Logo2003modif

N° 2642

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2024.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi

pour une meilleure réussite scolaire des jeunes ultramarins grâce à l’apprentissage des langues régionales,

 

 

 

Par M. Steve CHAILLOUX,

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 2517.

 

 


–– 1 ––

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. De la reconnaissance des langues régionales à la promotion de leur enseignement

A. Des langues régionales nombreuses dont la reconnaissance a été progressive

1. Les langues régionales, richesse de la République française reconnue par la Constitution

2. Des langues particulièrement présentes dans les territoires d’outre-mer

B. l’enseignement des langues régionales progressivement renforcé mais strictement encadré

1. La constitution progressive d’un corpus juridique important permettant l’enseignement de et en langue régionale

2. Un encadrement strict par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

II. un enseignement aujourd’hui dynamique mais qui souffre de plusieurs écueils et doit être renforcé

A. Une pluralité des modes d’enseignement de et en langues régionales

B. un atout certain pour la réussite des élèves, particulièrement en outre-mer

1. L’enseignement des langues régionales, facteur de réussite

2. … qui s’inscrit particulièrement dans le cadre de la politique pour l’enseignement dans les territoires d’outre-mer

C. Les difficultés à lever pour accroître cet enseignement

1. Augmenter l’offre de l’enseignement de et en langues régionales

2. Faire évoluer la représentation de la langue régionale pour augmenter la demande

3. Adapter les ressources humaines et matérielles

commentaire des articles

Article 1er Obligation pour les établissements scolaire des académies d’outre-mer de proposer un enseignement de langue régionale

Article 1er bis (nouveau) Rapport au Parlement sur l’enseignement des langues régionales en outre-mer

Article 2 Gage

Travaux de la commission

ANNEXE : Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur

 


–– 1 ––

   introduction

Les langues régionales sont une richesse indéniable de notre République, dont la Constitution, qui dispose en son article 2 que « la langue de la République est le français », reconnait également depuis 2008 qu’elles « appartiennent au patrimoine de la France ».

Au-delà de leur seule valeur patrimoniale, ces langues régionales revêtent une valeur éducative certaine, en particulier dans les territoires d’outre-mer, où la situation est bien différente de celle qui prévaut en France hexagonale. Là, la langue régionale n’est pas uniquement un élément de culture dont l’enseignement doit permettre la conservation, mais bien un outil du quotidien, vivant, que l’enseignement doit valoriser pour permettre aux élèves d’entrer dans les apprentissages et de réussir leur scolarité. Il s’agit, en particulier, de lutter contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, dont les taux sont particulièrement élevés dans ces territoires, mais également d’améliorer le rapport à l’école et la confiance en eux des élèves dont les compétences sont, trop souvent, sous-estimées lorsqu’elles ne peuvent être exprimées qu’en français.

C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi.

La position qui a longtemps été celle de l’État sur la question de la pluralité des langues sur son territoire semble aujourd’hui dépassée. L’idée selon laquelle on ne pourrait faire Nation qu’au travers d’une seule et unique langue, que l’on ne pourrait maîtriser la langue française qu’en bannissant toute autre langue, ne reflète aucune réalité, comme le montrent à la fois plusieurs expériences étrangères et de nombreuses recherches scientifiques.

La dynamique récente en faveur des langues régionales, dont témoigne notamment l’adoption de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac, ou encore l’installation par le Premier ministre en mars 2022 du Conseil national des langues et cultures régionales donne un signal positif, qu’il convient aujourd’hui de prolonger. Le texte proposé, qui imposerait à l’ensemble des établissements scolaires des académies d’outre-mer d’offrir à leurs élèves la possibilité de suivre un enseignement de langue régionale, pour l’ensemble de leur scolarité, s’inscrit pleinement dans cette dynamique tout en la dépassant : il contribuerait non pas uniquement à la valorisation des langues régionales mais, de manière peut-être plus importante encore, organiserait l’utilisation de ces langues régionales par le système éducatif français pour accompagner et renforcer la réussite scolaire des élèves des territoires d’outre‑mer.

 

I.   De la reconnaissance des langues régionales à la promotion de leur enseignement

A.   Des langues régionales nombreuses dont la reconnaissance a été progressive

1.   Les langues régionales, richesse de la République française reconnue par la Constitution

Les langues régionales, constituées des langues parlées par des citoyens français sur le territoire de la République depuis assez longtemps pour faire partie du patrimoine national culturel, sont une richesse indéniable de la République française. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la Constitution affirme désormais, en son article 75-1, que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » : la volonté institutionnelle d’œuvrer pour la préservation et la valorisation de ces langues a ainsi été confirmée.

La délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) dénombre aujourd’hui une vingtaine de langues régionales en France hexagonale et plus d’une cinquantaine dans les territoires d’outre-mer, plaçant la France en tête des pays européens connaissant la plus grande diversité linguistique.

D’après la DGLFLF, environ 4,9 millions de personnes étaient, en 2020, locutrices des principales langues de France, selon la répartition suivante :

Nombre de locuteurs des différentes langues régionales en 2020

Source : Rapport n° 176 (2020-2021) de Mme Monique de Marco fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Sénat, 2 décembre 2020.

2.   Des langues particulièrement présentes dans les territoires d’outre-mer

Si plusieurs langues régionales sont parlées sur le territoire hexagonal ([1]), ces langues sont particulièrement nombreuses dans les territoires d’outre‑mer où plus d’une cinquantaine sont pratiquées, dont une trentaine sur le seul territoire de Nouvelle‑Calédonie et une douzaine en Guyane.

Alors même que le français demeure la langue des services publics et des médias, il reste, dans certains territoires, une langue seconde, peu voire pas du tout pratiquée par certaines populations. Ainsi, la proportion d’enfants qui n’ont pas le français pour langue maternelle est estimée à 70 % en Guyane et serait plus importante encore à Mayotte. Comme l’indique le rapport d’information de la délégation aux outre-mer sur l’enseignement dans les Outre-mer dans les territoires en dépression démographique de juin 2021 ([2]), 30 % des enfants à La Réunion ont uniquement comme langue première le créole réunionnais.

Plusieurs dispositions législatives ou réglementaires ont, progressivement, reconnu l’importance des langues régionales d’outre-mer :

– les langues créoles ont été reconnues comme langues régionales par la loi n° 84‑747 du 2 août 1984 qui octroie aux conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion compétence pour déterminer « les activités éducatives et culturelles complémentaires relatives à la connaissance des langues et des cultures régionales, qui peuvent être organisées dans les établissements scolaires relevant de la compétence de la région ». La loi n° 2000-1207 d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 énonce, pour sa part, que « les langues régionales en usage dans les départements d’outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation [et] bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d’en faciliter l’usage ». Enfin, la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer affirme que « les langues créoles font partie du patrimoine national ». Modifiée par la loi n° 2015‑1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, la loi d’orientation pour l’outre-mer vise désormais toutes les langues de ces territoires : « les langues régionales en usage dans les collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution et en NouvelleCalédonie font partie du patrimoine linguistique de la Nation » ;

– en Nouvelle-Calédonie, l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 dispose notamment que « les langues kanak sont, avec le français, des langues d’enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie. Leur place dans l’enseignement et les médias doit être accrue et faire l’objet d’une réflexion approfondie. » Cet accord, désormais mentionné aux articles 76 et 77 de la Constitution depuis la loi constitutionnelle n° 98‑610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie, attribue par conséquent une protection constitutionnelle aux langues kanak ;

– les langues polynésiennes sont mentionnées dans l’article 57 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, qui dispose que « la langue tahitienne est un élément fondamental de l’identité culturelle : ciment de cohésion sociale, moyen de communication quotidien, elle est reconnue et doit être préservée, de même que les autres langues polynésiennes, aux côtés de la langue de la République, afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française ».

B.   l’enseignement des langues régionales progressivement renforcé mais strictement encadré

1.   La constitution progressive d’un corpus juridique important permettant l’enseignement de et en langue régionale

Plusieurs dispositions successives, législatives et réglementaires, ont permis puis renforcé l’enseignement des langues régionales.

Ainsi, la loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, dite loi « Deixonne », ouvre la possibilité pour le système éducatif français de développer un enseignement des langues régionales, d’abord limité au basque, au breton, à l’occitan et au catalan. Ces dispositions ont progressivement été étendues au corse (1974), au tahitien (1981), à quatre langues mélanésiennes (1992), aux langues créoles (2000) et mahoraises (2021). La circulaire relative à l’enseignement des langues et cultures régionales du 12 avril 2017, mise à jour en 2021, précise que cet enseignement « s’applique au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l’occitan-langue d’oc, aux langues régionales d’Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au francoprovençal, au flamand occidental, au picard, au tahitien, aux langues mélanésiennes (drehu, nengone, paicî, ajië), au wallisien, au futunien, au kibushi et au shimaoré ». L’intégration de ces deux dernières langues mahoraises a été rendue possible par l’abrogation de l’article L. 3721 du code de l’éducation par l’article 5 de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

La loi « Deixonne », désormais abrogée, a été suivie de plusieurs autres, dont la plupart des dispositions sont reprises dans le code de l’éducation, formant aujourd’hui un corpus complet au sein d’une section consacrée à l’enseignement des langues et cultures régionales :

– l’article L. 312-10, issu de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de refondation de l’école de la République, prévoit que l’enseignement des langues régionales est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont pratiquées et que cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité, sous forme d’un enseignement facultatif de la langue et de la culture régionale ou d’un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ; les familles doivent être informées des différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales ([3]) ;

– l’article L. 312-11 dispose que les enseignants des premier et second degrés sont autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement. Ils peuvent également s’appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires (cette possibilité était, avant l’adoption de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de refondation de l’école de la République, réservée aux enseignants du premier degré) ;

– l’article L. 312-11-1, créé par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dispose que la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse ; 

– l’article L. 312-11-2, introduit par la loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion précise que, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés ;

– enfin, l’article L. 314-2 du code de l’éducation, modifié par la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, prévoit que, dans l’enseignement public, sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations portant sur l’enseignement dans une langue vivante, étrangère ou régionale. Comme l’indique notamment le rapport du Sénat sur la loi Molac ([4]),19 expérimentations immersives en langue basque, 6 en langue corse et une en langue catalane ont lieu actuellement dans des écoles publiques.

Par ailleurs, l’article L. 216‑1 du code de l’éducation, modifié par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de refondation de l’école de la République, précise que les activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires organisées par les collectivités territoriales dans les établissements scolaires pendant leurs heures d’ouverture peuvent porter sur la connaissance des langues et des cultures régionales.

Enfin, s’agissant plus spécifiquement de l’enseignement ou de l’usage des langues régionales dans les établissements scolaires des académies d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte), l’article L. 371-3 du code de l’éducation dispose que « dans les académies d’outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l’enseignement de l’expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone, amérindien ou mahorais ».

2.   Un encadrement strict par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Comme l’explique Mme Véronique Bertile, docteure en droit entendue par le rapporteur, « les dispositions générales relatives aux langues régionales concernent principalement le domaine de l’enseignement. Or, si elles semblent permissives, elles se heurtent au principe du caractère facultatif de l’enseignement des langues régionales. Ce principe a été posé par les premières législations comme condition sine qua non d’existence d’un tel enseignement ; le Conseil constitutionnel lui a conféré valeur constitutionnelle en le rattachant au principe d’égalité. » ([5])

Ainsi, le Conseil constitutionnel a, dans une jurisprudence abondante témoignant de la sensibilité du sujet, précisé le cadre dans lequel l’enseignement des langues régionales pouvait se tenir :

– cet enseignement ne peut pas revêtir un caractère obligatoire, ni pour les élèves, ni pour les enseignants (décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse ; décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004 sur la loi portant statut d’autonomie de la Polynésie française : « si l’enseignement […] est prévu "dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires", il ne saurait revêtir pour autant un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants ») ;

– il ne doit pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des élèves du service public de l’enseignement (décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 sur la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse : « cet enseignement n’est pas contraire au principe d’égalité dès lors […] qu’il n’a pas davantage pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements de la collectivité territoriale de Corse aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ») ;

– l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public ni dans la vie de l’établissement, ni dans l’enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée. Aussi, l’enseignement dit « immersif » n’est pas autorisé dans les écoles publiques (décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021 sur la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion : « l’enseignement immersif d’une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement. Par conséquent, en prévoyant que l’enseignement d’une langue régionale peut prendre la forme d’un enseignement immersif, l’article 4 de la loi déférée méconnaît l’article 2 de la Constitution. Il est donc contraire à la Constitution. »)

Aussi, comme l’indique Mme Véronique Bertile, un élève qui souhaiterait suivre un tel enseignement de langue régionale ne peut contraindre son établissement à l’organiser. De même, un établissement peut mettre en œuvre un enseignement de langue régionale sans pour autant que celui-ci ne soit fréquenté par des élèves. Enfin, rien ne garantit à un élève qui commence à apprendre une langue régionale, qu’il pourra poursuivre cet apprentissage tout au long de sa scolarité. La juriste en conclut qu’« aucun acteur de l’école n’est gagnant » et précise qu’« une telle situation, engendrée par l’application du principe du caractère facultatif de l’enseignement des langues régionales, est regrettable, en ce qu’il n’encourage pas du tout, au final, un tel enseignement » ([6]).

