que le médecin « recueille » les observations du tuteur, là où le texte prévoit qu’il en « tient compte ». Il s’agit de supprimer l’idée de contrainte en cohérence avec nos précédentes positions. Une fois qu’il a recueilli ces observations, le médecin se forge son opinion. Ce n’est pas un débat sémantique : de manière cohérente, nous voulons que le médecin conserve son libre arbitre.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur de Lépinau, ce droit d’opposition remettrait gravement en cause l’autonomie des majeurs protégés. Un tel droit de veto de la personne chargée d’une mesure de protection irait à l’encontre de l’article 458 du code civil, selon lequel « l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée ». De plus, dans aucune autre procédure, la personne en charge de la protection ne peut s’opposer à une décision du majeur protégé. Le code de la santé publique souligne que le consentement personnel du majeur protégé doit toujours être recherché en priorité. En cas de désaccord entre la personne protégée et celle en charge de la mesure de protection, cette dernière saisit le juge des contentieux de la protection qui statue sur la décision à prendre.
Quant à vous, monsieur Pilato, vous proposez de prévoir que le médecin « recueille » les observations de la personne en charge de la mesure de protection. Contrairement à ce que vous indiquez, le fait de prévoir que le médecin « tient compte » des observations de la personne en charge de la mesure ne signifie pas qu’il est lié par son avis. En l’état, votre amendement est donc satisfait.
Avis défavorable pour les deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS2014 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement s’inscrit dans le cadre des différentes propositions tendant à renforcer la collégialité de la procédure. Il prévoit que la concertation entre les professionnels de santé peut être effectuée à distance afin de faciliter le recueil des avis. Il revient au médecin de se prononcer sur la demande d’aide à mourir à l’issue de cette concertation.
Mme la ministre. Avis favorable.
M. Thibault Bazin (LR). Donnez-vous vraiment corps à la concertation et à la collégialité à travers votre proposition ? Permettez-moi d’en douter ! Dans ces processus de décision complexes concernant des situations très lourdes, la concertation à distance n’est pas adaptée. En réponse à nos inquiétudes, madame la ministre, vous nous avez lu un courrier de la HAS. J’aimerais que vous puissiez me le transmettre parce que je n’ai rien reçu, sous aucune forme. Je le répète : on ne peut pas présenter la suppression de l’exigence du pronostic vital engagé comme une restriction du projet de loi. C’est plutôt un élargissement.
Mme Emeline K/Bidi (GDR - NUPES). J’ai du mal à avoir un avis tranché sur la concertation à distance. D’un côté, on peut penser que cette disposition ne sert qu’à pallier le manque de médecins et l’existence de déserts médicaux, c’est-à-dire une défaillance de notre système de santé. D’un autre côté, étant originaire des outre-mer, je me rends compte qu’il peut être nécessaire de consulter à distance un spécialiste dont l’avis pourrait être intéressant mais qui n’est pas dans le département. C’est ma sensibilité ultramarine qui l’emporte : je vais voter cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS213 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Pour éviter toute pression extérieure pouvant altérer le libre arbitre de la personne demandeuse de l’aide à mourir, nous souhaitons préciser que le médecin « prend le temps de rencontrer la personne seule, sans présence d’un tiers, afin d’éviter toute pression éventuelle ».
J’en profite pour vous poser une question, madame la ministre : plutôt que de dresser une liste d’intervenants, pourquoi ne pas avoir fait référence à l’article L1110‑12 du code de la santé publique et à la notion d’équipe de soins, comme vous l’avez fait au début de nos travaux ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. De même que l’on ne doit pas obliger le patient à associer des membres de sa famille ou sa personne de confiance à l’évaluation, de même il ne faut pas interdire leur présence s’il le souhaite. Votre proposition restrictive n’est pas adaptée à toutes les situations.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS557 de Mme Annie Genevard et CS147 de Mme Marie‑France Lorho (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de compléter l’alinéa 8 par la phrase suivante : « Il saisit le juge des contentieux de la protection assurant le suivi et le contrôle de la mesure de protection, dont l’avis lie celui du médecin. » Madame la ministre, vous avez pris en considération l’avis du Conseil d’État concernant l’information de la personne en charge de la mesure de protection, mais rien n’a été prévu pour la suite. Que se passe-t-il si le juge reste silencieux ?
Mme Lisette Pollet (RN). Je défends l’amendement CS147.
Étant donné la gravité de la décision d’aide à mourir et le caractère irrévocable de l’acte, les personnes vulnérables sous mesure de protection juridique doivent être protégées. Seul le juge des contentieux de la protection a le recul nécessaire pour évaluer la volonté libre de la personne et l’absence de toute influence.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements.
La saisine d’un juge ne serait vraiment pas opportune. Une telle mission serait très éloignée de l’office du juge des contentieux de la protection, compétent pour les mesures de tutelle, pour trancher les litiges civils portant sur les baux d’habitation, les crédits à la consommation et les situations de surendettement.
Mme la ministre. Mêmes avis que la rapporteure. Le principe du texte est que personne ne peut se substituer au patient en fin de vie.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS817 de M. Raphaël Gérard
M. Joël Giraud (RE). En cas de difficulté découlant d’une carence de médecins spécialistes de la pathologie du patient sur le territoire, il est proposé que le médiateur de la Caisse nationale de l’assurance maladie puisse orienter le médecin saisi d’une demande d’aide à mourir vers un confrère volontaire pour recueillir son avis.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement permet au médecin en charge de l’évaluation de la demande de consulter la commission d’évaluation et de contrôle s’il se trouve en difficulté pour trouver des soignants auprès desquels recueillir un avis. Le dispositif de l’article 16 du projet de loi prévoit la possibilité pour les médecins qui acceptent d’accompagner des patients dans la procédure d’aide à mourir de se déclarer auprès de cette commission. Dès lors, il sera possible pour le médecin en charge de la demande de se tourner vers la commission pour trouver, dans les meilleurs délais, un professionnel de santé pour une seconde évaluation.
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement CS146 de Mme Marie-France Lohro
Mme Lisette Pollet (RN). Certaines personnes vulnérables faisant l’objet d’une mesure de protection ne font pas preuve de manière constante de leur capacité de discernement. Leur aptitude à exprimer leur volonté est tributaire de sursauts de leur conscience parfois altérée. Les individus responsables juridiquement de ces personnes doivent les protéger contre cette potentielle altération.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il ne revient en aucune manière à la personne chargée de la mesure de protection, qui n’est pas compétente pour apprécier le discernement, de tenir un tel rôle. Aux termes de l’article 8, l’évaluation de la volonté libre et éclairée de la personne se fonde sur les avis médicaux. Votre proposition ne me semble donc ni pertinente ni utile.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hervé de Lépinau (RN). La mesure de protection a nécessairement trait au discernement de la personne qui en fait l’objet. Au fond, nous sommes en train de considérer que la protection de sa vie est moins importante que celle, par exemple, de ses choix de consommation. Il conviendrait de rétablir la hiérarchie des importances !
Mme la ministre. C’est justement parce que c’est important qu’il faut que la personne protégée exprime elle-même ce qu’elle souhaite.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS794 de M. Laurent Panifous et CS795 de M. Paul-André Colombani (discussion commune)
M. Laurent Panifous (LIOT). L’alinéa 9 prévoit la notification, par le médecin, de sa décision motivée à la personne souhaitant accéder à l’aide à mourir. Dans la mesure où chaque décision, fruit d’une délibération collégiale, est importante aussi bien pour le patient que pour la traçabilité, le contrôle et l’évaluation de la procédure, nous demandons que cette dernière soit inscrite au dossier médical du patient et qu’elle lui soit communiquée.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS795 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements, satisfaits par l’article 13.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS870 de M. Julien Odoul
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS1856 de M. Hadrien Clouet, CS1646 de Mme Annie Vidal, CS1172 de M. Thibault Bazin et CS847 de M. Charles de Courson (discussion commune)
Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). À l’heure de consacrer le droit de chacun à disposer de ses derniers instants, il nous appartient de veiller à ce que la procédure ne devienne pas un obstacle à l’exercice de ce droit, particulièrement pour les personnes en phase terminale. À cet égard, par l’amendement CS1856, nous estimons qu’un délai maximal de quinze jours pour le recueil des avis et la notification de la décision au patient ne représente pas une garantie suffisante. Sans réduire cette durée, nous proposons que le médecin ait pour obligation de se prononcer dans un délai « compatible avec le diagnostic vital » de la personne.
M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement n’a pas la même visée. Eu égard à la capacité de notre système de santé à répondre aux demandes, le délai de quinze jours a de quoi interroger. Dans la mesure où il faut attendre avant de pouvoir consulter un médecin pour obtenir des soins antidouleur ou psychologiques, la procédure de sédation profonde et continue jusqu’au décès requerra également un délai « raisonnable », terme que je propose de retenir et qui figurait dans le rapport de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, mission présidée par M. Olivier Falorni.
Une telle formulation permettrait d’ailleurs de tenir compte de la possible fluctuation de la volonté du patient au cours de la procédure. Je rappelle qu’en Oregon, les personnes sollicitant une aide à mourir formulent une demande orale qu’ils confirment ensuite par écrit en présence de deux témoins, avant de la réitérer oralement, le tout avec un espacement dans le temps entre chacune de ces étapes nécessaires.
M. Charles de Courson (LIOT). Nous proposons la suppression du mot « maximal » qui nous paraît délicat en ce qu’il induit que le délai pourrait être inférieur à quinze jours. Dans la mesure où le temps minimal pour la consultation des autres professionnels de santé par le médecin saisi est de quarante-huit heures et où le délai de réflexion du patient est de la même durée, l’aide à mourir pourrait même être possible sous quatre jours. C’est le délai que retenait d’ailleurs la proposition de loi déposée par le rapporteur général en 2017.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable aux quatre amendements.
Le projet de loi est un texte d’équilibre au sein duquel tous les éléments doivent être pesés avec précaution. C’est pour cela, d’ailleurs, que des avis de pondération sont prévus lors de la procédure collégiale.
S’agissant du délai imparti pour rendre la décision, le fait que certains amendements visent à le réduire et d’autres à l’accroître démontre que quinze jours constituent un terme satisfaisant. Cette durée maximale permettra de recueillir les avis nécessaires à une prise de décision éclairée, ce qui ne saurait être fait dans un laps de temps trop restreint, tout en autorisant à aller plus vite si l’état du patient le justifie. Faisons confiance aux soignants pour agir de la meilleure manière !
L’existence d’un délai maximal représente une garantie indispensable, pour le patient, de voir sa demande traitée dans un temps approprié, sans atermoyer. Et si quinze jours peuvent paraître une échéance rapprochée pour rassembler les avis, n’oublions pas qu’il s’agit d’une durée très longue pour une personne dont le pronostic vital est engagé à court terme et dont les souffrances sont insupportables.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je prends la parole car Thibault Bazin et Charles de Courson m’ont interpellé. Je fais évidemment partie de ceux qui souhaitent que le projet de loi soit voté et, partant, qu’il soit effectif. Rien ne serait pire que d’adopter un texte inapplicable dans la pratique. À ce titre, la question du délai est importante. En Espagne, même si le pays a eu le mérite de voter un texte, la procédure retenue ne permet de rendre la décision que cinquante et un jours plus tard en moyenne. Rendez-vous compte de cette durée ! Les malades concernés étant dans des situations d’urgence, le droit est en l’espèce rendu ineffectif. C’est pourquoi il me paraît essentiel de fixer un plafond de quinze jours, sachant que la décision pourra être prise avant.
Dans le groupe de travail transpartisan qui a participé à l’élaboration du projet de loi, j’avais plaidé pour un délai d’une semaine. Compte tenu de la réalité de la prise de décision et de notre système de santé, il semble impossible de tenir un tel délai. Un plafond – et non un plancher, j’insiste ! – de quinze jours constitue donc un bon équilibre.
Mme la ministre. Initialement, le Gouvernement proposait un délai de deux semaines. Le Conseil d’État a recommandé d’en faire une durée maximale afin d’assurer l’effectivité du droit à l’aide à mourir. Ainsi, l’acte pourra être réalisé entre quatre et quinze jours après la demande du patient.
M. Yannick Neuder (LR). Vous avez raison, monsieur le rapporteur général. Il ne s’agit pas de voter une loi rendue inapplicable par des délais ne correspondant pas aux situations. Fixer une durée maximale, qui ne soit pas de cinquante et un jours, est donc une bonne mesure pourvu qu’elle s’inscrive dans un texte équilibré. Or, ce n’est plus le cas depuis que nous avons supprimé le critère d’un pronostic vital engagé. Le Conseil d’État aurait-il formulé la même recommandation si le texte initial du Gouvernement n’avait pas contenu ce critère ? À l’aune de la modification apportée, il convient selon moi de revoir le délai imparti.
Mme Monique Iborra (RE). La question du délai figure aux alinéas 9 et 11 de l’article 8, mais aussi à l’alinéa 2 de l’article 9. Nous y reviendrons donc. Le sujet est essentiel pour que le projet de loi ne soit ni inefficace, ni trop dissuasif. Il convient de trouver, par voie d’amendement, l’équilibre entre ces deux impératifs.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Je rappelle que les critères pour accéder à l’aide à mourir sont cumulatifs et que la souffrance réfractaire des patients doit rester notre guide. Je le dis notamment à M. Neuder. On ne peut pas demander d’attendre à une personne dont la souffrance est insupportable. Et le remplacement des mots « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » par les mots « en phase avancée ou terminale », grâce à l’adoption des amendements CS659 et CS1558, donne sa pleine puissance au critère de souffrances insupportables et réfractaires.
Mme la ministre. Je confirme que les critères sont cumulatifs, critères parmi lesquels figure le fait de se trouver en phase avancée et terminale. Les mots ont un sens : les patients dont il est question souffrent d’une maladie grave et incurable. Je répète également que l’instauration d’un délai maximal est une recommandation du Conseil d’État et qu’elle permet de rendre la loi effective, tout en préservant le temps de réflexion du patient.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS733 de M. Charles de Courson et CS1520 de M. Hervé de Lépinau, amendements CS1235 de M. Thierry Frappé, CS673 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1277 de Mme Bérangère Couillard, amendements identiques CS674 de Mme Christine Pires Beaune et CS1083 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). Cette nouvelle série d’amendements porte également sur le délai de quinze jours. Pour ma part, je ne sais pas comment un médecin parviendra à mener les consultations exigées dans un tel laps de temps, sachant qu’il a ses propres contraintes. C’est pourquoi je propose de porter ce délai à un mois. Cela ne signifie pas qu’il sera toujours utilisé entièrement : il reviendra au médecin d’ajuster les choses en fonction de la difficulté des cas.
M. Hervé de Lépinau (RN). Dès lors qu’un diagnostic vital engagé ne figure plus parmi les conditions à remplir pour l’aide à mourir, le texte n’est plus celui sur lequel le Conseil d’État s’est prononcé. Les critères d’éligibilité, si je puis utiliser ce mot, sont nombreux. Les médecins, eux, le sont moins, et ils ont par ailleurs leur activité qui les confronte quotidiennement à des problèmes de calendrier. Je crains qu’on ne place une fois de plus ces professionnels dans des situations très compliquées.
Monsieur le rapporteur général, le délai de trente jours que je propose également ne serait pas toujours atteint. Laissons cette marge pour les cas nécessitant une grande collégialité et un examen plus précis. Il faut aussi penser aux soignants avec ce texte.
M. Thierry Frappé (RN). Mon amendement fixe également un délai maximal de trente jours afin de donner davantage de temps au médecin. Cette décision est difficile et nécessite la consultation de confrères, sachant que le système de santé dysfonctionne et que les médecins doivent assurer le reste de leur activité. J’ajoute qu’une maladie à un stade avancé, critère que nous avons préféré hier à celui du pronostic vital engagé, peut évoluer lentement, le stade n’étant pas toujours aussi avancé qu’on ne le pense. Pour cette raison également, un délai de quinze jours paraît trop bref.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). À l’inverse des précédents amendements, mon amendement réduit le délai maximal à dix jours. L’introduction d’un plafond est, certes, de nature à nous rassurer. Mais nous estimons que quinze jours demeurent trop longs, car ne permettant pas toujours de répondre à l’état de malades dont le discernement s’altère ou dont les souffrances sont trop fortes.
M. Joël Giraud (RE). L’amendement CS1277 réduit le délai à sept jours. Mais eu égard aux propos du rapporteur général, je vais le retirer.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CS674 tend à réduire encore davantage le délai imparti, à quatre jours.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Afin de pouvoir répondre aux situations d’urgence, par l’amendement CS1083 nous proposons également, sur la recommandation de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, d’instaurer un délai de quatre jours.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Une fois de plus, la diversité des positions montre l’équilibre du texte, qui se situe sur une ligne de crête. Le malade doit être au centre de nos préoccupations et nous devons imaginer l’urgence de certaines situations tout en protégeant nos soignants. Le délai de quinze jours semble donc le bon.
Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la ministre. Même avis. Je me suis exprimée sur ce point précédemment.
L’amendement CS1277 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement CS1125 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Comme nous avons établi un plafond, je propose de fixer également un plancher afin de prévoir un temps de réflexion minimal de cinq jours pour le médecin. Ceci contribuerait à atteindre l’équilibre que vous évoquez si souvent, madame la rapporteure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cinq jours, en phase avancée ou terminale, c’est beaucoup. Le point d’équilibre est celui retenu dans le texte. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis car l’amendement est satisfait. Le délai maximal de quinze jours permet au médecin de prendre cinq jours de réflexion si le cas le nécessite.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1082 de Mme Sandrine Rousseau, CS1776 de Mme Geneviève Darrieussecq et CS214 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Afin de faciliter le recours des personnes qui auraient fait l’objet d’un refus, l’amendement CS1082 précise que la décision du médecin est notifiée tant oralement que par écrit, et qu’elle fait état de l’ensemble des éléments la motivant. De cette manière, le patient pourra comprendre la décision.
Mme Anne Bergantz (Dem). Presque identique, l’amendement CS1776 vise effectivement à faciliter les recours, mais surtout à assurer une traçabilité pour le patient. De plus, nous estimons préférable qu’aussi bien la demande que la réponse soit faite par écrit.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS214 vise également à ce que le médecin notifie sa décision par écrit afin qu’elle ne puisse faire l’objet d’aucune interprétation. En écho aux propos de M. Peytavie, nous estimons qu’il convient également de prévoir une voie de recours pour les soignants.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’alinéa 9 dispose que le médecin « notifie sa décision à la personne », ce qui suggère que celle-ci sera transmise par écrit et que le patient disposera de tous les éléments ayant conduit à accepter ou à refuser la demande.
Je m’en remets à la sagesse de la commission s’agissant des amendements CS1082 et CS1776, et je donne un avis défavorable à l’amendement CS214.
Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1776, de sagesse sur l’amendement CS1082 et défavorable à l’amendement CS214.
M. Thibault Bazin (LR). Je retire l’amendement CS214 au profit de l’amendement CS1776 de Mme Darrieussecq.
L’amendement CS214 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1082.
En conséquence, l’amendement CS1776 tombe.
Amendement CS1321 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Comme je considère que l’aide à mourir devrait être ouverte aux personnes ayant perdu leur discernement, cet amendement ajoute que la notification de la décision du médecin est faite à la personne de confiance du patient si ce dernier n’est pas apte à la recevoir lui-même.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La capacité à manifester sa volonté et à la confirmer jusqu’au jour de l’administration de la substance létale est l’une des lignes directrices ayant présidé à l’établissement des critères d’éligibilité. Si le patient n’est pas en mesure de confirmer sa demande après la notification du médecin, la procédure n’aboutit pas et la personne de confiance n’a pas à être impliquée.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). Je ne comprends pas cet amendement car, si une personne reçoit une réponse à sa demande d’aide à mourir, c’est qu’elle a pris sa décision, à moins qu’elle ait perdu sa conscience entre-temps...
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Chaque fois que nous abordons la question des directives anticipées et des personnes de confiance, vous rétorquez que le patient doit bénéficier de tout son discernement et être en mesure de confirmer sa volonté à chaque étape. Or, nous savons pertinemment que l’espérance de vie d’une personne qui désire mourir est quasi-nulle, sa situation ayant atteint le paroxysme à partir duquel la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Aussi la perte du discernement est-elle souvent probable quoique pas systématique. Il faut anticiper ces cas de figure et c’est justement le rôle de la personne de confiance, choisie pour cela, que de continuer à exprimer la volonté du patient. Le présent amendement me semble donc très important.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord avec Mme Simonnet et j’ajoute que cet amendement, en lien avec le CS1082 que nous venons d’adopter, participerait d’une véritable traçabilité de la procédure. Cette disposition accroîtrait la confiance vis-à-vis du texte, de la manière dont il s’appliquera, et éviterait certaines des dérives qui ont été pointées. En l’adoptant, nous améliorerions la qualité de notre travail.
Mme la ministre. Je répète ce que nous avons dit et ce que nous allons continuer d’évoquer en examinant la procédure : à tout moment, le patient doit être capable de réitérer sa volonté. Il s’agit d’un point d’autant plus fondamental qu’au moment de l’administration du produit létal, il sera directement demandé au patient de confirmer qu’il veut mettre fin à sa vie. Le discernement du malade est extrêmement important et sa personne de confiance ne saurait se substituer à lui.
Mme Annie Vidal (RE). Jusqu’à l’administration de la substance, il sera demandé au patient de confirmer sa volonté. Mais il sera permis à un tiers de l’inoculer à sa place s’il n’est pas capable de le faire. N’y a-t-il pas une incohérence ?
Mme la ministre. L’administration par un tiers est justifiée par l’incapacité physique du patient, non intellectuelle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1131 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). L’amendement précise les éléments devant figurer dans la décision du médecin afin qu’elle soit correctement motivée. De cette manière, le malade pourra saisir les raisons d’un éventuel refus et plus facilement former un recours s’il l’estime abusif.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’alinéa 9 dispose déjà que la décision du médecin doit être motivée, c’est-à-dire comprendre les éléments l’ayant conduit à refuser ou accepter l’aide à mourir.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1171 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Plus nous discutons de l’alinéa 9, plus son contenu m’interpelle. Je suis sensible à votre positionnement, madame la ministre, sur l’importance du discernement. Mais qu’en sera-t-il des personnes sous protection juridique ? Celles en situation d’incapacité physique, celles en situation d’incapacité intellectuelle, ou les deux catégories seront-elles éligibles au dispositif ? Quant à la personne chargée de la protection, son silence vaudra-t-il accord ? Bref, je retire cet amendement, qui visait à supprimer cet alinéa car je pense qu’il convient plutôt de le compléter.
L’amendement CS1171 est retiré.
Amendement CS1522 de M. Hervé de Lépinau
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il faut faire de l’information du mandataire, du curateur ou du tuteur de la personne souhaitant avoir recours à l’euthanasie une condition de validité de la décision du médecin. Il s’agit ici de donner sa pleine efficacité à l’obligation d’informer. Celle-ci n’est, en l’état actuel du texte, assortie d’aucune sanction juridique.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS215 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS320 et CS148 de Mme Marie-France Lorho, amendement CS987 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendement CS320 et CS148 sont défendus.
M. Thibault Bazin (LR). Il me semble important de donner la possibilité à la personne chargée de la mesure de protection d’un individu ayant demandé d’accéder à l’aide à mourir de contester une décision positive devant le juge. Il convient de prévoir au moins une voie de contentieux pour que la personne chargée de la mesure de protection puisse faire valoir des éléments si elle en dispose.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il s’agit effectivement d’une question importante, déjà abordée à plusieurs reprises ce matin. La saisine d’un juge ne me semble pas opportune pour statuer sur des critères qui ne peuvent être appréciés que par un médecin. Le juge se référerait de toute façon à l’avis médical. Le dispositif n’aurait pour effet que d’allonger la procédure et d’entraver l’accès à l’aide à mourir des majeurs protégés.
Je rappelle que le droit positif prévoit spécifiquement l’autorisation du juge des tutelles s’agissant des actes médicaux graves que pourrait subir un majeur protégé. Il est nécessaire de vérifier l’aptitude de la personne à exprimer une volonté libre et éclairée, dans l’hypothèse où il n’existerait pas de mécanisme pour en attester. Or, le projet de loi inclut déjà une procédure de vérification de la volonté libre et éclairée de la personne demandant d’accéder à l’aide à mourir, rendant inutile la saisine d’un juge.
Avis défavorable aux trois amendements.
Mme la ministre. Même avis. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet.
M. Charles de Courson (LIOT). La question des recours, qui ne manqueront pas d’être déposés, sera abordée à l’article 14.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1080 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Nous souhaitons compléter l’alinéa 9. Le recours juridique prévu à l’article 14, auquel M. de Courson vient de faire allusion, peut ouvrir une longue procédure. Donc nous souhaitons que la personne puisse, après un refus, demander une réévaluation de sa demande par un autre praticien. Celui-ci devra être inscrit au registre des médecins volontaires afin de ne pas donner tout pouvoir à un médecin potentiellement opposé au principe même de l’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement permet à la personne de solliciter une réévaluation de sa demande d’aide à mourir par un médecin enregistré auprès de la commission de contrôle et d’évaluation. La personne peut déjà déposer un recours devant le juge administratif contre la décision de refus. Elle peut également formuler une autre demande auprès d’un autre médecin, selon les modalités prévues à l’article 7. Le registre des médecins volontaires déclarés auprès de la commission ne sera accessible qu’aux seuls professionnels de santé, ne serait-ce que pour une question de confidentialité et de protection des données. Dès lors, les modalités selon lesquelles le patient peut contester le refus de sa demande ou en présenter une nouvelle me semblent déjà satisfaisantes.
L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS842 de M. Charles de Courson et CS1618 de Mme Annie Vidal
M. Charles de Courson (LIOT). Il faut inscrire les avis et les motifs de la décision dans le dossier du patient. On va me dire que l’article 13 le prévoit. C’est faux : il n’évoque que l’enregistrement des actes dans un système d’information. Or, les actes et les avis sont des éléments différents.
Mme Annie Vidal (RE). Les avis et les motivations de la décision doivent figurer dans le dossier du patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous souhaitez reprendre le dispositif prévu en matière de sédation profonde et continue. Toutefois, le texte instaure, pour l’aide à mourir, un système d’information dédié à la traçabilité des procédures, ce qui n’est pas le cas pour les sédations profondes et continues. Le projet de loi répond donc à l’exigence de traçabilité sans qu’il soit besoin d’inscrire les avis dans le dossier médical.
L’avis est défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1081 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). L’objet de l’amendement est de préciser qu’un refus ne fait pas obstacle à la présentation d’une nouvelle demande. Je ne vois pas où le texte ménage une telle possibilité, madame la rapporteure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’alinéa 5 de l’article 12 dispose que toute nouvelle demande doit être présentée selon les modalités prévues à l’article 7.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures vingt-cinq.
Amendements CS1173 de M. Thibault Bazin, CS217 de M. Philippe Juvin, CS300 de M. Fabien Di Filippo, amendements identiques CS218 de M. Philippe Juvin, CS459 de M. Yannick Neuder, CS585 de Mme Christine Loir et CS1286 de M. Benoît Mournet, amendements CS873 de M. Julien Odoul, CS491 de M. Yannick Neuder et CS1951 de Mme Justine Gruet, amendements identiques CS219 de M. Philippe Juvin, CS734 de M. Charles de Courson et CS1548 de M. Thomas Ménagé, amendements identiques CS461 de M. Yannick Neuder et CS544 de Mme Marine Hamelet, amendement CS220 de M. Philippe Juvin, amendements identiques CS221 de M. Philippe Juvin et CS1697 de M. Christophe Bentz, amendement CS704 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). L’alinéa 10 de l’article 8 dispose que la personne confirme auprès du médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale après un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours à compter de la notification de la décision. Le délai de réflexion est important en bioéthique. Nous en proposons plusieurs modifications. Comme certains d’entre vous souhaitent suivre le modèle belge, l’amendement CS1173 s’inspire du système de nos voisins et retient un délai de réflexion d’un mois ; l’amendement CS217, très proche, l’établit à trente jours. Amendements de repli, le CS300 et le CS218 le fixent respectivement à trois semaines et quinze jours.
M. Yannick Neuder (LR). L’amendement CS459 vise également à prévoir quinze jours de réflexion. Un tel délai paraît raisonnable pour prendre en compte la souffrance physique, psychologique et psychique du patient tout en lui laissant le temps d’une réflexion approfondie. Une durée de quarante-huit heures est trop brève, mais il est difficile d’en trouver une adaptée à toutes les situations.
Mme Christine Loir (RN). Nous voulons également augmenter le délai de réflexion de deux à quinze jours. On dispose de quatorze jours de réflexion pour acheter une voiture ou contracter un prêt immobilier. Deux jours paraissent bien trop peu pour une telle décision.
Mme Annie Vidal (RE). Je défends l’amendement CS1286.
Entre le moment où la personne formule sa demande et celui où elle reçoit une réponse, sa pensée chemine. J’ignore si le délai de réflexion doit être de deux, trois, quinze ou trente jours. Mais comme le patient est maître de son destin tout au long de la procédure, il me semble pertinent de lui donner le temps nécessaire : pour certaines personnes, il ne dépassera pas le quart d’heure quand il atteindra trois jours pour d’autres. Il serait opportun de ne pas fixer de délai précis et de laisser à chaque patient le temps dont il a besoin.
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements CS873, CS1548 et CS544 sont défendus.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS1951 fixe le délai de réflexion à une semaine et l’amendement CS219 retient un délai de sept jours.
M. Charles de Courson (LIOT). Mon amendement fixe également le délai à sept jours, deux jours me paraissant une durée extrêmement courte.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS461, dont notre collègue Neuder est le premier signataire, fixe un délai de cinq jours. L’amendement CS220 établit le délai à quatre jours. Quant à l’amendement CS221, il retient une durée de trois jours.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS1697 est défendu.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CS704 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette grosse vingtaine d’amendements prouve que le sujet du délai de réflexion est important. Ma réponse sera proche de celle que j’ai apportée sur le délai de réponse du médecin. La durée de deux jours ménage un équilibre entre la volonté de laisser un temps de réflexion suffisant et celle de ne pas entraver l’accès à l’aide à mourir des personnes au pronostic vital est engagé à brève échéance en proie à des souffrances insupportables. Revenons toujours au cœur du projet de loi : l’aide apportée à des patients dont la maladie est en phase terminale et qui endurent des souffrances atroces.
Le texte dispose que le délai de réflexion « ne peut être inférieur à deux jours ». Il s’agit donc d’une durée minimale. Le patient peut naturellement prendre tout le temps qu’il jugera nécessaire, madame Vidal, le projet de loi ne fixant aucune durée maximale de réflexion. En outre, le délai ne commence à courir qu’après la notification de la décision, cette procédure pouvant prendre quinze jours. Les garanties sont suffisantes.
S’agissant de l’amendement CS704 de M. Guedj, qui réduit le délai à vingt-quatre heures, il me semble que deux jours offrent à la personne le temps de la réflexion tout en n’entravant pas son accès à l’aide à mourir si elle en remplit les conditions.
La rédaction actuelle de l’alinéa 10 est le résultat d’un compromis et d’un équilibre bienvenus. L’avis est défavorable sur tous les amendements.
Mme la ministre. Je partage l’avis de la rapporteure. N’oublions pas, comme l’a rappelé Mme Vidal, que la procédure a déjà commencé à ce stade : le patient a demandé à bénéficier d’une aide à mourir, il a fait l’objet d’une expertise et il a pris connaissance de la décision du médecin, qui a eu entre un et quinze jours pour se déterminer. Avec le délai de réflexion de deux jours, la procédure est comprise entre trois et dix-sept jours. Aucune décision n’est prise en deux jours. Comme en Oregon, un patient pourra demander à bénéficier de l’aide à mourir tout en refusant qu’elle soit dispensée à court terme.
Nous sommes parvenus à un équilibre, qui ménage le temps de la réflexion tout en permettant au patient d’avoir rapidement accès au soulagement de ses souffrances. Il faut à la fois assimiler l’importance d’une telle décision, par nature irréversible, et respecter la demande du patient face à une douleur insupportable.
Mme Cécile Rilhac (RE). Le délai de réflexion dont nous débattons concerne les cas dans lesquels le médecin a approuvé la demande d’aide à mourir. Formuler une telle demande est déjà le produit d’une réflexion personnelle. Je suis encline à voter en faveur de l’adoption de l’amendement CS704, même si j’entends la nécessité de l’équilibre du dispositif. Reporter la décision définitive de plusieurs jours, semaines ou mois revient à dénier au patient l’accès à l’aide à mourir. Nous voulons un texte opérationnel, qui permette au patient d’aller au bout de sa démarche de manière indépendante. L’alinéa suivant dispose que si le patient n’a pas confirmé sa demande de bénéficier de l’aide à mourir dans un délai de trois mois, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de sa volonté.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1549 de M. Thomas Ménagé
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement allonge le délai de réflexion minimal laissé au patient, proposition à laquelle je suis opposée pour conserver l’équilibre du texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1820 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS216 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Il me semble important que la personne confirme son souhait d’accéder à l’administration de la substance létale par écrit ou par oral en présence d’un tiers, afin d’éviter toute mauvaise interprétation.
Imaginons qu’une personne revienne sur sa demande et ne confirme pas son souhait d’aboutir, mais qu’elle veuille à nouveau bénéficier du dispositif quelques semaines ou quelques mois plus tard. La procédure recommence-t-elle depuis le début ?
Mme la ministre. Oui.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS874 de M. Julien Odoul
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le patient doit confirmer sa demande auprès d’un médecin volontaire. La clause de conscience est fondamentale et tout praticien doit pouvoir refuser de pratiquer un acte médical contraire à ses convictions personnelles ou professionnelles.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’avis est défavorable car le texte est suffisamment clair.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1860 de M. Emmanuel Fernandes et CS1084 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Par l’amendement CS1084, nous souhaitons compléter l’alinéa 10 pour donner à la personne la liberté de choisir de s’administrer elle-même la substance létale ou de désigner un tiers, à la condition que celui-ci soit volontaire et majeur. Cette disposition reprend une proposition de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’avis est défavorable.
Le projet de loi prévoit que la substance létale est administrée par un tiers seulement lorsque la personne n’est pas elle-même en mesure d’y procéder. Ce dispositif respecte l’autonomie de la personne jusqu’à la fin du processus. Elle possède à la fois le droit de recourir à l’aide à mourir et celui d’y renoncer jusqu’au dernier instant.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1278 de Mme Bérangère Couillard
M. Joël Giraud (RE). Dans le même sens que l’amendement CS704 examiné tout à l’heure, cet amendement conserve le délai de deux jours de réflexion, mais précise que celui-ci peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cette accélération est de nature à préserver la dignité du patient. Cette mesure ne s’appliquerait qu’à quelques cas d’urgence extrême dans lesquels les personnes sont plongées dans une situation dramatique. Il est opportun de laisser au médecin la faculté d’apprécier le bien-fondé d’une demande de contraction du délai.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je sais que vous connaissez certains cas très difficiles. Mais la rédaction de l’amendement laisse une trop grande marge d’appréciation au médecin pour moduler la durée du délai de réflexion. Je fais confiance aux soignants pour soulager le patient le mieux possible pendant quarante-huit heures.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pourquoi ne pas proposer une sédation à ces personnes ?
