N° 2698

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520)

 

 

TOME I

 

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL ET EXAMEN DES ARTICLES

 

PAR M. Jean-RenÉ CAZENEUVE,

Rapporteur général,

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2023

I. Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres

A. La comptabilitÉ budgÉtaire

B. La comptabilitÉ gÉnÉrale

C. La comptabilitÉ nationale

D. Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

1. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

2. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

II. La baisse des recettes entraîne un creusement du déficit public

A. Évolution sur longue pÉriode

B. Analyse du dÉficit public de 2023

1. Un déficit public supérieur aux prévisions initiales

2. Le déficit par sous-secteur d’administration publique

C. Le dÉficit public demeure essentiellement structurel

1. Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel

2. La composante structurelle du déficit demeure prépondérante

3. L’avis du Haut Conseil des finances publiques

III. Le dÉficit de l’État augmente

A. Formation du solde budgÉtaire 2023

B. Analyse d’exÉcution à exÉcution

C. Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

fiche 2 : Les recettes de l’État En 2023

I. Les recettes fiscales de l’État

A. le montant global des recettes fiscales nettes du budget général de l’état

B. une présentation dont demeurent écartées les recettes fiscales affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux

C. L’évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État et leur écart à la loi de finances initiale

1. Analyse d’exécution à exécution

a. Des recettes fiscales en recul

b. Les mesures fiscales nouvelles en 2023

c. Des mesures de périmètre et de transfert à l’effet positif

2. Analyse par rapport à la prévision

D. Examen impÔt par impÔt

1. La taxe sur la valeur ajoutée

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

2. L’impôt sur le revenu

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

3. L’impôt sur les sociétés (IS)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

5. Les autres recettes fiscales

II. Les recettes non fiscales de l’État

A. Les dividendes et recettes assimilÉes

B. Les autres recettes non fiscales

1. Les produits du domaine de l’État

2. Les produits de la vente de biens et services

3. Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

4. Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

5. Les recettes diverses

Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

I. Les dÉpenses de l’État continuent d’augmenter mais À un rythme moins soutenu que les annÉes prÉcÉdentes

A. L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

1. Les missions dont le niveau d’exécution des crédits est inférieur à celui observé en 2022

2. Les missions dont les crédits exécutés augmentent en 2023

B. Une sous-Consommation des crÉdits lÉgÈrement moindre qu’en 2022

C. L’Évolution des dÉpenses de personnel

II. La Nouvelle norme de dÉpenses a ÉtÉ respectÉe

III. Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues au cours de l’exercice 2023

I. Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2023

A. Seule la loi de finances de fin de gestion a modifiÉ les crÉdits ouverts en 2023

1. Des ouvertures de crédits moins fréquentes mais toujours nécessaires pour répondre aux aléas survenus en cours de gestion

a. Les ouvertures de crédits portées par la loi de finances de fin de gestion demeurent conséquentes

b. Le budget général de l’État mobilisé en fin d’année pour répondre à plusieurs difficultés survenues au cours de la gestion

i. Les ouvertures de crédits

ii. Les annulations de crédits

2. Des budgets annexes et des comptes spéciaux peu mobilisés

B. Les mouvements rÉglementaires

1. Les fonds de concours et attributions de produits complètent les crédits budgétaires à un niveau important

2. Un niveau d’annulation par décret inédit permettant de juguler la hausse des dépenses en cours d’exercice

3. Un niveau encore important de reports de crédits en 2023

a. Un encadrement organique de la possibilité de reports

b. Malgré un léger reflux, les reports restent conséquents en 2023

4. Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts

C. Une mobilisation plus prononcÉe des gels de crÉdits pour Éviter une dÉgradation trop forte du dÉficit

1. Le faible taux de mise en réserve des crédits, une pratique entamée en 2023 pour contenir l’évolution des dépenses

a. Une diminution significative des crédits mis en réserve à partir de 2017

b. Un doublement du niveau de mise en réserve en 2023

2. L’absence de recours à un décret d’avance en 2023

II. Les modifications proposÉes par le prÉsent projet de loi

A. Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

B. Les annulations portant sur le budget gÉNÉral

C. Les mouvements de crÉdits relatifs aux budgets annexes et comptes spÉciaux

Fiche 5 : la dette de l’État

I. l’endettement de l’État continue de progresser À un rythme Soutenu

A. Un encours de la dette de l’État proche de 2 430 milliards d’euros

B. Le besoin de financement atteint un point haut historique

C. Les ressources de financement de l’État

II. Une charge de la dette en forte augmentation

fiche 6 : la comptabilitÉ gÉnÉrale de l’État

I. Le compte de rÉsultat de l’État : Un rÉsulTat patrimonial qui s’améliore par rapport à 2022

A. Une baisse significative des charges nettes

1. Le cycle financier

2. Le cycle de fonctionnement

3. Le cycle d’intervention

B. un maintien des produits régaliens nets

II. Le bilan de l’État : la poursuite de la dÉgradation de la situation nette patrimoniale

A. Un actif en progression

1. Des immobilisations en hausse

2. Un actif circulant en augmentation

3. Une forte baisse du niveau de trésorerie active

B. la dÉgradation du passif

1. Une croissance des dettes financières qui ralentit

2. Des dettes non financières en recul

3. Une hausse modérée des provisions pour risques et charges

4. Une trésorerie passive en recul

III. Les engagements hors bilan

A. une hausse Des engagements hors bilan relatifs aux retraites

B. Une augmentation des engagements pris dans le cadre d’accords bien dÉfinis

C. un accroissement des engagements de la mission de régulateur économique et social de l’État

IV. la Certification des comptes

Examen DES ARTICLES

Article liminaire Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2023

Article 1er Résultats du budget de l’année 2023

Article 2 Tableau de financement de l’année 2023

Article 3 Résultat de l’exercice 2023 Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

Article 4 Budget général  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Article 5 Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Article 6 Comptes spéciaux  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Article 7 Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État

Article 8 Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État

Article 9 Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LE RAPPORT RELATIF AUX RÉSULTATS DE LA GESTION BUDGÉTAIRE DE L’EXERCICE 2023 ET SUR LA CERTIFICATION DES COMPTES DE L’ÉTAT POUR L’EXERCICE 2023 AINSI QUE SUR LES AVIS DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES SUR LE PROJET DE LOI RELATIVE AUX RÉSULTATS DE LA GESTION ET PORTANT APPROBATION DES COMPTES DE L’ANNÉE 2023 ET SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ PRÉSENTÉ AUX INSTITUTIONS EUROPÉENNES

II. audition de M. Thomas Cazenave, ministre dÉLÉGUÉ chargÉ des comptes publics, sur le programme de stabilitÉ prÉsentÉ aux institutions europÉennes et le rapport sur l’Évolution de l’Économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 (n° 2520)

III. examen des articles

 


 

   INTRODUCTION

 

La commission des finances examine le premier projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes, qui succède au projet de loi de règlement à partir de l’exercice 2023, en application de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([1]) intervenue à la fin de l’année 2021 ([2]). Outre ce changement terminologique, la réforme permet de compléter les informations sur la situation des finances publiques qui figurent à l’article liminaire, en matière de dette, de prélèvements et de dépenses, dont les dépenses d’investissement.

