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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mai 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472)
PAR M. Pierre DHARRÉVILLE
Député
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SOMMAIRE
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Pages
Introduction................................................ 5
Examen de la proposition de loi constitutionnelle
Mesdames, Messieurs,
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Sécurité sociale n’apparaît pas à sa place au rang des institutions de la République. C’est à cette anomalie que nous proposons de remédier en l’inscrivant dans notre Loi fondamentale en tant que telle pour mieux la protéger en tant qu’une des concrétisations les plus puissantes de la République sociale. Et en y précisant ses principes fondamentaux, ceux de la solidarité nationale et du service public. Depuis sa création, la Sécurité sociale a poursuivi son chemin pour produire au quotidien son grand geste de solidarité, dans les conditions du moment. Cette proposition vient réaffirmer la modernité de cette invention sociale majeure.
« La sécurité sociale, née de la terrible épreuve que nous venons de traverser, appartient et doit appartenir à tous les Français et toutes les Françaises, sans considération politique, philosophique ou religieuse. Ce qu’elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la personne humaine. » (Ambroise Croizat, ministre du travail, discours à l’Assemblée nationale, 4 août 1946).
À la veille de ses 80 ans, le groupe de la Gauche républicaine et démocrate (GDR) propose, dans le cadre de l’ordre du jour qui lui est réservé le 30 mai 2024, d’accorder à la Sécurité sociale et aux principes qu’elle incarne leur juste place dans la Constitution.
Cette proposition de loi constitutionnelle lui semble pouvoir rassembler largement sur les bancs de l’Assemblée nationale et parmi les citoyennes et les citoyens si elle devait prospérer jusqu’au référendum. C’est l’occasion d’ouvrir un débat nécessaire et de rendre hommage aux militants qui l’ont rêvée et qui sont parvenus à la construire. La Sécurité sociale est notre bien commun et nous devons engager dans le pays un mouvement de réappropriation sociale et citoyenne.
Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 rappelle à ses dixième et onzième alinéas que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement [et] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Les droits de 1946 s’inscrivent ainsi dans la continuité de ceux de 1789 dont ils sont la définition collective. Ce sont ces principes, consacrés à la Libération, que devait incarner le « plan complet de sécurité sociale » défendu par le Conseil national de la Résistance et qui visait « à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».
Dans un pays mis au défi de se reconstruire, l’ordonnance du 19 octobre 1945 prévoyait que « les assurances sociales couvrent les risques de maladie, d’invalidité, de vieillesse et de décès, ainsi que des charges de maternité » et celle du 4 octobre 1945 instituait « une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature ».
Pourtant, aujourd’hui, la Sécurité sociale n’a sa place dans notre texte fondamental que comme une contrainte financière, que les lois de financement de la sécurité sociale s’efforceraient de maîtriser. Bien qu’ils fassent partie intégrante du bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel limite la portée des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 à une obligation, incombant au législateur, de mettre en œuvre une politique de solidarité en faveur des plus défavorisés. Il n’a jamais exercé de contrôle sur le contenu de ces politiques, ni reconnu la sécurité sociale comme un principe de valeur constitutionnelle. Il privilégie plus volontiers la liberté contractuelle et celle d’entreprendre sur le principe de solidarité nationale.
Au regard des appétits des puissances financières, cette faible protection juridique est une lourde menace. L’étatisation de la Sécurité sociale, du point de vue de son financement et de sa gestion, a progressivement affaibli la démocratie sociale. La mise en cause persistante de la cotisation et donc de la philosophie même de la sécurité sociale lui fait courir des risques majeurs. L’ampleur du reste-à-charge et la transformation des besoins sociaux – par exemple en matière d’autonomie – appellent des choix différents de ceux qui sont pris depuis plusieurs années.
Le monde instable dans lequel nous vivons, auquel il faut ajouter la crise de la République elle-même, exige d’afficher de nouvelles ambitions en matière de cohésion et de solidarité. Il apparaît urgent de réaffirmer la « République sociale » qui figure à l’article 1er de la Constitution de la Vème République en donnant à la Sécurité sociale sa juste place, au sommet de la hiérarchie des normes.
La rédaction proposée est simple, économe et lisible. Par l’inscription de la Sécurité sociale comme une institution de nature constitutionnelle, elle corrige une anomalie historique, fruit du difficile compromis de 1946 qui avait abouti à son effacement de la Constitution de la IVème République.
La rédaction fait ensuite référence aux principes que la Sécurité sociale met en œuvre et garantit, prolongeant ceux édictés dans le préambule de 1946. Se faisant, elle renoue avec l’histoire des conquêtes sociales dans notre pays.
Elle fait également référence au principe de solidarité nationale et à son corollaire : la contribution à hauteur des moyens et le bénéfice en fonction des besoins. Cela ne change pas le droit existant, puisque ce principe est inscrit au premier alinéa du premier article du code de la sécurité sociale, mais il mérite d’être élevé au rang constitutionnel. Enfin, sont évoqués les principes du service public comme garanties de son bon fonctionnement.
Ces formulations préservent volontairement les prérogatives du législateur et la marge d’interprétation du juge mais les orientent plus précisément. Elle protège les principes fondateurs de la sécurité sociale pour l’avenir, sans empêcher son adaptation aux défis futurs. Elle permet de les faire valoir comme partie intégrante de l’identité constitutionnelle de la France si des remises en cause devaient avoir lieu au niveau international ou européen.
Cet acte ne réglera pas toutes les difficultés que rencontre la Sécurité sociale aujourd’hui. Il n’en a pas l’ambition. En revanche, cette constitutionnalisation offrirait une protection supplémentaire pour l’avenir contre ceux qui voudraient porter atteinte à cet élément fondateur du patrimoine commun des Français.
La revendication par le peuple français de son attachement à la Sécurité sociale s’est exprimée à maintes reprises dans les rues de nos villes ces dernières années. Cette affirmation constitutionnelle constituerait un geste d’une portée symbolique puissante. Elle inciterait sans aucun doute le législateur à modifier la loi pour conforter cette institution et lui donner un nouvel élan, rendu indispensable par l’évolutions des besoins sociaux et l’aggravement des inégalités.
Faire prospérer cette proposition de loi constitutionnelle c’est se donner les moyens de célébrer le 80ème anniversaire de la Sécurité sociale en lui faisant franchir une nouvelle étape et de pleinement reconnaître, avec le recul, le caractère fondamental de la Sécurité sociale dans la construction de notre nation et de notre République.
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Examen de la proposition de loi constitutionnelle
Rejeté par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article unique de cette proposition de loi constitutionnelle tend à inscrire dans la Constitution la Sécurité sociale en tant qu’institution ainsi que ses principes (solidarité, égalité, neutralité, continuité). Cette révision viendrait limiter les menaces qui pèsent sur le modèle social français, rappeler le caractère social de la République et renforcer les garanties résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 qui apparaissent aujourd’hui insuffisantes.
Dernières modifications constitutionnelles intervenues
La révision de la Constitution du 22 février 1996 ([1]) a créé les lois de financement de la sécurité sociale qui ont vocation à déterminer les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, à fixer ses objectifs de dépenses.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des Lois a rejeté cet article.
La proclamation des « principes politiques, économiques et sociaux » dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 s’inscrit dans un double contexte : celui, historique, de la conquête des droits individuels et collectifs depuis 1789, y compris l’œuvre accomplie par la IIIe République (liberté d’association, liberté syndicale, premières lois sur les assurances sociales ou les allocations familiales) ; et celui, politique, des grandes conquêtes sociales de la Libération.
Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.
4. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.
5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
9. Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.
12. La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.
13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État.
14. La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.
15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.
16. La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et les devoirs, sans distinction de race ni de religion.
17. L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.
18. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.
Le bloc de constitutionnalité intègre aujourd’hui deux textes qui sont des héritages historiques : la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République auxquels renvoie, sans plus de précisions, le Préambule de 1946. La Charte de l’environnement est venue s’ajouter à ce bloc en 2005.
Comme l’a indiqué M. Xavier Prétot lors de son audition : « il y a un continuum en matière de protection des droits entre 1789 et 1946, mais 1946 marque une nouvelle étape d’importance, particulièrement en renouvelant les conceptions de la démocratie économique et sociale ». Le Préambule de 1946 procède à l’affirmation de droits et principes conquis tout au long du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle.
Il n’y a pas d’opposition philosophique entre les droits « individuels » de 1789 et ceux « collectifs » de 1946. Le professeur Alain Supiot, ancien titulaire de la chaire a chaire « État social et mondialisation » au Collège de France, souligne que les philosophes des Lumières comme Rousseau ou Montesquieu se montraient déjà très soucieux des questions de redistribution et de protection. Hannah Arendt a également souligné le lien nécessaire entre les libertés publiques traditionnelles et les droits économiques et sociaux, ces derniers donnant à chacun la possibilité d’exercer pleinement les premières ([2]).
● Nombre de principes élevés au rang constitutionnel sous la IVème puis sous la Vème République – en particulier à partir de la reconnaissance de l’appartenance du Préambule de 1946 au bloc de constitutionnalité en 1971 ([3]) – résultent donc de textes plus anciens. C’est notamment le cas :
– de la liberté syndicale, consacrée par la loi Waldeck Rousseau (1884), la constitution de l’OIT (1919) et la Déclaration de Philadelphie (1944) ;
– du droit de grève, dépénalisée en 1864 ;
– du droit à l’instruction qui se trouve déjà dans l’article 22 de la Déclaration du 24 juin 1793, partie intégrante de la Constitution de la Ière République, et dans le paragraphe VIII du Préambule de la Constitution du 4 novembre 1848 de la IIème République.
● Quant aux droits-créances, notamment ceux évoqués aux dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, ils n’avaient pas encore tous été consacrés en droit.
On trouve néanmoins des expressions comparables dans l’histoire constitutionnelle de la France, par exemple dans le septième alinéa du Préambule de la Constitution de 1848 qui esquissait déjà le principe de solidarité (« Les citoyens […] doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant fraternellement les uns les autres »).
Le onzième alinéa du Préambule de 1946 évoque également « le repos et les loisirs » qui font référence à l’héritage du Front populaire et aux grandes réformes qui ont suivi les accords de Matignon de juin 1936 sur les congés payés et la semaine de 40 heures.
Concernant la protection sociale évoquée par ces deux alinéas du Préambule, c’est en revanche une profonde avancée pour les droits des travailleurs car elle est embryonnaire et parcellaire jusqu’en 1946.
L’historien de la Sécurité sociale Michel Etiévent rappelle qu’ « en 1938 en France, il y a sept millions de salariés. Cinq millions d’entre eux n’ont aucune protection sociale. Les deux millions restants ont de vagues assurances sociales. Celles-ci sont nées en 1930 et s’apparentent plutôt à de l’aumône. Certains ont aussi de vagues mutuelles mais elles sont épuisées à la moindre épidémie de grippe » ([4]).
Les lois adoptées à la fin du XIXème et au début du XXème siècle concernent en effet principalement la protection des plus précaires. C’est le cas de la loi du 25 juillet 1893 créant une assistance médicale gratuite pour tout citoyen malade et indigent, de la loi du 27 juin 1904 sur les services départementaux d’aide sociale à l’enfance ou encore de la loi du 14 juillet 1905 instaurant un dispositif d’assistance aux personnes âgées infirmes et incurables.
Pour les autres aléas et le reste de la population, les employeurs comme les travailleurs sont encouragés à recourir aux assurances privées ou aux mutuelles même si quelques initiatives isolées expérimentent la mise en place de caisses de solidarité.
L’élaboration du Préambule de 1946 est indissociable des travaux qui se déroulent en parallèle pour mettre en œuvre un « plan complet de sécurité sociale » qui devait « assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ». Ce plan, proposé dans le programme des « Jours heureux » du Conseil national de la Résistance (CNR) est défendu, conçu et mis en route par le ministre du travail, Ambroise Croizat, dès 1945. Pour conjurer le danger fasciste, il s’agit de franchir une nouvelle étape pour la République, en concrétisant la promesse d’une société où l’égale dignité de chaque personne humaine est respectée.
L’Allemagne avait mis en place un système d’assurances sociales pour les salariés sous Bismarck dès 1883 ; les États-Unis avaient fait de même avec le New Deal lancé par le Président Roosevelt après la crise de 1929 ; le Royaume-Uni avait emboîté le pas à la suite des rapports de William Beveridge de 1942 et 1944. Et en 1944, l’Organisation internationale du travail (OIT) adoptait la Déclaration de Philadelphie qui proclamait au niveau international le principe de justice sociale.