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CS1216 de Mme Monique Iborra, CS1698 de M. Christophe Bentz et CS1857 de Mme Caroline Fiat
Mme Monique Iborra (RE). L’alinéa 6 de l’article 6 dispose que le patient demandant à bénéficier d’une aide à mourir doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. L’alinéa 7 de l’article 7 commande au médecin d’indiquer à la personne qu’elle peut renoncer à tout moment à sa demande. L’alinéa 2 de l’article 11 impose au médecin ou à l’infirmier de vérifier que la personne confirme sa volonté de procéder à l’administration de la substance létale. Enfin, l’alinéa 4 de l’article 12 prévoit qu’il est mis fin à la procédure si la personne refuse cette administration. On peut comprendre le besoin de s’assurer du souhait du patient. Mais la multiplication des confirmations crée un effet de dissuasion. Il faudra discuter à nouveau de l’équilibre du texte en séance publique car l’ensemble de la procédure tutoie le harcèlement du malade.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1698 est défendu.
M. Léo Walter (LFI - NUPES). L’amendement CS1857 supprime l’alinéa 11 de l’article 8, qui prévoit une nouvelle évaluation par le médecin du caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne n’ayant pas confirmé dans un délai de trois mois son souhait de bénéficier de l’aide à mourir. Lorsqu’un patient a obtenu l’accord du médecin pour avoir accès à l’aide à mourir, l’autorisation doit rester valable, le patient conservant la liberté d’administrer ou non la substance létale. Une péremption n’a pas lieu d’être d’autant que l’article 11 dispose que, le jour de la mise en œuvre de l’aide à mourir, le soignant recueille de nouveau la volonté du patient de procéder à l’administration de la substance létale. L’étude d’impact mentionne d’ailleurs l’éventualité de faire passer un test cognitif standard si le professionnel est un infirmier. Enfin, l’article 12 décrit les autres incidents qui pourraient survenir et mettre fin à la procédure. Le retour vers le patient prévu à l’alinéa 11 est au mieux inutile, au pire contraire à son intérêt.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous débattons de l’ouverture d’un droit à mourir. Les conditions pour en bénéficier doivent être strictes et la réitération, libre et éclairée, de la demande me semble indispensable. Je suis défavorable à ces amendements car la suppression de la réitération effacerait un élément fondamental du texte et romprait son équilibre en contrecarrant son objectif de placer le malade au centre des préoccupations.
Mme la ministre. Je suis également très défavorable.
L’idée du texte est de permettre à la réflexion du patient de cheminer. La première partie du projet de loi porte sur les soins d’accompagnement : lorsque le patient demande une aide à mourir, il est prévu que les soignants lui proposent dans un premier temps des soins palliatifs. S’il les refuse, une expertise médicale est effectuée. Il n’y a donc aucun harcèlement car ni les soins palliatifs, ni l’aide à mourir ne sont obligatoires. Le texte privilégie à chaque étape l’écoute du patient.
Le projet de loi porte toutefois sur la vie et la mort. Un patient atteint d’une maladie grave et endurant des souffrances aiguës peut vouloir en finir. Nous n’écrivons pas la loi à partir de nos expériences personnelles. Mais nous avons tous rencontré des gens qui, un jour, n’en pouvaient plus de souffrir et voulaient mourir et, le lendemain, allaient un peu mieux et étaient moins déterminés. Si on ne leur laisse pas la possibilité de réfléchir et que l’on accède immédiatement au désir de mourir, on peut tomber dans la précipitation. Nous souhaitons que la demande du patient soit entendue et enclenche une action, mais aussi nous assurer de la solidité de sa décision car il s’agit du choix le plus irréversible qui soit.
M. René Pilato (LFI - NUPES). J’imagine que, lorsque l’on fixe la date d’administration de la substance létale, la situation du malade est critique. Pourquoi imposer au bout de trois mois une nouvelle démarche administrative en cas d’absence de confirmation de la demande, comme le dispose l’alinéa 11 ? Quand un patient est prêt à recevoir la substance létale, les conditions sont remplies et il n’est pas nécessaire de prévoir une nouvelle confirmation administrative, laquelle alourdira sa peine et sa charge mentale.
M. Thibault Bazin (LR). Je partage votre inquiétude, madame la ministre, sur ces amendements. Nous devons nous assurer de l’existence d’un consentement libre et éclairé du patient car la décision porte sur un acte irrémédiable. La confirmation de la volonté de la personne est fondamentale d’autant que nous venons d’abréger le délai de réflexion, qui n’était pourtant fixé qu’à quarante-huit heures. L’adoption de l’amendement CS1278 rompt l’équilibre que vous avez tenté de ménager. Elle crée un régime d’immédiateté dangereux qui supprime les temps de réflexion.
M. Charles de Courson (LIOT). J’ai du mal à comprendre les amendements car la suppression de l’alinéa 11 entraîne celle de toute demande de confirmation. Vous auriez plutôt dû soulever le problème de la durée de validité de la demande.
Mme Cécile Rilhac (RE). L’alinéa 11 crée un nouveau délai de trois mois en l’absence de confirmation par le patient de sa demande et consacre l’arrêt du processus au bout de cette période. Une personne connaissant une phase d’amélioration de sa maladie peut décider de ne pas confirmer sa demande de bénéficier d’une aide à mourir. Dans ce cas, laissons-lui le temps de rencontrer son médecin et de réfléchir sans devoir subir une nouvelle procédure administrative. Je soutiens la suppression de l’alinéa.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Il faut en effet effacer le délai de trois mois et la démarche administrative inutile liée. Les avis ont déjà été recueillis. Respectons la volonté de la personne de ne pas bénéficier immédiatement de l’aide à mourir, mais ne la soumettons pas à une nouvelle procédure de confirmation le jour où elle décide d’absorber la substance létale. La suppression du délai de trois mois n’empêcherait absolument pas le patient de changer d’avis. Il a déjà dû confirmer sa volonté à suffisamment de reprises pour ne pas devoir le faire une nouvelle fois le jour où il choisit d’être aidé à mourir.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes extrêmement attachés au caractère libre et éclairé du consentement du patient. Les amendements présentent l’inconvénient majeur de supprimer toute limite, perspective que nous rejetons. Avec des collègues du groupe Démocrate, nous avons déposé des amendements visant à faire passer le délai de trois à six ou à douze mois afin que le patient ne soit pas soumis en permanence à une obligation de confirmation de sa demande, qui pourrait en effet générer du stress. Entre la disparition de tout délai et l’obligation constante de confirmer son choix, il y a un chemin médian à trouver.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Aux termes de l’alinéa 10, la personne confirme auprès du médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. Je ne comprends pas pourquoi l’alinéa suivant prévoit un délai au-delà duquel l’ensemble de la procédure devrait reprendre depuis le début. L’alinéa 11 ne place pas le patient au cœur du dispositif et sa suppression n’a pas pour objet de faire disparaître l’obligation de confirmer la demande, puisque cette condition est nécessaire à plusieurs étapes du processus. Nous voterons en faveur des amendements.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je me reconnais dans les propos de Mmes Laernoes et Rilhac. Ce n’est pas tant la demande de confirmation que la fixation d’un délai qui nous interroge. Je ne saisis pas la position de ceux qui sont opposés au principe même de l’aide à mourir car le délai de trois mois pourrait inciter le patient à accélérer le processus par crainte de devoir recommencer toute la procédure alors que sa situation aurait pu évoluer favorablement.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On en revient toujours à la question de la temporalité. L’adoption de l’amendement CS1278 était étrange car elle a supprimé le délai de quarante-huit heures de réflexion.
Dans la vraie vie, une personne atteinte d’une maladie incurable et endurant des douleurs réfractaires à tout traitement ne peut pas supporter sa situation trois mois. Le problème n’est pas la demande de la personne mais le besoin d’une expertise médicale destinée à évaluer l’évolution de la pathologie. La question n’est pas administrative. Elle est liée à la possibilité d’évaluer médicalement l’avancée de la maladie au bout de trois mois.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Il y a lieu de prolonger la période de trois mois sans recommencer la procédure puisque le patient a confirmé à plusieurs reprises sa demande. Il faut également renouveler l’ordonnance après un nouvel examen du médecin au cours d’une consultation. Nous avions déposé un amendement allant en ce sens. Mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il est nécessaire de prendre du temps !
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les personnes atteintes de maladies évolutives comme celle de Charcot, qui ont la force de formuler une demande, peuvent vouloir être rassurées par une validation et avoir besoin d’une longue période pour évaluer leur situation. Au moment du diagnostic, les patients peuvent penser qu’ils ne supporteront pas le moment où ils devront se déplacer en fauteuil et finalement l’accepter s’ils sont bien équipés. Le même raisonnement tient pour l’étape de l’alitement si les personnes sont bien entourées. L’étape insupportable est souvent celle de la trachéotomie. Il importe de ne pas contraindre ces personnes, dans une grande douleur, à renouveler la procédure, d’autant que cela pourrait les inciter à accélérer l’administration de la substance létale. Prévoir un délai d’un an avant la reprise de la procédure me paraît raisonnable, d’autant qu’une période aussi longue est parfois nécessaire pour obtenir une ordonnance.
Mme Annie Vidal (RE). J’ai une autre lecture de l’alinéa 11. Si la personne n’a pas confirmé sa demande au bout de trois mois, cela signifie que son état s’est amélioré ou qu’elle doute de sa volonté d’absorber une substance létale. L’alinéa dispose que, dans ce cas, le médecin reprend la procédure collégiale pour s’assurer du caractère libre et éclairé de la démarche du patient. La suppression de l’alinéa 7 empêcherait le médecin de procéder à cette vérification alors que le patient n’a pas confirmé sa demande depuis trois mois.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pensons aux patients ! Après la visite d’un proche ou un échange avec l’équipe soignante, les douleurs, qui varient d’un malade à l’autre, peuvent diminuer. La personne peut changer d’avis après réflexion.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Chers collègues, je vous invite à une lecture attentive de ce que dit vraiment l’alinéa 11 et je laisse M. Falorni vous l’exposer.
M. le rapporteur général. J’ai beaucoup réfléchi à cette question en préparant le projet de loi. Je sais que le groupe Démocrate s’interroge pour savoir si le délai pertinent doit être de trois mois, six mois ou un an. Mais j’aurais été profondément gêné que ce délai réenclenche une procédure exigeant un avis médical collégial et un délai plafond de quinze jours. Cela irait à l’inverse de l’effectivité du droit que nous recherchons et de notre souhait que le malade trouve une réponse à sa volonté libre, consentie et réitérée. Si cela avait été le cas, je m’y serais opposé.
Or le texte bien prévoit qu’en « l’absence de confirmation dans un délai de trois mois à compter de la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté ». S’il ne s’agit que de s’assurer de cette volonté, et de rien d’autre, je ne vois pas de problème. Il me semble qu’un bon compromis a été trouvé.
On aurait certes pu allonger ce délai. Mais il faut, comme le dit M. Cyrille Isaac‑Sibille, revenir à la réalité : pour la grande majorité des personnes concernées, le délai de trois mois est, heureusement ou malheureusement, assez théorique et sera très rarement dépassé car leur espérance de vie est assez brève. Je suis donc favorable à l’écriture actuelle.
Mme la ministre. Il importe que nous parlions de la même chose et que chacun comprenne bien ce qui est écrit à cet alinéa. Il s’agit de s’assurer de la manifestation de la volonté libre et éclairée du patient. Nombre d’entre vous ont évoqué les influences que pourrait subir celui-ci pour diverses raisons et, trois mois après l’expertise, il n’est pas ridicule de vérifier qu’il a toujours cette volonté. Cette vérification ne nécessitera aucun dossier administratif, sinon la consignation par le médecin du fait qu’il a procédé à l’examen. Il ne s’agit pas de redémarrer toutes les démarches administratives, mais seulement de procéder à un examen médical enregistré, au titre de l’article 13, dans le système d’information.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les choses sont claires : le médecin évalue la manifestation libre et éclairée de la volonté du patient et ce n’est que s’il a le sentiment que ce n’est pas le cas qu’il est possible de reprendre la procédure.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). J’étais soucieuse à l’idée que la personne puisse craindre que l’on juge que sa décision n’était plus éclairée et que cela puisse la précipiter. Mais si le médecin déclare qu’elle réitère sa demande de façon libre et éclairée, la procédure ne recommence pas. Je ne veux pas que l’on dise le contraire de ce que j’ai écrit dans cet amendement.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Au bout de trois mois, le médecin vérifie uniquement la volonté libre et éclairée car la réitération de cette manifestation est importante pour nous. Les mots « si besoin » ont donc toute leur importance. Si le médecin doute de la volonté libre et éclairée, il peut recourir à la procédure. Mais s’il constate la réitération de la démarche du patient, il n’y aura aucune procédure.
Mme Cécile Rilhac (RE). Devant le problème que pose cet alinéa, les auteurs des amendements accepteraient-ils de les retirer ?
Mme Monique Iborra (RE). Le délai de trois mois figure à l’alinéa 11 de l’article 8. Mais on lit aussi à l’article 9 que « si la date retenue est postérieure à un délai de trois mois à compter de la notification de la décision mentionnée au III de l’article 8, le médecin mentionné à l’article 7 évalue à nouveau, à l’approche de cette date, le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne ». Va pour le délai de trois mois ! Mais le fait de vérifier sept fois la volonté du patient peut être dissuasif et stressant.
M. le rapporteur général. La proposition de Mme Rilhac est sage. Je conviens que la formulation peut susciter un doute. C’est le devoir et l’honneur des parlementaires de regarder chaque mot et de veiller à ce que le texte soit le plus clair possible. Il est tout à fait légitime de demander des précisions. Je le répète : il s’agit de vérifier à nouveau la volonté libre et éclairée de la personne, non de réenclencher la procédure.
Si le Gouvernement en est d’accord, nous pourrions travailler à un amendement en vue de l’examen du texte en séance publique afin de lever le doute. Il est peut-être lié au mot « procédure ». J’invite au retrait des amendements et, si le Gouvernement souhaite opérer une clarification, j’y serai favorable.
Mme Annie Genevard (LR). La proposition du rapporteur général est la bonne car il est plus difficile de rétablir un texte que de le modifier en séance publique. L’expérience me pousse à incliner dans son sens.
Il est indispensable de s’assurer que la volonté libre et éclairée demeure car c’est l’un des fondements de ce texte. Je regrette, à cet égard, que le psychiatre ne fasse pas partie du collège consulté car son avis serait intéressant. C’est un élément que je livre à la réflexion en vue d’une possible nouvelle écriture.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Rendons à César ce qui est à César : la proposition de retrait vient de Mme Rilhac.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mme Iborra évoque une procédure qui s’apparenterait à du harcèlement, affirmant que la personne devrait réitérer sept fois sa volonté. Ce n’est pas mon interprétation. La personne demande une première fois lors de la première consultation auprès du médecin qu’elle sollicite, lequel accomplit toutes la procédure et se prononce. La personne doit alors réitérer sa demande, puis une troisième fois lorsque l’acte est réalisé. Il peut y avoir une quatrième reprise si les choses évoluent. La demande d’aide à mourir est une décision importante et c’est la moindre des choses de vérifier la volonté de la personne au début de la démarche, durant la procédure et au moment de son achèvement. Ce n’est pas du harcèlement.
Mme la ministre. On ne peut qu’accepter la volonté de retravailler un texte. Mais je répète que le Gouvernement, partageant l’avis de la rapporteure, tient à l’obligation de vérifier, au bout de trois mois, la manifestation de la volonté libre et éclairée du patient. Par ailleurs et sans rouvrir ce débat, je ne compte pas, moi non plus, sept vérifications.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous retirons l’amendement et ne doutons pas d’être associés à la réécriture de l’amendement.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement est de M. Bentz, que je devrai consulter. Mais, pour l’heure, je le retire afin de le retravailler pour en rediscuter ensemble.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS796 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Il faut reformuler l’alinéa 11 en maintenant la logique de délai, mais sans la pression ou la précipitation liée à ce délai dans la rédaction actuelle, qui donne l’impression que le médecin doit impérativement redemander à la personne si elle souhaite recourir à une aide à mourir au bout de trois mois. Cela induit le risque de précipiter sa décision. Nous proposons d’inverser la logique : la personne n’est pas sollicitée au bout de trois mois mais, si sa confirmation intervient plus de trois mois après la notification de la décision, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de sa volonté. Cette nouvelle rédaction a le double mérite de s’assurer à tout moment de la volonté des personnes en fixant une limite dans le temps sans leur donner l’impression que leur décision doit être prise rapidement, au risque de la précipiter.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous venons de discuter d’amendements sur ce sujet et il a été décidé de réécrire l’alinéa en vue de la séance publique.
Pour l’heure donc, retrait et, à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Didier Martin (RE). Il semble évident qu’il faut, à l’alinéa 11, supprimer tout ce qui suit le mot « volonté » et qui est, de fait, sans objet. Si le médecin constate, au bout de trois mois, que la volonté n’est pas clairement émise, on revient, non pas au II de l’article 8, mais au 5° de l’article 6, qui impose que la personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Or, ce n’est plus le cas.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1934 de Mme Laurence Cristol.
Amendements identiques CS222 de M. Philippe Juvin et CS1524 de M. Hervé de Lépinau, amendement CS631 de Mme Christine Loir (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Le rapporteur général a dit qu’il pouvait y avoir un débat au sein même de son groupe sur le délai au terme duquel il convient de s’assurer de la volonté du patient. M. Juvin, quant à lui, propose de fixer ce délai à deux mois au lieu de trois.
Mme Christine Loir (RN). Les amendements CS1524 et CS361 sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1758 de M. Christophe Bentz
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS150 de Mme Marie-France Lorho et CS1526 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
Mme Christine Loir (RN). Les amendements sont défendus.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable également.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Si nous avions voté la suppression de l’alinéa 11, tous les amendements seraient tombés et nous n’aurions pas cette discussion absurde. Alors que nous convenons tous que l’alinéa 11 doit être réécrit en séance publique, nous étudions tout de même des amendements tendant à le modifier.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS875 de M. Julien Odoul
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1823 de M. Christophe Bentz
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1519 de Mme Geneviève Darrieussecq
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’amendement précise que cette nouvelle évaluation ne doit pas être réalisée en téléconsultation.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS1699 de M. Christophe Bentz
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1877 de M. Gilles Le Gendre
M. Gilles Le Gendre (RE). Cet amendement, comme l’amendement CS1878 qui sera bientôt appelé, est un rescapé du contrôle de recevabilité financière. Il introduit la question de l’aide à mourir dans les directives anticipées, avec un encadrement strict. J’ai bien compris que le sujet était verrouillé à double tour et je respecte cette position. Je me contenterai donc d’observer, non sans une certaine malice, que lorsque le Président de la République a rendu visite au Conseil économique, social et environnemental, le 26 avril, il s’est montré, dans une réponse à un conventionnel largement relayée dans les médias, beaucoup plus ouvert.
Le sujet étant d’une immense gravité, j’espère donc que la séance publique permettra, moyennant un travail de dentellière, de porter une proposition calibrée et transpartisane qui réunisse ceux de nos collègues qui, depuis ces cinq jours de débat, ont fait état de leur intention en la matière.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1823 CS876 de M. Julien Odoul
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1935 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS223 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement précise l’alinéa 12 en mentionnant les risques et les effets indésirables.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette obligation d’information est déjà assez précise à l’alinéa 12, qui prévoit que le médecin informe sur les modalités d’administration et d’action de substance létale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS224 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
L’amendement CS1878 de M. Gilles Le Gendre est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1936 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS1319 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Cet amendement a été admirablement défendu par Gilles Le Gendre et par le Président de la République le 26 avril.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je réitère mon avis défavorable.
Si le texte est équilibré, c’est parce que le patient doit avoir son discernement au moment d’exprimer sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir, puis tout au long de la procédure et jusqu’au moment de l’administration de la substance létale.
Mme la ministre. J’ai abordé plusieurs fois ce sujet et je réitère un avis très défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS877 de M. Julien Odoul
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS586 de Mme Christine Loir et CS1024 de M. Thibault Bazin.
Amendement CS675 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement vise à préciser que l’échange entre le médecin et la personne devrait fixer aussi le lieu, les modalités de l’administration, l’intervention ou non de la personne volontaire et la présence du professionnel en cas de suicide assisté, tout en prenant en compte les directives anticipées le cas échéant.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces éléments doivent être fixés non pas avec le médecin qui a effectué la demande, mais avec le professionnel de santé qui accompagnera effectivement la personne le jour de l’administration de la substance létale. Ils sont déjà prévus à l’article 9.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1144 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons déjà eu cette discussion, qui reviendra à propos de l’article 11. L’alinéa 13 prévoit que le médecin « détermine, avec la personne, le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale ». La personne peut aussi choisir un proche pour l’accompagner, à qui il est essentiel de donner toutes les informations nécessaires pour s’assurer de son consentement.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. La procédure prévue requiert la présence obligatoire d’un professionnel de santé lors de l’administration de la substance létale, y compris lorsqu’elle est administrée par un tiers. La rédaction actuelle est donc de nature à assurer cette information et cet accompagnement.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ajoute que le plan personnalisé d’accompagnement prévoit de prendre en considération les proches. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS225 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Il ajoute une garantie supplémentaire de collégialité en faisant en sorte que le médecin qui administre la substance létale ne soit pas celui qui a fait la demande.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je n’entends pas du tout les choses ainsi. L’enregistrement des différentes étapes de la procédure et le dispositif de contrôle apportent déjà les garanties propres à éviter des recours abusifs ou des dérives du dispositif. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait le médecin qui a reçu la demande et pris la décision d’accorder l’aide à mourir, et qui a donc certainement une relation de confiance particulière avec son patient, de procéder à l’administration.
Avis défavorable
Mme la ministre. Je ne comprends pas, moi non plus, pourquoi on l’interdirait. Nous verrons à l’article 13 la traçabilité des différents actes qui jalonnent chaque procédure d’aide à mourir, de la demande jusqu’au constat du décès de la personne, qui donnent lieu à un enregistrement par les professionnels concernés. Tant qu’une étape n’a pas été complétée, l’étape suivante est bloquée, ce qui permet de suivre le déroulement de la procédure. Je ne comprends pas l’intérêt qu’il y aurait à empêcher le médecin qui décidé d’accorder l’aide à mourir d’accompagner la personne.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS878 de M. Julien Odoul
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous voulons rappeler l’importance de la clause de conscience.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1701 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1229 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement d’appel a pour objectif d’attirer l’attention sur le transport et le stockage de la substance létale, préparation dont la durée de validité est d’un mois, sauf circonstances particulières, entre la pharmacie et le patient. En effet, le projet de loi ne précise ni les modalités de réception et de conservation en pharmacie de la substance, ni celles de son acheminement vers le patient ou de son retour en pharmacie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 18 du projet de loi précise et sécurise la chaîne de circulation de la substance létale. Avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS915 et CS226 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS915 a pour objet de sécuriser le processus de transmission de la prescription. Quant à l’amendement CS226, il me semble que l’amendement adopté de Mme Darrieussecq le satisfasse, et peut-être allez-vous suggérer que je le retire ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je demande en effet le retrait de l’amendement au profit de celui de Mme Darrieussecq.
Mme la ministre. Moi aussi. Avis défavorable, par ailleurs, à l’amendement CS915, qui interdit la possibilité d’une transmission de la prescription par télécopie ou courriel. Les professionnels de santé sont soumis à des règles de déontologie qui leur imposent la sécurisation de la réalisation et de la transmission de prescriptions de médicaments. Cet amendement étant satisfait, vous pourriez procéder à un double retrait.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l’article 8 modifié.
Après l’article 8
Amendement CS1232 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). L’amendement rend opposable au médecin la prise en compte de la personne de confiance dans le cadre des directives anticipées sur le suicide assisté et l’euthanasie. L’objectif est de garantir à la personne qui a rédigé ses directives anticipées la prise en compte de ses intérêts lorsqu’elle n’est plus en mesure d’exprimer ses souhaits en perdant ses facultés de discernement.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le rôle de la personne de confiance est d’assister la personne avec son accord lors de ses démarches médicales et d’exprimer la volonté du patient lorsqu’il n’est plus en mesure de le faire lui-même. Or, dans la procédure d’aide à mourir, nous parlons d’une personne en mesure d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée. Il n’y a pas lieu d’associer la personne de confiance si cela n’est pas la volonté du patient. C’est une question de respect.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 9 : Détermination de la date d’administration de la substance létale et droits de la personne
Amendement de suppression CS101 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). À la suite des évolutions que notre commission a adoptées aux articles 5, 6, 7 et 8, avec notamment la suppression de la condition d’engagement du processus vital, la directive anticipée de demande d’euthanasie, les termes un peu vagues qui ont été préférés et, chose plus inquiétante, la possibilité d’abréger le délai de réflexion, l’amendement tend à supprimer l’article 9.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 9 prévoit des garanties essentielles pour le patient dans la procédure d’aide à mourir : le droit de choisir la date d’administration de la substance létale, le lieu et les personnes qui l’accompagneront. La volonté du patient et son autonomie sont au cœur de ces droits, conformément à l’esprit du projet de loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS2005 de Mme Laurence Cristol.
Amendements CS333 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS879 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS587 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’amendement exclut les infirmiers du processus.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les infirmiers disposant des compétences requises pour effectuer un grand nombre d’actes médicaux, il n’y a pas de raison de les exclure de la liste des professionnels de santé pouvant accompagner la personne.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1937 de Mme Laurence Cristol.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CS279 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Amendement CS228 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Le terme « choisit » est plus approprié que le terme « convient de ». Il fait écho à la notion de consentement libre et éclairé.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Que vous utilisiez les termes de « convenir » ou de « choisir », l’idée est que cela se fasse avec le professionnel de santé qui accompagne. Votre amendement ne change pas le sens du projet de loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1861 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Cet amendement, important pour éviter tout déboire au patient comme à l’équipe soignante, ajoute l’heure à la date choisie par le patient. L’organisation de notre travail pourrait en effet nous imposer de proposer le moment où nous avons le moins de tâches professionnelles à accomplir, c’est-à-dire très tôt le matin ou très tard le soir. Ce ne serait peut-être pas le choix du patient.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce point, qui est loin d’être un point de détail. Comme Mme Fiat, je pense que le patient doit pouvoir choisir non seulement la date, mais aussi l’heure de sa mort.
Avis favorable.
Mme la ministre. J’ai tendance à penser que cette question ne relève pas du législatif. Je comprends toutefois le signe que l’on veut donner pour montrer qu’il importe d’entendre le choix du patient et des équipes.
À ce titre, sagesse.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La mention de l’heure est importante pour les professionnels qui doivent organiser leur plan de soins pour la journée et pour ceux qui accompagneront la personne dans ses derniers moments. En cela, elle n’est pas seulement une mesure symbolique, mais la garantie du libre choix du moment où l’on fait ses adieux.
M. Thibault Bazin (LR). L’exposé sommaire évoque la définition d’une plage horaire, laquelle a un début et une fin. Le texte de l’amendement, plutôt que de reprendre cette notion, mentionne l’heure, ce qui pose une question de compréhension. Celle-ci devra-t-elle être indiquée à la minute près ? La loi doit être intelligible pour les professionnels et les volontaires qui accompagneront la personne.
Mme Annie Vidal (RE). Je comprends l’intérêt de l’amendement, tant pour les soignants que pour le malade et sa famille, ainsi que son aspect symbolique. Permettez-moi un commentaire acide : je regrette que nous ayons été moins vigilants à l’aspect symbolique de la suppression de la notion d’engagement du pronostic vital.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Cet amendement procède d’une intention bienveillante. Mais qu’arrivera-t-il si l’on dépasse l’heure pour des raisons médicales ou si un déplacement est contrarié ? La personne attendra sans qu’il ne se passe rien. Cela met en danger la démarche.
Mme la ministre. Pour respecter l’esprit de l’amendement, je me demande s’il ne serait pas préférable de remplacer « heure » par « plage horaire ». Cela répondrait aux préoccupations de Mme Maillart-Méhaignerie.
M. Didier Martin (RE). Pour avoir longtemps travaillé en hôpital, je vous assure que nous essayons de respecter les horaires, de même que les infirmiers qui, en ville, administrent des drogues anticoagulantes. De ce point de vue, mentionner l’heure me paraît utile à l’organisation du travail des équipes. Par ailleurs, cela évoque ce qui était inscrit sur toutes les vanités : « Ni le lieu ni l’heure ». Le projet de loi tend précisément à reconnaître la possibilité de choisir le lieu et l’heure de la mort.
M. Philippe Vigier (Dem). Imaginez la charge émotionnelle qu’une plage horaire représente pour le malade : « Je vais mourir entre neuf heures et midi », « Je vais mourir entre quatorze heures et dix-sept heures »... Respectons aussi les soignants qui accompagneront la personne qui a choisi de mourir. Il me semble que le projet de loi est déjà bien encadré. Évitons une restriction qui infligerait une pression supplémentaire aux soignants, aux patients et à l’entourage.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Les lois sont trop bavardes. Si le patient et le médecin conviennent de la date, ils s’accorderont aussi sur l’heure. Il est ridicule d’imposer cette précision dans la loi.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Le code de la santé publique précise en d’autres endroits la notion d’heure sans que celle-ci soit opposable ou que son non-respect annule l’acte en cause. La notion de plage horaire est acceptable mais imprécise : elle pourrait être interprétée comme vingt-quatre heures pleines. Il est important que la loi garantisse au patient la liberté de choisir le lieu, la date et l’heure, que ce soit pour une raison symbolique ou pour respecter les disponibilités de ses proches.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS676 de Mme Christine Pires Beaune et CS1217 de Mme Monique Iborra
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le délai de trois mois est pour nous un sujet de préoccupation. J’ai bien noté qu’un travail de rédaction serait effectué dans la perspective de la séance publique pour mettre en cohérence les articles 8 et 9. Par respect de ce travail collectif, je retire l’amendement CS676.
Mme Monique Iborra (RE). Je retire également mon amendement. Mais j’insiste sur le fait que la validation du patient est déjà demandée sept fois au cours de la procédure.
*
* *
13. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 14 heures 30 (article 9 [suite] à après l’article 15)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([14]).
Article 9 (suite) : Détermination de la date d’administration de la substance létale et droits de la personne
Amendements CS1778 de Mme Anne Bergantz et CS1242 de Mme Nicole Dubré‑Chirat, amendements identiques CS196 de M. Philippe Juvin et CS588 de Mme Christine Loir (discussion commune)
Mme Anne Bergantz (Dem). Il a été décidé ce matin que l’alinéa 11 de l’article 8 serait retravaillé en vue de la séance, parce que le délai de trois mois qu’il introduit est problématique pour nombre d’entre nous. Je vous avais déjà interrogée à ce sujet, madame la ministre, lorsque nous vous avons auditionnée au mois d’avril.
Je rappelle qu’il faut, pour bénéficier de l’aide à mourir, être atteint d’une maladie grave et incurable, à un stade avancé ou terminal et endurer des souffrances insupportables. Une personne qui se trouve dans cette situation ne sait pas ce qui va lui arriver : elle peut seulement imaginer l’évolution de son état de santé, en fonction de sa pathologie. Elle souffre et a peur de souffrir encore plus. Une fois que sa demande a été acceptée, la certitude qu’elle pourra bénéficier d’une aide à mourir le moment venu, au moment où elle n’en pourra plus, peut contribuer à l’apaiser, sans qu’elle décide pour autant de passer immédiatement à l’acte. Le bon moment pour elle pourra être un mois, deux mois, quatre mois, cinq mois plus tard…
Formuler une demande d’aide à mourir n’est pas un acte anodin, ce n’est pas une chose facile. Devoir réitérer cette demande tous les trois mois ne le sera pas davantage. Et cela me paraît inutile, dans la mesure où la personne devra déjà réaffirmer sa volonté libre et éclairée au moment de l’acte. Je suis bien consciente que, dans l’immense majorité des cas, l’aide à mourir interviendra dans un délai assez court, inférieur à trois mois, mais je trouve cruel d’imposer aux personnes qui souhaitent avant tout être apaisées de faire revalider cette demande tous les trois mois.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). J’avais déposé un amendement à l’article 8, prévoyant que l’ordonnance puisse être renouvelée pour trois mois par le médecin, au terme d’une consultation où le patient réaffirmerait sa volonté de façon libre et éclairée. Il a été jugé irrecevable. Je propose, avec celui-ci, de faire passer le délai prévu de trois à six mois, afin de donner davantage de visibilité au patient.
M. Thibault Bazin (LR). Alors que nos collègues proposent de faire passer le délai à un an ou six mois, nous proposons pour notre part par l’amendement CS196 de le ramener à un mois, car la personne peut évoluer durant cette période, tout comme le diagnostic médical, qui peut ouvrir de nouvelles perspectives.
Des spécialistes de cancérologie m’ont indiqué que, même pour des maladies graves et incurables, la thérapeutique peut évoluer, ainsi que la réaction du corps à celle-ci. Il faut que la loi puisse s’adapter aux progrès de la science, qui permettront peut-être de soulager certaines souffrances, voire de soigner des maladies que l’on considère actuellement comme incurables.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS588 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Cette discussion est directement liée à celle de ce matin : or il a été décidé de réécrire l’alinéa 11 de l’article 8.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Nous avons déjà eu ce débat ce matin.
La commission adopte l’amendement CS1778.
En conséquence, les amendements CS1242, CS196 et CS588 tombent.
Amendement CS152 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Thibault Bazin (LR). Je sais bien que le critère selon lequel le pronostic vital du malade doit être engagé a été supprimé, mais je ne vois pas comment le délai de douze mois, qui vient d’être voté, va s’articuler avec les dispositions prévues aux articles précédents, notamment avec l’alinéa 11 de l’article 8.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS880 de M. Julien Odoul
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1174 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Nous proposons de préciser que la préparation magistrale ne peut faire l’objet d’une fabrication à l’avance.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Par définition, une préparation magistrale est réalisée pour un patient déterminé et extemporanée.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1702 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il s’agit de préciser que l’euthanasie n’est jamais réalisée à domicile, afin de prévenir la survenue d’un trouble post-traumatique chez les parents, colocataires, cohabitants ou voisins de la personne euthanasiée.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement contrevient à un droit important du patient, celui de mourir à son domicile. Plus de 90 % des personnes souhaitent mourir chez elles et il n’y a aucune raison de les en empêcher.