II.   un enseignement aujourd’hui dynamique mais qui souffre de plusieurs écueils et doit être renforcé

A.   Une pluralité des modes d’enseignement de et en langues régionales

L’enseignement de langues et de cultures régionales revêt aujourd’hui plusieurs formes :

– celui d’un enseignement de la langue et de la culture régionales. Ainsi, à l’école maternelle, les enfants peuvent bénéficier d’une sensibilisation et d’une initiation à la langue régionale. À l’école primaire, la langue régionale peut être enseignée sur l’horaire dévolu aux langues vivantes étrangères ; l’avancement d’une année du début de l’apprentissage d’une langue vivante, dès le cours préparatoire, pour tous les élèves, concerne également les langues vivantes régionales. Au collège, les élèves peuvent choisir au titre de la langue vivante B (LVB) une langue vivante régionale ; ils peuvent également, lorsque l’établissement le propose, suivre l’apprentissage d’une deuxième langue vivante étrangère ou régionale dès la classe de sixième (dispositif bilangue) ou un enseignement facultatif de langue et culture régionale, dans la limite de deux heures hebdomadaires. Au lycée, une langue régionale peut être étudiée en tant que deuxième ou troisième langue vivante. En outre, dans le cadre de la réforme du baccalauréat, l’enseignement de spécialité « langues, littératures et cultures étrangères et régionales » a été créé, pour 4 heures en classe de première et 6 heures en classe terminale ;

Nombre d’élèves suivant un enseignement de langue régionale
à la rentrée 2022

 

Nombre d’élèves suivant un enseignement de langue régionale à la rentrée 2022

Premier degré

Second degré

Total

 

collège

lycée

Total 2d degré

Basque

7 848

4 009

1 613

5 622

13 470

Breton

12 444

5 342

1 275

6 617

19 061

Catalan

12 764

1 324

436

1 760

14 524

Corse

12 684

7 672

1 621

9 293

21 977

Créole

5 230

5 530

2 407

7 937

13 167

Gallo

114

189

26

215

329

Alsacien

348

806

156

962

1 310

Mosellan

284

299

228

527

811

Mélanésien

56

3 072

467

3 539

3 595

Occitan

20 283

8 612

1 042

9 654

29 937

Provençal

1 376

1 724

329

2 053

3 429

Tahitien

1 354

8 758

2 785

11 543

12 897

Total

75 805

47 855

12 677

60 532

136 338

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale.

Champ : enseignements public et privé sous contrat.

– celui d’un enseignement bilingue, dispensé à la fois en langue régionale et en français. La pratique de la langue régionale peut alors aller jusqu’à la parité horaire hebdomadaire dans l’usage de la langue régionale et du français en classe, sans qu’aucune discipline soit exclusivement enseignée en langue régionale. Les classes bilingues peuvent ainsi proposer, dès la petite section de maternelle, un cursus spécifique intensif, dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d’enseignement dans plusieurs domaines d’activité et d’apprentissage ; au collège, dans le prolongement de l’école primaire, des sections bilingues de langues régionales proposent un enseignement renforcé de la langue régionale d’une durée hebdomadaire d’au moins trois heures et un enseignement partiellement en langue régionale dans une ou plusieurs autres disciplines. Selon les termes de la circulaire du 14 décembre 2021 relative à l’enseignement des langues et cultures régionales, ces sections permettent également l’approfondissement de la culture propre à l’aire de diffusion de la langue dans ses diverses composantes littéraires, historiques, géographiques et artistiques ; dans le cadre du diplôme national du brevet, les élèves des sections bilingues français-langue régionale peuvent choisir de composer en langue régionale lors de l’épreuve écrite qui porte sur les programmes d’histoire, de géographie et d’enseignement moral et civique, pour les exercices ouvrant cette possibilité ; au lycée, les enseignements bilingues suivis dans les sections « langues régionales » de collège se poursuivent selon des modalités similaires. L’objectif visé est de permettre aux élèves d’atteindre un niveau d’« utilisateur expérimenté » à l’issue de leur scolarité secondaire. Comme le précise la circulaire précitée, « l’enseignement de la langue régionale dispensé sous la forme bilingue français-langue régionale contribue au développement des capacités intellectuelles, linguistiques et culturelles des élèves sans préjudice de l’objectif final d’une bonne maîtrise de chacune des deux langues étudiées ».

Par ailleurs, dans les établissements d’enseignement privés uniquement, un enseignement bilingue peut également être dispensé selon la méthode de l’immersion, au sein des établissements relevant du mouvement associatif : Diwan (breton), Seaska (basque), Calandretas (occitan), Bressola (catalan), etc. Cet enseignement associe l’utilisation de la langue régionale et celle de la langue française, en pouvant dépasser la limite de la parité horaire imposée à l’enseignement public : le temps de pratique de chacune des deux langues peut varier dans la semaine, l’année scolaire ou encore à l’échelle des cycles. Par ailleurs, la langue régionale peut également être langue de communication au sein de l’établissement. Enfin, si la langue de communication utilisée par les personnels de l’école ou de l’établissement à destination des parents d’élèves et des partenaires institutionnels est le français, la langue régionale peut également être utilisée en étant associée au français, par des documents et une approche bilingues.

Le tableau suivant indique le taux d’élèves de classes bilingues en langue régionale par rapport au nombre total d’élèves apprenant une langue vivant régionale.

Répartition des effectifs d’élèves par langue, 1er et 2nd degrés public et privé sous contrat

 

Répartition des effectifs d’élèves par langue, 1er et 2d degrés public et privé sous contrat

Total bilingue

Effectif « langue vivante régionale » total

Part de bilinguisme

Alsacien

39 069

120 353

32 %

Basque

12 577

13 470

93 %

Breton

8 444

19 061

44 %

Catalan

4 910

14 524

34 %

Corse

9 931

21 981

45 %

Créole

3 414

13 167

26 %

Occitan

8 471

34 366

25 %

Tahitien

1 454

12 897

11 %

Autres langues

1 313

5 353

25 %

Total

89 583

255 172

35 %

Source : enquête bilingue DGESCO printemps 2023.

B.   un atout certain pour la réussite des élèves, particulièrement en outre-mer

1.   L’enseignement des langues régionales, facteur de réussite

L’apprentissage des langues régionales constitue, sans conteste, un atout pour la réussite des élèves.

Plusieurs études le montrent, l’apprentissage d’une langue régionale ne nuit pas à l’apprentissage du français : bien au contraire, les langues se renforcent mutuellement. Ainsi, selon l’ONU ([7]), la recherche montre que « les enfants qui apprennent deux langages simultanément suivent les mêmes stades d’apprentissage du langage et progressent au même rythme que les enfants qui apprennent une seule langue […]. L’apprentissage de deux langues ne cause pas de confusion. Il n’y a pas de preuve que les jeunes enfants qui apprennent deux langues en même temps les mélangent. »

En France la circulaire du 14 décembre 2021 précise d’ailleurs que, « dans toutes les formes qu’elle prend, l’étude d’une langue vivante régionale amène les élèves à opérer des rapprochements avec la langue française et participe ainsi à une meilleure maîtrise de celle-ci. Les langues régionales œuvrent, dans l’enseignement primaire comme au collège et à l’instar des autres disciplines, à une meilleure maîtrise des enseignements fondamentaux. » M. Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, l’exprimait lui-même devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale en octobre 2023 : « Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage – je l’assume même si cette position n’a pas toujours été celle de mes prédécesseurs – d’autant plus qu’elles permettent souvent d’améliorer l’apprentissage du français. Je cite l’exemple de La Réunion où 85 % des élèves parlent créole à la maison. Il ressort d’une expérimentation menée dans des écoles maternelles que dans les classes bilingues créole-français, les élèves parlent mieux le français que dans les classes 100 % en français. C’est un exemple tout à fait parlant du rôle des langues régionales comme pont vers la langue française, notamment dans nos territoires ultramarins » ([8]) . En effet, comme le soulignait Mme Aurélie Béton, linguiste, entendue par le rapporteur, enseigner la langue régionale permet d’éviter la constitution d’une « interlangue » ou « métalangue » formée d’un mélange de la langue régionale et du français, qui peut nuire à la bonne maîtrise de chacune de ces deux langues. Par ailleurs, l’utilisation d’une approche contrastive permet d’appuyer l’enseignement du français en l’asseyant sur des comparaisons, notamment en matière de syntaxe, avec la langue régionale.

Plus encore, le bilinguisme permettrait d’accroître les capacités de mémorisation et de compréhension en raison des sollicitations générées par la bascule d’une langue à l’autre ainsi que du développement de raisonnements logiques dans chaque langue pratiquée. Cet apprentissage permettrait ainsi un plus grand développement des habiletés cognitives qui pourrait amener une meilleure capacité générale à apprendre et communiquer. Comme le souligne le professeur Esli Struys, cité par la publication de l’ONU précitée, « les bilingues ont tendance à recruter des zones cérébrales supplémentaires ou autres que les monolingues. Il se peut que leur cerveau soit en quelque sorte plus entraîné parce qu’ils utilisent ces zones supplémentaires. Cela pourrait constituer un avantage à un âge plus avancé, que nous appelons réserve cognitive. » La DGLFL a confirmé, en audition, les bénéfices très largement établis par la littérature scientifique d’une éducation plurilingue : les compétences cognitives acquises par l’apprentissage des langues, et notamment l’apprentissage simultané de plusieurs langues, sont transposables à d’autres matières. Les évaluations nationales le montrent d’ailleurs, notamment en Polynésie ou au pays basque : les résultats des élèves scolarisés en école bilingue sont meilleurs que ceux des élèves scolarisés dans des écoles classiques, y compris s’agissant des savoirs fondamentaux comme les mathématiques ou le français.

Comparaison des résultats obtenus aux évaluations nationales de CP et CE1 des élèves des Pyrénées Atlantique en fonction de la pratique de la langue régionale basque

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale – évaluations nationales 2019 des CP et CE1 dans le département des Pyrénées Atlantiques.

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale – évaluations nationales 2019 des CP et CE1 dans le département des Pyrénées Atlantiques.

2.   … qui s’inscrit particulièrement dans le cadre de la politique pour l’enseignement dans les territoires d’outre-mer

L’enseignement des langues régionales revêt, en outre-mer, une importance particulière.

En effet, dans ces territoires, la langue régionale est fréquemment la langue maternelle, parlée dans la vie quotidienne dans un contexte de fort multilinguisme. La langue française, si elle est connue et entendue, n’est pas toujours maîtrisée par les élèves, notamment lors de leur entrée à l’école. Elle revêt même, pour certains, le caractère de « langue étrangère ».

Par ailleurs, ces territoires connaissent de forts taux de décrochage et d’illettrisme. Le rapport d’information de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale sur l’enseignement dans les Outre-mer dans les territoires en dépression démographique ([9]) fournissait les chiffres suivants : près de 30 % d’illettrisme en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion contre 11,8 % sur le territoire hexagonal en 2019 ; jusqu’à 7,5 % de décrocheurs à La Réunion contre 5,5 % dans l’hexagone.

L’apprentissage des langues régionales peut alors être un facteur de lutte contre la désaffection du milieu scolaire, mais également d’amélioration de la réussite des élèves. Mme Aurélie Béton, linguiste, le présentait de la manière suivante : l’usage de la langue régionale peut permettre d’intéresser l’enfant, de lui donner envie d’aller à l’école. À l’inverse, créer une rupture nette entre l’école et la famille, notamment par l’usage exclusif de la langue française à l’école, peut contribuer à constituer un fossé que l’élève a du mal à franchir et qui le conduit à ne pas se sentir accueilli pour ce qu’il est, puis à se décourager. Comme l’indique très clairement le rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche de 2020 sur l’évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’outre-mer et à Wallis et Futuna ([10]) « ne pas permettre à l’enfant d’utiliser sa langue maternelle à l’École pose de nombreux problèmes. C’est d’abord ne pas le reconnaître dans sa communauté culturelle et dans sa différence, ce qui peut avoir de lourdes conséquences dans la construction de l’estime de soi, du "métier d’élève" et de son rapport à l’École, aux savoirs et aux apprentissages. C’est aussi le placer dans une forme de "conflit de loyauté" (entre désir d’intégration et de réussite, et peur d’une assimilation, synonyme de coupure avec ses racines), puisque la culture et la langue des parents semblent ne pas exister ou être dévalorisées, ce qui peut lui donner l’impression qu’elles n’auraient pas d’importance au sein de l’école ou de l’établissement, et donc pas de valeur aux yeux de l’École et de ses acteurs. » Par ailleurs, l’usage de cette langue crée, en lui-même, un véritable espace d’interactions, selon un mode différent, entre les élèves et leurs enseignants, qui peut contribuer à une plus grande confiance en eux des élèves – au primaire, un élève qui peut s’exprimer dans sa langue régionale, parfois sa langue maternelle, participe davantage – à un plus grand sentiment de proximité avec le milieu scolaire et, par conséquent, à une plus grande réussite dans leur scolarité et dans leur vie sociale et professionnelle future.

