N° 2644
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la Convention des Nations unies pour le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ)
PAR M. Jimmy PAHUN
Député
——
AVEC
LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro : 2628
SOMMAIRE
Pages
2. L’accord BBNJ est issu d’un long processus de négociations
1. Des négociations ralenties par la persistance de clivages structurants
2. Des négociations ouvertes incluant un grand nombre d’acteurs
3. Une impulsion française et européenne décisive
II. UN accord ambitieux qui a su trouver un Équilibre satisfaisant entre de multiples enjeux
A. Les principales dispositions du texte
2. La création d’outils de gestion par zone, y compris les aires maritimes protégées
3. L’évaluation de l’impact sur l’environnement des activités humaines
4. Le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines
5. L’articulation de l’accord avec les autres instruments juridiques existants
B. Les Dispositifs institutionnels
2. L’organe scientifique et technique
C. Les moyens mobilisés pour sa réussite
1. Le règlement des différends
2. La science, une composante essentielle de l’accord
3. Le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de l’accord
4. Les moyens financiers associés
III. Les conditions À une mise en œuvre effective de l’accord
A. Encourager une RATIFICATION rapide par un nombre Élargi d’États
1. Les enjeux d’une ratification rapide
2. La mobilisation de tous les moyens possibles pour dynamiser le processus
1. Des modifications du droit interne sont rendues nécessaires par la ratification de l’accord
a. Sur les ressources génétiques marines et les connaissances traditionnelles associées
b. Sur les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées
c. Sur les évaluations d’impact environnemental
d. La présentation d’une déclaration sur le fondement de l’article 67
1. La mise en place d’une commission préparatoire et de groupes de travail thématiques
2. La mobilisation de moyens financiers pertinents
ANNEXE N° 1 : TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres
ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
Le 25 novembre 2021, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de résolution n° 4528 pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan présentée par Maina Sage, députée de la Polynésie française, et le rapporteur. L’Assemblée y souhaitait la réussite de la négociation de l’accord international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, dit « BBNJ » (son acronyme anglais pour Biological diversity of areas Beyond National Jurisdiction), visant à protéger la haute mer, les grands fonds marins et leur biodiversité.
Espace de liberté, de rêverie et de conquête aux enjeux commerciaux, économiques, culturels et stratégiques de premier plan, désormais au cœur des considérations environnementales, l’océan, qui couvre 70 % de la surface de la planète, est vital pour l’avenir de la Terre. Sa protection est indissociable de la lutte contre le changement climatique : d’une part, du fait des conséquences graves associées à l’acidification, au réchauffement et à la désoxygénation, ainsi qu’à la montée des eaux ; d’autre part, au regard de son rôle dans la régulation du climat grâce à l’absorption de l’excès de dioxyde de carbone (CO2). L’océan a également une fonction nourricière pour de nombreuses communautés, 60 % de la population mondiale vivant à moins de 60 kilomètres des côtes. Il constitue ainsi le support de multiples activités sociales, économiques et culturelles.
La France est une grande nation maritime et littorale, en particulier grâce à ses territoires d’outre-mer qui représentent 97 % de sa zone économique exclusive (ZEE) ([1]). Forte de ses 18 000 kilomètres de littoraux, 75 % de ses approvisionnements et de ses exportations empruntent la voie maritime – la moyenne mondiale est de 80 % – quand 95 % des échanges d’information à destination ou en provenance de notre pays transitent par des câbles sous-marins. Présente dans le Pacifique, l’océan Indien, l’Atlantique et en mer Méditerranée, la France possède la deuxième ZEE au monde, ce qui lui confère une responsabilité particulière, tout en justifiant qu’elle mène une action internationale dynamique, à l’avant‑garde pour la protection de ces espaces.
Tel est le sens de la diplomatie maritime au cœur de la diplomatie environnementale de notre pays. Après l’organisation du One Ocean Summit à Brest, en février 2022, la tenue de la future conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC) à Nice, en juin 2025, témoigne de cet engagement.
Fidèle à cette conviction, la France s’est pleinement investie dans les négociations ayant permis l’élaboration de l’accord BBNJ, texte majeur pour l’avenir des océans. Il convient de souligner le soutien, tout au long des négociations, de l’ensemble de la communauté maritime française et, plus généralement, le rôle quotidien joué par nombre d’acteurs économiques, environnementaux et scientifiques pour protéger l’océan. La France est riche de cet écosystème et lui doit aussi son statut de puissance maritime.
Après deux décennies de pourparlers engagés en 2004, dont quatre années de négociations formelles, les 193 États membres des Nations Unies se sont finalement entendus par consensus, le 19 juin 2023, sur un accord juridiquement contraignant. Celui-ci a vocation à renforcer la gouvernance de la haute mer et à mettre en place les outils nécessaires à une protection effective des océans et à une utilisation durable de leurs ressources, de manière coordonnée et articulée avec les autres organisations et instruments compétents.
Ce texte a souvent été qualifié d’« historique » et il l’est à bien des égards. Il symbolise à la fois la réussite de négociations longues et difficiles, récompensant ainsi la ténacité des parties, et un fort niveau d’ambition maintenu malgré la recherche de compromis. Il emportera également des effets bénéfiques pour la protection effective de la haute mer. L’adoption de cet accord ne doit toutefois pas être considérée comme la fin d’un processus mais bien plutôt comme le début d’une dynamique nouvelle pour la coopération et le multilatéralisme au service de la protection et de la préservation des océans. Elle prouve, une fois de plus, que le multilatéralisme, mis à mal sur bien des sujets, fonctionne encore dans le domaine environnemental.
Il existe un enjeu à la ratification rapide de cet accord, puisque soixante ratifications sont nécessaires pour permettre son entrée en vigueur, que la France espère effective avant l’UNOC. Il pourra ainsi pleinement contribuer à la réalisation de l’objectif de protection de 30 % des mers et de 30 % des terres d’ici à 2030 (30 x 30), adopté lors de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) en décembre 2022. Notre pays doit montrer l’exemple et amener dans son sillage autant d’États que possible.
C’est tout le sens du projet de loi n° 2628 autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, dont l’Assemblée nationale est saisie.
I. la nécessité de perfectionner le cadre juridique de la gouvernance océanique pour faire face aux atteintes à la biodiversité de la haute mer et des grands fonds marins
L’accord BBNJ vient remédier aux limites du cadre juridique de la gouvernance océanique existant, qui découlent à la fois d’un défaut d’application de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) et de dispositions lacunaires. Son adoption, qui doit beaucoup à la France et à l’Union européenne, confère une protection supplémentaire aux eaux internationales.
A. Un cadre Établi par la convention des nations unies sur le droit de la mer, qui s’est rÉvÉlÉ inadaptÉ pour assurer la protection des eaux ne relevant pas de la juridiction nationale
1. La multiplication des risques pesant sur les espaces maritimes internationaux justifie l’adoption d’un accord apte à mieux les protéger
La conclusion de l’accord BBNJ représente un développement historique important du cadre juridique applicable aux océans, jusqu’alors défini par la CNUDM, adoptée en 1982 à Montego Bay (en Jamaïque) et entrée en vigueur en 1994 ([2]). Remplaçant et complétant les quatre conventions de Genève ([3]) adoptées lors de la première conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, la CNUDM est considérée comme une véritable « Constitution » des mers et des océans.
Les États parties à la Convention de Montego Bay
Source : IDDRI.
L’accord BBNJ a vocation à s’appliquer aux grands fonds marins et à la haute mer, c’est-à-dire des eaux situées au-delà des ZEE des États qui peuvent s’étendre jusqu’à 200 milles nautiques des côtes (370 kilomètres) ou, selon les termes de l’article 86 de la CNUDM, « toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux intérieures d’un État, ni dans les eaux archipélagiques d’un État archipel ».
La haute mer
La haute mer figure en bleu clair, au-delà des aires marines comprises dans les limites des 200 miles nautiques (en bleu foncé sur la carte). Source : Seas Around Us.
Les avancées technologiques et scientifiques des vingt dernières années ont permis de montrer que la haute mer et les grands fonds marins, loin d’être vides, abritent des écosystèmes riches et uniques ([4]) – les écosystèmes planctoniques représentent près de 70 % de la vie marine et sont à l’origine de nombreux processus vitaux comme la séquestration du carbone et la production d’oxygène –, encore en grande part inconnus ([5]). Ceux-ci sont particulièrement vulnérables face au développement des activités économiques (pêche hauturière intensive et industrielle ([6]), pêche illégale, exploration des grands fonds marins et transport maritime, dégradation des habitats et pollutions plastiques, chimiques, sonores et lumineuses) au sein des espaces maritimes internationaux. La haute mer représenterait même, selon les données de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 99 % de l’espace maritime habitable.
À titre d’exemple ([7]), le krill, petit crustacé dont les phoques et les baleines consomment plusieurs tonnes par jour, est aujourd’hui menacé. Le krill antarctique (Euphasia superba) fait, en effet, l’objet de toutes les convoitises pour fabriquer les farines animales qui nourrissent les poissons d’élevage et les croquettes d’animaux de compagnie. La Norvège s’est ainsi dotée de navires capables d’aspirer de grands essaims de krills dans une zone très concentrée à l’Ouest de la péninsule antarctique. La Chine a annoncé son intention de construire des bateaux sur le même modèle. Or, le krill est un maillon essentiel des écosystèmes océaniques et joue un rôle désormais reconnu dans la captation du dioxyde de carbone au fond de l’océan austral.
Source : muséum national d’histoire naturelle.
Couvrant presque la moitié de la surface de la Terre, la haute mer fait l’objet d’un régime juridique jusqu’alors défini par la partie VII de la CNUDM marquée par un principe de liberté, principe coutumier du droit de la mer théorisé par Grotius dès le 17ème siècle et cher à l’esprit des années 1980, dominées par la vision d’États navigants souhaitant conserver leur liberté de mouvement et d’action. La France a largement défendu cette philosophie. Ce principe de liberté s’applique, de manière non exhaustive, à la navigation et au survol de la haute mer, à la pêche, à la pose de câbles sous-marins et de pipelines, à la recherche scientifique ou encore à la création d’îles artificielles : ces libertés sont reconnues et consacrées à l’article 87 de la CNUDM. Elles s’exercent toutefois dans un cadre contraint : leur usage doit se faire dans le respect de la capacité des autres États à exercer eux‑mêmes ces libertés (article 87 de la CNUDM). Il doit aussi tenir compte de la nécessité que chaque partie coopère pour exploiter les ressources biologiques de manière durable en assurant une protection du milieu marin (préambule de la CNUDM).
La survenue de nombreuses marées noires et l’activisme des organisations non gouvernementales (ONG) sur les enjeux environnementaux ont permis l’adoption de nouveaux textes visant à prévenir les pollutions de l’environnement marin, déjà encadrées par la partie XII de la CNUDM, et à assurer une meilleure protection du milieu océanique. Ainsi, l’accord des Nations Unies sur les stocks chevauchants de poissons, conclu en 1995, a instauré des restrictions à la liberté de la pêche en haute mer, de manière à mieux préserver les ressources halieutiques menacées par les méthodes de pêche modernes.
Enfin, la CNUDM a défini de grands principes environnementaux s’appliquant à la haute mer, tels que le devoir d’y conserver et gérer les ressources vivantes, l’obligation de protéger et de préserver l’environnement marin, le devoir de préserver les écosystèmes fragiles et les espèces menacées ou encore celui d’empêcher, de limiter et de contrôler la pollution de l’environnement marin. Ceux‑ci sont d’application quasi-universelle, puisque 169 États sont parties à la convention, malgré l’absence notable des États‑Unis, qui refusent de se fermer des opportunités commerciales ou stratégiques tout en mettant en œuvre, dans les faits, nombre de ces dispositions.
Ces principes s’appliquent également aux grands fonds marins internationaux (« la Zone ») situés sous la haute mer et au-delà des plateaux continentaux étatiques. Ceux-ci sont régis – à l’instar de leurs ressources – par le principe de « patrimoine commun de l’humanité » (article 136 de la CNUDM) dont le partage des bénéfices est internationalisé sous le contrôle d’une autorité créée à cet effet : l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM).
Toutefois, ces principes restent d’application limitée du fait de leur dimension très générale et du manque de contrôle existant dans ces espaces éloignés des côtes, au risque de voir se développer des activités illégales comme la pêche non rapportée et non réglementée, parfois au vu et au su des États de pavillon.
La fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer renforce ce phénomène. En effet, de nombreux instruments juridiques ont été négociés en dehors de la CNUDM, aux niveaux régional comme sectoriel : outre l’AIFM, la sécurité et la sûreté du transport maritime ainsi que la prévention de la pollution par les navires relèvent de l’organisation maritime internationale (OMI), tandis que les activités de pêche sont encadrées par les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), actuellement au nombre de seize. S’y ajoutent les nombreuses organisations et commissions de protection de l’environnement marin. Or, si ces instruments sectoriels et géographiques ont le mérite d’exister, ils sont indépendants les uns des autres et agissent sans coordination, au risque de limiter la cohérence de leurs actions et leur portée respective.
Enfin, certaines parties de la CNUDM paraissent quelque peu datées, à l’instar de sa partie XII relative aux pollutions de la haute mer : celles-ci se centrent principalement sur les pollutions aux hydrocarbures, la grande préoccupation des parties au moment de la négociation de la convention, alors que d’autres pollutions sont aujourd’hui très prégnantes et dommageables pour le milieu océanique, qu’il s’agisse des pollutions plastiques, chimiques ou encore bactériennes.
GOUVERNANCE DES ESPACES MARITIMES : deux approches
Cette situation a abouti à un défaut de régulation de l’activité humaine dans la haute mer alors qu’elle constitue une zone de migration et d’habitat essentielle pour de nombreuses espèces.
L’adoption de l’accord BBNJ doit ainsi répondre à cette difficulté en proposant un nouveau cadre juridique applicable à la haute mer et aux grands fonds marins internationaux, qui couvrent 65 % de la surface des océans, 90 % de leur volume et 43 % de la surface totale de la Terre.
La haute mer et les grands fonds marins internationaux, champ d’application de l’accord BBNJ
Le champ d’application de l’accord de 2023 connaît toutefois des limites. L’exploration et l’exploitation des minéraux demeurent réglementées par la CNUDM et le droit dérivé issu de l’AIFM, conformément aux stipulations de la partie XI de la CNUDM. Elles sont donc exclues du champ d’application de l’accord, de même que le secteur militaire aux termes de l’article 4 de l’accord, la pêche, qui reste régie prioritairement par les ORGP, même si celles-ci seront dans les faits impliquées dans la gestion des aires marines protégées en haute mer. L’accord BBNJ s’appliquera, en revanche, à toute autre activité menée sur le plancher océanique et devra donc s’articuler avec le droit dérivé de l’AIFM avec lequel il existe, sur certaines dispositions, un chevauchement des compétences à la fois spatial et temporel.
2. L’accord BBNJ est issu d’un long processus de négociations
Les États membres des Nations Unies ont commencé à s’interroger sur la nécessité de compléter la CNUDM dès le début des années 2000, au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), dans un contexte où l’érosion massive de la biodiversité était déjà dénoncée. Le choix de poursuivre cette réflexion au sein de l’AGNU s’est justifié par l’investissement de cette instance sur les questions liées à la haute mer, dont ses nombreuses résolutions sur les océans et le droit de la mer témoignent. La convention sur la diversité biologique de Montréal réaffirmait ainsi, en juillet 2018, « le rôle central de l’Assemblée générale des Nations unies dans la gestion des questions relatives à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique dans les aires marines situées au‑delà des limites de la juridiction nationale » ([8]).
Un groupe de travail informel chargé d’identifier les différentes options à disposition des États pour renforcer la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine en haute mer a été créé en 2004. Les huit sessions de ce groupe de travail organisées entre 2006 et 2014 ont conclu à la nécessité d’adopter un accord commun de mise en œuvre de la CNUDM, lequel a été préféré à l’édiction de déclarations ou de résolutions du fait de l’ampleur des domaines concernés et de la recherche d’un instrument juridique contraignant et précis. Cette proposition a été formellement approuvée par l’AGNU en juin 2015 ([9]). Après quatre sessions d’un comité préparatoire, l’Assemblée générale a, en effet, décidé la formation d’une conférence intergouvernementale destinée à adopter un instrument juridique international « aussi vite que possible », selon les termes de la résolution 72/249 ([10]) du 24 décembre 2017.
Deux pays s’opposaient particulièrement à la rédaction d’un nouvel accord : la Russie, peu encline à s’engager dans un processus multilatéral et désireuse de protéger la liberté de ses activités de pêche, et l’Islande, grande nation de pêche, qui considérait que les organisations régionales réglementant les activités de pêche étaient suffisantes.
Au contraire, la France et l’Union européenne se sont engagées en faveur de l’édiction d’un nouvel accord au regard de l’épuisement des stocks de nombreuses espèces de poissons. Elles obtiendront finalement gain de cause en 2015.
Quant aux pays en développement, réunis dans le groupe du G77 au sein des Nations Unies, auquel s’adjoint la Chine, ils avaient deux griefs à porter contre la CNUDM : le retard pris dans le versement des aides multilatérales, qui devaient leur être apportées par les pays développés, et l’absence de toute réglementation relative au partage des bénéfices issus des ressources génétiques marines, qui n’existaient pas au moment de la négociation de la CNUDM. Ces deux sujets ont largement occupé les négociations de l’accord BBNJ. Celui-ci inclut in fine deux parties relatives au partage des bénéfices susmentionnés ainsi qu’au renforcement des capacités et au transfert des technologies marines. Ces sujets s’inscrivent pourtant à la marge de l’objet de l’accord, dont le double objectif vise à protéger et à utiliser durablement la biodiversité marine au-delà des zones sous juridiction nationale. En effet, le prélèvement des ressources génétiques marines ne constitue pas une atteinte à la biodiversité marine en tant que telle, sauf si, faute de parvenir à isoler et à reproduire en laboratoire une molécule, il est nécessaire de multiplier les prélèvements sur un stock naturel au risque de porter atteinte à la pérennité de la ressource.
L’Assemblée générale a alors convoqué un comité préparatoire, réuni entre 2016 et 2018, en vue d’organiser une conférence intergouvernementale, véritable instance de négociations formelles entre les États, qui devait être convoquée à quatre reprises entre 2019 et 2021. Une première réunion d’organisation s’est ainsi tenue à New York, du 16 au 18 avril 2018, durant laquelle ont été désignés la présidente de la conférence intergouvernementale, Rena Lee (Singapour), ainsi que ses quinze vice-présidents (Algérie, Bahamas, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Chine, États-Unis, Japon, Maroc, Maurice, Mexique, Micronésie, Pologne et Russie). Cette réunion a ouvert la voie à de longues négociations en partie retardées par la pandémie de la Covid-19.
Rappelons que l’Union européenne était la seule organisation internationale membre de la CNUDM. Elle possède, en effet, une compétence mixte sur les questions en lien avec la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. Le nouveau texte est donc également considéré comme un accord mixte. Celui-ci relève pour partie de compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres (en matière environnementale), de compétences parallèles (recherche scientifique, coopération et développement), de compétences exclusives de l’Union (pour la conservation des ressources biologiques marines dans le cadre de la politique commune de la pêche, qui pourrait être invoquée à la marge) et de compétences des États ([11]).
Aussi, l’Union européenne a-t-elle été représentée, dans le cadre des discussions relatives au nouvel accord BBNJ, à la fois par la Commission européenne et par le Conseil, lesquels avaient obtenu des mandats de négociation distincts, la Commission étant compétente sur les questions dérivant des traités ou de sa compétence externe et le Conseil pour les autres éléments, au nom de l’Union et de ses États membres. La présidence du Conseil ainsi que les représentants des États membres étaient donc présents, afin de favoriser la mise en œuvre du principe de coopération loyale et de définir une position commune. Cependant, pour assurer l’unité et la cohérence externe de la position européenne, les États membres et la Commission s’exprimaient d’une seule voix ([12]).