Avis très défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CS1523 de Mme Geneviève Darrieussecq est retiré.
Amendement CS677 de Mme Christine Pires Beaune
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souhaitons maintenir la possibilité pour la personne de faire réaliser l’acte soit à domicile, soit en établissement, mais la rédaction actuelle implique que l’aide à mourir a lieu par principe au domicile de la personne, sauf demande de sa part. Nous souhaitons inverser ce principe.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne vois pas de raison de prévoir une administration en établissement si le patient n’y est pas hospitalisé. La possibilité de mourir à son domicile est un droit et une attente importante de nos concitoyens. Je ne suis donc pas favorable à ce que l’on donne la priorité à l’administration en établissement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS153 de Mme Marie-France Lorho et CS1567 de Mme Brigitte Liso (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS153 est défendu.
Mme Michèle Peyron (RE). Par l’amendement CS1567, nous proposons de compléter l’alinéa 3 par les mots « , sauf dans un lieu public ».
Le présent amendement vise à mieux encadrer les lieux dans lesquels les personnes peuvent procéder à l’administration de la substance létale, d’elles-mêmes ou avec l’aide d’un tiers.
Les mots « en dehors de son domicile » sont trop flous et ne permettent pas de définir strictement les structures qui sont adaptées et celles qui ne le sont pas. Dès lors, en précisant les lieux dans lesquels peuvent et doivent avoir lieu cette procédure, il proscrit des environnements inadéquats, voire dangereux. L’aide active à mourir est un acte hautement complexe, du point de vue médical et psychologique, et ne saurait pâtir de manquements altérant le bon déroulé de la procédure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. De telles dispositions sont trop restrictives. En pratique, elles empêcheraient par exemple que l’administration puisse avoir lieu dans un hôpital.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Charles de Courson (LIOT). J’ai du mal à comprendre cet amendement. On ne va pas faire cela dans la rue ou dans un jardin public...
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Je me demandais si l’acte devait se faire sur le sol français et je n’ai pas trouvé de réponse à cette question dans le projet de loi. L’un des critères d’éligibilité est la nationalité française. Un Français qui serait suivi par un médecin français, en France, et qui remplirait toutes les conditions, mais dont le domicile serait en Allemagne pourrait-il demander que l’acte soit pratiqué dans son lieu de résidence ?
Mme la ministre. Je peux vous donner deux éléments de réponse. D’abord, il vaut mieux que cela se passe en France pour bénéficier de la prise en charge par la sécurité sociale. Ensuite, les recours en justice, dont il a beaucoup été question, seront plus difficiles à faire si cela n’a pas été fait sur le sol français. Je vais me pencher sur la question.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le lieu sera décidé avec des professionnels de santé : il me paraît évident qu’ils ne feront pas cela dans la rue mais qu’ils choisiront un endroit adapté à leur activité et garantissant un moment d’intimité et de recueillement. La précision que vous voulez apporter me paraît assez étonnante.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS589 de Mme Christine Loir
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1550 de M. Thomas Ménagé
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1625 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (RE). Dans le même esprit, je propose de compléter l’alinéa 3 par les mots : « à l’exception de la voie publique et aux établissements recevant du public définis à l’article R. 143‑2 du code de la construction et de l’habitation ». Même si l’on peut effectivement imaginer que les soignants ne feront pas cela n’importe où, il me semble préférable d’apporter cette précision.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. De telles dispositions sont trop restrictives. Les établissements de santé sont, par définition, des lieux recevant du public.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je rappelle que le lieu d’administration de la substance létale sera déterminé de manière concertée entre le patient et le médecin et j’ai, moi aussi, plutôt tendance à faire confiance au médecin.
Par ailleurs, c’est le médecin ou l’infirmer qui apporte la substance létale et veille au bon déroulement de la procédure. Le fait que tout cela se déroule sous le contrôle d’un professionnel de santé doit garantir que le lieu sera adéquat.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS881 de M. Julien Odoul.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Les amendements du Rassemblement National sont assez curieux. Imaginer que les patients ou les soignants pourraient vouloir faire cela au café du commerce me paraît totalement hallucinant. Mais je m’étonne aussi de l’amendement CS881, qui entend empêcher que l’acte puisse se faire dans des unités de soins palliatifs, des maisons d’accompagnement et des maisons de retraite médicalisées. Dites clairement que vous voulez que cela ne puisse se faire qu’au domicile des patients ! Ou dites plutôt que vous êtes contre l’aide à mourir, alors que près de 90 % de la population est pour ! Vous avez le droit de le penser mais, au lieu de le dire clairement, vous déposez des amendements complètement ridicules.
Mme Annie Vidal (RE). Tous les points de vue doivent être respectés, quel que soit le groupe qui les exprime, et rien n’est ridicule. Je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos. Nous ne sommes pas dans une guerre de partis ; l’enjeu n’est pas d’opposer les uns aux autres en fonction de leurs valeurs politiques, mais que chacun exprime ses convictions.
Mme Annie Genevard (LR). Cet amendement pose une question importante, celle de la délimitation entre les soins palliatifs et l’aide à mourir. Pour notre part, nous contestons l’idée selon laquelle l’aide à mourir serait un prolongement des soins palliatifs. Il y a une différence de nature entre les deux démarches : les soins palliatifs consistent à accompagner la vie jusqu’à la mort, tandis que l’aide à mourir consiste à administrer une substance mortelle avant le terme naturel de la vie. Cette délimitation me paraît très importante.
Lorsque nous avons examiné l’article qui s’y rapportait, Mme la ministre nous a clairement dit qu’il serait possible, dans les maisons d’accompagnement, de délivrer une substance létale à une personne qui le demanderait. Or nous pensons que ce n’est pas l’objet de ces maisons.
M. Thibault Bazin (LR). Comme celle de la temporalité, la question du lieu mérite d’être posée. Le fait qu’une personne volontaire puisse accomplir l’acte n’est pas anodin et le mode d’administration aura lui aussi une incidence.
Mme Monique Iborra (RE). Mme Genevard vient d’expliquer que, dans les services de soins palliatifs, on ne pourra pas faire d’aide à mourir. Cela signifie que lorsqu’une personne demandera une aide à mourir et que le médecin lui dira qu’elle peut éventuellement choisir les soins palliatifs, il faudra qu’il ajoute qu’en soins palliatifs, elle ne bénéficiera pas de l’aide à mourir, même si elle la demande.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Imaginons qu’une personne dont la souffrance est insurmontable, insupportable et réfractaire se trouve dans une maison d’accompagnement ou un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) situé à 100 kilomètres de son domicile et qu’il n’y ait pas de place à l’hôpital. Est-ce que l’on va mettre en place toute une logistique pour la déplacer dans les derniers moments de sa vie, loin des personnes qui l’accompagnent, afin de lui administrer une substance létale ? Ce n’est pas sérieux, ce n’est pas raisonnable et ce n’est pas humain.
M. Didier Martin (RE). Le philosophe Frédéric Worms nous a invités à trouver une troisième voie entre les soins et l’aide à mourir. Il a évoqué la complexité et le tragique de la situation et parlé d’une possibilité circonscrite dans une contradiction. Cette troisième voie, ce n’est plus un soin, c’est une forme de secours.
Mme la ministre. À ce stade du débat, je crois important de rappeler que l’aide à mourir pourra être pratiquée en Ehpad, qui est considéré comme un domicile, ainsi que dans tous les services de l’hôpital, y compris ceux de soins palliatifs. Certaines personnes avaient proposé qu’il puisse y avoir une clause de conscience collective, ce qui aurait eu pour effet d’interdire cet acte dans l’ensemble d’un établissement ; or il n’y en aura pas.
Certains amendements visent à exclure des lieux, mais le texte prévoit que l’aide à mourir peut être pratiquée au domicile des personnes et dans les services hospitaliers, publics comme privés.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS229 de M. Philippe Juvin, CS604 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS678 de M. Jérôme Guedj et CS1527 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Je crois qu’en Ehpad, cela va poser beaucoup de questions. Des médecins coordonnateurs nous expliquent que de plus en plus de familles leur mettent la pression sur la programmation et que cela peut être compliqué.
L’amendement CS229 pose la question des centres pénitentiaires : faut-il permettre l’euthanasie et le suicide assisté dans les lieux de privation de liberté ? Cela nous inquiète, parce qu’il paraît difficile de s’assurer du consentement libre et éclairé des détenus et que des dérives sont à craindre.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’aimerais revenir sur les propos qu’a tenus Mme Danielle Simonnet. Sur un sujet de société aussi important, et qui touche à l’intime, il importe de dépasser les étiquettes politiques et d’avoir un vrai débat. Nous avons tous beaucoup travaillé et continuons d’être bousculés par les questions qui se posent. Je remercie Mme Annie Vidal pour son intervention.
Par ailleurs, je regrette que, du fait d’un bruit de fond permanent, il soit si difficile de nous entendre.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je ne peux que souscrire à vos propos, s’agissant du bruit comme du respect que nous nous devons tous. Nous avons eu de beaux débats depuis lundi ; les positions des uns et des autres doivent être entendues ; c’est la démocratie.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous avez expliqué, madame la ministre, que l’acte pourrait être réalisé dans un établissement de santé public ou privé, dans un établissement ou un service social ou médico-social ou au domicile de la personne. Par l’amendement CS678, nous proposons de l’écrire clairement dans le projet de loi, afin de clore ce débat.
M. Thierry Frappé (RN). L’amendement CS1527 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur Bazin, vous avez parlé des Ehpad et de l’attitude que peut parfois avoir la famille. C’est précisément la raison pour laquelle il importe que la personne exprime sa volonté de manière libre et éclairée ; et c’est aussi pour cela que le rôle de la personne de confiance est très encadré. J’étais la semaine dernière dans une maison de retraite : le personnel était très inquiet à l’idée que l’on puisse refuser l’aide à mourir dans leur établissement. Ils souhaitent pouvoir accompagner jusqu’au bout les résidents dont ils s’occupent parfois depuis des années.
Vous proposez d’exclure les établissements pénitentiaires : le problème des listes est qu’elles ne sont jamais exhaustives. Surtout, je ne suis pas favorable à cette restriction.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les amendements qui nous sont soumis sont de deux types. Certains d’entre eux visent à exclure les établissements de santé, ce qui pose un problème pour les personnes qui sont hospitalisées. Vous disiez tout à l’heure, monsieur Bazin, qu’il fallait débattre de la question du lieu, mais cela revient à établir une clause d’exclusion pour des gens qui n’ont pas d’alternative.
Quant à l’amendement de nos collègues socialistes, en proposant une liste de tous les lieux où l’acte pourra être accompli, il en oublie certains, à commencer par les centres pénitentiaires.
Mme Annie Genevard (LR). Ce qui sous-tend ce débat, c’est le sens du métier de soignant. Dans les hôpitaux et les Ehpad, dans les lieux où prévaut le précepte Primum non nocere – « D’abord ne pas nuire » –, dans les lieux où l’on apprend la lenteur, la patience, l’attention et où opèrent des associations qui accompagnent les personnes âgées – même si j’entends bien que cette loi ne concerne pas qu’elles –, je crains qu’il n’y ait un choc entre deux logiques. Du reste, les soignants ont clairement dit que cette question fracturait leur communauté. Rendre possible l’aide à mourir, l’euthanasie ou le suicide assisté dans des lieux dédiés aux soins va inévitablement poser un problème aux soignants eux-mêmes.
M. Philippe Vigier (Dem). À l’inverse, chère collègue, imaginez ce que peut ressentir une équipe médicale qui s’occupe d’un patient en soins palliatifs si, lorsqu’il demande à bénéficier de l’aide à mourir, on le renvoie chez lui ! Imaginez le traumatisme que cela peut représenter.
Monsieur Bazin, je ne sais pas comment vous pouvez écrire dans votre exposé sommaire que « les centres pénitentiaires devraient également être exclus des lieux où l’aide à mourir est pratiquée, pour ne pas laisser penser que l’aide à mourir pourrait être une alternative aux peines prononcées par les juges ».
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Ce qui crée un traumatisme, ce n’est pas de savoir qui, dans le service, va invoquer la clause de conscience. Ce qui est traumatisant, c’est quand un de nos résidents part mourir à l’hôpital et que la famille revient chercher les meubles à l’Ehpad en nous disant que leur père ou leur mère est décédé avec des inconnus, et pas auprès de nous. Ce qui est traumatisant, c’est que nos résidents meurent à l’hôpital et pas à leur domicile, c’est-à-dire à l’Ehpad. Pour les soignants de l’Ehpad, c’est violent.
La clause de conscience permettra de faire la distinction entre les collègues qui veulent bien faire cet acte et ceux qui ne le veulent pas. Nous travaillons en équipe, nous partageons les tâches et personne ne juge les autres, en fonction de ce qu’ils acceptent ou non de faire. Alors laissez nos résidents mourir sur leur lieu de résidence, et pas ailleurs.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’amendement CS678 me paraît trop restrictif. Il faut que le patient se trouve dans un environnement où il se sent bien. Ce pourrait d’ailleurs être au domicile d’un proche : il ne faut pas exclure cette possibilité. Le fait que cela doive se faire « dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier » sous-entend que des conditions de sécurité minimales seront respectées et que la voie publique sera, de fait, exclue.
M. David Valence (RE). Depuis le début des débats, deux logiques s’affrontent. Certains placent le patient au centre de leur raisonnement ; d’autres ont des considérations distinctes. M. Juvin et les membres du groupe Rassemblement National font partie des seconds. Imagine-t-on le ballet des ambulances qui emmèneraient des patients en phase terminale, ou souffrant profondément, mourir ailleurs que dans leur établissement de santé ?
Enfin, j’invite nos collègues à choisir avec attention leurs mots lorsqu’ils rédigent leurs amendements. M. de Lépinau rapproche les termes « suicide assisté » et « euthanasie » du verbe « exécuter » – c’est choquant.
Mme Christine Loir (RN). Madame Fiat, comme vous, je suis une ancienne soignante ; je comprends ce que vous voulez dire. Mais je me mets aussi à la place des autres résidents de l’Ehpad, qui peuvent trouver compliqué de voir ainsi partir des personnes qu’ils côtoient depuis des années. Quand je travaillais en Ehpad, on envoyait le plus souvent les personnes concernées à l’hôpital.
Mme Annie Vidal (RE). Je comprends tout à fait qu’un patient veuille mourir dans l’Ehpad qui est devenu son domicile. Je m’interroge toutefois sur la faisabilité. Les établissements ne disposent pas toujours d’un médecin coordonnateur, ou celui-ci occupe 0,2 équivalent temps plein, ni d’une infirmière. Est-ce qu’il existera des équipes mobiles de soins palliatifs suffisantes pour effectuer les démarches ? Il n’est pas certain en effet que les équipes en place dans les Ehpad soient en mesure d’assumer ces nouvelles missions. D’un autre côté, il serait peut-être difficile de faire venir des professionnels de santé dans l’établissement à seule fin d’accompagner la fin de vie. Il est sans doute nécessaire d’en discuter encore avec les professionnels des Ehpad.
Mme la ministre. C’est la pathologie du patient qui doit guider notre réflexion. Dans quelque lieu qu’il se trouve, il est en fin de vie, et accompagné tout au long du parcours – la notion de temps prend ici tout son sens.
Le patient doit pouvoir choisir, en accord avec le médecin qui l’accompagne, l’endroit où il souhaite que le produit létal soit administré. L’alinéa 3 prévoit que ce peut être « en dehors de son domicile », afin qu’il puisse choisir un lieu où il ne réside pas habituellement. J’ajoute qu’une liste est forcément restrictive, puisqu’il est compliqué d’y inscrire toutes les éventualités.
Vous avez posé la question du milieu carcéral, mais le patient est en fin de vie. Il est donc soit dans une unité hospitalière spécialement aménagée, soit dans un service hospitalier. Le contexte est déjà médicalisé.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable aux amendements en discussion commune.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement CS1938 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS1780 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier (Dem). L’alinéa 4 prévoit que le demandeur peut être accompagné des personnes de son choix lors de l’administration de la substance létale. Le présent amendement tend à préciser que ces personnes doivent être volontaires.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet ajout est inutile. L’article 5 prévoit que les professionnels de santé qui administrent la substance sont volontaires ; l’article 16 détaille la clause de conscience dont ils bénéficient.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
L’aide à mourir est organisée au domicile de la personne où dans un autre lieu déterminé, en présence des personnes qu’elle aura choisies, que le texte n’entend pas contraindre. L’amendement est satisfait.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1704 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement a le même objet que le précédent.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Charles de Courson (LIOT). L’alinéa 4 est ainsi rédigé : « [La personne] peut être accompagnée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. » Vous confirmez donc que c’est bien le demandeur qui donne l’autorisation ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1779 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Article 10 : Circuit de la substance létale
Amendements de suppression CS102 de M. Thibault Bazin et CS716 de Mme Annie Genevard
M. Thibault Bazin (LR). L’article 10 ne prévoit aucune clause de conscience pour les pharmaciens. Dans son avis, le Conseil d’État explique que cela se justifie parce que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale [...] ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens ». L’analyse est sophistiquée. Le lien entre la préparation de la substance létale et le suicide assisté est certes indirect, toutefois ladite substance ne pourra servir qu’à cet usage : ne pas accorder de clause de conscience aux pharmaciens obligera certains à préparer des substances dont l’usage contredirait leur conscience. Une loi prétendument de liberté aboutirait ainsi à contraindre certains professionnels et à leur causer de la souffrance. Dès lors, le présent amendement tend à supprimer l’article.
Mme Annie Genevard (LR). Le projet de loi est fondé sur l’autodétermination. L’article 10 prévoit que la pharmacie ne remettra pas le produit létal à son destinataire. Nous demandons donc sa suppression. Nous avons souvent cité l’Oregon : là-bas, seule la personne concernée peut retirer le produit de l’officine.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le Conseil d’État s’est prononcé contre l’octroi d’une clause de conscience aux personnes chargées de la préparation magistrale ; ils n’en disposent pas non plus pour la délivrance de la pilule abortive, par exemple. Par ailleurs, nous avons auditionné la présidente et la directrice générale du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, qui s’est prononcé contre la création d’une telle clause.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. Ni le Conseil d’État, ni la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’y voient une rupture d’égalité ou une atteinte à la liberté de conscience, garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, les missions de réalisation et de délivrance de la préparation magistrale létale interviennent après la prise de décision et avant l’administration : elles ne concourent pas assez directement à l’aide à mourir pour porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Si les pharmaciens disposaient d’une clause de conscience, ils pourraient refuser de préparer des médicaments spécifiques susceptibles, à haute dose, de provoquer la mort. De la même manière, on sait désormais que les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées sont mortelles : ceux qui les préparent pourraient demander à bénéficier d’une clause de conscience, comme les personnes qui s’occupent des déchets nucléaires. L’existence d’une clause de conscience est essentielle pour ceux qui prescrivent la substance ou qui l’administrent, pour les autres la participation est indirecte : si on leur donne une clause de conscience, on arrête de travailler en France.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La distinction est éminemment justifiée, c’est pourquoi les juristes invoqués l’ont établie. D’abord, les pharmaciens n’interagissent pas directement avec les bénéficiaires. Dès lors, la clause de conscience n’est pas fondée. Ensuite, la faible concentration des pharmacies pose un problème. L’existence d’une telle clause entraverait, voire empêcherait, l’exercice du droit à l’aide à mourir, alors qu’il n’en va pas de même pour les praticiens de santé qui accompagnent les malades, car ils sont suffisamment nombreux.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Mme Genevard a affirmé que le produit devrait être délivré non au médecin ou au pharmacien, mais au patient lui-même, puisque tout repose sur sa volonté. On voit le subterfuge : l’objectif est d’interdire l’aide à mourir ou d’en restreindre l’accès, puisque les patients concernés, en fin de vie, seront incapables d’aller chercher eux-mêmes le médicament à la pharmacie. J’ajoute qu’il vaut bien mieux que des substances de cette nature soient remises à un professionnel de santé.
M. Didier Martin (RE). Les représentants des syndicats de pharmaciens que nous avons auditionnés nous ont fait un clin d’œil historique, expliquant que depuis l’ordonnance de Jean le Bon, en 1353, ils étaient les « gardiens des poisons ». Ils ont rappelé qu’ils n’avaient pas demandé de clause de conscience pour délivrer la pilule abortive. Selon eux, en introduire une dans ce texte risquerait de créer un précédent. Ils ont conclu en soulignant qu’ils avaient une obligation de résultat. Il faut cesser de s’interroger sur l’opportunité d’une clause que les professionnels eux-mêmes ne demandent pas.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’ai travaillé trente-cinq ans dans une pharmacie. Le pharmacien délivre les ordonnances et soigne les patients ; il rencontre les familles. Surtout en zone rurale, les clients sont souvent les mêmes : le pharmacien connaît les enfants, puis les petits-enfants. Il lui est difficile de délivrer une dose létale à une personne qu’il a accompagnée pendant des années. Sans parler de la clause de conscience, il faut envisager l’aspect traumatisant de l’acte : il est là pour délivrer des médicaments qui soigneront. Je me mets à sa place.
Madame la ministre, que dit le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens à ce sujet ?
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je travaille en pharmacie depuis tout aussi longtemps ; tous les pharmaciens sont proches de leurs clients. Il n’existe pas pour autant de clause de conscience, car le pharmacien ne peut pas juger du bien-fondé de la prescription. La situation peut être compliquée pour certains, mais c’est consubstantiel à notre exercice.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous avez tout dit, madame la présidente. La présidente du Conseil de l’Ordre des pharmaciens nous a expliqué que la clause de conscience n’était pas nécessaire parce que le pharmacien n’interviendra pas directement dans le dispositif, qu’il agira dans le cadre d’une prescription et que c’est son job de l’exécuter – pardonnez le terme.
M. Christophe Bentz (RN). Il ne faut pas ici faire de distinction entre les professions médicales : le fondement de la clause de conscience n’est pas professionnel, mais humain. Il faut entendre et respecter le choix de toute personne qui ne voudrait pas participer au processus de mort provoquée – de suicide assisté ou d’euthanasie. Pour cette raison notamment, nous voterons ces amendements.
Mme la ministre. Je confirme que la présidente de l’Ordre des pharmaciens a bien tenu les propos évoqués.
C’est la pharmacie à usage intérieur (PUI) qui préparera le produit létal. Dans certains cas, tout se passera dans le milieu hospitalier ou à l’Ehpad. Dans d’autres, lorsque le patient sera à son domicile, il faudra faire transiter la substance par une pharmacie d’officine. Le pharmacien la remettra au professionnel de santé qui assistera à l’administration. Nous le verrons par la suite, ce professionnel devra également récupérer le produit restant et son conditionnement pour les renvoyer à la PUI, au besoin en passant par une pharmacie.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS2006 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement vise à codifier l’article 10.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1939 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS231 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement vise à préciser que la date sera choisie par le patient.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS679 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement tend à préciser que la pharmacie réalise la préparation magistrale « dans les meilleurs délais ». Il faudra faire face à des situations qui exigent d’agir rapidement.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. L’article 10 prévoit que la date fixée par le médecin et le demandeur conditionne la réalisation de la substance létale. L’amendement est satisfait.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1177 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Le présent amendement est de précision.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS329 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1525 de Mme Geneviève Darrieussecq et CS1706 de M. Christophe Bentz
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement vise à limiter la préparation de la substance létale aux pharmacies hospitalières, donc à exclure les pharmacies des Ehpad. L’euthanasie et le suicide assisté ne sont pas des actes médicaux, elles n’ont donc pas à délivrer la substance létale. Surtout, il s’agit de protéger les personnes hébergées en Ehpad.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Mon amendement est identique, pour des raisons différentes. Il serait plus sûr et plus efficace de limiter la préparation aux pharmacies hospitalières, qui disposent de plus de pharmaciens et seront mieux à même de la réaliser dans les délais.
M. Christophe Bentz (RN). Les Ehpad sont d’abord des lieux de vie. Mon amendement tend à exclure leurs PUI du dispositif. Imaginez les conséquences psychologiques pour les résidents de la possible présence de substances létales dans la pharmacie interne – ce serait ravageur.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’argument de Mme Darrieussecq est pertinent. Plusieurs d’entre nous connaissent la situation des Ehpad, qui comptent en général cinquante ou soixante résidents. La pharmacie intérieure travaille souvent au fil de l’eau. Le personnel soignant exerce déjà de nombreuses missions. C’est compliqué. Je suis donc favorable à préciser que la substance létale sera préparée et distribuée par la pharmacie hospitalière.
Mme la ministre. Il n’y a pas une PUI dans chaque Ehpad, ceux qui en ont ne disposent pas forcément d’un pharmacien, et jamais à temps plein. Avis favorable.
M. Thibault Bazin (LR). Cette proposition est d’autant plus intéressante qu’elle est issue de la réalité du terrain – on a souvent demandé la fermeture de ces PUI.
Elle soulève une autre question. Les PUI des établissements hébergeant des personnes en situation de handicap emploient des pharmaciens des hôpitaux et s’organisent donc souvent en réseau. Le pharmacien n’est donc pas toujours présent, notamment pour délivrer les médicaments. En tant que maire, j’ai pu constater que la mort, naturelle, survient aussi dans les maisons d’accueil spécialisées. L’aide à mourir y sera-t-elle possible ?
Mme Annie Genevard (LR). Je suis favorable aux amendements identiques, pour des raisons différentes de celles de Mme Darrieussecq, quoique je n’ignore pas que beaucoup d’Ehpad n’ont pas de pharmacien. Je suis opposée à ce qu’on administre la mort, par euthanasie ou par suicide assisté, dans les Ehpad.
Pendant la crise liée au covid, nombre d’entre nous en avons visité. Dans ma commune, j’ai été frappée par le témoignage d’une soignante : elle ne supportait plus le bruit des fermetures éclair, qui lui évoquait celui des housses mortuaires. La mort des résidents a traumatisé le personnel des Ehpad. Les soignants ne seront certainement pas indifférents à ce qu’on va leur faire faire.
M. Laurent Panifous (LIOT). Ces amendements sont de bon sens. Rares sont les PUI d’Ehpad capables de gérer ce type de préparation ; mieux vaut en réserver la tâche aux structures hospitalières.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Les Ehpad n’ont-ils pas des contrats avec des pharmacies extérieures ? Là où je travaille, nous recevons des piluliers.
M. Charles de Courson (LIOT). Je soutiens également les amendements. Pourriez‑vous toutefois préciser si les cliniques privées seront concernées ? Elles ont également des PUI.
Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Si l’Ehpad dispose d’une pharmacie à usage interne et qu’il faut aller chercher le produit à 50 kilomètres, la mesure risque d’être dissuasive. Qui d’ailleurs va chercher la substance ? Cela pose encore la question du personnel des Ehpad.
Mme la ministre. La PUI, la pharmacie à usage intérieur, peut se trouver aussi bien dans une clinique privée que dans un hôpital public ; son existence dépend de la taille de l’établissement.
Madame Fiat, les contrats que vous évoquez existent bien. La pharmacie livre chaque jour les piluliers aux Ehpad, dont le personnel distribue les médicaments aux résidents.
Concrètement, le produit létal sera spécifiquement fabriqué dans une PUI, puis livré dans une pharmacie proche du patient. Le médecin ne fera pas 50 kilomètres : il ira chercher le produit dans cette même pharmacie, et fera réacheminer le reste et le conditionnement vers la PUI.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Le problème naît de l’absence de préparateur ou de pharmacien dans les PUI des Ehpad pour réaliser la préparation magistrale. Il faut donc que la PUI de l’hôpital le plus proche s’en charge.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS1742 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Le présent amendement tend à préciser que l’officine doit être volontaire, afin de revenir à la nécessité d’une clause de conscience. Je le répète, la question n’est pas professionnelle mais humaine.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Annie Genevard (LR). Sur la clause de conscience, nos collègues ont été prompts à citer la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, mais ont montré moins d’allant à évoquer les conclusions des personnes auditionnées qui n’allaient pas dans leur sens, comme les représentants de l’Ordre des médecins et de celui des infirmiers. M. le rapporteur général par exemple n’a cité des interventions du premier que le passage qui le servait – l’honnêteté m’oblige à dire que j’aurais peut-être fait la même chose ! Certains pharmaciens se sont très clairement exprimés contre l’euthanasie, notamment dans des tribunes.
M. Thibault Bazin (LR). J’ai l’impression que certains estiment le débat inutile, parce que le pharmacien ne ferait que distribuer. Or, vous le savez bien, madame la présidente, l’article R. 4235-2 du code de la santé publique dispose qu’il exerce une mission d’information. Une telle obligation n’est pas anodine, en particulier lorsqu’on délivre une substance de cette nature. D’ailleurs, certains pays qui vous ont servi de modèle ont octroyé une clause de conscience aux pharmaciens, comme l’Espagne et la Belgique.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je confirme que le pharmacien ne se contente pas d’exécuter les ordonnances : il conseille et explique – et joue bien d’autres rôles !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS622 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le présent amendement vise à empêcher que le médecin ou l’infirmier accompagnant le demandeur désigne l’officine de retrait à la place de ce dernier, qui peut avoir l’habitude de se rendre dans une autre pharmacie que la plus proche de son domicile.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous avons également beaucoup réfléchi à cette question, importante et débattue. J’ai déposé un amendement qui va dans le même sens mais qui est mieux disant : je vous propose de retirer le vôtre à son profit.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS882 de M. Julien Odoul et CS334 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS590 de Mme Christine Loir.
Amendement CS2028 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement vise à préciser que le professionnel de santé désigne la pharmacie d’officine chargée de délivrer la substance létale en accord avec le patient, afin, le cas échéant, de respecter le souhait de confidentialité ou de discrétion de ce dernier. En effet, le pharmacien entretient parfois une relation privilégiée avec ses patients.
Mme la ministre. Avis de sagesse. La proximité peut conduire le patient à choisir une pharmacie plus éloignée, pour garder ses choix de fin de vie confidentiels.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1787 de Mme Anne Bergantz
Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement fait suite à l’audition de pharmaciens qui ont appelé notre attention sur le fait que les substances létales pouvaient être très rapidement périmées. Nous ne savons pas aujourd’hui combien de PUI fabriqueront la substance létale dont la distribution fera l’objet d’un circuit dédié. Il est important que le choix de la Haute Autorité de santé (HAS) garantisse l’égalité territoriale d’accès aux substances létales – nous pensons à l’outre-mer mais à la métropole également.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le dispositif permet d’assurer, dans des conditions de transport sécurisées, la répartition des substances produites par les PUI dans les pharmacies d’officines sur l’ensemble du territoire.
J’ai été interpellé sur certains produits de nutrition pour des maladies rares qui font également l’objet d’un circuit spécifique. J’imagine que le choix de la HAS s’en inspirera pour veiller à une répartition égale des substances létales.
Mme la ministre. Je partage évidemment votre souci. La procédure repose sur le maillage territorial des pharmacies d’officine pour assurer l’égal accès aux substances. Elles seront toutes en mesure de réceptionner les substances en provenance des PUI. La liste des PUI devra respecter l’égalité territoriale.
M. Charles de Courson (LIOT). Je suis très favorable à l’amendement. Dans un territoire tel que la Polynésie française, il ne sera pas simple d’assurer l’accès aux substances.
M. Philippe Vigier (Dem). Le bon maillage pour les PUI est à mes yeux départemental. Ne créons pas une nouvelle disparité alors que vingt départements souffrent déjà d’être privés d’unité de soins palliatifs. La proximité est une condition de l’appropriation de l’aide à mourir et du recours aux soins palliatifs que nous souhaitons développer.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). J’ai compris que le texte prévoyait des modalités spécifiques d’approvisionnement pour l’outre-mer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS917 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre, vous avez souvent cité l’exemple de l’Oregon où le retrait est effectué par la personne elle-même. L’amendement s’en inspire.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
C’est le professionnel de santé qui retire le produit létal et repart avec le contenant et le reste du contenu éventuel. Dans la procédure prévue – c’est la grande différence avec l’Oregon –, le patient n’est jamais seul avec le produit, si vous me passez l’expression.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS914 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS1528 de Mme Geneviève Darrieussecq et CS1627 de Mme Annie Vidal
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’amendement vise à exiger une transcription sur un livre d’enregistrement ou un enregistrement par tout système approprié des préparations qui sont très particulières. Vous allez certainement me dire que les produits sont déjà très sécurisés, mais la traçabilité est indispensable.
Je rebondis sur l’amendement précédent, il me semble très dangereux de confier de tels produits à une personne qui n’est pas un soignant.
Mme Annie Vidal (RE). Il s’agit de renforcer la traçabilité. Vous allez me dire qu’il est satisfait. Dans cette hypothèse, je le retirerai.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre demande légitime et déjà satisfaite. Je vous invite à retirer vos amendements.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Toute préparation magistrale doit être inscrite sur un ordonnancier, assortie d’un numéro.
Mme la ministre. N’oublions pas le système d’information prévu à l’article 13, qui offre une autre garantie de traçabilité.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS280 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il s’agit de préciser, comme cela a été proposé dans d’autres mandements, que le patient est en phase terminale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne peux pas être favorable à cette terminologie.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 10 modifié.
Article 11 : Accompagnement de la personne pendant l’administration, modalités de cette administration et devenir de la substance létale non utilisée
Amendement de suppression CS103 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Nous l’avons brièvement évoqué lors de l’examen de l’article 5, l’amendement concerne la notion de personne volontaire.
Si des proches de la personne en fin de vie venaient à être désignés, quel serait l’impact psychologique pour eux ? Leur discernement et leur liberté seraient-ils garantis ? N’y a-t-il pas un risque que le proche se sente contraint d’accepter et éprouve ensuite du remords ?
Selon une étude réalisée en Suisse, 13 % des personnes ayant assisté à un suicide assisté montraient des symptômes d’état de stress post-traumatique et 16 % souffraient de dépression. Ces chiffres doivent nous interpeller. L’impact sur la personne volontaire sera d’autant plus fort que l’acte est beaucoup plus engageant que dans le cas du suicide assisté.
Par ailleurs, la précaution consistant à s’assurer que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration me semble un peu ambiguë, madame la ministre. Une personne affaiblie ou âgée pourrait avoir des difficultés à exprimer son refus.
Les vérifications auxquels on procède pour la personne demandeuse – en particulier le fait de savoir si elle confirme sa volonté de procéder à l’administration – s’appliquent-elles aussi à la personne volontaire ? Je mesure difficilement le poids que pourrait représenter pour la personne volontaire la responsabilité d’administrer la substance. Par cette innovation française, ne sommes-nous pas en train de créer des détresses futures ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable à la suppression de l’article.
Mme la ministre. Même avis.