Parallèlement, utiliser la langue première de l’enfant peut lui permettre d’entrer de manière bien plus efficace dans les apprentissages. La DGLFLF regrettait ainsi que, dans le système éducatif actuel, obligation soit faite aux élèves d’apprendre la lecture et l’écriture premièrement en langue française, ce qui pourrait être « aux racines de l’échec scolaire » et source d’un décrochage scolaire important dès le plus jeune âge. De biens meilleurs résultats pourraient être obtenus, notamment en français, si l’on permettait aux enfants d’apprendre à lire dans leur langue maternelle. La transposition de cet apprentissage au français serait d’autant plus aisée que seule l’une des soixante-quinze langes régionales parlées en France utilise un alphabet autre que l’alphabet latin. Il en va de même pour l’ensemble des domaines d’apprentissage. La DGLFLF insistait sur ce point : « les systèmes éducatifs qui ont réussi leur transformation sont ceux qui ont entendu qu’il fallait entrer dans les apprentissages par la langue maternelle ».

Enfin, et comme pour les autres langues régionales, l’apprentissage des langues parlées dans les territoires d’outre-mer contribue au développement de compétences nombreuses, qui peuvent être facteurs de réussite sociale et scolaire future : comme le rappelle l’exposé des motifs de la propositions de loi, « plusieurs travaux de recherche ont mis en évidence les effets bénéfiques de l’utilisation du créole dans le domaine de l’apprentissage (Durizot Jno-Baptiste, 1996), de la communication (Fauquenoy St-Jacques, 1988), de la mémorisation (Giraud, Gani, & Manesse, 1992), de l’utilisation des savoirs (Gauvin, 1977) et de l’imagerie mentale (Robin et al., 2020) chez les personnes bilingues français-créole ». Pourtant, pour Madame Aurélie Béton, les compétences acquises par certains élèves sont sous‑estimées, d’une part parce que le modèle socio-linguistique bilingue permet le développement de certaines compétences que l’école ne valorise pas toujours, d’autre part parce que l’école passe à côté des compétences que l’élève n’est pas en mesure d’exprimer en langue française alors même qu’il les détient de manière certaine.

Le développement de l’enseignement des langues régionales s’inscrirait ainsi particulièrement dans la politique affichée par le Gouvernement pour l’outre-mer, qui procède d’une double approche :

– la volonté de favoriser la réussite de chacun, l’égalité des chances et la mixité sociale ainsi que le bien-être des élèves ;

– la poursuite de la différenciation territoriale des politiques éducatives, permettant de prendre en compte les caractéristiques sociales, historiques, linguistiques et géographiques propres aux territoires ultramarins, notamment le plurilinguisme et la lutte renforcée contre le décrochage scolaire.

C.   Les difficultés à lever pour accroître cet enseignement

1.   Augmenter l’offre de l’enseignement de et en langues régionales

Malgré l’intention partagée par l’ensemble des recteurs entendus par les rapporteurs de développer l’enseignement des langues régionales, notamment sous le format de l’enseignement bilingue, les données transmises témoignent d’une progression qui demeure encore trop modeste.

Ainsi, en Guadeloupe, treize écoles proposent un enseignement bilingue et 86 écoles proposent un enseignement de langue régionale, sur 286 écoles. Il n’existe que quelques établissements proposant un enseignement de langue régionale dans le second degré.

En Guyane, 46 classes dans treize écoles proposent un enseignement bilingue, pour un peu plus de 1 100 élèves. Seuls quatre collèges proposent une option « créole ».

À La Réunion, une trentaine de classes bilingues existeraient dans le premier degré. Dans le second degré, le nombre d’heures d’enseignement de langue vivantes régionales devrait être doublé à la rentrée 2024, mais, d’après les services de l’académie, « ne permettra pas de couvrir l’ensemble du territoire ».

La Martinique se distingue par la mise en œuvre d’une politique très ambitieuse de soutien du créole, engagée il y a plusieurs années et accentuée depuis deux ans. 72 % des écoles primaires dispensent aujourd’hui un enseignement de ou en langue régionale. Alors qu’il n’y avait que 40 classes bilingues en 2022, elles étaient autour de 120 à la rentrée 2023 et devraient être portées au nombre de 150 à la rentrée 2024. Les élèves du premier degré recevant un enseignement de créole représenteraient toutefois encore moins de 30 % des élèves de l’académie.

Il peut, par ailleurs, être noté que la pratique d’une langue régionale diminue au cours de la scolarité, pour l’ensemble de ces langues régionales. En Martinique, le créole est ainsi enseigné à 24,35 % des écoliers,10,2 % des collégiens et 3,54 % des lycéens. Ceci semble s’expliquer par la concurrence de plus en plus vive entre cet enseignement et celui d’autres langues étrangères, en particulier l’anglais. La réforme du lycée et du baccalauréat pourrait accentuer cette concurrence : ainsi, « la réforme permet désormais de choisir la langue régionale au titre de deuxième langue vivante, ce qui, de fait, implique de renoncer à une deuxième langue vivante étrangère comme l’espagnol. Une autre possibilité est de choisir la langue régionale comme troisième langue vivante à titre d’option mais son coefficient est marginal et peu incitatif. » ([11])

Comme le soulignait la communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat sur le système éducatif dans les académies ultramarines (décembre 2020), « ces expériences avancent lentement car elles doivent s’affranchir des difficultés de recrutement des enseignants et de nombreuses réticences institutionnelles et sociales ».

C’est pourquoi, les efforts en faveur d’une offre d’enseignement de ou en langue régionale doivent être accentués, sous deux aspects en particulier :

– l’attention portée à la couverture de l’ensemble de la scolarité, jusqu’à la fin du second degré et en prêtant une attention aux lycées professionnels, trop souvent négligés ;

– l’amélioration du maillage du territoire, dans des départements ou collectivités parfois très étendus ou dont certaines parties sont très isolées.

L’article 1er de la proposition de loi y contribuerait.

2.   Faire évoluer la représentation de la langue régionale pour augmenter la demande

Ces faibles chiffres sont, parfois, le résultat d’une faible demande, témoignant d’idées reçues défavorables à l’apprentissage d’une langue régionale.

Comme l’ont ainsi souligné plusieurs personnes auditionnées, un certain nombre de familles se montrent réticentes à l’enseignement de la langue régionale à l’école, qui doit rester, pour elles, le lieu de l’apprentissage du français. Beaucoup d’entre elles estiment encore que la réussite ne peut passer que par la langue française ou, en tout état de cause, que l’apprentissage de la langue régionale ne peut pas être un facteur supplémentaire de succès.

Ainsi que l’exprimait Mme Aurélie Béton en audition, « dans les esprits, les langues sont bien séparées, avec l’une très valorisée par rapport à l’autre. Ce qui relève du rationnel et ce qui relève de l’affect coopèrent : les représentations négatives de la langue créole sont rationnalisées. On finit par croire que le créole est moins sérieux, moins complet, etc. On aurait le français pour l’administration, le créole pour la vie quotidienne ; le français en classe, le créole dans la cour de récréation, etc. ». De même, le créole employé dans les médias l’est, le plus souvent, pour vendre, pour appâter, pour faire rire, mais très rarement pour transmettre une information sérieuse. Alors que le français est associé à la réussite, au sérieux, à l’ascension sociale, le créole est associé à la culture, au folklore. Comme le résumait la linguiste, tous les signaux perçus de manière inconsciente indiquent que le créole est une « sous-langue » par rapport au français et que son apprentissage n’est pas nécessaire.

Selon la DGLFLF également, il existe une prévalence de positions idéologiques et de forte méconnaissance des parents sur ces sujets – certains pensant encore que l’usage ou l’apprentissage d’une langue régionale est prohibé dans les établissements scolaires. C’est pourquoi, les efforts de communication à destination des familles doivent être accentués, en s’appuyant notamment sur les données objectives issues des évaluations ou de la recherche : il s’agit de rappeler que, du point de vue scientifique, il n’y a absolument aucune réserve à ce que les langues régionales, et en particulier lorsqu’elles sont langues premières des enfants, soient mieux prises en compte dans le système scolaire, ceci participant directement d’une meilleure maîtrise du français et d’un moindre échec scolaire. Cet effort de communication est particulièrement important dans des territoires où la langue n’apparait pas menacée de disparition et où il est nécessaire de convaincre les familles qu’il ne suffit pas de la parler pour la maîtriser.

Rendre ces langues plus visibles à l’école, par l’action du législateur qui imposerait à tous les établissements scolaires de développer une offre d’enseignement, contribuerait ainsi à envoyer un signal extrêmement positif aux familles et à la société de manière plus générale : ces langues ont de la valeur aux yeux de l’institution scolaire.  

3.   Adapter les ressources humaines et matérielles

L’ensemble des recteurs d’académie l’ont souligné : le développement de l’enseignement des langues régionales nécessite qu’un effort important soit porté sur la formation des enseignants, ceux-ci devant être, dans le premier degré, habilités à enseigner la langue régionale après avoir suivi une formation et, dans le second degré, détenteurs d’un certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) en langue régionale.

La formation continue, pouvant permettre in fine l’habilitation à enseigner la langue régionale dans le premier degré, est estimée « famélique » par la Fédération pour les langues régionales dans l’enseignement public (FLAREP), dont certaines associations membres se chargent elles-mêmes d’en assurer une partie.

Le CAPES, pour sa part, offre à la fois peu de places, et dans un nombre limité de langues : créole (cinq places en 2024), corse (deux places), occitan (trois places), basque (deux places), breton (deux places), drehu (langue kanak, une place) et catalan (une place). Par ailleurs, le CAPES de créole est commun à l’ensemble des langues créoles, ce qui génère des difficultés.

C’est pourquoi, il est aujourd’hui indispensable d’intégrer cet enjeu à la réflexion sur la réforme du recrutement et de la formation des enseignants. Comme l’indiquait la FLAREP dans une contribution écrite adressée aux rapporteurs, « en marge de la proposition de loi en question, il est essentiel que soit prise en compte la question de la formation des enseignants bilingues dans la réforme du professorat en cours. La Commission Affaires culturelles et éducation devrait s’assurer que la réforme actuelle (nouveaux concours dès la session 2025) intègre bien les épreuves de et en langue régionale et surtout que le Ministère décide la création de licences de professorat des écoles bilingues (que devront mettre en œuvre les universités et futures Écoles normales supérieures). »

Au-delà des ressources humaines, les ressources matérielles doivent également faire l’objet d’une attention soutenue. Ces ressources font aujourd’hui défaut, notamment à Mayotte où le caractère essentiellement oral de la langue rend difficile l’accès à des supports écrits. C’est également le cas, de manière plus générale, dans l’ensemble des territoires d’outre-mer où les manuels scolaires, les dictionnaires et les supports pédagogiques adaptés aux réalités locales sont encore insuffisants.

 


   commentaire des articles

Article 1er
Obligation pour les établissements scolaire des académies d’outre-mer de proposer un enseignement de langue régionale

  1.   l’État du droit

L’article L. 312-10 du code de l’éducation dispose que l’enseignement des langues et cultures régionales est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. Il précise que cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.

Il prévoit, enfin, que l’enseignement de langue et culture régionales est facultatif et proposé dans l’une des deux formes suivantes :

1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ;

2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.

Cet article n’emporte pas, pour les établissements scolaires des territoires où les langues régionales sont en usage, l’obligation de proposer un tel enseignement.  

Par ailleurs, l’article L. 371-3 du même code dispose que « dans les académies d’outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l’enseignement de l’expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone, amérindien ou mahorais ».

  1.   les dispositions de la proposition de loi

La proposition de loi prévoit, à son article 1er, d’insérer à l’article L. 371-3 du code de l’éducation un alinéa précisant que, dans les académies d’outre-mer, « les langues régionales sont une matière enseignée dans tous les établissements scolaires tout au long de la scolarité ».

Il s’agit d’imposer à l’ensemble des établissements scolaires du premier et du second degré d’offrir systématiquement aux élèves la possibilité de suivre un enseignement de langue régionale.

Cette disposition s’appliquerait aux cinq académies d’outre-mer visées par l’article L. 371-3 : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte. Elle ne s’appliquerait ni à la Nouvelle-Calédonie, ni à la Polynésie française.