L’Union européenne s’est montrée relativement prudente, bien que volontaire, dans le processus de négociation ([13]). Elle souhaitait, en particulier, défendre certains principes de bonne gouvernance et des principes environnementaux, notamment ceux de précaution, d’approche intégrée et d’approche écosystémique, ceux-ci étant aussi présents dans le cadre du droit de l’Union et dans la politique commune des pêches. Sur ce point, elle a obtenu gain de cause, puisqu’ils se retrouvent à l’article 7 de l’accord BBNJ.
Notons que la conclusion de l’accord par l’Union requiert l’adoption d’une décision du Conseil et la ratification du Parlement européen. Elle nécessitera également le dépôt, auprès des Nations Unies, d’une déclaration de compétences en vertu de l’article 67, paragraphe 1, de l’accord, visant à informer les États tiers des domaines relevant de la compétence de l’Union.
B. DES BLOCAGES PERSISTANTS qui ont notamment pu Être levÉs grÂce À l’impulsion politique française et européenne
1. Des négociations ralenties par la persistance de clivages structurants
L’accord BBNJ a comme principaux objectifs la mise en place de mesures de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ainsi que, dans ce cadre, le développement durable des États insulaires et côtiers. Il vise notamment la création d’un cadre global pour :
- l’établissement d’outils de gestion par zones, y compris des aires marines protégées ;
- la réalisation d’études d’impact environnemental des activités engagées en haute mer ;
- la mise en place d’un régime d’accès aux ressources génétiques marines, leur information de séquençage numérique et le partage juste et équitable des avantages monétaires découlant de leur utilisation ;
- le transfert de technologies marines des pays développés vers les pays en développement et le renforcement de leurs capacités.
Or, ces négociations ont achoppé sur plusieurs points ayant nécessité des compromis concédés par l’ensemble des groupes régionaux. Ceux-ci portaient sur :
- le partage des avantages monétaires issus de l’utilisation des ressources génétiques marines et des informations de séquençage numérique ;
- les droits de propriété intellectuelle (droit des brevets) ;
- la reconnaissance de la haute mer et de ses ressources comme patrimoine commun de l’humanité ;
- les modalités de prise de décision par la conférence des parties (consensus ou vote), notamment pour les outils de gestion par zones dont les aires marines protégées ;
- la résolution des problématiques soulevées par la prise en compte de zones de haute mer (surnommées « poches de haute mer ») encerclées par des ZEE d’États côtiers, dans le cadre de la mise en place d’outils de gestion par zone ;
- la prise en compte des effets néfastes des activités engagées sous la juridiction d’un État et ayant un impact en haute mer ;
- le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines des pays développés vers les pays en développement ;
- le financement pour la mise en œuvre de l’ensemble de l’accord avec des demandes bien souvent importantes de la part des pays en développement ;
- le mécanisme de règlement des différends.
De tels compromis ont pu être obtenus grâce à la forte mobilisation de certains États, à commencer par la France, très engagée pour la réussite de ces négociations.
2. Des négociations ouvertes incluant un grand nombre d’acteurs
L’une des spécificités des négociations de l’accord BBNJ tient au nombre d’acteurs impliqués, même si seuls les États en sont signataires. Les organisations internationales intéressées par la haute mer, les industriels, les scientifiques ou encore les organisations non gouvernementales ont pleinement participé à l’élaboration du compromis final.
S’agissant des organisations internationales, leur attitude a d’abord été prudente, en particulier dans le cas de l’OMI et de l’AIFM. Celles-ci ont ainsi régulièrement adopté des positions communes, souvent portées par le secrétaire général de l’AIFM, pour défendre leur domaine de compétences et la pertinence de le préserver.
L’AIFM s’est ainsi servie de ces négociations pour sensibiliser les parties sur son double mandat issu des articles 145 et 157 de la CNUDM, à savoir développer et encadrer les activités d’exploitation, pour mettre en valeur la Zone et ses ressources de manière équitable, tout en protégeant efficacement le milieu marin des effets nocifs que pourraient avoir ces activités. Elle a rappelé, à plusieurs reprises, que la CNUDM, comme l’accord de 1994 relatif à l’adoption de la partie XI de ladite convention, prévoyaient déjà un régime général et complet applicable aux grands fonds marins, lesquels relèvent de ses compétences ; elle n’a pas non plus caché ses craintes que les chevauchements éventuels de ses compétences avec celles créées par la CNUDM n’affaiblissent le compromis final établi par la convention ([14]). Dans une intervention commune avec l’OMI, elle affirmait ainsi être favorable à la facilitation de la coopération avec les institutions existantes de manière « pleinement compatible avec les droits et les obligations établies par la CNUDM » ([15]). Finalement, les termes de l’accord BBNJ nécessiteront, pour être mis en œuvre, une articulation et une coordination entre le droit issu de l’AIFM et celui nouvellement créé, lui-même largement inspiré du droit de l’Agence et de ses principes, qu’il s’agisse de la promotion d’outils de gestion par zone ou encore des études d’impact environnemental.
L’engagement de la société civile dans les négociations de l’accord bbnj : l’exemple de la fondation tara océan
À droite, les étapes de la négociation de l’accord BBNJ et, à gauche, les implications de la fondation Tara Océan dans les négociations. Source : site internet de la fondation Tara Océan.
Si les négociations se tiennent entre États, la société civile, via les ONG, les fondations et autres associations, a été très active tout au long du processus qu’elle a accompagné, à l’instar de la fondation Tara Océan, observateur au sein des Nations Unies depuis 2004.
3. Une impulsion française et européenne décisive
La France a joué un rôle majeur tout au long des négociations, d’abord via l’administration du Quai d’Orsay, puis à un niveau plus politique, lorsqu’une nouvelle impulsion s’est révélée nécessaire pour contourner des blocages parfois vieux de plusieurs années.
Cette implication décisive s’est d’abord traduite par la création, conjointement avec l’Union européenne et le Costa Rica, d’une coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples au-delà des juridictions nationales (« HAC BBNJ »), lancée lors du One Ocean Summit à Brest, le 11 février 2022. La coalition compte aujourd’hui 118 membres, dont les États-Unis, l’Inde et dernièrement la Chine.
La France a également poussé avec constance le thème de la protection de la haute mer devant les instances internationales, quelles qu’elles soient, à commencer par le G7 et le G20. Elle a également largement œuvré pour la conclusion de l’accord lors de sa présidence du conseil de l’Union européenne et a porté la voix de l’Union européenne sur le volet « ressources génétiques marines et partage des avantages » en proposant des textes de compromis et plusieurs rédactions d’articles. Ces propositions ont permis de débloquer la situation et de convaincre les États développés du bien-fondé des actions proposées. Nos scientifiques ont également été très engagés dans cette négociation et sollicités par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Le Parlement français a lui aussi joué de son rôle d’influence pour permettre aux négociations d’aboutir. L’Assemblée nationale a ainsi adopté à l’unanimité, le 25 novembre 2021, une résolution pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan appelant notamment à trouver un compromis « entre, d’une part, conservation et utilisation durable de l’océan et, d’autre part, entre une approche régionale et une approche globale », lequel était indispensable à la conclusion d’un accord.
Finalement, à l’issue de la 5ème session bis de négociations, les États parties sont parvenus à s’entendre sur un texte technique de 76 articles qui fera incontestablement date. Celui-ci a été officiellement entériné par la conférence intergouvernementale du 19 juin 2023.
II. UN accord ambitieux qui a su trouver un Équilibre satisfaisant entre de multiples enjeux
La conclusion finale de l’accord BBNJ a pu être obtenue grâce à l’obtention de plusieurs compromis structurants combinant la création de nouveaux outils innovants, un cadre multilatéral de gouvernance et la préservation des compétences des organisations régionales et sectorielles existantes.
A. Les principales dispositions du texte
L’accord précise d’emblée qu’il doit être interprété et appliqué dans le contexte de la CNUDM qu’il a vocation à compléter mais non à concurrencer, pas plus qu’il ne porte préjudice aux droits à la juridiction et aux obligations des États en vertu de cette même convention. De même, il ne saurait porter atteinte ni aux instruments et cadres juridiques pertinents, ni aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels concernés : son interprétation et son application doivent ainsi favoriser la cohérence et la coordination de ces instruments, cadres et organes (article 5).
1. Les ressources génétiques marines et le partage juste et équitable des avantages tirés de leur utilisation
La deuxième partie de l’accord concerne les ressources génétiques marines. Elle aborde également le partage des avantages découlant des activités relatives à ces ressources dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces mêmes ressources.
Les éponges de mer, le krill, les coraux, les algues et les bactéries présents dans les grands fonds marins possèdent, en effet, des caractéristiques uniques qui pourraient déboucher sur des innovations significatives et des avantages commerciaux réels pour de multiples filières, par exemple celles des produits pharmaceutiques, des denrées alimentaires et des énergies renouvelables. Toutefois, faute de moyens suffisants, la plupart des pays en développement ne participent pas à ces efforts de recherche et n’en tirent a fortiori pas bénéfice.
L’une des questions en débat au cours des négociations tenait au statut juridique à octroyer à ces ressources : fallait-il leur reconnaître le statut de « patrimoine commun de l’humanité », à l’instar des ressources des grands fonds marins de la Zone ? Il serait nécessaire, le cas échéant, d’instaurer une gestion collective de ce patrimoine commun et un partage des bénéfices, ce qui constituait la principale revendication des États en développement. Au contraire, fallait-il garantir la liberté d’accès et d’utilisation des ressources génétiques, comme le demandent historiquement les pays développés, qui disposent des ressources nécessaires pour mener des activités de recherche et de développement ? Ce sujet, bien que moins médiatique que celui des aires marines protégées et autres outils de gestion par zone, était au cœur des négociations.
Ce dernier a divisé une partie des Européens. Certains s’opposaient au partage des bénéfices monétaires tirés des ressources marines génétiques. D’autres, à l’instar de la France, y étaient favorables, conscients que se jouait sans doute là l’avenir de l’accord : sans compromis sur le sujet, les pays en développement, notamment ceux du G77, se seraient opposés au texte final. Toutefois, la France préférait à la reconnaissance de ces ressources comme « patrimoine commun de l’humanité » la notion de « bien commun » dotée d’une dimension politique et morale forte, sans emporter les mêmes contraintes juridiques que celle de patrimoine. Elle a finalement été écartée, sans doute du fait de son caractère non contraignant. Notons que la Chine, plutôt solidaire des prises de position du G77, s’en est distinguée sur le partage des bénéfices auquel elle n’était initialement guère favorable. C’est aussi sur ce point que s’est joué le refus de la Suisse de signer l’accord, le pays étant soucieux de garantir la liberté de ses entreprises pharmaceutiques.
C’est finalement une voie médiane qui a su faire consensus : les ressources marines génétiques ne sont pas qualifiées de patrimoine commun de l’humanité, mais l’article 7 de l’accord précise que les parties sont orientées par ce même principe énoncé par la CNUDM. Toutefois, bien que ne bénéficiant pas de ce statut spécifique, les ressources font l’objet d’un mécanisme de partage des avantages monétaires et non monétaires – le savoir et le transfert des technologies – qui en découleraient.
L’accord prévoit ainsi que toute partie, quelle que soit sa situation géographique, et les personnes physiques ou morales relevant de sa juridiction, peuvent mener des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources ; les parties s’engagent à favoriser la coopération dans ce domaine, étant entendu qu’aucun État ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Ces activités sont menées à des fins exclusivement pacifiques dans l’intérêt de tous les États et pour le bénéfice de l’humanité tout entière (article 11).
L’article 12 organise la coopération entre parties sur des bases de transparence. La poursuite de ce type d’activités doit être notifiée auprès d’une plateforme à accès libre, appelée « centre d’échange », au plus tard six mois avant le début d’une collecte. Les informations notifiées comprennent notamment la nature de la collecte et ses objectifs, l’objet des travaux de recherche ou encore les zones géographiques concernées.
L’accord précise qu’il incombe aux parties de prendre des mesures législatives, administratives ou de politique générale, afin de garantir que les connaissances traditionnelles détenues par les peuples autochtones et les communautés locales ne sont accessibles qu’avec le consentement préalable desdits peuples autochtones et communautés, ou leur approbation et leur participation. Le centre d’échange susmentionné peut faciliter l’accès à ces ressources (article 13).
L’article 14 encadre le partage juste et équitable des avantages monétaires et non monétaires tirés des ressources génétiques marines. Le partage des avantages non monétaires peut prendre différentes formes énumérées par l’accord dont une grande part se conforme à la pratique internationale déjà en vigueur s’agissant, par exemple, de l’accès à des échantillons, à des informations de séquençage numérique ou à des données scientifiques faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables.
Le partage des avantages monétaires issus de l’utilisation des ressources génétiques marines et des informations de séquençage numérique est plus épineux et fait l’objet d’un mécanisme que la conférence des parties (COP), créée par l’accord, devra définir pour l’avenir. Il est, pour l’heure, établi que les parties devront verser des contributions à un fonds spécial : elles s’élèveront d’abord à l’équivalent de 50 % de leur contribution obligatoire au budget du secrétariat institué par l’accord BBNJ avant que la COP ne décide par consensus, ou à défaut à la majorité des trois-quarts des parties présentes et votantes, du montant des contributions de chaque partie. Une clause d’habilitation permet à la COP de réévaluer les modalités de contribution des parties tous les deux ans, en fonction du montant réel des avantages monétaires et en tenant compte des recommandations d’un comité sur l’accès et le partage des avantages. Le premier de ces examens aura lieu au moins cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord.
Un comité sur l’accès et le partage des avantages est enfin institué (article 15). Composé de quinze membres possédant les qualifications requises, il peut faire des recommandations à la COP sur de nombreux sujets couvrant aussi bien la définition de lignes directrices ou d’un code de conduite sur les activités relatives aux ressources génétiques marines que les taux et les mécanismes retenus pour le partage des avantages monétaires, conformément à l’article 14.
En échange de la mise en place des modalités de partage des avantages monétaires susmentionnées, les pays en développement ont renoncé à demander une modification des droits de propriété intellectuelle (droit des brevets), modification qui était incluse parmi leurs revendications initiales. Or, ces droits relèvent déjà de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, texte annexé à l’accord instituant l’organisation mondiale du commerce (OMC).
Le système mis en place par l’accord BBNJ constitue, en quelque sorte, une extension et un approfondissement du dispositif prévu par le protocole de Nagoya du 29 octobre 2010, entré en vigueur en 2014, sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, rattaché à la convention sur la diversité biologique. Ce dernier apporte, en effet, des précisions sur le respect des règles générales fixées par ladite convention en ce qui concerne l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages monétaires et non monétaires découlant de leur utilisation. Il ne s’applique toutefois qu’aux seules ressources génétiques sur lesquelles les États exercent des droits souverains. L’accord BBNJ en étend ainsi la portée à l’ensemble de la haute mer et de la Zone tout en s’inspirant (article 13) de la place que le protocole de Nagoya ménage aux populations autochtones. Ce dernier prévoit, en effet, un cadre juridique mondial pour l’accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques qui doit se réaliser avec l’accord des populations autochtones et locales et un partage juste et équitable des avantages au bénéfice de ces mêmes populations.
L’accord BBNJ innove, en revanche, sur la question des informations de séquençages génétiques non couvertes par le protocole de Nagoya, ces informations étant jusqu’alors réunies dans quelques bases de données internationales génériques loin de tout pilotage national, à l’instar de la base GenBank.
2. La création d’outils de gestion par zone, y compris les aires maritimes protégées
La troisième partie de l’accord concerne la création d’outils de gestion par zone, incluant des réseaux d’aires marines protégées écologiquement représentatifs et bien reliés entre eux, dans un but de conservation et d’utilisation de manière durable de ces zones nécessitant une protection (article 17). Pour rappel, l’UICN définit une aire marine protégée comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et des valeurs culturelles qui y sont associés ». Il n’existe, en revanche, aucune définition juridique officielle et harmonisée de ces aires marines protégées dans le droit de la mer, chaque État étant libre de mettre sous cette appellation des espaces très variés. Les aires marines protégées assurent différents niveaux de protection, selon les critères retenus, et peuvent permettre « une utilisation modérée des ressources naturelles », à condition que celle-ci soit « non industrielle et compatible avec la conservation de la nature » ([16]).
Ces outils de gestion par zone ne peuvent porter sur aucune zone relevant de la juridiction nationale ni servir de quelque manière que ce soit à la revendication de souveraineté, de droits souverains ou de juridictions (article 18).
La création d’aires marines protégées en haute mer n’est pas une nouveauté introduite par l’accord BBNJ. De telles aires existent déjà mais elles sont encore peu nombreuses, seul 1 % de la haute mer faisant l’objet de protection : on en compte aujourd’hui treize, dix situées dans l’Atlantique Nord-Est, deux en Antarctique et une en Méditerranée. Surtout, leur portée juridique demeure très limitée.
Créées dans le cadre d’organisations régionales, leurs règles de gestion et de protection ne sont opposables qu’aux États parties des accords régionaux concernés. C’est le cas de la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (seize États parties dont la France et l’Union européenne), plus connue sous le nom de convention OSPAR, qui a établi un réseau de sept aires marines protégées. On pense également à la commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR, selon son appellation anglaise), forte de vingt‑sept États membres et dix États observateurs, qui encadre les activités au sein de deux aires, au Sud des îles Orcades et dans la mer de Ross. Trois dossiers de nouvelles aires marines protégées sont à l’ordre du jour de la CCAMLR depuis 2023 : l’une de 0,65 million de kilomètres carrés, sur la façade Ouest de la péninsule Antarctique, est proposée par le Chili et l’Argentine depuis 2018 ; l’Union européenne et huit autres États en promeuvent deux, l’une en mer de Weddell (2,18 millions de kilomètres carrés) et portée par l’Allemagne depuis 2016, l’autre, en Antarctique oriental (0,95 million de kilomètres carrés), soutenue par l’Australie et la France depuis 2011. Toutefois, en l’absence de consensus au sein de la CCAMLR, ces projets sont pour l’heure bloqués.
C’est donc là que réside l’un des apports essentiels de l’accord BBNJ : encourager la création d’un réseau d’aires marines protégées en haute mer reconnu par l’ensemble de la communauté internationale. Celles-ci pourraient se situer dans des zones dotées d’une biodiversité importante mais jouant aussi des fonctions écologiques de premier plan, comme les zones de prolifération du plancton. Idéalement, ces nouvelles aires devraient être connectées aux aires côtières, de manière à créer des couloirs de protection pour les espèces migratrices, et intégrer le concept d’une protection écosystémique plutôt que de se centrer sur le seul encadrement de la pêche. Des projets sont envisagés en Antarctique, dans le dôme thermal, situé dans l’océan Pacifique Est tropical, et dans la mer des Sargasses, au sein de l’Atlantique Nord.
Les propositions de création d’outils de gestion sont soumises au secrétariat par les parties (article 19), lesquelles sont transmises à l’organe scientifique et technique qui effectue un examen préliminaire (article 20). Elles sont également soumises à une série de consultations auprès des autres États, en particulier côtiers, mais aussi des peuples autochtones, des populations locales et de la société civile (article 21). Des droits spécifiques en matière de notification préalable et de consultation seront octroyés aux États dont la ZEE est adjacente à une zone de haute mer encerclée par d’autres ZEE, lorsqu’un outil de gestion par zone, tel qu’une aire marine protégée, y sera envisagé. La décision finale revient, au regard de l’ensemble de ces éléments, à la COP (article 22) qui se prononce, en principe, par consensus (article 23).