Si les innovations sociales de la Libération s’inscrivent dans une tendance à l’œuvre parfois depuis de nombreuses années, la France procède en 1945 à une véritable invention sociale, en organisant un système de mutualisation solidaire pour les travailleuses et les travailleurs ainsi que leurs familles face aux aléas de l’existence, un organisme géré par les assurés eux-mêmes et elles-mêmes.
La fin de la Seconde Guerre mondiale est l’occasion de réaffirmer la nécessaire protection des droits de l’homme et de créer les conditions matérielles favorables à la reconstruction de la France. Un rapport plus équilibré se cherche entre l’État et le marché ([5]). La réponse aux revendications ouvrières paraît indispensable à repartir de l’avant, la faillite morale d’un certain nombre de grands propriétaires de l’économie appelle à un renforcement de la démocratie sociale et l’idée qu’il faille construire un modèle de protection sociale puissant fait consensus. Ainsi, le Préambule de 1946, en particulier à travers ses huitième, dixième et onzième alinéas, vient consacrer l’affirmation d’un modèle social français dont la Sécurité sociale sera l’un des moteurs.
L’ordonnance du 4 octobre 1945 instituait « une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature ». Mais, dès sa naissance, la Sécurité sociale est attaquée et elle doit s’imposer comme une conquête dans la vie.
L’absence de la Sécurité sociale dans le Préambule est le résultat d’un compromis politique. En effet, le projet de Constitution française du 19 avril 1946, finalement rejeté par référendum, faisait référence à la Sécurité sociale dans sa Déclaration des droits (dite « Déclaration d’avril ») : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. La garantie de ce droit est assurée par l’institution d’organismes publics de sécurité sociale » (article 33).
Comme l’explique Alain Supiot : « Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 est un texte d’équilibre et de compromis. Les controverses parfois âpres qui ont marqué la discussion de la Déclaration d’avril, la bataille du référendum de mai où la Déclaration tint une place considérable, la remise en chantier d’un second texte constitutionnel conçu sous le signe d’une difficile conciliation, tout cela explique non seulement les formules du Préambule, mais son esprit, sa structure et son existence même » ([6]).
La Sécurité sociale n’est en effet pas une institution froide et bureaucratique mais une œuvre collective des travailleuses et des travailleurs. Le 12 mai 1946, lors de la présentation de la loi du 22 mai 1946 portant sur la généralisation de la Sécurité sociale, Ambroise Croizat s’adresse à eux en ces termes : « Rien ne pourra se faire sans vous. La Sécurité sociale n’est pas qu’une affaire de lois et de décrets. Elle implique une action concrète sur le terrain, dans la cité, dans l’entreprise. Elle réclame vos mains ».
L’historien Michel Étiévent rappelle que « la Sécurité sociale va être bâtie sur le terrain par des militants syndicaux, notamment issus de la CGT, avec des conseils d’administration de caisses où 75 % des sièges étaient réservés aux travailleuses et travailleurs : […] C’est un travail considérable. Ces militants vont construire 138 caisses de Sécurité sociale et 113 caisses d’allocations familiales, qui vont complètement changer la vie des gens. Il faut imaginer que les caisses de l’époque, c’est parfois une baraque en planches, parfois un wagon aménagé dans une gare, c’est une petite pièce ici ou là où des bénévoles, ramassent les feuilles de Sécurité sociale, payent les gens, etc. » ([7]).
Pour autant, sans la mentionner, les dixième et onzième alinéas du Préambule accompagnent au niveau constitutionnel l’édification de la Sécurité sociale instrument majeur de la « République sociale », formule qui figure à l’article 1er tant de la Constitution de la IVème République que de la Constitution de la Vème République.
La présente proposition de loi constitutionnelle propose de rétablir le lien historique qui existe entre ces deux alinéas du Préambule – dont la protection juridique est aujourd’hui insuffisante (voir infra) – et l’organisation de la Sécurité sociale, qui n’est pas réellement consacrée au niveau constitutionnel.
La Sécurité sociale ne fait l’objet que d’une reconnaissance discrète, technique, quasi implicite dans la Constitution de 1958. Si l’article 1er consacre, de manière générale, le caractère « social » de la République française, la sécurité sociale n’est jamais mentionnée comme une institution, un principe ou un droit de rang constitutionnel mais uniquement au titre des prérogatives du Parlement.
L’article 34, qui définit le domaine de la loi, précise ainsi que « la loi détermine les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ».
Depuis la révision du 22 février 1996, ce même article prévoit que le Parlement vote, en complément des lois de finances, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) qui « déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses ». Les modalités de discussion des LFSS sont fixées par l’article 47-1 de la Constitution et la loi organique ([8]).
Ainsi, c’est au niveau législatif que les grands principes de la Sécurité sociale sont définis, ce qui ne leur accorde pas une protection de même nature (voir l’encadré ci-dessous).
Extraits du code de la sécurité sociale
Article L. 111-1
La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.
Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille et d'autonomie.
Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires.
Elle assure la prise en charge des frais de santé, du soutien à l'autonomie, le service des prestations d'assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre du présent code, sous réserve des stipulations des conventions internationales et des dispositions des règlements européens.
Article L. 111-2-1
I.- La Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de la prise en charge des frais de santé assurée par la sécurité sociale.
La protection contre le risque et les conséquences de la maladie est assurée à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé. Chacun contribue, en fonction de ses ressources, au financement de cette protection.
L'État, qui définit les objectifs de la politique de santé publique, garantit l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire.
En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie concourent, dans les conditions prévues à l'article L. 1411-2 du même code, à la mise en œuvre de la politique nationale de santé définie par l'État.
Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la Nation à l'assurance maladie.
II.- La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu'ils ont tirés de leur activité.
Les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent.
La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, et par la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités. Elle se fixe pour objectifs, à l'horizon 2050, la suppression de l'écart entre le montant des pensions perçues par les femmes et celui des pensions perçues par les hommes et, à l'horizon 2037, sa réduction de moitié par rapport à l'écart constaté en 2023.
La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. Elle suppose de rechercher le plein-emploi.
III. - La Nation affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l'autonomie, assurée par la sécurité sociale.
La prise en charge contre le risque de perte d'autonomie et la nécessité d'un soutien à l'autonomie sont assurées à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé.
L’intégration du Préambule de 1946 au bloc de constitutionnalité ne fait plus débat depuis la décision du Conseil constitutionnel sur la liberté d’association de 1971 ([9]).
Le Conseil constitutionnel a même su s’appuyer sur la formule générale du Préambule évoquant « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » pour élever au rang constitutionnel des principes de niveau législatif préexistants à 1946 et n’ayant jamais été remis en question. C’est le cas du respect des droits de la défense ([10]), de la liberté de l’enseignement ([11]), de l’indépendance de la juridiction administrative ([12]) ou encore de la continuité du service public ([13]).
Cette reconnaissance du Préambule de 1946 n’est pas sans effet puisque « le recours à des exigences constitutionnelles résultant notamment du Préambule de 1946 justifie des atteintes plus importantes aux libertés fondamentales que le simple recours à l’intérêt général » ([14]).
C’est ce qui a permis la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses en matière de santé publique – par exemple l’interdiction de la publicité pour le tabac malgré la protection de la liberté d’expression – ou de politique de l’emploi – en admettant un ordre public social protégeant le salarié par des règles exorbitantes du droit commun des contrats malgré la liberté contractuelle.
Selon Alain Supiot, la reconnaissance au niveau constitutionnel des principes de la République sociale a permis de freiner la remise en cause du modèle social français. À titre de comparaison, l’abandon de la Second bill of rights, proposée par le Président Roosevelt en 1944 pour élever au niveau constitutionnel un certain nombre de droits sociaux aux États-Unis, a facilité la remise en cause des progrès du New Deal par les politiques néolibérales des années quatre-vingt.
Toutefois, la portée des alinéas relatifs à la protection sociale et à la solidarité nationale reste très limitée et n’assure pas une protection constitutionnelle satisfaisante à la Sécurité sociale et à ses principes.
● Le Conseil constitutionnel a accordé un large pouvoir d’appréciation au législateur pour mettre en œuvre les principes du Préambule de 1946.
Selon Xavier Prétot, « pour le Conseil constitutionnel, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ne donne pas naissance à un droit à la santé ou à la protection sociale, mais fait obligation au législateur et au gouvernement de mettre en œuvre des politiques de solidarité au bénéfice des chômeurs, des malades, des familles, des retraités, etc. Le législateur dispose à cette fin d'un pouvoir d'appréciation étendu, sauf à ne pas priver de garanties légales les exigences qui s'attachent au onzième alinéa. »
En ce qui concerne les dixième et onzième alinéas, le Conseil constitutionnel n’exerce qu’un contrôle restreint sur leur mise en œuvre. Il estime dans ce domaine, de jurisprudence constante, « qu’il incombe au législateur, comme à l’autorité réglementaire, conformément à leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par ces dispositions, les modalités concrètes de leur mise en œuvre » ([15]).
Ainsi, concernant les allocations familiales, il a considéré que le Préambule « implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ; qu’il est cependant loisible au législateur pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d’aide aux familles qui lui paraissent appropriées » ([16]).
De même, concernant les retraites, il a rappelé que le Préambule « implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; qu’il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées »([17]).
Saisi en 2012 d'une question prioritaire de constitutionnalité au sujet d'une disposition législative de 1946 qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer pour l'essentiel les règles applicables à divers régimes spéciaux, le Conseil Constitutionnel a retenu, après avoir rappelé l'étendue du pouvoir législatif en la matière au regard de l'article 34 de la Constitution, que la disposition en cause ne méritait pas déclaration d'inconstitutionnalité dès lors qu’elle ne privait pas de garanties légales les exigences du onzième alinéa. Cela revient à confier pour l'essentiel au pouvoir réglementaire, c'est-à-dire à l'administration, le soin de fixer les règles propres à un régime ne méconnaît pas les exigences du onzième alinéa ([18]).
Dès lors, le Conseil constitutionnel « se refuse à exercer le contrôle d’un contenu minimal des droits à prestation matérielle » ([19]). Il fixe pour seule limite que « l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » ([20]).
Selon Alain Supiot, cette protection minimale a conduit à un glissement progressif des obligations incombant au législateur de mise en œuvre d’une politique sociale répondant aux principes fondateurs de la Sécurité sociale vers une politique de protection des personnes les plus défavorisées. Ce changement de perspective est illustré par sa récente décision du 11 avril 2024 dans laquelle il a prononcé sa première censure sur le fondement de dixième et onzième alinéas au motif que « les exigences constitutionnelles résultant des [dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946] impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées » ([21]).
● L’équilibre initialement recherché entre les principes du Préambule de 1946 et ceux de la Déclaration de 1789, entre les principes d’égalité et de liberté, tend limiter la portée de la promesse de République sociale, faisant du droit de propriété, défini dans son caractère absolu, la principale pierre de touche des arbitrages.
Par une décision du 13 juin 2013 ([22]), le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale (CSS) qui permettait à une convention ou un accord collectif de branche de désigner un organisme en charge d’assurer la couverture de risques dans le cadre d’une mutualisation des garanties en matière de protection sociale complémentaire pour toutes les entreprises d’une branche professionnelle.
La disposition censurée tendait pourtant à protéger les petites entreprises et celles employant des salariés plus âgés et à faire jouer la solidarité au sein des branches. Mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’une entrave disproportionnée à la liberté contractuelle, faisant ainsi primer ce principe sur celui de solidarité.
Cette position était pourtant discordante avec celle du juge européen qui considérait proportionnée l’atteinte à la libre concurrence dès lors que l’accord collectif organisant la désignation mettait en œuvre des mesures présentant un degré élevé de solidarité ([23]).
Cette tendance est également « caractérisée par un développement des censures prononcées sur le fondement de la liberté d’entreprendre » ([24]) en ce qui concerne l’ensemble des politiques sociales, notamment dans le domaine de l’emploi ou du logement.
● Quant aux articles de la Constitution évoquant la Sécurité sociale et son financement, la protection qu’ils apportent aux principes de la République sociale est presque nulle.
La mention de la Sécurité sociale aux articles 34 ou 47-1 n’a jamais été opposée à des réformes portant atteinte au financement ou à la pérennité du modèle social français. Et pour cause, elles n’ont qu’une vocation de mécano budgétaire.