M. Gilles Le Gendre (RE). Je partage le souhait d’écarter les proches mais cela ne justifie en rien de supprimer complètement l’article. Nous pourrons déposer des amendements en ce sens.
M. David Valence (RE). J’ai beaucoup réfléchi à la possibilité de désigner un proche. Il me semble que cela relève de l’intimité de la relation entre deux personnes : il y a des cas dans lesquels le proche se sentira capable de le faire et d’autres dans lesquels il ne s’en sentira pas capable. Il ne me paraît pas souhaitable de l’exclure par principe.
Monsieur Bazin, les statistiques que vous avez données sur l’état de stress ou la dépression dont souffrent des personnes ayant assisté à des morts assistées pourraient valoir de manière générale pour les personnes endeuillées. Je crois qu’entre 10 et 20 % des personnes sont traumatisées ou en dépression après le deuil d’un proche. Il ne faut pas surestimer ou construire une démonstration à partir de telles statistiques.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Nous cherchons à juste titre à protéger les personnes mais nous devons aussi protéger les soignants.
J’avais déposé un amendement qui leur donnait accès à un soutien psychologique. Malheureusement il a été victime du fameux article 40 alors que ce n’était pas une énorme dépense supplémentaire. Ce que l’on appelle le stress post-traumatique peut potentiellement affecter tout le monde. Nous devons être attentifs à chaque personne qui intervient dans le processus.
M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons évidemment les amendements de suppression. Nous défendons les soignants. Le rôle des médecins et des infirmiers, ce n’est pas d’administrer la mort, c’est au contraire de soigner et ce, jusqu’à la fin de la vie.
Je ne sais pas si vous avez bien conscience de ce que vous êtes en train de faire ici : l’intervention de la personne volontaire n’est assortie d’aucun garde-fou – on ne sait même pas si la personne doit être majeure !
Les médecins et les infirmiers, pour lesquels nous défendons la clause de conscience, ont malgré tout l’habitude d’être confrontés à la mort. Ce n’est pas nécessairement le cas des personnes volontaires qui pourraient être désignées. Imaginez, un instant, les conséquences psychologiques pour celui ou celle qui administrera la mort.
Mme Annie Vidal (RE). La question du volontaire désigné me semble essentielle. Or le proche aidant, qui peut être la personne volontaire, est exclu de l’ensemble de la procédure : il n’est ni informé, ni consulté, ni sollicité au motif que la décision du patient doit être personnelle – je le comprends. Néanmoins, on lui permet d’intervenir à la fin du processus. Ce n’est pas cohérent. Le proche aidant est présent tout au long du parcours d’un malade. En l’occurrence, le proche aidant va accompagner la personne atteinte d’une pathologie lourde pendant plusieurs années mais si le malade demande l’aide à mourir, le proche aidant ne sera pas associé au processus sauf au dernier moment. Ce n’est pas satisfaisant du tout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS2007 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, raporteure. Il s’agit d’un amendement de codification.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS233 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS680 de Mme Christine Pires Beaune
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à préciser que la procédure décrite à l’article 11 se déroule le jour de l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, raporteure. La précision me semble bienvenue. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS335 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS883 de M. Julien Odoul (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS883 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS592 de Mme Christine Loir et CS281 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Amendement CS943 de Mme Cécile Rilhac
M. Jean‑François Rousset (RE). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1707 de M. Christophe Bentz.
Amendement CS1529 de M. Hervé de Lépinau
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS234 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS502 de M. Nicolas Ray
M. Thibault Bazin (LR). C’est un rappel sur la clause de conscience.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS235 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement permet de répondre à l’inquiétude exprimée par M. Le Gendre il y a quelques instants. Il vise ainsi à écarter les proches de la personne demandeuse.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS944 de Mme Cécile Rilhac
Mme Cécile Rilhac (RE). L’expression « qui a confirmé sa volonté » dans l’alinéa 5 me semble inutile puisque la volonté de la personne est déjà vérifiée à l’alinéa 2.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette disposition est nécessaire pour distinguer la situation de la personne qui demande le report de l’administration de la substance létale de celle qui y renonce. Dans le premier cas, la procédure est seulement suspendue tandis que dans le second, il y est mis fin.
J’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS236 de M. Philippe Juvin et CS884 de M. Julien Odoul
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS236 est défendu.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS884 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette les amendements.
Amendements CS682 de Mme Christine Pires Beaune, CS681 de M. Jérôme Guedj, CS1372 de M. Gilles Le Gendre, CS1862 de M. Emmanuel Fernandes et CS1085 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Stéphane Delautrette (SOC). Depuis le début de l’examen du texte, revient très souvent – c’est bien légitime – la question du respect du choix du patient.
C’est la raison pour laquelle l’amendement CS682 vise à laisser au patient le libre choix de l’administration de la substance létale : « par elle-même, par une personne volontaire qu’elle désigne ou par le professionnel de santé présent ».
Quant à l’amendement CS681, tout en laissant le libre choix à la personne, il supprime le recours à la personne volontaire.
M. Gilles Le Gendre (RE). Mon amendement est presque identique. Je suis opposé à ce que le proche administre la substance létale et je suis favorable à ce que la personne ait le choix. Il est donc proposé de remplacer les deux alinéas par un seul en vertu duquel « selon le choix de la personne, l’administration de la substance est effectuée par elle-même ou par le professionnel de santé qui l’accompagne ».
M. René Pilato (LFI - NUPES). Dans le même esprit, nous souhaitons par l’amendement CS1862 que la personne ait le choix jusqu’à la fin. La personne a déjà choisi de mettre fin à ses souffrances mais si au dernier moment, elle ne sent pas capable d’effectuer l’acte ou si elle veut être accompagnée par un proche ou par le médecin qui l’a suivie, elle doit conserver cette possibilité, même si elle est physiquement capable de s’administrer la substance.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1085 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le projet de loi, je le répète une fois de plus, repose sur un équilibre. Il prévoit que la substance létale n’est administrée par un tiers que lorsque la personne n’est pas en mesure d’y procéder par elle-même.
Ce dispositif permet de respecter l’autonomie de la personne jusqu’à la fin du processus : c’est à elle qu’il appartient de recourir à l’aide à mourir, ce qui lui laisse aussi la faculté de renoncer jusqu’au dernier moment. Toutefois, conformément à ce que préconisait le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans son avis, la possibilité d’administration par un tiers est ouverte afin de ne pas exclure ceux qui ne sont physiquement plus aptes à un tel geste. Le fait de faire de l’administration par un tiers une exception constitue un point d’équilibre du texte sur lequel il ne faut pas revenir.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je partage ce qui vient d’être dit. L’aide à mourir, sur laquelle repose le projet de loi, vise effectivement à couvrir les situations dans lesquelles l’autonomie de la personne lui permet d’avoir le choix jusqu’au bout de réaliser l’acte seule ou dans l’intimité, ainsi que les situations requérant l’aide d’un professionnel ou d’une personne volontaire pour l’administration du produit.
Le texte concilie les principes d’autonomie et de solidarité : si la personne n’est pas capable de le faire, elle a la certitude que la personne qu’elle aura choisie peut l’aider. L’auto‑administration est la règle, et l’administration demandée par un tiers reste l’exception.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je suis défavorable également. Tout n’a pas été bien écrit dans ce projet de loi mais cet article l’est.
La personne donne son avis ; elle fait le geste ultime puisque c’est son choix mais en cas d’impossibilité, elle peut être aidée. Un très bon équilibre a été trouvé, il ne faut pas y toucher.
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre et madame la rapporteure, vous avez évoqué l’exception. C’est le terme qu’a employé le Conseil d’État pour qualifier le suicide assisté et l’euthanasie.
Il est vrai que la portée de l’acte n’est pas la même selon qu’il est effectué par un tiers ou par soi-même. La loi a vocation à s’appliquer dans la durée mais on ne peut ignorer ce qui se passe ailleurs. Certains pays ont été assez créatifs puisqu’ils ont imaginé des solutions novatrices, lorsqu’il était physiquement impossible pour la personne de s’administrer la substance, notamment grâce à des ceintures. L’exception que constitue l’intervention d’un tiers pourrait donc devenir sans objet.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’aide à mourir est déjà une procédure exceptionnelle. Elle le devient encore plus si une tierce personne est appelée à intervenir. Il me semble que le débat devrait se porter davantage sur la tierce personne, notamment sur le point de savoir si elle peut être un proche ou on.
Je regrette le manque de précision des amendements : je ne comprends pas très bien ce qu’il advient si le professionnel de santé présent ne souhaite pas accomplir le geste. Par ailleurs, ces amendements concernent certainement un nombre de cas très limités car la technique permet déjà à des personnes en grande difficulté physique de faire démarrer une perfusion au moyen d’un battement de paupières par exemple. Il est donc possible d’éviter l’intervention d’une tierce personne.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Il est question dans le projet de loi de la volonté du patient.
Toutes les législations consacrent le libre choix du patient – faire le geste soi-même ou le faire faire par un professionnel. Le professionnel est présent pour s’assurer que le processus se passe bien et que la personne puisse véritablement mette fin à ses jours. Il faut rappeler que les produits utilisés ne sont pas les mêmes selon qu’ils sont administrés par soi-même ou par un professionnel. Dans le cas de l’auto-administration, il faut notamment prendre des médicaments contre les vomissements avant et parfois une perfusion est nécessaire.
L’encadrement prévu par le projet de loi est de nature à rassurer les professionnels de santé – je pense notamment à la clause de conscience. En revanche, pour ce qui est de l’exercice de la liberté de choix du patient, le texte n’est pas borné de manière satisfaisante. Aux Pays-Bas, lorsqu’un professionnel pratique l’aide à mourir, le patient est sous perfusion et plongé dans le coma, un produit arrête son cœur, cela se fait sans douleur. Lorsqu’on s’administre la substance soi-même, c’est souvent plus long et il peut y avoir d’autres aléas. Le professionnel est présent pour éviter les souffrances.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Je ne reprends pas les arguments développés précédemment. J’invite ceux qui sont favorables aux amendements à préférer celui de M. Fernandes, car il précise que la personne volontaire est majeure.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Si nous votions ces amendements, nous romprions clairement l’équilibre. Ce ne serait plus du tout le même texte.
En vertu de l’alinéa 8 de l’article 7, le médecin qui reçoit la demande « explique à la personne les conditions d’accès à l’aide à mourir et sa mise en œuvre ». Autrement dit, dès la demande, le patient sait qu’il devra faire le geste. L’auto-ingestion est la règle, l’hétéro‑ingestion, donc l’intervention d’un tiers, qu’il soit professionnel ou personne volontaire, doit rester l’exception. C’est l’équilibre sur lequel repose le texte.
Je rappelle aussi la ligne de crête que nous suivons : d’un côté, la liberté de choix de la personne ; de l’autre, la nécessité de convaincre un maximum de professionnels d’accompagner les patients jusqu’au bout. Or un grand nombre d’entre eux accepteront de le faire parce qu’ils savent qu’ils n’auront pas à effectuer le geste.
Je suis franchement défavorable à ces amendements.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Je me permets de prendre la parole puisque ces amendements sont directement liés à l’article 5 dont je suis la rapporteure.
J’alerte mes collègues : je comprends votre intention mais les amendements, s’ils étaient adoptés, seraient en contradiction avec ce que nous avons voté dans l’article 5. Vous avez pu constater que je ne suis pas fermée à toute évolution mais il s’agit là d’un point d’équilibre très important du texte. Nous devons faire preuve de cohérence.
M. Stéphane Delautrette (SOC). J’entends ce que vous dites mais nous faisons preuve de constance dans nos positions. Nous défendons ici exactement ce que nous avons dit dans l’article 5. Je comprends la nécessité d’harmoniser les rédactions si les amendements devaient être adoptés. Mais nous ne pouvons pas renoncer à défendre la liberté de choix du patient puisque c’est ce que nous soutenons depuis le début de l’examen du texte.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS953 de Mme Cécile Rilhac
Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement a pour objet d’ajouter à l’alinéa 6 les mots : « si elle en fait le choix ». Il me paraît très important de le préciser car c’est bien la personne qui doit choisir entre une euthanasie et un suicide assisté. Le choix ne doit pas lui être dicté par la maladie ou une quelconque paralysie.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis très défavorable.
Mme la ministre. Même avis pour les mêmes raisons que celles évoquées à l’instant.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je suis pour ma part très favorable à cet amendement, puisqu’il remet la décision du patient au cœur de la discussion.
M. Thibault Bazin (LR). Certaines substances mettent du temps à faire effet. Dans l’Oregon, cela peut aller jusqu’à une centaine d’heures. L’accompagnement se ferait-il sur cette durée ?
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). On pourrait imaginer une administration par le biais d’un pousse-seringue avec interrupteur, ce qui laisserait la possibilité de l’activation au patient, au proche ou au professionnel. Un couple qui voudrait appuyer ensemble sur le bouton le pourrait aussi, grâce à cet amendement. Un professionnel pourrait l’installer. Une telle souplesse est bienvenue.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Cet amendement permet de respecter jusqu’au dernier moment la volonté de la personne.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1180 de M. Thibault Bazin.
Amendement CS237 de M. Philippe Juvin.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1781 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier (Dem). Je n’étais pas du tout favorable à l’amendement CS953, qui modifiait l’équilibre auquel nous étions parvenus hier.
Nous souhaiterions que l’administration de la substance létale ne soit pas réalisée par une tierce personne mais à l’aide d’un mécanisme automatisé.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre proposition est intéressante. Néanmoins, je crois qu’il ne faut pas fixer par avance le mode d’administration de la substance létale car celui-ci doit correspondre aux caractéristiques du patient et être défini par le médecin.
Avis défavorable.
Mme la ministre. C’est à la HAS qu’il va revenir de déterminer les modalités possibles d’administration et d’élaborer des recommandations qui aideront le médecin à adapter au mieux sa prescription. Différentes techniques peuvent être utilisées. Aussi le référentiel de la HAS sera-t-il utile. C’est peut-être dans les décrets qu’il faudra être suffisamment souple pour suivre l’évolution des différentes techniques.
M. Philippe Vigier (Dem). J’entends ce que vous dites, madame la ministre. Je proposerai une rédaction un peu moins directive pour la séance, qui s’adapte aux différentes situations. Il est important d’avoir un mécanisme automatisé, sur le modèle des pompes à insuline, par exemple. Cela serait moins traumatisant et permettrait de respecter l’équilibre auquel nous étions arrivés hier avec la rapporteure Mme Maillart-Méhaignerie.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1715 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Je vous remercie, madame la ministre, de participer à nos débats. En quoi l’administration d’une substance létale effectuée par la personne elle-même n’est-elle pas un suicide assisté ? Par ailleurs, lorsque la personne n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, l’administration est effectuée par une personne volontaire qu’elle désigne. En quoi n’est-ce pas de l’euthanasie ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous avez mélangé deux choses. L’aide à mourir concerne des personnes qui ont une maladie grave incurable, en phase avancée ou terminale. La possibilité d’administration par un tiers, lorsque la personne n’est pas en mesure d’y procéder elle-même, correspond à la nécessité de ne pas exclure de l’accès à l’aide à mourir les personnes dont l’état physique ne leur permettrait pas d’effectuer le geste. Elle vient répondre aux observations du CCNE qui avait relevé, dans son avis 139, que « laisser en dehors du champ de la loi ceux qui ne sont physiquement plus aptes à un tel geste soulèverait un problème d’égalité des citoyens qui constitue en lui-même une difficulté éthique majeure ». Je me répète, parce que l’on revient toujours aux mêmes sujets. De plus, comme je l’ai déjà dit, aucun professionnel de santé ne sera obligé de participer à l’aide à mourir, du fait de la clause de conscience prévue à l’article 16 du projet de loi.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Nous sommes sur un chemin, et l’article 6 a défini les conditions d’accès à l’aide à mourir. Quelqu’un qui souhaite mettre un terme à sa vie doit être dans un état pathologique validé par un examen médical, sans quoi il ne peut pas accéder au produit létal.
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre, vous avez eu raison de saisir la HAS. Mais n’aurait-il pas fallu attendre son avis pour examiner ce texte ? S’agissant des décrets, l’article 11 n’en mentionne pas. Or cela a des incidences, car les voies d’ingestion, digestive ou par intraveineuse, n’impliquent pas les mêmes choses pour les personnes qui interviennent, notamment les professionnels. Il manque des panneaux indicateurs sur votre chemin pour ne pas faire fausse route !
Mme la ministre. Comme vous le savez, quatre lectures sont prévues, ce qui nous laisse un peu de temps avant la finalisation d’un texte qui n’est pas d’application immédiate. En l’état du droit, rien n’oblige à préciser que la loi a des décrets d’application.
M. Gilles Le Gendre (RE). Le néophyte que je suis est très surpris que, sur un tel sujet, nous n’ayons pas un état de l’art scientifique, alors que l’acte létal est administré dans un nombre considérable de pays. Je suis en contact avec le monde médical, qui m’a dit que l’ingestion est épouvantable et que c’est l’injection qu’il faut à tout prix privilégier, parce que c’est celle qui est la plus sûre et qui a le moins d’effets indésirables. J’apprécie l’idée que l’on aille requérir l’avis de la Haute Autorité, mais je suis surpris que l’on ne puisse pas trancher aujourd’hui une question qui est très documentée. Pourquoi ne disons-nous pas que l’administration doit se faire par injection, sachant que cela n’exclut en aucun cas l’auto‑administration ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’entends nos débats concernant ce geste que les parlementaires veulent préciser de manière étrange. Laissons faire les professionnels, qui connaissent les choses ! Que le législateur reste à sa place et le médecin à la sienne et fasse son travail.
Mme la ministre. Monsieur Le Gendre, nous n’avons pas inscrit dans la loi les termes « ingestion » ou « injection », parce que c’est le médecin qui choisira et prescrira la substance létale la plus adaptée, en fonction de la pathologie du patient.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS238 de M. Philippe Juvin et CS1225 de Mme Sandrine Dogor-Such
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS238 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
La réunion est suspendue de seize heures quarante à seize heures cinquante.
Amendement CS977 de Mme Cécile Rilhac et sous-amendement CS2029 de M. Hadrien Clouet, amendements CS1792 de M. François Gernigon, CS1218 de Mme Monique Iborra et CS683 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
Mme Cécile Rilhac (RE). Je suis peut-être un peu insistante voire têtue : le patient doit avoir le choix jusqu’au bout, qu’il s’agisse de l’auto‑administration ou l’administration par un tiers, soignant ou proche.
L’amendement CS1781 de M. Vigier me semblait très intéressant, quand bien même il s’agit d’un sujet réglementaire. Savoir que l’on peut avoir accès à un produit létal administré prioritairement par injection semble, sur le terrain, faciliter les prises de choix.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous tenons à préciser que la personne volontaire pour accompagner l’administration de la substance est majeure.
Mme Monique Iborra (RE). En l’absence de précision réglementaire, il convient de laisser la porte ouverte aux différentes possibilités d’administration de la substance létale, afin que la plus adaptée soit choisie par la personne avec les soignants. Je comprends mal que vous demandiez que la personne fasse obligatoirement l’administration elle-même.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Le patient doit en effet pouvoir choisir qui administre la substance.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
C’est par exception que la personne peut être aidée dans cet acte. Quant au débat entre l’ingestion et l’injection, le mieux est de laisser la HAS définir la modalité adaptée.
L’amendement CS1792 est retiré.
La commission adopte le sous-amendement CS2029.
Puis elle adopte l’amendement CS977 sous-amendé.
En conséquence, les amendements CS1218 et CS683 tombent, ainsi que les amendements CS1025 de M. Thibault Bazin, CS591 de Mme Christine Loir, CS1481 de Mme Emeline K/Bidi, CS593 de Mme Christine Loir, CS822 de Mme Christelle Petex, CS1581 de Mme Chantal Bouloux, CS945 de Mme Cécile Rilhac, CS561 de Mme Annie Genevard, CS684 de M. Jérôme Guedj, CS797 de M. Laurent Panifous, CS1450 de Mme Delphine Lingemann, CS156 de Mme Marie‑France Lorho, CS2002 de Mme Laurence Cristol, CS1086 de Mme Sandrine Rousseau, CS1786 de Mme Anne Bergantz, CS1863 de Mme Caroline Fiat, CS240 de M. Philippe Juvin, CS562 de Mme Annie Genevard, CS685 de Mme Christine Pires Beaune, CS1280 de Mme Bérangère Couillard, CS1530 de M. Hervé de Lépinau, CS239 de M. Philippe Juvin, CS975 de Mme Véronique Besse, CS946 de Mme Cécile Rilhac et CS1220 de M. Sébastien Peytavie.
Amendement CS1318 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Cet amendement vise à préciser que la personne volontaire pratiquant l’aide à mourir doit être majeure, apte à manifester sa volonté d’agir de façon libre et éclairée et qu’elle ne devra recevoir aucune contrepartie pour cet acte. J’ai conscience qu’il est satisfait par l’amendement CS1959 de Mme Maillart-Méhaignerie, mais il me semble plus opportun d’apporter une telle précision à l’article 11.
Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Amendement CS1730 de M. Nicolas Turquois
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement vise compléter à l’alinéa 7 par la phrase suivante : « Toute personne peut être considérée comme une personne volontaire, à l’exclusion des époux, des conjoints et de tout parent lié jusqu’au quatrième degré de la personne au sens de l’article 743 du code civil. » Plusieurs réserves conduisent à restreindre le champ des personnes susceptibles de procéder à l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il m’a toujours semblé que l’administration par un tiers non soignant était une idée déraisonnable, pour plusieurs raisons.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). Après l’adoption des amendements CS977 de Mme Rilhac et CS1318 de M. Marion peut-on encore parler de l’euthanasie comme d’une exception ? Jusqu’où sommes-nous allés ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1316 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Cet amendement vise à informer la personne volontaire qui procède à l’administration de la substance létale de son droit à bénéficier d’un accompagnement psychologique, grâce au dispositif Mon soutien psy, selon la logique de la stratégie décennale, qui prévoit un tel accompagnement pour les aidants.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Une confusion demeure entre « personne volontaire », « aidant », « tierce personne », « soignant » ou « non soignant ». La précision est néanmoins bienvenue.
Avis favorable.
Mme la ministre. La possibilité de bénéficier d’un accompagnement psychologique est essentielle afin d’accompagner au mieux les personnes engagées dans la démarche. Il est prévu de renforcer le nombre de psychologues dans les services de soins infirmiers à domicile, ce qui permettra de proposer des heures d’accompagnement psychologique dont bénéficieront tous les acteurs concernés par la fin de vie. Le projet de loi prévoyant l’obligation pour le médecin recueillant la demande d’aide à mourir de proposer des soins palliatifs, les patients, les proches, les professionnels pourront bénéficier d’un accompagnement psychologique.
Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il me semble bien plus pertinent de passer par des psychologues qui seront dans les services et de développer un service public plutôt que par un dispositif dont les professionnels ne se sont pas saisis. L’argent mis dedans aurait permis de créer quelque 2 000 postes de psychologues dans le service public.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1666 de Mme Anne Bergantz
Mme Anne Bergantz (Dem). Cet amendement prévoit que soit notifiée par écrit la demande de la personne de se voir administrer la substance létale par un tiers. Ce document aurait plusieurs vertus : renforcer la traçabilité de la demande, témoigner de l’engagement et de la volonté des tiers de participer à l’acte, protéger ces derniers contre d’éventuelles accusations postérieures.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Par définition, si la personne n’est pas en mesure de s’administrer elle-même la substance létale, elle ne sera pas en mesure d’acter par un écrit son choix. L’ensemble de la procédure fera l’objet d’une traçabilité dans le système d’information. Les garanties sont donc suffisantes.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’article 13 dispose déjà que ces actes font l’objet d’un enregistrement écrit. Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). L’alinéa 6 précise que « l’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle‑même ». L’alinéa 7 définit une procédure d’exception, si la personne n’est pas en mesure d’y procéder physiquement. Est-ce que l’adoption des amendements CS977 et CS1318 remet en cause l’exception euthanasique prévue par le Gouvernement ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS834 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Nous souhaitons empêcher que la personne de confiance ait le moindre intérêt dans la demande d’euthanasie ou de suicide assisté afin d’éviter les pressions économiques et de limiter les conflits d’intérêt.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS123 de Mme Lise Magnier, CS1782 de M. Philippe Vigier, CS799 de M. Charles de Courson, CS1317 de M. Christophe Marion, CS1570 de Mme Brigitte Liso, CS157 de Mme Marie-France Lorho, CS1864 de M. Hadrien Clouet, CS686 de M. Stéphane Delautrette et CS1371 de Mme Maud Petit (discussion commune)
Mme Lise Magnier (HOR). Le texte prévoit que, lorsqu’il n’administre pas la substance létale, le professionnel de santé n’est pas obligatoirement présent aux côtés de la personne mais doit se situer « à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté ». Je propose de préciser que la présence du professionnel de santé est obligatoire, sauf demande expresse du patient. Cela me semble plus rassurant.
M. Philippe Vigier (Dem). La présence obligatoire d’un professionnel de santé dans la pièce où a lieu l’administration nous paraît plus pertinente. Les personnes auditionnées avaient par ailleurs insisté sur le fait qu’il était important que ce soit l’un des membres de l’équipe collégiale ayant validé la décision de l’aide active à mourir qui soit présent.
M. Charles de Courson (LIOT). Que l’administration ait lieu dans un service ou à domicile, il apparaît important que le professionnel de santé puisse être là à tout moment pour s’assurer du bon déroulement de la procédure et intervenir si besoin, d’autant que l’alinéa 3 précise qu’il « assure la surveillance de l’administration de la substance létale ».
M. Jean-François Rousset (RE). Quel que soit le mode d’administration, on n’a pas le droit à l’erreur. En cas d’échec, il faudrait peut-être même réanimer le malade, ce qui l’engagerait de nouveau dans des processus longs et difficiles. La présence d’un professionnel de santé au moment de l’acte est indispensable, comme le prévoit l’amendement CS1570.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS157 est défendu.
Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Par l’amendement CS1864, nous souhaitons que l’injection de la préparation létale se fasse systématiquement avec un accompagnement médical pour que cette liberté nouvelle s’exerce dans un cadre serein et sûr. L’exercice de ce droit appelle également les mesures de vigilance qu’impliquent la préparation, la remise, l’usage et l’éventuel retour d’une préparation létale. Si de telles considérations sont bien présentes dans les dispositions du projet de loi, il n’en va pas de même au moment de l’auto‑administration du produit. Il ne paraît pourtant pas envisageable de dispenser le professionnel de santé, qui est responsable du produit jusqu’au terme de la procédure, d’être physiquement présent au moment de l’auto‑administration. Comment assurer une intervention rapide en cas d’incident ? Comment assurer la bonne administration du produit létal ? Nous pensons que la bonne proximité est la présence dans la pièce où la substance létale est administrée, afin d’assurer la traçabilité complète du produit, la sérénité de chacun et le nécessaire accompagnement par un professionnel.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souhaitons également que le professionnel de santé soit aux côtés de la personne. Cela est nécessaire à plusieurs titres. C’est rassurant pour la personne qui sera amenée à administrer la substance. Par ailleurs, il est arrivé que des couples décident de partir ensemble. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. La présence d’un professionnel de santé aux côtés de la personne nous prémunit contre l’éventualité où la substance pourrait être partagée par le ou la partenaire.
Mme Maud Petit (Dem). Nous sommes plusieurs à souhaiter que le professionnel de santé soit aux côtés de la personne qui va s’administrer la substance létale. Cela permettrait également d’être cohérent avec l’alinéa 3 qui précise que le professionnel de santé assure la surveillance de l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les différents amendements proposés visent à imposer la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne lors de l’administration de la substance létale, voire à rendre cette présence obligatoire dans la même pièce. La rédaction actuelle de l’article 11 est ambiguë, puisqu’il indique que la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire mais qu’il doit se trouver à proximité pour pouvoir intervenir en cas de difficulté. Il ne me semble pas nécessaire d’imposer la présence du professionnel de santé dans la même pièce que le patient si cela n’est pas sa volonté et s’il souhaite avoir l’intimité nécessaire.
L’amendement CS848 de Mme Pouzyreff visant à préciser que le professionnel de santé doit se trouver « en vision directe » de la personne lors de l’administration me semble plus pertinent.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. Toute la question est celle de l’équilibre entre sécurité et respect de l’intimité. L’intérêt de l’amendement CS848, c’est que l’expression « en vision directe » permet une proximité – dans le couloir, porte ouverte – sans être au chevet du patient, ce qui laisse un minimum d’intimité à celles et ceux qui sont autour de la personne qui absorbe le produit létal. Avis favorable à l’amendement CS848 et demande de retrait pour les autres.
Mme Lise Magnier (HOR). Compte tenu des explications, je retire mon amendement, non sans vous dire que je ne suis pas complètement convaincue par la rédaction de l’amendement CS848. La porte ouverte, je ne suis pas certaine que cela garantisse l’intimité du moment... Expliquez-moi concrètement comment cela va se passer.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne suis pas complètement convaincu non plus, même si je veux bien faire un effort et retirer mon amendement. Il faut trouver une nouvelle rédaction commune pour la séance. Il y a quelque chose d’un peu morbide dans cette « vision directe » ; et ce ne serait pas évident de vérifier que le patient est bien dans des conditions médicales sécurisées.
M. Charles de Courson (LIOT). Je ne perçois pas clairement ce que recouvre la « vision directe ». Devra-t-on percer une trappe dans le plafond, installer une porte en verre non dépoli ou garder la porte ouverte ? Le grand nombre d’amendements déposés montre que cette idée n’est pas bonne. La sagesse incite à demander que le médecin ou l’infirmier soit présent. Je maintiens donc mon amendement.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Qu’en sera-t-il du respect de l’intimité si quelqu’un reste en vision directe, dans le couloir, la porte ouverte ? Une personne non désirée, autre que le professionnel de santé, pourrait voir le geste. Au contraire, l’alinéa 8 évoque le professionnel de santé qui a accompagné la personne dans tout le processus décisionnel de l’aide à mourir, nouant une relation particulière avec elle. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, qui ménage les deux aspects.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Toute l’ambiguïté réside dans le rôle du professionnel de santé. Nous partons du principe que le patient souhaitant se donner la mort doit principalement s’administrer lui-même le produit. Si c’est par injection, il faut bien que quelqu’un lui pose une intraveineuse et, en cas d’agonie, mettre fin à ses souffrances ! La présence d’un professionnel de santé dans la pièce rassure ; elle est essentielle pour sécuriser le parcours et le recours à l’aide à mourir.
La commission rejette successivement les amendements CS799, CS1317, CS1570, CS157, CS1864, CS686 et CS1371, les amendements CS123 et CS1782 ayant été retirés.
Amendement CS800 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à permettre qu’« un autre professionnel de santé » prenne le relais du premier, afin de garantir une certaine flexibilité organisationnelle. Dans les structures collectives, les professionnels ne peuvent pas rester en permanence auprès d’un patient. Ainsi, quoi qu’il arrive, un professionnel de santé sera toujours présent aux côtés de la personne.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Comme d’autres propositions qui ont été rejetées, cet amendement est plus intéressant que ceux qui évoquent une vision directe ou la coprésence au domicile. Parce qu’il est difficile de veiller à la bonne administration de la substance létale et de garantir sa traçabilité en vision directe, la présence d’un professionnel de santé dans la pièce vise à s’assurer de la manière dont le produit est absorbé et à qui il va. Une telle sécurité paraît indispensable.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS157 de Mme Lorho a été voté par cinq voix contre quatre – les vidéos pourront le prouver. Une telle erreur s’est produite plusieurs fois, parce que les votes vont vite.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Ne remettez pas les votes en cause : je dispose d’une vision directe que vous n’avez pas...
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement capital, qui vise la présence obligatoire d’un professionnel de santé lors de l’administration de la substance létale, a bien été adopté.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je vous confirme qu’il ne l’a pas été.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1783 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Amendements CS848 de Mme Natalia Pouzyreff, CS942 de Mme Cécile Rilhac et CS885 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Mon amendement de précision vise à ajouter les mots « en vision directe » après « une proximité suffisante ». Sans empiéter sur l’intimité du patient lorsqu’il s’administre la substance létale, le professionnel de santé doit en effet pouvoir intervenir en cas de difficulté, garantir la traçabilité du produit et établir un rapport sur le déroulé de la procédure.
Mme Cécile Rilhac (RE). Mon amendement a pour objet de préciser que le professionnel de santé se tiendra « dans le bâtiment » où se trouve le patient. En effet, l’expression « à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir » pose problème. Selon les amendements que nous avons adoptés, l’aide à mourir pourra être administrée dans des lieux différents – à domicile, dans un Ehpad, ou encore à l’hôpital, où les services sont parfois éloignés les uns des autres. Lorsque le patient a choisi d’être accompagné par un proche, on peut entendre que le professionnel de santé ne soit pas présent dans la même pièce, au nom du respect de l’intimité. Quant à l’expression « vision directe », je ne sais pas ce qu’elle recouvre exactement. Quoi qu’il en soit, nous devons poursuivre ce débat.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Dans le même esprit, notre amendement CS885 vise à préciser cette « proximité suffisante » qui permet aux professionnels de santé d’intervenir en cas d’urgence.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je donne un avis favorable à l’amendement CS848 de Mme Pouzyreff, qui semble le plus abouti, et un avis défavorable aux autres.
Mme la ministre. Même avis. Nous en avons déjà débattu.
Mme Annie Vidal (RE). Au centre hospitalier universitaire de Rouen, les patients les plus fragiles sont installés en face de la salle de soins, qui est vitrée. Pour disposer d’une vision directe, les professionnels de santé laissent la porte de la chambre grande ouverte : la proximité est suffisante, la vision directe, mais il n’y a pas d’intimité.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il est choquant que la recherche d’une vision directe conduise à de telles situations : un patient qui a souhaité activer l’aide à mourir ne peut être ainsi placé à la vue de tous.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1027 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Les amendements adoptés depuis ce matin conduisent à une évolution et à un assouplissement considérable du projet de loi, si bien que l’on ne peut plus vraiment parler d’exception d’euthanasie – dans le texte initial, le professionnel de santé ne pouvait intervenir que si la personne ne pouvait s’administrer elle-même la substance létale.
On peut en outre se demander si la recommandation de l’avis 139 émis par le CCNE est respectée. La portée du geste n’est pas la même ; les critères sont dépassés. Nous ne sommes plus dans le cadre défini par la commission spéciale au début de ses travaux.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel (LR). Il est surprenant que le Gouvernement, qui se disait attaché à l’avis du CCNE, s’en affranchisse. Ce texte va très loin et les « garanties » sont de moins en moins nombreuses. Il faudra d’ailleurs modifier cette rédaction.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Le débat tourne en rond sur des questions certes importantes, mais qui ont été bien traitées dans le projet de loi. Je ne vois pas de quels changements vous parlez, monsieur Hetzel. Le texte prévoit toujours une auto-administration du produit ; en cas d’impossibilité, le geste sera réalisé par un professionnel de santé ou un proche – un ajout que je ne soutiens pas. Pour autant, cela ne change rien au geste lui-même. Arrêtons de dramatiser, et avançons. Assez parlé de « vision directe » et de « porte ouverte » : la « proximité » est le meilleur mot. Les professionnels de santé sont suffisamment responsables pour savoir où ils doivent se trouver.