L’examen du présent projet de loi offre l’occasion de revenir sur l’exécution de nos finances publiques au cours de l’exercice 2023, qui constitue une année encore marquée par une forte inflation, même si celle-ci avait entamé sa décrue par rapport au point haut de 2022. Plusieurs des dispositifs de grande ampleur qui ont été mobilisés pour protéger les Français et les entreprises face à l’augmentation des prix en 2022 ont été prolongés mais ciblés en 2023, notamment les boucliers tarifaires, l’indemnité carburant pour les travailleurs modestes, le soutien aux collectivités locales, tandis que le point d’indice pour tous les fonctionnaires a été à nouveau revalorisé. Nul ne peut contester la nécessité de prendre ces mesures en réponse aux conséquences de la hausse de l’inflation au niveau mondial. L’on remarque que l’inflation a, en conséquence, été mieux contenue en France que chez nos voisins européens : sur la période comprise entre avril 2021 et avril 2024, l’inflation cumulée en France est inférieure de 3,5 points par rapport à l’Allemagne, de 5,4 points par rapport aux Pays-Bas et de 1,1 point par rapport à l’Italie.

L’exécution budgétaire en 2023 a également concrétisé les trajectoires financières définies par les lois de programmation sectorielles ; celles-ci se sont traduites notamment par des investissements et des recrutements dans les domaines de la défense, de la justice, de l’intérieur, de l’éducation nationale ainsi que de la recherche, afin de répondre aux priorités identifiées par le Gouvernement.

Pour autant, les dépenses ont été maîtrisées en 2023, puisque pour la première fois depuis 2019, la norme de dépense de l’État a été respectée : le périmètre des dépenses de l’État a été exécuté en-deçà des prévisions de la loi de finances initiale, soit 7 milliards d’euros de moins qu’attendu (489,1 milliards d’euros contre 496,1 prévus). Par rapport à 2022, les dépenses nettes du budget général de l’État ont légèrement progressé en valeur (+ 8,9 milliards d’euros, soit + 2 % en valeur) mais elles ont baissé en volume (– 2,9 %). Si l’on exclut l’impact du reflux des dépenses exceptionnelles en 2023, de l’ordre de 21 milliards d’euros, les dépenses publiques ordinaires augmentent de 17,8 milliards d’euros, soit une hausse de 5,2 % en valeur et de 0,3 % en volume par rapport à 2022.

Ces résultats sont issus d’un pilotage rigoureux des dépenses, notamment avec un décret d’annulation de 5 milliards d’euros, en septembre dernier, une mise en réserve de crédits à hauteur de 14,4 milliards d’euros – contre 5,7 milliards en 2022 –, puis un texte de fin de gestion qui a conduit à des ouvertures nettes de 4,4 milliards d’euros supplémentaires, soit un niveau très inférieur aux exercices précédents (+ 47,3 milliards d’euros en 2022, + 21,9 milliards d’euros en 2021 ou encore + 75,7 milliards d’euros en 2020).

En revanche, il importe que le Gouvernement s’engage de façon résolue vers une normalisation de l’usage des reports de crédits, qui ont très fortement augmenté en 2020 et qui restent, malgré leur décrue depuis, à un montant trop élevé (16,1 milliards d’euros en 2023, contre 18,7 milliards d’euros l’année précédente). Leur volume obscurcit la lisibilité de l’exécution budgétaire depuis 2020 et affaiblit la portée de l’autorisation du Parlement d’engager des dépenses.

Malgré un montant de dépenses tenu, la conjoncture économique et le ralentissement de la croissance à l’échelle mondiale ont pesé sur les finances publiques, en réduisant les recettes attendues – à l’inverse de l’année 2022, qui avait été marquée par un fort dynamisme en la matière.

Alors même que la croissance, qui a atteint 0,9 %, était en ligne avec les prévisions du Gouvernement en loi de finances (soit 1 %), les recettes se trouvent 21 milliards d’euros en deçà des prévisions de la loi de finances de fin de gestion. La baisse des recettes entraîne donc une diminution importante des prélèvements obligatoires, ce qui devrait réjouir certains. L’un des principaux écarts à la prévision concerne l’impôt sur les sociétés, avec de moindres recettes de 4,4 milliards d’euros ; le dernier versement de l’impôt sur les sociétés est intervenu le 15 décembre, soit après le dépôt et l’adoption de la loi de finances de fin de gestion (LFG). Ce calendrier explique l’erreur de prévision de la LFG et montre l’absence de toute volonté du Gouvernement de manipuler les chiffres à dessein, que certains ont pu lui prêter. 

Les moins-values de recettes sont également sensibles sur les cotisations sociales (- 4,8 milliards d’euros) et l’impôt sur le revenu (- 1,4 milliard d’euros), notamment du fait de la modération de la progression de la masse salariale en fin d’année. Les recettes de TVA sont inférieures de 4,3 milliards d’euros aux prévisions, en raison d’un reflux plus prononcé qu’anticipé de l’inflation en fin d’année. Enfin, la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (CRIM) a rapporté beaucoup moins qu’escompté (0,6 milliard, contre 2,8 milliards d’euros prévus par la loi de finances de fin de gestion). Les recettes fiscales nettes en 2023 se sont in fine élevées à 322,9 milliards d’euros en 2023, contre 330,3 milliards d’euros l’année précédente.

Ce repli des recettes explique largement la détérioration du solde public à 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023, alors que la prévision associée à la loi de finances de fin de gestion était de 4,9 %. Il convient toutefois de préciser qu’une partie de cette dégradation est imputable à un changement de base des comptes nationaux, et ce à hauteur de 0,15 point ; sans cette évolution purement technique, le déficit public s’élèverait à 5,35 %. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Haut conseil des finances publiques n’a pas qualifié l’écart en 2023 du déficit structurel à la prévision de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (LPFP) d’« important », au sens de la LOLF.

Par ailleurs, au-delà du périmètre du budget de l’État, les administrations publiques locales, notamment les départements, ont également vu leur solde se détériorer, ce qui a dégradé le déficit public à hauteur de 0,4 point de PIB, alors qu’elles étaient quasiment à l’équilibre en 2022.

La hausse du déficit public en 2023 se traduit par un ratio de dette publique en points de PIB de 110,6 %. Pour autant, si ce ratio est supérieur à la prévision de la LPFP (109,7 %), il reste inférieur à la prévision de la loi de finances initiale (111,2 %) et à celui enregistré en 2022 (111,8 %). L’encours de dette de l’État, qui représente environ 80 % de la dette publique totale, a atteint 2 430 milliards d’euros fin 2023. Y est associée une charge budgétaire de la dette de 53,9 milliards d’euros (3,2 milliards d’euros de plus qu’en 2022), du fait notamment de la hausse du volume et de la charge de la dette de court terme.

Le creusement du déficit public en 2023 et la hausse du ratio de dette par rapport aux prévisions nous imposent de revoir la trajectoire des finances publiques sur les prochaines années. C’est ce que le programme de stabilité 2024-2027, présenté en Conseil des ministres le même jour que le présent projet de loi, met en œuvre. Il ajuste les étapes de réduction du déficit public, tout en maintenant l’ambition de parvenir à un déficit inférieur à 3 % (2,9 %) en 2027, soit un point d’arrivée comparable à celui fixé par la LPFP 2023-2027 (2,7 %). La pente est donc plus forte qu’anticipé, ce qui doit conduire à documenter et à mettre en œuvre des économies plus importantes que prévu, dès 2024, mais aussi en 2025.

