N° 2646

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2632),
DE M. BENJAMIN HADDAD
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


visant à condamner la dérive illibérale du gouvernement géorgien
et soutenir le destin européen de la Géorgie,

 

 

 

PAR M. Benjamin HADDAD,

Député

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, David AMIEL, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, M. Stéphane BUCHOU, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Fabien DI FILIPPO, Thibaut FRANÇOIS, Grégoire DE FOURNAS, Mme Elsa FAUCILLON, M. Guillaume GAROT, Mme Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mmes Brigitte KLINKERT, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, MM. Christophe PLASSARD, Jean Pierre PONT, Richard RAMOS, Mme Sandra REGOL, MM. Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA, M. Jean-Marc ZULESI.

 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

A. La Géorgie a cherché depuis son indépendance à se rapprocher de l’Union européenne

1. La Géorgie a peiné à affirmer son indépendance

2. La perspective européenne de la Géorgie

B. Le Rêve géorgien maintient la Géorgie sous influence russe

1. Un parti au service d’un oligarque

2. Le virage pro-russe du « Rêve géorgien »

3. La pente autoritaire du « Rêve géorgien »

C. La loi sur la « transparence des agents étrangers » vise à consolider le pouvoir du Rêve géorgien

1. Le précédent russe et ses imitations

a. La loi russe de 2012

b. Les lois inspirées de la loi russe

2. La loi géorgienne

a. Le premier dépôt de la loi géorgienne

b. Le deuxième dépôt du texte

c. Un tournant stratégique

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

proposition de résolution européenne INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

 


   Introduction

 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le gouvernement géorgien a déposé le 8 avril dernier un projet de loi sur la « transparence des agents étrangers ». Ce texte impose aux organisations non gouvernementales dont le financement est pour 20 % d’origine étrangère l’obligation d’adopter et d’afficher le statut d’« organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère », ainsi que des obligations administratives lourdes, notamment des audits financiers auxquels elles devront se soumettre chaque année.

Ce texte a déclenché depuis plusieurs semaines des manifestations décrites par les opposants comme les plus importantes qu’ait connues la Géorgie jusqu’à ce jour, plus importantes encore que celles de la Révolution des roses de 2003 ou que les manifestations indépendantistes des années quatre-vingts. Ces manifestations ont enfin fait l’objet d’une répression policière particulièrement brutale, ajoutées aux arrestations arbitraires et aux tentatives d’intimation à l’encontre des opposants au gouvernement.

Ce texte s’inspire d’une loi similaire adoptée par la Russie en 2012 qui visait à empêcher que n’ait lieu en Russie une « révolution de couleur » semblable à celles qui avaient eu lieu en Géorgie et en Ukraine en 2003 et en 2004 et qui avaient abouti au remplacement pacifique des régimes en place par des gouvernements plus démocratiques et plus proches des valeurs occidentales. Cette loi russe a par la suite été étendue à davantage de domaines et a permis au gouvernement russe d’empêcher plus facilement l’expression d’opinions dissidentes.

Ensuite, et plus généralement, cette loi, si elle entrait en vigueur, marquerait un tournant stratégique que nous devons nous efforcer de prévenir. La Géorgie s’est en effet efforcée depuis son indépendance en 1991 d’échapper à l’emprise de la Russie et de se rapprocher au contraire de l’Europe et des pays occidentaux, que ce soit en matière de politique extérieure, en recherchant l’adhésion à l’OTAN ainsi qu’à l’Union européenne, ou en matière de politique intérieure en réformant son économie et en s’efforçant de mettre en place un régime parlementaire stable et démocratique, conforme aux critères d’adhésion à l’Union européenne.

La Géorgie a cependant vu cette ambition constamment contrariée par la Russie, que ce soit à travers l’agression d’août 2008 qui a concrétisé une menace militaire plus présente que jamais aujourd’hui, ou par l’intermédiaire du parti « Rêve géorgien », créé par un oligarque ayant fait sa fortune en Russie et qui, bien que n’ayant aucun mandat, gouverne aujourd’hui de facto le pays, largement au bénéfice de la Russie. Ce texte illustre la rhétorique du parti Rêve Géorgien de plus en plus hostile à l’Union Européenne. Il s’inscrit dans une série d’initiatives de détricotage de l’État de droit et de la démocratie (modification du code électoral contraire aux recommandations de la Commission de Venise ; rejet de tout contrôle de l’intégrité des juges ; projet de révision constitutionnelle contre la « propagande LGBT »).

Les événements actuels sont donc décisifs. Si ce texte était définitivement adopté, la Géorgie risquerait de perdre ce qui lui reste d’indépendance, car le texte consoliderait le pouvoir du parti pro-russe actuellement en place, ce pays s’éloignerait de la perspective d’une adhésion à l’Union européenne ainsi qu’à l’OTAN, alors qu’une telle adhésion est souhaitée par 80 % de la population.

 


A.   La Géorgie a cherché depuis son indépendance à se rapprocher de l’Union européenne

1.   La Géorgie a peiné à affirmer son indépendance

La Géorgie a proclamé son indépendance le 9 avril 1991 et l’a obtenue de façon définitive lorsque l’URSS a officiellement cessé d’exister, le 31 décembre de la même année.

Le pays a cependant immédiatement fait face à des mouvements séparatistes en Ossétie du Sud et en Abkhazie, que la Russie a soutenu, d’abord indirectement, puis en renforçant progressivement sa présence militaire, tandis qu’environ 200 000 réfugiés géorgiens vivant dans ces régions doivent être réinstallés dans le reste de la Géorgie.

En août 2008, au terme d’une courte guerre entre forces russes et géorgiennes, la Russie consolide davantage sa présence dans les deux régions séparatistes dont elle reconnaît l’indépendance quelques jours plus tard.

Outre l’occupation par les forces russes d’environ 20 % du territoire géorgien, la guerre de 2008 a également pour effet de bloquer le rapprochement avec l’OTAN entrepris par le gouvernement de Mikheïl Saakachvili, président depuis 2004, et d’affaiblir considérablement ce dernier.

La présidence de Mikheïl Saakachvili, commencée après le départ d’Edouard Chevardnadze consécutif à la Révolution des Roses de 2003, a été marquée par des réformes économiques ambitieuses visant à libéraliser l'économie géorgienne, réduire la corruption et attirer les investissements étrangers. L'administration Saakachvili a ainsi mis en place des mesures anti-corruption plus rigoureuses, simplifié les régulations commerciales et privatisé de nombreuses entreprises publiques, ce qui stimule initialement la croissance économique.

À la veille de la victoire électorale du Rêve géorgien, qui met fin à la présidence de Mikheïl Saakachvili, les progrès notables de la Géorgie en matière de lutte anti-corruption sont soulignés par un rapport de la Banque mondiale ([1]) publié en 2012. L’arrivée au pouvoir du Rêve géorgien a mis fin à cette évolution, ainsi qu’au rapprochement avec l’Union européenne entrepris par la Géorgie depuis l’indépendance.

2.   La perspective européenne de la Géorgie

La Communauté européenne a établi des relations avec la Géorgie dès 1992, peu de temps après la chute de l’empire soviétique. Dès 1996, un accord de partenariat et de coopération est signé entre l’Union et la Géorgie et entre en vigueur en 1999. En 2004, peu de temps après la révolution des roses, un ministère d’État à l'Intégration européenne et euro-atlantique est créé en Géorgie afin de faciliter les relations et le rapprochement avec l’Union, tandis qu’est adopté un Plan d'action pour l'adhésion à l'Union européenne.

En septembre 2008, un mois après la fin de la guerre russo-géorgienne de 2008, l’Union institue une mission d’observation en Géorgie, l’EUMM (European Union Monitoring Mission), déployée un mois plus tard. L’objectif de cette mission civile, toujours active, est de surveiller les lignes administratives des régions géorgiennes désormais occupées par la Russie, et de s’assurer du respect de l’accord de cessez-le-feu de 2008.

Le 7 mai 2009, l’Union met en place le Partenariat oriental, une dimension orientale spécifique de la politique européenne de voisinage, qui vise à renforcer l'association politique et l'intégration économique de six pays d'Europe orientale et du Caucase du Sud à travers des accords d’association bilatéraux et auquel la Géorgie indique rapidement souhaiter se joindre.

Dans ce cadre, un accord d’association comprenant une zone de libre‑échange approfondi et complet entre l’Union et la Géorgie est signé en juin 2014 et entre en vigueur 1er juillet 2016. Selon une communication de la Commission du 17 juin 2022, « cet accord contient des dispositions contraignantes et prévoit une coopération renforcée. Dans son préambule, l’UE a reconnu les aspirations européennes et le choix européen de la Géorgie, notamment son engagement en faveur de l’instauration d’une démocratie solide et durable et d’une économie de marché. Sur la base de l’accord, la Géorgie a mené un certain nombre de réformes difficiles et a réussi à rapprocher sa législation de l’acquis de l’UE dans de nombreux domaines ». L’accord intègre également des éléments de Politique étrangère et de sécurité commune et de Politique de sécurité et de défense commune.