Pire, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), qui avaient initialement vocation à mieux associer le Parlement aux décisions relatives au financement des organismes de Sécurité sociale, sont devenues un moyen de contourner l’encadrement de l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. En effet, le recours à ce mécanisme permettant l’adoption d’un texte législatif en l’absence de motion de censure n’est pas limité en ce qui concerne les LFSS, y compris lorsque celles-ci excèdent leur champ constitutionnel. Ce fut le cas en 2023 pour la réforme des retraites dont le champ allait bien au-delà des seules questions de financement de la sécurité sociale ([25]) et qui a débouché sur une réforme sociale d’ampleur, adoptée en définitive sans que le texte ait été complètement débattu et soumis au vote de chacune des assemblées. Les projets en la matière ne semblent pas faire défaut sur l’échiquier politique.
● La protection des principes de la sécurité sociale est également limitée au niveau international et européen.
Le droit international et le droit européen appréhendent mal la spécificité du modèle français, à mi-chemin entre l’État et le marché, où « s’articulent la garantie de l’État et la démocratie sociale ; la solidarité nationale et les solidarités professionnelles ».
Plusieurs textes internationaux mentionnent la sécurité sociale : l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou l’article 12 de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe. Mais, comme l’a rappelé Mme Diane Roman lors de son audition, le Conseil d’État ([26]) comme la Cour de cassation([27]) n’admettent pas, à de rares exceptions près, l’effet direct des dispositions internationales en matière sociale.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne évoque quant à elle explicitement la notion de sécurité sociale à son article 34 : « L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales ».
Cette rédaction a toutefois une portée limitée, se présentant davantage comme une possibilité de mettre en œuvre un tel système que comme une protection de celui-ci lorsqu’il existe. Elle laisse par ailleurs aux États-membres toute latitude quant à son ambition et à sa mise en œuvre.
Les principes qui sont au fondement de la Sécurité sociale depuis 1945 font l’objet de menaces et d’attaques régulières que leur faible protection juridique n’est pas en mesure de limiter efficacement.
Alain Supiot constate « l’éclatement de la solidarité entre les pôles de l’assurance à but lucratif d’une part et la charité d’autre part ». Cette tendance, quoique ralentie par l’attachement des Français à leur modèle social et la vigilance des organisations syndicales, est perceptible en France.
Depuis l’instauration du paritarisme – qui marque la fin de la gestion par une majorité de salariés élus – et l’éclatement des branches par les ordonnances dites « Jeanneney » de 1967, la Sécurité sociale a été progressivement fragilisée.
Ces reculs ont été illustrés par la tentative, avortée, de remplacer les huit occurrences de « financement de la sécurité sociale » par « financement de la protection sociale » dans la Constitution lors de l’examen du projet de révision constitutionnelle de 2018 ([28]). L’amendement ([29]) avait été adopté en commission avant le retrait du texte lors de son examen en séance publique.
Le recours croissant à l’impôt (contribution sociale généralisée et taxe sur la valeur ajoutée) pour financer la Sécurité sociale a accéléré le processus d’étatisation. Les exonérations répétées de cotisations sociales ont rendu la Sécurité sociale déficitaire et dépendante de l’État pour assurer son équilibre financier. Les caisses se trouvent dépossédées de capacité de décision et le budget de la Sécurité sociale se confond de plus en plus avec celui de l’État, y compris dans la gestion de la dette. L’an passé, les conseils des caisses se sont tous opposés à la dernière loi de financement de la sécurité sociale sans que cela n’ait d’effet.
Or, paradoxalement, « ce sont les politiques néolibérales qui vont dans le sens de l’étatisation » ([30]) car celles-ci confèrent à l’État une emprise toujours plus forte sur les leviers du financement de la protection sociale et tendent généralement à limiter la protection sociale à une politique de solidarité en direction des plus démunis financée par l’impôt, laissant le reste de la société face aux assureurs privés.
Mises bout à bout, ces évolutions ont réduit la lisibilité du fonctionnement de la Sécurité sociale et la fragilisent. Le président de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et le directeur délégué de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) ont indiqué lors de leur audition leur inquiétude face à la diminution sensible du consentement à la cotisation.
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Au terme des auditions, il est apparu que la présente proposition de loi constitutionnelle recevait un vaste soutien parmi les universitaires experts de la sécurité sociale, les membres des conseils des caisses nationales de Sécurité sociale et les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Tous s’inquiètent d’un démantèlement du modèle social français dont la Sécurité sociale constitue la clé de voûte et constatent l’utilité de la consacrer solennellement en tant qu’institution fondamentale de la République, ainsi que les principes qui la fondent depuis 1945.
La révision proposée vise à reconnaître la Sécurité sociale comme une institution de rang constitutionnel à part entière, aux côtés, sinon du Président de la République, du Gouvernement, du Parlement, au moins du CESE ou encore du Défenseur des droits. Cette qualification lui donne, dans des conditions que l’on peut rapprocher de ces deux dernières institutions un ancrage constitutionnel qui garantit sa part d’autonomie et protège sa légitimité.
Cette notion d’institution rappelle que la Sécurité sociale est d’abord un mode d’organisation spécifique de la protection sociale qui repose, depuis 1945, sur les principes de démocratie sociale et de solidarité. Elle est chargée de missions et prérogatives spécifiques qui doivent être protégées au sommet de la hiérarchie des normes même si elle ne couvre pas l’ensemble des dimensions de la protection sociale, telles que l’assurance chômage, les assurances complémentaires, l’aide sociale, etc.
Définir la Sécurité sociale comme une institution renvoie aux grands principes édictés en 1945. Il s’agit particulièrement de :
– garantir son organisation démocratique et sa gestion par les assurés et l’ensemble de ceux qui la financent ;
– protéger son financement, notamment en assurant le maintien d’un financement par la cotisation ;
– empêcher sa privatisation en maintenant des régimes obligatoires et universels assurant la plus grande mutualisation des risques et le plus haut degré de solidarité.
La mention de la Sécurité sociale comme institution doit donc permettre de limiter tant l’étatisation que la financiarisation de la protection sociale en France.
L’affirmation de la Sécurité sociale ne peut se contenter ni de dispositions relatives à la technique budgétaire dans la Constitution, ni de principes généraux cantonnés au bloc de constitutionnalité. Il y a besoin de la doter d’une reconnaissance et d’une force juridique maximales.
La rédaction proposée définit ensuite les missions confiées à cette institution, permettant d’élever au niveau constitutionnel des principes qui gouvernent la Sécurité sociale et qui sont peu ou mal reconnus à ce jour dans le bloc de constitutionnalité (voir supra).
● La consécration de la valeur constitutionnelle des principes mentionnés aux dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946
Le premier alinéa du nouvel article 1-1 rappelle d’abord que la Sécurité sociale a pour mission « la mise en œuvre des principes énoncés au dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 », en particulier : « l’[assurance des] conditions nécessaires [au] développement [de la famille et de l’individu] », « la protection de la santé », « la sécurité matérielle » et « le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » en cas d’ « incapacité de travailler ».
La rédaction souligne que cette protection ne saurait se limiter à la protection des plus démunis – même si ces derniers doivent être les premiers bénéficiaires de l’effort de solidarité – mais qu’elle implique « chaque membre de la société » puisque tout un chacun peut être exposé « aux risques et aux aléas de l’existence ». Cela renvoie également à la notion d’affiliation obligatoire, indispensable à une large mutualisation des risques et à une juste application du principe de solidarité.
● La reconnaissance d’un principe constitutionnel de solidarité nationale en matière sociale
Le deuxième alinéa du nouvel article 1-1 affirme le principe de solidarité nationale en matière sociale. Ce principe, déjà affirmé au niveau législatif au premier alinéa de l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale ([31]), repose sur une agrégation des risques au niveau de la Nation et sur un écart – plus ou moins important selon les risques – entre la contribution et le bénéfice.
Le Préambule de 1946 ne fait référence à la solidarité qu’à son douzième alinéa en ce qui concerne les calamités nationales (« La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales »). Il s’agit d’étendre ce principe et de consacrer la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère que les dixième et onzième alinéas « implique[nt] la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale » en direction des retraités, des familles ou des plus défavorisés (voir supra).
Ce principe de solidarité est illustré par la deuxième phrase qui rappelle que « chacun y a droit selon ses besoins et contribue selon ses moyens ». La définition de la notion de besoin doit s’entendre au sens large et différemment selon les risques couverts. Elle s’applique au sens strict lorsqu’il s’agit du remboursement des frais de santé puisque tous les assurés bénéficient de la même protection de base. Au sens large, elle peut également comprendre l’application de critères de proportionnalité comme c’est le cas de l’assurance vieillesse.
● L’affirmation des principes du service public et leur application à la sécurité sociale
Outre le principe de solidarité, la rédaction proposée rappelle et inscrit au niveau constitutionnel l’idée selon laquelle la Sécurité sociale est également « fondée sur les principes […] du service public ».
En complément du principe d’égalité – et de son corollaire le principe de non-discrimination – qui est déjà inscrit dans la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a défini de manière prétorienne deux principes à valeur constitutionnelle inhérents au service public que sont la neutralité ([32]) et la continuité ([33]). Ces principes, qui ont vocation à s’appliquer à la Sécurité sociale ainsi qu’aux services qui fournissent les prestations qu’elle finance, seraient ainsi pleinement reconnus.
La référence aux principes du service public se distingue de toute logique d’étatisation mais renvoie à la nécessaire protection de la Sécurité sociale et des politiques sociales dans leurs différents domaines d’intervention contre la privatisation, par exemple en ce qui concerne la place accordée aux assureurs privés ou aux mécanismes de retraite par capitalisation.
Le rappel ou la reconnaissance de ces différents principes, ainsi que l’inscription de la Sécurité sociale comme une institution de rang constitutionnel, a vocation à renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et des droits collectifs dans les équilibres recherchés par le juge constitutionnel ou administratif lorsqu’il apprécie la constitutionnalité des normes. Il pourrait désormais s’appuyer sur des principes écrits et sur une intention plus claire exprimée par le constituant. Le juge conservera une marge d’appréciation puisque la rédaction, par souci d’économie de mots, ne précise pas dans le détail la portée des principes qu’elle entend consacrer.
En outre, la révision proposée permettrait de conforter la position de la France, notamment au niveau européen, pour défendre les spécificités de son modèle social qui demeure unique par son caractère hybride entre l’État et le marché. Elle pourrait même permettre au Conseil constitutionnel de faire valoir « l’identité constitutionnelle » de la France en la matière pour faire primer certaines règles nationales sur des normes européennes ([34]).
Enfin, le processus d’adoption des propositions de loi constitutionnelle aura lui-même vocation à réaffirmer l’attachement du peuple français à son modèle social. En effet, en application de l’article 89 de la Constitution, une révision constitutionnelle d’origine parlementaire ne peut aboutir qu’après son adoption par référendum.
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La commission des Lois a rejeté l’article unique de la proposition de loi.
Malgré l’adoption d’un amendement portant article additionnel visant à supprimer le mot « race » à l’article 1er de la Constitution ([35]), la Commission s’est prononcée contre l’ensemble de la proposition de loi.
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Lors de sa réunion du mercredi 22 mai 2024, la Commission examine la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472) (M. Pierre Dharréville, rapporteur).
Lien vidéo : https://assnat.fr/c7AazC
M. le président Sacha Houlié. Nous commençons par l’examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale. Il s’agit du quatrième texte inscrit à l’ordre du jour de la niche parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), qui aura lieu le 30 mai 2024.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. « Rien ne pourra se faire sans vous », s’exclamait Ambroise Croizat le 12 mai 1946. « La sécurité sociale n’est pas qu’une affaire de lois et de décrets. Elle implique une action concrète sur le terrain, dans la cité, dans l’entreprise. Elle réclame vos mains… » Nous voici d’emblée vaccinés contre l’idée d’une institution froide, d’une institution de papier, d’une notion qui se contenterait d’une existence juridique.
Soixante-dix-neuf ans plus tard, nous sommes réunis pour faire entrer la sécurité sociale à sa juste place dans la Constitution. Nul ne pense que cela réglera tous les problèmes et garantira une protection définitive et parfaite, mais nous sommes toutes et tous convaincus que la Constitution a la plus grande portée normative – c’est pourquoi nous y avons fait récemment entrer un droit essentiel, le droit à l’avortement.
Nous proposons d’y faire figurer une institution fondamentale de la République en tant que telle, en rappelant son principe fondateur : « Chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens ». Actuellement, la sécurité sociale n’est évoquée que dans un dispositif budgétaire technique, par nécessité, de manière incidente, au fin fond du texte constitutionnel. Elle n’y a sa place que pour définir la compétence du législateur dans le cadre des lois de financement. Elle n’y a sa place que par et pour ce qu’elle coûte – ce qui n’est pas le moindre des problèmes. Elle n’y a sa place que comme une charge financière à maîtriser sans que son rôle ni son ambition ne soient énoncés.