Elle n’emporterait pas, pour les élèves, l’obligation de suivre un tel enseignement, ni pour les enseignants de le dispenser, et s’inscrirait donc parfaitement dans le cadre posé par la Constitution et l’interprétation qui en est faite par le Conseil constitutionnel.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La commission a, lors de son examen de la proposition de loi, adopté deux amendements identiques proposés par Mme Béatrice Piron et plusieurs membres du groupe Renaissance et par Mme Sophie Mette et plusieurs membres du groupe Démocrate, ainsi qu’un sous-amendement de M. Frédéric Maillot et plusieurs membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Les amendements réécrivent l’article 1er, pour préciser que, dans les académies d’outre-mer, l’enseignement des langues et cultures régionales en usage sur le territoire est proposé dans les écoles maternelles et élémentaires, selon des modalités précisées par décret. Cette formulation, qui retient le terme « proposé », explicite le caractère facultatif d’un tel enseignement pour les élèves. La précision selon laquelle l’article s’applique aux langues régionales en usage sur les territoires des académies d’outre-mer apporte davantage de clarté. L’extension de l’enseignement aux cultures – et non aux seules langues – régionales répond également à certaines remarques entendues au cours des auditions. Enfin, la limitation des dispositions de l’article aux établissements du premier degré constitue, certes, une restriction du champ par rapport au texte initial mais permet de concentrer les efforts et les moyens, notamment budgétaires, sur les classes les plus essentielles pour lutter contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, afin d’atteindre efficacement les objectifs poursuivis par la proposition de loi.

Le sous-amendement précise que le dispositif s’applique à toutes les écoles maternelles et élémentaires des académies d’outre-mer. Si cette précision n’est pas indispensable en droit, elle permettra de garantir une bonne application du dispositif.

*

*     *

Article 1er bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur l’enseignement des langues régionales en outre-mer

La commission a adopté un amendement portant article additionnel après l’article 1er, proposé par Mme Piron et plusieurs membres du groupe Renaissance. Cet article additionnel prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport examinant les diverses pratiques en matière d’enseignement des langues régionales en outre-mer et leurs effets sur la réussite des élèves.

*

*     *

Article 2
Gage

L’article 2 prévoit que la charge pour l’État résultant de la mise en œuvre des dispositions de la proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La commission a adopté cet article sans modification.


–– 1 ––

   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 22 mai 2024, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi pour une meilleure réussite scolaire des jeunes ultramarins grâce à l’apprentissage des langues régionales (n° 2517) (M. Steve Chailloux, rapporteur)([12])

M. Steve Chailloux, rapporteur. Ia ora na, comme on dit en tahitien : bonjour ! La proposition de loi (PPL) pour une meilleure réussite scolaire des jeunes ultramarins grâce à l’apprentissage des langues régionales, déposée à l’initiative de mon collègue député de La Réunion, M. Frédéric Maillot, vise non seulement à préserver les langues régionales mais plus encore à les utiliser comme levier pour améliorer les performances scolaires de nos jeunes dans les territoires d’outre-mer.

Les langues régionales constituent une richesse inestimable pour notre République. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, notre Constitution dispose que : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Cette reconnaissance constitutionnelle souligne l’importance de ces langues dans notre patrimoine culturel national. En France hexagonale comme dans les pays dits d’outre-mer, les langues régionales sont le reflet de nos diversités et de notre histoire commune.

Dans les pays dits d’outre-mer, la situation est unique et mérite une attention particulière. Plus d’une cinquantaine de langues régionales y sont pratiquées, notamment une trentaine en Nouvelle-Calédonie et une douzaine en Guyane. De nombreux habitants n’ont pas le français pour langue maternelle : c’est le cas de 70 % des enfants en Guyane, et cette proportion est encore plus élevée à Mayotte. Cela illustre la nécessité d’une approche éducative intégrant les langues régionales pour assurer une meilleure inclusion et favoriser la réussite scolaire.

L’enseignement des langues régionales en France a été progressivement renforcé au cours du temps. Première du genre, la loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, dite loi Deixonne, a permis l’enseignement des langues régionales comme le basque, le breton, l’occitan et le catalan. Au fil des années cette liste s’est allongée pour inclure le corse, le tahitien, les langues mélanésiennes, les créoles et les langues mahoraises. Ces avancées législatives sont autant de pas en avant vers la reconnaissance et la promotion de notre diversité linguistique.

Il ne suffit cependant pas de reconnaître ces langues : il faut aussi les valoriser et les intégrer pleinement dans notre système éducatif. Le texte dont nous discutons aujourd’hui propose une mesure forte : obliger tous les établissements scolaires des académies d’outre-mer à offrir un enseignement de langue régionale à leurs élèves tout au long de leur scolarité. C’est une étape significative pour préserver ces langues mais aussi pour les utiliser comme outils pédagogiques visant à améliorer l’engagement et les performances des élèves.

Il est prouvé que l’enseignement en langue maternelle facilite l’apprentissage et renforce la confiance des élèves en eux-mêmes. Cette proposition de loi pourrait être un moyen efficace de lutter contre les fléaux que sont le décrochage scolaire et l’illettrisme, dont les taux sont particulièrement élevés dans les territoires d’outre-mer. La possibilité donnée aux élèves de commencer leur éducation dans une langue qu’ils maîtrisent, avant de passer progressivement au français, pourrait améliorer leur rapport à l’école et faciliter leur réussite.

L’importance de cette proposition est renforcée par la dynamique récente en faveur des langues régionales. L’adoption en 2021 de la loi dite Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, et la création en 2022 du Conseil national des langues et cultures régionales, témoignent d’un engagement clair de l’État en faveur de la protection et de la promotion de ces langues. Il est maintenant temps de transformer cet engagement en actions concrètes dans nos écoles.

Il est également crucial de noter que cette initiative est en accord avec les dispositions de notre Constitution et avec les décisions du Conseil constitutionnel. L’enseignement des langues régionales, bien que fortement encouragé, reste facultatif pour les élèves et les enseignants, garantissant le respect du principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel a clairement établi que cet enseignement ne peut être obligatoire et ne doit pas soustraire les élèves aux obligations générales du système éducatif français. La présente proposition de loi respecte pleinement ce cadre juridique tout en cherchant à maximiser les avantages éducatifs des langues régionales.

En conclusion, cette proposition de loi représente une avancée majeure pour notre système éducatif et pour la reconnaissance des langues régionales dans les territoires d’outre‑mer. En soutenant cette initiative, nous affirmons notre engagement à valoriser notre diversité linguistique et à offrir à nos jeunes toutes les chances de réussir. Les langues régionales ne sont pas seulement des vestiges du passé, elles sont des outils vivants et précieux pour l’avenir de nos enfants. Leur intégration dans le système éducatif peut renforcer l’identité culturelle de nos jeunes, améliorer leur réussite scolaire et, en fin de compte, enrichir notre nation tout entière.

Je vous invite donc à soutenir cette proposition de loi pour le bien de la République et de notre jeunesse ultramarine. Ensemble, faisons en sorte que chaque élève, quelle que soit sa langue maternelle, puisse trouver sa place et s’épanouir pleinement dans notre système éducatif. Mauruuru, te aroha la rahi – merci, salutations à tous !

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous passons maintenant aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Béatrice Piron (RE). Je tiens tout d’abord à remercier MM. Maillot et Chailloux pour la qualité des échanges et des auditions, lesquels ont permis d’explorer et d’approfondir le sujet des langues régionales en outre-mer mais surtout d’envisager les actions possibles pour améliorer la réussite scolaire. Grâce aux territoires d’outre-mer, la France possède une richesse linguistique insoupçonnée, révélée en 1999 par l’effervescence ayant accompagné la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Dans son rapport « Les langues de la France », le linguiste Bernard Cerquiglini a recensé soixante-quinze langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République, dont cinquante-cinq sont utilisées outre-mer. Ces langues se distinguent d’abord par leur situation sociolinguistique. Particulièrement vivantes, elles sont souvent la langue maternelle des populations locales et parfois la seule langue maîtrisée par certains locuteurs. Les langues créoles en sont un exemple frappant : les différents rapports de la délégation générale à la langue française et aux langues de France témoignent de leur vitalité et soulignent que le nombre de locuteurs actifs dépasse les 2 millions. Le créole réunionnais, langue maternelle de plus de 80 % de la population de l’île, est la langue régionale la plus parlée de France.

Je tiens à insister sur le fait que cette PPL ne concerne que les langues d’outre-mer, dont la situation est fort différente de celle des langues régionales de l’Hexagone : dans la grande majorité des cas, ces dernières ne sont pas pratiquées à la maison. En tant que présidente du groupe d’études sur l’illettrisme et l’illectronisme, je connais les chiffres que notre collègue a bien détaillés dans l’exposé des motifs : le taux d’adultes qui, après avoir suivi une scolarité normale dans une école française, se retrouvent en situation d’illettrisme, atteint jusqu’à 30 à 40 % dans les territoires d’outre-mer alors qu’il est inférieur à 10 % dans l’Hexagone.

Lors des auditions, les spécialistes ont été unanimes : l’apprentissage de deux langues le plus tôt possible – dès la maternelle – améliore les résultats des évaluations nationales en français, même en l’absence de biais social. En Polynésie par exemple, les écoles publiques pratiquant l’enseignement bilingue enregistrent de meilleurs résultats. L’apprentissage des langues régionales est donc essentiel pour améliorer les résultats des élèves et pour réduire le décrochage scolaire et l’illettrisme.

Des études montrent les avantages cognitifs du bilinguisme, notamment en matière de mémorisation, de compréhension et de flexibilité cognitive. En dissociant leur langue maternelle du français appris à l’école, les enfants peuvent acquérir une compréhension plus profonde de la diversité linguistique qui les entoure. Cela leur permet de reconnaître que le français est une langue parmi d’autres, et que chacune de celles-ci a sa propre valeur et sa propre utilité dans différentes situations sociales ou culturelles.

Il est donc nécessaire d’accélérer et d’amplifier ce qui existe aujourd’hui à titre expérimental. Je me suis impliquée dans le travail sur ce texte même s’il pouvait paraître superfétatoire aux yeux de certains : la loi, en effet, a été grandement enrichie ces dernières années.

Le souhait de nos collègues du groupe GDR était que tous les établissements d’outre-mer proposent un enseignement des langues régionales tout au long de la scolarité. Lors des auditions, nous avons été alertés d’un risque d’inconstitutionnalité : cet enseignement ne peut en effet être imposé ni aux familles, ni aux enseignants, ni aux établissements ; aussi proposerai-je un amendement de réécriture générale de l’article 1er qui, travaillé avec le rapporteur, vise à ce qu’il soit seulement proposé. Il s’agit de respecter le principe de double égalité établi par notre Constitution mais surtout d’insister sur la priorité donnée aux établissements du premier degré. Cette approche précoce est essentielle pour ancrer ces connaissances et pratiques dans la conscience des élèves dès leur plus jeune âge et éviter l’échec ou le décrochage scolaire.

Le groupe Renaissance votera ce texte, une fois qu’aura été adoptée la réécriture globale de l’article 1er.

M. Roger Chudeau (RN). Cette proposition de loi a pour objet central d’améliorer la réussite scolaire des élèves ultramarins. Il est affirmé dans l’exposé des motifs que la maîtrise des langues régionales serait de nature à favoriser cette réussite et à réduire le décrochage scolaire. Le bilinguisme serait, du point de vue cognitif, un puissant stimulant et faciliterait grandement l’acquisition des connaissances enseignées dans les écoles, collèges et lycées.

Disons d’emblée que le groupe Rassemblement national est partisan de la promotion de l’enseignement des langues régionales, constitutives de la culture des outre-mer, comme il l’est aussi de celui des langues régionales métropolitaines de la République. Nous estimons en effet que l’identité nationale du peuple français se construit aussi par un enracinement dans les traditions patrimoniales locales, y compris linguistiques. Nous n’opposons donc en rien l’apprentissage du français et de la littérature française à l’apprentissage des langues vernaculaires. Des évaluations pédagogiques réalisées dans les écoles Diwan en Bretagne comme dans toutes dans les écoles bilingues – ce qui inclut le bilinguisme en langue étrangère – corroborent l’affirmation des rédacteurs de cette proposition de loi, selon laquelle les élèves bilingues sont plus agiles intellectuellement que leurs camarades non bilingues.

Il existe cependant une différence notable en matière linguistique entre les élèves d’écoles basques, par exemple, et les élèves d’écoles situées dans nos outre-mer. Les jeunes ultramarins ne maîtrisent en effet qu’imparfaitement le français, comme le montrent clairement leurs résultats aux évaluations nationales et internationales.

C’est pourquoi nous considérons que cette PPL manque une partie de son objectif visant à améliorer la réussite scolaire des élèves ultramarins. Il faut selon nous distinguer la situation de Mayotte et de la Guyane, d’une part, de celle des Antilles et de La Réunion, d’autre part. Le taux de difficultés en lecture relevé chez les jeunes âgés de 17 ans est évalué à 10,9 % en métropole, à 25 % à La Réunion, à 28 % en Guadeloupe et en Martinique, à 46 % en Guyane et à 71 % à Mayotte : les situations sont bien différentes. Il nous semble donc indispensable de regarder la question de la réussite scolaire des jeunes ultramarins à la fois de manière plus différenciée et d’un point de vue plus global.