Parallèlement à cet objectif de redressement de nos finances publiques, qui reste le cap du Gouvernement, il importe de maintenir les orientations de notre politique économique. En privilégiant le renforcement de la croissance potentielle, cette politique a porté ses fruits, comme l’a d’ailleurs souligné le FMI dans ses travaux publiés le 23 mai dernier : depuis 2017, les réformes du marché du travail, la baisse des impôts, le soutien public à la formation, à l’innovation et à la relance ont rendu notre économie plus solide et résiliente. La croissance cumulée entre 2017 et 2023 a été supérieure dans notre pays à celles observées dans les grandes économies européennes ; 2 millions d’emplois ont été créés en France depuis 2017. Les Français ont été protégés des conséquences économiques de la crise sanitaire et ont subi les effets de l’inflation dans des proportions nettement moindres qu’ailleurs en Europe.

*

Le contenu du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes est largement contraint par l’article 37 de la LOLF et par des constats comptables :

– l’article liminaire constate le solde public et ses composantes structurelle et conjoncturelle pour l’année écoulée, ainsi que la dette au sens de Maastricht et les taux de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques ;

– l’article 1er constate le solde du budget de l’État, en comparant recettes et dépenses ;

– eu égard à ce solde, l’article 2 décrit comment a été couvert techniquement le besoin de financement de l’État, notamment par le programme d’émissions de dettes ;

– l’article 3 autorise le transfert du solde de l’État au bilan de l’État et modifie en conséquence les valeurs de l’actif et du passif de l’État ;

– les articles 4, 5 et 6 constatent les dépenses sur chaque programme du budget général, budget annexe et compte spécial. Eu égard à ces dépenses, aux montants ouverts durant la gestion et aux reports effectués, ces articles procèdent aux annulations qui en résultent mécaniquement, hors ajustements possibles pour les soldes reportés des comptes spéciaux.

Enfin, les articles 7, 8 et 9 visent à remédier aux conséquences du rejet des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022. Les articles 7 et 8 affectent le résultat patrimonial des exercices 2021 et 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État, tandis que l’article 9 arrête le solde du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce, qui a été clos dès le 1er janvier 2023, comme l’aurait fait la loi de règlement pour 2022, si cette dernière avait été adoptée.

Ces trois derniers articles montrent, s’il en est besoin, que nous devons trouver collectivement un accord pour voter le présent texte, afin de ne pas continuer chaque année à repousser, vers un horizon indéfini, l’adoption de dispositions nécessaires d’un point de vue comptable.

Il n’y a aucune marge de manœuvre dans l’écriture de ces dispositions par le Gouvernement : les constats comptables s’imposent au Gouvernement, comme ils s’imposent aux parlementaires. Voter contre ce texte procède en réalité d’une posture politique, sans lien avec les dispositions qu’il comporte, alors même que les parlementaires disposent d’outils nombreux et efficaces pour débattre et contester la politique budgétaire du Gouvernement.

L’absence de loi de règlement pose au demeurant des problèmes techniques. Le bilan de l’État, constitué de son actif et de son passif, n’a pas pu être établi comme il aurait dû l’être au titre des exercices 2021 et 2022. Afin d’assurer la clarté de l’information financière et la lisibilité de la comptabilité de l’État, il convient de ne pas nous placer dans une situation où les modalités particulières et exceptionnelles de traitement des comptes de l’État rendues nécessaires par le rejet des projets de loi de règlement des années 2021 et 2022 devraient être reconduites.

Comme je l’ai déjà souligné l’année dernière lors de l’examen des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022, ne pas disposer d’une loi annuelle de règlement des comptes, c’est se priver de constats comptables incontestables et c’est une source de difficultés juridiques pour nos administrations et nos juridictions administratives et financières. J’invite ainsi l’Assemblée nationale à adopter le présent projet de loi, nécessité législative et comptable qui n’empêche en rien les parlementaires de contester par ailleurs la politique budgétaire mise en œuvre par le Gouvernement.

*

*     *

 


 

   fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2023

La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes – anciennement loi de règlement – arrête le déficit public, toutes administrations publiques confondues, ainsi que le déficit de l’État. Le premier est mesuré selon les principes de la comptabilité nationale, le second selon ceux de la comptabilité budgétaire et générale. Ces trois types de comptabilité ont des objets différents.

Alors que la comptabilité budgétaire, comptabilité dite de caisse, retrace les flux budgétaires entrants et sortants, les comptabilités générale et nationale sont fondées sur la constatation des droits et obligations nés au cours de l’exercice concerné.

les mesures du dÉficit en 2023

Déficit public

(toutes administrations publiques)

Comptabilité nationale

154 milliards d’euros

soit 5,5 points de PIB

 

Déficit de l’État

Comptabilité budgétaire

173,0 milliards d’euros

Comptabilité générale

124,9 milliards d’euros

Comptabilité nationale

155,3 milliards d’euros

Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLR 2023).

La mesure du solde public, exprimé en points de PIB dans la comptabilité nationale, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et de considérer le respect par la France de ses engagements européens.

La mesure du solde de l’État selon les principes de la comptabilité budgétaire permet d’appréhender son besoin de financement annuel.

La mesure du résultat patrimonial en comptabilité générale permet de déterminer la part de la variation annuelle du patrimoine de l’État qui résulte de la différence entre ses produits et ses charges comptables.

I.   Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres

Historiquement, les lois de règlement ont d’abord porté sur la comptabilité budgétaire, qui est une comptabilité de caisse. Plus récente, la comptabilité générale fournit une approche davantage économique de la situation financière et patrimoniale de l’État. Enfin, la comptabilité nationale permet, dans une approche harmonisée avec les autres États de l’Union européenne, d’agréger le solde de l’État avec celui des administrations publiques locales et de sécurité sociale.

A.   La comptabilitÉ budgÉtaire

Traditionnellement, l’examen de la loi de règlement a eu pour but de débattre de l’exécution du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui d’une comptabilité très commentée car elle permet de constater le niveau des recettes, en particulier fiscales, et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépense.

La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]). L’article 28 précise que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

Les résultats du budget de l’État pour 2023 sont arrêtés par l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (PLR) ([4]). Le déficit budgétaire forme, avec l’amortissement de la dette, le besoin de financement de l’État arrêté à l’article 2. Le suivi des autorisations de dépenses et des éventuels reports du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux est assuré par les articles 4, 5 et 6.

B.   La comptabilitÉ gÉnÉrale

Depuis 2006, une comptabilité générale de l’État est annexée au projet de loi de règlement. Cette comptabilité dite d’engagements est tenue selon les mêmes principes qu’une comptabilité d’entreprise : un compte de résultat de l’année en cours est rattaché au bilan de l’État, et une annexe est également prévue pour détailler et justifier la nomenclature comptable. Les charges et les produits sont rattachés à l’exercice durant lequel les droits et obligations sont nés, indépendamment de la date de paiement ou d’encaissement effective.

Article 30 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

« La comptabilité générale de l’État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.

« Les règles applicables à la comptabilité générale de l’État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action.