Nous proposons de l’inscrire après l’article 1er, qui proclame la République sociale. Bien qu’il ait intégré le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 au bloc de constitutionnalité en 1971, le Conseil constitutionnel, dans ses interprétations et ses décisions, privilégie souvent les droits individuels par rapport aux droits sociaux collectifs et tend à faire primer la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle. Il limite la portée des dixième et onzième alinéas du préambule à l’obligation de mettre en œuvre une politique de solidarité en faveur des plus défavorisés, sans jamais exercer de contrôle sur son contenu.
Pourtant, les droits de 1946 s’inscrivent dans la continuité de ceux de 1789, dont ils sont la définition collective, et la Constitution de 1793 mentionnait déjà le principe de la solidarité nationale, comme celle de 1848. Dès lors, il apparaît nécessaire de donner à l’affirmation de la République sociale une plus grande consistance dans la Constitution elle-même.
La sécurité sociale est l’une des incarnations les plus puissantes de la République sociale et du modèle social français. Le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) annonçait, le 15 mars 1944, « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Cette ambition était d’autant plus nécessaire qu’il fallait réparer un pays marqué par l’Occupation et la collaboration, et ne laisser aucune chance aux entreprises fascistes en portant un espoir social réparateur pour le respect de la dignité humaine.
Dans un pays mis au défi de se reconstruire, l’ordonnance du 19 octobre 1945 a été établi que « les assurances sociales couvrent les risques de maladie, d’invalidité, de vieillesse et de décès, ainsi que des charges de maternité » et celle du 4 octobre 1945 a institué « une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature ». Pour Ambroise Croizat, « la sécurité sociale, née de la terrible épreuve que nous venons de traverser, appartient et doit appartenir à tous les Français et à toutes les Françaises, sans considération politique, philosophique ou religieuse. Ce qu’elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la personne humaine. » Pour le général de Gaulle, la France devait être « une démocratie sociale […] garantissant la dignité et la sécurité de tous, dans un système économique tracé en vue de la mise en valeur des ressources nationales et non point au profit d’intérêts particuliers […], où la direction et le contrôle de l’État s’exerceront avec le concours régulier de ceux qui travaillent et de ceux qui entreprennent ».
Avons-nous si peu de considération pour la sécurité sociale qu’elle ne nous apparaît pas comme un fondement de la République sociale, et même de la République tout court ? Je ne le crois pas : tout le monde n’a que des fleurs à la bouche pour parler de ce modèle social décrété « le plus protecteur » au monde. La question n’est donc pas de savoir pourquoi constitutionnaliser la sécurité sociale, mais pourquoi ne pas le faire ! Pourquoi ne pas mettre à jour la Constitution sur ce point qui rassemble les citoyennes et les citoyens de notre pays, dont l’attachement à la sécurité sociale ne se dément pas depuis 1995 – pour prendre une date au hasard ?
Le monde instable dans lequel nous vivons, et la crise de la République elle-même, appellent des gestes de cohésion et de consolidation. La sécurité sociale d’aujourd’hui, si elle n’est peut-être pas tout à fait ce qu’elle devrait être, n’est plus exactement celle qu’elle était. Le monde a changé, les besoins ont évolué et la sécurité sociale, faisant preuve de sa capacité d’adaptation et d’innovation, a été un atout majeur de notre pays face aux crises. C’est pourquoi mon propos n’a rien de nostalgique : sans méconnaître le passé, il se tourne vers l’avenir.
Si nous voulons que la sécurité sociale connaisse un nouvel élan, il faut des réformes ambitieuses. Son enchâssement de plus en plus fort au sein de l’État, qui a marqué un nouvel affaiblissement de la démocratie sociale, est un vrai problème. La mise en cause persistante de la cotisation, c’est-à-dire de sa philosophie même, lui fait courir des risques majeurs. Le fait qu’elle n’assure pas pleinement la protection sociale nécessaire – par exemple en matière d’autonomie –, l’ampleur du reste à charge et la transformation des besoins sociaux appellent des choix forts.
Des inquiétudes politiques et juridiques justifient de la faire monter, avec son principe fondateur, dans l’échelle de la hiérarchie des normes. Cette modification amènera le juge constitutionnel à équilibrer autrement ses décisions. Elle assurera une protection supplémentaire et éclairera les débats sur les évolutions à venir. Enfin, elle donnera à cette institution une existence qui ne dépendra pas, en droit, du bon vouloir du Parlement.
Alors que certaines puissances financières sont, comme on dit chez moi, à l’agachon, nous vous proposons donc d’ajouter un article faisant de la sécurité sociale une institution de rang constitutionnel : ce geste symbolique aura une portée à la fois politique et normative. L’article fait également référence aux principes que la sécurité sociale met en œuvre et garantit, édictés dans le préambule de la Constitution de 1946, et au principe de la solidarité nationale avec son corollaire, la contribution à hauteur des moyens et le bénéfice en fonction des besoins. Cela ne change pas le droit existant, puisque ce principe est inscrit au premier alinéa de l’article 1er du code de la sécurité sociale ; mais il mérite d’être élevé au rang constitutionnel. Les principes du service public sont également mentionnés, comme garanties de son bon fonctionnement.
Nous vous proposons une rédaction simple, économe et lisible, qui préserve les prérogatives du législateur et la marge d’interprétation du juge tout en les orientant plus précisément, qui protège les principes fondateurs de la sécurité sociale pour l’avenir sans empêcher son adaptation aux défis futurs, qui la sort d’une vision purement financière et bureaucratique et qui permettra de la faire valoir comme partie intégrante de ce que l’on nomme l’identité constitutionnelle de la France, si des remises en cause se font jour.
Le groupe GDR a fait le choix d’inscrire cette proposition de loi constitutionnelle à l’ordre du jour parce qu’elle lui semble pouvoir rassembler largement notre assemblée, et notre peuple si elle doit prospérer jusqu’au référendum. Cela me donne l’occasion de rappeler qu’elle doit rester une œuvre collective, et de rendre hommage aux militantes et aux militants qui l’ont tant rêvée qu’ils sont parvenus à la construire. La sécurité sociale est notre bien commun : nous devons engager dans le pays un mouvement de réappropriation sociale et citoyenne.
Le groupe GDR a fait le choix de déposer cette proposition de loi constitutionnelle parce qu’il nous semble qu’elle ouvre un débat nécessaire. Oui, nous pensons qu’il faut mieux reconnaître la sécurité sociale et mieux la protéger en droit, qu’il faut réparer l’anomalie qui lui donne une place aussi modeste dans la Constitution alors qu’elle est essentielle à la réalisation de la promesse républicaine, qu’il faut renouer avec les principes de la démocratie économique et sociale.
Ce que je vous propose en somme, au moment où nous célébrons le quatre-vingtième anniversaire de la Libération, c’est de reconnaître, avec le recul, le caractère fondamental de la sécurité sociale dans la construction de notre nation et de notre République, de le proclamer, donc de le protéger. Ce que je vous propose, c’est de nous donner les moyens d’une célébration consistante des 80 ans de la sécurité sociale, en nous mettant en position d’achever ce processus constitutionnel l’année prochaine. Ce que je vous propose, c’est de lancer un appel à continuer d’inventer la sécurité sociale dont nous avons besoin. Cela ne mettra pas fin à tous les débats, mais ce sera un geste utile et historique pour l’avenir. Faisons-le ensemble !
M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Edwige Diaz (RN). La France est l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui prélèvent le plus de cotisations sociales. Et pourtant, la France de Macron affiche un bilan affligeant : un tiers de ses citoyens ont déjà renoncé à se soigner, faute de moyens ; 30 % de la population vit dans un désert médical ; 30 000 lits d’hôpital ont été fermés depuis la fin de l’année 2016 ; 80 % des Français se disent inquiets pour l’avenir du système de santé et 90 % préoccupés par l’avenir de l’hôpital public ; un Français sur deux déclare avoir un accès compliqué, long ou partiel aux services de soin ; 4 900 médicaments étaient en rupture de stock ou près de l’être l’année dernière et près de 30 % des Français estiment avoir été confrontés à une pénurie de médicaments ; près de 1 200 pharmacies ont fermé entre 2017 et 2022 et plus de 23 % des Français disent rencontrer des difficultés pour accéder à un médecin généraliste à moins de trente minutes de transport.
La présente proposition de loi, qui vise à constitutionnaliser la sécurité sociale, présente au mieux de nombreuses carences et au pire des imprécisions dangereuses. Si le groupe Rassemblement national peut s’associer à certains constats faits par le groupe GDR, il ne peut que s’émouvoir d’une rédaction floue et juridiquement fragile, qui aurait des conséquences dramatiques pour notre modèle social.
Vous proposez que le bénéfice de la sécurité sociale soit assuré « à chaque membre de la société ». J’appelle votre attention sur le danger que cela représente, à l’heure où de nombreuses cartes Vitale circulent indûment dans notre pays. Vous ouvrez par ailleurs la porte à toutes les personnes présentes sur notre sol, y compris les 600 000 à 900 000 qui sont en situation irrégulière. Sur ce point, le groupe Socialistes a au moins le mérite de l’honnêteté, puisqu’il a déposé un amendement visant à donner un caractère universel à la sécurité sociale, avec l’objectif affiché de protéger l’aide médicale de l’État (AME), qui coûte chaque année plus de 1 milliard d’euros aux Français. C’est montrer combien ses membres sont déconnectés des attentes des Français, dont plus des deux tiers souhaitent restreindre le bénéfice de l’aide médicale de l’État aux seuls étrangers nécessitant des soins d’urgence en créant une aide médicale d’urgence, traitant ainsi rapidement un des symptômes de la préférence étrangère en vigueur.
Pour notre part, nous proposons une rédaction plus solide et confions à la loi le soin de fixer les conditions pour bénéficier de la sécurité sociale. Nous proposons de conditionner l’accès aux prestations sociales par la nationalité française, l’exercice d’un travail en France ou une résidence régulière. Ces amendements font écho au projet présidentiel de Marine Le Pen, qui défendait le principe de priorité nationale afin de réserver un certain nombre de prestations françaises sociales aux seuls Français. Il faudra avoir travaillé durant cinq années en France pour pouvoir prétendre au bénéfice de ces prestations. Les allocations familiales, qui relèvent exclusivement de la solidarité nationale, seront réservées aux Français ou aux familles dont au moins l’un des parents est Français.
La présence des étrangers sur le territoire ne doit plus constituer une charge déraisonnable pour les finances publiques et le système de protection sociale. Par ailleurs, il importe que le Gouvernement prête attention à l’immensité de la fraude sociale. C’est la raison pour laquelle nous lui proposons de croiser les fichiers, d’augmenter les contrôles, de réaliser un audit sur les centaines de personnes qui auraient plus de 100 ans et de remplacer la carte Vitale par la carte Vitale biométrique.
En l’état actuel des choses, sauf si vous acceptez nos amendements, nous voterons contre votre proposition de loi.
Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Vous proposez de créer un nouvel article dans la Constitution, faisant de la sécurité sociale une institution fondamentale de la République, qui assure à chaque membre de la société une protection contre les risques et les aléas de l’existence. Vous l’avez indiqué, l’acquisition de la sécurité sociale remonte à l’ordonnance du 4 octobre 1945. Dès 1946, le préambule de la Constitution disposait que la nation garantit à tous « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » et que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Ces principes, qui ont été repris dans la Constitution du 4 octobre 1958, obligent l’État et la collectivité à veiller à la protection de la santé ainsi qu’au respect de l’équilibre financier de la sécurité sociale. La valeur constitutionnelle de la protection de la santé pour tous les citoyens est donc pleinement assurée. Par ailleurs, le terme « institution » que vous employez n’a pas la même valeur que les termes « droit », « liberté » ou « principe ». De même, les mots « chaque membre de la société » ne correspondent à aucune réalité juridique.
Enfin, la jurisprudence constitutionnelle est constante sur un point fondamental : c’est au législateur qu’il appartient de mener des politiques publiques garantissant la protection de la santé. Le Gouvernement et le Parlement ont mené, depuis 2017, des politiques volontaristes pour renforcer notre système de santé, avec le 100 % santé, la création de la cinquième branche et la loi de financement de la sécurité sociale, qui est votée chaque année et dont vous connaissez, monsieur le rapporteur, le fonctionnement et les limites, imposées par la nécessité de contrôler la dépense publique.