Le 3 mars 2022, dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine, la Géorgie dépose une demande d’adhésion à l’Union européenne. Le 17 juin 2022, la Commission européenne rend un premier avis sur cette demande d'adhésion qui recommande au Conseil européen de n’accorder à la Géorgie le statut de candidat à l’adhésion qu’une fois traitées un certain nombre de priorités. Cette position est reprise par le Parlement européen dans sa résolution du 23 juin 2022 sur le statut de pays candidat de l’Ukraine, de la République de Moldavie et de la Géorgie, puis par le Conseil européen du 22 juin 2022.

Le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023 décide ensuite « d'accorder le statut de pays candidat à la Géorgie, pour autant que les mesures pertinentes énoncées dans la recommandation de la Commission du 8 novembre 2023 soient prises ».

Le rapport de la Commission européenne publié en novembre de la même année sur l’état d’avancement de la candidature de la Géorgie faisait état de progrès limités s’agissant des chapitres fondamentaux. En matière de démocratie et d’État de droit, la Géorgie montrait « une certaine préparation », tandis que des « progrès limités » étaient observés en matière de réforme judiciaire. La Commission notait toutefois des progrès en matière de lutte contre la corruption mais indiquait que la création par la Géorgie d’un bureau anti-corruption devait s’accompagner d’efforts afin d’établir un historique de poursuites et de condamnations, en particulier dans les cas de corruption de haut niveau.

Dans ce contexte, la perspective d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne se heurte non seulement à la menace russe, constante depuis la guerre d’août 2008, mais également à l’influence qu’elle exerce à travers le parti du « Rêve géorgien », arrivé au pouvoir en 2012.

B.   Le Rêve géorgien maintient la Géorgie sous influence russe

La guerre de 2008 a permis à la Russie d’interrompre le rapprochement avec l’OTAN et, plus généralement les pays occidentaux, que la Géorgie avait commencé à mettre en œuvre sous la présidence de Mikheïl Saakachvili, puis d’exercer une menace constante sur ce pays par la suite.

  1.   Un parti au service d’un oligarque

Le parti « Rêve géorgien » (ქართული ოცნება) a été fondé en 2012 par Bidzina Ivanishvili, un oligarque milliardaire ayant fait fortune en Russie. Sa formation est intervenue dans un contexte de mécontentement général envers le gouvernement en place, dirigé par Mikheil Saakashvili, Bidzina Ivanishvili a réussi à capitaliser sur le sentiment anti-Saakashvili et à mobiliser des ressources considérables pour lancer son parti politique.

Bidzina Ivanishvili a fondé le parti « Rêve géorgien » avec pour objectif principal de mettre fin à la présidence de Mikheil Saakashvili, qu'il accusait de mener une politique autoritaire et de mauvaise gestion suite à la guerre de 2008 avec la Russie. Grâce à ses ressources financières personnelles, Bidzina Ivanishvili a pu financer une campagne électorale massive, permettant au parti de rapidement gagner en popularité. En 2012, le parti a remporté les élections législatives, marquant la fin de l'ère Saakashvili.

La victoire du parti « Rêve géorgien » en 2012 a été largement attribuée à la lassitude des électeurs envers Saakashvili et à la promesse de Bidzina Ivanishvili de mener une politique équilibrée, en se montrant plus prudent vis-à-vis de la Russie tout en poursuivant les aspirations pro-occidentales de la Géorgie. Bidzina Ivanishvili est devenu Premier ministre, mais a officiellement démissionné en 2013, bien qu'il soit largement perçu comme le pouvoir derrière le trône.

Bidzina Ivanishvili a cependant continué à gouverner indirectement la Géorgie, à travers le parti « Rêve géorgien » qui a conservé la majorité au Parlement depuis 2013 et dont il a conservé le contrôle, tandis que le poste de Premier ministre a été occupé par sept titulaires successifs, tous issus du parti majoritaire ([2]),

Cette situation s’étant mise en place peu après la réforme constitutionnelle de 2010, qui réduisait considérablement les pouvoirs présidentiels, bien que le président soit élu au suffrage universel, le pouvoir réel en Géorgie se trouve maintenant exercé par un oligarque disposant d’une fortune personnelle considérable ([3]) acquise principalement en Russie après 1991.

Il n’est donc pas surprenant que ce parti ait progressivement éloigné la Géorgie d’une perspective euro-atlantique toujours souhaitée par la population, mais que le gouvernement géorgien semble de moins en moins disposé à concrétiser.

2.   Le virage pro-russe du « Rêve géorgien »

Tout en continuant à afficher l’objectif d’un rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN, le gouvernement a dans un premier temps rétabli des canaux diplomatiques limités avec Moscou et des échanges économiques plus importants, notamment en autorisant à nouveau les vols directs depuis la Russie. Ces mesures ont été prises en réponse aux menaces à peine voilées de la Russie concernant les liens de l'OTAN avec la Géorgie, qui se sont accompagnées de pressions économiques, notamment l'annulation des vols directs par la Russie en 2019 suite à des manifestations anti-russes à Tbilissi. En 2021, la Géorgie n’a pas cherché à renouveler les programmes d’entraînement militaires mis en place au titre de la coopération avec l’OTAN.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 a exacerbé cette dynamique, poussant la Géorgie à se distancer encore plus de l'Ouest. Craignant les répercussions d'un alignement trop étroit avec les États-Unis et ses alliés, le gouvernement géorgien a refusé de soutenir l'Ukraine au-delà d'une condamnation formelle à l'ONU, évitant de s'impliquer dans les sanctions contre la Russie ou de fournir une aide substantielle à l'Ukraine. Au contraire, la Géorgie a renforcé ses relations avec la Russie, avec une augmentation des importations de 31 % pendant les six premiers mois de 2023, en particulier de pétrole, tandis que la Russie autorisait à nouveau les vols directs entre les deux capitales, et que la Géorgie décidait de dispenser de visas les visiteurs russes, ces derniers ayant depuis 2022 accrus leur influence.

3.   La pente autoritaire du « Rêve géorgien »

La Géorgie a emprunté à la Russie une partie de ses méthodes de consolidation du pouvoir. Le gouvernement a introduit une législation anti-LGBTQ, utilisé des comptes de médias sociaux pour diaboliser l'opposition, et récemment passé une loi sur la "transparence de l'influence étrangère" calquée sur le modèle russe des "agents étrangers", ciblant les ONG et les médias indépendants. Ces actions ont été largement interprétées comme des tentatives de museler l'opposition et de limiter l'influence occidentale.

Le parti « Rêve géorgien » a employé diverses stratégies pour consolider et maintenir son pouvoir malgré l'opinion publique souvent défavorable à ses politiques.

Le parti a paradoxalement capitalisé sur la peur historique de la Russie, en cherchant à apparaître comme une alternative plus prudente et raisonnable à la politique suivie précédemment par Mikheïl Saakachvili.

Le parti s’est également appuyé sur le contrôle des médias et des institutions afin de façonner l'opinion publique et de diaboliser les opposant en les présentant comme des agents de l'instabilité et de l'étranger. Le Rêve géorgien s'aligne par ailleurs fréquemment sur les positions de l'Église orthodoxe géorgienne et promeut un agenda conservateur en s'appuyant sur des thèmes de l'identité nationale et religieuse. Cet alignement débouche notamment sur une propagande anti-LGBT virulente qui vise, entre autres, à présenter les droits LGBT comme le produit d’une influence occidentale corruptrice et contraire aux valeurs nationales.

Le Rêve géorgien a enfin consolidé son pouvoir en contrôlant le système judiciaire, en nommant des juges loyaux et vis-à-vis du parti en plaçant des personnes de confiance à des postes clés. Cette absence d’indépendance du pouvoir judiciaire a déjà permis au parti au pouvoir de consolider son pouvoir.

Enfin, le projet de loi sur la « transparence de l’influence étrangère », qui donnerait au gouvernement géorgien les moyens de le consolider encore davantage en limitant la liberté d’action des organisations non gouvernementales, risque de rendre encore plus difficile une rectification de la trajectoire actuelle de la Géorgie.

C.   La loi sur la « transparence des agents étrangers » vise à consolider le pouvoir du Rêve géorgien

Le projet de loi sur la « transparence de l’influence étrangère », déposé une première fois par le gouvernement géorgien en 2023, retiré face à la réprobation de l’opinion, puis à nouveau introduit en 2024, apparaît comme un élément central du dispositif qui s’est mis en place depuis l’arrivée au pouvoir de ce parti. Une telle loi, si elle devait entrer en vigueur, aurait pour double effet de faire reculer les libertés publiques et de soumettre davantage la Géorgie à l’influence russe.

1.   Le précédent russe et ses imitations

a.   La loi russe de 2012

Le texte est directement inspiré de la loi similaire adoptée par la Russie en 2012 qui visait à empêcher que n’ait lieu en Russie une « révolution de couleur », similaire à la « révolution des roses » géorgienne de 2003, à la « révolution orange » ukrainienne de 2004, ou encore à la « révolution des Tulipes » du Kirghizistan de 2005, ainsi bien sûr qu’à la « révolution blanche », ou « révolution des neiges » russe de 2011, mouvement de contestation des élections législatives russes de la même année, qui avait été suivi d’un nouveau mouvement de contestation en 2012 lors du retour à la présidence de Vladimir Poutine à l’issue de l’élection présidentielle de la même année.