Il convient de souligner que l’accord BBNJ fait des États les seuls sujets du droit international : ce sont eux, et non les ONG, qui peuvent être à l’initiative d’une demande de création d’aires marines protégées, même s’ils demeurent bien entendu libres de prêter une oreille attentive aux préconisations de ces organisations.
L’articulation de ces outils de gestion par zone, et notamment des aires marines protégées, avec le droit existant se posera nécessairement. En effet, plusieurs ORGP ont déjà créé en haute mer des zones de restriction ou d’interdiction des activités de pêche directement opposables à leurs États parties. D’autres organisations internationales, telles que l’OMI ou l’AIFM, ont également développé leurs outils de gestion sectorielle, les aires marines particulièrement sensibles et les aires d’intérêt environnemental particulier.
Prenons l’exemple de l’AIFM. Celle-ci est compétente pour désigner des zones ne pouvant faire l’objet d’exploration ou d’exploitation minière, les zones d’intérêt environnemental particulier, plus connues sous leur acronyme anglais APEI (Areas of particular environmental interest) ; elles sont au nombre de quatorze et couvrent une surface de 1,9 million de kilomètres carrés dans le Pacifique. A priori, il n’y aurait guère de difficulté à voir se superposer une aire marine protégée avec une APEI : le cumul de protection serait d’autant plus bénéfique à la zone couverte. Une harmonisation des règles sera, en revanche, nécessaire lorsqu’une aire marine protégée sera créée au-dessus d’une zone d’exploration.
L’accord répond déjà en partie à certaines interrogations quant à la gestion de ces aires. En effet, son article 22 précise que les mesures de conservation adoptées dans le cadre des nouvelles aires marines protégées doivent être « compatibles » avec celles adoptées par les instruments globaux ou régionaux pertinents avec lesquels la COP doit coopérer. Dans le cas où les mesures proposées relèveraient de la compétence d’autres organisations, la COP peut faire des recommandations à ces dernières pour promouvoir l’adoption de mesures pertinentes, conformément à leurs mandats respectifs, et les parties devront encourager les organisations dont elles sont membres à adopter des mesures appuyant les décisions prises par la COP. L’accord prévoit enfin que si les mesures proposées affectent les eaux surjacentes et les fonds marins sur lesquels un État côtier exerce des droits souverains, « ces mesures doivent dûment tenir compte des droits souverains de cet État côtier » et des consultations sont engagées (article 22).
Concrètement, chaque activité sera encadrée, au sein des aires marines protégées, par les organisations thématiques ou sectorielles concernées : l’OMI pour le transport maritime, les ORGP pour les activités de pêche et l’AIFM pour les grands fonds marins. En revanche, un nouveau mode de gestion devra être imaginé dans le cas où une aire marine protégée prévoirait, par exemple, le contrôle des activités de pêche dans une zone non couverte par une ORGP ou si une espèce protégée dans cette aire n’est pas protégée par une organisation régionale existante.
S’agissant des modalités de création de ces outils, et en l’absence de consensus constaté par une décision prise à la majorité des deux-tiers, la COP pourra recourir au vote à la majorité qualifiée des trois-quarts pour établir des aires marines protégées après avoir décidé à la majorité des deux-tiers des parties que les moyens pour parvenir à un consensus ont été épuisés. Ce processus, qui s’écarte en partie de la règle de la prise de décision par consensus qui prévaut dans le système onusien, a été porté avec force par l’Union européenne et permettra d’éviter que quelques États seulement bloquent leur adoption et, partant, obèrent des avancées significatives en matière de protection et de préservation de la biodiversité marine (article 23).
En contrepartie, les parties disposent d’un droit d’objection leur permettant de ne pas être liées par une décision prévoyant la création d’un outil de gestion, conformément aux demandes de pays tels que la Chine, la Russie, le Japon ou le Venezuela. Certaines limites existent toutefois au recours à cette mesure : la partie ayant formulé une objection n’est pas censée adopter de mesure ni accomplir aucun acte portant atteinte à l’efficacité de cette décision ; elle doit également renouveler sa demande d’objection dûment motivée tous les trois ans (article 23). Il est, par ailleurs, reconnu à la COP le droit d’adopter des mesures d’urgence dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale pour prévenir des dommages graves ou irréversibles à la diversité biologique marine de ces zones (article 24).
Il revient à chaque partie de veiller à ce que les activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle soient conformes à ces dispositions. Chaque partie conserve la possibilité d’adopter des mesures plus strictes à l’égard de ses ressortissants et de ses navires ou en ce qui concerne les activités relevant de sa juridiction et de son autorité. Parallèlement, il est précisé que la mise en œuvre de ces outils de gestion ne doit pas imposer, directement ou indirectement, une charge disproportionnée à certaines parties, à savoir les petits États insulaires en développement ou appartenant aux pays les moins avancés (article 25).
L’accord précise que les parties, individuellement ou collectivement, font rapport à la COP de la mise en œuvre des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées. De même, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents sont invités à fournir des informations à la COP concernant la mise en œuvre des mesures qu’ils ont adoptées pour atteindre les objectifs des outils de gestion par zone. Enfin, ces outils et les mesures connexes font l’objet d’un suivi et d’un examen périodiques par l’organe scientifique et technique (article 26).
Cette dimension de l’accord doit ainsi faciliter la mise en œuvre de l’objectif « 30 x 30 », adopté par le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal en décembre 2022 et, plus précisément, sa cible 3 qui vise à « faire en sorte que, d’ici à 2030, au moins 30 % des zones terrestres et des eaux intérieures, ainsi que des zones marines et côtières, en particulier les zones d’une grande importance pour la biodiversité et les fonctions et services écosystémiques, soient dûment conservées et gérées grâce à la mise en place d’aires protégées. ». Si l’objectif de 10 % d’aires marines protégées bénéficiant d’une protection stricte a été abandonné au cours de la négociation, la cible 3 précise tout de même que les usages à l’intérieur des aires marines protégées doivent être pleinement cohérents avec les objectifs de conservation. Or, aujourd’hui, seul 1,1 % de la haute mer fait l’objet de protection, selon l’UICN.
Peu d’éléments sont encore disponibles à ce stade sur les moyens financiers, humains, scientifiques et de contrôle qui seraient octroyés à ces aires marines protégées en haute mer, lesquels demeurent essentiels pour éviter qu’elles ne deviennent des « tigres de papier ». Une attention particulière devra donc être portée à la question des moyens mobilisés dans ce cadre. S’il est difficile d’imaginer une police des mers ([17]) couvrant des étendues immenses, le recours aux nouvelles technologies, à commencer par les satellites, sera sans doute très utile.
Ceux-ci sont déjà amplement mobilisés, par exemple pour la surveillance des ORGP. L’entreprise française Collective Localisation Satellites (CLS), fondée par le centre national d’études spatiales (CNES) en 1986, analyse ainsi les données issues de 400 satellites et assure le suivi de plus de 16 000 bateaux de pêche qui collectent leurs positions, caps, vitesses et rapports de pêche, autant d’informations transmises aux autorités des pays recourant à ses services. CLS participe également activement à la surveillance des aires marines protégées, qu’il s’agisse du suivi d’animaux marins, de la détection de pollutions ou d’activités de pêche illégales. Grâce à sa filiale brésilienne, l’entreprise est même capable de mener une étude précise du paysage sonore dans une zone donnée, la pollution sonore due aux activités humaines constituant une nuisance importante pour l’environnement marin. Les technologies de l’entreprise sont également utilisées par d’autres programmes. Afin de lutter contre la pêche illégale dans les territoires marins de la zone australe, des chercheurs du centre national d’études spatiales (CNRS) ont équipé des albatros de capteurs radars, connectés avec le service argos de CLS : lorsqu’un albatros s’approche d’un bateau, sa balise détecte le signal radar émis par le bateau de pêche et indique directement aux scientifiques sa position ; si celle-ci ne correspond pas à celle d’un navire identifié par son système d’identification automatique dans une zone économique, le bateau est probablement impliqué dans une activité illégale. Il reviendra ensuite à l’État du pavillon du navire contrevenant ou à l’État du port le plus proche d’intervenir sur zone ; la volonté politique de l’État du pavillon d’agir sera essentielle.
La France a d’ailleurs signé à Kourou, en mai 2023, un partenariat avec le CNES qui doit lui permettre d’acquérir des données et images satellitaires, afin d’orienter les contrôles de manière plus efficace. Le centre national de surveillance des pêches en est un acteur majeur. La recherche d’un meilleur partage des images satellitaires au niveau européen sera également un enjeu important.
Notons que le recours aux moyens satellitaires demeure onéreux et nécessitera donc des financements importants et mutualisés. Surtout, les systèmes judiciaires des États ne reconnaissent pas tous les images satellitaires comme des éléments de preuve dans le cadre d’une instruction : l’adaptation des droits nationaux sera, en ce sens, essentielle.
Une interrogation demeure également sur le degré de protection qui sera adopté dans ces aires. La création de vastes étendues protégées de façon très stricte paraît peu crédible. En revanche, il pourrait être privilégié de petites zones bénéficiant d’une protection maximale, excluant donc toute forme d’activités ainsi que le chalutage. Ces zones pourraient être associées à des aires dont la protection varierait à certains moments de l’année, lors de la reproduction ou de la migration de certaines espèces, par exemple, même si leur mise en œuvre peut s’avérer complexe. Le choix d’une protection forte a également des vertus financières et pratiques : une telle protection coûte moins cher à réaliser et s’avère plus simple à assurer que lorsque différentes activités sont possibles à des degrés divers sur une même zone.
3. L’évaluation de l’impact sur l’environnement des activités humaines
L’accord BBNJ impose que les activités en mer engagées sous la juridiction d’un État et ayant un impact en haute mer pouvant entraîner une modification importante et néfaste du milieu marin fassent l’objet d’une étude d’impact environnemental (article 28) : l’apport de cet accord tient à la prise en compte de l’impact cumulé ([18]) d’une activité en mer risquant d’entraîner une « pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».
La procédure applicable comprend plusieurs étapes. Si une activité envisagée risque d’avoir un effet plus que mineur ou transitoire sur le milieu marin, les parties doivent réaliser sans délai un contrôle préliminaire pour déterminer s’il y a lieu de réaliser une étude d’impact sur l’environnement. Si une partie conclut qu’une telle étude n’est pas nécessaire, elle doit rendre publique sa conclusion par l’intermédiaire du centre d’échange créé par l’accord. Les études d’impact sont également rendues publiques via ce centre, afin que les autres États puissent en prendre connaissance et participent, le cas échéant, à leur élaboration.
La publicité des études d’impact ou des décisions étatiques de ne pas les réaliser est essentielle, dès lors que l’accord n’internationalise pas complètement la réalisation de ces études, qui relèvent de la responsabilité des États. La France n’était d’ailleurs pas totalement favorable à une telle internationalisation, considérant que l’accord BBNJ remettait déjà en cause, pour des raisons légitimes, le plein exercice des libertés garanties par la CNUDM : il était donc nécessaire de ne pas aller trop loin dans les limites portées à ces libertés. Notons également que cette internationalisation n’est pas totalement absente des stipulations de l’accord, puisque l’article 34 précise qu’à la demande d’une partie, la COP peut fournir à cette dernière conseils et assistance pour décider si une activité envisagée relevant de sa juridiction ou de son contrôle – par exemple, un État en développement manquant de moyens financiers et techniques – peut être entreprise. Or, si la bonne foi des États peut être présumée, tous n’auront sans doute pas la même exigence dans leur démarche, d’où l’importance d’instaurer un mécanisme de revue par les pairs et la société civile.
Les États doivent ainsi tenir compte des commentaires des parties prenantes concernées par l’activité envisagée et de l’organe scientifique et technique créé à cet effet (article 32), ainsi que des rapports d’évaluation d’impact sur l’environnement (article 33). Toutefois, ils demeurent in fine souverains dans la décision de savoir si une activité doit être entreprise et à quelles conditions (article 34). Cette décision demeure tout de même soumise à la condition que les États fassent tous les efforts raisonnables pour que l’activité considérée soit menée d’une manière compatible avec la prévention d’impacts néfastes, éventuellement après avis de la COP.
Ces activités font l’objet d’une surveillance quant aux pollutions et impacts environnementaux générés (article 35) ainsi que d’un rapport par les États qui les ont autorisées (article 36). En vertu de l’article 37, toute partie peut faire part à celle ayant autorisé l’activité de ses préoccupations et saisir l’organe scientifique, afin de lui demander, s’il y a lieu, de lui adresser des recommandations. Conformément à l’article 38, cet organe peut également élaborer des normes ou des lignes directrices relatives aux évaluations d’impact sur l’environnement à destination de la COP, en vue de leur adoption par cette dernière. Des évaluations environnementales stratégiques peuvent également être décidées par la COP (article 39).
Ces dispositions ne devraient pas emporter de bouleversements majeurs quant à la manière de travailler des scientifiques dans la mesure où elles étendent à la haute mer des pratiques déjà existantes dans la ZEE des États. À titre d’exemple, les scientifiques embarqués sur la flotte océanographique française sont soumis à des demandes d’autorisation lorsqu’ils souhaitent faire des recherches dans des eaux placées sous la juridiction d’un État étranger. Les dossiers de demande d’autorisation sont préparés avec l’aide du ministère des affaires étrangères et contiennent des études d’impact environnemental, des propositions de partenariats et la clarification des règles en matière de cession de données, notamment.
Quelques points d’importance resteront toutefois à déterminer. L’accord prévoit, en effet, que si un processus d’évaluation « équivalent » a été réalisé par d’autres institutions, un État n’est pas obligé de reconduire le processus relatif à la réalisation d’études d’impact prévu (article 29). Il sera donc nécessaire que la COP définisse avec précision ces critères d’équivalence. De même, il lui faudra déterminer l’articulation retenue entre les études d’impact environnemental réalisées en application de l’accord BBNJ et celles rendues obligatoires pour la réalisation d’activités minières par l’AIFM : celle-ci a, en effet, définit des lignes directrices pour guider les contractants réalisant de telles études, y compris dans le contexte de l’exploitation, prenant en compte les impacts dans la colonne d’eau, même si ces lignes directrices intègrent encore peu une véritable dimension écosystémique des bassins océaniques.
Enfin, il sera nécessaire de consacrer des moyens à la détermination d’un état initial, qui servira de référence aux futures études d’impact, et nécessitera l’instauration d’un consortium de scientifiques et une exploration in situ minimale.
Notons que l’accord emporte de potentielles conséquences sur les activités menées sous la juridiction des États côtiers, puisqu’il incombe aux parties de procéder à une évaluation d’impact sur l’environnement, lorsque de telles activités risquent d’entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale (article 28). Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi et compte tenu de l’importance, grâce à ses collectivités d’outre‑mer, de son domaine maritime, la France pourrait être particulièrement concernée par cette disposition.
4. Le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines
La cinquième partie de l’accord BBNJ concerne les capacités et le transfert de technologies marines, dans le but de développer et de partager les connaissances sur la conservation et l’utilisation durable des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, notamment avec les États parties en développement (article 40). Dans cette perspective, les parties reconnaissent pleinement les besoins spécifiques des États en développement, dans le domaine du renforcement des capacités et du transfert des technologies marines (article 41). Ces besoins et priorités peuvent faire l’objet d’une auto-évaluation ou être facilités par le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines et par le centre d’échange (article 42).
D’une manière générale, la discussion sur le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines a été moins polarisée, même si les États en développement ont milité en faveur d’engagements plus ambitieux quand les États développés ont davantage cherché à éviter de se voir imposer des obligations fortes.
Notons que des stipulations similaires relatives au transfert de technologies et au renforcement des capacités dans le contexte des activités menées dans la Zone étaient déjà prévues dans la CNUDM et le droit dérivé de l’AIFM, mais seulement en lien avec les activités d’exploration et d’exploitation des ressources minérales. L’accord BBNJ s’inspire ainsi de ces mécanismes auxquels il donne une portée plus générale. L’inscription au sein de l’accord de ces dispositions témoigne aussi d’une certaine défiance des États en développement à l’égard des États développés : craignant que ces transferts de capacités et de technologies restent lettre morte, ils ont tenu à les voir explicitement mentionnés dans le corps du texte final.
Les négociateurs ont hésité sur l’opportunité d’inclure une liste d’activités de renforcement et de transfert ([19]) : de nombreuses délégations étaient ainsi favorables à l’énumération de certaines activités dans le texte, ainsi qu’à l’introduction d’une annexe contenant une liste indicative et non exhaustive d’activités, laquelle pourrait être périodiquement révisée et modifiée ; d’autres souhaitaient, au contraire, laisser l’élaboration d’une telle liste à la COP ou au comité dédié au renforcement des capacités et au transfert de technologies. C’est finalement la première option qui a été retenue.
L’accord prévoit ainsi que le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines peuvent prendre plusieurs formes, y compris, sans s’y limiter, un appui à la constitution ou au renforcement des capacités des parties en matière de ressources humaines, de moyens de gestion financière et de moyens scientifiques, technologiques, administratifs ou encore institutionnels (article 44). Ces différentes options sont détaillées au sein de l’annexe II.
Ces renforcements et transferts feront l’objet, en application de l’article 45, d’un suivi et d’un examen périodiques, assuré par le comité de renforcement des capacités de transfert de technologies marines, créé à l’article 46, sous l’autorité de la COP.
Parmi les initiatives sur la haute mer portées par des acteurs français, quelques projets marquants, financés par le fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), peuvent être cités. C’est le cas du projet SARGADOM dont l’objectif est de contribuer à la protection de la biodiversité et des services écosystémiques, et de faciliter le développement d’approches hybrides de gouvernance de l’océan autour de deux sites pilotes (la mer des Sargasses et le dôme thermal), avec la contribution de l’université de Bretagne occidentale (UBO) et de l’office français de la biodiversité (OFB). Concrètement, le projet prévoit la réalisation d’une analyse socio-écosystémique et de gouvernance des deux sites ; elle conduira à l’élaboration de propositions pour améliorer cette gouvernance et mettre en place des mesures de conservation et de gestion adaptées à leurs besoins. Un programme relatif à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité des monts sous-marins, dans la suite du programme Seamounts de l’UICN et mené avec l’appui de l’institut de recherche pour le développement et le muséum national d’histoire naturelle, a également permis d’améliorer les connaissances sur ces écosystèmes. Le projet Plankt’Eco, coordonné par la fondation Tara Océan et auquel participent l’institut de recherche pour le développement, le laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer, Sorbonne Université, le CNRS et Nantes Université, favorise le partage de connaissances et de collaborations scientifiques entre pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Europe sur les écosystèmes planctoniques. Enfin, le programme iAtlantic, porté par l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et financé par la Commission européenne, vise à évaluer la santé des écosystèmes profonds et de haute mer de l’océan Atlantique. Tous ces projets de recherche comportent un volet de renforcement des capacités sur la connaissance scientifique, la gouvernance et la conservation de la haute mer, favorisant la coopération scientifique, le partage de données et la formation de jeunes chercheurs. Le projet Ocean University Initiative, visant à créer une université des Nations Unies pour les questions maritimes, porté par l’UBO, serait également un instrument privilégié de transfert de technologies et de renforcement des capacités.
5. L’articulation de l’accord avec les autres instruments juridiques existants
Si l’accord BBNJ poursuit un objectif clair, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine, il ne se réduit pas à ce champ strict et dispose d’une dimension environnementale indéniable ([20]).
Le préambule rappelle ainsi, outre l’obligation générale de protéger et de préserver le milieu marin, « la nécessité de lutter, de manière cohérente et coopérative, contre la perte de diversité biologique et la dégradation des écosystèmes de l’océan dues, notamment, aux impacts des changements climatiques sur les écosystèmes marins, tels que le réchauffement et la désoxygénation de l’océan, ainsi que l’acidification de celui-ci, sa pollution, y compris par les plastiques, et son utilisation non durable ». S’y ajoute celle « de faire en sorte que le régime mondial complet créé par la Convention encadre mieux la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».