La commission rejette l’amendement.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Aucun amendement n’ayant été adopté, l’alinéa 8 est maintenu dans sa rédaction initiale.
Amendement CS687 de Mme Christine Pires Beaune
M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à prévoir que la mort résultant d’une aide à mourir est inscrite comme une mort naturelle dans le certificat de décès. Les propositions de loi d’Olivier Falorni et de Marie-Pierre de La Gontrie l’avaient souligné, cette précision est indispensable compte tenu des conséquences qu’elle peut avoir dans l’exécution des contrats d’assurance après le décès.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait par les dispositions de l’article 20, qui permettent de neutraliser les risques liés au contrat d’assurance vie ou décès.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Notre analyse est identique. Présumer la mort comme naturelle afin d’éviter l’application des dispositions du code des assurances relatives au suicide et des stipulations contractuelles d’exclusion de garantie peut apparaître comme une fiction juridique. Du reste, la « mort naturelle » n’est pas définie juridiquement : les contrats l’abordent de manière variée, dans des termes qui ne correspondent pas totalement à l’aide à mourir. C’est pourquoi le Gouvernement privilégie une solution plus lisible, plus sûre juridiquement et plus factuelle, qui permet aux contrats de continuer à s’appliquer : il s’agit d’examiner les situations contractuelles à l’article 20.
Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Sans rouvrir le débat sémantique – nous en reparlerons dans l’hémicycle –, il est mensonger de faire croire que l’euthanasie et le suicide assisté, que vous appelez « aide à mourir », seraient une mort naturelle. C’est l’inverse.
Vous avez voté l’amendement CS977 de Mme Rilhac, qui parle bien d’euthanasie et de suicide assisté. Pourquoi avoir introduit ces termes, que vous réfutez depuis le début ?
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Contrairement à l’amendement, les dispositions de l’article 20 sur les assurances ne semblent pas couvrir tous les cas. Bien que la personne recoure à l’aide à mourir, c’est la maladie qui la conduit de manière inéluctable à la mort. Nous souhaiterions que vous apportiez des précisions sur ce point d’ici à la séance.
Mme la ministre. Votre vision peut être contestée. Le code des assurances prévoit que les contrats d’assurance décès ne peuvent couvrir le cas où l’assuré se donne lui-même la mort la première année de la vie du contrat. Par conséquent, certains assurés pourraient craindre de ne pas bénéficier de la garantie de leur contrat et renoncer à recourir à l’aide à mourir. Les dispositions de l’article 20 lèvent cette ambiguïté en contraignant les compagnies d’assurances à maintenir leurs garanties.
Mme Cécile Rilhac (RE). Les personnes qui suivent nos débats ne doivent pas être influencées par de fausses informations : mon amendement CS977 n’inscrit pas dans le texte les mots « euthanasie » ou « suicide assisté », même si j’ai pu les utiliser, à titre personnel, en défendant mes amendements et dans certains exposés sommaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS242 et CS241 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS242 vise à prévoir des mentions spéciales dans le certificat de décès, afin d’assurer un suivi statistique. Les demandes d’aide active à mourir sont bien enregistrées, mais le décès pourrait intervenir par voie naturelle avant même la réalisation de l’acte.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le suivi statistique sera assuré par la commission de contrôle et d’évaluation prévue à l’article 17.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS886 de M. Julien Odoul
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS158 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1940 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS801 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement tend à préciser que les professionnels de santé impliqués dans une procédure d’aide à mourir doivent adresser leurs comptes rendus à la commission de contrôle et d’évaluation prévue à l’article 17 et les enregistrer dans le système d’information créé à l’article 13. Il s’agit de renforcer la traçabilité des procédures d’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les comptes rendus seront enregistrés dans le système d’information géré par la commission.
L’amendement est donc satisfait : avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS287 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement d’appel vise à préciser le cadre de responsabilité applicable une fois que le produit a été remis à la personne volontaire.
Contrairement à ce qui se passe dans l’Oregon, c’est le professionnel de santé, exerçant dans un certain cadre, qui récupère la substance létale dans la pharmacie hospitalière. Cependant, le texte ne prévoit pas de responsabiliser la personne volontaire après que le produit lui a été transféré. Selon les personnes auditionnées, tout peut arriver, notamment que le produit ne soit pas entièrement administré par voie intraveineuse ou digestive.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous souhaitez prévoir la responsabilité pénale de la personne volontaire en cas de perte ou de mauvaise utilisation de la substance létale. Celle-ci pourra déjà être tenue responsable pénalement dans les conditions de droit commun si elle en fait un mésusage. Une mention spécifique n’apparaît donc pas nécessaire, d’autant qu’elle ne renforce pas réellement la responsabilité pénale des personnes volontaires.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS802 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à prévoir qu’un accompagnement psychologique est proposé à toute personne amenée à procéder à l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai donné un avis favorable à l’amendement CS1316 de M. Christophe Marion, qui traite de cette question. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 11 modifié.
Après l’article 11
Amendement CS1183 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). Le code de la santé publique prévoit une interdiction de tuer pour les professionnels de santé. Or nous venons d’y introduire les dispositions du présent projet de loi – on peut d’ailleurs se demander si elles en relèvent réellement. Mon amendement vise donc à lever les contradictions désormais présentes dans ce code.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous souhaitez interdire aux infirmiers d’effectuer l’acte létal ou de participer à toute aide active à mourir. Je l’ai dit, ces professionnels disposent des compétences nécessaires pour accompagner les patients dans cette procédure. Ils seront en outre couverts par la clause de conscience prévue à l’article 16 et pourront refuser de pratiquer cet acte s’il heurte leurs convictions.
Avis défavorable, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1865 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Nous proposons d’instaurer un congé spécifique pour la personne volontaire, désignée par le patient pour l’accompagner à la date qu’il a choisie. Ce congé doit pouvoir être imposé à l’employeur qui voudrait le refuser en raison d’une surcharge de travail ou de contraintes organisationnelles.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Dès lors que l’on confie cette mission à une personne volontaire qui n’est pas un professionnel de santé, celle-ci doit pouvoir la remplir dans de bonnes conditions. C’est aussi une garantie supplémentaire que le patient pourra choisir librement la date.
Avis favorable.
Mme la ministre. On peut imaginer que des négociations de branche se tiendront sur un tel sujet. L’amendement mérite d’être retravaillé d’ici à la séance. À ce stade, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Certains congés sont de droit en cas de décès d’un conjoint, d’un partenaire de pacs, d’un concubin ou d’un enfant. Bien qu’elle se prépare à un deuil, une personne volontaire n’en bénéficie pas car elle n’accompagne pas un membre de sa famille. Il y a là une rupture d’égalité avec les personnes qui disposent d’un accompagnement émotionnel et d’un temps pour assumer la douleur du deuil. L’amendement vise à prévoir que le lien émotionnel, non le seul lien du sang, ouvre un droit à la peine.
M. François Gernigon (HOR). L’amendement, qui tend à créer un congé spécial pour l’accompagnement de la fin de vie, pose un problème de confidentialité envers l’employeur et les collègues. C’est un petit peu gênant.
M. Charles de Courson (LIOT). De nombreux amendements ont été déclarés irrecevables en vertu de l’article 40 de la Constitution.
Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Mais nous parlons d’un congé payé par l’employeur, pas par l’État !
M. Charles de Courson (LIOT). Quand l’employeur est l’État ou une collectivité territoriale, il s’agit de fonds publics. Cette jurisprudence à géométrie variable s’agissant de l’application de l’article 40 est étonnante.
On peut aussi s’interroger sur un possible cumul entre ce congé spécifique et les congés de droit liés à la perte d’un proche déjà prévus par le code du travail.
Enfin, étant personnellement hostile à l’amendement visant à associer à la procédure des personnes qui ne sont ni médecins ni infirmiers, je ne suis pas favorable à l’amendement de Mme Fiat.
Mme Annie Vidal (RE). Je suis un peu surprise de l’avis favorable de la rapporteure ainsi que de la façon dont l’article 40 est appliqué. Les amendements prévoyant des consultations psychologiques pour les proches aidants ou, au titre Ier, la promotion de l’activité physique adaptée, qui apporte des bienfaits incontestables, ont été déclarés irrecevables. Cela n’est pas compréhensible eu égard à l’équilibre du texte.
Mme Cécile Rilhac (RE). Je suis, moi aussi, assez surprise. À l’article 1er, nous sommes plusieurs à nous être battus pour que les aidants soient mieux accompagnés et pour refuser l’intervention de structures à but lucratif. Or cet amendement visant à créer un congé spécifique me fait craindre qu’il y ait désormais un intérêt à accompagner une personne jusqu’à la mort. Je préfère donc voter contre et prendre le temps de la réflexion.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’avis favorable de Mme la rapporteure me surprend. Les personnes volontaires ne sont pas nécessairement des proches, ni des membres de la famille. Le registre est différent si l’on veut associer des bénévoles à la procédure, comme en Suisse. En l’espèce, il est incroyable que l’on mette le feu aux poudres, en traitant différemment les acteurs.
M. Patrick Hetzel (LR). Mme Fiat, habituellement très attachée à la fonction publique, n’a apparemment pas envisagé le coût de sa proposition pour l’employeur public.
M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons contre l’amendement, qui ne tient pas sur le plan philosophique : c’est une fausse protection de la personne volontaire.
Mon amendement visant à prévoir un examen psychologique préalable pour la personne volontaire a été jugé irrecevable en vertu de l’article 40. Pourtant, une telle consultation est bien moins onéreuse que trois jours de congé pour une collectivité publique.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Un congé n’est pas nécessairement rémunéré : on ne peut donc pas opposer l’article 40 à cet amendement. Dans le secteur privé, si l’on envisage le maintien du salaire, l’indemnisation sera discutée dans le cadre d’une négociation collective, et à la charge de l’employeur. Sans une disposition garantissant aux personnes qui travaillent le droit à un congé, y compris non rémunéré, comment peut‑on s’assurer qu’elles seront disponibles ?
S’agissant de la confidentialité, il en va de même que pour les membres de la famille qui accompagnent un proche dans cette procédure. On peut envisager de la garantir par voie réglementaire.
Je remercie donc la ministre pour son avis de sagesse et son engagement à retravailler l’amendement : ils sont une raison supplémentaire pour adopter ce dernier afin d’inscrire le droit à congé dans le texte.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis assez sidéré. Nous sommes tous en relation avec des associations de bénévoles et j’ai une pensée particulière pour les aidants, car il a fallu combattre ici même pendant des années pour que l’on commence à leur accorder le début d’un statut. L’aide active à mourir est un geste très fort de fraternité, et donc un signe de générosité.
Madame la ministre, vous êtes également ministre du travail. Imaginez que, demain, tous les sapeurs-pompiers volontaires vous demandent trois jours de congé... Cet amendement est une arme de destruction massive contre les bénévoles et les personnes qui font preuve de générosité au sein du monde associatif.
Mme la ministre. Tout d’abord, j’ai dit que cette question relevait d’une négociation de branche.
Ensuite, j’ai indiqué que je souhaitais que l’on retravaille cet amendement d’ici à la séance.
Enfin, j’ai donné un avis de sagesse car il est question d’un congé.
Je n’ai pas pris d’autre engagement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS421 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Cet amendement propose d’accroître la transparence de la procédure. Il prévoit que les ayants droit tels que définis à l’article 731 du code civil sont informés par le médecin de l’euthanasie ou du suicide assisté.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS253 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Article 12 : Fin des procédures
Amendements de suppression CS243 de M. Philippe Juvin et CS1178 de M. Thibault Bazin
M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes hostiles à ce projet car nous pensons qu’il s’agit d’une rupture anthropologique majeure.
M. Thibault Bazin (LR). L’article 12 ne prend pas suffisamment en compte les facteurs susceptibles de faire revenir le patient sur sa décision. Je m’interroge d’autant plus que les conditions d’accès à l’aide à mourir ont été encore assouplies à l’occasion de l’examen du texte par notre commission.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet article fixe des garanties essentielles en prévoyant les cas dans lesquels il est mis fin à la procédure d’aide à mourir. Ces garanties permettent de protéger les patients contre le risque de dérive.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Des aspects du texte ont certes été modifiés, mais cet article est extrêmement clair.
Il est mis fin à la procédure si la personne informe le médecin mentionné à l’article 7, ou le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, qu’elle renonce à l’aide à mourir. Cette rédaction est suffisamment large et la personne n’a pas à exposer ses raisons.
Il faut conserver cet esprit de liberté, tant pour accéder à l’aide à mourir que pour y renoncer. Tel est le sens de cet article.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS2008 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il s’agit de codifier l’article 12.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CS282 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS420 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). J’insiste sur le fait qu’il convient d’employer les termes de « patient en phase terminale » plutôt que celui de « personne ». C’est d’autant plus nécessaire que la référence au pronostic vital a été supprimée.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendements CS336 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS887 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS887 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS159 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS610 de Mme Christine Loir.
Amendements CS609 de Mme Christine Loir, CS1009 de M. Thibault Bazin, CS160 de Mme Marie-France Lorho, CS269 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS419 de M. Patrick Hetzel, CS888 de M. Julien Odoul, CS1026 de M. Thibault Bazin et CS1717 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les amendements CS160, CS888 et CS1717 sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS889 de M. Julien Odoul.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements CS1941 et CS1943 de Mme Laurence Cristol.
Amendements CS803 et CS804 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement CS803 prévoit que si le médecin prend connaissance, postérieurement à sa première décision, d’éléments d’information le conduisant à considérer que les conditions d’éligibilité n’étaient pas remplies ou cessent de l’être, il notifie alors sa décision motivée par écrit à la personne et, le cas échéant, à celle chargée de la mesure de protection.
L’amendement CS804 prévoit la même chose mais sans faire référence à la personne chargée de la mesure de protection.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le texte ne prévoit pas de notification de la décision du médecin dans ce cas de figure, alors qu’il s’agit d’un droit important pour le patient. Cette clarification est donc bienvenue.
Avis favorable à l’amendement CS803, qui est plus complet. Demande de retrait de l’amendement CS804.
Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement CS803 et demande le retrait de l’amendement CS804.
La commission adopte l’amendement CS803, l’amendement CS804 étant retiré.
Amendements CS563 et CS564 de Mme Annie Genevard
M. Thibault Bazin (LR). Par cohérence, l’amendement CS563 vise à ajouter aux cas susceptibles de mettre fin à la procédure l’absence de consultation de soins palliatifs préalable destinée à éclairer le patient. Les travaux d’évaluation du droit actuel et les auditions ont montré que la demande de mourir disparaît souvent quand de tels soins sont proposés.
L’amendement CS564 dispose que l’absence d’accord du collège multidisciplinaire prévu à l’article 8 constitue également un motif qui met fin à la procédure.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 7 prévoit déjà que le médecin propose une orientation vers les soins palliatifs. Il ne peut, en revanche, forcer le patient à assister à une telle consultation. Avis défavorable, donc à l’amendement CS563.
S’agissant de l’amendement CS564, nous avons déjà débattu à plusieurs reprises de la collégialité. Avis défavorable également.
Mme la ministre. Mêmes avis.
Mme Cécile Rilhac (RE). J’avais déposé un amendement de suppression de l’alinéa 3, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. L’amendement CS1943 de la rapporteure n’était pas anodin, puisque c’est précisément la référence à l’article 8 figurant dans le texte initial qui m’avait conduite à demander la suppression de cet alinéa. Ce qui m’avait choqué dans l’article 12 vient donc d’être corrigé grâce à la rapporteure.
Quels sont les motifs susceptibles de conduire un médecin à revenir sur sa décision autorisant une personne à accéder à l’aide à mourir, sachant que les délais prévus sont très courts ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le 2° de cet article répond à une demande du Conseil d’État. Il faut laisser au médecin la possibilité de revenir sur sa décision s’il a connaissance d’éléments nouveaux. C’est un élément de sécurité pour l’ensemble des intervenants.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS464 de M. Yannick Neuder
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable. Il faut faire confiance aux professionnels de santé.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS245 de M. Philippe Juvin et CS466 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS245 prévoit que la procédure prend fin si la personne ne confirme pas explicitement sa volonté de mourir juste avant l’administration de la substance létale.
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement CS466 est défendu.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette précision figure déjà à l’article 11. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1532 M. Hervé de Lépinau
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement donne au mandataire, curateur ou tuteur du majeur protégé le pouvoir de s’opposer au suicide assisté ou à l’euthanasie de ce dernier jusqu’au stade de l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cela reviendrait à donner un droit de veto à la personne chargée de la mesure de protection et nierait le droit à la liberté personnelle des majeurs protégés.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. La décision de demander l’aide à mourir relève du patient.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS504 de M. Nicolas Ray
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement rappelle que le professionnel de santé chargé d’accompagner la personne dans une aide à mourir peut faire valoir sa clause de conscience.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1533 M. Hervé de Lépinau
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement garantit au médecin le droit de refuser l’administration de la substance létale jusqu’au dernier moment s’il existe un doute sur l’intégrité du consentement de la personne.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement est satisfait, puisque l’article 11 prévoit que le professionnel de santé doit s’assurer de ce consentement avant l’administration de la substance létale.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS244 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). On peut douter de la volonté de la personne si elle ne se présente pas au rendez-vous prévu à l’article 9 pour l’administration de la substance létale. Dans ce cas, la procédure doit être reprise.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. On peut imaginer que cette situation ne se produira pas en pratique. Quoi qu’il en soit, il appartient au professionnel de santé de déterminer avec la personne si cela signifie qu’elle veut reporter l’administration de la substance létale ou y renoncer.
Avis défavorable.
Mme la ministre. La notion de présentation à un rendez-vous s’accorde malheureusement mal avec l’état d’une personne en fin de vie. Si la personne renonce, la procédure s’arrête bien évidemment.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS890 de M. Julien Odoul
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1719 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Il faut réparer un oubli en prévoyant le cas où l’administration de la substance létale n’aboutit malheureusement pas au décès de la personne.
En septembre dernier en Belgique, l’euthanasie d’une femme atteinte d’un cancer a échoué et elle a finalement été étouffée avec un coussin. Cet exemple doit conduire à nous interroger sur les conséquences d’un échec à la suite de l’administration de la substance létale.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. En premier lieu, les recommandations émises par la HAS permettront d’éviter ces situations.
En second lieu, il convient de ne pas laisser les personnes dans la souffrance si elles souhaitent avoir recours à l’aide à mourir.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS891 de M. Julien Odoul
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS805 de M. Paul-André Colombani et CS806 de M. Charles de Courson
M. Laurent Panifous (LIOT). Ce sont deux amendements d’appel.
L’amendement CS805 propose que, quelle que soit la raison de la fin de la procédure, cette dernière soit consignée dans le dossier médical du patient.
Quant à l’amendement CS806, il précise que les décisions de fin de procédure sont transmises à la commission de contrôle et d’évaluation prévue à l’article 17 et enregistrées dans le système d’information mentionné à l’article 13.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les deux amendements sont satisfaits. Avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS1573 de Mme Brigitte Liso
Mme Michèle Peyron (RE). Cet amendement prévoit que la demande d’aide à mourir peut être renouvelée une fois, dans les conditions prévues à l’article 7.
Encadrer le renouvellement des demandes d’une même personne permet à celle-ci de bénéficier de douze mois pour obtenir l’aide active à mourir. Cette période correspond à la fin du pronostic vital engagé à moyen terme tel que défini dans le projet initial.
Une telle possibilité introduit une forme de souplesse qui respecte l’esprit de l’aide active à mourir, afin de ne laisser personne au bord du chemin – en particulier dans le cas de certaines pathologies comme les maladies neurodégénératives, où l’état de santé de la personne se détériore progressivement.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il n’est pas opportun de restreindre le nombre de renouvellements de la demande, car il n’y a pas de raison d’empêcher la personne de bénéficier de l’aide à mourir dès lors que les conditions sont remplies.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 12 modifié.
Article 13 : Création d’un système d’information dédié au suivi de la procédure
Amendement CS807 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Il s’agit de préciser davantage le rôle et le fonctionnement du très important système d’information prévu par cet article.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement n’est pas nécessaire puisque les précisions qui y sont mentionnées figurent déjà au sein des articles 13 et 17. L’article 13 a pour seul objet de définir les données enregistrées au cours de la procédure d’aide à mourir.
Avis défavorable.
Mme la ministre. J’ajoute que l’article 17 prévoit qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), détermine les modalités exactes de mise en œuvre de ce système d’information.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CS2009 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement vise à codifier l’article 13.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1136 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à s’assurer que les personnes en situation de handicap et les personnes ne parlant pas ou peu français puissent bénéficier d’une procédure de demande d’aide à mourir intégralement accessible et intelligible.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il n’est pas nécessaire de le préciser dans la loi dans la mesure où, comme dans toute procédure médicale, le médecin doit s’assurer que la personne comprend bien les informations qui lui sont transmises concernant son état de santé et la procédure d’aide à mourir.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. L’amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1141 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le rapport d’information sur les soins palliatifs, présenté par les sénatrices Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier en septembre 2021, souligne que disposer de données médicales consolidées grâce à l’enregistrement systématique de la pratique de la sédation profonde et continue permettrait une meilleure connaissance des trajectoires de fin de vie et une plus grande transparence sur les pratiques actuelles en matière de soins palliatifs. C’est également nécessaire pour disposer d’une évaluation précise du nombre de patients en soins palliatifs et des besoins réels, comme le constate la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.
L’Inspection générale des affaires sociales recommande ainsi que l’acte de sédation profonde et continue jusqu’au décès soit considéré comme un acte médical et fasse par conséquent l’objet d’un enregistrement dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI).
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous proposez d’enregistrer les actes de sédation profonde et continue dans le système d’information. Il n’est pas souhaitable de mélanger deux procédures distinctes qui répondent à des situations très différentes. Le système d’information prévu par l’article 13 est dédié aux procédures d’aide à mourir, afin de garantir leur régularité et leur traçabilité.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Les informations sur la sédation profonde peuvent être trouvées dans le PMSI et dans la classification commune des actes médicaux, qui concernent respectivement les hôpitaux et la médecine de ville.
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (RE). Le système d’information est-il déjà créé et en phase de déploiement ? Sera-t-il installé dans tous les établissements de santé publics et privés ainsi que chez tous les médecins de ville ?
Beaucoup de professionnels de santé vont être amenés à mentionner leurs actions dans ce système, sur lequel repose la traçabilité. Cela suppose un déploiement très rapide, pour que le système soit opérationnel au moment même où la loi entrera en vigueur.
Mme la ministre. Ce système n’est pas encore créé, puisque cela implique un décret en Conseil d’État qui ne pourra être publié qu’une fois la loi promulguée.
Cela n’empêche pas de commencer à travailler sur le sujet. Ce système d’information sera géré par la commission de contrôle et d’évaluation et il sera accessible à distance.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1942 de Mme Laurence Cristol.
Amendement CS161 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les tâches administratives alourdissent la charge de travail des professionnels de santé alors même que ces derniers manquent dans beaucoup d’établissements. Aussi notre amendement prévoit-il d’affecter des personnels spécialement préposés à l’enregistrement des données dans le système d’information.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par « personnels préposés », mais il ne me semble pas nécessaire de créer une catégorie de personnels chargés de cet enregistrement.
Je comprends votre souhait de limiter la charge de travail administratif pour les soignants. Toutefois, compte tenu du caractère très spécifique de cette procédure, je crois que l’on peut leur confier directement la responsabilité de l’enregistrement de ces actes. Cela devrait en outre concerner très peu de cas.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS892 de M. Julien Odoul
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS688 et CS689 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CS688 précise que tout acte de la procédure d’aide à mourir est enregistré par le professionnel dans le système d’information dans un délai maximum de vingt-quatre heures. C’est en effet à partir de cet enregistrement que court le délai de quinze jours – déjà suffisamment long – dans lequel le médecin rend sa décision.
L’amendement CS689 prévoit quant à lui que tout acte de la procédure d’aide à mourir enregistré par le professionnel dans le système d’information est notifié à la personne demandant l’aide à mourir.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ce délai de vingt-quatre heures est excessivement contraignant pour les professionnels de santé, sans apporter une réelle plus-value. En effet, la commission de contrôle n’exerce pas un contrôle immédiat des procédures mais un contrôle a posteriori. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire immédiatement les actes dans le système d’information. En outre, les professionnels de santé procéderont probablement à l’inscription de manière rapide, car il est clairement indiqué dans l’étude d’impact que tant qu’une étape n’a pas été renseignée, l’étape suivante ne pourra pas être réalisée. Avis défavorable, donc, à l’amendement CS688.
Même avis pour l’amendement CS689, car je ne vois pas quelle est l’utilité de la notification qu’il prévoit.
Mme la ministre. Les délais d’enregistrement des données seront fixés par décret en Conseil d’État, après avis de la Cnil. La transparence complète sur le déroulement de la procédure d’aide à mourir à l’égard de la personne concernée est bien garantie par les dispositions de ce texte.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). Ne faudrait-il pas mentionner le rôle de la Cnil au sein de cet article ?
Mme la ministre. Il revient bien entendu à la Cnil de déterminer différents éléments, qui seront ensuite repris dans le décret.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS162 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1866 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI - NUPES). Ce projet de loi instaure un droit nouveau et très délicat : l’aide à mourir. Il est très important de pouvoir suivre et évaluer son application pratique. C’est pourquoi il est essentiel que tous les actes renseignés dans un système d’information soient identifiables et traçables par la commission de contrôle.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.
Mme la ministre. Le système d’information a pour objet d’assurer le suivi, le contrôle et l’évaluation des procédures d’aide à mourir. L’enregistrement des différents actes, demandes, décisions et avis permettra de garantir leur suivi, leur bonne identification et leur traçabilité à des fins de contrôle a posteriori, tant au cas par cas qu’à des fins statistiques, conformément aux missions assignées à la commission de contrôle et d’évaluation.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (LR). L’ensemble des avis prévus à l’article 8 sont-ils considérés comme des actes qui doivent être retracés dans ce système d’information ?
M. Patrick Hetzel (LR). L’article 13 se réfère aux actes mentionnés au présent chapitre. Quid de ceux qui sont prévus au titre Ier, qui a priori ne sont pas concernés ?
Mme la ministre. L’enregistrement ne concerne que les actes réalisés dans le cadre de la procédure prévue au titre II, c’est-à-dire pour l’aide à mourir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS958 de Mme Mireille Clapot
Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS1179 et CS1181 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Afin d’accroître la transparence de la procédure, l’amendement CS1179 prévoit que le certificat de décès est rédigé uniquement par le médecin qui a personnellement aidé au suicide assisté.
L’amendement CS1181 prévoit pour sa part que ce certificat doit être rédigé par le médecin qui a lui-même pratiqué l’euthanasie.
Que faut-il entendre par la notion d’acte ? En droit administratif, recouvre-t-elle seulement les décisions ? Qu’en est-il des avis ?
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos amendements sont trop restrictifs, puisque les infirmiers sont désormais habilités à rédiger des certificats de décès.
Mme la ministre. Tous les avis seront bien recensés dans le système d’information.
Je confirme que les infirmiers peuvent eux aussi rédiger des certificats de décès.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS409 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Il convient de mettre en place un registre des euthanasies et suicides assistés réalisés dans chaque établissement de soins les pratiquant, afin de pouvoir procéder aux contrôles nécessaires.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le système d’information permettra d’assurer la traçabilité des aides à mourir et de fournir des éléments statistiques.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1176 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement prévoit qu’un rapport annuel sur la mise en œuvre des euthanasies et des suicides assistés est communiqué à chaque agence régionale de santé.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 17 prévoit déjà que la commission de contrôle et d’évaluation remet chaque année un rapport sur les aides à mourir au Gouvernement et au Parlement. L’amendement est donc satisfait.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 13 modifié.
La réunion est suspendue de dix-huit heures quarante à dix-huit heures cinquante.
Article 14 : Recours devant le juge administratif
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement de suppression CS422 de M. Patrick Hetzel.
Amendement CS2010 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement vise à codifier l’article 14.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1628 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (RE). Cet amendement vise à préciser que « la décision du médecin doit être notifiée au patient ».
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’alinéa 9 de l’article 8 le prévoit déjà. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1665 de Mme Patricia Lemoine
Mme Annie Vidal (RE). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement
Amendement CS337 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement
Amendements CS248 de M. Philippe Juvin, CS423 de M. Patrick Hetzel et CS106 de M. Thibault Bazin, amendements identiques CS105 de M. Thibault Bazin et CS247 de M. Philippe Juvin et amendement CS808 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
M. Thibault Bazin (RN). L’amendement CS248 est défendu.
M. Patrick Hetzel (LR). Mon amendement propose d’élargir les modalités de recours, qui nous semblent trop restrictives.
M. Thibault Bazin (LR). Dans le cas où le médecin aurait accordé le suicide assisté ou l’euthanasie sans que la personne concernée ne respecte les critères fixés par la loi, aucun recours ne serait possible, puisque la personne concernée serait décédée. Aussi nos amendements CS106 et CS105 visent-ils à élargir les possibilités de recours.
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS247 est défendu.
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement CS808 vise à s’assurer que la personne concernée peut également former un recours contre la décision du médecin de mettre fin à une procédure, tel que cela est prévu à l’article 12, lorsque le médecin prend connaissance d’informations le conduisant à considérer que les critères d’accès à l’aide à mourir n’étaient pas remplis ou cessent de l’être. Cette décision ayant les mêmes conséquences qu’une décision accédant à une demande d’aide à mourir, elle doit pouvoir faire l’objet des mêmes recours.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le Conseil constitutionnel admet que le recours contre certaines décisions puisse être limité, sous réserve que ces limitations soient proportionnées à l’objectif poursuivi. Le Conseil d’État considère que le recours contre la décision du médecin peut valablement être restreint aux seules personnes dont émane la demande sans porter atteinte à ce droit ou au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de protection du droit à la vie.
La configuration des litiges relatifs au dispositif prévu par le projet de loi est fondamentalement différente de celle des recours existants en matière d’arrêt de traitement, qui ne sont prévus que parce que le malade n’est pas en état d’exprimer sa volonté. L’article 14 permet précisément d’éviter que des proches de la personne remettent en cause sa volonté en judiciarisant la procédure.
En outre, nous avons choisi de confier les recours à la juridiction administrative car cette dernière dispose de procédures d’urgence permettant de statuer dans des délais appropriés. Il n’est donc pas nécessaire de préciser qu’un référé-liberté pourra être formé, puisque cela fait partie des conditions de droit commun. Du reste, la Cour de cassation a jugé que le droit à la vie n’entrait pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution et ne constituait donc pas une matière réservée par nature à l’autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à tous ces amendements.
Mme la ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. Thibault Bazin (LR). Les dispositions de l’article 14 s’appliquent-elles également aux personnes sous protection ?
Mme la ministre. Oui.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS614 de Mme Christine Loir, CS270 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS424 de M. Patrick Hetzel et CS1721 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS270 est défendu.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS1721 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS283 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS425 de M. Patrick Hetzel
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS283 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendement CS465 de M. Yannick Neuder
M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement vise à octroyer au juge des contentieux de la protection la possibilité de contester la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir par une personne protégée juridiquement par une tutelle ou une curatelle. C’est une question de respect de la personne mise sous protection.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne suis pas sûre qu’un juge puisse s’autosaisir pour introduire un recours devant un autre ordre juridictionnel. Je vous rappelle par ailleurs que le projet de loi prévoit déjà des garanties particulières pour les majeurs protégés.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel (LR). La compétence exclusive de la juridiction administrative vous semble-t-elle appropriée quand la décision est prise par un médecin libéral ou quand la personne concernée se trouve dans un établissement privé ?
Mme la ministre. Le Gouvernement a considéré que le dispositif d’examen des demandes d’aide à mourir était lui-même déjà protecteur, puisqu’il permet la vérification des conditions d’éligibilité à l’aide à mourir, en particulier de l’existence d’une volonté libre et éclairée.
Par ailleurs, le recours par un tiers contre une décision favorable d’aide à mourir n’est pas prévu dans le cas des majeurs non protégés. Il ne doit pas l’être non plus dans le cas des majeurs protégés car, dans de nombreux cas, la personne qui assure la mesure de protection est un membre de la famille. Il n’est donc pas exclu que la contestation porterait davantage sur le principe même du recours à l’aide à mourir que sur la capacité de la personne à exprimer une volonté libre et éclairée, ce qui entraînerait des situations conflictuelles à rebours de l’objectif recherché par la loi.
Enfin, le choix du juge des tutelles est contestable car son office consiste à apprécier, avant qu’un acte ne soit accompli, si celui-ci est conforme aux intérêts du majeur protégé et non à statuer sur la contestation d’un acte qui a déjà été accompli. Son intervention conduirait à complexifier la procédure en créant des recours distincts selon que la personne bénéficie d’une mesure de protection ou non, alors que la liberté représentée par le bénéfice de l’aide à mourir est la même.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1230 de M. Thierry Frappé, amendement CS1087 de Mme Sandrine Rousseau et sous-amendement CS2030 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Thierry Frappé (RN). L’article 14 ne prévoit pas le cas d’une perte de discernement du patient. Aussi notre amendement permet-il à une personne digne de confiance de contester la demande d’euthanasie ou de suicide assisté à condition d’avoir été préalablement et expressément désignée dans les directives anticipées du patient.
M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Notre amendement CS1087 prévoit qu’en cas d’altération du discernement survenu après la demande d’aide à mourir, la possibilité d’un recours sur la décision d’aide à mourir est ouverte à la personne de confiance si elle a été désignée.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souscrivons à cette proposition de nos collègues écologistes mais souhaitons préciser, par notre sous-amendement, que ce recours n’est possible qu’en cas de rejet de la demande d’aide à mourir, puisque l’idée est de protéger la volonté de la personne qui l’a exprimée. Ne donnons pas à la personne de confiance la possibilité de contester une réponse favorable !
Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai du mal à comprendre vos arguments. Il ne me semble pas justifié d’accorder un intérêt à agir spécifique à la personne de confiance dès lors que le patient est en état d’exprimer sa volonté tout au long de la procédure. Le rôle de la personne de confiance n’est pas de contester la volonté du patient ; c’est même exactement le contraire, puisqu’il lui revient d’exprimer la volonté de son proche.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel (LR). Permettez-moi, madame la ministre, de revenir à ma question précédente. Quel est le fondement juridique de la compétence exclusive du juge administratif ?