La loi russe sur les agents étrangers était basée sur l’idée que ces mouvements populaires de contestation reposaient sur un réseau d’organisations non-gouvernementales financées par des puissances étrangères, notamment les États-Unis et l’Union européenne, et nuisaient aux intérêts de la Russie, à l’intérieur comme dans les pays sous influence russe.

La loi adoptée en 2012 oblige les ONG recevant un soutien de l’étranger ou se trouvant sous une influence étrangère à s’enregistrer comme « agent étranger », ce qui entraîne plusieurs conséquences comme l’obligation d’indiquer ce statut dans leurs publications, ainsi que des obligations administratives tels que des audits supplémentaires. Les ONG concernées doivent également commencer chaque déclaration orale par une déclaration faisant état de leur statut d’agent étranger.

Il convient de noter que la loi russe a subi plusieurs modifications. Son champ d’application a ainsi été étendu aux médias en 2017, puis aux particuliers publiant des documents en 2019, et enfin, en septembre 2021, aux citoyens russes diffusant des informations sur la criminalité, la corruption ou les questions de sécurité.

b.   Les lois inspirées de la loi russe

Des lois comparables à la loi russe ont été adoptées par plusieurs pays, notamment sous influence russe. L’Azerbaïdjan a adopté en 2014 des dispositions imposant des restrictions aux financements étrangers des associations et obligeant les ONG à déclarer leurs sources de financement. Le Kazakhstan a adopté en 2015 une loi sur les « activités non commerciales », qui impose des restrictions aux financements étrangers des ONG. Le Tadjikistan a adopté en 2015 des amendements à sa loi sur les associations publiques, imposant des exigences de déclaration aux ONG recevant des financements étrangers.

La Hongrie a adopté en 2017 une loi partiellement inspirée de la loi russe de 2012, qui obligeait principalement les ONG recevant plus de 24 000 euros par an à s’enregistrer comme « organisations bénéficiant d’un soutien de l’étranger » et à faire état de ce statut dans leurs publications. Cette loi, vivement critiquée par l’Union européenne et les autres États membres, a cependant été déclarée non conforme au droit de l’Union européenne par la Cour de Justice de l’Union européenne le 18 juin 2020, notamment au motif qu’elle instituait « une différence de traitement entre les mouvements nationaux et transfrontaliers de capitaux ».

2.   La loi géorgienne

La loi géorgienne, fortement inspirée de la loi russe de 2012, oblige toute organisation recevant plus de 20 % de son financement annuel de sources étrangères à se déclarer en tant qu’« agent étranger ». Cette obligation s’applique aux ONG, aux médias et, potentiellement, à d'autres types d'organisations actives dans le pays.

Les entités désignées comme « agents étrangers » doivent se soumettre à des exigences strictes de déclaration et doivent fournir chaque année des détails sur leurs sources de financement, l'utilisation des fonds reçus, ainsi que d'autres aspects de leurs opérations financières et administratives.

Les organisations classées comme « agents étrangers » sont par ailleurs tenues de mentionner cette désignation dans chacune de leurs publications, y compris sur leurs sites web, leurs rapports et tout autre matériel de communication.

La loi prévoit des sanctions pour non-conformité, y compris des amendes substantielles et la possibilité de fermeture forcée des organisations.

a.   Le premier dépôt de la loi géorgienne

Le texte a été déposé une première fois en mars 2023 et retiré de facto face à la triple contestation de la population, des partenaires occidentaux de la Géorgie et de la présidente Salomé Zourabichvili qui avait fait état de son intention d’appliquer son droit de veto.

Si le retrait du texte en 2023 s’expliquait par la seule contestation populaire qu’il a suscité, on comprend mal qu’il ait été réintroduit le 8 avril 2024 dans une version quasiment identique, le seul changement concernant le remplacement de la désignation : « agent d'influence étrangère » par celle d'« organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère ».

b.   Le deuxième dépôt du texte

Le projet de loi sur la « transparence de l’influence étrangère » a été déposé le 8 avril 2024, adopté en première lecture le 17 avril, en deuxième lecture le 2 mai, puis enfin en troisième lecture le 14 mai, par 84 voix contre 30, par le parlement géorgien.

La procédure d’examen s’est déroulée dans un contexte de vives contestations populaires, avec des manifestations fréquentes et nombreuses, celle du 11 mai ayant rassemblé entre 160 000 et 200 000 personnes. La contestation est décrite comme étant d’une ampleur inédite, dépassant même la « révolution des roses » de 2003 ou les manifestations indépendantistes de la fin des années quatre-vingt.

La présidente Salomé Zourabichvili a annoncé son intention d’opposer son veto au texte, ce qu’elle a fait le 18 mai 2024, mais le Rêve géorgien dispose d’une majorité suffisante pour le rendre sans effet.

La loi a enfin fait l’objet de prises de positions très claires de la part des pays occidentaux. Douze ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont ainsi, à l’initiative de la Lituanie, adressé un courrier au Commissaire Varhelyi pour demander qu’il soit procédé à l’évaluation de l’incompatibilité du projet de loi avec les conditions dont l’octroi à la Géorgie du statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne a été assorti.

La situation en Géorgie devrait être évoquée lors du Conseil des Affaires étrangères du 27 mai 2024, mais la Hongrie et la Slovaquie ont jusqu’à présent empêché l’adoption d’une position commune par les 27 États membres.

Le Parlement européen s’est prononcé nettement en défaveur du projet de loi dans sa résolution du 25 avril 2024 ([4]), tandis que la plupart des États membres, dont la France, ont manifesté leur opposition à son adoption, de même que le Royaume-Uni. Le Secrétaire d’État adjoint américain, Jim O’Brien, a annoncé que l’aide américaine à la Géorgie pourrait être « réétudiée », à la suite de la visite infructueuse qu’il a effectuée en Géorgie le 14 mai, au cours de laquelle Bidzina Ivanichvili a refusé de le rencontrer.

c.   Un tournant stratégique

Le retrait du texte en mars 2023 s’explique probablement par le souhait géorgien d’obtenir de la part du Conseil européen l’octroi du statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne qui lui avait été refusé, contrairement à l’Ukraine et à la Moldavie, par le Conseil européen du 24 juin 2022. Ce statut ayant été obtenu à l’issue du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023, le gouvernement géorgien a pu considérer qu’il avait désormais les mains libres pour réintroduire le texte.

Il est même possible, comme l’indique la députée Tinatin Bokuchava lors d’une interview donnée au magazine britannique The Spectator, que le gouvernement recherche délibérément une interruption définitive de la procédure d’adhésion du pays à l’Union européenne. Ne souhaitant pas assumer directement une telle interruption, le gouvernement préférerait pouvoir l’imputer à la réaction probable de l’Union européenne si le texte était adopté.

Plus concrètement, la loi permettrait également, en entravant l’action des ONG géorgiennes, d’échapper à une surveillance trop étroite des élections à venir, ce qui pourrait ouvrir la voie à des fraudes électorales moins visibles et potentiellement décisives.

Il convient enfin de noter que son adoption peut n’être qu’un début, comme l’indique le précédent russe. Un dispositif appliqué aux seules ONG recevant des financements étrangers peut en effet voir son champ d’application largement étendu et se transformer progressivement en un dispositif répressif beaucoup plus ambitieux.

La « loi russe », ainsi qu’elle est actuellement désignée par ses opposants, représente donc un véritable tournant stratégique qui appelle une réaction décisive de la part de l’Europe et des autres démocraties.

 


   Conclusion

Après plus de trente ans d’une indépendance longtemps souhaitée, la Géorgie se trouve peut-être sur le point de la perdre partiellement. Au-delà de la loi sur la « transparence des agents étrangers », l’enjeu des événements actuels concerne non seulement l’avenir de la Géorgie, mais également la crédibilité de l’Union européenne.

En octroyant à la Géorgie le statut de pays candidat à l’adhésion, l’Union européenne a répondu à un souhait profond de la population géorgienne de faire enfin pleinement partie de l’espace de prospérité et de liberté que nous construisons sur notre continent. L’Union ne serait pas à la hauteur de ses ambitions si elle devait laisser la Géorgie demeurer sous l’emprise d’une Russie autoritaire et engagée dans une guerre d’agression sur notre continent.

En encourageant ceux qui s’opposent à ce projet de loi, nous défendons aussi les valeurs fondamentales de l’Europe qui conditionnent la poursuite par la Géorgie et par tous les autres pays candidats de la procédure d’adhésion à l’Union européenne.

Ce serait un échec pour l’Europe si la Géorgie devait à nouveau se trouver dans la situation d’un pays vassal de la Russie alors que sa population, plus lucide que son gouvernement, a fait le choix inverse, celui de l’émancipation et de l’indépendance à travers l’adhésion à l’Union européenne.