Ces stipulations pourraient encourager une évolution du droit issu de l’AIFM dans un sens plus protecteur voire même conforter les États favorables à l’adoption d’un moratoire ou, à tout le moins, d’une pause de précaution sur l’exploitation des ressources des grands fonds marins, à l’instar de la France ([21]).
Par ailleurs, l’accord BBNJ pourrait favoriser la coordination du travail de l’AIFM et des autres organisations sectorielles, globales ou régionales, en offrant un forum de discussions adéquat et en reconnaissant les outils de préservation d’une organisation à l’autre.
En effet, son article 5 précise que « le présent Accord est interprété et appliqué dans le contexte de la Convention et d’une manière compatible avec celle‑ci ». « Il est interprété et appliqué d’une manière qui ne porte atteinte ni aux instruments et cadres juridiques pertinents, ni aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents et qui favorise la cohérence et la coordination avec ces instruments, cadres et organes ». L’article 8 stipule que les parties coopèrent « notamment en renforçant et en intensifiant la coopération avec les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents et en favorisant la coopération entre lesdits instruments, cadres et organes ». Selon les termes de l’article 22, la COP « prend des dispositions pour organiser des consultations régulières afin de renforcer la coopération et la coordination avec et entre les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents en ce qui concerne les outils de gestion par zone ».
Ce dialogue interinstitutionnel est d’autant plus important que les parties s’engagent, au titre de l’article 8, à promouvoir les objectifs de l’accord au sein des autres institutions compétentes : cette articulation pourrait être facilitée par le fait qu’à quelques exceptions près, les mêmes États sont représentés d’une institution à l’autre. À titre d’exemple, l’OMI et l’AIFM comptent respectivement 175 États membres (et 3 États associés) ainsi que 169 parties. De même, le secrétariat prévu par l’accord devrait disposer, sous réserve de l’approbation de la COP, de la capacité de conclure des arrangements administratifs et contractuels avec les secrétariats des autres organes internationaux pertinents (article 50).
L’articulation entre ces différentes institutions et droits existants ou créés par l’accord BBNJ se révélera à l’aune de la pratique, qui permettra de réduire progressivement les zones d’incertitude quant à la mise en œuvre de ses stipulations.
Vers un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins en haute mer ?
En juin 2022, lors de la conférence des Nations Unies sur l’océan, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est dit opposé à l’exploitation minière des fonds marins en haute mer. En novembre de cette même année, à la COP27 de Charm El‑Cheikh, le président français a réaffirmé le soutien de la France à « l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins ». Le secrétaire d’État chargé de la mer et la biodiversité, Hervé Berville, a qualifié cette exploitation « d’aberration écologique ».
À ce jour, vingt-cinq pays ont exprimé leur opposition à l’exploitation des fonds marins en haute mer et plaident désormais en faveur d’un « moratoire » ou d’une « pause de précaution » en l’absence de données scientifiques permettant de démontrer qu’une telle exploitation peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins. La République des Palaos, les Fidji, les Samoa et les États fédérés de Micronésie sont ainsi membres de l’alliance appelant à un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes.
Le 17 janvier 2023, l’Assemblée nationale a souhaité apporter son soutien à ces différentes initiatives et prises de position en adoptant la résolution transpartisane n° 440 invitant le Gouvernement à défendre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins.
B. Les Dispositifs institutionnels
Différentes institutions sont créées pour assurer l’application de cet accord. D’autres institutions seront sans doute également à prévoir, tel un comité budgétaire, par exemple.
Une COP est prévue par l’article 47. Sa première réunion est convoquée par le ou la secrétaire général(e) des Nations Unies au plus tard un an après la date d’entrée en vigueur de l’accord. Elle tient ses réunions ordinaires au siège du secrétariat ou à celui des Nations Unies.
Elle adopte ses décisions par consensus, conformément à la pratique onusienne. Si tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés, les décisions et les recommandations de la COP sur les questions de fond sont adoptées à la majorité des deux-tiers des parties présentes et votantes, et les décisions sur les questions de procédure à la majorité de ces mêmes parties.
Outre ses prérogatives pour s’assurer de la mise en œuvre de l’accord, la COP peut demander au tribunal international du droit de la mer un avis consultatif sur toute question juridique relative à la conformité à l’accord d’une proposition dont elle est saisie et relevant de sa compétence.
Régie par une exigence de transparence, la COP évalue et examine, dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de l’accord BBNJ et, par la suite, à des intervalles qu’elle détermine, la pertinence et l’efficacité des stipulations du texte et propose, si nécessaire, des moyens de renforcer sa mise en œuvre, afin de mieux assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
2. L’organe scientifique et technique
Cet organe scientifique et technique est composé de membres siégeant en qualité d’experts, désignés par les parties et élus par la COP en raison de leurs compétences multidisciplinaires et en respectant l’équilibre des genres et une répartition géographique équitable, comme pour toute institution onusienne.
Il peut nourrir sa réflexion des avis appropriés émanant des autres instruments et cadres juridiques pertinents, ainsi que des organisations sectorielles ou thématiques concernées dans un objectif de dialogue constructif entre les organes existants et ceux créés par l’accord BBNJ.
Ses modalités de fonctionnement sont définies par la COP. Il donne des avis scientifiques et techniques à cette dernière, lui soumet des rapports sur ses activités et assure toutes autres fonctions définies par la conférence en vertu de l’article 49.
Son rôle est certes uniquement consultatif. Toutefois, s’il remplit une mission comparable à l’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques de la convention sur la diversité biologique, dont le rôle est central durant les travaux intersessionnels des conférences des parties, il sera incontournable. C’est en effet cet organe qui transmet à la COP des recommandations et des avis pour examen par les parties, le vote des décisions finales relevant des États souverains dûment représentés, conformément au droit international.
Ce type de fonctionnement se retrouve au sein de nombreuses institutions. La convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou convention de Washington, a instauré, respectivement, un comité consultatif pour les animaux et les plantes : ceux-ci apportent des compétences scientifiques et techniques et des avis utiles pour l’application d’une large gamme de décisions adoptées par la conférence des parties.
La CCAMLR a également mis en place un comité scientifique qui a pour rôle de donner à la commission les meilleures informations scientifiques disponibles sur les niveaux d’exploitation de certaines espèces, par exemple. La commission doit, conformément à la convention, tenir pleinement compte, dans ses décisions, des recommandations et des avis émis par le comité scientifique.
De même, l’accord relatif aux pêches dans le Sud de l’océan Indien et la commission des thons de l’océan Indien ont mis en place, chacun en ce qui le concerne, un comité scientifique qui est notamment chargé de formuler et de présenter des recommandations concernant la conservation, la gestion des pêches et la recherche halieutique.
L’accord précise qu’en attendant la prise de fonction du secrétariat, le ou la secrétaire général(e) de l’organisation des Nations Unies, par l’intermédiaire de la division des affaires maritimes et du droit de la mer du bureau des affaires juridiques du secrétariat de cette organisation, en assume les responsabilités, conformément à l’article 50.
Le secrétariat assure des fonctions classiques, à l’instar d’un appui administratif et logistique à la COP et à ses organes subsidiaires, de l’organisation des réunions de la COP et de tout organe créé par l’accord ou encore des actions de coopération et de coordination avec les secrétariats des autres organes internationaux pertinents.
Deux pays ont, pour le moment, proposé leur candidature à l’accueil du secrétariat : la Belgique, à Bruxelles, et le Chili, à Valparaiso. La décision finale du choix du pays hôte reviendra à la COP.
Ce centre d’échange (article 51) consiste essentiellement en une plateforme en libre accès, dont les modalités précises de fonctionnement seront fixées par la COP, administrée par un secrétariat.
Il doit, entre autres, permettre à chaque partie d’obtenir, de fournir et de diffuser des informations sur divers sujets (les ressources génétiques marines ne relevant pas de la juridiction nationale, la création d’outils de gestion par zone, les évaluations d’impacts sur l’environnement, etc.). Il participe ainsi pleinement au fonctionnement et à l’application transparente de l’accord voulus par les États.
Accessible à tous, il devrait permettre à la société civile de s’emparer pleinement des questions relevant de l’accord en ayant accès à un ensemble de données pertinentes.
C. Les moyens mobilisés pour sa réussite
1. Le règlement des différends
La partie IX de l’accord revient sur les modalités de règlement des différends. Classiquement, les parties sont invitées à prévenir les différends (article 56) et à les régler par des voies pacifiques (article 57), en particulier s’ils portent sur l’interprétation ou l’application des stipulations du texte. Si un différend concerne une question technique, les parties sont autorisées à saisir un groupe d’experts ad hoc, créé par ces mêmes parties, qui s’entretiendra avec elles et s’efforcera de le régler rapidement, sans recourir aux procédures obligatoires de règlement des différends visées à l’article 60 de l’accord.
Ce dernier laisse en bonne place les procédures et juridictions prévues par la CNUDM. En effet, il établit que les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de l’accord sont réglés, à droit constant, conformément aux dispositions relatives au règlement des différends prévus à la partie XV de ladite convention.
En revanche, si une partie de l’accord n’est pas également partie de la CNUDM, il lui est reconnu la liberté de choisir un ou plusieurs moyens de règlement des conflits parmi une liste restrictive : tribunal international du droit de la mer, cour internationale de justice, tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII de la CNUDM ou tribunal arbitral spécial constitué conformément à l’annexe VIII de ladite convention.
Ce résultat a été rendu possible par l’inclusion, dans plusieurs dispositions de l’accord, de clauses de non préjudice concernant toute revendication en matière de souveraineté, de droits souverains ou de juridiction. De même, l’accord prend le soin de préciser les limites propres à son champ d’application, soulignant qu’aucune disposition ne peut être interprétée « comme conférant à une cour ou à un tribunal la compétence pour connaître d’un différend concernant ou impliquant nécessairement l’examen simultané du régime juridique d’une zone comme relevant de la juridiction nationale ou de tout différend relatif à la souveraineté ou à d’autres droits sur un territoire continental ou insulaire ou à une revendication relative d’une Partie » (article 60).
2. La science, une composante essentielle de l’accord
La science est une composante majeure de l’accord BBNJ. Le muséum national d’histoire naturelle ([22]) a ainsi recensé 132 occurrences des termes « recherches », « sciences » et « scientifiques » au sein de ce texte. Sa place est consacrée dès l’article 7, qui précise que les parties sont orientées, pour la réalisation des objectifs fixés par l’accord, par la « liberté de la recherche scientifique marine » et « l’utilisation des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles ».
La science se voit d’abord assigner un rôle d’aide à la décision, ce que traduit l’instauration d’un organe scientifique et technique (article 49) et du comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines (article 46). Elle sera ainsi sollicitée pour la création, la gestion et la révision périodique des aires marines protégées et pour la définition de mesures d’urgence à prendre. En matière d’études d’impact environnemental, l’article 38 confie à l’organe scientifique et technique le soin d’élaborer « des normes et lignes directrices ».
L’accord BBNJ fait aussi de la science un instrument de coordination, en particulier en matière de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, ainsi que dans le cadre du partage des avantages non monétaires issus des ressources marines génétiques. Il prévoit, en effet, la mise en place de projets de recherche et la consécration d’une liberté d’accès à des données scientifiques faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (article 14).
Enfin, la science est un objet de réglementations : elle fait partie du périmètre d’application de l’accord et les scientifiques sont tenus, en vertu de l’article 12, par les obligations de déclaration au centre d’échange de l’objet et des modalités de toute recherche impliquant la collecte in situ des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, ainsi que d’informations relatives à leurs travaux, après la tenue de la campagne de collecte.
Cette obligation ne devrait pas obérer le principe de liberté de la recherche. En France, par exemple, il est interdit de prélever des organismes marins, sauf dérogation qui nécessite l’obtention d’un permis spécifique. Par ailleurs, si les scientifiques souhaitent recourir à la flotte océanographique française, il leur faut nécessairement préparer un dossier contenant notamment les objectifs de collecte. En somme, le principe de déclaration préalable existe déjà et la charge administrative imputable à ces dispositions devrait être absorbable pour les chercheurs. Seul le scénario dans lequel le centre d’échange deviendrait le lieu où l’opportunité d’une campagne scientifique serait évaluée et débattue poserait question dès lors qu’il pourrait entraver la liberté de la recherche ; il ne semble toutefois pas privilégié.
Deux points de vigilance demeurent toutefois : les délais envisagés pour effectuer ces déclarations peuvent s’avérer difficiles à respecter. L’accord prend d’ailleurs en compte ce risque, puisqu’il indique qu’à défaut de respect du délai de six mois, ces déclarations doivent se faire « dès que possible » (article 12). Par ailleurs, il faut souligner que certaines recherches peuvent être faites à partir de ressources génétiques marines issues d’activités de pêcherie qui échappent aux obligations de déclaration. Dans certains cas – extrêmes, il est vrai –, certains scientifiques peuvent même s’extraire des obligations de déclaration préalable à la campagne de collecte en s’embarquant sur des navires de pêche. Le contrôle effectué par des observateurs présents à bord pourrait ainsi être envisagé pour éviter ces contournements de l’accord, à condition que cette présence se fasse selon des règles de réciprocité.
3. Le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de l’accord
Le titre VIII de l’accord BBNJ précise les conditions de sa mise en œuvre.
Chaque partie est ainsi tenue responsable du respect des obligations qui sont les siennes et doit rendre compte régulièrement à la COP des mesures qu’elle a prises à cet effet (article 54).
L’accord prévoit la création d’un « comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions » (article 55), dont les membres sont désignés par les parties et élus par la COP, en fonction de leurs compétences et en tenant compte de l’équilibre des genres et d’une répartition géographique équitable. Il rend compte à la COP et à intervalles réguliers des questions relatives à la mise en œuvre des dispositions de l’accord ; il peut même lui adresser des recommandations. Son fonctionnement n’est certes pas coercitif mais il a le mérite d’exister.
4. Les moyens financiers associés
La mise en œuvre de l’accord va emporter des conséquences financières à différents titres, notamment pour assurer son fonctionnement institutionnel : cela concerne la mise en place d’un mécanisme de partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques marines, la coopération avec les organes pertinents, les consultations publiques prévues aux niveaux national et multilatéral, le renforcement et le développement des capacités des parties, la création d’aires marines protégées ou d’autres outils de gestion par zone, ou encore la mise en œuvre des dispositions relatives à l’évaluation de l’impact environnemental.
L’accord prévoit que chaque partie fournisse des ressources pour les activités visant à atteindre la réalisation de ses propres objectifs, dans la mesure de ses capacités et en tenant compte de ses politiques, priorités, plans et programmes nationaux. Ces contributions permettront de financer le fonctionnement des institutions créées par l’accord (article 52).
Par ailleurs, il est imaginé un mécanisme financier censé aider les parties en voie de développement à mettre en œuvre l’accord. Ce mécanisme se compose de trois fonds :
- le fonds pour l’environnement mondial (FEM) qui, à l’initiative de la France, a prévu d’utiliser jusqu’à 34 millions de dollars d’ici à 2026 pour financer des activités d’appui à la ratification de l’accord. Chaque pays en développement pourra obtenir jusqu’à 175 000 dollars et une enveloppe de 5 millions de dollars est prévue pour des activités régionales et globales ;
- un fonds de contributions volontaires pour faciliter la participation de représentants des États parties en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires ;
- un fonds spécial destiné à garantir que les avantages monétaires, y compris la commercialisation, découlant de ressources génétiques marines et des informations de séquençage numérique associées soient partagés de manière juste et équitable. Le fonds sera alimenté par les contributions annuelles des États et les gains financiers tirés de l’exploitation des ressources génétiques marines. Les entités privées peuvent également verser des contributions volontaires.
Ces différents fonds pourront contribuer à financer, par exemple, des programmes de conservation et d’utilisation durable mis en œuvre par les peuples autochtones et les communautés locales, des consultations publiques ou encore la réalisation de toute action décidée par la COP.
Il est difficile d’évaluer dès à présent le montant de la contribution financière française au titre de la mise en œuvre de l’accord BBNJ. Toutefois, l’étude d’impact du projet de loi autorisant sa ratification donne quelques exemples pouvant servir de points de référence. Ainsi, la contribution française à l’AIFM, au titre de l’année 2024, s’élève à 475 752 euros ; celle octroyée pour la convention sur la diversité biologique est de 713 312 euros. Ces deux instruments comptent une participation des États quasi universelle (169 et 196 parties respectivement) – ce à quoi aspire également l’accord BBNJ –, même si leur architecture institutionnelle est plus réduite à ce stade. Une contribution supérieure n’est donc pas à exclure compte tenu de l’importance de l’architecture institutionnelle de l’accord et du temps qu’il sera peut-être nécessaire pour atteindre sa ratification par un nombre conséquent d’États parties, impliquant une plus large répartition de la charge financière. L’étude d’impact estime ainsi que la contribution française pourrait in fine se rapprocher de celle dévolue au cadre global de la convention sur la diversité biologique – intégrant ses deux protocoles – soit 951 334 euros au titre de l’année 2023.
III. Les conditions À une mise en œuvre effective de l’accord
Les parties sont parvenues à s’entendre sur un accord historique qu’il convient désormais de mettre en œuvre dans les plus brefs délais tant il est urgent d’assurer une protection effective et efficace de la haute mer et de la biodiversité marine. Celle-ci sera assurée par une ratification rapide du texte par les parties signataires, la mise en œuvre prioritaire du cadre institutionnel afférant ainsi que le développement des connaissances et des capacités associées ([23]). Rappelons qu’il aura fallu plus de douze années pour voir entrer en vigueur la CNUDM : c’est précisément ce scénario que la communauté internationale doit désormais éviter.
A. Encourager une RATIFICATION rapide par un nombre Élargi d’États
1. Les enjeux d’une ratification rapide
L’article 68 de l’accord BBNJ précise que celui-ci entre en vigueur 120 jours après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d’approbation, d’acceptation ou d’adhésion. L’accord est également ouvert aux organisations régionales d’intégration économique. Une fois en vigueur, il sera juridiquement contraignant, d’où l’importance de le voir entrer en œuvre dans les plus brefs délais.
Rappelons que la signature de l’accord a été ouverte le 20 septembre 2023 en marge de l’AGNU. À ce stade, 90 signatures ont été obtenues. Si des pays tels que la Russie, la Suisse, l’Argentine ou un certain nombre d’États africains sont encore réticents à le signer, l’intégralité des États membres de l’Union européenne en sont signataires. Le fait qu’un État sans façade maritime, comme la Hongrie, ait décidé de parapher cet accord est significatif : il témoigne de la prise de conscience générale de l’existence de liens intrinsèques entre les océans et le climat et, partant, de l’intérêt partagé par tous les États de la planète à protéger les océans.
Même les États-Unis ont signé l’accord BBNJ. En revanche, sa ratification y sera sans doute fonction des résultats des prochaines élections présidentielles en novembre 2024, l’équipe de négociations américaine ayant été bien plus investie sous la présidence de Joe Biden que sous celle de Donald Trump, traditionnellement hostile au système onusien et aux initiatives multilatérales. Signe encourageant toutefois : un certain nombre de membres du parti républicain ont fait état du risque existant à se tenir hors des instances où se construit le droit de la mer, alors que la Chine y contribuera. La Chine, en effet, a joué un rôle très positif dans la conclusion de l’accord au sein du groupe G77. Une ratification de sa part paraît, en ce sens, possible, même si elle n’est en rien acquise d’avance.
progrès de la signature et de la ratification de l’accord bbnj
en février 2024
Source : High Seas Alliance.