Mme la ministre. En l’absence de dispositions législatives particulières, les décisions prises par des médecins exerçant dans un établissement public relèveraient de la juridiction administrative alors que celles émanant de médecins libéraux ou exerçant dans un établissement sanitaire ou médico-social de droit privé relèveraient de la juridiction judiciaire.
Le Gouvernement a souhaité unifier le contentieux devant le juge administratif afin d’éviter toute divergence de jurisprudence entre les ordres de juridiction, dans un souci d’égalité de traitement pour ce contentieux inédit et très particulier. Ce choix est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a jugé que le législateur pouvait, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, unifier les règles de compétences juridictionnelles au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé. Le faible nombre d’affaires susceptibles d’être portées à la connaissance d’un juge par des personnes contestant une décision d’accès à l’aide à mourir fait en effet peser un risque de divergence jurisprudentielle sur une durée qui pourrait poser problème.
M. Thibault Bazin (LR). Certes, s’il y a peu de demandes, il y aura peu de contentieux, mais l’article 14 limite la possibilité de recours à la personne ayant demandé l’aide à mourir. Or, après l’acte, elle ne sera plus là...
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Pourquoi avoir choisi le juge administratif alors qu’il existe davantage de juridictions judiciaires sur le territoire ? Le choix du juge judiciaire aurait facilité l’accès au recours.
Mme la ministre. Notre choix a d’abord été guidé par la nature de l’acte jugé. Or la juridiction administrative a acquis une expertise en la matière en jugeant des contentieux relatifs aux arrêts de traitement. Du reste, l’aide à mourir ne relève pas des matières pour lesquelles le juge judiciaire est seul compétent, en vertu de l’article 66 de la Constitution, en tant que gardien de la liberté individuelle. Entendue au sens strict, cette notion concerne les seules mesures privatives de liberté.
Les procédures de droit commun du contentieux administratif, y compris d’urgence, sont d’ores et déjà adaptées à ce type de décision, à la différence de celles de l’ordre judiciaire. Compte tenu de la spécificité du contentieux et de la nécessité de disposer des pouvoirs d’injonction et de suspension, des dispositions procédurales nouvelles auraient dû être introduites dans le code civil et dans le code de procédure civile.
La commission rejette successivement l’amendement CS1230, le sous-amendement CS2030 et l’amendement CS1087.
Amendements CS104 de M. Thibault Bazin, CS724 de M. Charles de Courson et CS492, CS493 et CS494 de M. Yannick Neuder (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Je suis embêté par la rédaction actuelle de l’article 14, qui empêche tout recours par une personne autre que celle ayant formulé la demande. Or, après l’acte, elle ne sera plus là ! Dans ces conditions, personne ne pourra former de recours contre une décision favorable à la demande, même si cette dernière n’a pas respecté les critères légaux. Il y a là un risque de dérive, d’autant que je ne suis pas sûr que la commission de contrôle et d’évaluation vérifiera le respect de ces critères a posteriori, la personne concernée n’étant plus là.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement CS724 donne également aux membres de la famille la possibilité de contester la décision du médecin statuant sur une demande d’aide à mourir, car une personne malade en fin de vie, en phase terminale, n’a pas forcément la force de former un recours. Du reste, cette disposition paraît nécessaire pour s’assurer que la volonté libre et éclairée de la personne est bien respectée et que son discernement n’est pas altéré.
La limitation des recours est-elle constitutionnelle ? Le Conseil d’État rappelle à cet égard la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle les limitations ou restrictions doivent être proportionnées à l’objectif recherché, qui est, en l’occurrence, la protection de la personne malade en fin de vie. Il serait sage que le Conseil constitutionnel soit saisi de manière préventive, afin d’éviter que des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soient posées dans le cadre d’éventuels contentieux.
M. Thibault Bazin (LR). Les amendements CS492, CS493 et CS494 formulent trois propositions différentes de personnes autorisées à former un recours.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ce qui fonde ce texte, c’est quand même la volonté libre et éclairée de la personne malade. Le Conseil constitutionnel admet que le recours contre certaines décisions peut être limité, sous réserve que ces limitations soient proportionnelles à l’objectif visé. Quant au Conseil d’État, il considère que le recours contre la décision du médecin peut valablement être restreint aux seules personnes dont émane la demande, sans porter atteinte au droit d’accès à l’aide à mourir ou au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la protection du droit à la vie. La configuration de ces litiges est fondamentalement différente de celle des recours existants en matière d’arrêt de traitement, qui ne sont prévus que parce que la personne n’est pas en état d’exprimer sa volonté. L’article 14 vise précisément à éviter que des proches de la personne remettent en cause sa volonté en judiciarisant sa procédure.
Mme la ministre. Je souscris pleinement aux explications de Mme la rapporteure. Le recours juridictionnel contre la décision sur l’aide à mourir n’est ouvert qu’au demandeur, d’autant que cette demande est couverte par le secret médical. Le Conseil d’État a d’ailleurs précisé, dans son avis, que les dispositions du projet de loi ne font pas obstacle à ce qu’une personne intéressée saisisse le procureur d’une plainte si elle estime que des infractions ont été commises du fait d’erreurs ou de fraudes affectant la décision du médecin. L’autorité judiciaire compétente pourra alors prendre des mesures pour, le cas échéant, interrompre le processus. L’idée est de protéger la volonté libre et éclairée de la personne qui a fait ce choix et de s’assurer que cette volonté peut se réaliser jusqu’au bout.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Nous sommes en train de passer un cap. Nous devons accepter que la personne soit maîtresse d’elle-même jusqu’au bout et que sa volonté d’en finir soit respectée. La souffrance ne doit pas être prolongée parce qu’un conjoint ou un enfant veut garder avec lui une personne en phase terminale ou exprime des doutes sur le choix de cette dernière. Nous devons donner aux personnes le droit ultime de disposer de leur corps jusqu’à la dernière seconde sans judiciariser les choses.
M. Patrick Hetzel (LR). Je rappelle que la CEDH a considéré, dans son arrêt Mortier contre Belgique, que le recours d’un enfant contre la décision d’euthanasie de sa mère était légitime. Le Conseil d’État s’est lui aussi prononcé et a repris certains éléments de l’arrêt Mortier. Comment conciliez-vous donc la rédaction de l’article 14 avec la jurisprudence existante ?
M. Philippe Vigier (Dem). Ne parlons pas à la place du Conseil constitutionnel : il dira lui-même ce qu’il a à dire s’il est saisi de ce projet de loi, conformément au principe de séparation des pouvoirs.
Il faut respecter la demande ultime de la personne. Comment pourrions-nous laisser aux membres de son entourage la possibilité de contester l’avis du médecin ? Nous devons fermer la porte à tout risque de judiciarisation extrême. Nous connaissons tous des cas où les familles se déchirent...
Mme la ministre. L’arrêt Mortier n’a pas la portée que certains députés veulent lui donner. Le requérant se plaignait que les médecins ne l’avaient pas informé de la demande de sa mère à bénéficier d’une euthanasie. La Cour a écarté les allégations de violation du droit au respect de la vie privée et familiale : elle a estimé qu’il ne saurait être reproché à la loi belge d’obliger les médecins à respecter le souhait de cette personne que sa famille ne soit pas informée de sa démarche et, ce faisant, de leur imposer un devoir de confidentialité et de maintien du secret médical.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS165 de Mme Marie-France Lorho et CS603 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS165 est défendu.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement CS603 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS164 et CS163 de Mme Marie-France Lorho
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1833 de Mme Anne-Cécile Violland
M. François Gernigon (HOR). La fin de vie est toujours un moment grave, mais elle peut s’accompagner de tensions dans la famille ou dans l’entourage de la personne au sujet de ses conditions de vie, particulièrement lorsqu’elle est gravement malade et en situation de forte dépendance et de vulnérabilité. De manière diffuse, le sentiment d’inutilité ou celui d’être un poids pour la famille et la société pourrait encourager la personne à demander à bénéficier de l’aide à mourir. Aussi souhaitons-nous indiquer clairement que toute pression de la part d’un tiers sur la personne, constatée par un professionnel de santé, relève de la provocation au suicide, punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende conformément à l’article 223-13 du code pénal.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. De telles pressions sont déjà susceptibles de recevoir cette qualification pénale. Il est donc inutile de l’inscrire dans ce projet de loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1236 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Dans un contexte de surcharge des juridictions, cet amendement propose que le requérant doive s’enquérir d’une procédure de conciliation, dont les modalités seront fixées par voie réglementaire, avant de saisir la justice.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’introduction d’une procédure de conciliation conduirait à allonger excessivement la procédure pour des personnes qui ont besoin que le juge statue rapidement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1785 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans son avis du 4 avril dernier, le Conseil d’État a constaté que les mesures prévues par le projet de loi n’offraient pas de garanties suffisantes pour protéger une personne vulnérable. De fait, le texte ne prévoit aucune mesure contraignante. Il laisse à la personne protégée la liberté d’informer son médecin de la mesure de protection dont elle fait l’objet. Le cas échéant, le médecin est simplement tenu d’informer de sa décision la personne chargée de la protection et de tenir compte des observations que cette dernière formulerait.
Mme Laurence Cristol, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion à plusieurs reprises. Le texte prévoit déjà des garanties spécifiques pour les majeurs protégés.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 14 modifié.
Après l’article 14
Amendement CS1250 de M. Joël Giraud
Mme Cécile Rilhac (RE). En l’état actuel du projet de loi, le malade qui remplit l’ensemble des critères pour accéder à l’aide à mourir peut voir la procédure s’arrêter si le médecin argue qu’il a perdu sa conscience ou sa faculté de discernement. Dans cette hypothèse, il n’existe aucune voie de recours permettant au patient, à ses médecins ou à ses proches de faire valoir le souhait qu’il avait consciemment et librement exprimé. Ce cas sera sans doute très rare, mais nous devons le prévoir et ouvrir des voies de recours. Notre responsabilité collective est de ne pas lester la loi d’incohérences et de failles dont pâtiraient des patients et des familles déjà en souffrance.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis extrêmement défavorable à cet amendement.
Nous avons cherché à élaborer le texte le plus équilibré possible. L’aide à mourir ne doit pas être ouverte aux personnes ayant perdu leur discernement, encore moins à l’initiative d’un tiers. Le risque de dérive est trop grand – il est même inimaginable.
Mme la ministre. L’amendement revient sur l’un des éléments d’équilibre les plus importants du texte : l’alinéa 6 de l’article 6 dispose que la personne doit être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».
Avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je ne veux pas rouvrir le débat sur la place des directives anticipées dans le titre II relatif à l’aide à mourir, mais l’amendement soulève une vraie question : que faire lorsque, du fait de l’évolution de sa pathologie, le malade perd son discernement juste avant l’étape ultime alors qu’il a déjà validé, en conscience, toutes les étapes précédentes ? À ce stade, je ne voterai pas cet amendement, mais nous devrons trouver une solution en séance.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Nous ne sommes pas allés jusqu’au bout de la question des directives anticipées. Que faire dans le cas – réel – d’une personne en phase terminale de cancer atteinte d’un accident vasculaire cérébral trois jours avant la date prévue pour sa mort et qui, de ce fait, n’est plus en mesure d’exprimer son avis libre et éclairé au moment de l’administration de la substance létale ? Pourtant, cet avis a été réitéré, les étapes de la procédure ont été respectées et l’événement aggrave encore l’état de santé de la personne. Nous devons réfléchir à d’éventuelles exceptions.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet amendement pose en effet une question importante, mais il me gêne car, avant de prévoir la possibilité de contester devant l’autorité administrative une décision d’interruption de la procédure, nous devrions nous mettre d’accord, comme au titre Ier, sur le principe du respect des directives anticipées et de la nomination d’une personne de confiance. J’espère que nous pourrons le faire en séance.
M. Patrick Hetzel (LR). Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a considéré le 2 juin 2017 que les parents proches pouvaient former un recours contre une décision d’arrêt de traitement. Or le présent projet de loi ne le prévoit pas pour le suicide assisté ou l’euthanasie. C’est très troublant.
Mme Annie Genevard (LR). Mme la ministre a rappelé que ce texte était fondé sur la volonté libre et éclairée du malade demandant à bénéficier de l’aide à mourir. Or, à l’article 4, vous avez malheureusement adopté un amendement permettant qu’un patient ayant perdu sa conscience et sa capacité à exprimer sa volonté libre et éclairée puisse se voir administrer une substance légale en faisant prévaloir ses directives anticipées.
M. Nicolas Turquois (Dem). Non, madame Genevard, nous n’avons pas voté la disposition que vous venez d’évoquer – à moins que j’aie raté quelque chose...
La discussion de l’amendement CS1250 est l’occasion de reprendre des débats que nous avons déjà eus et qui alimentent ma propre réflexion. Il est vrai que certaines situations particulières ne sont pas prises en compte, mais je ne veux pas avoir à regretter, dans quelques années, d’être allé trop loin ou de ne pas avoir été assez vigilant. Je souhaite être associé à des avancées en matière d’aide à mourir, mais nous devons garantir que rien n’est fait contre la volonté libre et éclairée du patient. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je comprends que certains collègues souhaitent ouvrir le débat sur le cas d’une personne ayant confirmé sa volonté à l’issue du délai de deux jours mais perdant sa conscience et sa faculté de discernement avant l’administration du produit. Toutefois, le recours devant l’autorité administrative n’est pas une solution.
La commission rejette l’amendement.
Article 15 : Mesures réglementaires d’application
Amendements de suppression CS249 de M. Philippe Juvin et CS426 de M. Patrick Hetzel
M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de supprimer l’article 15, qui nous inquiète.
Monsieur Turquois, je reconnais volontiers qu’il est parfois difficile de suivre tous nos travaux. J’ai relu l’amendement CS993 que vient d’évoquer notre collègue Annie Genevard. Il complète l’alinéa 1 de l’article 4 par la phrase suivante : « Dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience. » Cette disposition n’exclut pas l’administration du produit à une personne inconsciente contre sa volonté.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 15 renvoie à des mesures réglementaires d’application du projet de loi, ce qui n’a rien d’anormal.
Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a jugé, s’agissant de la procédure d’arrêt des traitements et de la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, que le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence. Le présent projet de loi est particulièrement détaillé.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS2011 de Mme Laurence Cristol
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement vise à codifier l’article 15, en cohérence avec les amendements de codification précédemment adoptés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1867 de René Pilato
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement tire la conséquence de certains de nos échanges. Par-delà les opinions philosophiques sur la fin de vie, la HAS a souvent été convoquée au cours de nos travaux. Qu’elle l’ait été par des personnes aux opinions différentes la place au centre du débat et lui confère une forte légitimité. Aussi proposons-nous que la plupart des dispositions relatives à l’application du chapitre II soient adoptées après avis de la HAS.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le décret prévu à l’article 15 porte sur les modalités d’information de la personne qui demande l’aide à mourir, sur la forme et le contenu de la demande et de sa confirmation, ainsi que sur la procédure de vérification des conditions d’accès au dispositif. Ces dispositions n’appellent pas l’avis de la HAS, compte tenu de ses compétences.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette les amendements identiques CS284 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS428 de M. Patrick Hetzel.
Amendements identiques CS1722 de M. Christophe Bentz et CS617 de Mme Christine Loir, amendements CS427 de M. Patrick Hetzel, CS1010 de M. Thibault Bazin, CS532 de Mme Marie-France Lorho, CS271 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS894 de M. Julien Odoul, CS1028 de M. Thibault Bazin et CS1739 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Une clarification sémantique s’impose d’ici à l’examen du texte en séance publique. Les modifications adoptées précédemment, notamment aux articles 5 et 6, ont fait perdre à certaines dispositions leur cohérence.
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements CS532 et CS894 sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS533 de Mme Marie-France Lorho
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 15 modifié.
Après l’article 15
Amendements CS110, CS111 et CS1713 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Thibault Bazin (LR). Madame la ministre, vous avez saisi la HAS, à raison me semble-t-il, dans la mesure où certains sujets sont toujours en débat. Par ailleurs, vous serez amenée à prendre des décrets d’application du texte. Tout cela prendra du temps.
Je propose d’adopter une date d’entrée en vigueur cohérente avec le temps nécessaire pour mener à bien ce travail. L’amendement CS110 vous laisse deux ans et demi. L’amendement CS111 vous laisse seulement un an et demi, ce qui est peut-être un peu court compte tenu de la navette parlementaire.
L’amendement CS1713 est très important à nos yeux. Il constitue un préalable éthique. Il vise à faire en sorte que les dispositions des articles 7 à 15 entrent en vigueur une fois l’accès effectif aux soins palliatifs garanti à chaque Français sur tout le territoire. Nous sommes plusieurs à y tenir. Les membres du CCNE nous ont alertés à ce sujet. Un choix entre deux possibilités dont l’une est nettement plus rapide et moins coûteuse que l’autre n’en est pas vraiment un.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’effectivité de la loi a tout à gagner à une entrée en vigueur des lois votées dans les meilleurs délais. Le présent projet de loi est en gestation depuis longtemps. Le Gouvernement a mené un important travail de concertation en amont pour le construire. Le temps nécessaire a été pris pour bâtir un texte équilibré.
En outre, il n’est pas examiné en procédure accélérée et fera donc l’objet de plusieurs lectures par chaque chambre du Parlement, ce qui garantit que le temps nécessaire au débat est pris. Au terme de ce travail, qui prendra encore du temps, les citoyens attendent que les lois votées soient appliquées.
Avis défavorable.
Mme la ministre. On reproche souvent au Gouvernement de mettre du temps à rendre les textes effectifs et à publier les décrets d’application. Il est pour le moins surprenant de l’y inviter.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS254 de M. Philippe Juvin
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement prévoit que les professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre du chapitre III répondent aux obligations de validation d’une formation continue organisée et définie conjointement par la HAS et par les sociétés savantes de soins palliatifs.
Madame la ministre, je salue votre maîtrise de la joute oratoire. Vous ironisez sur le temps que je propose de vous laisser, mais vous en demandez pour déployer la stratégie décennale des soins d’accompagnement, d’autant qu’elle nous emmène bien après le présent quinquennat, dans lequel vous vous êtes engagée aux côtés du Président de la République. En faisant en sorte que le titre II ne soit pas appliqué si le titre Ier ne l’est pas, je m’assure de la cohérence d’ensemble de la démarche.
Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cher collègue, soyez remercié de votre sollicitude ! Je partage votre volonté de former spécifiquement les soignants à la procédure. Toutefois, en faire dépendre leur participation est une démarche trop restrictive susceptible d’entraver de nombreux droits reconnus au patient, tel que celui de choisir le médecin auprès duquel il effectue sa demande.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Le Gouvernement a manifesté sa volonté de commencer à travailler sur les soins palliatifs dès l’année 2024, avant même que le présent texte n’ait achevé son parcours législatif, en adoptant une approche budgétaire permettant d’avancer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS472 de M. Yannick Neuder
M. Thibault Bazin (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
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* *
14. Réunion du vendredi 17 mai 2024 à 21 heures (article 16 à après l’article 21 et titre)
La commission spéciale poursuit l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ([15]).
Chapitre IV
Clause de conscience
Article 16 : Clause de conscience, responsabilité du chef d’établissement sanitaire ou médico-social et déclaration de professionnels auprès de la commission
Amendement CS1985 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Comme pour plusieurs amendements adoptés précédemment, il s’agit de dispositions de codification.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Avis favorable, par cohérence avec le travail de codification effectué depuis le début de l’examen du texte.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS429 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement vise à établir une clause de conscience spécifique à l’euthanasie, comme la « loi Veil » du 17 janvier 1975 l’a fait pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Au vu de ce qui est en jeu – le rapport à la vie et à la mort –, une telle clause aurait toute sa place et serait de nature à rassurer les professionnels de santé, dont tous ne sont pas favorables à ce texte, et à éviter des tensions.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Votre demande est satisfaite. En réalité, la clause de conscience que vous proposez serait même plus restrictive que celle prévue à l’article 16 puisqu’elle n’englobe pas tous les professionnels de santé, excluant par exemple les psychologues.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1538 de M. Hervé de Lépinau, amendements identiques CS250 de M. Philippe Juvin et CS566 de Mme Annie Genevard, et amendement CS430 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1538 est défendu.
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS250 est défendu.
Mme Annie Genevard (LR). Mon amendement vise à permettre aux pharmaciens d’invoquer la clause de conscience, ainsi que l’ont fait de nombreux pays ayant autorisé l’euthanasie ou le suicide assisté, comme la Belgique, les Pays-Bas, le Canada, les États-Unis ou encore l’Espagne. Les pharmaciens font partie de la chaîne de soins et il y aurait toute légitimité à les inclure dans la clause de conscience.
M. Patrick Hetzel (LR). Les pharmaciens doivent effectivement bénéficier eux aussi de la clause de conscience, puisqu’il est prévu qu’ils préparent la dose létale.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Nous avons longuement débattu de cette question cet après-midi. Je rappellerai simplement que les intéressés, lors de leur audition, ne l’ont pas réclamé.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS435 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Il s’agit de prévoir explicitement que les professionnels de santé ne seront pas inquiétés pour leurs opinions dans l’exercice de leurs fonctions.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Cette garantie apparaît tout à fait souhaitable, puisqu’elle est indispensable pour rendre la clause de conscience effective. Toutefois, comme vous le signalez vous-même dans l’exposé sommaire de votre amendement, une telle garantie est déjà prévue, non pas dans la loi, mais dans la Constitution.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1531 de Mme Geneviève Darrieussecq
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’article 16 institue une clause de conscience pour les professionnels, ainsi que la possibilité de se porter volontaire pour participer à la procédure d’aide à mourir. Cet amendement vise à remplacer ce mécanisme par l’inscription volontaire sur un registre. Cela serait d’abord une simplification. En effet, en l’état actuel du texte, un médecin désireux de faire jouer la clause de conscience devra chercher un confrère susceptible d’accéder à la demande du patient, ce qui compliquera la démarche, pour lui comme pour le malade.
Ensuite, le volontariat permet d’éviter toute contradiction avec les valeurs du soin : l’aide à mourir n’étant pas un acte médical, elle doit nécessairement obéir à une démarche volontaire de la part des soignants.
Enfin, dans un contexte de tension du système de santé et alors qu’une partie des soignants s’opposent au texte que nous examinons, le volontariat permettrait d’éviter des divisions dans le monde médical et d’apaiser les soignants qui seront chargés d’appliquer la loi.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Votre amendement me paraît problématique, car seuls les professionnels qui ne seraient pas inscrits sur le registre des soignants volontaires auraient l’obligation d’informer le patient et de le rediriger vers un collègue dont le nom y figure.
Je tiens en outre à vous alerter sur la portée du registre : dans la mesure où l’inscription sera volontaire et qu’il faudra un certain temps pour le déployer puis le faire connaître des professionnels, dont la réflexion pourra d’ailleurs évoluer au fil du temps, lui donner une place trop importante pourrait se révéler contre-productif, au moins dans un premier temps. Rien ne garantit que des professionnels de tout le territoire s’inscriront sur ce registre dès sa création. Il faut bien sûr tout mettre tout en œuvre pour en faire un outil efficace facilitant l’orientation du patient, mais nous ne pouvons en faire un préalable : cela risquerait de nuire gravement à l’accès à l’aide à mourir.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme la ministre. La solution proposée par Mme Darrieussecq pour respecter la liberté de conscience des professionnels soulève une difficulté : elle revient à exiger d’eux une démarche préalable, alors même que nous nous efforçons de leur libérer du temps pour qu’ils le consacrent aux patients. Surtout, certains médecins pourtant disposés à participer ne se déclareront pas, ce qui limiterait les possibilités offertes aux patients. Enfin, les professionnels de santé seraient contraints de se prononcer in abstracto, ce qui fait fi des situations individuelles.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS434 de M. Patrick Hetzel et CS692 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Je ne considère pas que le fait de donner la mort puisse constituer un soin. Cela étant dit, dès lors qu’on codifie le suicide assisté et l’euthanasie, il faut tenir compte du fait que la responsabilité et la liberté sont intrinsèquement liées. C’est par respect pour la liberté du soignant autant que pour celle du patient qu’existe la clause de conscience, le soin étant la rencontre de ces deux libertés. Mon amendement a donc pour objet d’inscrire dans la loi les conditions d’exercice de la clause de conscience telles qu’elles figurent dans les commentaires du code de déontologie médicale.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement de Mme Battistel a la finalité inverse. Il s’agit de garantir que le professionnel de santé qui refuse d’accompagner un patient dans sa demande d’aide à mourir fasse le lien avec un médecin disponible – j’insiste sur ce terme – et lui transfère le dossier. La rédaction actuelle de l’article 16 prévoit en effet que le médecin communique au patient des noms de professionnels de santé « susceptibles » de l’accompagner, ce qui ne garantit pas qu’une suite favorable sera bien donnée à sa demande. Nous devons veiller à l’effectivité du droit que nous créons, sans exposer les patients à être renvoyés de médecin en médecin et à essuyer des refus successifs.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement de M. Hetzel qui vise à restreindre la clause de conscience en créant des conditions supplémentaires.
Je demande le retrait de celui de Mme Battistel au profit d’un amendement que nous examinerons ultérieurement et qui tend à remplacer le mot « susceptibles » par les termes « disposés à ». À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car son adoption limiterait la liberté du patient dans le choix de son médecin.
Mme la ministre. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le caractère restrictif de la clause de conscience spéciale proposée par M. Hetzel.
S’agissant de l’amendement de Mme Battistel, le Gouvernement ne souhaite pas faire peser une obligation positive sur les professionnels de santé. La rédaction retenue dans le projet de loi est identique à celle qui s’applique notamment pour l’IVG, laquelle impose au médecin ou à la sage-femme de réorienter la patiente vers un praticien susceptible de pratiquer cette intervention. D’autre part, une telle obligation ferait peser une charge très contraignante, voire dissuasive, sur les professionnels de santé désireux d’invoquer la clause de conscience et pourrait ainsi porter atteinte à la liberté de conscience.
Nous devons évoluer sur une ligne de crête entre respect de la clause de conscience et exercice du droit à bénéficier de l’aide à mourir. La création du registre devrait permettre de garantir le libre choix de chacun.
Mme Annie Genevard (LR). L’amendement de Patrick Hetzel est intéressant en ce qu’il prévoit que le médecin ne voulant pas pratiquer l’euthanasie ou le suicide assisté transmet la demande à un confrère « choisi par le patient ». Aux termes du texte du Gouvernement, il appartiendrait au médecin de « communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles d’y participer ». Cette obligation pourrait se révéler difficile à satisfaire, pour les raisons exposées par la rapporteure : le registre mettra quelque temps à se constituer et le choix des différents praticiens ne sera pas forcément connu de tous, puisque ceux qui seront prêts à pratiquer cet acte ne voudront peut-être pas le crier sur les toits. La rédaction proposée par mon collègue me semble bien meilleure.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Notre groupe a toujours été favorable à la suppression de la double clause de conscience en matière d’IVG, qui pose une vraie difficulté et est susceptible de remettre en cause l’accès des femmes à cette intervention. Pour l’aide à mourir en revanche, la situation est différente et il nous semble très important de garantir la clause de conscience. Elle doit toutefois être assortie de garde-fous pour garantir l’accès effectif à l’aide à mourir. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de Mme Battistel.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes passés un peu rapidement sur l’amendement de Mme Darrieussecq, qui prévoyait un système reposant sur le volontariat.
Vous souhaitez, avec l’amendement CS692, « garantir » que le médecin faisant jouer sa clause de conscience orientera son patient vers un médecin qui accédera à sa demande. Cela signifie-t-il qu’il devra contacter plusieurs confrères jusqu’à en trouver un qui accepte ? Cela me semble difficile. Par ailleurs, au sein des équipes suivant des patients en fin de vie, certains professionnels pourront faire jouer leur clause de conscience, mais pas tous – les pharmaciens et les infirmiers en seront exclus –, ce qui compliquera également les choses.
Je pense que les médecins travaillant dans le domaine des soins palliatifs et, demain, de l’aide à mourir auront déterminé au préalable s’ils sont prêts à accompagner cette démarche jusqu’au bout. Il sera donc tout à fait possible d’établir une liste des volontaires. Veillons à ce que cette loi, dont nous souhaitons tous assurer l’effectivité, ne soit pas entravée dans son application parce que nous aurons ignoré la question du volontariat.
M. Thierry Frappé (RN). Je ne suis pas certain que le transfert du dossier à un autre praticien soit autorisé par le Conseil national de l’ordre des médecins : des renseignements peuvent être transmis aux patients, mais pas à un autre médecin, me semble-t-il.
Demander au médecin de s’assurer de la disponibilité de son confrère plutôt que de communiquer le nom de médecins susceptibles d’accompagner son patient me semble aussi poser problème. Par exemple, j’apparais toujours sur la liste des médecins agréés à effectuer des visites médicales pour le permis de conduire alors que cela fait trois ans que j’ai arrêté. Je crains que le registre ne soit pas tenu suffisamment à jour pour être utilisable. Le mot « susceptible » me semble donc préférable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Avec la rédaction proposée par Mme Battistel, les patients devront suivre un véritable parcours du combattant puisque le médecin qui voudra faire valoir son droit de retrait devra téléphoner à dix confrères pour trouver une solution. Cela ne fonctionnera pas.
La rapporteure me répondait tout à l’heure que mon amendement compromettrait le déploiement de l’aide à mourir, au moins au début. Je pense au contraire qu’en créant une plateforme gérée par la commission de contrôle et d’évaluation, sur laquelle tout médecin pourrait s’inscrire simplement et rapidement, le cas échéant au moment même où il décide de prendre en charge le patient, on réglerait le problème. La procédure selon laquelle un médecin doit trouver un confrère ne fonctionnera pas, je vous le dis. En refusant d’inscrire dans le texte le principe du volontariat, vous vous privez d’une simplification.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Marie-Noëlle Battistel a déposé un autre amendement, le CS691, substituant au terme « susceptibles » les mots « disponibles pour ». Si c’est celui que Mme la rapporteure évoquait, je pourrai retirer le CS692. Dans le cas contraire, je le maintiendrai.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je faisais référence aux amendements identiques CS1828 et CS1868, qui seront examinés en discussion commune avec le CS691 et qui remplacent « susceptibles » par « disposés à ».
Mme la ministre. Le transfert d’un dossier médical d’un médecin à un autre est tout à fait autorisé.
Par ailleurs, la constitution d’un registre de médecins volontaires est bien prévue. Il sera utilisé par les médecins, comme c’est le cas dans tous les pays d’Europe qui nous ont précédés : le praticien consulte la liste des confrères inscrits sur un site dédié et communique leurs coordonnées au patient. Il peut ainsi proposer plusieurs noms, ce qui permet au patient de choisir entre plusieurs médecins.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les amendements CS1828 et CS1868 ont en outre l’intérêt d’employer le pluriel, alors que celui de Mme Battistel prévoit que le médecin doit communiquer le nom « d’un » professionnel. La distinction est importante, car la pluralité offre un choix au patient et garantit l’accessibilité réelle au dispositif. Notre groupe ne votera donc pas en faveur de l’amendement CS692, au profit des amendements suivants.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement l’amendement CS433 de M. Patrick Hetzel ainsi que les amendements en discussion commune CS432 de M. Patrick Hetzel et CS285 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Amendements identiques CS895 de M. Julien Odoul et CS1537 de M. Hervé de Lépinau
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS895 est défendu.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement CS1537 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.
Amendements CS1281 de Mme Bérangère Couillard, CS1110 de M. Cyrille Isaac‑Sibille et CS1315 de M. Christophe Marion (discussion commune)
M. Jean‑François Rousset (RE). L’amendement CS1281 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS1828 de Mme Caroline Fiat et CS1868 de M. Hadrien Clouet et amendement CS691 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Nous en arrivons aux fameux amendements identiques qui veulent remplacer « susceptibles » par « disposés à ».
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il s’agit simplement de concrétiser l’objectif initial du texte. La rédaction actuelle prévoit que le professionnel de santé qui, pour des raisons éthiques et personnelles, ne souhaite pas concourir à l’aide à mourir doit orienter le patient sollicité vers des confrères « susceptibles d’y participer » : il enverra donc une liste de noms sans savoir exactement ce qu’il en sera, sur laquelle figureront forcément des médecins qui feront eux aussi valoir leur clause de conscience. Pour une démarche aussi violente que la préparation de la fin de l’existence, créer de tels délais nous paraît intolérable. Nous souhaitons donc que cette liste soit composée uniquement de soignants « disposés à » participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Comme je le disais tout à l’heure, l’amendement CS691 propose de remplacer « susceptibles » par « disponibles pour ».
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je demande le retrait du CS691 au profit des CS1828 et CS1868.
Mme la ministre. S’agissant des amendements identiques, la modification proposée est de nature purement sémantique. Le terme « susceptibles » est-il plus positif, ou plus restrictif, que le mot « disposés » ? Il me semble que la rédaction actuelle est plus large, raison pour laquelle je demande leur retrait.
Avis défavorable au CS691.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Pardonnez-moi, mais être « disposé à » signifie bien être volontaire, me semble-t-il ! Nous avons donc bien tous la même idée : que les médecins se déclarent volontaires pour participer à l’aide à mourir. Je vous assure que c’est bien mieux : c’est plus clair et cela apaiserait tout le monde.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Un médecin qui est « disposé à » accompagner un patient souhaitant mourir est volontaire, sans aucun doute. En revanche, un médecin « susceptible » de le faire pourrait refuser. Il y a donc une différence fondamentale entre les deux termes. Mieux vaut la première option, si nous ne voulons pas que le patient soit contraint de contacter une succession de médecins. Soyons sérieux : il faut respecter la clause de conscience, mais en garantissant au patient qu’il aura un médecin pour l’accompagner.
Mme Annie Genevard (LR). Je partage l’avis de la ministre : ne retenir que les médecins « disponibles pour » participer à la procédure d’aide à mourir supposerait de connaître l’identité de tous les médecins prêts à exécuter le geste létal et donc l’opinion de chacun. Cela risque de compliquer les choses. Étant opposée à ce projet de loi, je devrais m’en réjouir, mais du point de vue sémantique comme de celui du patient, cela ne me paraît pas convenir. La réponse à ces difficultés paraît simple : c’est l’établissement du registre.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Être susceptible de faire quelque chose n’implique pas nécessairement qu’on va le faire. Y être disposé signifie qu’on se met à disposition pour le faire. Enfin, on peut être disponible sur le principe sans l’être au moment où le patient en a besoin. L’existence d’un registre n’est donc compatible qu’avec les termes « disposés à » : il doit recenser les médecins qui se mettent à disposition pour répondre à la demande.