 

 

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 22 mai 2024, sous la présidence de M. Pieyre Alexandre Anglade, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

 

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle la proposition de résolution européenne de M. Benjamin Haddad visant à condamner la dérive illibérale du gouvernement géorgien et à soutenir le destin européen de la Géorgie. J’attire votre attention sur l’importance de ce texte pour soutenir les Géorgiens dans leur combat pour un avenir européen.

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Une image vaut parfois plus que mille mots. Une image, en particulier, symbolise le courage et la volonté du peuple géorgien face au recul démocratique et libéral dont il est la victime aujourd’hui, celle de Nana Malachkhia brandissant un drapeau européen, face aux puissants canons à eau de la police anti-émeute. Le mardi 7 mars 2023, à Tbilissi, aucune image n’incarnait mieux l’aspiration des Géorgiens à se battre pour rejoindre l’Union européenne, mais aussi leur rage contre le gouvernement qui menaçait de réduire cet espoir à néant. À Tbilissi, en 2023, en 2024, on se fait tirer dessus parce que l’on brandit un drapeau européen, symbole d’un avenir meilleur, démocratique, libéral où règne de l’état de droit. On vit la même situation qu’à Kiev, en 2014, à Maïdan. La vaillance du peuple géorgien a fait reculer le parti au pouvoir, une première fois. Mais le retrait, par le parti majoritaire Rêve géorgien, du projet de loi sur l'influence étrangère, le 9 mars 2023 n’était qu’un leurre. 

Le statut de pays candidat à l’Union Européenne a été reconnu à la Géorgie en décembre 2023. Il incombe dès lors au Gouvernement des responsabilités, celles de mener les réformes nécessaires du système judiciaire et électoral, de renforcer la liberté de la presse ou encore de mettre un terme au pouvoir des oligarques et, en particulier, à celui de Bidzina Ivanichvili. Les instances européennes, ont, malgré la dérive illibérale que nous connaissons, accordé ce statut à un pays qui a longtemps été en avance en matière d’État de droit et de lutte contre la corruption. Mais l’Union Européenne a aussi la responsabilité de hausser le ton si la Géorgie ne se remet pas rapidement dans la voie de la démocratisation, car le processus d’intégration doit être exigeant avec les pays candidats. 

Une fois la pression populaire et internationale retombée et le statut de d’État candidat à l’adhésion octroyé par le Conseil européen, le parti Rêve géorgien s’est empressé de déposer à nouveau, en avril 2024, son projet de loi sur l’influence étrangère. Ce texte, calqué sur le modèle russe, a été adopté en troisième lecture le 14 mai 2024. La présidente Géorgienne, Salomé Zourabichvilli, élue au suffrage universel direct, a mis son veto sur cette loi, affirmant, je la cite « qu’elle était russe dans son essence, contredisant clairement la Constitution géorgienne ».  

Mes chers collègues, ce texte est malheureusement le dernier épisode en date d’une dérive illibérale. Je citerai le projet de révision constitutionnelle contre la propagande LGBT, le rejet du contrôle de l’intégrité des juges, ou l’emprisonnement, nous le savons, dans des conditions intolérables, de l’ancien président Saakachvilli. Cette dérive illibérale du gouvernement géorgien, sous l’influence de Moscou, représente une double peine pour son peuple qui soutient à 80 % l’intégration européenne. En effet, elle le condamne au recul démocratique et l’éloigne tragiquement de son espoir européen. Votre soutien, que j’espère unanime, serait un signal fort de la représentation nationale française envers les dizaines de milliers de manifestants pacifiques, défendant dans les rues de Tbilissi, les valeurs démocratiques et la destinée européenne de la Géorgie.

Votre vote affirmerait au peuple géorgien le soutien indéfectible de la France quant à ses aspirations européennes légitimes et à son souhait de vivre dans un pays prospère, libre, luttant contre la corruption, protecteur des droits de l’homme et respectueux de l’indépendance des médias. Notre assemblée suivrait le modèle d’autres assemblées européennes, telle l’assemblée de Lituanie qui a fait adopter aujourd’hui une résolution similaire.

Enfin, votre soutien enverrait un message clair au gouvernement géorgien. Le maintien de cette loi altérerait définitivement les progrès démocratiques menés par la Géorgie au cours des vingt dernières années, et gèlerait fermement toute avancée de cet État dans son processus d’adhésion à l’Union européenne. Alors qu’une nouvelle dynamique d’élargissement est en cours depuis quelques années, avec l’Ukraine, la Moldavie et les Balkans occidentaux, la Géorgie se condamne à rester au bord du chemin malgré l’aspiration de l’immense majorité de sa population. Chers collègues, le cœur de l’Europe bat à Tbilissi aujourd’hui comme il battait à Maïdan, en 2014, et comme il bat toujours en Moldavie. Je compte sur votre soutien.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. La parole est aux orateurs de groupes.

Mme Liliana Tanguy (RE). Vous l’avez rappelé, depuis le mois d’avril, des manifestations de masse ont lieu dans les rues de Tbilissi pour dire « non » à un projet de loi controversé sur « l’influence étrangère » ou plus exactement « sur les agents étrangers », qui constitue une menace directe pour l’État de droit en Géorgie et éloigne le pays de son destin européen. La raison de ces manifestations ? L’adoption, le 14 mai dernier, d’une loi par le Parlement géorgien qui, sous couvert de la transparence, oblige les organisations non gouvernementales (ONG) et les médias recevant plus de 20 % de leurs financements de l’étranger à s’enregistrer en tant qu’« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ». Cette loi n’est pas sans rappeler la loi russe sur les agents étrangers de 2012.

La réintroduction en 2024 de ce projet de loi, lequel avait déjà provoqué d’importants remous au sein de la société géorgienne lorsque le texte avait été déposé une première fois en 2023, a provoqué des manifestations massives des Géorgiens, fortement réprimées par les forces de police. Tant l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la Commission européenne que l’Organisation des Nations Unies (ONU) et le Conseil de l’Europe ont condamné l’initiative du gouvernement géorgien qui met en péril la marche de ce pays vers son adhésion européenne. Pour rappel, la Géorgie a obtenu le statut de candidat en décembre 2023.

Le groupe Renaissance votera cette proposition de résolution européenne en soutien au peuple géorgien qui lutte actuellement pour sauvegarder la démocratie et sauver son avenir européen. Nous condamnons le recours à la violence injustifiée des forces de polices contre les manifestants et les journalistes et nous voulons rappeler au parti Rêve géorgien ses engagements démocratiques en faveur de réformes pour renforcer l’État de droit et les libertés fondamentales en Géorgie.

Notre groupe a également souhaité porter un certain nombre d’amendements qui visent à souligner les effets délétères de la loi sur la liberté de la presse et la société civile et rappeler qu’elle contrevient aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.

M. Pierrick Berteloot (RN). Par cette résolution vous souhaitez condamner la dérive « illibérale » du gouvernement géorgien afin de soutenir sa candidature européenne. J’aimerais centrer mon propos sur les conséquences et le véritable sens de votre proposition de résolution. Je me permets de vous rappeler que la Géorgie n’est indépendante que depuis 1918. Auparavant, elle était annexée à la Russie impériale, avant de rejoindre l’Union soviétique jusqu’en 1991. Ce pays slave, encerclé par la Russie et la Turquie, a été et reste un point clef de la géopolitique de l’Est et du Moyen-Orient, d’autant que la Géorgie a manifesté son envie de rejoindre l’OTAN et l’Union européenne. Toutefois, malgré les instabilités du pays, l’existence de régions séparatistes, un fort taux de chômage, une crise politique, sa candidature pour rejoindre l’Union Européenne a été confirmée. En dépit du conflit russo-ukrainien, la candidature de l’Ukraine est également validée. On devine que par cette décision, l’Union européenne ne prend en compte ni les intérêts de ses membres, ni la paix.

Dans un registre similaire, votre proposition de résolution vise à sanctionner la Géorgie pour l’adoption d’une loi, votée en bonne et due forme, ainsi que pour la répression de manifestations que vous estimez disproportionnées. Vous exigez que la Géorgie abandonne son projet de loi et se réforme pour lutter contre la corruption afin de conserver sa candidature à l’Union européenne.

Le Rassemblement national est opposé à cette proposition de résolution. En effet, nous défendons la souveraineté de toutes les nations et ne pouvons adhérer à l’ingérence que vous proposez d’autant plus que le projet de loi adopté par la Géorgie vise à renforcer la transparence des financements des ONG et médias, ce que le Parlement européen ne cesse de réclamer.

Au vu de ces éléments, ne pensez-vous pas qu’il est paradoxal d’imposer à un État de se réformer pour lutter contre la corruption tout en lui demandant de supprimer une loi qui vise à accroître la transparence des financements des ONG et des médias ? Vous dénoncez une influence russe derrière le projet de loi de transparence, mais imposer des réformes et des sanctions à la Géorgie pour la contraindre à adopter un modèle qui vous semble juste ne constitue-t-il pas en lui-même une ingérence ? Si la Géorgie ne satisfait plus aux critères de candidature à l’Union européenne, n’est-ce pas une raison suffisante pour abandonner le processus d’adhésion ?