Chacun sait que Mayotte et la Guyane sont confrontées à une immigration incontrôlée qui déstabilise leurs systèmes éducatifs respectifs. Ainsi, les cours doivent-ils être dédoublés dans la journée, à Mayotte, et le bâti scolaire est-il totalement dépassé et insuffisant dans les deux départements. C’est pourquoi le programme présidentiel de Marine Le Pen prévoyait le doublement des moyens des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav), le renforcement des moyens dédiés aux élèves non scolarisés antérieurement (NSA) ainsi que le développement d’internats éducatifs. Ce qu’il faut, pour ces deux départements que l’on peut considérer comme sinistrés du point de vue éducatif, c’est un plan d’urgence global incluant des mesures d’ordre pédagogique – parmi lesquelles cette PPL trouve toute sa place – mais aussi des mesures concernant les infrastructures, la gestion des personnels enseignants, la formation de ceux-ci au contexte spécifique, ainsi qu’un pilotage renforcé et spécifique aux besoins des outre-mer. Les autres départements des Antilles et de La Réunion devraient eux aussi bénéficier de plans de remise à niveau, dotés de moyens renforcés.

Cette PPL n’apporte qu’une partie des réponses exigées par la situation de l’école d’outre-mer. Pour en revenir à la question strictement linguistique, nous estimons qu’il faut en quelque sorte marcher sur deux jambes et renforcer l’enseignement du français dans les écoles et établissements des collectivités d’outre-mer, concomitamment au renforcement de l’enseignement des langues régionales. Les rédacteurs de la proposition de loi soulignent à juste titre que l’enjeu de la réussite scolaire est aussi, in fine, l’intégration des jeunes dans le tissu économique, qu’il soit régional, national ou international. Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans dans les outre-mer varie selon les départements de 40 à 52 %, ce qui est intolérable. La maîtrise de la langue française est la condition sine qua non de l’insertion de nos jeunes dans le tissu économique.

Nous nous abstiendrons sur le texte en l’état mais le voterons si nous parvenons à l’améliorer en lui donnant de plus hautes ambitions.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Aujourd’hui, la promesse républicaine de traiter tous les enfants de façon égale n’est pas tenue. C’est particulièrement vrai dans nos académies d’outre-mer. Pour s’en persuader, il suffit d’observer ce qui se passe à Mayotte : des milliers de jeunes non scolarisés, des classes bondées, l’absence de cantines scolaires, un bâti scolaire délabré, des écoles vétustes où même l’eau potable fait défaut. Les académies d’outre‑mer ne peuvent pas être les oubliées de la République – ce que nous rappelle d’ailleurs ces jours-ci, avec beaucoup de violence, la Nouvelle-Calédonie.

Notre commission est appelée à traiter les affaires éducatives. C’est donc sous cet angle que nous devons légiférer pour réduire les inégalités entre les Ultramarins et la population de l’Hexagone. Pour rappel, les évaluations de niveau montraient, en 2023 encore, des écarts considérables : le taux d’élèves entrant en classe de sixième avec une maîtrise insuffisante ou fragile du français s’élevait à 21,5 % à La Réunion, à 25 % à la Martinique, à 28,7 % à la Guadeloupe, à 44,2 % en Guyane et à 75,4 % à Mayotte – contre 13,3 % au niveau national.

Dans une analyse de la situation scolaire dans les académies d’outre-mer, la Cour des comptes expliquait dans un rapport de 2020 que, si nous devions revendiquer avec force l’égalité de traitement pour les élèves de ces territoires, il fallait néanmoins que l’Éducation nationale apprenne à y mettre en œuvre différemment certains dispositifs scolaires. Cela concerne sans doute en premier lieu l’apprentissage du français car, si « la France, c’est d’abord la langue française » selon Fernand Braudel, encore faut-il donner aux jeunes l’opportunité de bien l’apprendre.

L’un des outils pour y parvenir est la prise en compte de la langue régionale pratiquée par les jeunes. Il y a plus de dix ans maintenant, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ouvrait d’ailleurs la possibilité d’utiliser ces langues pour l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cela s’est traduit dans le code de l’éducation par la formulation « approche pédagogique spécifique ». Il s’agit aujourd’hui de préciser le type de pratiques concerné – en l’occurrence, l’apprentissage des langues régionales, car il est aujourd’hui démontré que la bonne maîtrise de la langue première constitue un point d’appui pour l’apprentissage d’une langue seconde, comme l’est ici le français.

Dans les territoires ultramarins, certains enfants vivent dans des communautés multilingues et ne découvrent le français qu’à l’école. Ce décalage de connaissance aboutit souvent à des résultats médiocres, à des redoublements et à des abandons scolaires. En Polynésie française, les dispositifs de renforcement de l’enseignement des langues polynésiennes dans le premier degré ont abouti à des résultats très encourageants mais encore insuffisants. En 2023, l’évaluation des élèves de CM1 démontrait qu’ils étaient deux fois plus nombreux en Polynésie que dans l’Hexagone à rencontrer des difficultés de compréhension du français. Pour qu’ils réussissent, l’apprentissage d’une langue régionale ne suffira pas : il est tout aussi important de mettre l’accent sur la formation des enseignants ou encore sur la production de matériel didactique. Surtout, il est indispensable d’améliorer les mobilités dans ces territoires et les conditions de vie de leurs habitants. En France, l’origine sociale a un impact important sur la réussite scolaire. Or il y a dans les territoires ultramarins un nombre bien plus important d’enfants issus de milieux modestes que dans l’Hexagone.

Pour conclure, et alors que la question européenne est d’une actualité brûlante, je voudrais rappeler la devise de l’Union européenne : « Unie dans la diversité. » En France comme en Europe, nous sommes unis par, pour et grâce à nos différences, y compris linguistiques.

Mme Frédérique Meunier (LR). Il y a encore un an, les problématiques ultramarines et les spécificités du quotidien de nos concitoyens d’outre-mer ne trouvaient que peu d’écho dans l’actualité métropolitaine. Depuis, l’opinion publique a redécouvert ou découvert qu’il existe une France de l’océan Indien, du Pacifique et d’ailleurs, qui souffre du peu de cas que l’on fait d’elle sur le vieux continent : une France singulière, à l’histoire souvent douloureuse, aux particularités multiples, mais résolument attachée à la République.

Les territoires français d’outre-mer abritent une diversité linguistique remarquable, et l’enseignement de leurs langues revêt une importance particulière pour la préservation du patrimoine culturel. À ce titre, les députés Les Républicains voient d’un très bon œil que notre assemblée se penche sur les réalités propres aux Français d’outre-mer, qui pourraient nécessiter des aménagements législatifs. C’est ainsi que notre groupe avait proposé la fin du droit du sol à Mayotte, pour répondre aux insoutenables dérives induites par cette norme sur le territoire mahorais. Oui, mes chers collègues, les députés Les républicains se préoccupent du sort de nos outre-mer et seront toujours là pour les défendre.

Ceci étant dit, le sujet important qui nous préoccupe aujourd’hui ne nous paraît pas traité de la bonne manière par cette très brève proposition de loi. Certes, les langues régionales ultramarines font partie intégrante du patrimoine immatériel français. Elles constituent une richesse dont nous sommes collectivement fiers. Notre groupe était au rendez-vous lors du vote de la loi « Molac ». En effet, les vertus du bilinguisme pour l’éveil des capacités intellectuelles de l’enfant sont reconnues par la littérature scientifique. Aussi, l’exposé des motifs de cette proposition de loi n’est-il pas incongru.

Il faut néanmoins mesurer ce qu’entraînerait la mise en œuvre du texte tel qu’aujourd’hui rédigé. Alors que l’Éducation nationale se trouve en grande difficulté budgétaire, et alors que l’on peine à proposer un salaire supérieur à la moyenne européenne à nos enseignants et à nos aidants, tout en démultipliant leurs missions, il faudrait ouvrir tous azimuts et séance tenante cet imposant chantier. Qui peut croire, connaissant les difficultés du ministère de l’Éducation nationale etde la jeunesse, que cela soit possible dans de bonnes conditions ?

Au problème des ressources financières s’ajoute celui de la ressource humaine. Être professeur ne s’improvise pas ; le recours massif à la contractualisation, couplé à l’abaissement des exigences pour l’enseignement des matières sous tension, a déjà des conséquences délétères. À coup sûr, il en irait de même pour ce nouvel enseignement, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.

Enfin, il ne nous apparaît pas pertinent d’imposer indifféremment à tous les établissements d’enseigner les langues régionales. Qu’on le veuille ou non, la demande n’est pas la même partout, et il va sans dire qu’un certain nombre d’élèves préféreraient sans doute privilégier d’autres matières tout aussi utiles à leur formation. Le choix doit rester le leur. L’ajout d’une matière obligatoire dans un emploi du temps non extensible n’est pas la meilleure option possible pour préserver ces langues.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains avait d’abord pensé s’abstenir. La réécriture qui nous est annoncée ce matin, qui rend facultatif l’apprentissage des langues régionales, pourrait cependant nous conduire à changer notre fusil d’épaule et à soutenir ce texte.

Mme Sophie Mette (Dem). « Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage […] d’autant plus qu’elles permettent souvent d’améliorer l’apprentissage du français. » Ces mots ne sont pas les miens mais je les fais miens comme vous les avez faits vôtres, monsieur le rapporteur. Ils ont été prononcés par le Premier ministre en 2023, lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse. L’enseignement des langues et cultures régionales favorise la continuité entre l’environnement familial et social d’une part et le système éducatif d’autre part, contribuant à l’intégration de chacun dans le tissu social de proximité. Dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) et les collectivités d’outre-mer (COM), il existe sept langues ou groupes de langues régionales vivantes – parmi elles le créole, les langues mélanésiennes, le tahitien, le wallisien ou encore le futunien.

Cette proposition de loi a pour objectif de renforcer l’apprentissage des langues régionales afin de favoriser la réussite scolaire et de lutter contre le décrochage scolaire et l’illettrisme en outre-mer. Les langues régionales améliorent aussi l’apprentissage d’autres matières. Certains élèves, par exemple, comprennent mieux les mathématiques ou l’histoire en créole. Il faut donc pouvoir bénéficier de ce levier. Une culture régionale ne peut être séparée d’une langue : elles sont essentielles pour apprendre aux Français de tous les territoires qui ils sont.

Pour toutes ces raisons, les députés Démocrates abordent cette proposition de loi avec bienveillance. Il nous semble important néanmoins de soulever un point d’attention : si l’enseignement des langues régionales est permis à des fins de valorisation, il ne peut être rendu obligatoire. La Constitution énonce que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France mais que la langue de la République est le français. L’élève et sa famille doivent continuer d’avoir le choix.

Fidèles à leur ADN centriste et pragmatique, les députés du groupe Démocrate voteront une nouvelle rédaction qui, sans amoindrir la portée du texte, le rendra concret et pertinent. Nous avons déposé un amendement en ce sens, qui propose également de concentrer l’effort sur les publics prioritaires, c’est-à-dire les élèves des écoles maternelles et élémentaires. Cela doit permettre un déploiement rapide et efficace du dispositif, qui pourrait ensuite concerner le secondaire. Vous l’aurez compris, nous sommes prêts à construire ce texte à vos côtés. Les langues et cultures régionales en usage au sein des académies d’outre-mer le méritent.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). La langue est notre premier patrimoine ; elle est en même temps un ciment et un vecteur d’émancipation ; un élément de partage et de cohésion nationale. Les langues sont le reflet de notre histoire, de notre attachement aux traditions et aux coutumes ; elles témoignent de la nécessité de maintenir des identités locales. C’est une Vendéenne qui l’affirme : le français est la langue nationale et officielle inscrite dans notre loi fondamentale. En parallèle, il est reconnu que les langues de France sont notre bien commun. Elles sont une richesse culturelle indéniable. Je pense bien sûr au catalan, au corse, au créole, au gallo, au basque, aux langues régionales d’Alsace et des pays mosellans, ou encore au breton et à l’occitan – les deux dernières étant les plus enseignées dans les établissements scolaires. Vous me permettrez de penser également au poitevin-saintongeais, dont je souhaiterais que l’enseignement puisse être testé dans mon département.

Chaque année, plus de 120 000 élèves apprennent une langue régionale à l’école, à travers un enseignement extensif d’une part, dans une plage horaire hebdomadaire dédiée, mais aussi grâce à un enseignement bilingue reposant sur une parité horaire entre le français et la langue régionale. Avec la loi « Molac » du 21 mai 2021, le législateur s’est emparé du sujet pour à la fois protéger et promouvoir les langues régionales. En reconnaissant dans le code du patrimoine l’existence d’un patrimoine linguistique, constitué de la langue française et des langues régionales, il reconnaît leur statut de trésor national et permet l’application des régimes particuliers de protection.