« Elles sont arrêtées après avis d’un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et publié. »

La comptabilité générale permet d’appréhender également des produits et charges qui ne donnent pas lieu à des flux de trésorerie, et qui ne sont donc pas retracés par la comptabilité budgétaire, comme les dotations aux amortissements et aux provisions ou l’état des stocks. Elle retrace aussi les opérations de nature patrimoniale (immobilisations, créances, dettes, etc.), qui ne sont pas décrites par les lois de finances, et qui n’ont pas d’impact sur le solde public en comptabilité nationale. La comptabilité générale offre ainsi la possibilité de mesurer les variations annuelles du patrimoine de l’État.

Elle fait généralement l’objet de peu de commentaires dans le débat public, malgré l’enrichissement de l’information qu’elle représente.

Les résultats des comptes de l’État pour 2023 sont arrêtés par l’article 3 du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

La comptabilité générale de l’État est analysée de façon plus détaillée dans la fiche 6 de ce rapport. Seul est rappelé ici le résultat patrimonial, c’est-à-dire la différence entre les produits et les charges de l’année 2023.

Le rÉsultat de l’État depuis 2021

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2021

Exercice 2022

Exercice 2023

 

 

Cycle de fonctionnement

Charges (a)

284,1

305,5

305,4

Produits (b)

77,4

79,5

87,7

Charges nettes (I = a-b)

206,7

225,9*

217,7

 

 

Cycle d’intervention

Charges (a)

269,7

254,2

270,9

Produits (b)

71,0

56,5

77,4

Charges nettes (II = a-b)

198,7

197,7

193,5

 

 

Cycle financier

Charges (a)

50,1

77,5

60,4

Produits (b)

24,1

26,3

30,8

Charges nettes (III = a-b)

25,9*

51,2

29,6

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

431,3

474,9

440,8

 

 

Produits régaliens nets (B)

290,5

316,9

315,9

 

 

Résultat (B-A)

– 140,8

– 158,0

– 124,9

: Effet d’arrondi au dixième.

Source : PLR 2021, 2022 et 2023.

C.   La comptabilitÉ nationale

Depuis 2013, l’article liminaire du projet de loi de règlement – désormais, celui du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes – permet de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale présentés dans l’article liminaire sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en points de PIB, qui joue un rôle toujours essentiel dans le cadre de l’examen et de la comparaison des finances publiques au niveau européen.

D.   Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

1.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

Selon la comptabilité nationale, le déficit de l’État s’établit à 155,3 milliards d’euros, soit 17,7 milliards d’euros en dessous du déficit budgétaire qui atteint 173 milliards d’euros.

Cet écart s’explique par trois effets principaux.

Premièrement, certaines dépenses et recettes budgétaires sont comptabilisées en opérations financières au sens de la comptabilité nationale et sont placées ainsi hors du périmètre retenu pour le calcul du déficit dit maastrichtien, utilisé pour le calcul du déficit public. Au total, en 2023, la prise en compte différenciée de ces opérations par les comptabilités nationale et budgétaire explique l’écart entre les soldes à hauteur de 6,6 milliards d’euros. Les prises de participation de l’État en 2023 – quasi-intégralement la poursuite des acquisitions d’actions d’EDF pour 5,2 milliards d’euros – et les décaissements, d’un montant de 6,6 milliards d’euros, au titre de l’amortissement de la dette de l’État liée à la Covid-19 sont les deux principales dépenses budgétaires concernées, tandis que les principales recettes budgétaires ainsi comptées en opérations financières en comptabilité nationale sont la restitution à l’État d’actions EDF pour un montant de 3,5 milliards d’euros et le remboursement par la Grèce de prêts consentis par l’État, pour un montant de 1,5 milliard d’euros.

Deuxièmement, le rattachement comptable de droits constatés à l’exercice 2023 détériore le solde en comptabilité nationale de 6 milliards d’euros. L’écart provient en partie de la façon dont les recettes issues du financement européen du plan de relance français sont comptabilisées : ce décalage comptable dégrade le solde en comptabilité nationale de 5,6 milliards d’euros. Les autres variations en droits constatés tiennent avant tout aux politiques de lutte contre l’inflation menées par l’État ; en comptabilité budgétaire, la compensation du gel des tarifs de l’électricité versée aux fournisseurs est inférieure de 7,8 milliards d’euros à la dépense retenue en comptabilité nationale, tandis qu’à l’inverse les décaissements au titre du bouclier tarifaire sur le gaz sont supérieurs de 3,4 milliards d’euros au montant de la dépense en comptabilité nationale. S’agissant des charges de service public de l’énergie, la différence entre comptabilités améliore le solde en comptabilité nationale de 4,2 milliards d’euros par rapport au solde en comptabilité budgétaire.

Troisièmement, des opérations non budgétaires affectant le besoin de financement améliorent le solde en comptabilité nationale de 16,9 milliards d’euros. En particulier, l’enregistrement de la charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation diffère entre comptabilités nationale et budgétaire du fait de la mesure de l’inflation en glissement annuel ; la charge d’indexation est presque stable entre 2022 et 2023 au sens de la comptabilité budgétaire, passant de 15,5 milliards d’euros à 15,8 milliards d’euros, mais diminue pour la comptabilité nationale, passant de 23 à 8,5 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous retrace les clés de passage entre le solde en comptabilité budgétaire et celui en comptabilité nationale.

Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
À la comptabilitÉ nationale en 2023

(en milliards d’euros)

Solde d’exécution budgétaire hors budgets annexes

 173,3

Opérations budgétaires traitées en opérations financières

+ 6,6

Corrections en droits constatés

 6

Opérations non budgétaires affectant le besoin de financement

+ 16,9

Solde des budgets annexes

+ 0,4

Déficit de l’État en comptabilité nationale

 155,3

Source : PLR 2023.

2.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

Selon la comptabilité générale, le résultat patrimonial de l’État, qui est la différence entre ses produits et ses charges mesurés dans le compte de résultat, s’établit à – 124,9 milliards d’euros, soit une amélioration de 48,1 milliards d’euros par rapport au déficit budgétaire. Le solde patrimonial de l’État est donc bien moins dégradé que son solde budgétaire.

L’écart entre les deux soldes s’explique en grande partie par :

– un effort d’investissement important, principalement sur les immobilisations financières et dans une moindre mesure sur les immobilisations corporelles. Cet investissement passe notamment par l’acquisition d’actions EDF – dont l’État est désormais l’unique actionnaire – pour 5,2 milliards d’euros et par le versement d’une dotation en capital de 6,6 milliards d’euros à la Caisse de la dette publique pour l’amortissement de la dette de l’État liée à la Covid-19.

– des décalages entre charges et dépenses, d’un montant de 8,3 milliards d’euros, le principal facteur étant la variation des charges à payer et des charges constatées d’avance, pour un montant de 18,7 milliards d’euros, les dotations nettes de reprises sur provision ayant sur le résultat patrimonial un effet en sens inverse de – 8 milliards d’euros.

– un produit financier net affecté résultant des mécanismes d’ajustement des primes et décotes sur les obligations assimilables du Trésor (OAT), à hauteur de 8,6 milliards d’euros.

Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
À la comptabilitÉ gÉNÉrale en 2023

(en milliards d’euros)

Solde d’exécution des lois de finances

 173,0

Opérations de trésorerie

+ 9,4

Immobilisations incorporelles, corporelles et stocks

+ 9,0

Immobilisations financières

+ 14,4

Opérations sur comptes de tiers et autres opérations

+ 1,5

Décalage en matière de recettes

+ 5,4

Décalage en matière de dépenses

+ 8,3

Déficit de l’État en comptabilité générale

 124,9

Source : PLR 2023.

II.   La baisse des recettes entraîne un creusement du déficit public

A.   Évolution sur longue pÉriode

L’article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes établit le déficit public pour 2023, en comptabilité nationale, à 5,5 points de PIB.

évolution du dÉficit public en points de PIB depuis 1974

(en points du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

– 3,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

– 3,7

– 2,4

– 1,5

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,1

– 3,5

– 3,5

– 2,7

– 3,0

– 3,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

– 7,4

– 7,2

– 5,3

– 5,2

– 4,9

– 4,6

– 3,9

– 3,8

– 3,4

– 2,3

 2,4

– 8,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 6,6

– 4,8

– 5,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En grisé, les déficits supérieurs à 3 points de PIB.

Source : Insee (base 2020), PLR 2023.

L’année 1974 est la dernière pour laquelle le solde public a été excédentaire. Les années 1993 et 2009 ont enregistré des pics de déficit, respectivement à 6,4 et 7,2 points de PIB. La France a ensuite connu neuf années consécutives de déficit supérieur à 3 points de PIB entre 2008 à 2016.

L’année 2017 avait marqué un retour du déficit (en base 2014) sous la barre des 3 points de PIB, ce qui a permis au Conseil de l’Union européenne de clôturer lors de sa réunion du 22 juin 2018 la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet.

Afin de faire face à la crise sanitaire en mars 2020, l’État a été conduit, à la faveur de l’assouplissement de l’encadrement budgétaire européen permettant des écarts temporaires à la trajectoire d’ajustement des comptes publics, à s’extraire des règles communautaires ; le déficit public s’est en conséquence établi à 8,9 % en 2020, puis a entamé sa décrue l’année suivante.

évolution du dÉficit public depuis 2008

(en milliards d’euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

– 69,7

– 142,8

– 142,8

– 109,4

– 108

– 104,7

– 98,5

– 85,7

– 84

– 77,1

– 54,6

– 58,2

– 207,1

– 165,1

– 125,8

– 153,9

Source : Insee, comptes nationaux (base 2020), déficit public au sens de Maastricht.

 

Le passage des comptes nationaux en base 2020

À l’occasion de la publication, le 31 mai prochain, des comptes nationaux 2023, l’Insee mettra en œuvre la nouvelle base 2020, en remplacement de la base 2014 en usage depuis mai 2018. Conformément aux préconisations d’Eurostat, les changements de base interviennent à un rythme quinquennal et de manière coordonnée. La majorité des pays membres de l’Union européenne procédera à un changement de base en 2024.

Selon l’Insee, le changement de base permet de recaler l’intégralité des séries des comptes nationaux sur de meilleures sources et de modifier certaines méthodes afin de mieux décrire le fonctionnement de l’économie. Les périmètres des différents secteurs institutionnels sont par ailleurs actualisés, y compris celui des administrations publiques. Ces changements peuvent conduire à des révisions parfois significatives du niveau de certains agrégats macroéconomiques. L’ensemble des données de la période couverte par les comptes nationaux (1949-2023) sera révisé en conséquence.

Lors du passage en base 2020, les recettes et les dépenses des administrations publiques seront révisées à la hausse du fait en particulier de l’intégration complète des activités de l’audiovisuel public et de SNCF Réseau dans leur champ. La dette publique sera également revue à la hausse à la suite de la sortie de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) du champ des administrations publiques. Le niveau du PIB devrait pour sa part être révisé légèrement à la baisse.

Le 26 mars dernier, l’Insee a publié les premiers résultats provisoires de la campagne des comptes nationaux 2023. Certaines séries font d’ores et déjà l’objet d’une présentation en base 2020 (dette publique, dépenses publiques, etc.) alors que d’autres continuent à être présentées en base 2014 (notamment le PIB). En conséquence, les ratios de finances publiques connaîtront une nouvelle actualisation lors du passage complet en base 2020, le 31 mai prochain.

Source : Insee, communiqué de presse du 15 février 2024.

B.   Analyse du dÉficit public de 2023

Le solde public est déficitaire de 5,5 points de PIB en 2023. L’essentiel de ce déficit est de nature structurelle (4,6 points de PIB potentiel), la composante conjoncturelle pesant pour 0,8 point de PIB, tandis que l’effet des mesures ponctuelles et temporaires sur le déficit reste marginal (0,1 point de PIB potentiel).

1.   Un déficit public supérieur aux prévisions initiales

Examinée à l’automne 2022, la loi de finances initiale pour 2023 (LFI 2023) ([5]) prévoyait un déficit public de 5 points de PIB. Cette prévision avait été révisée à 4,9 points au mois de septembre 2023, lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de programmation de finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027 et du dépôt du projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024) ([6]), puis confirmé dans la loi de finances de fin de gestion 2023 (LFG 2023) ([7]) et dans la loi de programmation de finances publiques (LPFP) ([8]).

Par rapport à la prévision initiale, la LFG 2023 et la LPFP dégradaient la prévision de solde structurel de 0,1 point de PIB, évolution plus que compensée par les améliorations, chacune de 0,1 point de PIB, des prévisions respectives de solde conjoncturel et de solde des mesures ponctuelles et temporaires.

In fine, la détérioration du solde par rapport à cette dernière prévision est liée à la fois à une diminution importante des recettes fiscales (voir fiche n° 2) et au maintien des dépenses, malgré leur baisse en volume (voir fiche n° 3).

le solde public en 2023, de la prévision initiale à l’Exécution

(en points de PIB)

Composantes

LFI 2023

LFG 2023

LPFP 2023-2027

Exécution

Solde structurel*

– 4,0

– 4,1

– 4,1

– 4,6

Solde conjoncturel

– 0,8

– 0,7

– 0,7

– 0,8

Solde des mesures ponctuelles et temporaires*

– 0,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif

 5,0

 4,9

 4,9

 5,5

* : en points de PIB potentiel

Source : LFI 2023, LFG 2023, LPFP et PLR 2023

2.   Le déficit par sous-secteur d’administration publique

Le déficit de l’État, qui est l’objet principal du PLR, n’est pas la seule composante du déficit public en comptabilité nationale : celle-ci prend en compte le solde de l’ensemble des administrations publiques, en y incluant ceux des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.

Solde public par sous-secteur d’administrationS publiques
en valeur relative

(en points de PIB)

Sous-secteur

2021

2022

2023

Administrations publiques centrales

– 5,8

– 5,0

– 5,6

   dont État

 5,7

 5,6

 5,5

   dont organismes divers d’administration centrale

 0,1

0.6

 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,0

– 0,4

Administrations de sécurité sociale

– 0,7

0,3

0,5

Solde effectif toutes APU

 6,5

 4,8

 5,5

Source : PLR 2023.

Le déficit public se concentre, en 2023 comme en 2022, sur le déficit de l’État, tandis que s’accroît l’excédent des administrations de sécurité sociale (ASSO). Les administrations publiques locales (APUL) contribuent négativement au solde public, après une année 2022 marquée par un solde proche de l’équilibre.