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Je tiens d’abord à préciser que nous avons été avertis du changement d’ordre du jour vendredi à quatorze heures, avant un week-end prolongé. Le rapport a seulement été reçu hier soir, à vingt heures, avec les amendements de madame Constance Le Grip. Quant au dernier amendement du rapporteur, nous venons de le recevoir il y a à peine une heure. Le manque de temps ne permet pas de traiter sérieusement de sujets de cette importance, notamment en période électorale.

Quant au fond de la proposition de résolution européenne, il confirme mon propos. En effet, cette proposition de résolution européenne condamne la répression des manifestations géorgiennes, demande que la population géorgienne puisse manifester librement, lance un appel à l’État géorgien pour renforcer l’État de droit et la lutte contre la corruption et condamne la persécution des journalistes et opposants. Toutefois, elle apporte également un soutien à l’intégration de la Géorgie à l’Union européenne, demande le retrait du projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère et encourage le gouvernement géorgien à confirmer sa volonté d’adhésion à l’Union européenne. Autant nous condamnons le traitement réservé aux journalistes ainsi qu’aux opposants, car nous nous tenons toujours auprès des peuples en lutte, autant nous refusons de dire au peuple géorgien comment il doit agir. Pour rappel, votre groupe a porté récemment une proposition de résolution européenne sur les ingérences étrangères considérées comme inacceptables, ou plus précisément seulement certaines d’entre elles. Or, que faisons-nous là, si ce n’est de l’ingérence dans la politique géorgienne ? Nous ne sommes pas des parlementaires géorgiens, mais des parlementaires français !

En outre, cette proposition de résolution européenne redore l’image de dirigeants autoritaires. Mikhail Saakachvilli n’est pas persécuté, il a été condamné par contumace à une peine de prison de six ans ferme pour des abus de pouvoir. Human Rights Watch a dénoncé la manière dont il traitait les manifestants, réprimant violemment les opposants à sa politique, en particulier, en 2016. Dès lors, il ne peut être question de restaurer l’image de ce sinistre personnage. Nous acceptons de soutenir des peuples en lutte pour choisir leur destin, quel que soit ce destin, mais pas de soutenir des dirigeants contestables.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Permettez-moi de vous répondre puisque vous mettez en cause l’organisation des travaux de la Commission. Les modalités de transmission de la proposition de résolution européenne sur la Géorgie ont été identiques à celles applicables aux autres propositions de résolution européenne – notamment à celles déposées par votre groupe – avec des délais qui sont souvent contraints. Toutes les propositions de résolution européenne de votre groupe ont été examinées souvent en bousculant l’ordre du jour prévisionnel de la commission. Et les textes que vous avez déposés étaient, pour beaucoup, mus par une volonté électorale : ne nous faites pas la leçon ! La parole est à Sabine Thillaye pour le groupe Démocrate.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Cette proposition de résolution européenne survient à un moment où la démocratie et ses valeurs sont attaquées. Cette loi symbolise la volonté du gouvernement géorgien et du parti Rêve géorgien d’entraver l’intégration européenne de la Géorgie. Il s’agit d’un symbole, celui d’une Géorgie prise en étau entre ses aspirations européennes et la proximité du gouvernement à l’égard de la Russie. Bidzina Ivanichvili joue un rôle important dans la crise politique actuelle. Sa position d’oligarque dominant est incompatible avec les aspirations européennes de son pays. Ainsi, la résolution affirme notre soutien indéfectible au peuple géorgien et son aspiration à une intégration européenne, à la lutte contre la corruption et à la protection des droits de l’Homme. Nous condamnons l’usage disproportionné de la force à l’encontre des manifestants pacifiques.

La résolution demande ensuite le retrait de cette loi qui compromet le processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne. Tant que cette loi est en vigueur, les négociations ne peuvent progresser. Nous appelons à des réformes en faveur du renforcement de l’État de droit, de la lutte contre la corruption et la réduction de l’influence des oligarques. Cette résolution est donc un engagement fort en faveur de nos valeurs communes notamment la démocratie et les droits de l’Homme. Le groupe Démocrate soutient cette proposition de résolution européenne.

M. Christophe Plassard (HOR). Pour faire suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, la Géorgie a déposé le 3 mars suivant une candidature à l’adhésion de l’Union européenne. Après un premier refus, la Commission européenne et les Etats membres ont finalement accordé à la Géorgie un avis favorable à son statut de candidat. Cette décision s’explique notamment par les conditions exceptionnelles dans lesquelles la région est plongée. Ce statut est, néanmoins, soumis à neuf conditions que la Géorgie devra remplir et qui concernent la démocratie, l’État de droit, la stabilité économique et l’acquis communautaire. Depuis l’avis de la Commission du 8 novembre dernier, force est de constater que la Géorgie s’est éloignée des standards démocratiques exigés par l’Union. Le 14 mai dernier, le Parlement géorgien a adopté un projet de loi controversé censé prévenir les ingérences et améliorer la transparence. Pourtant, derrière le rideau de ce titre aux apparences louables, nous constatons une dérive importante. Il s’agit en réalité d’un calque de la loi sur les agents étrangers adoptée en Russie. Depuis, des dizaines d’opposants et de journalistes ont reçu des menaces en raison de leur opposition à cette loi.

La Présidente de Géorgie s’est opposée aux dérives illibérales du gouvernement et a été la cible d’une procédure de destitution qui a, heureusement, été rejetée. On ne peut que regretter et s’opposer à ce projet qui restreint la liberté d’expression et les principes démocratiques de l’Union européenne au profit de la censure et de la menace des opposants politiques. La réaction de la France et de l’Union européenne doit être claire. La Géorgie ne peut rejoindre l’Union européenne pour se protéger de la Russie d’un côté et adopter les mêmes dérives que le Kremlin de l’autre. Tant que ces dérives seront observées, les conditions d’adhésion à l’Union européenne ne seront pas remplies. Il ne faut cependant pas oublier le peuple géorgien, première victime de cette dérive, que cette proposition de résolution européenne soutient. Le groupe Horizon et apparentés, votera en faveur de ce texte.

Mme Anna Pic (SOC). Depuis le déclenchement de la guerre sur le sol géorgien en 2008 qui a entraîné le déploiement de troupes russes en Ossétie du Sud et en Abkhazie, la Géorgie a connu une alternance politique avec les gouvernements Saakachvili, puis ceux conduits par le parti au pouvoir Rêve Géorgien. Après l’élection en 2018 de Salomé Zourabichvili à la tête de la présidence géorgienne, celle-ci a appelé en 2022, à l’entrée de la Géorgie dans l’Union européenne jusqu’à obtenir le statut de pays candidat sur l’approbation du Conseil européen de décembre 2023.

La situation s’est polarisée ces derniers mois autour d’une loi visant à lutter contre les influences étrangères qui est calquée sur une loi russe destinée à entraver l’expression des opposants politiques et des journalistes. Le projet de loi avait été abandonné en mars 2023 mais a finalement été adopté le 14 mai dernier. Après la multiplication des discours conspirationnistes et anti-occidentaux de responsables géorgiens, cette loi ne fait que confirmer une dérive du pouvoir géorgien qui va à l’encontre du processus d’adhésion à l’Union européenne.

Cette loi annonce un gel des droits démocratiques et une application non équivoque des droits fondamentaux. Il nous faut désormais agir avec lucidité pour prévenir les dérives du pouvoir géorgien, lutter contre les ingérences russes à ses frontières et soutenir le peuple géorgien qui se mobilise pour sa liberté, son destin et contre un gouvernement qui l’opprime. Après la Crimée, l’Ukraine, c’est au tour de la Géorgie d’être menacée par le projet politique de Vladimir Poutine. Il s’agit d’un impérialisme nostalgique d’une grandeur passée incarnée par l’ex Union soviétique. Cet impérialisme se couple d’une haine du modèle occidental. Les prochaines semaines seront, sans doute, cruciales pour le destin politique de la Géorgie et pour éviter qu’elle ne sombre dans un modèle illibéral et antidémocratique usant d’une politique répressive.

À cet égard, la suppression de la loi sur les ingérences étrangères nous paraît être une condition sine qua non pour répondre aux volontés d’adhésion. Il en va de même pour la libération de tous les prisonniers politiques et l’arrêt de la répression des manifestants. Les socialistes voteront en faveur de la proposition qui correspond à notre vision des réalités actuelles et au respect du processus d’adhésion à l’Union européenne.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Cette proposition de résolution européenne qui vise à condamner la dérive illibérale de la loi du gouvernement géorgien et à soutenir le destin européen de la Géorgie tombe à point nommé au regard de l’actualité de cet État. Je ne vais pas revenir sur les événements depuis 1992, 2021 et 2023 qui ont mené à cette crise. En premier lieu et au nom du groupe GDR, je tiens à rappeler que nous avons toujours soutenu la liberté d’expression ainsi que le respect de la liberté de la presse et d’informer. Ceci vaut aussi pour ce qui a pu être mis en péril par le parti au pouvoir, dont la Présidente est membre, de l’oligarque Bidzina Ivanichvili. Le vote de cette loi contrevient aux principes fondamentaux découlant de l’engagement au sein de l’Union européenne. Notre réponse ne peut être uniquement l’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN face aux offensives menées par la Russie de Poutine qui cherche à élargir sa zone d’influence par la guerre ou la pression.