M. David Valence (RE). La différence entre les deux formules réside dans la charge de trouver la personne qui répondra au patient. Avec la formule « susceptibles de », le médecin pourra donner le nom d’un confrère dont il n’est pas établi qu’il acceptera d’accomplir l’acte, alors que les termes « disposés à » l’impliquent très clairement.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous nous accorderons tous, je crois, sur le fait que la formule « disposés à » correspond au système du volontariat. Inscrire ce principe dans le texte permettrait de savoir préalablement qui est prêt à pratiquer les actes d’aide à mourir.
Je m’interroge sur un autre point : si un dossier est transféré à un autre médecin, celui-ci ne demandera-t-il pas à participer à la décision collégiale ? Pourquoi accepterait-il d’appliquer un choix qu’il n’aurait pas contribué à préparer ?
Mme la ministre. Au moment où le patient exprime sa demande, la décision collégiale n’a pas encore été prise.
La commission adopte les amendements CS1828 et CS1868.
En conséquence, l’amendement CS691 tombe.
Amendement CS809 de M. Paul-André Colombani
M. Laurent Panifous (LIOT). Il s’agit d’assurer l’effectivité de la clause de conscience. Nous proposons qu’un médecin qui ne souhaiterait pas participer au dispositif et qui ne connaîtrait pas de professionnels désireux de le faire ait la possibilité d’orienter le patient vers l’agence régionale de santé (ARS), laquelle serait chargée de communiquer le nom des professionnels volontaires.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable.
Il ne me paraît pas souhaitable de confier cette mission aux ARS puisque nous créons un registre que le médecin pourra consulter.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1793 de M. François Gernigon et CS690 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. François Gernigon (HOR). Mon amendement vise à ce que le médecin qui ne souhaite pas participer puisse donner les coordonnées de la commission de contrôle et d’évaluation mentionnée à l’article 17. En effet, il ne sait pas nécessairement si ses confrères seront enclins à apporter leur concours. Il serait d’ailleurs utile d’établir une liste, qui pourrait être gérée par l’Ordre des médecins, l’ARS ou cette commission prévue à l’article 17.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CS690 vise à garantir que le professionnel de santé qui refuse d’accompagner un patient dans sa demande lui communique le registre des praticiens susceptibles d’apporter leur concours.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Monsieur Gernigon, votre proposition ajoute une formalité administrative. Monsieur Delautrette, le registre ne doit être visible que par le médecin.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Concernant l’amendement CS690, j’ajoute que l’on parle d’un patient se trouvant dans un état pathologique lourd, qui n’a plus forcément la capacité d’accomplir des démarches. La communication doit donc se faire entre professionnels de santé.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS529 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement vise à garantir le respect de la clause de conscience du professionnel de santé y compris en l’absence de personnels de santé pouvant participer à la procédure d’aide à mourir.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Votre demande est satisfaite. Demande de retrait.
Mme la ministre. C’est écrit dans la loi. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1088 et CS1089 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement CS1088 propose qu’à partir du moment où un médecin fait jouer sa clause de conscience, il ne puisse plus être inscrit au registre national des médecins volontaires pour une durée d’un an. Le CS1089 prévoit la même mesure sans fixer de durée.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Ces dispositions conduiraient à se priver d’un certain nombre de professionnels de santé, alors que ceux-ci peuvent changer d’avis. Le recours à la clause de conscience peut s’expliquer par la particularité d’une situation. La commission devrait de surcroît tenir une liste des professionnels de santé qui ont émis un refus, ce qui semble problématique.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. Un professionnel de santé a le droit de faire jouer sa clause de conscience au cas par cas, pour des raisons personnelles.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Il s’agit en fait d’éviter qu’un professionnel fermement opposé à l’aide à mourir s’inscrive tout de même comme volontaire et refuse systématiquement les demandes qui lui sont adressées, dans une logique militante.
Mme la ministre. La commission de contrôle sera en mesure de constater que ce praticien refuse systématiquement les demandes. La traçabilité qu’assure l’article 13 permettra d’appréhender ces comportements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS114 de M. Thibault Bazin et CS415 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Ces amendements visent à instituer une clause de conscience pour les pharmaciens.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS835 de Mme Lisette Pollet
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’amendement est satisfait. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS301 de M. Fabien Di Filippo, CS565 de Mme Annie Genevard et CS1536 de M. Hervé de Lépinau
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS301 est défendu.
Mme Annie Genevard (LR). Il s’agit de permettre aux établissements de faire jouer la clause de conscience.
Le II de l’article 16 impose au responsable de tout établissement de santé, quand bien même les principes éthiques de cet établissement et de son personnel le conduiraient à refuser de pratiquer l’aide active à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté, de permettre l’intervention d’un tiers professionnel de santé afin d’y procéder. Cette disposition va à l’encontre de l’article 4 de la directive européenne portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, selon lequel les organisations publiques et privées sont habilitées à requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l’éthique de l’organisation.
M. Christophe Bentz (RN). Par l’amendement CS1536, ous défendons la liberté de conscience de toute personne, professionnel de santé ou non, qui serait directement ou indirectement liée à l’acte euthanasique ou au suicide assisté.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Les alinéas 3 à 5 de l’article 16 garantissent à toute personne hébergée dans un établissement médico-social qui formule une demande d’aide à mourir la possibilité d’y accéder dans le cas où les professionnels de santé y travaillant opposeraient leur clause de conscience. Vous affirmez que ces dispositions créent une discrimination entre les professionnels de santé selon qu’ils peuvent invoquer ou non une clause de conscience. C’est inexact, car un directeur d’établissement ne participe pas directement à l’acte d’aide à mourir. Les soignants, eux, qui y participent directement, doivent évidemment pouvoir invoquer la clause de conscience. En outre, le Conseil constitutionnel a indiqué dans une décision de 2001 que les directeurs d’établissement doivent garantir l’égalité des usagers devant la loi et devant le service public.
Avis défavorable.
Mme la ministre. La règle qui s’imposera aux directeurs d’établissement est conforme aux obligations qui pèsent d’ores et déjà sur eux. En effet, ils sont tenus de respecter l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art, comme le prévoit l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, et les règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé.
Par ailleurs, madame Genevard, l’article 4 de la directive à laquelle vous faites référence n’impose aucunement aux États membres de garantir à des entreprises, notamment confessionnelles, le droit d’imposer à leurs personnels d’exercer leurs activités en cohérence avec l’éthique qu’elles promeuvent. Il s’agit d’un choix laissé aux États, dans la mesure où les autres prescriptions de la directive et les principes constitutionnels du pays sont respectés.
Avis défavorable.
M. David Valence (RE). Ces amendements reposent sur l’idée qu’un directeur d’établissement aurait quasiment le même statut qu’un médecin. Or, tandis que le directeur a en charge une entité collective, le médecin exerce sa responsabilité à titre personnel. Il en découle des obligations et des droits distincts. En outre, on peut se demander comment la clause de conscience serait activée : nécessiterait-elle un vote des personnels ou le directeur pourrait-il décider seul – ce qui constituerait une responsabilité exorbitante au regard des convictions des personnels ? Enfin, la clause de conscience ne concerne que les personnes physiques, ce qui prive ces amendements de fondement juridique.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS251 et CS252 de M. Philippe Juvin, et CS438 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement CS251 vise à permettre aux établissements médico-sociaux de ne pas participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir s’ils le prévoient dans leur projet d’établissement.
L’amendement CS252 a pour objet d’autoriser pareillement les équipes de soins des établissements médico-sociaux ou des établissements de santé à ne pas y participer.
L’amendement CS438 vise à préciser que l’euthanasie ou le suicide assisté ne peuvent être pratiqués dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux qui ont vocation à accueillir des personnes âgées ou handicapées. Il ne faut pas négliger l’impact que pourraient avoir ce type de pratiques dans des lieux abritant des personnes vulnérables.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. J’ai déjà apporté beaucoup de réponses sur ces sujets. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Il faut en effet être vigilant car les établissements médico-sociaux accueillent des personnes vulnérables. Toutefois, les personnes engagées dans la procédure d’aide à mourir auront, par définition, rempli les critères légaux. En outre, n’oublions pas que ces établissements sont, pour beaucoup, leur lieu de vie.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS531 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS437 de M. Patrick Hetzel et CS918 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Nous proposons une autre rédaction du principe de la clause de conscience de l’établissement.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS436 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). Nous proposons d’encadrer l’accès des personnes et des représentants de personnes morales aux établissements, car il arrive que cela crée des divisions au sein des équipes et des services qui connaissent déjà une situation difficile.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat. Il me semble en outre que vous entretenez un flou au nom de la notion de risque. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1233 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Nous proposons que les professionnels de santé manifestent leur souhait de participer ou non à la mise en œuvre de l’aide à mourir par déclaration auprès de la commission mentionnée à l’article 17, et qu’ils informent cette dernière de tout changement par l’envoi d’une lettre simple ou d’un courrier électronique. Ils resteraient ainsi libres de changer d’avis.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1916 de Mme Caroline Fiat.
Amendements CS1741 de Mme Geneviève Darrieussecq et CS1725 de M. Jean‑François Rousset (discussion commune)
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il s’agit des professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir : je propose non pas qu’ils puissent, mais qu’ils doivent se déclarer sur la liste des volontaires.
Il est essentiel que les médecins accomplissent cette démarche volontaire, car l’aide à mourir n’est pas un acte médical : le code de la santé publique interdit au médecin de provoquer délibérément la mort. Cela facilitera aussi les procédures, et surtout assurera la cohésion indispensable des équipes, que ce soit en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou en service hospitalier. Sans cela, j’ai peur que nous n’aboutissions à des situations difficiles. Enfin, cela sécurisera les médecins, car on ne pourra pas leur reprocher de ne pas avoir trouvé un confrère prêt à apporter son concours. Bien entendu, cette liste ne doit pas être publique, mais peut-être faut-il autoriser la commission de contrôle à la communiquer aux ordres des médecins et des infirmiers afin que ceux-ci puissent renseigner leurs membres dans chaque département.
M. Jean-François Rousset (RE). Pour que le registre soit le plus fourni possible, il faut inciter, voire aller le plus possible vers l’obligation. Nous proposons donc l’emploi des mots « se déclarent », qui sont plus forts et plus simples que « peuvent se déclarer ».
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Monsieur Rousset, vous venez de dire qu’il fallait inciter, pas obliger. Nous souhaitons tous que le registre soit le plus fourni possible, mais ce n’est pas avec une obligation que nous y parviendrons. Madame Darrieussecq, pour vous rassurer, le registre ne sera visible que par les médecins.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Le Gouvernement est réservé sur cette obligation de déclaration car on sait pertinemment qu’une partie des professionnels n’accompliront pas la démarche, pour diverses raisons, ce qui aboutira à un nombre réduit de soignants que l’on pourra solliciter, surtout au début. C’est le souci d’assurer l’effectivité du texte qui explique mon opposition aux amendements visant à instaurer une telle obligation.
M. Philippe Vigier (Dem). Je rappelle que la sédation profonde et continue jusqu’à la mort prévue par la loi Claeys-Leonetti est peu pratiquée et que cela s’explique par des problèmes de formation et d’appropriation. En matière d’aide à mourir, l’enjeu de l’appropriation est essentiel. Vous verrez, madame la ministre, que, pour des raisons d’effectivité, vous vous convertirez à l’obligation. En outre, sans cela, la communauté médicale risque de se fracturer : imaginez l’état de l’équipe, si l’un des professionnels fait jouer sa clause de conscience au dernier moment ! Il ne faut pas que toutes les valeurs humaines qu’on trouve dans ces services se fracassent sur un dispositif mal conçu par le législateur.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cette liste est importante pour faciliter l’accès des personnes qui le souhaitent à l’aide à mourir. La rédaction de M. Rousset, qui traduit une forme d’intentionnalité tout en offrant une certaine latitude au professionnel, me semble préférable aux deux autres options, « peuvent se déclarer » ou « doivent se déclarer ».
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Les médecins traitants, dont on manque sur l’ensemble du territoire, seront très sollicités pour ces demandes. C’est une chose de bien vouloir pratiquer l’aide à mourir pour ses patients, qui sont déjà nombreux ; c’en est une autre de s’inscrire sur une liste pour recevoir des patients en plus. Si tous les médecins prêts à pratiquer l’aide à mourir s’inscrivent sur la liste, la répartition sera possible, mais si seuls ceux qui ont voulu faire la démarche s’y trouvent, ce sera très difficile. Il faut trouver la meilleure manière d’assurer l’effectivité de l’aide à mourir.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). J’ai une préférence pour les termes « se déclarent », car ils ne posent pas de borne temporelle et permettent aux professionnels de santé de s’inscrire petit à petit, lorsqu’ils sont décidés. En revanche, je suis opposée à l’obligation.
La commission rejette l’amendement CS1741 et adopte l’amendement CS1725.
Amendement CS618 de Mme Christine Loir
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les professionnels de santé ont le droit de ne plus vouloir participer à la procédure et doivent pouvoir se retirer du dispositif à tout moment.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’enregistrement étant volontaire, votre demande est satisfaite. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS810 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à s’assurer que les professionnels de santé qui s’inscrivent sur le registre des volontaires suivent une formation sur les soins palliatifs et d’accompagnement ainsi que sur la procédure d’aide à mourir.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1314 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Cet amendement vise à ce que les professionnels de santé qui seraient disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir sous réserve d’avoir reçu une formation se déclarent eux aussi auprès de la commission de contrôle et d’évaluation, à l’instar des professionnels disposés à le faire sans aucune condition. L’objectif est triple : reconnaître les professionnels de santé qui pourraient participer mais qui aimeraient être formés, estimer le vivier de professionnels qui seraient disponibles au cas où le nombre de volontaires immédiats ne serait pas suffisant, et disposer d’un indicateur des souhaits de formation sur la fin de vie.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Défavorable.
Mme la ministre. Demande de retrait ou avis défavorable. L’amendement est pratiquement satisfait par l’adoption de l’amendement CS1725, puisque la déclaration vaudra automatiquement inscription.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1237 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Nous proposons de préciser que les établissements de santé veillent à ne pas prendre en compte la participation ou non à la mise en œuvre de l’aide à mourir pour le recrutement des professionnels. Cet amendement d’appel vise à ouvrir le débat sur une possible discrimination.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Encore une fois, la liberté de conscience étant garantie par la Constitution, aucune discrimination ne sera, évidemment, admise.
Défavorable.
Mme la ministre. La commission de contrôle et d’évaluation aura pour rôle de relever ce type d’agissements. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 16 modifié.
Chapitre V
Contrôle et évaluation
Avant l’article 17
Amendement CS718 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à prévoir des sanctions à l’encontre des professionnels de santé ne respectant pas le droit et la procédure d’aide à mourir. Comme pour tout nouveau droit, c’est indispensable pour assurer son effectivité. Cela ne doit choquer personne : à partir du moment où l’une des parties engagées ne respecte pas la règle, il est normal de prévoir des sanctions.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du CS1980 que je défendrai tout à l’heure, visant à créer plutôt un nouveau chapitre spécifique aux sanctions pénales. À défaut, avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je le retire, madame la rapporteure, nous verrons cet amendement tout à l’heure.
L’amendement CS718 est retiré.
Article 17 : Création d’une commission de suivi et de contrôle
Amendement de suppression CS255 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1986 de Mme Caroline Fiat.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS1091 de Mme Sandrine Rousseau et CS1729 de Mme Anne Bergantz.
Amendement CS440 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). L’article 17 instaure un système de contrôle a posteriori : si des erreurs d’appréciation ou des manquements graves aux conditions strictement définies par la loi venaient à être mis à jour, ils ne pourraient donc en aucun cas être réparés. Il est donc primordial que la commission de contrôle et d’évaluation puisse apprécier a priori la conformité aux dispositions légales de la demande d’euthanasie ou de suicide assisté qui lui est notifiée par le médecin. Elle se prononcera dans un délai maximal de quinze jours. Au cas où elle exprimerait sa réserve ou son opposition, une nouvelle demande devrait être faite. Un tel dispositif est de nature à prévenir des dérives comme celles qu’ont connues certains pays.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé, s’agissant de la législation belge, que le contrôle a posteriori était conforme aux exigences en termes de droits et libertés individuelles. En outre, le travail de la commission chargée du contrôle a posteriori s’ajoutera aux garanties existantes, ne se substituant en rien aux possibilités de recours classiques : toute personne ayant constaté des manquements d’ordre pénal, par exemple, pourra saisir le procureur.
Avis défavorable.
Mme la ministre. L’ensemble des garanties propres à sécuriser l’aide à mourir sont déjà apportées par la procédure en elle-même, par la collégialité et par le système d’information. Dans les autres pays où l’aide à mourir est mise en œuvre, le médecin reste la pierre angulaire du dispositif.
Donc avis défavorable également.
Mme Annie Genevard (LR). Pourquoi le suivi et l’évaluation effectués par la commission se limitent-ils à l’application des seuls chapitres II et III ? Ne devrions-nous pas les élargir à l’ensemble de la loi, comme c’est l’usage en matière d’évaluation ? La question se pose en raison de l’importante augmentation du nombre de suicides assistés observée dans certains des pays qui l’autorisent, ainsi que des difficultés grandissantes d’accès aux soins palliatifs que nous connaissons.
Mme la ministre. Le chapitre II commence avec l’article 6, relatif aux conditions requises pour accéder à l’aide à mourir, et le chapitre III décrit la procédure. Le reste du texte porte sur les soins d’accompagnement. C’est la raison pour laquelle les mesures de contrôle et d’évaluation ne portent que sur les chapitres II et III.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS623 de Mme Christine Loir et CS1973 de Mme Caroline Fiat (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement CS623 est défendu.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Mon amendement vise à préciser que le contrôle s’exerce a posteriori.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS623.
Puis elle adopte l’amendement CS1973.
Amendements CS1723 de M. Christophe Bentz, amendements identiques CS439 de M. Patrick Hetzel et CS620 de Mme Christine Loir, amendements CS272 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS896 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements CS1723, CS620, CS272 et CS896 sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1313 de M. Christophe Marion
M. Christophe Marion (RE). Cet amendement vise à inclure le chapitre IV dans le périmètre de la commission de contrôle et d’évaluation instaurée par l’article 17. En l’état, celle-ci n’est pas chargée de contrôler les conditions de mise en œuvre de la clause de conscience. Or il apparaît important que le respect des obligations faites aux professionnels de santé à l’article 16 – notamment celle de prévenir sans délai les patients de leur refus de mettre en œuvre les dispositions du présent texte et celle de les diriger vers d’autres professionnels de santé – soit également contrôlé.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Des sanctions disciplinaires sont déjà possibles en cas de non-respect des obligations liées à la clause de conscience. Avis défavorable.
Mme la ministre. Ces obligations seront contrôlées par les ordres compétents, comme toute obligation imposée aux professionnels de santé. Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). En réalité, madame la rapporteure, l’arrêt de la CEDH Mortier contre Belgique montre que le système n’offre pas de garantie suffisante d’indépendance.
Je précise par ailleurs que le contrôle a priori existe : c’est celui qu’a résolument choisi l’Espagne, considérant qu’il constituait le seul moyen de se prémunir contre certains risques.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1853 de Mme Caroline Fiat et CS1869 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Mon amendement tend à préciser que, pour mener à bien ses missions de suivi, d’évaluation, d’information et de recommandation, la commission de contrôle et d’évaluation exploite des données agrégées et anonymisées.
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Dans un but similaire, l’amendement CS1869 vise à préciser que « l’information publique du Gouvernement et du Parlement se fonde sur l’exploitation et la présentation de données agrégées et anonymisées ». Le suivi et l’évaluation doivent respecter les dispositions en vigueur, telles que la loi « informatique et libertés » et le règlement général sur la protection des données.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien, qui couvre un champ plus large.
Mme la ministre. La commission va examiner et exploiter l’ensemble des données de toutes les procédures d’aide à mourir. Je rappelle que le contrôle sera systématique. L’évaluation et l’information publique en revanche seront bien réalisées sur la base de données agrégées et bien évidemment anonymes.
Avis de sagesse.
L’amendement CS1869 est retiré.
La commission adopte l’amendement CS1853.
Amendement CS256 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement vise à préciser que la commission de contrôle et d’évaluation intégrera, dans son rapport, les coûts et les économies que le projet de loi induira pour le système de santé.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1917 de Mme Caroline Fiat.
Amendement CS1743 de Mme Geneviève Darrieussecq
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Cet amendement vise à préciser que l’enregistrement au sein d’un registre accessible aux seuls médecins – un point dont il faudra débattre, d’ailleurs – est volontaire. Il prévoit en outre une déclinaison départementale de ce registre, afin que les informations soient facilement accessibles à l’ordre des médecins. Il s’agit simplement de faciliter les choses, à l’heure où de nombreux médecins se disent en burn-out.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’adoption de l’amendement CS1725 à l’article 16, qui prévoit que les professionnels de santé « se déclarent » à la commission, rend toute précision sur le volontariat difficile.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Les professionnels seront par définition volontaires, puisqu’ils se seront inscrits.
Le Gouvernement partage la préoccupation de garantir un accès effectif des patients aux professionnels de santé disposés à les accompagner dans l’aide à mourir. Plusieurs démarches sont prévues dans cette perspective, notamment l’obligation faite à tout professionnel faisant valoir sa clause de conscience de communiquer sans délai au patient le nom d’autres professionnels de santé. Le registre national concourt également à cet objectif, et il ne nous a pas semblé utile de le décliner au niveau local. Le choix a été fait d’en restreindre l’accès aux professionnels de santé afin de protéger la confidentialité et d’empêcher la diffusion de la liste – les données qu’elle contient pourraient en effet faire l’objet d’un mésusage. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CS695 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à ouvrir la consultation du registre à d’autres professionnels de santé, par exemple aux infirmiers.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. J’avais envisagé de déposer un amendement similaire, trouvant étrange que certains professionnels puissent s’inscrire sur le registre mais pas le consulter. Mais en réalité, cela n’a rien d’étonnant : seuls les médecins auront besoin d’avoir accès au registre, pour trouver un autre professionnel en cas d’application de la clause de conscience. Les autres professionnels n’en auront pas la nécessité. Je vous invite à retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS527 de Mme Marie-France Lorho
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS693, CS696 et CS694 de Mme Christine Pires Beaune
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CS693 vise, dans un souci de simplification, à inverser la logique d’inscription au registre : les médecins seraient d’office considérés comme volontaires, et ceux ne souhaitant pas y figurer devraient faire la démarche de se désinscrire.
Le CS696 prévoit que l’adresse postale d’exercice et les coordonnées des médecins disposés à accompagner les patients dans leur parcours d’aide à mourir soient répertoriées dans le registre.
Enfin, le CS694 prévoit que les médecins disposés à accompagner les patients dans leur parcours d’aide à mourir soient répertoriés par département.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je comprends l’idée de l’amendement CS693, mais son adoption nuirait gravement à l’efficacité du registre : des patients pourraient être adressés à un médecin totalement étranger à la question, qui pourrait prendre son temps avant d’éventuellement refuser. Or les patients souffrant d’une pathologie avancée, voire en phase terminale, ne disposent pas forcément de ce temps. Avis défavorable.
Quant aux amendements suivants, ils me semblent relever du niveau réglementaire.
Mme la ministre. L’amendement CS693 pourrait effectivement rendre difficile la mise en application de la loi. S’agissant du CS696, je précise que les déclarations des professionnels comprendront nécessairement leurs coordonnées et leurs informations de contact, mais cela relève effectivement du niveau réglementaire. Enfin, je comprends la préoccupation de garantir un accès effectif des patients aux professionnels de santé disposés à les accompagner dans leur démarche mais il ne me semble pas nécessaire d’indiquer dans la loi qu’ils sont répertoriés par département.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS812 de M. Charles de Courson
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à préciser que les médecins et infirmiers souhaitant être inscrits dans le registre doivent suivre une formation relative aux soins palliatifs et d’accompagnement et aux dispositifs d’aide à mourir, validée par un agrément de la commission de contrôle et d’évaluation.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
L’amendement CS1794 de M. François Gernigon est retiré.
Amendement CS1726 de M. Christophe Bentz
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1094 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement veut permettre à la commission de prononcer des mesures préventives visant à assurer l’effectivité de l’aide à mourir au cas où elle relèverait des anomalies dans l’appréciation des demandes d’aide à mourir faite par certains médecins, par exemple des délais anormalement longs. Les anomalies et les mesures préventives seraient définies par un décret en Conseil d’État. En cas de mauvaise volonté de la part du professionnel de santé, la commission pourrait le sanctionner.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Votre amendement induirait une forme de contrôle a priori, qui ne serait pas conforme à l’esprit de l’article. Des sanctions disciplinaires et pénales étant déjà possibles, il ne me semble pas souhaitable de confier un pouvoir de sanction à une autre autorité. Si un médecin n’instruisait pas les demandes d’aide à mourir, la commission pourrait saisir l’ordre compétent, comme le prévoit l’alinéa 4. Je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la ministre. Le système d’information prévu à l’article 13 enregistra tous les actes afférents à l’aide à mourir et permettra de visualiser les différentes étapes. Toute anomalie dans le déroulement pourra être détectée.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements CS960 de Mme Mireille Clapot et CS526 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
Mme Cécile Rilhac (RE). Mon amendement vise à ce qu’en cas de doute sur un possible manquement, la commission saisisse en premier lieu le procureur de la République, plutôt que l’ordre des médecins.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Une commission de contrôle et d’évaluation n’a d’intérêt que si elle dispose des moyens d’agir et de faire appliquer les règles. Par l’amendement CS526, nous proposons donc d’indiquer qu’en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles, elle « saisit » la chambre disciplinaire, plutôt que « peut saisir ».
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. La commission peut saisir le procureur de la République en plus de l’ordre compétent après avoir consulté le dossier médical. L’article 40 du code de procédure pénale dispose que toute autorité constituée est tenue, si elle suspecte que des faits sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, d’effectuer un signalement au procureur de la République. Le Conseil d’État a indiqué, dans son avis du 4 avril 2024, que la commission de contrôle et d’évaluation devait être regardée comme une autorité constituée au sens précisément du code de procédure pénale. Il n’apparaît pas opportun de le rappeler dans la loi.
Avis défavorable.
L’amendement CS960 est retiré.
La commission rejette l’amendement CS526.
Amendements CS525 de Mme Marie-France Lorho et CS897 de M. Julien Odoul (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1727 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). L’existence de l’article 40 du code de procédure pénale n’empêche pas de préciser que la commission de contrôle et d’évaluation peut saisir le procureur de la République.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements en discussion commune CS441 de M. Patrick Hetzel et CS286 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Elle adopte ensuite l’amendement CS1918 de Mme Caroline Fiat.
Amendement CS697 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit de prévoir la présence d’au moins deux médecins dans la commission de contrôle : dans l’hypothèse où l’un d’eux aurait à se déporter, il semble nécessaire qu’un second puisse accéder au dossier médical partagé. C’est ce que recommande le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je ne suis pas favorable à ce que l’on définisse la liste des membres de la commission, en tout cas pas avant une lecture ultérieure. En l’occurrence, il serait étrange que ce début de liste ne comprenne que les médecins et aucun autre professionnel. Quoi qu’il en soit, votre amendement sera satisfait puisque le Conseil d’État a recommandé la présence de deux médecins.
Mme la ministre. La composition de la commission ne relève pas du domaine législatif. S’agissant toutefois d’une recommandation du Conseil d’État, avec lequel le Gouvernement a travaillé, je donne un avis favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1096 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à prévoir la présence, dans la commission de contrôle et d’évaluation, de représentants des malades et des usagers du système de santé.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. J’émets un avis favorable mais, la boîte de Pandore étant désormais ouverte, je veillerai à ce que vous n’oubliiez personne lors de l’examen du texte en séance publique !
Mme la ministre. Cette question relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Convaincu par l’argument de la rapporteure, notre groupe votera cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS257 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). Cet amendement vise à préciser que tout professionnel de santé peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent s’il estime que des faits commis dans le cadre de l’aide à mourir sont susceptibles de constituer un manquement aux règles légales, déontologiques ou professionnelles.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. La saisine de la chambre disciplinaire par un professionnel étant déjà prévue par le droit en vigueur, l’amendement est satisfait et je ne peux que demander son retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement CS811 de M. Charles de Courson
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1750 de Mme Anne Brugnera
Mme Cécile Rilhac (RE). Nous souhaitons que la commission de contrôle et d’évaluation remette chaque année au Parlement et au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) un rapport synthétisant les données collectées au travers du système d’information prévu à l’article 13. Ce rapport contribuera à la nécessaire transparence sur la mise en œuvre de cette nouvelle procédure : disparités territoriales, freins éventuels et besoins d’évolution. La demande nous en a été faite plusieurs fois durant les auditions.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Cette demande étant redondante avec l’information annuelle prévue à l’alinéa 3, je vous propose de retirer votre amendement.
Mme la ministre. Je partage cet avis. L’article 17 confie déjà à la commission la remise d’un rapport, lequel sera d’ailleurs rendu public et pourra être consulté par le CCNE.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 17 modifié.
Après l’article 17
Amendement CS625 de Mme Christine Loir
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous demandons la remise d’un rapport sur la gestion, le suivi et le transport des doses létales, et sur la potentielle destruction de celles qui seraient périmées. Nous voulons nous assurer que la commercialisation de ce produit ne deviendra pas un trafic.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Cet amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la ministre. Il est important de rappeler que le circuit de la substance létale relève de l’entière responsabilité du pharmacien, puis du professionnel de santé chargé de la récupérer et de la remettre. Une fois le produit utilisé, son contenant ainsi que ses éventuels restes sont récupérés et rapportés. La traçabilité de ce produit est totale, ce qui répond à votre préoccupation.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1838 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Nous demandons la remise d’un rapport sur la création d’un observatoire de la fin de vie, rattaché au Conseil économique, social et environnemental. Cet observatoire présenterait un rapport annuel au Parlement sur la base de l’étude de critères sociologiques et territoriaux. Les travaux de la commission de contrôle et d’évaluation juridique et médicale, qui veillera à l’application de la loi et au respect de la procédure, seraient ainsi complétés par une évaluation plus vivante et de nature à éclairer le débat public, notamment le législateur. Notre amendement répond au besoin de statistiques et données sur la fin de vie plusieurs fois souligné lors de nos débats.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Même si la demande est plus qu’intéressante, un tel observatoire risquerait d’apporter de la confusion puisque deux structures vont déjà être créées : une instance de gouvernance, de pilotage et d’évaluation, selon la mesure 30 de la stratégie décennale, et la commission de contrôle dont vous parliez, prévue à l’article 17. Votre demande étant satisfaite, je vous propose de retirer votre amendement.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet observatoire pourrait satisfaire un réel besoin d’informations en répondant à deux questions : qui et où.
Il pourrait ainsi dresser des profils types de personnes qui vont recourir à l’aide à mourir, ou ne pas y arriver, ou déposer une demande sans aller jusqu’au bout, etc. L’importance de cette information ne vous aura pas échappé puisqu’elle a été au cœur de nos échanges des premiers jours, durant lesquels est apparu un manque criant de données, y compris sur les cas étrangers, pour lesquels il y a peu de remontées et pas de standardisation des résultats.
Il permettrait ensuite de comprendre les équilibres territoriaux, sachant qu’il existe des déséquilibres très prononcés en matière de soins palliatifs. Il est crucial d’avoir une vue du maillage territorial dans ce domaine. Les scientifiques pourraient alors venir nous éclairer, car observer, c’est faire bien plus qu’évaluer.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Rassurez-vous, chers collègues, vous aurez la réponse à ces deux questions dans le rapport de la commission de contrôle.
La commission rejette l’amendement.
Article 18 : Évolution des missions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et insertion des produits destinés à l’aide à mourir dans un circuit spécifique et sécurisé
Amendement de suppression CS258 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1975 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’amendement vise à clarifier le rôle de la Haute Autorité de santé (HAS) dans la définition des substances létales susceptibles d’être utilisées pour l’aide à mourir.
Mme la ministre. Avis favorable à cet amendement qui précise les missions de la HAS.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement CS1347 de Mme Julie Laernoes est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS1098 et CS1097 de Mme Sandrine Rousseau.
Amendements CS273 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS442 de M. Patrick Hetzel, CS1728 et CS1826 de M. Christophe Bentz et CS900 de M. Julien Odoul (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS900 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS539 et CS534 de Mme Marine Hamelet
M. Jocelyn Dessigny (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1733 de Mme Anne Bergantz
Mme Anne Bergantz (Dem). Il s’agit de garantir à toutes les personnes éligibles à l’aide à mourir une égalité territoriale dans l’accès aux préparations létales, notamment en outre-mer. Pour ce faire, nous proposons de compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Ces recommandations tiendront compte des contraintes existantes pour assurer une bonne égalité territoriale d’accès aux substances susmentionnées. »
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Satisfait. Avis défavorable.
Mme la ministre. Nous y reviendrons à l’article 21. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CS259 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement tend à préciser que l’administration de la substance létale se fait par voie digestive, pour éviter toute intervention d’un professionnel de santé.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Une telle disposition limiterait l’accès à l’aide à mourir en excluant les personnes ne pouvant pas s’administrer la substance par voie digestive.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Il est prévu que le médecin ayant évalué favorablement une demande d’aide à mourir prescrit la substance létale la plus adaptée au patient, compte tenu de la capacité de son organisme à métaboliser les médicaments.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS260 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). Dans la même ligne, nous considérons qu’il faut compléter l’alinéa 5 par la formulation suivante : « Une préparation magistrale létale est une préparation qui provoque la mort avec certitude, rapidement, sans douleur et sans souffrance. » Il semble, en effet, que tout tourne autour de cette notion de souffrance.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Ces précisions ne sont pas nécessaires et, surtout, ne relèvent pas du domaine législatif. Avis défavorable.
Mme la ministre. L’objet de cet article est de créer un cadre spécifique pour les préparations, en prévoyant notamment l’intervention des agents sanitaires comme la HAS et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En outre, comme vient de le dire très justement madame la rapporteure, les précisions que vous souhaitez apporter sont d’ordre réglementaires.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS919 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). Dans un souci de transparence, il apparaît nécessaire de faire ressortir le caractère dérogatoire de cette préparation létale par rapport aux autres préparations magistrales. Nous plaidons d’ailleurs pour la reconnaissance d’une clause de conscience pour les pharmaciens qui, jusqu’à présent, préparent des substances destinées à guérir ou à prévenir, pas à donner la mort.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Vous souhaitez préciser que la substance létale n’a pas de propriétés curatives ou préventives. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons prévu des dispositions particulières dans cet article 18. Votre demande étant satisfaite, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS899 de M. Julien Odoul
M. Jocelyn Dessigny (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS530 de Mme Marine Hamelet
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous nous préoccupions du transport des produits tout à l’heure. Ici, nous demandons que l’ANSM tienne un registre indiquant notamment l’origine des produits, pour en assurer la traçabilité.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable, cet amendement est satisfait.