Solde public par sous-secteur d’administrations publiques
en euros courants

(en milliards d’euros)

Sous-secteur

2021

2022

2023

Administrations publiques centrales

– 144,0

– 133,0

– 156,9

   dont État

 142,4

 148,4

 155,3

   dont organismes divers d’administration centrale

 1,5

15,5

 1,6

Administrations publiques locales

– 0,8

– 1,1

– 9,9

Administrations de sécurité sociale

– 17,2

8,2

12,9

Solde effectif toutes APU

 162,0

 125,8

 154

Source : PLR 2023.

C.   Le dÉficit public demeure essentiellement structurel

Le déficit structurel se situe à un niveau élevé en 2023, se creusant de 0,5 point de PIB par rapport à 2022. La composante conjoncturelle explique à hauteur de 0,3 point de PIB la hausse du déficit public, proche des prévisions retenues pour la LFI 2024 et la LPFP 2023-2027.

1.   Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique et des événements exceptionnels. Le déficit conjoncturel correspond, lui, au déficit lié à la conjoncture. La composante structurelle du déficit a fait l’objet d’un encadrement européen renforcé depuis dix ans environ, dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période favorable.

Il convient de noter que le solde structurel est une construction macroéconomique et non budgétaire, qui repose sur des conventions et sur un certain nombre d’hypothèses concernant le PIB potentiel et l’écart de production – qui sont également des notions macroéconomiques.

Ainsi, l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 points de PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([9]), récemment réformé dans le cadre du réexamen de la gouvernance économique européenne ([10]). La procédure concernant les déficits excessifs reste inchangée avec la fixation d’un objectif à moyen terme (OMT) – défini en termes de solde structurel et compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent – et d’une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue de l’atteindre. La trajectoire doit prévoir que le solde structurel converge vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an, et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette publique de l’État membre est supérieure à 60 % de son PIB.

Le volet préventif, lui, évolue. La surveillance budgétaire se concentre désormais sur le seul indicateur des dépenses publiques nettes, contrairement à un OMT auparavant fixé en termes de solde et d’ajustement structurel minimal. Chaque État membre doit présenter une trajectoire pluriannuelle sur quatre ou cinq ans de ses dépenses publiques nettes, détaillant la manière dont vont être réalisés les investissements en lien avec le semestre européen. Les pays en déficit excessif doivent suivre une « trajectoire de référence », trajectoire de dépenses nettes, dont la validation par le Conseil européen puis le contrôle par des institutions budgétaires indépendantes – en France, le Haut Conseil des finances publiques – doivent mener à un redressement des finances publiques du pays au bout de quatre ans, cette période d’ajustement pouvant, sous certaines conditions, être prolongée de trois ans au maximum. Concrètement, les pays dont le déficit public est supérieur à 3 points du PIB devront le réduire pendant les périodes de croissance pour atteindre 1,5 point du PIB et constituer une réserve pour faire face à des conditions économiques difficiles.

Les modalités de calcul des différentes composantes du déficit sont complexes mais dépendent essentiellement de la notion d’écart de production, c’est‑à-dire de la différence entre la production effective et la production potentielle.

Méthode de calcul des composantes structurelle et conjoncturelle du déficit public

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit public fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques comme en comptabilité nationale. Il s’agit d’un concept macroéconomique sujet à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » (1).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 au rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de l’écart de production. Cela s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture tendent à représenter, dans notre pays, près de la moitié du PIB, et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB serait, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Aussi, un écart de production négatif surestimé conduit à une surévaluation de la composante conjoncturelle du déficit et à une sous-estimation de sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Ainsi, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser l’écart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minimiser l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

() Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses de croissance potentielle qui ont été fixées dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, inchangées par rapport à celles du texte initialement déposé du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (PLPFP), et conservées par le programme de stabilité publié au mois d’avril 2024. Cependant, les hypothèses d’écart de production ont connu plusieurs révisions (cf. tableau infra).

Les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle du PLPFP puis du LPFP ont été jugées « optimistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans ses avis successifs ([11]).

HypothÈses d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle selon les différents scenarios

(en points de PIB potentiel pour la croissance potentielle, en points de PIB pour l’écart de production)

Année

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

PLPFP 2023-2027

Croissance potentielle

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Écart de production

– 1,1

– 1,7

– 1,2

– 0,8

– 0,5

0,0

LPFP 2023-2027

Croissance potentielle

 

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Écart de production

– 1,2

– 1,1

– 0,8

– 0,4

0,0

Programme de stabilité 2024-2027 (avril 2024)

Croissance potentielle

1,15

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Écart de production

– 0,6

– 1,1

– 1,5

– 1,4

– 1,1

– 0,6

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, programme de stabilité 2024-2027 (avril 2024).

2.   La composante structurelle du déficit demeure prépondérante

Le déficit structurel des administrations publiques atteint le niveau de 4,6 points de PIB potentiel, soit près de 0,5 point de PIB de plus qu’à l’exécution 2022. La composante conjoncturelle du déficit s’établit pour sa part à 0,8 point de PIB, tandis que la composante relative aux mesures ponctuelles et temporaires s’élève à 0,1 point de PIB.

3.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Constatant que le solde structurel en 2023 est estimé à – 4,6 points du PIB potentiel figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023‑2027, le HCFP relève ([12]) que le creusement – à rebours d’une trajectoire prévue par la LPFP qu’il avait jugée « optimiste et fragile » – du déficit structurel par rapport à l’exécution 2022 s’explique avant tout par le net recul des prélèvements obligatoires en proportion du PIB.

Par ailleurs, le HCFP constate que les « circonstances exceptionnelles » mentionnées à l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et constatées en 2020 ([13]) ne sont plus réunies, les conditions d’exercice de l’activité économique s’étant nettement améliorées en 2023. Ces circonstances exceptionnelles avaient justifié, en application de l’article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que le Haut Conseil ne déclenche pas le mécanisme de correction ([14]) pour les exercices 2021 et 2022 marqués par la crise sanitaire puis énergétique, malgré des écarts significatifs avec les prévisions de la loi de programmation des finances publiques alors en vigueur ([15]).

L’évaluation du déficit structurel présenté par le projet de loi est supérieure de 0,5 point de PIB à la prévision de la LPFP, ce qui représente un écart potentiellement « important » au sens du II de l’article 62 de la LOLF, qui reprend les dispositions de la loi organique du 17 décembre 2012 précitée ([16]). Toutefois, cet écart relève en partie d’un changement d’ordre méthodologique lié au passage des comptes nationaux en base 2020. Corrigé de ce changement de base, dont l’effet est de l’ordre de 0,14 point de PIB, l’écart entre le solde structurel observé en 2023 et celui prévu dans la LPFP est de l’ordre de 0,36 point de PIB, et ne peut donc pas être qualifié « important » au sens de l’article 62 précité. Dans ces conditions, le HCFP indique qu’il n’y a pas lieu de déclencher le mécanisme de correction au titre de l’exercice 2023.

Le Haut Conseil n’en relève pas moins que la France s’éloigne de son objectif à moyen terme (OMT), ce qui la rend vulnérable aux chocs à venir et diminue sa capacité à investir dans la transition écologique. Il recommande « un réexamen des baisses prévues de prélèvements obligatoires » et « une action résolue sur la dépense publique ».