Nos démarches sont pourtant de peu de poids face à la réalité économique et notamment des échanges importants entre la Géorgie et la Russie. Nous ne pouvons que comprendre les objectifs poursuivis par cette résolution qui vise à condamner les reculs démocratiques.

Je vois un petit hiatus, Monsieur le rapporteur, entre la volonté affirmée du peuple géorgien à entrer dans l’Union européenne et des résultats électoraux qui remettent en cause cette volonté. Si nous partageons la lutte contre les dérives illibérales et pour la libération des prisonniers politiques, votre dogme qui vise à élargir l’Union européenne coûte que coûte est un point d’opposition entre nous.

M. Thierry Mariani, député européen (ID). Merci de m’accueillir dans cette commission où j’ai eu l’honneur de siéger il y a maintenant dix ans. Ma question s’adresse au rapporteur. Le président Saakachvili est aujourd’hui en prison pour une période de huit ou dix ans. Pour quel motif ? Si ma mémoire est bonne, il a été condamné pour mauvais traitement des manifestants à l’époque où il était président et en aucun cas pour des motifs politiques liés à l’actualité.

Deuxième question, vous affirmer, comme beaucoup de médias, que 80 % des Géorgiens sont favorables à l’entrée dans l’Union européenne. De quelle source tenez-vous ce chiffre ?

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Madame Nathalie Oziol, je crois qu’il est opportun pour la commission de pouvoir répondre à l’actualité et envoyer un message, que cela soit à la Commission européenne, aux Géorgiens ou aux autres parlements européens. Vous effectuez des démarches similaires par le dépôt de propositions de résolution européenne et cela permet de faire vivre le débat au sein de notre commission. Il est donc bienvenu que la commission des affaires européennes soit réactive.

Monsieur Berteloot, je n’ai pas compris si vous étiez opposé à la résolution parce que vous soutenez les mesures prises par le gouvernement géorgien, ce qui signifie que vous vous opposez à la condamnation pour dérive illibérale du gouvernement géorgien, ou si vous vous opposez au processus d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne. Or les deux sont liés car si la commission des affaires européennes et le Parlement français sont légitimes à évoquer ce sujet, c’est parce que le gouvernement a fait le choix, soutenu par sa population, de se tourner vers l’Union européenne. Ainsi, lors des prochaines étapes, qui pourraient être l’ouverture de négociations d’adhésion, il convient d’avoir en mémoire ce projet de loi. Cette situation exige que nous veillions au respect des principes européens, c’est-à-dire les neuf critères qu’a rappelés notre collègue Christophe Plassard. Je vous réponds donc très simplement : faut-il annuler le processus d’adhésion de la Géorgie ? Je pense que, a minima, il faut le suspendre et ne pas ouvrir les prochaines étapes de ce processus.

Pour répondre à votre remarque, Monsieur Sansu, je ne dis pas que l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN est la seule réponse aux velléités géopolitiques russes. Il s’agit aussi d’un projet démocratique, culturel mais à partir du moment où ce processus existe et qu’il a été demandé par le gouvernement géorgien, cela nous confère une responsabilité, mais aussi des droits vis-à-vis de la Géorgie, en particulier en matière de respect de l’État de droit et de la démocratie. Vous me posez aussi une question sur le parti Rêve Géorgien et les résultats des élections. Ces derniers s’expliquent par plusieurs facteurs, notamment un rejet des gouvernements précédents dont celui de Monsieur Saakashvili. Je précise d’ailleurs que je ne défends pas son bilan dans cette résolution et ne parle même pas des motifs de son emprisonnement. Je parle des conditions de son emprisonnement. Aujourd’hui, les conditions d’emprisonnement, comme en témoignent les images du visage de Monsieur Saakashvili, sont indignes. Elles ont été condamnées comme telles par plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme.

En somme, il y a un rejet des gouvernements précédents et il existe des divisions au sein de l’opposition, mais la réponse à votre question est simple. Le parti Rêve géorgien est officiellement favorable à l’adhésion à l’Union européenne. Il a fait campagne en faveur de cette adhésion. La Commission a fait le choix, avec le soutien des Etats membres, de reconnaître le statut de candidat malgré des dérives afin de l’utiliser comme un levier face aux autorités. Ce choix fait l’objet d’un débat. Il faut donc suspendre le processus tant que le gouvernement ne prend pas des engagements clairs.

Je voudrais remercier Madame Pic d’avoir rappelé le contexte historique de la guerre de 2008 et de l’occupation de près de 20 % du territoire géorgien par la Russie. Il s’agit d’une épée de Damoclès constante sur cette jeune démocratie.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen des amendements.

Amendement n° 1

Mme Liliana Tanguy (RE). Cet amendement vise à ajouter, après les mots « influences étrangères », les mots « loi sur les agents étrangers inspirée de la loi fédérale russe sur les agents étrangers ». La loi géorgienne est similaire à la loi russe sur les agents étrangers, notamment quant à la caractérisation comme agent sous influence étrangère, de toute organisation non-gouvernementale ou de média recevant plus de 20 % de ses fonds de l’étranger.

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Je suis favorable à cette modification, sous réserve que cette modification soit inscrite à l’alinéa 11 plutôt qu’à l’alinéa 4. L’alinéa 4 est une déclaration du Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Mme Liliana Tanguy (RE). Je suis favorable à cette rectification de l’amendement.

L’amendement ainsi rectifié est adopté.

Amendement n° 2

Mme Liliana Tanguy (RE). Cet amendement vise à mentionner que le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé un avis urgent à la commission de Venise dans le but de veiller à la conformité du projet de loi géorgien vis-à-vis des principes démocratiques. La commission de Venise recommande que la loi soit abrogée dans sa forme actuelle, considérant qu’elle ne répond pas aux normes européennes en matière de liberté d’association et d’expression, de droit à la vie privé, de participation à la vie publique, et qu’elle nuit à la tenue d’un débat public ouvert et informé, au pluralisme et à la démocratie.

M. Benjamin Haddad, rapporteur Avis favorable mais je propose une nouvelle rédaction à cet amendement. « Vu l’avis urgent sur la loi sur la transparence de l’influence étrangère rendu par la Commission européenne pour la démocratie par le droit, le 21 mai 2024. »

Mme Liliana Tanguy (RE). Je suis favorable à la rectification de cet amendement.

L’amendement ainsi rectifié est adopté.

Amendement n° 7

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Je propose, après l’alinéa 9, d’insérer l’alinéa suivant : « considérant que la présidente de la Géorgie a opposé son veto au texte adopté par le Parlement le 18 mai 2024 ».

L’amendement est adopté.

Amendement n° 3

Mme Liliana Tanguy (RE). Cet amendement vise à mentionner que les arrestations arbitraires et abusives ainsi que les tentatives d’intimidation massives ayant eu lieu en Géorgie caractérisent une répression violente par les forces de l’ordre. Après le mot manifestations, je propose d’ajouter les mots « arrestations arbitraires ainsi que les tentatives d’intimidations et de harcèlements de masse à l’encontre des manifestants et des représentants de la société civile ».

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Avis favorable.

L’amendement est adopté.

Amendement n° 4

Mme Liliana Tanguy (RE). Cet amendement vise à prendre en compte les recommandations du Conseil de l’Europe. Je propose d’ajouter un alinéa qui exige que le Parlement géorgien se conforme aux recommandations qui accompagnent l’avis urgent de la commission de Venise.

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Avis favorable sous réserve de remplacer le terme « exiger » par le terme « demander ».

Mme Liliana Tanguy (RE). Je suis favorable à la rectification de cet amendement.

L’amendement ainsi rectifié est adopté.

Amendement n° 5

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Avis favorable.

L’amendement est adopté.

Amendement n° 6

Mme Liliana Tanguy (RE). Cet amendement vise à ajouter la mention « demande à la Commission européenne de présenter une évaluation intermédiaire des progrès réalisés par la Géorgie dans l’accomplissement des neuf mesures ».

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Avis favorable.

L’amendement est adopté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne ainsi modifié est adopté.