Le processus de ratification n’en est qu’à ses débuts. Les Palaos, archipel de plus de 500 îles situé en Micronésie, dans l’Ouest de l’océan Pacifique, l’a déjà fait, le 22 janvier 2024, suivis par le Chili, le 20 février 2024, les Seychelles, le 14 mars 2024, Bélize, le 8 avril 2024, et Monaco, le 9 mai 2024. La France ferait ainsi partie des premiers États – et en tout état de cause, des tout premiers États européens – à s’inscrire dans cette dynamique. Elle doit continuer de jouer son rôle de pilote au sein de l’Union européenne et, plus largement, de la communauté internationale pour sa mise en œuvre rapide.
S’agissant de l’Union européenne, le Parlement européen a adopté, le 24 avril 2024, à une très large majorité (556 pour, 36 contre, 38 absentions), le projet de résolution législative sur la décision autorisant la ratification de l’accord BBNJ par l’Union européenne. L’adoption formelle de cette décision par le Conseil de l’Union européenne interviendra dans les prochaines semaines, ce qui achèvera le processus interne de ratification au niveau de l’Union. L’instrument européen de ratification de l’accord devra ensuite être déposé par la Commission européenne au nom de l’Union auprès des Nations Unies, à New York.
2. La mobilisation de tous les moyens possibles pour dynamiser le processus
Différentes voies peuvent être suivies pour encourager les ratifications de l’accord BBNJ, à commencer par l’utilisation de grands sommets internationaux pour rappeler l’importance de cet accord et lancer des appels solennels à la communauté internationale en faveur de sa mise en œuvre rapide. Une telle initiative avait été menée, par exemple, par le secrétaire d’État à la mer français, accompagné de l’actrice et activiste Jane Fonda, de représentants de l’UICN, de Greenpeace et des ONG de la High Seas Alliance, à New York, le 21 février 2023, afin d’inciter à la conclusion du texte.
Certaines initiatives intéressantes ont déjà été prises. Le 17 janvier 2024, les principaux responsables d’organisations participant à l’ONU-Océans, le mécanisme de coordination interinstitutionnelle pour les questions marines et côtières, ont approuvé une déclaration d’engagements visant à renforcer et à promouvoir la coordination ainsi que la cohérence des activités du système des Nations Unies dans le cadre de l’accord BBNJ.
Dans cette même perspective, il pourrait être pertinent de se servir de grands évènements sportifs et médiatiques pour sensibiliser l’opinion publique aux enjeux de l’accord. Des courses aussi populaires que le Vendée Globe, la Transat Jacques Vabre ou la Route du Rhum seraient, en ce sens, des instants privilégiés auxquels l’État français pourrait s’associer pour mieux communiquer autour des enjeux de l’accord.
Enfin, des aides financières devraient être mobilisées pour accélérer le processus et aider les pays en développement à se préparer à la mise en œuvre de l’accord. L’Union européenne a ainsi prévu de mobiliser 40 millions d’euros à cette fin dans le cadre du programme mondial pour l’océan – lequel devrait être voté en juillet 2024 –, et elle encourage les membres de la coalition de haute ambition BBNJ à faire de même dans la mesure de leurs capacités. Elle mène d’ores et déjà des programmes d’assistance juridique à l’égard des petits États insulaires ainsi que des séminaires pour sensibiliser divers États, en particulier africains, sur les enjeux de l’accord.
3. La poursuite, dans les eaux françaises, d’une politique ambitieuse en matière d’aires marines protégées
La France poursuit une démarche active de création d’aires marines protégées dans ses eaux et dépasse, depuis 2022, l’objectif des 30 % des espaces maritimes protégés défini, en janvier 2021, par sa nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) : au 1er janvier 2023, 33,4 % de son espace maritime sont ainsi couverts par une AMP. Au début de l’année 2024, 16 nouvelles AMP sont créées, toutes en Nouvelle-Calédonie, portant le nombre total d’espaces maritimes protégés dans les eaux françaises à plus de 600. Ces objectifs ont été renforcés par la stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030 en novembre 2023 : la biodiversité y occupe une place certaine, puisque la France s’engage à placer en protection forte 10 % du territoire national et 5 % de la mer métropolitaine d’ici à 2030. La stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), qui a été adoptée dans la même temporalité, décline cet objectif de développement des zones de protection forte par façade métropolitaine : 5 % en Méditerranée, 3 % dans l’Atlantique et 1 % dans la Manche dès 2027. La SNML fixe également des objectifs ambitieux en termes de protection d’écosystèmes à enjeux : 100 % des herbiers de posidonie devront ainsi se voir protéger. Pour y parvenir, dans chacun des documents stratégiques de façade, des activités humaines seront fortement réduites voire interdites au sein des zones de protection forte identifiées.
L’établissement des premières AMP remonte aux années 1940, en Nouvelle-Calédonie, et aux années 1960, en Méditerranée, avec la création du parc national de Port-Cros au large des côtes varoises. Toutefois, il a fallu attendre 2006 et une série d’évolutions juridiques pour accélérer la création d’AMP, à commencer par l’adoption de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, laquelle a créé l’agence des aires marines protégées, aujourd’hui intégrée à l’OFB. Par la suite, le lancement de la stratégie nationale de création et de gestion des aires marines protégées (SGCAMP) en 2007 et son renouvellement en 2012 ont accéléré ce processus encore renforcé par l’organisation du Grenelle de la mer en 2009.
Le respect de l’objectif de 30 % d’espaces maritimes protégés est rendu possible par la création de deux immenses AMP représentant près de 90 % de la superficie du réseau national :
- le parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie, avec un périmètre de protection de 1 191 000 km2, créé en 2014 ;
- la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, avec un périmètre de protection de 1 655 000 km2 – soit 15 % du domaine maritime français –, créée en 2006. Sa taille actuelle résulte de la décision du président de la République, Emmanuel Macron, d’étendre la RNN à l’ensemble des espaces maritimes des archipels Crozet et Kerguelen et des îles Saint-Paul et Amsterdam.
Si ces chiffres sont positifs, l’efficacité de ces aires pourrait être renforcée par la promotion de zones de protection de taille plus réduite mais plus protectrices. En 2021, seul 1,58 % des eaux françaises fait l’objet d’une protection intégrale ou haute dont 97 % concernent les Terres australes et antarctique françaises (TAAF) et la Nouvelle-Calédonie. À titre de comparaison, malgré une forte couverture d’AMP en Méditerranée, le niveau de protection intégrale et haute ne représente respectivement que 0,09 % et 0,01 % de ces eaux. Ces taux de protection sont encore plus faibles au sein du bassin Atlantique-Manche-mer du Nord, dont une proportion comprise entre 0,005 % et 0,003 % bénéficie respectivement d’une protection intégrale ou haute.
De plus, la France promeut une vision de la protection forte extensive qui n’exclut pas la poursuite d’activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques, contrairement aux standards internationaux – qui prohibent toute forme d’activité industrielle dans ce type de zone – et européens. L’Union européenne a, en effet, introduit le concept de protection « stricte » incluant l’exclusion d’activités industrielles. Les exemples de la réserve naturelle marine de Cerbère‑Banyuls, du parc national de Port-Cros et Porquerolles, du parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie et de la réserve naturelle marine de La Réunion démontrent que de tels projets peuvent réussir – y compris dans les eaux de la France métropolitaine –, lorsqu’ils sont menés en associant l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les pêcheurs.
L’alignement des standards français sur ceux de l’UICN et la promotion d’aires de protection forte pourraient guider son action future en matière d’AMP de manière à rendre sa politique nationale pleinement cohérente avec ses ambitions internationales et à maintenir son leadership en faveur de la protection des écosystèmes marins dans la perspective de l’UNOC.
B. La ratification du texte PAR LA France emporte La modification de quelques aspects de son droit national et implique certaines spécificités
1. Des modifications du droit interne sont rendues nécessaires par la ratification de l’accord
Si les principes de la charte de l’environnement sont respectés et repris pour la plupart dans le préambule et l’article 7 de l’accord, quelques modifications du droit interne seront sans doute commandées par sa ratification.
a. Sur les ressources génétiques marines et les connaissances traditionnelles associées
La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a mis en place des règles d’accès et de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques françaises et des connaissances traditionnelles associées. Les règles encadrant ce dispositif sont fixées par le code de l’environnement et s’appliquent aux collectivités d’outre‑mer, exception faite de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française compétentes en matière environnementale ; celles-ci disposent donc de leurs propres règles en matière d’accès aux ressources génétiques, de connaissances traditionnelles associées et de partage des avantages liés à leur utilisation. Or, l’article 412-5 du code de l’environnement prévoit explicitement l’exclusion des ressources génétiques prélevées en dehors du territoire national et des zones sous souveraineté ou juridiction française, ainsi que des ressources génétiques couvertes par des instruments internationaux spécialisés d’accès et de partage des avantages qui répondent aux objectifs de la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi le 22 mai 1992, et qui n’y portent pas atteinte.
La transposition de l’accord BBNJ en droit interne nécessitera en conséquence l’adoption de nouvelles dispositions législatives et réglementaires visant les utilisateurs de ressources génétiques marines prélevées en haute mer, principalement les instituts de recherche qui conduisent des expéditions scientifiques ou font de la recherche appliquée, comme le muséum national d’histoire naturelle ou l’IFREMER.
S’agissant du droit des brevets et du respect de la confidentialité, en particulier du secret industriel et commercial, une articulation pourrait être envisagée avec la protection conférée par le code de commerce au sein de son titre V sur la protection du secret des affaires (article L. 151-1), étant rappelé que l’accord ne modifie pas le droit de la protection intellectuelle. Les utilisateurs doivent seulement notifier au centre d’échange de l’accord BBNJ l’emplacement des brevets accordés qui ont été développés sur la base de ressources génétiques marines provenant de la haute mer.
b. Sur les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées
Les outils de gestion par zone sont intégrés à l’objectif 1, mesure 4, du plan d’actions 2021-2023 de la stratégie nationale pour les aires protégées 2030 (SNAP). Cette stratégie n’a pas de valeur légale bien qu’elle soit prévue à l’article L. 110‑4 du code de l’environnement. Elle se donne pour objectifs la mise en place de 30 % d’aires protégées et 10 % d’aires de protection forte, lesquels sont cohérents avec l’article premier de l’accord BBNJ. Seule la SNAP propose une définition d’une aire marine protégée, l’article L. 334-1 du code de l’environnement énumérant simplement les outils de protection de la nature considérés comme des aires marines protégées.
S’il est nécessaire d’inscrire dans le code de l’environnement la définition d’une aire marine protégée telle que prévue par l’accord BBNJ, celle-ci pourrait donc être introduite à l’article L. 334-1. Une attention à ce que cette définition soit cohérente avec celle de la SNAP sera nécessaire.
Par ailleurs, une distinction est faite, au niveau national, entre les aires marines protégées des zones sous juridiction de celles qui sont créées au-delà. L’accord BBNJ n’emporte pas d’incidence sur les règles et procédures nationales existantes pour les aires marines protégées sous juridiction. Des dispositions nouvelles seront, en revanche, à prévoir pour couvrir les futures initiatives françaises en haute mer, ainsi que la modification de l’article L. 334-1 du code de l’environnement notamment, afin d’ajouter les aires marines protégées créées en vertu de l’accord à la liste des outils reconnus comme aires marines protégées par le droit national.
c. Sur les évaluations d’impact environnemental
L’accord BBNJ prévoit l’obligation de réaliser des études d’impact environnemental pour les projets d’activités envisagés en haute mer, hors des juridictions nationales, mais également pour des activités menées dans les zones maritimes relevant de la juridiction nationale des États et ayant un impact conséquent sur la biodiversité de la haute mer.
Aussi, les dispositions du code de l’environnement devront être adaptées en vue de mieux coordonner la procédure d’évaluation environnementale existante avec les exigences de l’accord BBNJ. La nomenclature des projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale annexée à l’article R. 122‑2 du code de l’environnement devra ainsi être modifiée pour inclure les activités concernées. L’article R. 122-5 détaillant le contenu de l’étude d’impact devra prévoir la possibilité d’ajouter des éléments sur les impacts en haute mer. Enfin, l’article R. 122-10 relatif aux consultations transfrontières devra préciser les éléments spécifiques aux notifications et consultations des activités en haute mer ou ayant un impact sur la haute mer, notamment via le centre d’échange dont la création est prévue par l’accord BBNJ.
2. La ratification de l’accord par la France s’accompagne d’une exception et d’un nombre limité de réserves d’interprétation
a. La non-application de la rétroactivité des stipulations de l’accord relatives aux ressources génétiques marines et au partage juste et équitable des avantages issus de leur utilisation
La ratification de l’accord BBNJ par la France s’accompagne de la demande d’un opt-out dans le respect de son article 70 énonçant l’interdiction par principe des réserves et exceptions, hormis celles expressément autorisées par ledit accord. Le gouvernement français présentera à ce titre, conformément à l’article 10, une notification alignée sur celle de l’Union européenne ([24]) pour exclure l’application rétroactive de la partie II de l’accord relative aux ressources génétiques marines et au partage juste et équitable des avantages issus de leur utilisation.
En effet, l’article 10 précise que ces obligations sont rétroactives, puisque l’accord « s’étend à l’utilisation des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources ayant été collectées ou produites avant que l’Accord ne soit entré en vigueur, sauf si une Partie présente une exception par écrit en vertu de l’article 70 au moment de la signature, de la ratification, de l’approbation ou de l’acceptation du présent Accord ou de l’adhésion à celui-ci. ». Or, ce principe est intenable pour nombre d’institutions, qu’il s’agisse, par exemple, du muséum national d’histoire naturelle dont les collections comptent 68 millions d’items – ce qui en fait la troisième plus grande collection au monde après celle de Londres et de Washington – issus, pour certains, de la haute mer et difficilement traçables au regard de leur ancienneté et de leur histoire ; il en est de même d’une institution comme l’IFREMER, qui mène des campagnes de recherche depuis des dizaines d’années avec l’aide de la flotte océanique française ([25]). Par ailleurs, la définition même de la haute mer a évolué au cours du temps : la CNUDM a mis fin à une conception extensive de celle-ci, qui recouvrait toutes les parties de la mer n’appartenant ni à la mer territoriale ni aux eaux intérieures d’un État, au-delà des 200 miles nautiques. Il serait donc nécessaire de préciser quelle définition de la haute mer devrait être retenue.
La France et l’Union européenne ne sont pas les seules à écarter la possibilité d’une application rétroactive de ces dispositions. S’agissant des États développés, les États-Unis, le Japon, l’Islande, la Suisse, la Norvège et le Royaume‑Uni ont été très actifs, lors des négociations, pour en exclure le principe quand l’Australie et la Nouvelle-Zélande adoptaient une position plus nuancée consistant à accepter cette rétroactivité dès lors qu’elle serait appliquée sur une base volontaire.
b. La présentation d’une déclaration sur le fondement de l’article 13 relative au statut des peuples autochtones et des communautés locales
L’article 13 de l’accord exige que les parties prennent des mesures législatives, administratives ou de politique générale, afin de garantir que les connaissances traditionnelles détenues par les peuples autochtones et les communautés locales et associées aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne soient accessibles qu’avec le consentement préalable de ces populations, ou leur approbation et leur participation.
La France soutient pleinement la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée le 13 septembre 2007, qui figure dans le préambule de l’accord BBNJ.
Toutefois, les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’unicité du peuple français et d’égalité des citoyens devant la loi imposent que seul le peuple français dans son ensemble peut se voir conférer des droits ([26]). La terminologie comportant les mots « peuples autochtones » au pluriel, dans des textes juridiquement contraignants, rendrait dès lors inconstitutionnelle la ratification de ces instruments par la France. Aussi, la France rappellera-t-elle dans une déclaration à venir que, conformément à la déclaration interprétative qu’elle a formulée lors de l’adoption de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et en vertu des principes à valeur constitutionnelle d’indivisibilité de la République et d’unicité du peuple français, chaque citoyen français dispose des mêmes droits et obligations, quelle que soit son origine.
Elle pourra souligner que sa législation comprend déjà de dispositions spécifiques aux populations des collectivités territoriales d’outre-mer, lesquelles respectent ses principes constitutionnels. La France conduit, en effet, des programmes de soutien à leur développement économique et social dans un cadre adapté aux spécificités de ces populations détentrices de connaissances traditionnelles, ainsi qu’à leur expression culturelle. Ces spécificités sont notamment reflétées dans le titre V de la loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, adoptée le 8 août 2016, qui répond aux obligations internationales découlant du protocole de Nagoya, en particulier celles relatives à la protection des connaissances traditionnelles détenues par les communautés d’habitants.
Ce système de protection au niveau national (consentement préalable donné librement et en connaissance de cause par ces populations pour l’accès à leurs connaissances traditionnelles et respect de conditions convenues d’un commun accord pour l’utilisation de ces connaissances traditionnelles associées) pourrait être étendu aux zones marines ne relevant pas de la juridiction nationale, dès lors que ces connaissances traditionnelles associées ne bénéficient pas déjà de la protection conférée par le dispositif actuel, assurant ainsi le respect des obligations de l’accord BBNJ et des principes constitutionnels français, en cohérence avec la législation en vigueur et la sécurité juridique des utilisateurs.
c. La présentation d’une déclaration sur le fondement de l’article 60 relative à la procédure de règlement des différends
Conformément à l’article 60, paragraphe 4, de l’accord BBNJ, et en cohérence avec la déclaration française faite en vertu de l’article 298 de la CNUDM sur la procédure de règlement des différends au moment de la ratification de cette même convention, la France envisage également de préciser, au sein d’une future déclaration, qu’elle n’accepte aucune des dispositions prévues à la section 2 de la partie XV, au sujet des différends énoncés ci-après :
- les différends concernant l’interprétation ou l’application des articles 15, 74 et 83 relatifs à la délimitation des zones maritimes ou les différends qui portent sur les baies ou titres historiques ;
- les différends relatifs à des activités militaires, y compris les activités militaires des navires et aéronefs d’État utilisés pour un service non commercial, et les différends qui concernent les actes d’exécution forcée accomplis dans l’exercice de droits souverains ou de la juridiction, et que l’article 297, paragraphe 2 ou 3, exclut de la compétence d’une cour ou d’un tribunal ;
- les différends pour lesquels le conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies exerce les fonctions qui lui sont conférées par la charte des Nations Unies, à moins que le conseil de sécurité ne décide de rayer la question de son ordre du jour ou n’invite les parties à régler leur différend par les moyens prévus dans la convention.
d. La présentation d’une déclaration sur le fondement de l’article 67
La France fera référence à la déclaration de compétences que l’Union européenne devra effectuer au moment de la ratification de BBNJ, conformément à l’article 67, paragraphe 2, de l’accord.
C. Établir un cadre institutionnel affÉrent et prÉparer la mise en œuvre de mécanismes financiers Élargis
1. La mise en place d’une commission préparatoire et de groupes de travail thématiques
La mise en œuvre des stipulations de l’accord BBNJ passera également par l’établissement rapide du cadre institutionnel sur lequel il repose. Afin d’anticiper cette étape, il pourrait être pertinent de créer, comme le propose l’institut du développement durable et des relations internationales, une commission préparatoire à la COP par la voie d’une résolution de la conférence intergouvernementale ou de l’AGNU. Cette commission pourrait aussi préparer des guides à vocation nationale ou régionale permettant aux États d’identifier les transferts de technologies marines à prioriser selon les besoins identifiés des parties.
Parallèlement, il serait possible de créer des groupes de travail, en particulier sur les questions centrales de la mise sur pied d’un organe scientifique et technique et des mécanismes budgétaires et financiers mentionnés par l’accord. Dans le même esprit, un groupe de travail composé d’experts et de scientifiques pourrait partager avec les parties des règles de bonnes pratiques concernant la collecte et le partage d’échantillons et d’informations sur les ressources génétiques marines.