Le mécanisme de correction

L’article 62, relatif au rôle du HCFP, de la LOLF dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques est entré en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023 et s’applique pour la première fois aux lois de finances afférentes à l'année 2023. Toutefois, les dispositions suivantes, relatives au mécanisme de correction, codifient simplement – réserve faite de la substitution de la nouvelle dénomination du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année à chaque occurrence de l’expression « projet de loi de règlement » et de modifications rédactionnelles – dans la LOLF celles de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques :

« I.  En vue du dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.

« Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.

« Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement en expose les raisons et indique les mesures de correction envisagées lors de l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année par chaque assemblée.

« II.  Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.

« III.  Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année et dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.

« Un rapport, annexé au prochain projet de loi de finances de l’année ou au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou seulement sur certains de leurs sous-secteurs, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 6° de l'article 1er B.

L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné au IV de l’article 61 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences. »

III.   Le dÉficit de l’État augmente

Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 173 milliards d’euros, en hausse de 21,5 milliards d’euros par rapport au niveau enregistré en 2022.

Le dÉficit budgÉtaire de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

– 138,0

– 113,8*

– 90,7

– 87,2

– 74,9

– 73,6*

– 70,5

– 69,1

– 67,7

– 76,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

– 92,7

– 178,1

– 170,7

– 151,4

– 173,0

 

 

 

 

 

* : hors programmes d’investissements d’avenir (PIA).

Source : lois de règlement de 2009 à 2020, PLR 2021, 2022 et 2023.

A.   Formation du solde budgÉtaire 2023

Le tableau d’équilibre ci-dessous détaille la formation du solde budgétaire et son évolution.

Évolution du solde budgÉtaire

(en milliards d’euros)

Composantes

Exécution 2022*

LFI 2023

LFG 2023

Exécution 2023

Recettes fiscales nettes

330,3

328,2

330,6

322,9

Recettes non fiscales

23,9

30,9

26,5

25,1

Fonds de concours et attribution de produits

7,5

5,2

5,2

6,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

24,2

25,0

23,9

23,9

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

43,0

45,6

45,6

44,3

Recettes nettes

294,5

293,8

292,9**

286,4**

Dépenses nettes

452,7

455,2

459,7

454,6

Solde du budget général

– 158,2

 161,4

 166,7**

 168,2

Solde des budgets annexes

0,0

0,1

0,1

0,3

Solde des comptes spéciaux

6,7

– 3,6

– 4,6

– 5,1

Solde budgétaire de l’État

 151,4**

 164,9

 171,2

 173,0

* : Afin de faciliter les comparaisons, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de l’exercice 2022 sont considérés comme des dépenses et non comme des moindres recettes.

** : effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances d’après le RBDE 2023 et le PLR 2022.

 

Le niveau du déficit budgétaire en 2023 résulte, in fine :

– de dépenses nettes du budget général qui se sont élevées à 454,6 milliards d’euros ;

– de recettes nettes du budget général qui ressortent à 286,4 milliards d’euros ;

– du solde des budgets annexes et comptes spéciaux qui s’établit à – 4,8 milliards d’euros.

B.   Analyse d’exÉcution à exÉcution

Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 173 milliards d’euros en 2023, après 151,4 milliards en 2022.

passage du solde 2022 au solde 2023

(en milliards d’euros)

Composantes

2022*

Évolution

2023

Recettes du budget général (I)

294,5

 8,1

286,4**

Recettes fiscales nettes

330,3

 7,4

322,9

Recettes non fiscales

23,9

+ 1,2

25,1

Fonds de concours et attribution de produits

7,5

 1,0

6,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

24,2

 0,3

23,9

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

43,0

+ 1,3

44,3

Dépenses du budget général (II)

452,7

+ 1,9

454,6

Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

6,8

 11,6

 4,8

Déficit à financer (II-I-III)

151,4

+ 21,6

173,0

* : L’exécution 2022 a été retraitée des remboursements et dégrèvement d’impôts locaux.

** effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances d’après le RBDE 2023 et le PLR 2022.

La diminution des recettes du budget de l’État (– 8,2 milliards d’euros) procède en grande part de la baisse des recettes fiscales (– 7,4 milliards d’euros). Combinée à une légère hausse des dépenses (+ 1,9 milliard d’euros), elle entraîne un creusement de 10 milliards d’euros du déficit du budget général. S’y ajoute une dégradation de 11,6 milliards d’euros du solde des budgets annexes et comptes spéciaux, qu’explique principalement une diminution de 7,8 milliards d’euros du solde des comptes d’affectation spéciale ([17]) et de 4,3 milliards d’euros du solde des comptes de concours financiers ([18]). Au total, le déficit de l’État s’accroît ainsi de 21,6 milliards d’euros.

C.   Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

L’exécution du déficit de l’État en 2023 s’éloigne de la prévision de la loi de finances initiale, avec un écart de 8,1 milliards d’euros. Cet écart est dû en grande partie à des recettes inférieures de 7,4 milliards d’euros à leur estimation initiale.

l’exercice 2023
de la prÉvision initiale à l’exÉcution

(en milliards d’euros)

Composantes

LFI

Écart

Exécution

Recettes du budget général (I)

293,8

 7,4

286,4

Recettes fiscales nettes

328,2

 5,3

322,9

Recettes non fiscales

30,9

 5,8

25,1

Fonds de concours et attribution de produits

5,2

+ 1,3

6,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

25,0

 1,1

23,9

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

45,6

 1,3

44,3

Dépenses du budget général (II)

455,2

 0,6

454,6

Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

 3,5

 1,3

 4,8

Déficit à financer (II-I+III)

164,9

+ 8,1

173,0

Source : RBDE 2023.

 


   fiche 2 : Les recettes de l’État En 2023

Les recettes alimentant le budget de l’État se décomposent en recettes fiscales et recettes non fiscales, complétées par les fonds de concours et attributions de produits. Les recettes nettes s’entendent des recettes brutes sous déduction des remboursements et dégrèvements.

Recettes nettes du budget gÉnÉral de l’État en 2023

(en milliards d’euros)

Impôt

Exécution 2022

LFI 2023

LFG 2023

Exécution 2023

Évolution par rapport à 2022

Écart de l’exécution
aux prévisions

LFI 2023

LFG 2023

Impôt sur le revenu

89,0

87,3

90,0

88,6

– 0,4

1,2

– 1,7

Impôt sur les sociétés

62,1

55,3

61,3

56,8

– 5,3

1,6

– 4,4

Taxe sur la valeur ajoutée

100,8

94,7

96,6

95,2

– 5,6

0,5

– 1,4

TICPE*

18,0

16,6

16,4

16,8

– 1,2

0,2

0,4

Autres

60,3

74,3

66,3

65,5

5,2

– 8,8

– 0,8

Recettes fiscales nettes

330,3

328,2

330,6

322,9

 7,4

 5,3

 7,7

Recettes non fiscales

23,9

30,9

26,5

25,1

1,2

– 5,8

– 1,4

Total

354,2

359,1

357,1

348

– 6,2

– 11,1

– 9,1

* : taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques.

Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2023 (PLR 2023).