La proposition de résolution européenne est donc adoptée.


   proposition de résolution européenne INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement,

Vu la déclaration du haut représentant et du commissaire au voisinage et à l’élargissement du 17 avril 2024 sur l’adoption de la loi de la transparence de l’influence étrangère,

Vu les conclusions du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023,

Vu la Convention européenne des droits de l’homme,

Vu la communication COM(2022)0405 de la commission du 17 juin 2022 intitulée « Avis de la Commission sur la demande d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne » et les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2022 sur les demandes d’adhésion de l’Ukraine, de la République de Moldavie et de la Géorgie,

Considérant que la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique sont des droits fondamentaux consacrés par la Constitution de la Géorgie ;

Considérant que le 14 mai 2024, le Parlement de la Géorgie a adopté la loi sur la transparence de l’influence étrangère, dont les mesures restreignent les activités des organisations non gouvernementales recevant un financement étranger, notamment dans le domaine de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’État de droit ;

Considérant que le Conseil européen a accordé à la Géorgie le statut de candidat en décembre 2023, en demandant à ce que la société civile puisse fonctionner librement et lutter contre la désinformation contre l’Union européenne ;

Considérant que le projet de loi sur les agents d’influence étrangère est incompatible avec les valeurs et principes démocratiques de l’Union européenne, violant plusieurs étapes contenues dans la recommandation de la Commission européenne sur le statut de candidat de la Géorgie ;

1. Affirme son soutien indéfectible au peuple géorgien dans ses aspirations européennes légitimes et son souhait de vivre dans un pays prospère, luttant contre la corruption, protecteur des droits de l’homme et respectueux de l’indépendance des médias.

2. Condamne la répression policière des manifestations et réaffirme le droit de la population géorgienne à manifester librement ;

3. Demande fermement le retrait du projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère considérant que l’adoption de ce texte remettrait en question le fonctionnement libre de la société civile et l’existence de médias indépendants et serait incompatible avec les valeurs et les principes démocratiques de l’Union ainsi qu’avec la poursuite de la procédure d’adhésion de la Géorgie ;

4. Estime que les négociations d’adhésion à l’Union européenne ne devraient pas être ouvertes si cette loi entrait en vigueur ;

5. Appelle l’État géorgien à adopter des réformes visant à renforcer l’État de droit et la lutte contre la corruption afin de réduire le rôle dominant des oligarques dans la vie publique de la Géorgie ;

6. Condamne la persécution des journalistes et opposants tel que l’ancien président Mikhaïl Saakashvili ;

7. Invite le gouvernement géorgien à confirmer l’engagement européen de la Géorgie, soutenu majoritairement par son peuple, à adopter les réformes nécessaires, en liaison avec la société civile et l’opposition politique, afin de renforcer l’État de droit, la démocratie et les libertés fondamentales et à prendre toutes les mesures prescrites par le Conseil européen conditionnant l’octroi du statut de pays candidat à l’adhésion.

 

 

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 1 Rect.

 

présenté par

Constance LE GRIP, Liliana TANGUY, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE°PEIH , Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

 

A l’alinéa 11, substituer aux mots : « les agents d’influence étrangère », les mots : « sur la transparence de l’influence étrangère, dite « loi sur les agents étrangers », inspirée par la loi fédérale russe sur les agents étrangers, ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Le projet de loi géorgien de son nom officiel « loi sur la transparence de l’influence étrangère°» a d’abord été introduit au Printemps 2023 mais retiré sous la pression de grandes manifestations citoyennes. Les autorités se sont alors inquiétées des possibles conséquences que produiraient un bras de fer politique pour l’adoption de cette loi sur la décision de l’Union européenne d’octroyer ou non à la Géorgie le statut de pays candidat à l’adhésion. Une version très similaire a pourtant été à nouveau soumise au vote au Printemps 2024. Les autorités ont alors justifié l’adoption de cette loi par les conditions formulées par l’Union européenne relatives à l’ouverture des négociations et notamment concernant la nécessité de réduire la polarisation de la vie politique. Une justification très largement rejetée par les experts et les organisations internationales.

Dans sa version initiale comme dans sa version actuelle, la proposition de loi est en de très nombreux points similaire à la loi fédérale russe sur les agents étrangers introduite en 2012 puis amendée plusieurs fois ces dernières années afin d’élargir son périmètre d’application.

L’une des similarités entre les lois russe et géorgienne étant l’intention de caractériser toute organisation non-gouvernementale ou média comme « agent d’influence étrangère » si elle- obtient plus de 20% de ses fonds de source étrangère. Un autre exemple est la possibilité pour les autorités (dans le cas présent le ministère de la justice) d’obtenir les données privées des organisations soupçonnées d’être de possibles « agent d’influence étrangère », et de leurs représentants, sur la base d’une simple dénonciation.

 

Cet amendement propose ainsi une reformulation du texte permettant de faire apparaître le caractère sous-jacent de la loi et son inspiration. Le fait de mentionner cette loi uniquement par son nom officiel ne permet pas de caractériser le véritable objectif de celle-ci: la restriction de l’espace civique et des libertés. De plus, cet amendement permettra de dissiper toute confusion entre la formulation de la loi et les intentions réelles de ses instigateurs au moment où nos démocraties libérales travaillent sur le sujet de l’influence étrangère. Rappelons ainsi que, contrairement aux lois et projets de loi des démocraties occidentales, la loi géorgienne ne vise pas à renforcer la transparence des financements mais à limiter l’action de certains acteurs de la société et en particulier à contrôler les voix de l’opposition, qu’il s’agisse de la société civile ou des médias.

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 2. Rect.

présenté par

Liliana TANGUY, Constance LE GRIP, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE PEIH, Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 7, insérer l’alinéa suivant :

« Vu l’avis urgent sur la sur la loi sur la transparence de l'influence étrangère rendu par la Commission européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise) le 21 mai 2024, ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Enregistré au Parlement de Géorgie le 3 avril 2024, le projet de loi portant sur la « transparence de l’influence étrangère » a fait l’objet d’une deuxième lecture le 30 avril puis d’une troisième à l’issue de laquelle le texte a été adopté. La première mouture de ce texte avait été une première fois abandonnée en mars 2023 à la suite d’importantes manifestations dans le pays.

Dès le 4 avril 2024, les corapporteurs de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour le suivi de la Géorgie ont exprimé leurs préoccupations quant à la réintroduction d’un texte qui interroge sur sa compatibilité avec les normes européennes en matière de démocratie et de droits humains.

Le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé un avis urgent de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), comme l’article 14a de son règlement le lui autorise, pour veiller à la conformité du projet de loi géorgien sur la transparence de l'influence étrangère au regard des normes du Conseil de l'Europe.

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Constance LE GRIP, Liliana TANGUY, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE°PEIH , Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 13, après le mot : « manifestations », insérer les mots : « , les arrestations arbitraires ainsi que les tentatives d’intimidation et de harcèlement de masse à l’encontre des opposants et des représentants de la société civile, ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Les manifestations en Géorgie sont caractérisées par une répression violente à la fois par les forces de sécurité officielle mais aussi, selon les témoignages oraux et vidéos, par des individus masqués et non-identifiés. Ces derniers sont comparés aux titushki sévissant lors du Maidan ukrainien en 2014 (des groupes d’hommes, souvent repris de justice, payés par les autorités pour tabasser les manifestants et les intimider).

Concernant les arrestations, on compte après un mois de manifestations pacifiques près de 150 arrestations selon les chiffres du Ministère de l’intérieur géorgien. Les arrestations ont ainsi été réalisées sur la base d'accusations administratives de hooliganisme et de désobéissance à une demande légale de la police. C’est notamment l’accusation retenue envers Aleksi Petriashvili, ancien ministre du parti « Rêve géorgien ». Suite à l’adoption de la loi, des dizaines de manifestants ont également reçu des convocations officielles pour être interrogés par la police criminelle concernant leur participation aux manifestations. Dans ces lettres plusieurs articles du code criminel sont mentionnés, en particulier:

- Article 222 : Occupation ou blocage d'une installation de radiodiffusion ou de communication ou d'une installation particulièrement importante - l'article prévoit une sanction pouvant aller jusqu'à deux ans de prison ou, en cas de circonstances aggravantes, de deux à quatre ans d’emprisonnement.

- Article 225 : organisation, direction ou participation à des actes collectifs de violence : l'organisation ou la direction est punie de six à neuf ans d'emprisonnement, et la participation de quatre à six ans d’emprisonnement.

- Article 226 : Organisation d'une action collective perturbant l'ordre public ou participation active à une telle action : jusqu'à trois ans de prison.

Concernant les tentatives d’intimidation et de harcèlement de masse, de nombreux exemples et témoignages sur place documentent ces actions envers les manifestants. Cette campagne d’intimidation concerne spécifiquement des politiciens d’opposition, des journalistes et des représentants de l’opposition ainsi que des membres de leur entourage. Un exemple en particulier est le placardant d’affiches comportant des portraits des personnalités mentionnées auparavant, indiquant leur nom et accompagnées du commentaire « traître » à travers toute la ville.

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 4. Rect.

 

présenté par

Liliana TANGUY, Constance LE GRIP, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE PEIH, Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 14, insérer l’alinéa suivant :

« Demande au Parlement géorgien d’appliquer les recommandations qui accompagnent l’avis urgent de la Commission de Venise sur la conformité aux normes du Conseil de l'Europe de la loi géorgien sur la transparence de l'influence étrangère ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a pour mission de formuler des avis juridiques aux États membres qui ont besoin de conseils pour mettre leurs structures juridiques et institutionnelles en conformité avec les normes et l'expérience internationales en matière de démocratie, de droits humains et de prééminence du droit.