Si le développement de l’enseignement en langue régionale est indéniable, le Conseil constitutionnel l’encadre cependant sérieusement : en 2022, il soulignait ainsi qu’il ne peut revêtir un caractère obligatoire, ni pour les élèves ni pour les enseignants. En 2021, il précisait que l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public, ni dans la vie de l’établissement ni dans l’enseignement des disciplines autre que la langue considérée : ce qui est visé, ce sont les enseignements immersifs.

Le groupe Horizons partage l’idée selon laquelle les langues régionales sont un véritable joyau, utile à l’identité et à la préservation des territoires. Nous sommes donc d’avis de promouvoir et de protéger les langues régionales. Mais nous sommes aussi viscéralement attachés à la liberté de choix de chacun, dont seraient privés les familles et les élèves si l’enseignement de ces langues devenait obligatoire comme le prévoit cette proposition de loi. C’est pourquoi notre groupe soutiendra l’amendement de réécriture déposé par le groupe Renaissance, dans lequel est réaffirmé le caractère facultatif de l’enseignement de la langue régionale.

M. Inaki Echaniz (SOC). Sur le sujet des langues territoriales, je me suis toujours appuyé sur toutes les volontés, dans les rangs de la gauche comme au-delà. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra l’initiative de M. Frédéric Maillot et du rapporteur, que je remercie chaleureusement pour leur engagement en faveur de la défense de nos langues territoriales. Nous devons nous engager plus largement sur la question sans en faire une histoire de folklore et sans la minorer : par exemple, en soutenant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la modification des modalités d’examen – qui ne permettent toujours pas la reconnaissance durable des cursus bilingues –, l’attribution de dotations spécifiques ou encore l’instauration d’une véritable loi.

Nos langues exigent une politique urgente et volontariste d’aide, de soutien et de développement. Il en existe plus de soixante-dix dans notre pays, notamment dans les outre‑mer. Ces langues sont une richesse exceptionnelle : elles font partie de notre patrimoine, mais en sont également le véhicule. Les langues sont un moyen très puissant de transmission et de cohésion. Elles sont la porte d’entrée de l’histoire locale, un lien de mémoire collective entre les anciennes et les nouvelles générations, mais aussi une compétence socio-économique précieuse. Préserver nos langues territoriales, dont l’appartenance au patrimoine français est garantie par la Constitution, et leur permettre de continuer à être parlées, comprises et transmises, c’est aussi préserver nos diversités locales, lesquelles sont les fondations d’une France riche dans son unité.

Il convient de ne pas renvoyer dos à dos – comme certains s’amusent à le faire – le français et les langues territoriales, celles-ci faisant partie de celui-là. L’ensemble concourt à la richesse de notre patrimoine. Le développement des langues territoriales ne portera jamais atteinte à l’existence du français, bien au contraire. Lors de la discussion d’un amendement relatif aux langues territoriales que je défendais dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, notre collègue Castellani a déclaré hier dans l’hémicycle : « Les langues ne s’annulent pas, elles se multiplient. Si le créole, le basque ou le breton venaient à disparaître, ce ne serait pas uniquement préjudiciable pour les outre-mer, le Pays basque, la Corse ou la Bretagne mais pour la France tout entière, car ces langues font partie de notre patrimoine commun. »

La diversité linguistique de la France, la première d’Europe, est une richesse à laquelle les jeunes générations sont particulièrement attachées. Favoriser l’apprentissage des langues territoriales, qui plus est au bénéfice de la réussite scolaire, est une bonne chose. Dans le cadre du groupe d’études sur les langues et cultures régionales, nous avons eu l’occasion d’entendre plusieurs jeunes de différents territoires nous parler de leur scolarité en langue territoriale. Leurs récits confirment les arguments présentés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi : maîtriser des langues diverses permet une meilleure réussite scolaire.

Nos territoires attendent que l’apprentissage des langues territoriales soit sécurisé par la loi.Nos jeunes générations attendent que l’apprentissage des langues territoriales soit sécurisé par la loi. Nous avons aujourd’hui l’occasion de poser une première pierre, de faire un premier pas vers la reconnaissance et la promotion de notre diversité linguistique dans l’ensemble du territoire français. C’est un déchirement de ne pas maîtriser correctement la langue de ses parents et de ses grands-parents du fait d’un défaut d’enseignement mais aussi de l’ombre d’un régime dictatorial qui en a interdit l’usage, comme de ne pas avoir l’orthographe correcte de son nom et son prénom sur son état civil – je parle d’expérience.

Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera pour cette proposition de loi. Je vous remercie – milesker deneri.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je souhaitais remercier Steve Chailloux, Frédéric Maillot et les collègues du groupe GDR de nous donner l’occasion d’échanger sur le sujet des identités et de nos communs. Merci à eux de mettre au cœur du débat la question des langues, qui est intimement politique. Cette discussion est précieuse à un moment politique où les liens de colonialité en Nouvelle-Calédonie-Kanaky sont sur le devant de la scène – j’ai d’ailleurs une pensée particulière pour le peuple kanak.

Au-delà du contexte, cette discussion permet d’allier respect, justice et dignité de tous les Français et de toutes les Françaises, de nos parents, enfants et petits-enfants sur tous les territoires de la République. Cela paraît incroyable, mais force est de constater que proposer un enseignement des langues régionales pendant la période d’enseignement scolaire dans les académies d’outre-mer marque une rupture. Il y a quelques années, c’était encore inimaginable.

Cette proposition de loi se pose comme un refus de l’exotisation des langues régionales qui ne sont ni des langues mortes ni un divertissement pour touristes. La France a longtemps refusé la diversité linguistique pourtant réelle et très ancienne. Si cette stratégie a parfois été invoquée au nom d’une nécessaire compréhension commune, d’une volonté d’unification et d’égalité, elle a été aussi un outil de domination et d’effacement des identités singulières. Dans une tribune parue dans Le Monde, l’écrivain Patrick Chamoiseau disait : « Si nous restons à patauger dans l’imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur. »

Cette guerre s’exprime dans la hiérarchie façonnée et induite par notre histoire coloniale. Patrick Chamoiseau, encore lui, parle de « l’imaginaire monolingue », comme si notre langue officielle – celle de la République, de l’école, de l’administration, des services publics –, le français, était la seule protégée de remparts contre la langue de l’autre. Cet imaginaire n’est qu’un mythe, une pauvre croyance qui ne reflète pas la réalité des territoires de la France et de la diversité des identités qui les traversent. Le philosophe sénégalais Suleymane Bachir Diagne proposait de décoloniser l’universel. Alors, allons-y !

Le premier chantier est de décoloniser nos imaginaires autour d’une langue française encore trop souvent perçue comme l’universelle, la bonne langue. Or la bonne langue est celle qui vit, qui est parlée et partagée. Il existe donc de bonnes langues : celles qui sont transmises et sont chevillées au corps, celles qui construisent les identités à travers les soubresauts de l’histoire, celles qui sont parlées dans les foyers, dans la rue, et parfois dans les cours d’école. Il est essentiel qu’elles s’installent désormais sur les bancs de l’école des territoires ultramarins afin de célébrer et de mettre à l’honneur les identités multiculturelles qui font les forces de notre pays. Nos identités passent par les langues qui existent sur les territoires de France.

La langue est considérée comme un enjeu politique, notamment par le Président de la République qui a inauguré la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts en octobre dernier. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous soutenons ce texte. Mais la langue représente aussi un enjeu éducatif pour les enfants. Selon toutes les connaissances neurocognitives, le plurilinguisme est bénéfique au développement du cerveau de l’enfant, permettant d’améliorer ses capacités de compréhension et de mémorisation. Il ne manque pas d’études neurocognitives pour démontrer que le bilinguisme est une richesse et un facteur de réussite pour les enfants qui parlent français et une autre langue comme le tahitien, le créole martiniquais, le shimaorais, le créole réunionnais, le nemi ou le shibushi. C’est un instrument de lutte contre le décrochage scolaire et l’illettrisme, qui permet de respecter les aspirations et les choix de vie de ces enfants. Le bilinguisme est précieux, un avantage pour chacun et chacune.

Cette proposition de loi vient s’ajouter aux progrès considérables qui ont été accomplis au cours des dernières années en faveur de la reconnaissance des langues régionales. Il y a quelques décennies, il était inimaginable de parler créole à l’école. Cette dynamique doit être poursuivie, mais aussi accompagnée de moyens et de changements concrets et profonds quant à l’enseignement des langues régionales dans les territoires ultramarins. Nous devons créer des filières, des licences, des masters, des doctorats et des concours dédiés à ces langues. Sans moyens, ce texte restera lettre morte.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). J’étais assis à cette même place, près du même collègue, quand Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, s’est dit favorable à l’enseignement des langues régionales. Mon âme créole a souri ce jour-là, heureuse de voir ma langue maternelle et paternelle, héritage de mes parents, reconnue au sommet de l’État. C’est alors qu’est née l’idée de déposer cette proposition de loi.

Ce texte aurait pu s’intituler « proposition de loi visant à lutter contre l’illettrisme et le décrochage scolaire par le biais des langues et cultures régionales. » Nous priver de notre langue et de notre culture régionale dans l’école, c’est une façon peut être maladroite ou involontaire de nous plonger dans le mutisme. La langue maternelle et paternelle est celle de la spontanéité, caractéristique que Google associe à l’apprentissage et à la motivation chez l’enfant, notamment dans le jeu où il est à la fois concepteur et réalisateur. Nous priver de notre spontanéité revient à nous plonger dans le mutisme, parfois tout le long de notre vie. J’ai été moi-même en décrochage scolaire, et c’est par le biais de groupes réunionnais comme Ziskakan et Danyèl Waro que j’ai découvert la formidable poésie qui m’a sauvé, la belle littérature de Georges Brassens. Et je ne suis pas ici un imbécile heureux qui est né quelque part, pour paraphraser ce poète.

Nous avons besoin de ces langues comme outil, passerelle pour mieux parler la langue de la République et nous faire comprendre. Il est arrivé à La Réunion que l’on demande aux enfants de lire une recette de tartiflette, d’en faire une étude de texte, de reconnaître le fromage utilisé. On ne mange pas de tartiflette à La Réunion – j’en ai mangé pour la première fois il y a deux ou trois ans. L’anecdote peut prêter à sourire, mais elle montre que l’enseignement passe par l’attachement à une langue et aussi à une culture régionale. Si l’on demande à un singe et à un poisson de grimper en haut d’un arbre, on trouvera toujours le singe intelligent et le poisson idiot. Si l’on nous demande toujours de réfléchir dans la culture de l’autre, différente car éloignée géographiquement de la nôtre, on sera toujours l’idiot, le décrocheur. Or chaque décrocheur est potentiellement un raccrocheur par le biais de la langue créole ou d’une autre langue régionale. Si la langue française est le soleil, les langues créoles sont la lune, et nous avons besoin des deux pour éclairer la réussite des enfants de nos écoles. (Applaudissements.)

Mme Béatrice Descamps (LIOT). La proposition de loi part du constat d’un plus fort taux d’échec scolaire dans les académies d’outre-mer. Cette situation résulte de nombreux facteurs, comme indiqué dans le rapport d’information de la délégation aux outre-mer sur l’enseignement dans les outre-mer dans les territoires en dépression démographique, dont notre collègue Max Mathiasin était corapporteur. Les conditions d’enseignement y sont plus difficiles en raison notamment de l’insuffisance des moyens humains, financiers et matériels. Le taux de décrochage scolaire est plus élevé que la moyenne nationale, malgré les progrès récents. La corrélation entre l’échec scolaire et l’illettrisme est régulièrement mise en avant.

Dans les académies de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion, la majorité des élèves pratiquent pourtant le créole à la maison, un bilinguisme de fait, dès le plus jeune âge, qui devrait être un atout mieux utilisé comme levier dans les apprentissages, notamment dans la maîtrise du langage et du français.

Notre groupe est convaincu de l’importance et de la richesse des langues régionales. Les atouts du bilinguisme ne sont plus à prouver. L’exposition précoce à une langue favorise son apprentissage efficace et la flexibilité cognitive de l’élève qui aura ainsi plus de facilité à apprendre une autre langue vivante. Les études réalisées outre-mer montrent qu’un enseignement s’appuyant sur la langue créole permettait un meilleur transfert des compétences et une plus grande assimilation des savoirs.

C’est l’une des raisons qui avaient poussé notre collègue Paul Molac à déposer une proposition de loi en 2021. Les langues régionales sont désormais officiellement reconnues comme un trésor national dont la valeur patrimoniale doit être protégée. Malheureusement, leur pratique diminue. Si la loi « Molac » a constitué une grande avancée, il reste du chemin à parcourir pour qu’elles soient plus et mieux enseignées.

Les auteurs de la présente proposition de loi rappellent à juste titre que le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) existe pour le créole mais pas pour les autres langues régionales parlées dans les collectivités d’outre-mer. En outre, le Capes bivalent n’offre pas assez de places, ce qui peut nuire à l’enseignement des langues régionales. Or ses locuteurs ne peuvent pas totalement s’approprier une langue, qui ne s’apprend pas à l’école et qui ne s’entend pas dans la vie quotidienne des citoyens.