Quelles que soient les options retenues, il demeurera essentiel que la France investisse pleinement ces commissions préparatoires et, à terme, les institutions mises en place par l’accord, à commencer par la COP, qui jouera un rôle crucial dans la détermination des modalités d’application de l’accord.
2. La mobilisation de moyens financiers pertinents
Il est également nécessaire que chaque État partie réfléchisse dès à présent aux moyens financiers qu’il est prêt à investir dans le cadre de l’accord.
Outre la mobilisation des 40 millions d’euros dans le cadre du programme mondial pour l’océan, l’Union européenne soutiendra la mise en œuvre de l’accord dans le cadre du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA). Par ailleurs, elle a déjà versé 1,4 million d’euros pour permettre la mise sur pied du futur secrétariat issu de l’accord, lui permettant de s’imposer comme le premier soutien financier de l’architecture posée par l’accord BBNJ.
L’une des priorités devrait être d’aider les pays en développement pour leur permettre de participer de manière effective aux différentes institutions créées par l’accord. Il est, en effet, nécessaire de favoriser un fonctionnement inclusif de ces dernières et d’éviter ainsi des situations, telles que celles observées au sein de l’AIFM, où les quorums ne sont pas toujours atteints faute de voir toutes les parties en mesure de faire le voyage à intervalles réguliers jusqu’à Kingston, en Jamaïque.
Enfin, il sera opportun d’encourager la participation financière volontaire du secteur privé, par exemple en échange de l’octroi d’un label de conservation de la haute mer.
Le 22 mai 2024 à 11 heures, la commission examine le projet de loi autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé à New York le 20 septembre 2023 (n° 2628).
M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’accord soumis à notre ratification, qui concerne les espaces maritimes distants de plus de 200 milles des côtes, est plus connu sous son acronyme anglo-saxon « BBNJ ».
Signe de l’importance de ce texte, le Gouvernement, en la personne de M. Hervé Berville, qui a la charge des enjeux relatifs à la mer et à la biodiversité, a décidé de nous faire l’honneur et l’amitié de participer à nos débats. Pour insolite qu’elle puisse paraître, cette démarche est de droit. De la part de tout autre que lui, on pourrait y voir une forme de pression exercée sur l’Assemblée nationale mais, à nos yeux, ce n’est qu’un retour à la case départ dans cette commission qu’il a honorée de sa présence et de ses travaux, en soutenant notamment la loi la plus fondamentale sur l’aide au développement qu’elle ait portée au cours des sept dernières années.
L’accord dont il nous est demandé d’autoriser la ratification s’inscrit pleinement dans le cadre du volet maritime de la diplomatie environnementale de notre pays. L’organisation du One Ocean Summit à Brest en février 2022 témoigne de l’engagement résolu et constant de la France en faveur de la protection du milieu océanique, qui est un enjeu clé de ce début de millénaire. Il est donc capital que nous confirmions la parole donnée par notre pays en signant le BBNJ.
Nombreux sont ceux qui considèrent qu’il aurait fallu aller plus loin, s’agissant notamment de la régulation de la pêche. Qu’ils se souviennent que le consensus se paie toujours à un prix assez élevé en termes de perte de substance. C’est regrettable mais nécessaire.
La ratification de l’accord doit en outre intervenir rapidement. Pour qu’il entre en vigueur, soixante États doivent l’avoir ratifié. La France espère que tel sera le cas avant la conférence des Nations Unies sur l’océan qui se tiendra à Nice, en juin 2025. Un certain nombre de personnes, et le Gouvernement en tout cas, pensent que la France doit montrer l’exemple et entraîner dans son sillage autant d’États que possible. Si le Sénat se prononce avant l’été, moins de dix mois se seront écoulés entre la signature de l’accord et sa ratification, ce qui constituerait un délai positivement inhabituel. Il est vrai que nous avons souvent protesté, dans cette commission, à propos de l’incroyable liberté avec le temps que l’on prend entre la signature des traités et leur examen pour ratification.
J’observe que le Gouvernement n’a pas sollicité l’examen du projet de loi en procédure simplifiée dans notre hémicycle. Je m’en réjouis : cela démontre l’importance que nous accordons collectivement à l’accord BBNJ, qui se présente fondamentalement comme une avancée en faveur de nos océans, même si des voix s’élèveront sans doute pour la juger timide. La responsabilité ne saurait en être imputée au Gouvernement, qui fait ce qu’il peut.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. J’ai toujours plaisir à revenir à l’Assemblée nationale, en particulier à la commission des affaires étrangères. Outre que la probabilité que j’aie le plaisir d’y siéger à nouveau est élevée, je crois pouvoir dire que cette commission est utile en ce qu’elle fait le lien entre les grands sujets internationaux et nos concitoyens. Si les premiers semblent éloignés des seconds, ils ont en réalité des impacts sur leur quotidien : nos débats sur l’accord BBNJ le démontreront s’agissant des littoraux. Bien entendu, ma présence ne vise pas à exercer une quelconque pression sur le Parlement ; elle démontre, au contraire, le respect particulier que je lui porte.
Mesdames, Messieurs les députés, vous êtes les premiers parlementaires de l’Union européenne saisis de la ratification de ce texte, qui est une avancée majeure pour lutter collectivement contre la triple crise environnementale – du climat, de la biodiversité et des pollutions – et qui s’inscrit dans l’ambition que nourrit le Gouvernement, notamment depuis 2017, de réduire nos émissions à gaz à effet de serre (GES) et de mettre en œuvre la planification écologique. Si nous avons tout fait pour étudier ce texte dans des délais records, c’est parce qu’il est essentiel dans notre stratégie environnementale aux échelons international, européen et national.
L’accord comporte principalement trois volets : la protection des espaces en haute mer, situés à plus de 300 kilomètres des côtes, par la création d’aires marines protégées ; l’obligation de réaliser des études d’impact environnemental de toute activité humaine en haute mer ; un accès aux ressources marines génétiques ainsi que le partage juste et équitable des avantages économiques induits, notamment au profit des pays en développement. Ce texte est un tournant majeur pour la protection de l’environnement, une avancée décisive pour l’océan et sa biodiversité, ainsi qu’une victoire du multilatéralisme dans laquelle la France et l’Europe ont joué un rôle décisif.
J’ai eu l’occasion de me rendre à New York à trois reprises, pour y porter la voix de la France et de l’Union européenne et tenter de parvenir le plus rapidement à une version définitive du texte, qui était en négociation depuis vingt ans.
Le contexte géopolitique tendu qui prévaut depuis le début de la décennie, en raison notamment de la guerre en Ukraine, des conséquences de la crise du Covid-19 et de la compétition stratégique sino-américaine, en faisait douter plus d’un de la possibilité d’une issue favorable à court terme. Nous y sommes pourtant parvenus l’an dernier, obtenant même une innovation capitale : pour la première fois dans l’histoire des négociations internationales, les décisions seront prises à la majorité qualifiée et non par consensus. Concrètement, un État ne pourra pas bloquer seul une décision.
L’intéressant, c’est que les négociations ne se sont pas déroulées selon le clivage traditionnel entre pays du Nord et pays du Sud, pays développés et pays en voie de développement, en dépit de la tentative de certains États de les y enfermer. Grâce à la coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer bâtie par la France depuis l’inauguration par le président de la République du One Ocean Summit, nous avons réuni de nombreux pays dits du Sud très favorables à la conclusion de l’accord, alors même que certains pays du Nord se montraient très réticents. La France, soutenue par l’Allemagne à partir de 2022, a pesé de tout son poids pour rallier de nombreux pays du G77 et ne pas se laisser enfermer dans une lecture Nord-Sud du texte. Cela a permis de bâtir un consensus, notamment avec les pays émergents, et de parvenir à la conclusion de l’accord. À force de conviction, nous sommes même parvenus à embarquer sur le navire les États-Unis et la Chine, d’abord réticents.
Ce texte est un tournant majeur pour la protection de la biodiversité et du climat ainsi que pour la lutte contre la pollution. Il nous donne les outils pour protéger 50 % de la surface du globe, la haute mer représentant 70 % de la surface des océans, et les 2,2 millions d’espèces qui peuplent les océans – nous en connaissons 1,4 million sur la terre ferme. Il permet de lutter contre le changement climatique dans la mesure où l’océan est un extraordinaire puits de carbone. Il permet aussi de lutter contre les pollutions : nous pourrons désormais réguler le Far-West sans règles qu’était la haute mer en sanctionnant ceux qui se rendent responsables des pollutions chimiques, industrielles et plastiques, puisque l’accord BBNJ a une portée juridique contraignante.
La première avancée fondamentale qu’il offre, qui a fait l’objet de longues batailles diplomatiques, est la production d’études d’impact préalablement à toute activité en haute mer. Pour chaque activité relevant de leur contrôle, les États parties à l’accord auront l’obligation d’en effectuer. Concrètement, toute entreprise souhaitant opérer dans les eaux internationales sera soumise à l’obligation de faire réaliser une étude d’impact par l’État dont elle relève, visant à prévenir toute forme de pollution ou de dommage aux écosystèmes marins et à permettre l’application du principe du pollueur-payeur.
La deuxième avancée est la possibilité de créer des aires marines protégées en haute mer. Elles sont essentielles pour deux raisons : elles favorisent la coopération entre États ; elles permettent, sur la base de l’état écologique de certaines zones, de se donner des règles permettant de lutter contre la dégradation des écosystèmes et de préserver ces espaces.
Grâce à la création d’aires marines protégées dans des zones entières des eaux internationales, nous tiendrons compte, pour la première fois, de critères tels que la santé des écosystèmes, les routes migratoires des cétacés et la préservation des ressources halieutiques, ce qui nous permettra d’arrêter des politiques ambitieuses en la matière. Si nous procédons ainsi, c’est parce que les scientifiques nous disent très clairement que les aires marines protégées font partie des outils les plus efficaces à notre disposition pour permettre à l’océan et à ses écosystèmes de se régénérer, d’être plus résilients et de jouer leur rôle de régulateur du climat.
La troisième avancée est l’accès aux ressources marines génétiques. Dans l’océan, notamment dans les abysses, se trouvent des molécules utilisées par la recherche pour mettre au point notamment des cures du cancer du cerveau, des traitements de la maladie d’Alzheimer et des vaccins à ARN messager (ARNm). Or moins de 20 % des fonds marins et 3 % des grands fonds marins ont été explorés. L’enjeu de l’exploration et de l’accès à ces espaces est donc central, notamment pour les prochaines découvertes médicales et pharmaceutiques, pour le progrès humain et pour la souveraineté.
Avec ce volet sur les ressources génétiques marines, nous refusons l’approche « premier arrivé, premier servi ». Les fruits financiers issus de la découverte des ressources génétiques devront être partagés, notamment avec les pays en développement, dans la mesure où l’océan, en tant que bien commun de l’humanité, ne doit pas être régi par la loi du plus fort.
Le texte en est à l’étape de la ratification. En France, nous en sommes à l’avant-garde. Cinq États l’ont d’ores et déjà ratifié : les Palaos, le Chili, le Belize, les Seychelles et Monaco. Le Parlement européen a récemment approuvé sa ratification à une très large majorité, ouvrant la voie aux pays de l’Union européenne. Pour que l’accord entre en vigueur, il doit avoir été ratifié par soixante États.
Compte tenu de l’urgence écologique, sa ratification est un sprint ; elle est aussi un marathon, dans la mesure où la mise en œuvre de ces mesures ambitieuses pour la protection des océans prendra du temps. L’objectif est d’en assurer l’entrée en vigueur à la prochaine conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC).
La France a pris de l’avance, non seulement en étant parmi les premiers États à entreprendre la ratification de l’accord BBNJ, mais aussi en travaillant avec plusieurs pays à l’ouverture, dès l’an prochain, d’aires marines protégées en haute mer, auxquelles elle consacre un financement de 80 millions d’euros, et en allouant 41,5 millions d’euros, dans le cadre de France 2030, à un vaste programme de collecte, de séquençage et de partage des ressources génétiques dans les eaux françaises. Dès avant la ratification du texte, nous nourrissons donc une forte ambition en la matière.
Nous vivons un moment, que je n’hésiterai pas à qualifier d’un mot dont j’ai pour habitude de me défier, « historique ». Le dernier texte d’une telle portée dont le Parlement a été saisi était le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015. Votre responsabilité est majeure. Vous pouvez être le premier Parlement d’Europe à ratifier l’accord BBNJ. Ce texte est essentiel pour protéger les océans et la biodiversité et pour garantir une politique environnementale efficace et universelle protégeant toutes les surfaces maritimes.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. L’océan occupe 70 % de la planète. Particulièrement important pour la France, deuxième puissance maritime économique mondiale, il est une énorme source de richesse : on y trouve notamment le plancton, au commencement de la chaîne alimentaire.
Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d’État, de vous être investi très rapidement dans la défense de cet accord sur la haute mer. BBNJ est l’acronyme de Biodiversity Beyond National Jurisdiction ; cet accord traite donc de la biodiversité dans les eaux internationales, qui n’appartiennent à personne, au-delà de notre zone économique exclusive (ZEE), laquelle s’arrête à 200 milles nautiques – soit environ 360 kilomètres – de nos côtes. La haute mer commence donc bien plus loin que nos eaux territoriales, dont la largeur est limitée à 12 milles, mais elle n’est pas si loin !
Il m’appartient ainsi de vous présenter aujourd’hui cet accord se rapportant à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, un texte dont il vous est demandé d’autoriser la ratification. Il s’agit là d’un moment diplomatique très important, et même historique.
Historique, d’abord, parce qu’il acte la réussite de négociations longues et difficiles, récompensant la ténacité de toutes les parties et le maintien d’un niveau élevé d’ambition. Dès le début des années 2000, alors que l’érosion massive de la biodiversité marine était déjà dénoncée, l’Assemblée générale des Nations Unies a commencé à s’interroger sur la nécessité de compléter la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, qui encadre le transport maritime et l’utilisation professionnelle des océans. Les premières signatures de l’accord sont intervenues plus de vingt ans après, le 20 septembre 2023 ; on en compte quatre-vingt-neuf aujourd’hui. C’est dire que le débat a été soutenu ! De toute évidence, il n’a pas été vain. L’aboutissement de cet accord prouve une fois de plus que le multilatéralisme, mis à mal sur bien des sujets, fonctionne encore, heureusement, dans le domaine environnemental.
Permettez-moi de souligner combien l’investissement de la France et de l’Union européenne a été décisif pour trouver une issue positive à ces négociations. Je tiens d’ailleurs à saluer le professionnalisme et l’engagement sans faille de nos équipes de négociateurs, sans qui rien n’aurait été possible. À trois reprises, Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes déplacé en personne à New York pour soutenir la conclusion de cet accord. L’Assemblée nationale s’est aussi mobilisée en adoptant à l’unanimité, le 25 novembre 2021, la résolution pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan que j’avais défendue avec notre collègue Maina Sage. Je sais que cette impulsion politique a grandement contribué au succès final des négociations, et je m’en félicite. Je veux enfin saluer l’engagement de la communauté maritime française, de ses acteurs économiques, scientifiques et environnementaux qui œuvrent au quotidien en faveur de la protection de l’océan. Il était essentiel que la France, grande puissance maritime qui accueillera la prochaine conférence des Nations Unies sur l’océan, à Nice, en juin 2025, montre l’exemple.
Historique, cet accord l’est également par son contenu. Il complète en effet la convention de Montego Bay en prévoyant une protection effective de la biodiversité de la haute mer et des grands fonds marins. Les avancées technologiques et scientifiques des vingt dernières années ont montré que ces espaces n’étaient pas vides mais qu’ils abritaient au contraire des écosystèmes riches, uniques et fragiles. Si la haute mer représente 99 % de l’espace maritime habitable, elle est aussi directement affectée et parfois menacée par les activités économiques qui s’y développent. Je pense à la pêche illégale, à la surpêche, à l’exploration et peut-être bientôt à l’exploitation des ressources des grands fonds marins, au transport maritime, ou encore aux pollutions plastiques, pour ne citer, hélas, que quelques exemples. Il devenait donc urgent de réglementer ces activités.
L’accord BBNJ devrait permettre de prendre pleinement en compte ces nouvelles menaces, là où la convention de Montego Bay se limitait surtout à la lutte contre les pollutions aux hydrocarbures. Il devrait également mettre fin à l’extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer et aux grands fonds marins, soumis à des instruments juridiques négociés en dehors de la convention de Montego Bay, aux niveaux régional et sectoriel. Sa force tient cependant au fait qu’il n’obère pas l’action de ces instruments juridiques mais compose avec ces derniers. L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) reste compétente pour l’encadrement de l’exploration et de l’exploitation des grands fonds marins. L’Organisation maritime internationale (OMI) reste chargée de la sécurité et de la sûreté du transport maritime, de même que les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) continueront de réglementer les activités de pêche. L’accord BBNJ organise la coopération entre ces différentes instances et crée de nouveaux outils là où cela est nécessaire. L’effort conjugué de ces différentes organisations permettra, nous l’espérons, une meilleure protection des océans.
Sur le fond, que prévoit précisément cet accord ?
Il organise le partage juste et équitable des avantages monétaires et non monétaires – principalement le transfert de savoirs et de compétences – qui découlent de l’utilisation des ressources génétiques marines.
Il ouvre la possibilité de créer des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées (AMP) en haute mer. Celles-ci existaient certes, mais uniquement dans le cadre d’accords régionaux n’engageant de facto que les États parties. Désormais, des aires marines reconnues par l’ensemble de la communauté internationale pourront voir le jour, à la demande des États parties à l’accord BBNJ. Il s’agit là d’une avancée majeure. Quelques projets sont d’ailleurs déjà envisagés : le dôme thermal, dans l’océan Pacifique tropical oriental, ou encore la mer des Sargasses, dans l’Atlantique Nord.
L’accord innove pour éviter de reproduire en haute mer les blocages observés au niveau régional pour la création de nouvelles aires, qui relève d’un consensus entre parties souvent difficile à trouver. Il permet ainsi la mise en place d’un nouvel outil de gestion à la majorité qualifiée. Il s’agit là d’une innovation remarquable et courageuse, qui s’éloigne de la pratique en vigueur dans les institutions onusiennes. En contrepartie, les États disposeront d’un droit d’objection leur permettant de ne pas être liés par une décision prévoyant la création d’un outil de gestion par zone qu’ils n’ont pas souhaité, à la condition cependant qu’ils le justifient. On peut espérer que la pression des pairs et le souci de faire bonne figure au niveau international dissuaderont les États les moins ambitieux de recourir trop souvent à ce mécanisme d’opt-out.
Il reviendra aux États de définir, lors des futures conférences des parties (COP), le processus de création de ces AMP. Tout reste à construire, à partir de l’accord que nous nous apprêtons à ratifier. Les COP devront aussi préciser comment les États imaginent contrôler le respect de ces aires éloignées de tout. Assurément, le contrôle satellitaire jouera un rôle prépondérant, de même que l’intelligence artificielle. Je veux ici faire le lien avec l’audition le 15 mai, par notre commission, de M. Charles Thibout et Mme Asma Mhalla, qui préconisaient de trouver une niche dans laquelle nous pourrions exceller et devenir incontournables au lieu d’être à la traîne des Américains. La France dispose déjà d’une telle niche en matière de contrôle satellitaire : il nous arrive même de poser des balises sur des albatros, dans les mers du Sud, pour repérer les zones de pêche illicite.