Mme la ministre. L’article 13 prévoit un enregistrement et donc une traçabilité des produits. La commission pourra prendre contact avec l’ANSM, laquelle conserve évidemment ses prérogatives en matière de pharmacovigilance.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS537 de Mme Marine Hamelet
M. Jocelyn Dessigny (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS528 de Mme Marine Hamelet
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous demandons que soient appliquées au transport de la substance létale les dispositions relatives au transport de marchandises dangereuses. Ces véhicules vont circuler sur les routes, nous devons savoir ce qu’il y a dedans.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 18 modifié.
Après l’article 18
Amendement CS1980 rectifié de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Il s’agit de créer un délit d’entrave à l’aide à mourir, sur le modèle du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Cet amendement introduit à cet effet un nouveau chapitre au sein du titre II relatif à l’aide à mourir.
Mme la ministre. Avis favorable.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Madame la rapporteure, madame la ministre, je vous remercie pour cet amendement. Si l’on souhaite garantir cette ultime liberté, il faut la garantir à tous points de vue : par des dispositions matérielles et concrètes, mais aussi en nous assurant que nul ne puisse entraver sa réalisation. Instruits par notre expérience en matière d’IVG, nous devons anticiper et créer un délit d’entrave sur le même mode, avec des peines d’amende et de prison à la clef, visant les personnes qui tenteraient d’empêcher de s’informer sur l’aide à mourir ou de recourir à cette pratique.
M. Patrick Hetzel (LR). J’espère que, par parallélisme des formes, il y aura exactement l’inverse, c’est-à-dire un délit d’incitation à l’aide à mourir.
M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons évidemment à cet amendement dont l’aspect concernant l’information nous dérange profondément. En quoi le fait de s’informer sur les conséquences d’une aide à mourir, d’une euthanasie ou d’un suicide assisté peut-il constituer une entrave ou un délit ? L’information, c’est le minimum en ce qui concerne ce type d’actes.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Il s’agit d’empêcher qu’une personne souffrant énormément ne soit pas entravée dans sa demande. Je me réjouis que le texte prévoie de créer un maillage territorial permettant d’aller au plus près des gens. Rappelons qu’une vingtaine de départements n’ont toujours pas de centres d’IVG, ce qui oblige certaines femmes à aller ailleurs. Ce serait quand même le comble que quelqu’un qui est en train de souffrir, d’agoniser, soit obligé de changer de département. Je voterai pour cet amendement.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous sommes évidemment pour cet amendement et en avons déposé de similaires. Le délit d’entrave instauré pour l’IVG ayant montré son efficience, il est impératif de le reproduire ici.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Je peux comprendre vos arguments lorsque le délit vise une personne qui empêcherait un malade vraiment en souffrance de recourir à l’aide à mourir. En revanche, je ne comprends pas que l’on veuille empêcher un malade de s’informer sur le processus, même par courriel, avant de recevoir la dose létale. Cela me paraît vraiment excessif.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CS698 de Mme Marie‑Noëlle Battistel et CS1755 de Mme Anne Brugnera tombent.
Amendement CS368 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (LR). On recense cinq cents condamnations pour abus de faiblesse par an, ce qui montre bien la réalité du phénomène. Or le dispositif prévu dans ce texte y expose particulièrement. C’est pourquoi nous demandons que soit inséré, après l’article 223-15-2 du code pénal, un article qui pénalise ce type d’abus de faiblesse.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. C’est déjà prévu par le code pénal. Avis défavorable.
Mme la ministre. En effet, cette infraction est réprimée par l’article 223-15-2 du code pénal.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1643 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (RE). Cet amendement visant à établir un délit d’incitation au suicide assisté revêt à mes yeux une importance considérable, notamment eu égard au délit d’entrave qui vient d’être créé. Et ne me dites pas que ce délit existe déjà dans le code pénal : l’article 223-13 porte sur la provocation au suicide, alors que je vise l’incitation au suicide assisté. Cette disposition garantira que toute forme de pression psychologique, suggestion ou encouragement à recourir à l’aide à mourir soit passible de sanctions pénales.
La légalisation de l’aide à mourir doit s’accompagner de mesures rigoureuses pour protéger les personnes vulnérables, en particulier les personnes âgées, en situation de dépendance, ou porteuses de handicap. L’incitation au suicide assisté peut être subtile, insidieuse, et certaines personnes pourraient se sentir poussés vers cette option sous la pression de circonstances extérieures. Cet amendement complète utilement les dispositions existantes contre l’abus de faiblesse en instaurant une protection explicite contre l’incitation au suicide assisté.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Que ce soit la provocation au suicide ou l’abus de faiblesse, les deux délits sont déjà codifiés. Avis défavorable.
Mme la ministre. Les dispositions de l’article 223-13 du code pénal permettent de satisfaire votre préoccupation, madame la députée : le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (LR). Je partage totalement l’analyse de Mme Vidal. Il suffirait d’apporter la précision demandée dans la loi pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté. Or vous savez pertinemment que ce risque d’ambiguïté est réel. Si le législateur ne prend pas cette décision, il faudra s’en remettre à l’interprétation des magistrats, qui pourraient considérer qu’un suicide assisté est différent d’un suicide. La précision demandée par Mme Vidal a donc énormément de sens, sauf à considérer que le législateur n’a pas de légitimité pour préciser la loi et qu’il revient au juge de l’interpréter, conformément à la philosophie anglo-saxonne du droit, qui n’est pas la nôtre. Je ne comprends vraiment pas votre entêtement à ne pas vouloir préciser les choses car, en réalité, nous sommes d’accord : comme nous, vous ne voulez pas qu’il y ait des incitations au suicide. Alors, écrivons-le !
M. Christophe Bentz (RN). Il faut voter pour cet amendement capital. L’incitation au suicide est en effet déjà un délit mais, soyons précis, le suicide assisté n’apparaît pas dans le droit actuel.
Mme Julie Laernoes (Ecolo - NUPES). Il existe une différence fondamentale entre l’aide à mourir, où la personne est condamnée par sa maladie, et le suicide d’une personne en bonne santé. Cela ne peut pas du tout tomber dans le même cadre.
Mme la ministre. Je vous propose d’interroger le ministère de la justice avant l’examen du texte en séance, sur ce sujet qui relève du droit pénal.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Merci, madame la ministre, de prendre en considération ce sujet très sérieux. Il y a des personnes âgées, vulnérables, malades, affaiblies, sans forcément être en fin de vie, qui pourraient être poussées dans la direction de l’aide à mourir par un entourage toxique. Soyons très vigilants. Nous devons protéger les malades qui veulent l’aide à mourir, protéger les malades qui n’en veulent pas, protéger les soignants.
Mme Annie Vidal (RE). Je vais retirer mon amendement pour le retravailler en vue de la séance. Mais je dis clairement que sans cette protection des personnes les plus vulnérables, je voterai contre l’ensemble du texte.
L’amendement est retiré.
Amendements CS122 de M. Thibault Bazin, CS1807 de M. Christophe Bentz, CS1510 de M. Hervé de Lépinau, CS1672 de M. Christophe Bentz, CS567 et CS551 de Mme Annie Genevard (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). L’acte d’euthanasie ou de suicide assisté n’est pas anodin mais ultime, irréversible. Ne serait-ce que pour cette raison, nous devons inscrire dans la loi qu’il est interdit d’en faire la publicité ou la promotion.
M. Patrick Hetzel (LR). Je défends les amendements CS122, CS567 et CS551. Il faut effectivement pénaliser l’incitation à l’aide à mourir.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS699 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). La procédure d’aide à mourir suppose un engagement de chacun à en respecter toutes les étapes. Il faut donc prévoir des sanctions civiles, disciplinaires et pénales à l’égard de ceux qui ne respecteraient la procédure prévue.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement CS1831 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à demander la remise d’un rapport sur une question que nous avons déjà effleurée : l’aide à mourir déjà pratiquée, de manière informelle, clandestine. Nous proposons de lancer une réflexion sur la manière dont on considère ceux qui ont pu faire l’objet de condamnations après avoir aidé à mourir des personnes qui leur avait explicitement demandé de le faire. Il s’agit de faire le point sur la situation : combien de personnes ont été condamnées, pourquoi ? Comment pourrions-nous envisager une amnistie pour ceux qui entreraient aujourd’hui dans le cadre que nous sommes en train d’élaborer ? Voici la réflexion que nous proposons de lancer par le biais de ce rapport.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la ministre. Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Ce rapport nous permettrait d’avoir pleinement connaissance des cas qui ont pu se produire par le passé, sans nous obliger à émettre un avis immédiat. Il est important d’analyser le passé au regard du présent texte et de nous poser la question de l’amnistie des personnes qui ont été condamnées pour avoir apporté cette aide compassionnelle et humaniste dont nous parlons.
M. Nicolas Turquois (Dem). N’étant vraiment pas un adepte des rapports, je pense que celui-ci aurait un sens. Il ne s’agit pas de décider une amnistie, mais de nous pencher sur les cas peu nombreux – il n’y en a pas des dizaines – où des personnes ont agi dans l’esprit du présent texte, dans des situations très douloureuses. J’y suis plutôt favorable.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Pour ma part, je suis résolument contre cet amendement. Il s’agit de personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pénale. Or la loi n’est pas rétroactive. S’il s’agissait de personnes non condamnées déclarant des faits passés, un peu comme pour les mafieux repentis, on pourrait l’envisager. Mais je ne vois pas comment, sur le plan juridique, revenir sur des condamnations.
M. René Pilato (LFI - NUPES). Il ne s’agit pas de rendre la loi rétroactive mais de faire en sorte que ces gens-là puissent retrouver une conscience tranquille. À une époque, ils ont été jugés coupables. Pour tenir compte des progrès de l’humanité, il serait bon de les amnistier de leur condamnation passée et purgée.
Mme la ministre. Sur un plan technique, je ne vois pas comment répondre à la demande que vous formulez ainsi : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions et les modalités d’une amnistie des professionnels de santé ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive au motif de leur participation volontaire à une aide active à mourir antérieurement à la promulgation de la présente loi. »
Le Parlement a des prérogatives que lui confère l’article 24 de la Constitution pour contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques, en cette matière comme dans tout autre. Cela étant, le but poursuivi par ce projet de loi n’est pas de remettre en question des condamnations passées, d’autant que la loi n’est pas rétroactive. Le projet de loi concerne des situations à venir.
Aussi vais-je redire combien je suis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1541 de M. Thomas Ménagé
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Chapitre VI
Dispositions diverses
Article 19 : Prise en charge par l’assurance maladie des frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide à mourir
Amendement CS262 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (LR). Cette loi ayant été définie comme étant une loi de fraternité, les professionnels impliqués doivent aussi agir par fraternité, laquelle ne peut faire l’objet d’une quelconque monétisation.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.
Mme la ministre. Avis défavorable. J’ajoute que l’article 19 précise que cette prise en charge ne peut donner lieu à des dépassements d’honoraires.
La commission rejette l’amendement.
Successivement, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette les amendements CS836 et CS837 de Mme Lisette Pollet et adopte les amendements CS1944 et CS1946 de Mme Caroline Fiat.
M. Patrick Hetzel (LR). S’agissant de l’ensemble de l’article, le Conseil d’État estime effectivement que le législateur peut prévoir que les frais liés à la procédure d’aide à mourir peuvent être considérés comme se rattachant aux conséquences de la maladie. Cependant, l’article du code de la santé publique auquel se réfère l’avis du Conseil d’État est un article très général, qui fait référence à des dépenses de santé liées aux conséquences de la maladie. On peut se demander si l’acte thérapeutique d’aide à mourir est à proprement parler une conséquence de la maladie, dès lors que les critères ont été ouverts.
Mme la ministre. L’article 6 fixe pour critère une maladie grave et incurable, à quoi le vote des parlementaires a ajouté le critère de phase terminale. Le fait générateur est donc bien un état de santé pathologique. Quant à l’article du code de la santé publique que vous évoquez, il s’agit de l’article L. 1111-12.
La commission adopte l’article 19 modifié.
Après l’article 19
Amendement CS261 de M. Philippe Juvin
Mme Annie Genevard (LR). L’amendement est défendu.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
Mme Annie Genevard (LR). Madame la rapporteure, madame la ministre, pouvez‑vous expliquer cet avis sur un amendement frappé au coin du bon sens, qui vise à ce que cet acte consistant à donner la mort ne puisse pas constituer plus de 10 % du volume d’activité d’un médecin, afin d’éviter une sorte de spécialisation en la matière ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS109 de M. Thibault Bazin
M. Patrick Hetzel (LR). L’amendement vise à ce que, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le nombre de personnes éligibles à l’aide à mourir, ainsi que les potentielles économies réalisées avec cette mesure, car cela ne figure pas dans l’étude d’impact.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Article 20 : Neutralisation des dispositions du code des assurances et de la mutualité en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir
Amendement de suppression CS523 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS274 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1731 de M. Christophe Bentz, CS443 de M. Patrick Hetzel, CS1827 de M. Christophe Bentz et CS521 de Mme Marie‑France Lorho (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS521 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS605 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement vise à ce que la personne participant à l’aide à mourir ne puisse toucher l’assurance décès, afin de prévenir les abus de faiblesse que pourrait entraîner le projet de loi.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Avis défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
M. Jocelyn Dessigny (RN). J’aurais souhaité davantage d’explications. Nous parlons d’abus de faiblesse. Il existe des familles toxiques, qui pourraient pousser un malade à l’euthanasie. Il faudrait donc s’assurer qu’une assurance décès n’ait pas été souscrite avant l’euthanasie. Pourquoi êtes-vous opposés à cette mesure, qui relève de l’évidence ?
Mme la ministre. L’article 5 prévoit que la substance létale doit être administrée par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire. Cette personne volontaire sera vraisemblablement, dans de nombreux cas, un proche qui pourra en outre être bénéficiaire de la garantie décès. L’article 20 vise précisément à ce qu’aucune personne ne puisse être dissuadée de recourir à l’aide à mourir par crainte que les bénéficiaires de son assurance décès puissent ne pas percevoir cette garantie. Votre amendement pourrait donc contribuer à léser la famille du bénéficiaire de l’aide à mourir ou dissuader ce dernier d’y recourir.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la procédure d’aide à mourir restera, en toute hypothèse, une procédure collégiale, qui reposera sur la décision du seul médecin, lequel ne pourra être ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, ni le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni un ayant droit de la personne.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CS1945 de Mme Caroline Fiat.
En conséquence, l’amendement CS522 de Mme Marie-France Lorho tombe.
Amendement CS1552 de M. Thomas Ménagé
M. Thierry Frappé (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 20 modifié.
Après l’article 20
Amendement CS1760 de M. Jean-Paul Mattei
M. Philippe Vigier (Dem). « N’est pas exclu de la succession le successible frappé d’une cause d’indignité au sens de l’article 726 du code civil lorsque la personne volontaire est l’héritier de la personne qui a exprimé une demande d’aide à mourir. » Cet amendement, rédigé par un notaire spécialiste des successions, souligne l’importance de la question de l’indignité successorale posée par le texte que nous examinons.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
Mme la ministre. Le droit positif permet déjà d’atteindre cet objectif, car l’article 726 du code civil dispose qu’est indigne de succéder celui qui est condamné pour avoir volontairement donné la mort au défunt. Or, l’article 5 du projet de loi prévoit expressément que la personne qui aide une autre à mourir ne peut être condamnée pour meurtre. En l’absence de condamnation, il ne peut y avoir d’indignité successorale.
Je propose donc le retrait de cet amendement, satisfait par le droit positif.
L’amendement est retiré.
Article 21 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour l’extension et l’adaptation des dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis‑et‑Futuna, à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et à Mayotte
Amendement de suppression CS701 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette (SOC). Sur un sujet aussi sensible que les soins palliatifs et la légalisation d’une aide à mourir, on ne saurait donner au Gouvernement un blanc-seing pour écrire les dispositions qui seraient applicables dans certaines collectivités d’outre-mer.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. J’attends avec impatience d’entendre Mme Fiat nous expliquer l’intérêt d’une ordonnance. (Sourires.)
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et, quand une mesure est justifiée, elle est justifiable !
Il s’agit ici de l’adaptation des dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis‑et‑Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. La solution la plus sécurisante et la plus respectueuse pour ces collectivités est de travailler en concertation avec les élus concernés, qui sont demandeurs. Je demande à Mme la ministre de rassurer les parlementaires sur le fait qu’ils seront autour de la table, avec tous les élus territoriaux, avant que ne soient prises les ordonnances. Je ne m’imagine guère, moi qui suis députée de Pont‑à‑Mousson-Jarny, voter dans l’hémicycle contre une disposition particulière voulue par les élus concernés. Très exceptionnellement, je suis donc favorable à ces ordonnances, à la stricte condition qu’elles aient été écrites avec les personnes concernées, et je ne doute pas que Mme la ministre confirmera que c’est le cas.
Mme la ministre. Le Gouvernement a effectivement souhaité demander l’habilitation à procéder par ordonnance, ce qui est la solution la plus sécurisante et la plus respectueuse des collectivités d’outre-mer, pour deux raisons.
La première est la complexité de la matière et la difficulté à distinguer entre ce qui relève d’une part des libertés publiques, donc de l’État, et d’autre part de la santé et de l’organisation des soins, pour lesquelles les collectivités du Pacifique par exemple sont compétentes. Le risque d’empiètement sur les prérogatives des collectivités est réel et l’élaboration du projet d’ordonnance, sur la base de la loi adoptée, puis sa soumission au Conseil d’État, permettront d’écarter ce risque.
La seconde raison est la volonté d’associer pleinement les collectivités concernées qui n’ont pas été consultées sur le projet de loi à la rédaction des dispositions afin d’adapter au mieux ces dernières à la réalité de leur territoire – je pense spécialement à l’organisation particulière de Wallis-et-Futuna.
Voilà l’engagement du Gouvernement. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Bien que je ne sois pas pleinement convaincu de la sécurité de cette démarche, j’entends l’engagement de la ministre et retire donc mon amendement.
Mme la ministre. Merci de votre confiance.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Si cela peut vous rassurer, monsieur Delautrette, j’ai eu l’occasion, en tant que ministre, de faire passer en Conseil des ministres des ordonnances relatives à l’application des dispositions que nous avions votées dans le cadre de la loi bioéthique à Wallis-et-Futuna et à la Nouvelle-Calédonie, notamment sur la procréation médicalement assistée. Les dossiers sont suivis et les concertations ont bien lieu.
L’amendement est retiré.
Mme Annie Genevard (LR). Pour ce qui concerne les territoires d’outre-mer, j’aimerais qu’on dise clairement au Parlement quelles sont les mesures issues des lois que nous votons qui sont adaptées. Nous avons en effet admis comme un principe que la situation était différente dans les territoires d’outre-mer : en matière de bioéthique par exemple, il en irait différemment qu’en métropole ; en matière d’aide à mourir, d’euthanasie et de suicide, probablement parce que ces pratiques percutent des traditions locales et des convictions religieuses, culturelles ou culturelles, la loi ne s’appliquerait peut-être pas. Il serait bon que le Parlement en soit informé car, à l’heure actuelle, c’est comme si un rideau pudique, ou plutôt une chape de plomb entouraient ces dispositions. Je le regrette, ne serait-ce qu’au titre de la curiosité.
Mme la ministre. Il importe de nous souvenir que les réponses ne sont pas les mêmes selon les territoires. Les dispositions s’appliquent de plein droit dans certaines collectivités ultramarines, alors que leur application doit être expressément prévue par le législateur dans d’autres. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons procéder par ordonnance, en travaillant avec l’ensemble des parties concernées.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Normalement, les ordonnances sont ratifiées : nous les voyons donc passer.
M. Philippe Vigier (Dem). Madame la ministre, vous avez raison de rappeler qu’il existe des départements, des régions et des communautés d’outre-mer, où l’application ne peut pas être la même. Le chemin que vous avez tracé me semble être le bon : il faut travailler avec les collectivités, les acteurs et les professionnels de chacun de ces territoires. Mme la présidente pourrait vous parler de la déclinaison des pratiques en matière de cancer dans les territoires ultramarins par rapport à l’Hexagone. L’exigence est d’être, avec ce texte, à la hauteur des enjeux afin que les territoires d’outre-mer ne soient pas traités dix-huit mois ou deux ans après l’Hexagone. Cette démarche a valeur d’exemple.
La commission adopte l’article 21 non modifié.
Après l’article 21
Amendement CS340 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement me tient très à cœur, en raison de l’état de nos circonscriptions. Je rencontre souvent des personnes qui me disent qu’actuellement, il vaut mieux ne pas tomber malade... Je souhaiterais qu’avant toute légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, on fasse le maximum pour soigner. C’est particulièrement important dans les vingt et-un départements qui attendent depuis très longtemps une unité de soins palliatifs, notamment des départements ruraux qui souffrent de déserts médicaux et d’un manque de moyens humains et financiers.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Nous en sommes tous d’accord et c’est précisément l’objet de la stratégie décennale que de proposer à tous nos concitoyens un accès aux soins palliatifs. L’amendement étant pleinement satisfait, j’en propose le retrait.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CS444 de M. Patrick Hetzel est retiré.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS515 de Mme Lisette Pollet.
Amendement CS1974 de Mme Caroline Fiat
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Il s’agit d’un amendement d’appel. La fin de vie reste un sujet largement tabou dans notre société et j’ai souvent demandé, au cours des auditions, ce que pourrait donner une éventuelle journée consacrée à la fin de vie dans nos écoles. Je vois la perplexité qui se lit sur vos visages et je précise que je propose, avec cet amendement, la création d’une mission visant à savoir s’il faut ou non parler du deuil à l’école.
Mme la ministre. Ce que vise l’amendement de la rapporteure n’est pas seulement la fin de vie au sens de ce texte. Pour avoir échangé avec elle et avec beaucoup d’entre vous, je sais que vous avez tous rencontré des associations, par exemple Empreintes, qui intervient dans le domaine de la confrontation des jeunes avec le deuil. Il s’agit de savoir comment la notion de la mort peut être évoquée, notamment avec des enfants, qu’il s’agisse ou non d’aide à mourir. J’ignore si l’instauration d’une journée nationale sur ce thème est la bonne solution, mais il faut se demander comment aborder le sujet de la mort avec les plus jeunes d’entre nous. Cette question a été souvent évoquée au cours des consultations que nous avons menées pour la préparation de ce texte.
M. Jocelyn Dessigny (RN). On reproche souvent aux parents de ne pas assez s’occuper de leurs enfants à la maison et de ne pas assez les éduquer. Pour ce qui concerne le deuil, l’éducation ne doit-elle pas précisément se faire à la maison plutôt qu’à l’école ? Cette dernière est là pour enseigner, et non pour éduquer les enfants. Il s’agit clairement d’une intrusion au sein du foyer sur un sujet familial qui doit être discuté à la maison. Je ne vois pas en quoi un enseignant serait mieux à même qu’un parent de parler du deuil d’une personne de la famille. Je ne comprends pas le sens de cet amendement. C’est de l’assistanat pur et simple.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je ne pense pas que ce soit exactement le sens de l’amendement.
Mme Annie Genevard (LR). Je suis sidérée par cet amendement. D’abord, il n’y a plus aujourd’hui un texte de loi qui ne donne lieu à une journée de sensibilisation à l’école primaire. C’est catastrophique. Face à cette multitude d’initiations, d’éveils et de sensibilisations, les enseignants n’en peuvent plus.
En deuxième lieu, il est un fait que certains enfants sont exposés à l’épreuve traumatisante du deuil d’un grand‑parent, d’un parent, d’un frère ou d’une sœur. C’est une expérience singulière et terriblement traumatisante, mais il y a des réponses à cela, apportées par des associations qui accomplissent un travail formidable. Je ne connais pas Empreintes, mais je connais Jusqu’à la mort accompagner la vie, qui peut intervenir en classe ou par des visites à la famille. Ne mêlez pas l’école à cela par principe, s’il vous plaît !
Mme Cécile Rilhac (RE). Merci de porter au débat cette question qui a été évoquée au cours des auditions. Je ne pense pas toutefois qu’une journée dédiée soit pertinente. En revanche, cette question pourrait être discutée au niveau du Conseil supérieur des programmes afin de pouvoir aborder d’une manière transversale, en éducation morale et civique ou en sciences de la vie de la terre par exemple, les processus de la fin de la vie, et donc accompagner le deuil et certains processus physiologiques. Dans certaines familles en effet, pour des raisons culturelles, cultuelles ou familiales, ces sujets sont encore tabous et les programmes scolaires pourraient donner l’occasion d’en discuter. À défaut donc d’une journée, une réflexion plus profonde serait utile. En tout cas, madame Genevard, la commission des affaires culturelles et de l’éducation pourrait se saisir de cette question.
M. Léo Walter (LFI - NUPES). J’abonderai dans ce sens : la question du sens de la vie, du décès ou de la disparition des proches peut tout à fait être abordée à l’école, au collège ou au lycée. C’est déjà le cas avec des débats philosophiques ou des lectures d’albums. En revanche, je pense comme Cécile Rilhac que l’idée d’une journée nationale serait contre-productive, car ce serait une injonction nouvelle adressée aux enseignants et la demande d’un nouveau moment spécifique dans l’année, alors qu’il y en a déjà beaucoup. Je propose donc à Mme la rapporteure de réécrire cet amendement en vue de la séance publique, en proposant une sensibilisation plutôt qu’une journée nationale.
Mme la ministre. J’ai dit l’intérêt que je voyais à un travail sur cette question, tout en indiquant d’emblée qu’une journée nationale ne me semblait pas forcément être ce dont nous avions besoin. Ce sujet a été abordé jusqu’au sein du Gouvernement, car c’est une question de société. Je demande à Mme la rapporteure de bien vouloir retirer son amendement afin que nous puissions réfléchir à une mission qui travaillerait sur ce sujet.
L’amendement est retiré.
Amendement CS624 de Mme Christine Loir
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendements CS626 et CS627 de Mme Christine Loir (discussion commune) et amendements CS901 et CS902 de M. Julien Odoul.
M. Christophe Bentz (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1485 de M. Jérôme Guedj
M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit de demander un rapport sur les formations initiale et continue des professionnels de santé aux soins palliatifs et à l’aide active à mourir, en application du code de la santé publique. Cet amendement de repli a pour objectif de mettre en lumière le manque de formation en la matière. La question de la formation a été particulièrement évoquée durant les auditions menées par notre commission et vous-même, madame la présidente, avez affirmé que les professionnels devaient être formés aux soins palliatifs dès leur formation initiale, notamment dans les Ehpad. Un rapport nous permettra d’être mieux informés de la réalité et des besoins de formation de professionnels dans ce domaine.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Un rapport dans les dix-huit mois portant sur l’ensemble des formations de santé, cela me semble irréaliste. Nous pourrions nous emparer nous-mêmes du sujet dans le cadre d’une évaluation globale de la loi, comme nous l’avons fait pour la loi Claeys-Leonetti.
Je propose donc le retrait de l’amendement.
Mme la ministre. Le périmètre et le calendrier de ce rapport ne me paraissent pas tenables. J’entends votre préoccupation d’obtenir davantage d’informations sur les actions de formation qui accompagneront les professionnels de santé et j’y suis sensible, mais je vous demande néanmoins de retirer l’amendement. À défaut, avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’appétence des députés pour les rapports me stupéfie toujours. Or c’est à nous de réaliser les évaluations, sans attendre des rapports. Si nous pensons qu’il y a des manques dans ce domaine, saisissons-nous du sujet et faisons notre travail.
La commission rejette l’amendement.
Titre
Amendements CS986 de M. Patrick Hetzel et CS1735 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (LR). Mon amendement vise à ce que le titre comporte une référence au suicide assisté et à l’euthanasie.
M. Christophe Bentz (RN). Malgré notre opposition de fond, je tiens à vous remercier pour le bon déroulement de nos débats, qu’il était important de pouvoir tenir dans des conditions apaisées.
Votre texte ne porte pas sur les soins palliatifs ou l’aide à mourir, car l’aide à mourir, ce sont précisément les soins palliatifs. Il s’agit donc bien d’un texte sur le suicide assisté et sur l’euthanasie. Durant son examen en commission, cette semaine, vous avez été beaucoup plus loin que ce que nous avions imaginé, et l’avez rendu beaucoup plus permissif qu’à l’origine. Comme vous l’avez dit, madame la présidente, ce n’est plus le même texte, notamment avec la suppression de la condition du pronostic vital engagé à court ou moyen terme, que nous regrettons.
Je souhaite donc que ce texte soit rejeté dans l’hémicycle, ou qu’à tout le moins on y restaure des garde-fous propres à protéger la personne humaine et la vie.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS263 de M. Philippe Juvin et CS904 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mme Annie Genevard (LR). Afin de rendre la loi intelligible, l’amendement CS263 vise à ce que le titre du texte soit en adéquation son objet, qui est de permettre le suicide assisté et l’euthanasie.
L’étude de ce texte a été éprouvante, du fait de la gravité du sujet traité et par la rupture qu’il introduit. Donner la mort ou aider à mourir par suicide assisté ou par euthanasie percute toute la déontologie du soin, de la vulnérabilité et, j’ose le dire, de la fraternité. Elle a été éprouvante aussi à cause des digues qui ont sauté, avec la disparition du verrou majeur qu’était la condition de pronostic vital engagé, l’introduction dans les directives anticipées de l’euthanasie malgré une perte de la conscience libre et éclairée, et la fin de l’exception d’euthanasie.
Pour finir sur une note que je veux optimiste, j’espère que nos travaux auront contribué à éclairer le débat. Ils ont été suivis et j’espère que nos échanges, qui auraient pu parfois être plus respectueux de l’altérité des points de vue, auront permis à certains de quitter le monde de leurs certitudes et, peut-être, de douter. C’est en tout cas le vœu que je forme, en attendant de pouvoir contribuer à explorer le sujet en séance publique avec vous, chers collègues.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement CS904 est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS289 de M. Fabien Di Filippo
M. Patrick Hetzel (LR). Cette semaine a été un moment très particulier. Les débats ont fait apparaître d’importants points de désaccord, et aussi conduit à franchir certaines lignes rouges supplémentaires par rapport au texte initial du Gouvernement. Pour nous, les conditions strictes de consentement et de moyen terme ont disparu, puisque la demande d’euthanasie – car il ne s’agit pas de suicide assisté – peut-être inscrite dans les directives anticipées et que le moyen terme a été remplacé par le terme plus vague et plus large encore de « phase avancée ou terminale ». L’euthanasie par un proche a été maintenue. Hier, un amendement a inscrit l’aide à mourir dans le code de la santé en en faisant officiellement un soin, alors même que les soignants répètent depuis deux ans que donner la mort n’est pas un soin. Le volontariat, que les soignants avaient demandé avec force comme étant un point de consensus possible avec la communauté soignante, a manifestement été rejeté.
Le désarroi et l’inquiétude des soignants que j’ai eus au téléphone depuis vingt‑quatre heures sont immenses devant ce texte, qui est le plus permissif au monde et nous place dans la droite ligne du Canada. En extrapolant, on peut imaginer un chiffre annuel de 40 000 personnes concernées par ce dispositif. Cela pousse à la réflexion. Je tiens à donner l’alerte, car le texte issu des travaux de la commission est de plus en plus éloigné des garanties que le Gouvernement lui-même avait données aux professionnels de santé.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je tiens à remercier tous mes collègues pour la bonne tenue de ces débats, pourtant si sensibles, ainsi que Mme la présidente et les rapporteurs, sans oublier Mme la ministre, qui a été très présente à nos côtés. Nos travaux sont toutefois loin d’être terminés et je vous donne rendez-vous pour la séance publique.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je tiens à exprimer mes remerciements pour la bonne tenue de ces débats, malgré quelques petites montées en pression et quelques points parfois plus discutables que d’autres. Compte tenu de la gravité du sujet, j’aimerais qu’il en aille de même dans l’hémicycle dans huit jours.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous pouvons tous convenir que nous avons ouvert des débats philosophiques et démocratiques centraux. La France insoumise fait partie du courant historique, intellectuel et idéologique qui estime qu’il n’y a pas d’autre aspiration dans la vie que celle d’être maître de soi, c’est-à-dire de pouvoir décider de la manière dont on mène son existence et, le cas échéant, dont on la termine. Le titre d’aide à mourir nous convient donc, parce qu’il s’agit d’une aide, d’un acte de compassion, qui rapproche le terme pour une personne dont l’existence est condamnée. S’il y a une aide, c’est qu’on reconnaît un droit ; s’il y a un droit, c’est qu’il y a un devoir social à permettre de l’exercer, et donc qu’il n’est pas acceptable d’y mettre des entraves. Nous nous reconnaissons donc dans la logique générale du propos et espérons pouvoir aller encore plus loin au cours des discussions que nous aurons dans l’hémicycle.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Je m’associe aux propos de Mme Pouzyreff, qui a assumé le rôle parfois difficile de porte-parole de notre groupe, et remercie mes collègues, les rapporteurs et la présidente de notre commission.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je tiens à remercier la présidente pour la façon dont elle a mené les débats, ainsi que la ministre, qui a été présente tout au long de nos échanges, et mes quatre collègues rapporteurs, avec qui nous avons travaillé durant de longues heures.
À défaut d’avoir proposé un amendement pour changer le titre, j’aurais pu demander l’ajout d’un surtitre, qui aurait été : Liberté, Égalité, Fraternité. Je pense en effet que nous avons là à voter une grande et belle loi républicaine.
Mme la ministre. À mon tour de remercier pour leur engagement chacun des parlementaires, en particulier les rapporteurs, le rapporteur général et la présidente de la commission spéciale.
Chacun mesure l’importance de ce texte. Aujourd’hui s’achève la première étape d’un long parcours puisque, comme le Gouvernement s’y est engagé, le projet de loi pourra faire l’objet de deux lectures dans chacune des chambres : nous aurons l’occasion, dans l’hémicycle puis au Sénat, de poursuivre le travail. S’il y a un vœu à formuler ce soir, c’est bien que toutes les étapes se déroulent dans un climat de respect.
J’ai aussi une pensée pour toutes celles et tous ceux que vous avez auditionnés, y compris les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie : soyons à la hauteur de leur engagement, comme nous l’avons été au sein de cette commission spéciale.
Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Avant de procéder au vote, je tiens à saluer la bonne tenue de nos débats. Merci d’avoir été fidèles à l’esprit des membres de la Convention citoyenne, qui nous avaient ouvert la voie en sachant traiter de ce sujet si difficile en s’écoutant et en se respectant. Merci à Mme la ministre et à ses équipes, merci aux rapporteurs, merci et surtout bon courage à nos administrateurs qui doivent désormais s’atteler à nous fournir une version consolidée du texte !
C’est avec une grande émotion que je soumets au vote le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.