Au groupe LIOT, nous pensons qu’il faut envisager une modification de la Constitution afin de favoriser l’enseignement et la protection des langues régionales. En attendant, nous sommes favorables à ce texte visant à faire en sorte que les langues régionales soient enseignées dans les établissements scolaires tout au long de la scolarité dans les académies d’outre-mer. Cela étant, nous nous interrogeons sur son caractère obligatoire, ainsi que sur les moyens à déployer pour le rendre effectif. Rappelons qu’en dépit de la généralisation de l’enseignement des langues régionales à tous les élèves d’un territoire qui le souhaitent, inscrite dans la loi « Molac », aucun moyen supplémentaire permettant d’atteindre cet objectif n’a été engagé à ce jour.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je redonne la parole à notre collègue Frédéric Maillot qui, sous le coup de l’émotion, n’a épuisé ni son argumentaire ni son temps de parole.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). En fait, je voulais remercier mon collègue Steve Chailloux. En une seule phrase, je vais répondre à ceux qui s’étonnent qu’il soit le rapporteur d’une proposition de loi que j’ai déposée : tout seul on va vite, mais ensemble on va loin. Merci à Steve, à notre collègue Mme Piron et à tous mes collaborateurs.

M. Steve Chailloux, rapporteur. Vous ayant écoutés attentivement, chers collègues, je vous remercie pour la qualité et la bienveillance de vos interventions, quel que soit votre groupe politique d’appartenance. En tant qu’enfant d’outre-mer, Océanien et Tahitien, je suis particulièrement touché par cette approche bienveillante à l’égard d’un sujet éminemment important pour les outre-mer.

Vous manifestez des craintes légitimes concernant la constitutionnalité du caractère obligatoire de cet enseignement, que je m’efforcerai de lever lorsque nous en viendrons à l’examen des amendements. Alors que d’aucuns estiment que nous aurions dû aller plus loin et être plus ambitieux, je soulignerais que notre ambition se lit précisément dans le caractère obligatoire de cet enseignement. Mais une proposition de loi ne peut pas régler tous les problèmes que nous rencontrons outre-mer. Avec Frédéric Maillot et Béatrice Piron, nous voyons celle-ci comme une pierre sur le chemin vers l’apprentissage et la valorisation de ces langues régionales.

Merci également d’avoir saisi l’esprit de ce texte : il ne s’agit pas d’opposer les langues, de chercher à mettre en danger la langue de la République, le français. C’est même le contraire car, comme vous l’avez tous souligné, le multilinguisme facilite la cognition et l’acquisition d’autres langues, notamment le français. Ma langue maternelle, le tahitien, m’a servi de porte d’entrée vers le français. Loin d’avoir une position communautariste dans le domaine linguistique, nous voulons favoriser la réussite scolaire de nos enfants d’outre-mer, mais aussi permettre à ceux d’entre eux qui ne maîtrisent pas totalement le français, de se servir de la langue régionale – maternelle, quotidienne, dans laquelle ils vivent leurs concepts autochtones – pour entrer dans une autre langue. Qu’est-ce qu’une langue ? C’est une manière particulière d’appréhender le monde. Le français, l’anglais, le tahitien ou le créole sont des mondes, des richesses. Merci, madame Bellamy, d’avoir dit de nos langues régionales qu’elles sont des joyaux. Nos langues, y compris le français, sont des joyaux pour la République.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Sophie Blanc (RN). Certains points précis et importants ne sont pas abordés dans le texte, tels que le recrutement et la formation des professeurs, ainsi que le matériel pédagogique dont ils disposeront. Que cet enseignement soit obligatoire ou facultatif – comme nous le souhaitons –, le nerf de la guerre sera le budget, d’autant que le recrutement de professeurs dans les matières principales se heurte déjà aux faibles salaires offerts dans l’Éducation nationale. Quel budget serait nécessaire pour atteindre vos objectifs ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). ’Ia ora na, monsieur le rapporteur. Seulement une partie de l’histoire de France est enseignée à l’école. Pout une large part, les histoires de France et surtout les histoires de nos territoires dits d’outre-mer se transmettent de façon orale, véhiculant un patrimoine à la fois historique et linguistique. Si le bilinguisme est une chance donnée aux élèves, il est aussi indispensable à la réussite des jeunes dans leur parcours scolaire, ne serait-ce que pour mieux apprendre le français. À cet égard, il est bien plus efficace que l’interdiction de la langue régionale, souvent maternelle, qui fut imposée en Bretagne et dans les outre-mer.

À La France insoumise, nous nous inquiétons aussi de la perte du nombre de locuteurs de nos langues vivantes, dans un monde de plus en plus numérique. Cette perte de locuteurs se traduit aussi par une invisibilisation numérique, pouvant conduire à une disparition pure et simple de langues, avec tout ce qu’elles représentent d’histoires et de liens entre les gens. Avez-vous envisagé une suite à cette proposition de loi, afin que l’histoire des territoires d’outre-mer soit enseignée partout en France ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Dans votre rapport, vous évoquez le recrutement d’enseignants par le concours du Capes, mais vous omettez d’évoquer l’agrégation de créole. Ce récent concours de l’agrégation de créole, particulièrement attendu, a produit deux premiers lauréats en 2020. L’obligation de proposer un enseignement de langues régionales dans les établissements secondaires nécessiterait des recrutements importants pour assurer son effectivité. Afin de préserver la sélectivité des concours, il pourrait être intéressant d’étaler les recrutements sur plusieurs années, avec une montée en charge progressive des enseignements. Ne conviendrait-il pas de différer l’entrée en vigueur de cette obligation d’enseignement, afin de tenir compte de ces contraintes de recrutement ?

M. Alexandre Portier (LR). Attachés à la transmission de notre histoire et de notre culture, nous sommes évidemment favorables à la défense et à l’apprentissage des langues régionales. En revanche, j’aimerais avoir des éclairages sur les questions matérielles en suspens. Quel nombre d’heures d’enseignement vous semble-t-il approprié pour ces langues régionales ? Quelle place faut-il leur accorder dans les emplois du temps, lieu de bataille en primaire et au collège tant il est difficile d’y faire cohabiter toutes les missions que l’on attend de l’école ? Ne serait-il pas plus judicieux de se focaliser d’abord sur le primaire, moment du cursus scolaire crucial dans la lutte contre l’illettrisme, dont vous avez fait l’un des objectifs de cette proposition de loi ? Ne vaudrait-il pas mieux rendre cet apprentissage facultatif plutôt que systématique ? Il existe des classes bilingues dans certains départements d’outre-mer où le taux d’illettrisme reste pourtant élevé, ce qui monte qu’il n’y a pas de baguette magique éducative.

M. Maxime Minot (LR). Les parents souhaitent privilégier l’apprentissage du français pour accroître les chances de réussite de leurs enfants, même si les études montrent que l’absence de prise en compte des langues parlées par les élèves a été identifiée comme l’une des raisons majeures de l’échec scolaire, voire d’un taux d’illettrisme important, notamment en outre-mer. On attend également de ces jeunes qu’ils participent activement à la survie de leur langue régionale, dont certaines sont menacées d’extinction. Il faut donc mettre en place un enseignement bilingue équilibré, ce qui nécessite des moyens. L’enseignement des langues régionales faitt face à de nombreux défis : le manque de matériel pédagogique adapté et d’enseignants formés ; la difficulté de standardiser des langues majoritairement orales ; le nécessaire renforcement des politiques locales. Comment ce texte répond-il à ces différentes problématiques ?

M. Steve Chailloux, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, nous allons revoir la voilure de ce texte, en le focalisant sur le premier degré, lieu de structuration, où les enseignants sont déjà locuteurs ou formés dans ces langues.

Chère collègue Amiot, nous aimerions intégrer les cultures et les histoires des outre‑mer dans le socle commun de l’enseignement de l’Éducation nationale car, vous avez totalement raison, on ne peut pas dissocier langues, cultures et histoires. Cela fera certainement l’objet d’une prochaine proposition de loi. Nous avançons pas à pas.

Merci, madame Anthoine, de parler de l’agrégation, qui existe depuis deux ou trois ans pour le tahitien comme pour le créole. En tant qu’Océaniens et Tahitiens, nous souhaiterions qu’il y ait beaucoup plus de postes offerts, mais cela soulève un problème budgétaire qui nous contraint, là encore, à réduire la voilure.

Vous me demandez quel nombre d’heures d’enseignement serait approprié, monsieur le député Portier. Les situations étant tellement disparates, nous préférons renvoyer à un décret qui précisera les choses au cas par cas, académie par académie, région par région. Vous avez raison de souligner que le programme est déjà chargé. Aussi allons-nous retourner sur le terrain pour discuter avec les recteurs d’académie, qui sont d’ailleurs tous favorables à notre proposition de loi.

Monsieur le député Minot, il me semble avoir répondu indirectement à votre question.

 

Article 1er : Obligation pour les établissements scolaires des académies d’outre-mer de proposer un enseignement de langue régionale

Amendements identiques AC8 de Mme Béatrice Piron et AC10 de Mme Sophie Mette, sous-amendement AC11 de M. Frédéric Maillot

Mme Béatrice Piron (RE). À la suite de nos auditions, j’ai rédigé cet amendement en concertation avec le rapporteur. Afin de promouvoir et de préserver les langues et cultures régionales en usage sur les territoires d’outre-mer, nous voulons en assurer l’enseignement dans le parcours éducatif du premier degré des élèves, contribuant ainsi à la valorisation et à la transmission du patrimoine culturel local tout en favorisant leur réussite scolaire.

Cette priorité particulière donnée aux établissements du premier degré, c’est-à-dire aux écoles maternelles et élémentaires, permet de garantir une familiarisation précoce et continue des jeunes élèves avec leur patrimoine culturel. Cette approche précoce est essentielle pour ancrer profondément ces connaissances et pratiques dans la conscience des élèves dès leur jeune âge. Par la suite, les élèves auront l’opportunité de renforcer et d’approfondir leurs compétences et connaissances tout au long de leur parcours éducatif.

Pour garantir une mise en œuvre cohérente et structurée de ce dispositif, un décret est prévu afin de mettre en place un cadre fonctionnel permettant l’enseignement des langues régionales dans les établissements scolaires d’outre-mer. Ceci inclut non seulement les établissements qui sont en mesure de proposer directement cet enseignement, mais aussi, par le biais d’un échange de services, ceux qui ne pourraient pas le faire de manière autonome alors qu’ils le souhaiteraient.

Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe Démocrate partage l’objectif de ce texte, considérant que les langues et cultures régionales sont à la fois une richesse et un pont vers l’apprentissage de la langue française et la réussite scolaire des élèves.

Cependant, si l’enseignement des langues régionales est permis à des fins de valorisation et d’apprentissage, il apparaît qu’il ne peut être rendu obligatoire d’un point de vue constitutionnel. Dès lors, cet amendement vise à laisser aux établissements la possibilité de dispenser des enseignements dans les langues et cultures régionales en usage dans les académies d’outre-mer, mais sans le leur imposer.

Il propose également de se concentrer sur les écoles maternelles et élémentaires, qui constituent le public d’élèves prioritaires. Il apparaît en effet primordial de concentrer nos moyens sur le premier degré pour une mise en œuvre efficace et rapide du dispositif, avant d’envisager une extension dans un second temps.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). La réécriture proposée de la proposition de loi va dans le sens d’une meilleure réussite des élèves ultramarins. Il convient donc de préciser que cette réussite passe par un enseignement des langues régionales au sein de toutes les écoles maternelles et élémentaires. Certains réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) ne bénéficient pas de cette option bilingue alors que l’on y constate le plus fort taux d’illettrisme et de décrochage scolaire. L’ajout du mot « toutes » peut vous sembler anodin, mais je rappelle que l’avenir du parcours des élèves se joue dans les classes de CP, CE1 et CE2.

M. Steve Chailloux, rapporteur. Ces amendements sont absolument indispensables et j’y suis évidemment favorable.

Les auditions ont montré qu’il est important de mentionner de manière explicite que l’enseignement des langues régionales doit demeurer facultatif. Tel est l’objet de ces amendements de réécriture, qui permettent d’éviter un risque d’inconstitutionnalité.

Ils précisent par ailleurs que le dispositif concerne les langues régionales en usage sur les territoires des académies d’outre-mer. C’est une précision de bon sens.

Enfin, l’article sera applicable seulement dans l’enseignement du premier degré, lequel est primordial pour atteindre les objectifs fixés : lutter contre l’illettrisme et le décrochage scolaire grâce à l’enseignement de la langue régionale. C’est vraiment au cours de ces premières années de scolarité que se joue l’essentiel.

Bien sûr, nous préférerions que les langues régionales soient une matière enseignée dans tous les établissements scolaires des académies d’outre-mer tout au long de la scolarité. Mais nous sommes aussi réalistes et conscients des contraintes budgétaires. Il faut également prendre en compte les difficultés liées à la formation des enseignants, en particulier dans le second degré.