En haute mer comme dans les zones économiques exclusives, je souhaite la création d’aires marines sous protection stricte ou intégrale, excluant par principe toute activité extractive. La communauté scientifique internationale nous dit que seul ce niveau de protection est à même de protéger ou restaurer les écosystèmes marins. Il ne s’agit pas de mettre sous cloche la haute mer, encore moins nos eaux côtières, mais de garantir un niveau de protection optimale des zones les plus fragiles. La France s’est fixé l’objectif d’avoir au moins 10 % de ces aires protégées. Nous y parviendrons assez facilement car les eaux internationales qui nous entourent, notamment au large des Kerguelen, sont susceptibles de constituer des AMP étendues. Peut-être aussi devrons-nous chercher à en avoir un peu plus le long de la bande côtière hexagonale. Les quelques exemples existants, en France comme à l’étranger, montrent que les premiers à bénéficier de ces zones sont les pêcheurs, parce qu’elles favorisent une abondance nouvelle de la ressource.
L’accord impose, en outre, aux États parties de réaliser une étude d’impact environnemental chaque fois qu’une activité engagée sous leur juridiction, ayant un impact en haute mer ou menée directement en haute mer, peut entraîner une modification importante et néfaste du milieu marin. Le grand intérêt de cette disposition tient au fait qu’elle prend en compte l’impact cumulé et écosystémique des activités humaines.
Enfin, l’accord BBNJ prévoit le transfert de technologies marines, notamment des États développés vers les pays en développement, dans le but d’accroître et de mieux partager les connaissances sur la conservation et l’utilisation durable des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Je sais, Monsieur le secrétaire d’État, que ce sujet vous tient particulièrement à cœur.
Il importe désormais que cet accord ambitieux soit ratifié le plus rapidement possible pour assurer son entrée en vigueur prochaine. Évitons de reproduire le scénario de la convention de Montego Bay, qui n’a pu être appliquée qu’après de longues années. Les Palaos, le Chili, les Seychelles, le Belize et Monaco ont déjà ouvert la voie. Faisons en sorte d’avoir ratifié cet accord avant la réunion de l’UNOC ! Vous l’avez dit, Monsieur le secrétaire d’État, notre objectif est que soixante pays aient déposé leur instrument de ratification avant cette échéance.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Eléonore Caroit (RE). C’est avec émotion et solennité que je vous invite à voter la ratification de ce texte de la plus haute importance. Cet accord, qui marque un tournant décisif dans la protection de l’océan, est historique.
Historique, d’abord, parce qu’après plus de vingt ans de négociations, il témoigne de la victoire du multilatéralisme en matière de protection de l’environnement.
Historique, ensuite, parce qu’il déroge au principe décisionnel du consensus et prévoit que les décisions seront prises à la majorité qualifiée, ce qui empêche un seul pays de bloquer une décision nécessaire.
Historique, enfin, parce qu’une fois en vigueur, il sera juridiquement contraignant, ce qui n’est pas rien.
Il ne s’agit pas d’un simple accord sur la biodiversité marine. En ratifiant ce traité, en renforçant les mécanismes de protection de l’océan, la France contribuera concrètement à la lutte contre le changement climatique car, en absorbant près de 30 % du CO2, l’océan est un puits à carbone essentiel à la régulation du climat. Les États signataires de l’accord qui ne possèdent aucune façade maritime ont eux-mêmes compris que la protection de l’océan et la lutte contre le changement climatique étaient indissociables.
J’étais présente aux côtés du secrétaire d’État lors de son déplacement à New York, en septembre 2023, pour soutenir la signature de l’accord. J’ai pu constater l’engouement des États – notamment des États latino-américains – en faveur de ce texte, qui a recueilli plus de quatre-vingts signatures en quelques jours.
Il y a un enjeu à la ratification rapide de cet accord. Soixante ratifications sont nécessaires pour permettre son entrée en vigueur, que la France souhaite pouvoir annoncer à la réunion de l’UNOC, à Nice, en juin 2025. Ce serait un signal fort, cohérent avec le rôle que notre pays a joué pendant les négociations. Le président de la République a annoncé que 2024 serait l’année de la mer. En 2024, soyons le premier pays de l’Union européenne à ratifier cet accord ambitieux et nécessaire, que je vous invite à soutenir sans réserve.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. Vous l’avez dit, l’année de la mer va commencer en septembre prochain. Ce sera l’occasion de nombreux événements : les Jeux olympiques, où la France a de vraies chances de médailles, dès le mois d’août, le Vendée Globe, la réunion de l’UNOC… Effectivement, du point de vue diplomatique, notre vote est important.
Des aires marines protégées ont déjà été créées. Il en existe treize dans l’Atlantique. Je sais que vous travaillez à la création d’une réserve dans la dorsale de Salas y Gómez, tandis qu’une aire marine protégée pourrait être constituée dans le dôme thermal. Nous pourrions imaginer relier toutes nos îles, y compris Clipperton, par une zone protégée. Mais beaucoup de travail reste à faire car, après la ratification de l’accord, il faudra encore ouvrir la négociation avec les différentes instances régionales ou professionnelles dont je vous ai parlé tout à l’heure.
M. Michel Guiniot (RN). Le texte de l’accord est consultable depuis 2023. Quant au projet de loi de ratification, il est inscrit à l’ordre du jour de notre commission depuis le 23 avril et a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 mai. Or, jusqu’à ce matin vers neuf heures trente, aucun document n’était accessible sur le site internet de notre Assemblée. Le rapporteur a évoqué l’étude d’impact, dont il dispose sans doute mais que nous n’avons, pour notre part, pas pu consulter. Dans ces conditions, il est plus difficile d’intervenir !
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre rapport assez imagé qui nous permet de visualiser plus aisément les enjeux de cet accord stratégique, primordial pour nos océans, tout en nous donnant quelques indications sur le contenu de l’étude d’impact produite par le Gouvernement.
Cet accord vise à élaborer un instrument juridiquement contraignant, par lequel nous pourrons faire de ce qui n’appartient à personne un bien commun protégé par le droit. À cette fin, l’article 1er stipule que seuls les États souverains et les unions régionales d’États prennent part à l’accord. Les organismes non étatiques sont simplement consultés : ils ne sont pas des parties prenantes.
Cet accord, qui porte sur un enjeu crucial, appelle quelques réserves. Ainsi, le principe pollueur-payeur, louable par sa définition – seuls les vrais pollueurs des océans seront condamnés financièrement, tandis que les usagers et exploitants respectueux de l’environnement pourront profiter du patrimoine commun que sont l’océan et ses ressources –, n’est évoqué que dans les orientations présentées à l’article 7.
Je vous rejoins tout à fait s’agissant des moyens de surveillance et de contrôle, que vous détaillez à la page 30 de votre rapport. Il est évidemment impensable d’avoir une police des mers qui patrouillerait sur des millions de kilomètres carrés ; elle s’apparenterait à un tigre de papier. Pour la mise en œuvre de la surveillance visée à l’article 35, la coopération technologique évoquée dans la partie V devra se doubler d’une coopération sécuritaire. Vous mentionnez à juste titre l’accord de Kourou signé en mai 2023, relatif à l’acquisition des données et images satellitaires.
Les articles 52 et suivants portent sur le financement. La contribution de la France, qui n’est pas précisée, est estimée par le Gouvernement – nous le savons grâce à vous – entre un demi-million et un million d’euros. Cette somme peut paraître dérisoire au vu de notre patrimoine maritime, de nos routes commerciales et du nombre de personnes que fait vivre la mer. Il s’agit là d’un investissement mesuré, qui nous permettra de protéger un espace qui, faute de n’appartenir à personne, appartient en réalité à tous.
Malgré ses imperfections, cet accord constitue donc une belle avancée, que je salue. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. S’agissant de la mise à disposition des documents nécessaires, je prendrai l’attache des services concernés pour savoir ce qui s’est passé. Vous êtes tout à fait fondé à nous signaler cette anomalie, qui ne doit pas se reproduire.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. Je comprends les observations de Monsieur Guiniot mais mon rapport, quant à lui, était à la disposition de la commission avant ce matin. Il faut en outre souligner la rapidité avec laquelle l’Assemblée nationale ratifiera cet accord ; M. le secrétaire d’État n’y est pas pour rien.
S’agissant du principe pollueur-payeur, vous avez raison, nous allons devoir veiller à son application effective. La France est championne du monde dans ce domaine : dans le cadre de l’action de l’État en mer, depuis la catastrophe de l’Amoco Cadiz, nous avons mis en place un système de contrôle et de sécurité formidable. Dans la Manche, un bateau entre ou sort toutes les trente secondes : imaginez donc la sécurité qu’il convient d’assurer ! Ces moyens de sécurité sont répartis sur toute la planète, à travers des centres de coordination et de sauvetage en mer, dits « MRCC », qui sont des lieux de contrôle et de surveillance.
Comme vous, je crois qu’il faudra essayer de travailler à un contrôle satellitaire. À Étel, dans ma circonscription, se trouve le Centre national de surveillance des pêches maritimes : il s’agit d’un bel outil que nous devons continuer de développer.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Partons de ce constat : la mer, l’océan mondial est au bord de l’asphyxie à cause de la surpêche et des pollutions multiples – aux substances chimiques, aux pesticides, aux métaux lourds, au plastique –, certaines étant la conséquence d’accidents de transport maritime. Et les deux-tiers de nos concitoyens – la moitié de la population de la France métropolitaine, et davantage encore dans les outre-mer – vivent à moins de 100 kilomètres d’une côte. Or l’océan joue un rôle de régulateur climatique ; de sa bonne santé dépend celle du vivant et de l’humain. Il y a donc une urgence, à laquelle viennent répondre l’Organisation des Nations Unies (ONU) et la diplomatie. Cet accord est salutaire ; il faut que la France le ratifie.
En tant que deuxième puissance maritime mondiale, notre pays a un rôle immense à jouer. Cet accord doit nous permettre d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et dans le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Toutefois, que la France s’engage à ratifier cet accord ne doit pas cacher la responsabilité du Gouvernement dans la dégradation de la qualité des mers. Depuis sept ans, l’Exécutif a tendance à multiplier les grandes déclarations sans se donner les moyens de mettre en œuvre une véritable politique écologique. Ainsi, il s’est engagé à atteindre les objectifs fixés par la COP15 mais ne fait rien pour combattre – et parfois même encourage – la surexploitation des ressources par la surpêche, la chasse et la surproduction de tout et n’importe quoi. Il a, en outre, supprimé des postes dans certains ministères et opérateurs jouant un rôle clé dans la lutte contre le dérèglement climatique – à l’Office français de la biodiversité (OFB), aux agences de l’eau et au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), notamment.
Pour que cet accord s’applique, il faut que soixante États le ratifient. Seuls cinq pays l’ont fait à ce jour, et on ne compte parmi eux aucun des grands pollueurs de la planète, comme les États-Unis et la Chine.
Par notre vote positif, nous entendons saluer l’action de l’ONU pour tenter de répondre à la crise climatique mais nous ne cautionnons aucunement le double discours du Gouvernement, ni son inaction en matière de climat et de préservation de la biodiversité marine.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Vous nous accusez d’inaction climatique mais, si nous avons abouti à un tel accord, c’est parce que le Gouvernement a mené ce combat, en s’appuyant sur nos diplomates, que je remercie infiniment, sur les fonctionnaires qui travaillent sur ce sujet, ainsi que sur les parlementaires, qui ont adopté une résolution en la matière. La France et l’Allemagne ont fait de cette question l’une des priorités de leur action internationale.
Il n’y a pas de double discours : ce que nous prônons au niveau international, nous le faisons au niveau national. Ainsi, dans les Côtes-d’Armor, en lien avec la Ligue de protection des oiseaux, nous avons multiplié par soixante-dix l’étendue de la réserve naturelle des Sept-Îles, une aire marine protégée.
Vous nous reprochez enfin d’avoir supprimé des postes. Or, en matière de climat et de biodiversité, nous avons augmenté les moyens humains de l’OFB, qui bénéficie de créations de postes depuis quatre ans et d’un budget en hausse de plus de 150 millions d’euros.
Pour autant, je remercie votre groupe de voter en faveur de ce texte.
M. Vincent Seitlinger (LR). Le sujet dont nous discutons ce matin paraît à première vue éloigné des réalités de ma circonscription, même si les inondations de ce week-end ont donné ces derniers jours à la Moselle un aspect maritime.
La mise en œuvre de cet accord permettra notamment la protection d’espaces de haute mer par l’établissement d’aires marines protégées et la réalisation d’études d’impact environnemental pour les activités humaines susceptibles de produire des effets néfastes en haute mer. Il apparaît en effet nécessaire de protéger cette haute mer, que l’on peut qualifier aujourd’hui de « Far-West maritime » en l’absence de réglementation la concernant. J’ajoute que la France, grande nation maritime et littorale, dont la zone économique exclusive est la deuxième au monde, a une responsabilité particulière dans la protection des océans. Dès lors, cet accord est utile et nécessaire : le groupe Les Républicains votera donc pour ce texte.
L’une des limites de l’accord BBNJ est qu’il ne s’applique pas à la grande pêche ni aux ressources minérales des fonds marins. Ces questions sont déjà réglementées par des institutions existantes : les ressources minérales des fonds marins sont gérées par l’AIFM tandis que la gestion de la grande pêche est assurée par les ORGP. L’accord BBNJ permettra certes de mettre en œuvre une coopération étroite avec ces organismes mais on peut craindre que la coexistence de mécanismes juridiques différents fragilisera l’action menée par ces institutions distinctes. Dans ce contexte, ne risquons-nous pas de voir, au cours des prochaines années, une accélération de l’exploitation des ressources minérales des fonds marins ?
M. Jimmy Pahun, rapporteur. La pêche en haute mer ne représente que 4 % du volume total de la pêche, ce qui est très peu. Notre effort le plus important doit donc porter sur nos eaux territoriales et nos ZEE. Nous sommes en train d’y travailler, puisque nous voulons revoir les quotas de pêche et réexaminer certains outils et engins utilisés.
S’agissant de l’exploitation des fonds marins, il me semble que la France a dit, l’année dernière, qu’il n’en était pas question pour le moment. Nous étions à deux doigts de voir cette exploitation commencer à Nauru, une petite île du Pacifique qui n’a plus rien, qui a déjà vendu son guano il y a quelques années et qui s’apprêtait à vendre ses fonds marins à une société canadienne avant que la France appelle à mettre un terme au processus. L’accord BBNJ est une très bonne chose, dans la mesure où il prévoira un lieu où les différentes organisations que vous avez citées pourront négocier et travailler ensemble.
M. Bruno Fuchs (Dem). Je tiens tout d’abord à vous féliciter, Monsieur le rapporteur, pour votre engagement, votre rigueur, votre expertise sur les questions maritimes, votre efficacité et votre vélocité – on a vu à quelle vitesse ce texte est arrivé devant nous.
Aux yeux du Mouvement démocrate, cet accord est historique, tant par son contenu que par sa dimension contraignante.
Rappelons que la haute mer représente près de la moitié de la surface du globe. Elle fait partie des eaux internationales qui, à ce jour, sont peu protégées et ne relèvent d’aucune juridiction nationale. Elle abrite des ressources génétiques maritimes ainsi qu’une biodiversité très riche et peu connue à ce jour par les scientifiques. Elle est, surtout, un vecteur majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces espaces sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, à la pollution – y compris sonore –, à la surexploitation des ressources et à la diminution de la biodiversité.
Concrètement, la mise en œuvre de cet accord permettra la protection d’espaces de haute mer par l’établissement d’aires marines protégées, ainsi que la réalisation d’évaluations de l’impact environnemental des activités humaines.
Se pose la question de la définition de ces aires protégées et donc des critères qui permettront de les établir. Je crois savoir qu’ils ne sont pas les mêmes, pour l’instant, selon les pays, et qu’ils font même débat en France.
Je salue la mobilisation de la France et des autres États membres de l’Union européenne pour une ratification rapide de cet accord, qui devrait intervenir, idéalement, avant la réunion de l’UNOC à Nice en juin 2025. Quel est le rôle du Parlement dans ce processus ? Nous connaissons votre engagement personnel mais je crois que, derrière vous, le Parlement a également entamé une démarche rapide.
Vous l’aurez compris, le groupe Démocrate votera ce texte tout à fait déterminant.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. Les départements de la Moselle et du Haut-Rhin sont aussi affectés par le changement climatique et l’état des océans. Il importe que vous mobilisiez tous vos collègues afin que nous soyons nombreux, le mercredi 29 mai à 15 heures, pour voter en séance publique ce projet de loi de ratification. Nous montrerons ainsi que le Parlement a joué son rôle en relançant le processus au moment opportun, lorsque les diplomates sollicitaient un soutien politique – un soutien que M. le secrétaire d’État a apporté avec une rapidité incroyable.
Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évoque quatre catastrophes ou quatre inquiétudes pour les océans : la montée du niveau de la mer ; le réchauffement de la mer ; l’acidification des océans, qui affecte le plancton et dérègle donc la chaîne alimentaire ; l’impact du dérèglement climatique. L’accord BBNJ permettra d’étudier tous ces aspects.
Les critères de constitution des aires marines protégées doivent être les mêmes partout dans le monde. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a proposé une définition. Quant à nous, nous devrons peut-être apporter un peu de clarté dans ce domaine : il me semble en effet que nous avons dix-sept types d’aires protégées le long de nos côtes – je ne vous parle pas ici de la haute mer. Il conviendrait de nous rapprocher un peu des critères de l’UICN.
Ces aires doivent représenter une part importante de nos eaux territoriales – je ne vous demande pas d’aller jusqu’à 10 % –, tant elles sont essentielles à la régénérescence de la production halieutique. Il existe des lieux où ce système fonctionne très bien, comme le long de la chaussée de Sein, à Porquerolles ou même en Croatie. Et je ne parle même pas des fameux rahui polynésiens, qui sont un parfait exemple d’une meilleure gestion de la ressource.
M. Alain David (SOC). L’accord BBNJ a été adopté à l’unanimité en juin 2023 et signé par quatre-vingt-huit États depuis le 20 septembre. Malgré des négociations parfois très tendues, il a été qualifié d’historique, dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme dû à la guerre en Ukraine et à la rivalité sino-américaine. On peut d’ailleurs noter qu’il s’inscrit dans un contexte dynamique et positif, marqué notamment par l’accord trouvé fin décembre 2022 à la COP15 de Montréal, qui a fixé un objectif de 30 % d’écosystèmes terrestres et marins protégés d’ici à 2030.
La France a joué un rôle moteur, avec la Commission européenne, dans le cadre de la coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer. Cinquante-deux États ont rejoint cette initiative, qui constitue un vecteur d’influence privilégié et un catalyseur en vue d’accélérer les procédures de ratification de l’accord. Nous avons bien noté que la France souhaitait pouvoir annoncer, lors de la prochaine conférence des Nations Unies sur l’océan, à Nice, en juin 2025, le dépassement du seuil des soixante ratifications indispensables à l’entrée en vigueur de l’accord, qui doit être atteint au plus tard en février 2025.
Il convient de saluer et de soutenir cet accord international, qui constitue indéniablement une avancée dans la protection de la biodiversité marine. Soyons cependant attentifs à sa traduction en droit interne et dans les politiques publiques nationales. Les modalités de sa mise en œuvre sont au moins aussi importantes pour son succès que les dispositions de l’accord lui-même. En effet, comme le souligne une étude récente du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) publiée le 9 mai 2024, un tiers seulement des plus grandes aires marines protégées sont efficaces pour protéger la biodiversité, ce qui représente 2,6 % de la surface totale des océans. Les scientifiques ont également relevé que, dans un autre tiers de ces aires marines protégées, des activités industrielles hautement destructrices telles que la pêche à grande échelle étaient autorisées.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Socialistes et apparentés soutiendront ce projet de loi de ratification.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. Je remercie votre groupe pour son soutien.