Parce que cette proposition a un caractère superfétatoire et pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, le groupe Démocrate ne votera pas ce texte.
M. Xavier Breton (LR). Le groupe GDR nous propose de constitutionnaliser la sécurité sociale pour la protéger contre les menaces de démantèlement et les attaques dont elle a pu faire l’objet au cours des derniers mois ou des dernières années. Face au déremboursement de certains médicaments ou soins et aux attaques menées contre la politique familiale, on peut effectivement s’interroger sur la solidité de notre système de protection sociale.
La sécurité sociale est intégrée au bloc de constitutionnalité parce qu’elle est évoquée dans le préambule de la Constitution de 1946, mais elle n’est pas directement protégée par la Constitution. Le préambule reconnaît le droit de tous à « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », ainsi que le droit d’obtenir de la collectivité des « moyens convenables d’existence ». Le Conseil constitutionnel a déduit de ces dispositions l’exigence constitutionnelle de mettre en œuvre une politique de solidarité nationale, en laissant au législateur le soin d’en choisir les modalités concrètes.
Notre système de sécurité sociale est un héritage du programme du Conseil national de la Résistance et du gaullisme. C’est une institution, un socle auquel nos compatriotes sont profondément attachés et qu’il faut préserver. La question de la constitutionnaliser peut donc se poser ; encore faut-il voir selon quelles modalités. N’oublions pas que l’inscription de la sécurité sociale dans nos institutions a fait l’objet d’un consensus et qu’il faut continuer à avancer ensemble.
Le travail réalisé au lendemain de la guerre a été poursuivi par le général de Gaulle sous la Ve République, avec la création de l’Unedic en 1958, puis celle d’un régime d’assurance maladie pour les exploitants agricoles en 1961 puis pour les professions indépendantes – artisans, commerçants et professions libérales – en 1966. Ainsi, si 53 % des Français étaient couverts à la sortie de la guerre, 98 % l’étaient en 1969 : cette institution ne s’est pas faite d’un coup, ce qui montre qu’elle peut évoluer.
Cela dit, la formulation proposée par notre collègue, volontairement ambiguë, poserait des problèmes d’application. Il vise ainsi « chaque membre de la société ». Or, si la protection sociale est universelle en France, il convient de rappeler qu’il faut remplir des conditions précises pour en bénéficier, comme une résidence stable et régulière sur le territoire national ou l’exercice d’une activité professionnelle. Il paraît important de s’en tenir au principe de la cotisation des travailleurs et des entreprises plutôt que d’aller vers un système qui ne connaîtrait aucune limite : c’est une question de réalisme aussi bien social que financier.
Nous nous prononcerons sur ce texte à la fin de son examen, en fonction du sort qui aura été réservé à nos amendements.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je commencerai moi aussi, évidemment, avec Ambroise Croizat : « Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès… » C’est de cela qu’il est question, de la défense et aussi de la promotion du modèle social à la française, qui est directement issu du Conseil national de la Résistance et qui fait partie de notre patrimoine républicain commun.
Il faut saluer la proposition de Pierre Dharréville, qui veut corriger un paradoxe : la sécurité sociale, institution essentielle de notre pacte républicain, est à peine évoquée dans notre Constitution, au détour d’un article où elle est abordée sous l’angle financier. Pour nombre de nos concitoyens, elle est la matérialisation quotidienne de notre devise nationale Liberté, Égalité, Fraternité. Même si elle n’est pas explicitement nommée, c’est bien la sécurité sociale qui est mentionnée aux dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, et donc intégrée au bloc de constitutionnalité.
Selon le baromètre 2020 « Les Français et la Sécu », 85 % des Français sont fiers de notre système et en ont une bonne image, et 88 % y sont fortement attachés. Le Rassemblement national nous explique que la constitutionnalisation de la sécurité sociale représenterait un grave danger : quel décalage entre son discours et les aspirations de nos concitoyens !
La sécurité sociale est effectivement l’une des institutions essentielles de la République, au même titre que les collectivités territoriales, qui figurent dans la Constitution. Constitutionnaliser la sécurité sociale, c’est la faire figurer dans le pacte républicain avec les institutions de la République, comme le Gouvernement, le Parlement ou le Conseil économique, social et environnemental, et les collectivités territoriales. Je plaide même pour que la notion de service public, qui figure d’ailleurs dans la proposition de loi de Pierre Dharréville, soit érigée en principe à valeur constitutionnelle.
Le but est d’avoir un point d’appui pour la défense et la promotion de la sécurité sociale. Il faut la défendre contre un mouvement sourd, diffus, parfois même caché, de remise en question de ses principes, et aussi contre un mouvement financier, car Bercy a toujours louché sur cette masse financière qui échappe à la fois à l’État et, fort heureusement, au marché. Et il faut la promouvoir parce que les frontières de la sécurité sociale ne sont pas figées et que le combat historique pour son universalité, qui a commencé en 1945, doit se poursuivre.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Le groupe Horizons et apparentés tient à rappeler son attachement profond au système de solidarité unique et exceptionnel qui caractérise notre pays. Avec un budget équivalent à une fois et demie celui de l’État, soit près d’un quart du produit intérieur brut, la sécurité sociale fait partie intégrante du patrimoine des Français.
Depuis 1945, ce système de sécurité sociale, où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, a considérablement évolué pour tenir compte de l’apparition de nouveaux risques et de l’évolution démographique. C’est parce que la sécurité sociale, qui assure la solidarité entre les citoyens face aux risques et aux aléas de la vie, est si structurante dans la vie de notre pays et pour notre cohésion sociale que son principe est déjà inscrit dans la Constitution.
Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, garantit de manière explicite l’existence d’un système de protection sociale. Ses dixième et onzième alinéas se réfèrent directement à l’obligation faite à la nation d’assurer à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement et de garantir à tous, notamment l’enfant, la mère et le travailleur âgé, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos. Est très précisément inscrite dans notre Constitution l’obligation faite à la nation d’offrir à toute personne dans l’incapacité de travailler le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. Autrement dit, toutes les obligations de solidarité – assurance chômage, retraite, allocations familiales, réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles – ont une valeur constitutionnelle, de sorte que toute disposition législative qui conduirait à réduire considérablement leur portée ou à les supprimer serait censurée.
Ainsi, même si cette proposition de loi a un objectif louable, elle ne nous semble pas constituer une réelle plus-value : elle ne protégera pas mieux notre système de sécurité sociale que les dispositions constitutionnelles actuelles et l’interprétation qu’en fait le Conseil constitutionnel. Elle nous paraît même ambiguë sur certains points. Ainsi, en présentant la sécurité sociale comme une « institution fondamentale », elle pourrait viser davantage son organisation que son contenu, lequel est déjà garanti, je l’ai dit, par la Constitution et importe davantage que sa forme, qui doit évoluer en fonction des besoins de la population. Par ailleurs, la formule « chacun y a droit selon ses besoins » introduit une incertitude autour de la définition des besoins et de ce que cela implique.
Il ne faut toucher à la Constitution que d’une main tremblante. Si nous comprenons l’intention politique qui vous incite à inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de votre niche parlementaire, vous comprendrez aussi qu’il ne nous semble pas pertinent de modifier notre norme suprême dans ces conditions.
Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Notre modèle de sécurité sociale est un précieux acquis, ou plutôt un conquis, du Conseil national de la Résistance. Comme l’a dit Pierre Dharréville, la question est moins de se demander pourquoi il faudrait inscrire la sécurité sociale dans notre Constitution que pourquoi elle n’y est pas encore inscrite.
Depuis bientôt quatre-vingts ans, avec l’unification en 1945 des caisses de secours mutuels, la sécurité sociale est devenue un véritable pilier de notre société et elle structure nos rapports sociaux. Largement connue à travers le monde, elle est une incarnation de la République sociale. La faire entrer dans la Constitution, c’est à la fois lui reconnaître sa profondeur historique et lui offrir toute la vivacité de notre promesse républicaine, qui peut se résumer ainsi : assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas.
Dans cette optique, la sécurité sociale est conçue pour être financée par le salaire socialisé, ce qui permet une gestion directe et majoritaire par les salariés. Il est important de rappeler que ce sont les salariés qui financent la protection sociale, car ce sont eux qui produisent les richesses de notre pays. Cependant, passées l’après-guerre et la reconstruction du pays, dès le début de la guerre froide, le patronat choisit de se saisir de toutes les occasions pour détricoter les conquis du CNR. Dès 1947, les mouvements sociaux sont durement réprimés. En 1967, les salariés perdent leur majorité des trois quarts parmi les administrateurs des caisses de sécurité sociale et les élections sont purement et simplement supprimées. En 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) remet en cause le financement par la cotisation et, depuis trente ans, les politiques d’allégement des cotisations sociales se succèdent. Dès sa création en 1998, le Medef veut en finir avec le compromis issu de 1945. Un ancien numéro deux de ce syndicat patronal déclare dans la presse, au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, qu’il faut « sortir de 1945 ».
Avec ce texte, nous voulons réaffirmer notre attachement et surtout celui des Françaises et des Français à la belle et grande sécurité sociale. Cet attachement, qui n’a rien à voir avec la nostalgie, mais plutôt avec l’espérance commune, suppose de protéger la sécurité sociale des marchés, qui profitent de ses démantèlements successifs pour spéculer et se développer sur le dos de notre modèle collectif de protection sociale. Les attaques contre ce modèle ont pour conséquence directe d’affaiblir la protection de nos concitoyens contre des risques sociaux pourtant assez bien identifiés. Aucune branche n’est épargnée : report de l’âge de la retraite, baisse des remboursements des soins et des médicaments, etc.
La Constitution a vocation à garantir des droits, mais les jurisprudences successives ne garantissent pas pleinement les principes inscrits dans le préambule de 1946, qui dispose que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». C’est bien là le but de la sécurité sociale, mais celle-ci n’a pas de véritable assise constitutionnelle en tant qu’institution. Encore une fois, pourquoi ? Mettons fin à ce paradoxe.
M. Paul Molac (LIOT). Je crois me faire le porte-parole de nombreux Français en disant : « Touche pas à ma sécu ! ». En dépit de ses 80 ans, de nombreux pays nous l’envient. C’est dans les moments difficiles que nous prenons conscience de la chance que nous avons de disposer d’un système de sécurité sociale fort et de droits protecteurs. Pendant la pandémie de covid-19, c’est grâce à son principe de solidarité que beaucoup de citoyens ont tenu bon. Ce n’est pas pour rien que 88 % des Français expriment un attachement fort à la Sécu et qu’ils y voient un véritable atout du pays, à l’heure où les services publics sont critiqués.
Notre groupe réaffirme son attachement à ce régime issu du programme du Conseil national de la Résistance, qui traduit, aujourd’hui encore, en dépit des attaques qu’il subit, le principe de fraternité dans notre quotidien. Ce système, je tiens à le rappeler, est le résultat d’une lutte sociale et n’est pas à l’abri des reculs. Il nous oblige et il est de notre devoir de préserver ce bien commun pour les générations actuelles et futures.
Or j’ai parfois l’impression que le Gouvernement voudrait réduire nos droits sociaux. Toutes les raisons sont bonnes pour taper sur les pauvres et faire des économies. L’État prétexte une baisse des comptes publics pour masquer son incapacité à équilibrer son propre budget. En dépit du manque de moyens et des tensions que subissent les professionnels concernés, notamment dans le secteur de la santé, le Gouvernement multiplie les attaques contre notre modèle social. On peut citer le cas emblématique de la réforme des retraites ou de l’assurance chômage, qui, elle, est à l’équilibre, grâce à la bonne gestion des partenaires sociaux – ce qui n’est pas le cas du budget de l’État.
Notre groupe partage le constat des auteurs de ce texte : la protection constitutionnelle qui découle du préambule de la Constitution de 1946 paraît insuffisante et laisse une marge de manœuvre presque totale au législateur. Ce niveau de protection n’est pas à la hauteur, car des droits sociaux essentiels sont en jeu. La consécration explicite de la sécurité sociale et de ses principes fondamentaux dans la Constitution devrait être une évidence. Cette inscription dans la norme suprême n’est pas que symbolique : elle assurerait une meilleure protection de chacun et obligerait le législateur à préserver le principe de la solidarité nationale et d’une contribution selon ses moyens. Elle le forcerait également à prévoir une protection analogue dans tous les territoires de la République, y compris les territoires ultramarins, trop souvent délaissés.
Notre groupe votera évidemment pour ce texte.