Nous souhaitons avancer collectivement, afin d’obtenir de premiers résultats efficaces plutôt que d’adopter des mesures symboliques. C’est pourquoi ces amendements constituent un compromis acceptable, sous réserve bien entendu d’étudier dans un second temps l’extension du dispositif aux établissements du second degré.

Avis favorable au sous-amendement, qui indique que le dispositif concerne toutes les écoles maternelles et élémentaires. Même si cette précision n’est pas indispensable d’un point de vue juridique, elle sera néanmoins bienvenue pour garantir la bonne application du texte.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Ces amendements montrent ce qui nous sépare, mais qui va pourtant nous réunir.

Concentrer l’effort sur l’enseignement du premier degré souligne l’intérêt de la mesure pour la réussite dans l’apprentissage du français. Et quand bien même l’apprentissage des créoles n’y contribuerait pas, cela ne pourrait être retenu comme un argument pour s’opposer à ce dispositif. Le fait d’apprendre ces langues apporte beaucoup et ne saurait être réduit à un moyen d’accéder à la langue de la République. C’est aussi une possibilité pour les élèves de se référer à une culture et à leur histoire – que la République a parfois tenté d’effacer, y compris avec les pires violences.

En disant cela, il ne s’agit pas de demander réparation mais simplement de prendre acte que la France est diverse. D’une certaine manière, le français est une langue régionale de l’Europe. D’ailleurs, beaucoup de pays en Europe pratiquent le bilinguisme et défendent la cohabitation de différentes langues, car elles sont toutes issues d’une histoire.

Nous serons très attentifs aux moyens qui seront consacrés au dispositif dans le projet de loi de finances, mais il ne faut pas affaiblir dès à présent la portée de la proposition. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera en faveur du sous-amendement et s’abstiendra sur les amendements.

Mme Cécile Rilhac (RE). À rebours de mon collègue Arenas, je suis extrêmement favorable à ces amendements qui offrent une faculté sans imposer d’obligation.

Il est important de ne pas confondre les langues régionales ultramarines et la langue maternelle. Les intervenants en langue maternelle (ILM) permettent d’ores et déjà de travailler davantage en classe dans la langue maternelle, en particulier en Guyane, à Mayotte et en Polynésie. Il faut, certes, proposer de pratiquer les langues dans le cadre de l’enseignement des langues et cultures régionales, mais il faut aussi maintenir les ILM, qui permettent de lutter contre l’illettrisme des élèves allophones.

Or la généralisation de l’enseignement des langues régionales pourrait mettre à mal l’activité des ILM ; c’est la raison pour laquelle je suis plutôt défavorable au sous-amendement.

M. Roger Chudeau (RN). Le groupe Rassemblement national votera pour ces amendements et pour le sous-amendement.

L’enseignement du premier degré est en effet un choix pertinent, car c’est le lieu de l’apprentissage du français, langue véhiculaire de toutes les matières enseignées. Passer par le créole est sans aucun doute un élément qui facilite cet apprentissage.

Ensuite, nous sommes très sensibles à l’argument du rapporteur selon lequel les professeurs du premier degré parlent souvent la langue vernaculaire. Étant bilingues, ils sont parfaitement compétents pour utiliser les deux leviers.

Enfin, le premier degré étant bien organisé en ce qui concerne la formation continue, il n’y a pas de difficulté pour former ses professeurs, alors que cela serait sans doute un problème insoluble dans le second degré en l’état actuel du budget.

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous ne faisons pas partie de ceux qui considèrent que le plurilinguisme peut être un obstacle à l’apprentissage. On constate même généralement que cela contribue plutôt à la qualité des parcours scolaires, quand les fondamentaux sont bien acquis.

Malheureusement, comme l’a très bien souligné ma collègue Emmanuelle Anthoine, ce texte ne prévoit rien en matière de formation des enseignants. Or, dans toutes les régions, que ce soit outre-mer ou en métropole, la pratique des langues régionales a tendance à diminuer dans les familles. Imposer du jour au lendemain que tous les enseignants soient en mesure d’intervenir dans la langue régionale est pour le moins chimérique. Il faut être très vigilant, car le mieux est parfois l’ennemi du bien. Il conviendrait donc probablement d’adopter une démarche beaucoup plus progressive et de s’appuyer sur des projets d’établissement.

M. Inaki Echaniz (SOC). Notre groupe votera pour ces amendements et le sous‑amendement, afin de soutenir la démarche du rapporteur et de permettre l’adoption de ce texte.

Je souligne toutefois que le dispositif ne concernera que la maternelle et l’élémentaire. Il faudra prévoir le plus rapidement possible de l’étendre à l’ensemble de l’enseignement secondaire.

Lors des débats en séance sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, nous avons été plusieurs à mettre en avant l’incohérence qui consiste à permettre un enseignement bilingue dans certains lycées tout en maintenant les examens en français. Surtout, il n’est pas possible de suivre un enseignement en langue régionale dans les lycées, notamment agricoles. Il n’est pas logique de permettre cet enseignement à l’école primaire et au collège, puis de dire aux élèves, au moment de leur entrée au lycée, qu’ils ne doivent plus utiliser la langue qu’ils parlent en famille ou dans leur exploitation agricole.

Une réflexion devra donc être menée aussi bien sur l’enseignement des langues régionales des outre-mer que sur celles de la métropole.

Mme Béatrice Piron (RE). Je comprends très bien le souhait d’accélérer de l’auteur du sous-amendement et du rapporteur. Cependant, depuis l’adoption de la loi « Molac », l’article L. 312-11-2 du code de l’éducation dispose déjà que « […] la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves ».

Face au petit risque d’inconstitutionnalité lié à la demande de généralisation, le groupe Renaissance préfère s’abstenir sur le sous-amendement.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Puisque la question de la formation des professeurs a été évoquée, je vais mentionner des chiffres. Ils ne sont ni de droite ni de gauche, mais ils disent très souvent la vérité. À La Réunion, on compte 496 professeurs des écoles, 32 capésiens et 2 agrégés habilités à enseigner en langue régionale créole. On voit bien que les professeurs des écoles sont particulièrement conscients de la nécessité et de l’efficacité de l’enseignement bilingue.

Tant que l’enseignement en langue régionale restera une option, une partie de nous‑mêmes et de notre âme créole demeurera également une option. C’est préjudiciable à la République. Je ne vois pas pourquoi les langues régionales resteraient optionnelles alors que l’anglais, l’allemand ou l’espagnol sont obligatoires. Jusqu’à preuve du contraire, le créole est plus proche du français que ne l’est l’anglais.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je ne pourrai pas participer au vote car j’ai changé temporairement de commission, mais je suis favorable aux amendements et au sous‑amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AC5 de Mme Julie Lechanteux et AC1, AC3 et AC4 de M. Roger Chudeau tombent.

 

 

Après l’article 1er

Amendement AC9 de Mme Béatrice Piron

Mme Béatrice Piron (RE). Cet amendement souligne la nécessité d’évaluer et d’analyser les pratiques en matière d’enseignement des langues régionales, d’enseignement plurilingue ou d’enseignement dans les langues régionales dans les territoires d’outre-mer. Cette évaluation doit permettre de connaître l’état actuel de ces pratiques et leur évolution récente, ainsi que leur effet sur la réussite des élèves.

Pour ce faire, le Gouvernement présentera un rapport exhaustif au Parlement dans un délai de dix-huit mois après la promulgation de la loi. En effet, la situation est très différente selon les académies et nous souhaitons favoriser la diffusion des bonnes pratiques.

M. Steve Chailloux, rapporteur. Avis favorable. Un tel rapport est nécessaire pour disposer de données récentes et objectives sur l’effet de l’enseignement des langues régionales sur la réussite scolaire, en distinguant selon les modalités retenues – enseignement d’une langue régionale ou enseignement bilingue en langue régionale.

Le cas échéant, ce document permettra d’évaluer les conséquences de la généralisation de l’enseignement des langues régionales dans le premier degré et la pertinence de son extension au second degré.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je trouve que l’avis du rapporteur est incroyablement doux et constructif. En réalité, compte tenu du délai prévu – dix-huit mois après la promulgation de la loi –, le rapport ne pourra pas porter sur une année scolaire complète. Nous devons faire très attention à la qualité des textes que nous proposons ; or je ne vois pas comment cet article additionnel pourrait être appliqué en respectant un tel calendrier.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Notre groupe votera pour cet amendement. Il est assez savoureux de noter qu’il est présenté par un groupe qui s’oppose systématiquement à nos demandes de rapports gouvernementaux au motif qu’ils sont inutiles…

Mme Béatrice Piron (RE). Les enseignements en langue régionale sont pratiqués depuis des années dans certaines académies, ce qui permettra d’en mesurer rapidement les effets. Des évaluations ont montré qu’en Polynésie les élèves en cours préparatoire dans des écoles bilingues maîtrisent mieux le français au bout de six mois que ceux scolarisés dans les écoles non bilingues. C’est donc très efficace.

Au-delà de l’enseignement de la langue régionale proprement dite, on peut aussi enseigner des matières en langue régionale. Les élèves, alors, comprennent mieux puisqu’il s’agit souvent de leur langue maternelle.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 : Gage

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition modifiée.

(Applaudissements.)

 

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/XyS4t5 

–Texte comparatif : https://assnat.fr/lKp9ih 

 

 


–– 1 ––

   ANNEXE :
Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

        M. Ronny Teriipaia, ministre de l’éducation et de l’enseignement supérieur de Polynésie française

        Mme Aurélie Béton, doctorante en linguistique 

        Ministère de la Culture – Délégation à la langue française et aux langues de France – M. Paul Petit, délégué général adjoint, M. Vincent Lorenzini, chef de la mission langues de France et outre-mer, et Mme Valelia Muni Toke, chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, coordinatrice du Conseil scientifique de l’observatoire des pratiques linguistiques

        Fédération pour les langues régionales dans l’enseignement public (FLAREP)  M. Thierry Delobel, président (basque), M. Alà Baylac-Ferrer (catalan), Mme Martine Ralu (occitan), M. Guillaume Aribaud (créole réunionnais)

      Table ronde de recteurs d’académie d’outre-mer :

 Académie de Martinique  Mme Nathalie Mons, rectrice, et Mme Valérie Hannibal, inspectrice de l’Éducation nationale

 Académie de Guadeloupe  Mme Christine Gangloff-Ziegler, rectrice

 Académie de Mayotte – M. Jacques Mikulovic, recteur, et M. Gilles Coignus, adjoint au directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen)

 Académie de La Réunion  Mme Karine Darlay, adjointe au Dasen

 Académie de Guyane  M. Guiseppe Innocenti, adjoint au Dasen

        Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – M. Laurent Bergez, chef du bureau des contenus pédagogiques et des langues

        Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – Direction des affaires juridiques (DAJ) – M. Victor Lespinard, sous-directeur

        Mme Véronique Bertile, maître de conférences en droit public à l’université de Bordeaux

 


([1]) L’alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le flamand occidental, le francique (sous ses différentes formes : francique luxembourgeois, francique mosellan, francique rhénan), le francoprovencal, les langues d’oïl (bourguignon-morvandiau, champenois, franc-comtois, gallo, lorrain, normand, picard, poitevin-saintongeais, wallon), l’occitan (sous ses différentes formes : auvergnat, gascon, languedocien, limousin, provençal, vivaro-alpin), les parlers du croissant et les parlers liguriens.

([2]) Rapport d’information n° 4204 (XVe législature) fait au nom de la délégation aux outre-mer sur l’enseignement dans les Outre-mer dans les territoires en dépression démographique par MM. David Lorion et Max Mathiasin et Mmes Danièle Obono et Cécile Rilhac, Assemblée nationale, juin 2021.

([3]) La version précédente de l’article disposait simplement que « Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. »

([4]) Rapport n° 176 (2020-2021) de Mme Monique de MARCO, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Sénat, 2 décembre 2020.

([5]) Mme Véronique Bertile, « Les langues des Outre-mer : de quel(s) droit(s) ? », Langues et cité, bulletin de l’observatoire des pratiques linguistique, n° 31, 2022.

([6]) Mme Véronique Bertile, « Les langues des Outre-mer : de quel(s) droit(s) ? », art. cit.

([7]) ONU, Les avantages d’une éducation bilingue, 20 février 2023, https://unric.org/fr/les-avantages-dune-education-bilingue/

([8]) Audition de M. Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, 17 octobre 2023 (compte-rendu n° 6, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion-cedu/l16cion-cedu2324006_compte-rendu#)  

([9]) Rapport d’information n° 4204 (XVe législature), précité.

([10]) M. Laurent Brisset, Mme Antonella Durand, M. Yves Bernabé, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, Rapport à M. le directeur général de l’enseignement scolaire, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’outre-mer et à Wallis et Futuna, décembre 2020.

([11])  Rapport d’information n° 4204 (XVe législature), précité.

([12])  https://assnat.fr/sXDvbq