Il s’agit d’un organe consultatif du Conseil de l’Europe qui favorise la mise en place de standards et de bonnes pratiques au sein des pays membres du Conseil de l’Europe et au-delà.

La prise en compte de ses recommandations serait considérée comme le signe d’une volonté partagée en faveur d’un dialogue démocratique constructif entre l’institution européenne et les autorités géorgiennes.

 

Cet amendement a été adopté.

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Constance LE GRIP, Liliana TANGUY, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE PEIH, Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 16, insérer l’alinéa suivant :

« Considère que la loi sur la transparence de l’influence étrangère contrevient aux mesures 1, 2 et 9 énoncées dans la recommandation de la Commission Européenne du 8 novembre 2023 ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Le 8 novembre 2023, la Commission européenne a recommandé au Conseil de l'Union européenne d'accorder le statut de pays candidat à la Géorgie et de d’entamer les négociations d’adhésion à l’Union européenne à condition que 9 mesures spécifiques soient mises en place.

A plusieurs reprises, les autorités européennes et les dirigeants de plusieurs Etats membres ont assuré que l’adoption de la « loi sur la transparence de l’influence étrangère » dite « loi sur les agents étrangers » n’est pas compatible avec les valeurs fondamentales de l’Union européenne. En guise d’illustration, cette loi entre en contradiction claire avec trois conditions formulées par la Commission européenne en date du 8 novembre 2023, la première, la seconde et la neuvième:

-          Lutter contre la désinformation, la manipulation de l'information étrangère et l'ingérence contre l'UE et ses valeurs ;

-          Améliorer l'alignement de la Géorgie sur la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE ;

-          Améliorer la protection des droits de l'homme, notamment en mettant en œuvre une stratégie ambitieuse en matière de droits de l'homme et en garantissant la liberté de réunion et d'expression. Lancer des enquêtes impartiales, efficaces et rapides dans les cas de menaces contre la sécurité des groupes vulnérables, des professionnels des médias et des militants de la société civile, et traduire en justice les organisateurs et les auteurs d'actes de violence. Consulter la société civile et s'engager avec elle, en lui permettant de participer de manière significative aux processus législatifs et d'élaboration des politiques, et veiller à ce qu'elle puisse opérer librement.

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

Constance LE GRIP, Liliana TANGUY, Charles SITZENSTUHL, David AMIEL, Pascale BOYER, Stéphane BUCHOU, Laurence CRISTOL, Alexandre HOLROYD, Brigitte KLINKERT, Nicole LE PEIH, Denis MASSEGLIA, Lysiane METAYER, Jean-Pierre PONT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 18, insérer l’alinéa suivant :

« Demande à la Commission européenne de présenter une évaluation intermédiaire des progrès réalisés par la Géorgie dans l'accomplissement des neuf mesures. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Dans le cadre de son programme « Paquet élargissement », la Commission européenne procède à des rapports annuels et individualisés, des pays impliqués, qu’ils soient candidats établis ou aspirants, dans le processus d’élargissement de l’Union européenne. Ces rapports évaluent ainsi les progrès réalisés ou non par ces pays concernant les différents clusters et chapitres inclus dans le processus d’adhésion. L’an dernier ces rapports et la communication générale de l’Union européenne sur l’élargissement ont été publiés en novembre.

Cet amendement demande la publication d’une évaluation intermédiaire, spécifiquement centrée sur la Géorgie et les 9 mesures préalablement identifiées, par la Commission européenne le plus rapidement possible. Cette évaluation permettra aux autorités européennes d’analyser la direction prise par les autorités géorgiennes ces derniers mois et de dire si oui ou non, les autorités géorgiennes travaillent dans le sens d’une ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne.

 

Cet amendement a été adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

22 mai 2024


Proposition de rÉsolution europÉenne visant à condamner la dérive illibÉrale du gouvernement gÉorgien et soutenir le destin europÉen de la GÉorgie (n° 2632)

 

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

Benjamin Haddad, rapporteur

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 9, insérer l’alinéa suivant :

 « Considérant que la présidente de la Géorgie a opposé son veto au texte adopté par le Parlement le 18 mai 2024 ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Cet amendement vise à tenir compte du fait que la présidente Salomé Zourabichvili a opposé son veto au texte voté par le Parlement le 18 mai dernier, comme elle l’avait annoncé, le décrivant comme « russe dans son essence ». Le parlement dispose toutefois d’une majorité suffisante pour passer outre ce veto.

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

 

 

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

 

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

 

Vu l’article 151-5 du Règlement,

 

Vu la déclaration du haut représentant et du commissaire au voisinage et à l’élargissement du 17 avril 2024 sur l’adoption de la loi de la transparence de l’influence étrangère,

 

Vu les conclusions du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023,

 

Vu la Convention européenne des droits de l’homme,

 

Vu la communication COM (2022) 0405 de la commission du 17 juin 2022 intitulée « Avis de la Commission sur la demande d'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne » et les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2022 sur les demandes d'adhésion de l'Ukraine, de la République de Moldavie et de la Géorgie,

 

Vu l’avis urgent sur la loi sur la transparence de l'influence étrangère rendu par la Commission européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise) le 21 mai 2024,

 

Considérant que la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique sont des droits fondamentaux consacrés par la Constitution de la Géorgie,

 

Considérant que le 14 mai 2024, le Parlement de Géorgie a adopté le projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère, dont les mesures restreignent les activités des organisations non gouvernementales recevant un financement étranger, notamment dans le domaine de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’État de droit ;

 

Considérant que la présidente de la Géorgie a opposé son veto au texte adopté par le Parlement le 18 mai 2024 ;

 

Considérant que le Conseil européen a accordé à la Géorgie le statut de candidat en décembre 2023, en demandant que la société civile puisse fonctionner librement et lutter contre la désinformation contre l’Union européenne ;

 

Considérant que la loi sur la transparence de l’influence étrangère, dite « loi sur les agents étrangers », inspirée de la loi fédérale russe sur les agents étrangers, est incompatible avec les valeurs et principes démocratiques de l’Union européenne, violant plusieurs étapes contenues dans la recommandation de la Commission européenne sur le statut de candidat de la Géorgie ;

 

  1. Affirme son soutien indéfectible au peuple géorgien dans ses aspirations européennes légitimes et son souhait de vivre dans un pays prospère, luttant contre la corruption, protecteur des droits de l’homme et respectueux de l’indépendance des médias ;

 

  1. Condamne la répression policière des manifestations, les arrestations arbitraires ainsi que les tentatives d’intimidation et de harcèlement de masse à l’encontre des opposants et des représentants de la société civile, et réaffirme le droit de la population géorgienne à manifester librement ;

 

  1. Demande fermement le retrait de la loi sur la transparence de l’influence étrangère considérant que l’adoption de ce texte remettrait en question le fonctionnement libre de la société civile et l’existence de médias indépendants et serait incompatible avec les valeurs et les principes démocratiques de l’Union ainsi qu’avec la poursuite de la procédure d’adhésion de la Géorgie ;

 

  1. Demande au Parlement géorgien d’appliquer les recommandations qui accompagnent l’avis urgent de la Commission de Venise sur la conformité aux normes du Conseil de l'Europe de la loi géorgienne sur la transparence de l'influence étrangère ;

 

  1. Estime que les négociations d’adhésion à l’Union européenne ne devraient pas être ouvertes si cette loi entrait en vigueur ;

 

  1. Appelle l'État géorgien à adopter des réformes visant à renforcer l’État de droit et la lutte contre la corruption afin de réduire le rôle dominant des oligarques dans la vie publique de la Géorgie ;

 

  1. Condamne la persécution des journalistes et opposants tel que l’ancien président Mikhaïl Saakashvili ;

 

  1. Considère que la loi sur la transparence de l’influence étrangère contrevient aux mesures 1, 2 et 9 énoncées dans la recommandation de la Commission Européenne du 8 novembre 2023 ;


 

  1. Invite le gouvernement géorgien à confirmer l’engagement européen de la Géorgie, soutenu majoritairement par son peuple, à adopter les réformes nécessaires, en liaison avec la société civile et l’opposition politique, afin de renforcer l’État de droit, la démocratie et les libertés fondamentales et à prendre toutes les mesures prescrites par le Conseil européen conditionnant l’octroi du statut de pays candidat à l’adhésion ;

 

  1. Demande à la Commission européenne de présenter une évaluation intermédiaire des progrès réalisés par la Géorgie dans l'accomplissement des neuf mesures.

 


([1])  Fighting corruption in public services : chronicling Georgia's reforms (English). Directions in development: public sector governance Washington, D.C: World Bank Group.

([2])  Irakli Garibachvili, Giorgi Kvirikachvili, Mamouka Bakhtadze, Guiorgui Gakharia, Maïa Tskitichvili, à nouveau Irakli Garibachvili et Irakli Kobakhidze;

([3])  Estimée par le magazine Forbes à 4,9 milliards de dollars.

([4])  Résolution du Parlement européen du 25 avril 2024 sur les tentatives de réintroduction d’une loi sur les agents de l’étranger en Géorgie et ses restrictions à l’égard de la société civile.