M. Benjamin Lucas-Lundy (Écolo-NUPES). L’inscription de ce texte à l’ordre du jour fait honneur à notre assemblée. Beaucoup de Français sont très attachés à la sécurité sociale. Ce trésor donne à notre devise républicaine sa traduction la plus concrète et prouve que Liberté, Égalité, Fraternité ne sont pas que des mots inscrits au fronton des édifices publics. La sécurité sociale, véritable fierté nationale, nous est enviée dans le monde entier.
Être patriote, c’est défendre la sécurité sociale, la promouvoir et combattre pour la renforcer. Il est d’ailleurs surprenant, compte tenu de ce qu’elle représente pour notre nation, qu’elle ne soit pas encore inscrite dans la Constitution. Avant d’être un budget, c’est une profession de foi, une part conséquente de notre identité républicaine, qu’il nous appartient désormais de graver dans le marbre constitutionnel. Face à l’importance des inégalités et des injustices, elle est un impératif pour relever les grands défis de l’avenir.
Bien qu’elles n’aient pas grand-chose à voir avec cette belle et noble discussion, le Rassemblement national nous a servi à nouveau ses obsessions à l’égard des étrangers – nous en avons l’habitude. Il est vrai que le Rassemblement national et l’extrême droite française n’aiment pas l’histoire républicaine et sociale de la France. On comprend leur gêne : la sécurité sociale a été conquise quand leurs prédécesseurs ont été chassés du pouvoir à la Libération.
Les propos de la collègue du Rassemblement national, qui évoque d’abord le coût de la protection sociale, montrent bien qu’en cas d’accession de l’extrême droite française au pouvoir, la sécurité sociale sera sacrifiée. Le programme illibéral qui sévit à travers le monde fait les poches aux citoyens les plus modestes. En évoquant d’abord la sécurité sociale comme un budget plus que comme un talisman précieux pour la République, le Rassemblement national montre bien quel est son penchant économique et social.
Enfin, chers collègues de la majorité, je vous sens un peu frileux dans vos déclarations d’amour à la sécurité sociale. Il existe en effet un doute raisonnable sur votre attachement aux conquêtes sociales. Mon intuition première tout autant que ma conviction politique, c’est que votre objectif est de casser la sécurité sociale – il suffit d’entendre vos slogans verbeux sur le fait de lever les tabous et de libérer les énergies. Il vous suffit d’un vote pour l’inscription de la sécurité sociale dans la Constitution, où elle a toute sa place, et vous dissiperiez ce doute !
M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Le texte que nous examinons vise à inscrire après l’article 1er de la Constitution un nouvel article consacré spécifiquement à la sécurité sociale, sous prétexte que l’institution fondamentale de notre république sociale ne serait pas suffisamment préservée. Or notre modèle de sécurité sociale est d’ores et déjà protégé de façon extrêmement robuste, puisqu’il appartient au bloc de constitutionnalité.
En effet, notre modèle de solidarité nationale est consacré par le préambule de la Constitution de 1946, qui précise que la nation garantit à tous « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » et proclame « le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Enfin, les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale sont déterminés par la loi, comme le souligne l’article 34 de la Constitution, ce même article faisant aussi référence aux lois de financement de la sécurité sociale, expressément mentionnées.
L’objet même de cette proposition de loi constitutionnelle est donc satisfait. Dès lors, on peut s’interroger sur son intérêt réel. Il peut apparaître que, loin de vouloir protéger notre modèle social, votre volonté soit plutôt de figer totalement notre système. En cela, et alors même que notre attachement collectif à notre modèle de sécurité sociale est total, les visions que nous avons de notre société, de ses évolutions et des dispositifs de solidarité à mettre en œuvre divergent fortement.
Notre système d’assurance maladie en 2024 est bien éloigné de celui qui existait au lendemain de la seconde guerre mondiale, et pour cause : notre société a profondément évolué – tertiarisation de l’économie, évolutions sociales et sociétales, modes de vie, vieillissement de la population, entrée plus tardive dans la vie professionnelle. De la prise en considération des accidents du travail à la généralisation du tiers payant, du revenu minimum d’insertion au revenu de solidarité active, de la carte Vitale à Mon espace santé, sans compter le système de solidarité à la source auquel nous travaillons, on aura vu pire, cher Benjamin Lucas, comme projet de casse sociale ! Il nous faut continuer de moderniser notre modèle social, de l’adapter, de lui permettre de prendre en charge de nouveaux risques sociaux comme le grand âge. Pour cela, il faut sortir de la caricature et du déni budgétaire.
Ayant lu attentivement l’exposé des motifs de votre proposition de loi, je trouve par ailleurs que vous manquez d’esprit critique concernant certaines inégalités ou injustices qui demeurent, notamment à l’égard des femmes et des personnes connaissant des carrières hachées, dans un système pensé au lendemain de la seconde guerre mondiale par les hommes et pour les hommes.
Enfin, se poser la question du financement de notre modèle, ce n’est pas être ultra-libéral : c’est servir l’intérêt général, regarder la réalité de notre époque et tout mettre en œuvre pour pérenniser ce modèle. C’est ce que nous nous évertuons à faire depuis 2017 et ce malgré les crises que nous avons dû affronter, auxquelles nous avons choisi d’apporter une réponse reposant non pas sur le libre marché, comme vous le laissez entendre, mais sur la solidarité nationale.
Au-delà de ce débat de fond, passionnant, je vous rappelle la position de principe du groupe Renaissance concernant les révisions de la Constitution : nous ne souhaitons pas toucher à notre texte fondamental par petits bouts. Certes, il nous faut sans cesse actualiser notre contrat social – nous l’avons fait pour l’IVG – ou répondre à certains enjeux d’organisation territoriale – nous nous apprêtons à le faire pour la Nouvelle-Calédonie et la Corse – mais pour le reste, il nous faut une révision constitutionnelle d’ampleur, sur le modèle de celle que nous avions entreprise en 2018. On ne révise pas la Constitution sans un travail de concertation de longue haleine. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.
Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Si je devais lire aux Français que je croise dans la rue ces alinéas du préambule de la Constitution de 1946, je ferais face à un océan d’incrédulité. Qui se souvient qu’en 1946, le constituant avait conféré à ces droits une valeur constitutionnelle ?
Cette proposition de loi constitutionnelle arrive à point nommé pour combler une béance. La sécurité sociale, institution essentielle à notre histoire républicaine et à la réalisation de la devise républicaine, est en effet menacée de toutes parts. Elle l’est tout d’abord par le pouvoir législatif – nous ! Le modèle français de sécurité sociale, dans la mesure où il est assis sur les cotisations et donc sur la socialisation du salaire, échappe par nature au tout-pouvoir législatif en matière budgétaire.
La cotisation, ce n’est pas la même chose que l’impôt. Quand un député d’extrême droite prétend, dans un récent tweet, qu’un jeune chômeur vit aux frais du contribuable, il commet une erreur fondamentale : aucun chômeur ne vit aux frais du contribuable. Lorsqu’une personne privée d’emploi perçoit une indemnité – rappelons que ce n’est pas le cas dans 50 % des cas –, c’est parce qu’elle a cotisé. Cette cotisation est sienne ; elle est mise dans un pot commun par solidarité entre travailleurs.
La sécurité sociale est menacée également par le principe même de la loi de financement de la sécurité sociale, qui semble nous conférer des pouvoirs trop importants en la matière – d’autant plus quand elle est frauduleusement détournée de son objet, comme ce fut le cas pour la réforme qui a réduit les droits à la retraite de nos compatriotes, repeinte en projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif par l’exécutif.
Elle est menacée enfin par une certaine culture de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce droit n’est pas assez protégé par la Constitution, alors que d’autres droits, comme les droits civils, le sont.
Merci au groupe GDR de nous permettre de remettre les pendules à l’heure.
M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des autres députés.
Mme Emmanuelle Ménard (NI). Cette proposition de loi vise à inscrire la sécurité sociale dans la Constitution française. Pourquoi diable n’y avions-nous pas pensé avant ? L’intention est évidemment louable – protéger notre système de sécurité sociale et garantir constitutionnellement l’accès à la sécurité sociale pour tous – mais elle soulève quelques questions de taille, notamment celle de sa stabilité et de sa viabilité financière. Il faut rappeler que la sécurité sociale représente 470 milliards d’euros de prestations, soit plus que le budget de l’État : on ne peut donc pas traiter de cette question à la légère.
Le système de santé français a été classé par l’Organisation mondiale de la santé le meilleur au monde en 2000 mais la France a depuis lors été largement déclassée. C’est tout notre système de santé qui est désormais en crise : déserts médicaux, essoufflement du système sanitaire, crise des vocations médicales, sans parler du secteur privé qui se prépare à une grève d’ampleur inédite le 3 juin prochain, au risque de saturer les hôpitaux publics.
Le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 consacre le droit de tous à la santé comme un objectif à valeur constitutionnelle. Pour ma part, il me semble plus réaliste et surtout plus important d’apporter des réponses concrètes à l’état d’urgence de la santé en France, plutôt que d’inscrire un droit élargi dans la Constitution, au risque de fragiliser celui-ci un peu plus sur le plan financier.
Mme Cécile Untermaier (SOC). Ce n’est pas un petit sujet que celui que vous nous proposez. Nous faisons le même constat d’une avancée majeure de notre pays, en 1945, lorsqu’il affirme la valeur centrale de la solidarité entre tous ; le même constat qu’il faut préserver et promouvoir ce pilier de notre république sociale, qui revêt une importance aussi fondamentale que les collectivités locales, qui ont été mentionnées ; le même constat de dégradation de la santé en France, suscitant une très forte inquiétude chez nos concitoyens, avec le développement des déserts médicaux, la crise de l’hôpital et l’accueil cher et insatisfaisant des personnes en perte d’autonomie.
Le même sentiment d’inquiétude et d’incomplétude prévaut à l’égard du préambule de la Constitution de 1946, élément essentiel du patrimoine qui, même s’il appartient au bloc de constitutionnalité, ne répond plus, en 2024, à nos attentes. Votre texte mentionne la solidarité et la mission de service public, deux termes essentiels qui correspondent aux exigences que nous avons vis-à-vis de la sécurité sociale.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. J’espère pouvoir vous convaincre de la nécessité de concrétiser notre attachement commun à la sécurité sociale au fil de la discussion.
J’ai entendu beaucoup d’horreurs venant du Rassemblement national. Votre premier argument, madame Diaz, pour justifier votre opposition à la constitutionnalisation de la sécurité sociale est, en gros, qu’elle coûte cher. Il est vrai que c’est cohérent avec les propositions de définancement défendues par votre parti à chaque occasion.
La deuxième raison que vous invoquez tient au fait que certains étrangers, qui y contribuent par ailleurs, en bénéficient, et vous y mêlez la question de l’aide médicale de l’État, qui n’est pas incluse dans la sécurité sociale puisqu’elle est financée par le budget de l’État. L’AME est à la fois un geste d’humanité élémentaire et une action de santé publique. Comment être surpris de voir ressurgir, à l’occasion de ce débat, vos obsessions sinistres ? Quoi qu’il en soit, pour cette raison, vous ne constitutionnalisez la sécurité sociale pour personne, et vous ne protégez pas les assurés sociaux.
Enfin, je ne crois pas que la constitutionnalisation empêche le législateur d’adapter le système de sécurité sociale aux évolutions économiques. C’est une analyse qui me semble complètement erronée. À la préférence nationale, je préfère la solidarité nationale et au chacun pour soi, la sécurité sociale pour tous. La sécurité sociale est un grand geste de solidarité mutuelle face aux aléas de la vie et, pour ma part, j’en suis fier. Elle fait partie de la grande histoire du peuple français.
Je dirai quelques mots également à nos collègues de la majorité, qui ont exprimé leurs doutes. Pour ma part, je pense qu’il est nécessaire d’inclure la sécurité sociale dans la Constitution. Madame Poussier-Winsback, je serais intéressé de savoir quelles ambiguïtés vous avez décelées dans la rédaction. Je n’ai pas cherché à produire une réforme cachée de la sécurité sociale, et je ne crois pas d’ailleurs que cette rédaction y conduise : elle nous permet d’évaluer notre niveau d’exigence à l’égard de la sécurité sociale mais elle ne remet pas en cause l’édifice existant.
Monsieur Breton, notre état d’esprit est d’essayer de traduire le consensus que nous espérons autour de la sécurité sociale dans notre loi fondamentale. Nous souhaitons confier au législateur le soin de détailler les conditions d’accès et de définir son périmètre, précisions qui ne nous semblent pas être de nature constitutionnelle.