L’accord BBNJ permet de rassembler toutes les instances intervenant dans le domaine de la haute mer. Cependant, vous avez raison, la réunion de l’UNOC en juin 2025 sera importante car elle permettra de discuter de la notion d’aire marine protégée, des critères de création de ces zones, ainsi que des activités pouvant y être autorisées, notamment dans les domaines de la pêche et de l’exploitation minière : autant d’éléments qui devront être négociés dans le cadre des COP. Ce sera notre « accord de Paris maritime ». Nous devons y croire, tout faire pour que ce sommet réussisse, en soufflant dans toutes les voiles possibles, et le présenter de cette façon.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Monsieur le rapporteur, je salue votre engagement constant, déterminé, ainsi que l’énergie que vous déployez sur les questions de préservation de la biodiversité. Monsieur le secrétaire d’État, je salue également votre engagement personnel à soutenir, avec exigence, ambition et responsabilité, ce processus de ratification dans le respect du calendrier.
La France, qui dispose de la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde, a joué ces dernières années un rôle majeur en faveur de la protection des océans et des écosystèmes marins. Elle participe, avec vingt-cinq autres pays – dont des États insulaires comme la République des Palaos, les Fidji, les Samoa et les États fédérés de Micronésie –, à une alliance contre l’exploitation minière en eaux profondes. Par une résolution adoptée le 17 janvier 2023, l’Assemblée nationale s’est aussi prononcée en faveur d’un moratoire sur l’exploitation des fonds miniers marins.
Ce projet de loi tend à concrétiser cette ambition en ratifiant un texte majeur pour la préservation des ressources génétiques en haute mer. Cet accord BBNJ permet trois avancées dans le droit de la mer : la protection de l’environnement marin, en donnant aux États la possibilité de créer, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et un organe scientifique dédié, des outils de gestion par zone et des aires marines protégées ; une meilleure gestion des ressources génétiques marines, en prévoyant un partage juste et équitable des avantages, y compris monétaires, découlant de leur utilisation ; le développement des pays, en organisant le transfert de technologies marines et le renforcement de leurs capacités, et en impliquant au maximum les peuples autochtones.
Ces dispositions seront essentielles pour tenir l’ensemble de nos engagements internationaux en faveur de la protection de la biodiversité marine, notamment ceux que nous avons pris lors de la COP15 sur la biodiversité et l’accord de Kunming-Montréal, lequel fixe un objectif de protection de 30 % des terres et des mers d’ici à 2030.
Vous l’aurez compris, vous pouvez compter sur le soutien indéfectible du groupe Horizons et apparentés sur ce projet de loi. Plus que jamais, voir loin, c’est considérer que la protection de la biodiversité en haute mer est nécessaire à la préservation de la totalité de la biodiversité planétaire.
Lorsque nous aurons créé ces aires en haute mer, comment ferons-nous pour les protéger efficacement, autrement qu’en ayant recours aux albatros ?
M. Jimmy Pahun, rapporteur. La France pèse lourd dans l’environnement maritime. Elle le doit à ses territoires d’outre-mer, grâce auxquels le soleil ne se couche jamais sur notre territoire ; à sa marine, nationale et marchande – pensons au groupe CMA-CGM – ; à sa recherche, avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ou encore l’Institut français polaire Paul-Émile-Victor. Nous sommes l’un des rares pays encore capables de conduire des missions de recherche océanique. Grâce au BBNJ, les données issues de ces travaux seront ouvertes, ainsi que le font déjà quelques organisations non gouvernementales (ONG) ou fondations comme Tara Océan. C’est un beau geste pour l’humanité.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR-NUPES). Grâce aux députés français, la France, deuxième puissance maritime mondiale, pourrait devenir le sixième pays au monde et le deuxième État européen, après Monaco, à ratifier le BBNJ.
Ce traité, qui vise à combler les lacunes du droit international concernant la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer, est le fruit d’un compromis. S’il pose une base juridique solide pour créer des aires marines protégées, il comporte néanmoins certaines limites. Selon une étude récente, un tiers seulement des cent plus grandes AMP serait vraiment efficaces, tandis qu’un tiers autoriserait des activités hautement destructrices, comme la pêche à grande échelle. La France n’a placé que 1,6 % de ses eaux sous un régime de protection haute ou intégrale. Les méthodes de gestion des ressources en haute de mer ne doivent pas favoriser la quantité au détriment de la qualité.
Le rapport que j’ai réalisé pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les enjeux scientifiques du BBNJ recommande que nos territoires d’outre-mer s’impliquent dans la mise en œuvre de cet accord, eu égard à leur situation géographique et à leur rapport étroit à l’océan. Les communautés ultramarines sont à même de participer à la gestion efficace des aires marines protégées. Je me réjouis d’ailleurs que la Polynésie ait participé à l’élaboration du BBNJ dès les sessions de négociations.
L’article 13 de l’accord concerne les peuples autochtones et les communautés locales. La France compte y annexer une déclaration afin de garantir le respect de sa Constitution et du principe selon lequel toutes les populations ultramarines ne peuvent pas être considérées comme des peuples. Pourriez-vous nous en dire plus ? Cette déclaration pourrait-elle compromettre l’application du BBNJ par la France ?
Le groupe GDR-NUPES reconnaît l’importance que revêt ce texte pour la protection des ressources marines, malgré ses imperfections, et vous invite à voter le projet de loi.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. L’accord désigne les peuples autochtones comme des parties prenantes devant être consultées en cas d’étude d’impact. Par ailleurs, tout pays qui souhaitera utiliser des ressources génétiques marines et les connaissances traditionnelles associées devra se conformer à la législation du pays fournisseur.
Dans le texte qu’elle annexera au BBNJ, la France réaffirmera son attachement à la déclaration des Nations Unies de 2017 sur les droits des peuples autochtones, qui figure dans le préambule de l’accord, mais rappellera qu’en vertu des principes à valeur constitutionnelle d’indivisibilité de la République et d’unicité du peuple français, chaque citoyen français dispose, par la Constitution, des mêmes droits et obligations, quelle que soit son origine.
Enfin, nous parlons ici d’aires protégées en haute mer, mais je sais la volonté de M. le secrétaire d’État de progresser s’agissant des aires protégées de bord de côte.
M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons à présent aux questions posées à titre individuel.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR-NUPES). L’article 13 du BBNJ prévoit que « les parties prennent des mesures législatives, administratives ou de politique générale, […] afin de garantir que les connaissances traditionnelles détenues par les peuples autochtones et les communautés locales et associées aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne soient accessibles qu’avec le consentement préalable, […] desdits peuples autochtones et communautés, ou à leur approbation et à leur participation ». La France compte exprimer des réserves sur cette disposition, puisque la Constitution française n’accorde pas le statut de peuple aux habitants des outre-mer français.
En écho à cette disposition du BBNJ, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) vient d’ouvrir la phase finale des négociations du traité sur la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés. Comment s’articulera-t-il avec le BBNJ ?
M. Jimmy Pahun, rapporteur. Permettez-moi de botter en touche et d’attendre la semaine prochaine pour vous apporter une réponse précise sur ce sujet complexe.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Vous pointez le sujet essentiel des règles applicables à l’ensemble des aires marines protégées. Certains nous reprochent de tenir un discours ambigu lorsque nous affirmons, d’une part, que des règles identiques doivent s’imposer au niveau international et, d’autre part, que les territoires doivent juger des activités acceptables ou interdites localement. C’est que nous n’oublions pas que la Polynésie, par exemple, fut à l’avant-garde du combat contre l’exploitation minière des fonds marins et qu’elle a inventé une forme d’aire marine protégée, les aires marines éducatives.
Je n’ai pas vocation à remettre en cause les rahuis polynésiens, même s’ils ne se conforment pas strictement à la définition des aires marines protégées de l’UICN. À partir d’un socle commun, les aires marines protégées doivent être appréciées territoire par territoire, au regard des spécificités locales et de l’état écologique. Notre politique de protection des grands fonds et des AMP prend en considération les savoirs traditionnels ; c’est d’ailleurs l’objet de l’expertise que le Gouvernement a confiée à l’IRD en Polynésie, financée à hauteur de 1 million d’euros.
Mme Liliana Tanguy (RE). Comme le rappelle l’avis politique adopté, à mon initiative, par la commission des affaires européennes, la protection des zones maritimes doit reposer sur des analyses scientifiques précises, notamment en ce qui concerne le risque lié à la pêche. Comment ce risque sera-t-il pris en considération ? La question a une incidence sociale et économique pour les territoires littoraux.
M. Jimmy Pahun, rapporteur. L’avenir des pêcheurs est entre leurs mains. C’est à eux qu’il revient de le tracer, avec les scientifiques et les experts du monde maritime, en assurant la pérennité de la ressource halieutique. Les bonnes pratiques ne manquent pas, telle la pêche à la légine. Il faudra peut-être aussi inventer de nouveaux outils de pêche pour faire face au prix élevé du gazole.
Pour finir, je remercie tous les députés qui ont œuvré à ce projet de loi et qui s’apprêtent à le voter, ainsi que M. le secrétaire d’État pour son engagement sans faille.
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Article unique (approbation de la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé à New York le 20 septembre 2023)
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. À mon tour, j’adresse tous mes remerciements à M. le rapporteur pour le travail qu’il a mené avec fougue et précision, aux députés qui ont pris part à nos travaux, ainsi qu’à Eléonore Caroit, tant j’ai mesuré l’importance et l’efficacité de la diplomatie parlementaire. Je n’oublie pas les services de mon ministère, du Quai d’Orsay et de l’Assemblée nationale pour leur suivi remarquable de ce texte, aboutissement de nombreuses nuits de négociations avec la Russie, la Chine, les États-Unis et d’autres pays qui ne partagent pas toujours nos opinions.
Ce traité sera une pièce centrale de la lutte contre le changement climatique, parallèlement aux combats que nous menons pour la préservation de la biodiversité et contre l’exploitation minière des fonds marins, la pêche illégale et la pollution plastique.
ANNEXE N° 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres
Article unique
Est autorisée la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé à New York le 20 septembre 2023, dont le texte est annexé à la présente loi.
N.B. : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2628).
ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR
LE RAPPORTEUR
Mercredi 28 février 2024
M. Olivier Guyonvarch, ambassadeur de France en Jamaïque, représentant permanent auprès de l’autorité internationale des fonds marins ;
Mme Alexia Pognonec, consultante juridique à la sous-direction de droit de la mer au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Jeudi 29 février 2024
M. Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Océan.
Mercredi 6 mars 2024
Mme Patricia Ricard, présidente de l’institut océanographie Ricard ;
M. François Chartier, chargé de campagne océan chez Greenpeace France ;
Mme Karine Demure, représentante de Sea Shepherd ;
Mme Maya Fourré, représentante de Sea Shepherd ;
M. Julien Rochette, directeur du programme océan de l’institut du développement durable et des relations internationales.
Mardi 12 mars 2024
Mme Aurore Maillet, cheffe de la délégation pour la négociation de l’accord BBNJ à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne.
Mercredi 13 mars 2024
M. Serge Ségura, ancien ambassadeur français des océans ;
M. Olivier Le Nézet, président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins ;
M. Philippe de Lambert des Granges, directeur général du comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Jeudi 21 mars 2024
M. Joachim Claudet, directeur de recherche au centre national de recherches scientifiques ;
M. Denis Duclos, directeur des relations européennes, internationales et de l’outre-mer au muséum national d’histoire naturelle ;
Mme Sylvie Dufour, chargée de mission sur la mer au muséum national d’histoire naturelle ;
M. Philippe Goulletquer, directeur scientifique-adjoint de l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer.
Mardi 2 avril 202
M. Cyrille Barnerias, directeur des relations européennes et internationales à l’office français de la biodiversité.
Mercredi 3 avril 2024
Mme Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’union internationale pour la conservation de la nature ;
M. Christophe Vassal, président de l’entreprise Collecte Localisation Satellites.
Mardi 9 avril 2024
M. Olivier Lefort, directeur de la flotte océanographique française.
Jeudi 11 avril 2024
Participation au séminaire de la fondation Tara Océan et du Girguis Lab de l’Université de Harvard sur la ratification et la mise en œuvre de l’accord BBNJ.
Lundi 29 avril 2024
M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes.
Mardi 30 avril 2024
Commandant Thomas Puga, état-major de la marine nationale ;
Mme Jeanne Grenouilleau, adjointe de l’officier chargé des relations avec le Parlement à l’état-major de la marine nationale ;
M. Jean-Emmanuel Perrin, adjoint action de l’État en mer auprès du sous‑chef des opérations à l’état-major de la marine nationale.
Contributions écrites
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité ;
M. Jean-Philippe Casanova, délégué général auprès d’Armateurs de France ;
Pour le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires :
M. Antoine Blonce, chef de bureau à la direction des affaires européennes et internationales ;
Mme Anca Leroy, juriste sur les océans et les mers à la direction des affaires européennes et internationales ;
Pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères :
Mme Sandrine Barbier, directrice adjointe des affaires juridiques ;
Mme Caroline Krajka, sous-directrice du droit de la mer et des pôles, direction des affaires juridiques ;
M. Pierre Bianconi, adjoint à la sous-directrice du droit de la mer et des pôles, direction des affaires juridiques ;
Mme Alexia Pognonec, conseillère juridique à la sous-direction du droit de la mer et des pôles, direction des affaires juridiques ;
M. Guillaume Mounier, chef de la mission des accords et traités, direction des affaires juridiques ;
M. Pierre Dousset, conseiller juridique à la mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.
([1]) Zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci, qui s’étend jusqu’à une distance de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale.
([2]) La France l’a ratifiée en 1996.
([3]) Convention sur la haute mer du 30 septembre 1962, convention sur la mer territoriale et la zone contiguë du 10 septembre 1964, convention sur le plateau continental du 10 juin 1964 et convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer du 20 mars 1966.
([4]) Le 22 février 2024, un groupe international de scientifiques a découvert plus de cent nouvelles espèces sous‑marines au large des côtes chiliennes.
([5]) Si, actuellement, 245 309 espèces marines sont connues, il est estimé que leur nombre pourrait atteindre jusqu’à une dizaine de millions d’espèces, sans même compter les bactéries et les virus, dont les découvertes récentes, par exemple celles de Tara Océan, ont révélé de nouveaux groupes et une immense diversité. Il faut toutefois noter qu’il n’existe pas de catégorisation permettant de préciser combien d’espèces vivent en haute mer. Ce point est compréhensible dans la mesure où la haute mer concerne à la fois des espèces vivant dans les fonds marins et dans la colonne d’eau, espèces qui peuvent être migratrices ou côtières.
([6]) Elle concerne, en particulier, la pêche thonière dont les captures annuelles dépassent les 5 millions de tonnes par an depuis 2018. Les engins utilisés dans le cadre de cette pêche tuent de nombreuses espèces sensibles comme les requins, les raies et les tortues marines (l’UICN évalue les prises accessoires à 38 millions de tonnes), tandis que les machines abandonnées sont responsables d’une grande part des pollutions plastiques. Seuls 33 % des mers et des océans excluent toute activité de pêche.
([7]) « L’Antarctique en quête d’aires marines protégées », Martine Valo, Le Monde, 25 octobre 2023.
([8]) Recommandation 22/6 sur la diversité biologique marine et côtière adoptée par l’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques.
([9]) Élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
([10]) Instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
([11]) Cf étude d’impact du projet de loi.
([12]) https://www.actu-environnement.com/ae/news/traite-haute-mer-bbnj-implications-france-union europeenne-42070.php4
([13]) « La négociation de l’accord ‘‘ Biodiversity Beyond National Jurisdiction’’ par l’Union européenne : une complémentarité avec les instruments normatifs européens rattachés au Green Deal concernant la protection des océans et de leur biodiversité marine », entretien avec Thomas Leclerc et Emma Lelong, observatoire du Green Deal.
([14]) Voir par exemple : « Information Note by the Secretariat of the International Seabed Authority on the relevance of the role and mandate of the Authority under UNCLOS and the 1994 Agreement in the. Context of the revised draft of an implementing agreement under UNCLOS on the conservation and sustainable use of marine biological diversity of areas beyond national jurisdiction. », resumed fifth session on the intergovernmental conference, 20 février-3 mars 2023.
([15]) Déclaration prononcée lors de seconde session, le 3 avril 2019. Cité dans : « Articulation entre le droit spécial de l’AIFM et le nouvel Accord BBNJ en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité marine », Pascale Ricard, La revue maritime, 527, 2024.
([16]) « Application des catégories de gestion aux aires protégées : lignes directrices pour les aires marines », union internationale de conservation de la nature, 2008.
([17]) Rappelons qu’en France, les aires marines protégées situées dans les limites de notre ZEE font l’objet d’une surveillance fondée sur le recours à des moyens légers – vedettes ou patrouilleurs – aidée par des moyens aériens et des données d’imagerie et de radars. La lutte contre la pollution marine fait partie des missions prioritaires de la marine nationale : nos militaires exercent des fonctions de police des pêches et de protection de l’environnement.
([18]) Conformément à la définition donnée par l’accord, les impacts cumulés désignent les impacts combinés et graduels résultant de diverses activités, y compris des activités connues, passées ou présentes, ou raisonnablement prévisibles, ou de la répétition dans le temps d’activités similaires, et les conséquences des changements climatiques, de l’acidification de l’océan et leurs effets connexes.
([19]) « Ramener le navire à bon port : des progrès significatifs vers un traité sur la biodiversité en haute mer », billet de blog, Glen Wright, institut du développement durable et des relations internationales, 2 septembre 2022.
([20]) Ce développement s’appuie sur l’étude éclairante de Pascale Ricard déjà mentionnée.
([21]) Le 7 novembre 2022, lors de la COP27 de Charm El-Cheikh, le président de la République français, Emmanuel Macron, s’est prononcé contre l’exploitation minière des fonds marins.
([22]) Audition de Denis Duclos, directeur des relations européennes et internationales au muséum national d’histoire naturelle, jeudi 29 février 2024, organisée par la députée Mereana Reid Arbelot au sein de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
([23]) Cette partie s’appuie notamment sur le travail de l’institut du développement durable et des relations internationales : « Initial reflections to support rapid, effective and equitable implementation of the BBNJ Agreement », Kristina M. Gjerde, Nichola Clark, Clément Chazot, Klaudija Cremers, Harriet Harden‑Davies, Daniel Kachelriess, Cymie R. Payne, Mariamalia Rodriguez Chaves, Aurélie Spadone, Torsten Thiele, Marjo Vierros, Gabriele Goettsche-Wanli, Glen Wright, 1er février 2023.
([24]) La déclaration finale du conseil de l’Union européenne du 14 mars 2024 mentionne expressément le recours à l’article 70 afin de déroger au principe de rétroactivité de l’accord. Il est ainsi rédigé : « Pursuant to Articles 70 and 10(1) of the Agreement under the United Nations Convention on the Law of the Sea on the conservation and sustainable use of marine biological diversity of areas beyond national jurisdiction, the European Union declares the exception of the retroactive effects as set out in the second sentence of Article 10 (1), therefore the provisions of this Agreement shall apply for the Union only to activities with respect to marine genetic resources and digital sequence information on marine genetic resources of areas beyond national jurisdiction collected and generated after the entry into force of this Agreement for the Union ».
([25]) La flotte océanographique française regroupe plusieurs navires de recherche, engins sous-marins et équipements mobiles, lui donnant accès à tous les océans et mers du globe, hors zone polaire, à savoir quatre navires hauturiers, deux navires semi-hauturiers, cinq navires côtiers, sept navires de station et des engins sous-marins profonds. Elle accueille, chaque année, 1 500 chercheurs. Il s’agit de la flotte la plus importante au niveau européen, aux côtés des flottes britannique et allemande.
([26]) Décision du Conseil constitutionnel n° 91-290 DC du 9 mai 1991.