Monsieur Gouffier Valente, c’est bien la première fois qu’on me reproche de manquer d’esprit critique face à des inégalités ! Je me suis abstenu de souligner toutes les inégalités qui me sautent aux yeux chaque jour pour ne pas vous braquer – vous auriez pensé que je dressais un procès à l’action politique de votre majorité – mais je peux y venir si vous le souhaitez !
Il faut se garder d’idéaliser la sécurité sociale, celle de 1945 comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Il faut préserver la dynamique d’invention sociale dans laquelle elle s’inscrit depuis le début, même si je considère que cela n’a pas toujours pris la bonne direction.
Votre groupe et l’ensemble de la majorité posent en principe de ne pas toucher à la Constitution par petits bouts. Si vous en déduisez qu’il faut changer la Constitution de manière plus large, je signe des deux mains : nous sommes plusieurs ici à souhaiter une VIe République ! Ce n’est toutefois pas l’objectif que nous poursuivons avec cette modification.
Mais, si je calcule bien, la majorité prévoit de réunir le Congrès à quatre reprises dans l’année pour modifier la Constitution sur des points qui lui semblent importants. Pourquoi l’opposition ne pourrait-elle pas faire quelques suggestions de ce type ? Quatre réunions du Congrès, pour l’interruption volontaire de grossesse, la Nouvelle-Calédonie, la Corse et peut-être Mayotte, ce n’est pas si mal pour des gens qui ne veulent pas discuter de la Constitution par petits bouts !
Notre intention est de produire un geste commun : dans la période que nous vivons, nous avons besoin de nous rassembler pour honorer la promesse républicaine. Conforter la sécurité sociale n’est pas un luxe, car elle est menacée par des puissances financières qui ne s’en cachent pas ; nous avons donc tout intérêt à mieux la protéger. Je suis bien conscient que le texte que je vous propose pour donner à la sécurité sociale sa juste place dans la Constitution ne sera peut-être pas adopté, mais je vous invite à une véritable discussion sur ce sujet.
Amendement CL14 de Mme Edwige Diaz
Mme Edwige Diaz (RN). Mon amendement a pour objet de corriger la dangereuse imprécision de l’article unique, manifeste dans son alinéa 2. La précision que la sécurité sociale bénéficie à « chaque membre de la société » n’est pas juridique car on ignore quelles catégories de personnes sont visées : les Français, toutes les personnes vivant sur le sol français, avec ou sans les étrangers en situation irrégulière ? Nous préférons reprendre une rédaction existant dans le code de la sécurité sociale afin de circonscrire la population visée par cette solidarité. Ainsi, nous proposons un renvoi à « des conditions définies par la loi, relatives notamment à la nationalité française, à l’exercice d’un travail en France ou à une résidence régulière et stable en France des bénéficiaires ».
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Il revient au législateur de détailler ce que signifie être « membre de la société ». Il n’est pas nécessaire de rappeler noir sur blanc la compétence du législateur car elle découle de l’article 34 de la Constitution. Il en est ainsi dans le reste de la Constitution : l’article 1er traite de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, sans détailler qui est éligible ou non. Il faut respecter un parallélisme des formes en la matière.
Cette belle expression de « membres de la société », qui ne saurait commencer à mes yeux par une logique d’exclusion, est par ailleurs présente dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Son article 4 indique ainsi que « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ». Dès son introduction d’ailleurs, la Déclaration précise qu’elle s’adresse à « tous les membres du corps social ». Je n’ai donc pas inventé cette notion juridique, qui existe déjà dans notre bloc de constitutionnalité.
J’ajoute qu’un critère lié à la contribution au financement de la sécurité sociale serait très imprécis. Toute personne résidant en France, même de façon irrégulière, participe à son financement, ne serait-ce que par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est affectée au budget de la sécurité sociale à hauteur de près de 30 %. Avis défavorable.
Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nous sommes ici face à un cas d’école de la façon dont l’extrême droite, par ses idées xénophobes, attaque tout le corps social et tous les travailleurs. Pour exclure les étrangers de l’accès à la sécurité sociale alors qu’ils cotisent, l’extrême droite leur dénie la qualité de cotisants – ce qui, de ce fait, vaut pour tout le monde, tous les travailleurs ! Voilà comment l’extrême droite défend les droits sociaux !
Vous en aurez maintes fois la preuve ce matin : pour s’attaquer aux étrangers, l’extrême droite cherche à organiser un régime juridique qui nuit aux travailleurs et à leurs organisations syndicales ; elle désarme la société face à la prédation et à l’injustice. Quand le porte-parole du Medef annonce qu’il soutient le gouvernement Macron dans son entreprise de réforme de l’indemnisation chômage qui revient à voler le fruit des cotisations des travailleurs, qui vient au soutien de cette thèse ? Le Rassemblement national et l’extrême droite ! C’est un moment très éclairant pour la vie politique de notre pays. Si vous pensez que ces gens-là sont du côté des travailleurs, ne venez pas vous plaindre lorsqu’ils vous auront dépouillés !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL20 de M. Jérôme Guedj
Mme Anna Pic (SOC). Face aux propos que nous entendons ce matin, il nous paraît essentiel de nous rassembler. Nous vous proposons d’ajouter le principe d’universalité de la sécurité sociale au nombre de ceux qui doivent être constitutionnalisés. À l’heure où l’aide médicale de l’État et le droit du sol à Mayotte sont remis en cause, il est absolument fondamental d’affirmer le droit de tous à la sécurité sociale et de préciser sur quels principes républicains cette constitutionnalisation doit reposer.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. La sécurité sociale n’a pas toujours eu vocation à couvrir les risques de manière universelle. Des frictions étaient apparues entre universalisation et mutualisation, ces deux logiques n’étant pas forcément compatibles. Je veux juste signaler que la dimension universelle est déjà présente dans le texte avec le terme « chaque membre de la société », et découle également du principe « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Cela étant, je ne peux que souscrire à votre objectif. J’émets donc un avis favorable.
Mme Edwige Diaz (RN). Les belles âmes de gauche de la NUPES proposent d’associer à notre système de sécurité sociale le terme d’universalité afin de prévenir toute remise en question de l’aide médicale de l’État. Ces mêmes humanistes autoproclamés oublient peut-être que, selon un récent sondage, 66 % des Français sont favorables à la réduction de l’accès à l’AME, destinée aux étrangers en situation irrégulière, pour la limiter aux seuls soins d’urgence. Le Rassemblement national est à nouveau le seul groupe parlementaire à défendre les réelles attentes des Français en matière migratoire.
Une proposition de loi visant à transformer l’AME en aide médicale d’urgence a été déposée par Marine Le Pen. Personne n’a oublié la promesse formulée par Mme Borne, alors Première ministre, d’une révision de l’AME au premier trimestre 2024 dont nous attendons toujours la concrétisation. Permettez-moi de vous rappeler le montant abyssal de l’AME : en 2015, 316 000 clandestins en bénéficiaient ; en 2023, ils étaient 466 000, pour un budget de plus de 1 milliard d’euros. Seules deux prestations ne sont pas prises en charge par l’AME : la GPA et les cures thermales.
Nous considérons que la France n’a pas à être un guichet social pour tous les pays du monde alors même que nombre de nos concitoyens ne parviennent pas à se soigner sur leur propre sol.
M. Xavier Breton (LR). Lorsqu’on invoque de grands principes comme l’universalité, il faut veiller, sous peine de se contredire, à ne pas en faire une application à géométrie variable. C’est sous le quinquennat de François Hollande que l’universalité des allocations familiales a été remise en cause, alors que la branche famille est l’un des piliers de notre système de sécurité sociale. Cette attaque contre la politique familiale, qui a été poursuivie depuis, s’est traduite, comme nous l’avions annoncé, par une chute de la natalité.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Je rappelle que l’AME ne relève pas de la sécurité sociale. Simplement, madame Diaz, vous vous faites une image des aspirations du peuple français quelque peu dégradante.
Monsieur Breton, cet amendement ouvre la discussion sur l’application du principe d’universalité par la loi. Notre groupe, pour sa part, a toujours été favorable à l’universalité, y compris pour les allocations familiales.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL15 et CL16 de Mme Edwige Diaz
Mme Edwige Diaz (RN). L’objet de l’amendement CL15 est encore une fois de sécuriser une rédaction très vague, en renvoyant à la formulation consacrée par le code de la sécurité sociale. Nous proposons de supprimer la mention des besoins de chacun, qui ne sont pas universels et qui relèvent de situations spécifiques. La rédaction actuelle n’est assortie d’aucune limite et est susceptible de couvrir tout et n’importe quoi. S’autoriser de telles largesses serait complètement irresponsable alors que, selon la Cour des comptes, la fraude à la sécurité sociale représente près de 4 milliards, en hausse de quasiment 40 % par rapport à 2021.
L’amendement CL16 a pour objet de substituer au terme « moyens » celui de « ressources », par parallélisme avec la rédaction de l’article L. 111-2-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale. En effet, les ressources sont exclusivement financières tandis que les moyens recouvrent un champ plus large, trop imprécis pour être pertinent. La mention des moyens ouvrirait un boulevard encore plus large aux fraudeurs, alors que la lutte contre leurs agissements n’est pas assez vigoureuse. Selon les bilans annuels de Bercy, le montant des sommes réclamées aux fraudeurs par le fisc baisse année après année : 13 milliards en 2017, 12,5 milliards en 2018, 12 milliards en 2019 et 8,2 milliards en 2020. En outre, seuls 50 à 60 % de ces montants sont finalement recouvrés. Nous devons éviter de transformer la France en guichet social généralisé.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Vous discutez les deux termes du principe fondamental qui a présidé à la mise en œuvre de la sécurité sociale : de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins. Ni les moyens ni les besoins ne trouvent grâce à vos yeux, ce qui montre que vous ne partagez pas le principe même de la sécurité sociale. Une fois de plus, vous ne la considérez que sous l’angle du coût. Pour ma part, j’estime que nous devons affirmer dans la Constitution les grands principes qui la guident.
Il revient au législateur de fixer le périmètre des besoins, ce que nous faisons – de manière certes assez lapidaire – lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il n’est pas question de mettre en cause cette prérogative.
Par ailleurs, le onzième alinéa du préambule de 1946 dispose que tout être humain « a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Cette formule a, à nos yeux, une large portée car, à ressources équivalentes, les moyens peuvent différer selon le lieu de résidence ou la composition du foyer ou du patrimoine par exemple. Le législateur doit avoir toute latitude pour évaluer la capacité de chacun et chacune à participer au financement de la sécurité sociale. Enfin, parler de moyens, c’est sous-entendre que la participation n’est pas nécessairement limitée à une contribution financière, ce qui est philosophiquement intéressant.
Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le budget de la sécurité sociale s’élève à 640 milliards, pour 65 millions d’assurés. Le premier élément de fragilisation du budget de la sécurité sociale est constitué par les exonérations, qui représentent 80 milliards et créent des trappes à bas salaire. Mais, pour l’extrême droite, le principal problème vient des 350 000 personnes qui « dépensent », pour reprendre ses termes, 70 millions en AME !
Les droits de 65 millions d’assurés sont systématiquement mis en cause par le patronat et les gouvernements successifs, on casse l’hôpital, on réduit les allocations familiales, mais l’extrême droite n’y trouve rien à redire ; les 70 millions d’euros de l’AME, si. Cette position est non seulement raciste et xénophobe, mais elle est totalement contraire à l’intérêt de la grande masse des assurés sociaux.
Mme Edwige Diaz (RN). Étant à la peine, comme on le voit dans les sondages, l’extrême gauche essaie de faire diversion en caricaturant et en insultant les défenseurs de la France, les élus du Rassemblement national et, à travers eux, les 13 millions d’électeurs de Marine Le Pen à la présidentielle. Elle fait mine de ne pas comprendre nos amendements et répand des fake news.
Si vous êtes à la peine, c’est que vous avez abandonné les travailleurs, les personnes en situation de précarité. Par cette proposition de loi, vous faites une fois de plus la démonstration que vous appliquez la préférence étrangère. Pour notre part, nous défendons la priorité nationale, qui est le seul moyen pour que les Français continuent à bénéficier de la sécurité sociale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL18 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement vise à enfoncer le clou en affirmant le principe de la progressivité du financement de la sécurité sociale, conformément à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme pendant à l’universalisation de la sécurité sociale. À l’heure actuelle, les cotisations sociales sont peu progressives et la CSG est strictement proportionnelle. Le Rassemblement national fait semblant de ne pas comprendre que, lorsqu’on parle d’universalisation, on désigne la généralisation de la sécurité sociale – à savoir la déconnexion de son bénéfice de la seule activité professionnelle et la prise en compte de la résidence sur le sol français – qui a commencé en 1975 par les allocations familiales, puis s’est appliquée à l’assurance vieillesse – avec le minimum vieillesse – et à l’assurance maladie – avec la CMU (couverture maladie universelle) puis la Puma (protection universelle maladie). La généralisation de la sécurité sociale justifie pour partie un financement au-delà des seules cotisations : c’est peut-être un de nos points de désaccord avec nos camarades du groupe GDR.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. L’universalisation signifie que les salariés ne sont plus les seuls, comme c’était le cas à l’origine de la sécurité sociale, à pouvoir en bénéficier et à contribuer à son financement. En défendant la sécurité sociale, j’entends mettre en avant une certaine idée de la France. Le Rassemblement national fait abstraction de tout ce qui a fait la grandeur de notre pays depuis la Révolution française et qui a permis de promouvoir les grandes idées de liberté, d’égalité et de fraternité et de défendre des droits humains universels. C’est une relecture de l’histoire très problématique. En défendant la sécurité sociale, je défends un apport considérable de notre pays à la construction de l’humanité.
Monsieur Guedj, je vous demande de retirer votre amendement car la notion de progressivité entre la contribution et le bénéfice est déjà présente dans la rédaction. En revanche, cette expression pourrait ouvrir un débat sur la place respective de l’impôt et de la cotisation. La redistribution est, à mon sens, davantage assurée par l’impôt que par la cotisation. En introduisant ce concept, on risquerait de devoir revenir sur l’ensemble du financement de la sécurité sociale – les cotisations, la CSG et la TVA n’étant pas progressives – ce qui n’était pas mon intention initiale.
L’amendement est retiré.
Amendement CL31 de M. Pierre Dharréville
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Les auditions, en particulier celles des organisations syndicales, m’ont conforté dans l’idée qu’il fallait affirmer l’importance de la participation des assurés eux-mêmes à la gestion de la sécurité sociale, les modalités de cette participation devant être définies par le législateur. Aussi je propose de compléter l’alinéa 3 par les mots « et peut participer à sa gestion ». C’est une dimension fondamentale de la sécurité sociale, qui n’est ni une administration, ni l’État mais une institution à caractère paritaire.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’article unique.
Après l’article unique
Amendement CL2 de M. Guillaume Gouffier Valente
M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Je vais retirer tous les amendements que j’ai déposés après l’article unique, sauf le premier, que je voudrais défendre compte tenu des attaques répétées du groupe Rassemblement national envers notre République et notre modèle de sécurité sociale. Cet amendement CL2 vise à supprimer le mot « race » de l’article 1er de la Constitution. Défendre le passage à un système de préférence nationale, c’est attaquer frontalement les valeurs de la République et vouloir mettre à terre notre système de sécurité sociale tel qu’il a été pensé et construit depuis 1945. Tout en s’opposant à la proposition de loi constitutionnelle en raison de différences de conception des révisions constitutionnelles, le groupe Renaissance défend fermement notre système de sécurité sociale et combat celles et ceux qui s’y attaquent au quotidien.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Je suis sensible à cet amendement, en partie parce que Michel Vaxès, l’un de mes prédécesseurs, avait défendu une proposition de loi demandant la suppression du mot « race » de l’ensemble de la législation. Cela étant, je regrette qu’aucun des amendements que vous avez déposés ne porte sur le texte lui-même, alors que le temps qui nous est réservé, dans le cadre d’une niche parlementaire, est très contraint. L’article unique venant d’être rejeté, la proposition de loi risque de se réduire à ce seul amendement, ce qui me conduit à demander son retrait ou, à défaut, à donner un avis de sagesse.
M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Compte tenu des propos que l’on a entendus ce matin, je maintiens cet amendement, qui a été plusieurs fois débattu et adopté en commission des lois. Je redéposerai les autres en séance car ils portent sur des sujets qui sont chers au groupe Renaissance. Nous continuons de plaider pour une révision d’ampleur de notre Constitution.
Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Ôter le mot « race » de la Constitution procède d’une intention louable à laquelle nous pouvons souscrire. Je souligne néanmoins que le groupe macroniste a déposé treize amendements visant à modifier la Constitution, ce qui montre bien que l’heure est venue de le faire. Nous aurions pu pour notre part présenter à nouveau un amendement de suppression du 49.3, mais nous savons combien le temps est limité dans le cadre d’une niche parlementaire. Mais puisque vous affirmez, chers collègues macronistes, qu’il va de soi que vous considérez la sécurité sociale comme une institution fondamentale, je vous invite, par cohérence, à voter cette proposition de loi.
M. Erwan Balanant (Dem). Notre débat montre que, tout au moins sur ce sujet, il existe deux grandes familles politiques dans notre pays : l’une, le Rassemblement national, est raciste ; les autres, au-delà de leurs différences, sont humanistes. À cet égard, le vote sur l’amendement sera très révélateur. Pour le reste, à mon sens, la sécurité sociale est d’ores et déjà inscrite dans la Constitution, comme en témoignent les dixième, onzième et douzième alinéas du préambule de 1946 de même que l’article 1er de la Constitution elle-même, selon lequel « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL23 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement d’appel, qui sert aussi de coup de gueule, vise à ce que, tous les cinq ans, le Parlement examine une loi de programmation sur chacune des branches de la sécurité sociale, ce qui permettrait de débattre de la prévention ainsi que de la couverture des besoins et des risques. Le 8 avril, nous avons voté à l’unanimité un article de la loi « bien vieillir » qui fait obligation au Gouvernement de soumettre au Parlement avant la fin de l’année une loi de programmation sur le grand âge. Or le Gouvernement fait comme si cet article n’existait pas. Hier encore, Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, lors de l’inauguration de Santexpo, a dit qu’elle allait lancer à nouveau une concertation avec le Conseil économique, social et environnemental. Voilà cinq ans que l’on engage des concertations au sujet d’une loi sur le grand âge !
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Je partage votre colère, mais nous avons fait le choix de ne pas retoucher les lois de financement car elles relèvent d’un autre débat même si elles mériteraient sans doute une redéfinition. Quoi qu’il en soit, afin de conserver l’ambition initiale du texte, je vous demande de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CL24 de M. Jérôme Guedj
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Cet amendement vise à ce que l’article 49.3 s’applique aux textes financiers dans les limites prévues pour les autres projets de loi, à savoir une fois par session. Ce serait une mesure intéressante pour rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Toutefois, dans la mesure où elle n’entre pas dans le périmètre de la proposition de loi, je donnerai un avis de sagesse.
Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Chacun a dit l’importance de la sécurité sociale, a rappelé à quel point les Français y sont attachés et combien il est nécessaire de la défendre. Or, à la fin de cet examen en commission, on se retrouve avec un texte vidé de son sens par la coalition présidentielle. C’est son droit, en démocratie, mais elle a également décidé de le remplacer par des dispositions qui n’ont aucun intérêt pour la protection et la cohésion sociale de nos compatriotes. Jouer avec ce sujet quand, pour une fois, il est à l’ordre du jour, c’est scandaleux. Un groupe n’a qu’une journée d’initiative parlementaire par an ! Lorsqu’on a le pouvoir, on a des devoirs, on a la responsabilité de ne pas jouer avec les lois. Se prêter à cela dans le but de se faire passer pour des antiracistes, c’est absolument minable.
M. Xavier Breton (LR). Je regrette que M. Guedj ait retiré l’amendement précédent CL23, car nous l’aurions voté. Il avait engagé une démarche transpartisane sur le sujet, à laquelle nous nous étions associés, et nous demeurons dans l’attente de cette loi de programmation pluriannuelle.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.
M. Pierre Dharréville, rapporteur. Je regrette cette décision mais je voudrais vous convaincre que nous pouvons encore accomplir un grand geste politique et républicain en séance en adoptant ce texte. J’espère que la discussion vous a donné l’envie d’en faire quelque chose d’utile, car les arguments qui ont été avancés pour justifier son rejet me paraissent insuffisants. En votant ce texte, nous accomplirions un acte réparateur, mais aussi porteur d’avenir.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (n° 2472).
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Conseil économique, social et environnemental (CESE)
– Mme Angeline Barth, présidente de la commission des affaires sociales
– Mme Danièle Jourdain-Menninger, vice-présidente de la commission des affaires sociales
– M. Damien Lanel, administrateur de la commission des affaires sociales
Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM)
– M. Fabrice Gombert, président du conseil
Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA)
– M. Ludovic Martin, directeur délégué
Syndicats de salariés
– M. Denis Gravouil, secrétaire confédéral
– M. Alexis Jeamet, conseiller confédéral
– M. Éric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective
– M. Philippe Baux, délégué national protection sociale
– M. Anne Bernard, chef du service économie, protection sociale
– M. Léonard Guillemot, conseiller confédéral
– M. Dominique Corona, secrétaire général adjoint
– Mme Frédérique Galliat, conseillère nationale
Universitaires
– Mme Lauréline Fontaine, professeure de droit public à la Sorbonne nouvelle
– Mme Morane Keim-Bagot, professeure de droit privé et sciences criminelles à l'Université de Strasbourg
– M. Xavier Prétot, doyen honoraire à la Cour de cassation
– Mme Diane Roman, professeure de droit public à l'École de droit de la Sorbonne
– M. Alain Supiot, professeur émérite du Collège de France
Union nationale interfédérale des œuvres privées sanitaires et sociales (Uniopss)
– M. Jérôme Voiturier, directeur général
– Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
([1]) Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
([2]) Hannah Arendt, La liberté d’être libres, Payot, Paris, 2017.
([3]) Voir infra.
([4]) Entretien avec Michel Étiévent, « La Sécu a été entièrement bâtie dans un pays ruiné grâce à la seule volonté militante », Le Comptoir, 17 novembre 2017.
([5]) « La France nouvelle reconnaît l’utilité d’un juste profit. Mais elle ne tiendra plus pour licite aucune concentration d’entreprise susceptible de diriger la politique économique et sociale de l’État et de régenter la condition des hommes […] la démocratie française devra être une démocratie sociale, c’est-à-dire assurant organiquement à chacun le droit et la liberté de son travail, garantissant la dignité et la sécurité de tous, dans un système économique tracé en vue de la mise en valeur des ressources nationales et non point au profit d’intérêts particuliers, où les grandes sources de la richesse commune appartiendront à la nation, où la direction et le contrôle de l’État s’exerceront avec le concours régulier de ceux qui travaillent et de ceux qui entreprennent » (Général de Gaulle, Discours devant l’Assemblée consultative provisoire, 18 mars 1944).
([6]) Audition de M. Alain Supiot.
([7]) Entretien avec Michel Etiévent, op. cit.
([8]) Article L.O. 111-3 à L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale.
([9]) Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971.
([10]) Conseil constitutionnel, décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976.
([11]) Conseil constitutionnel, décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977.
([12]) Conseil constitutionnel, décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980.
([13]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979.
([14]) Olivier Dutheillet de Lamothe, « Les principes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière sociale », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 45, no. 4, 2014, pp. 5-20.
([15]) Voir par exemple : Conseil constitutionnel, décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999.
([16]) Conseil constitutionnel, décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997.
([17]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003 et n° 2023-849 DC du 14 avril 2023.
([18]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-254 QPC du 18 juin 2012.
([19]) Olivier Dutheillet de Lamothe, op. cit.
([20]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999.
([21]) Conseil constitutionnel, décision n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024.
([22]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013.
([23]) Cour de justice de l’Union européenne, décision n° C-437/09 du 3 mars 2011.
([24]) Olivier Dutheillet de Lamothe, op. cit.
([25]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([26]) Conseil d’État, Mlle Valton et Mlle Crépeaux, 20 avril 1984, n° 37772 et 37774.
([27]) Voir par exemple : Cass. Soc., 11 mai 2022, La Mutuelle Pleyel Centre de Santé Mutualiste, n° 21-14.490 ; Cass. Soc., 11 mai 2022, Société FSM, n° 21-15.247.
([28]) Voir à ce sujet : Médiapart, «Protection sociale» dans la Constitution: vers une sécurité sociale affaiblie », 15 juillet 2018.
([30]) Audition de M. Alain Supiot.
([31]) « La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. »
([32]) Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986.
([33]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979.
([34]) Le Conseil constitutionnel considère en effet que « la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006).
([35]) Amendement n° CL2 de M. Gouffier Valente.