I.   Les recettes fiscales de l’État

Les 322,9 milliards d’euros de recettes fiscales nettes représentent, en 2023, plus de la moitié des ressources de financement de l’État, une autre part essentielle de celles-ci étant constituée des émissions de dette d’un montant, net des rachats, de 270 milliards d’euros.

A.   le montant global des recettes fiscales nettes du budget général de l’état

La chronique du montant des recettes fiscales nettes est présentée dans le tableau ci-dessous.

Recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

260,0

214,3

237,0*

255,0

268,4

284,0

274,3

280,1

284,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

295,6

295,4

281,3

278,9

303,8

330,3

322,9

 

 

N.B. : pour faciliter les comparaisons, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ont été retraités et considérés comme des dépenses et non comme de moindres recettes, conformément aux dispositions de la loi organique du 21 décembre 2021 entrées en vigueur en 2023. Les montants pour les années précédant 2020 n’ont pas été retraités ; identiques à ceux inscrits dans les lois de règlement successives, ils sont nets de l’ensemble des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux et d’État.

* Le montant de l’année 2010 n’inclut pas le rendement de 16,6 milliards d’euros des impôts locaux alors affectés transitoirement à l’État.

Source : commission des finances.

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

En 2023, le montant des recettes fiscales brutes du budget général a été de 460,2 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements se sont élevés à 137,3 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général se sont établies à 322,9 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé un montant d’acomptes supérieur à celui de l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible, les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements sur impôts d’État intervenus en 2023 se décomposent notamment en :

– 105,2 milliards au titre de la mécanique de certains impôts, dont 74 milliards d’euros au titre des crédits de TVA, 17,9 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés (IS) et 12,4 milliards d’euros de restitutions et compensations de trop-versés d’impôt sur le revenu (IR) ;

– 18,1 milliards d’euros au titre du soutien à des politiques publiques via des remboursements de crédits d’impôt qui excèdent l’impôt dû, dont notamment 7,1 milliards d’euros au titre de l’IS, 2,1 milliards d’euros au titre de l’IR et 1,9 milliard d’euros au titre de la TICPE, auxquels s’ajoutent 5,6 milliards d’euros pour les acomptes de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ;

– 14 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales).

Conformément aux dispositions de la loi organique du 21 décembre 2021 entrées en vigueur en 2023, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux sont pour leur part traités non comme de moindres recettes mais comme des dépenses.

B.   une présentation dont demeurent écartées les recettes fiscales affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux

Le montant de 322,9 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2023 (PLR 2023).

La réforme ([19]) de la loi organique relative aux lois de finances ([20]), à la suite de recommandations récurrentes de la Cour des comptes, a permis de résoudre une difficulté relative à la présentation des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux. En effet, alors que la présentation budgétaire antérieure déduisait du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux, dorénavant, l’article 10 de la LOLF, dans sa version entrée en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023 et s’appliquant pour la première fois aux lois de finances afférentes à 2023, dispose que « les crédits relatifs aux remboursements, restitutions et dégrèvements des impositions de toutes natures revenant à l’État ne sont pas pris en compte pour l’évaluation des recettes et la présentation du tableau d’équilibre prévues à l’article 34 ».

Toutefois, la nouvelle présentation budgétaire des recettes nettes demeure incomplète en ce qu’elle écarte les recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État.

C.   L’évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État et leur écart à la loi de finances initiale

Les développements ci-après analysent les recettes fiscales nettes du budget général de l’État par rapport à l’exécution constatée en 2022 ainsi que par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI) et de la loi de finances de fin de gestion (LFG) de l’année 2023.

1.   Analyse d’exécution à exécution

Alors que les exercices 2021 et 2022 avaient été marqués par de fortes hausses des recettes fiscales (respectivement + 10,5 % et + 7,1 %) en lien avec le dynamisme économique, celles-ci connaissent une légère régression en 2023 (– 2,2 %).

Évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures fiscales nouvelles

Mesures
de périmètre

Exécution

2023

330,3

– 3,6

– 6,6

+ 2,8

322,9

Source : Cour des comptes, Rapport sur le budget de l’État en 2023 (RBDE 2023).

L’évolution d’une année sur l’autre des recettes fiscales dépend de trois facteurs : l’évolution spontanée, les mesures fiscales nouvelles et les mesures de périmètre et de transfert.

L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si, du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre, l’évolution spontanée d’un impôt est de 2 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 102 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Les mesures fiscales

Les mesures fiscales sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances. Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures fiscales ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures fiscales permet de mesurer l’impact des réformes décidées par le Parlement. Par exemple, si du fait des mesures fiscales le rendement d’un impôt augmente de 3 et que celui-ci bénéficie par ailleurs d’une évolution spontanée de 2 %, son rendement passera de 100 à 105. L’impact des mesures fiscales dans la hausse n’est alors que de 3 sur 5.

Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de périmètre ou de transfert peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

a.   Des recettes fiscales en recul

Après deux années marquées par un important rebond spontané à la suite de la récession de l’année 2020, les recettes fiscales nettes du budget général de l’État connaissent une baisse spontanée de 1,1 %, soit 3,6 milliards d’euros.

L’élasticité des recettes fiscales nettes au produit intérieur brut en valeur s’établit ainsi à – 0,2 très en deçà de sa valeur de long terme proche de l’unité.

Notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait cru en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance l’élasticité a tendance à être inférieure ou égale à 1, voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement plus que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

L’année 2023 est la première année depuis 2014 durant laquelle l’élasticité des recettes fiscales est inférieure à l’unité.

ÉlasticitÉ des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

1,0

4,5

1,6

1,6

– 0,2

– 1,6

– 0,4

0,9

1,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

2,0

1,3

1,1

1,5

2,3

2,2

– 0,2

 

 

Source : commission des finances.

b.   Les mesures fiscales nouvelles en 2023

Les mesures fiscales nouvelles, qui entraînent une baisse de 6,6 milliards d’euros du rendement des impôts en 2023, sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Effet des mesures fiscales nouvelles en 2023

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2023

Extinction de la contribution sur la valeur ajoutée (CVAE) région affectée à l’État en 2021

– 4,2

Revalorisation du barème kilométrique

– 0,3

Baisse du taux d’IS

– 0,3

Hausse du plafond du crédit d’impôt pour gardes d’enfants

– 0,2

Effet sur l’IR du relèvement de la valeur faciale des titres-restaurant

 0,1

Prorogation du dispositif Pinel pour trois ans

– 0,2

Relèvement du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2022

– 0,2

Contrecoup de la réforme des paiements fractionnés et différés des droits de succession

– 0,3

Extinction progressive de la taxe d’habitation

– 2,8

Prolongation du bouclier tarifaire

– 4,7

Effet du bouclier tarifaire sur la TVA

– 0,2

Effet retour IS de la baisse des impôts de production

– 0,6

Transformation du crédit d’impôt services à la personne en dispositif contemporain

– 0,4

Disparition définitive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

5,6

Effet retour IS du bouclier tarifaire de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)

0,2

Évolution du coût des contentieux

0,2

Plafonnement des revenus infra-marginaux des producteurs d’électricité

0,6

Effet retour sur l’IS de la suppression de la CVAE

0,6

Mise en conformité avec le droit européen du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt innovation (CII)

0,2

Total

 6,6

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 204.

c.   Des mesures de périmètre et de transfert à l’effet positif

En 2023, les mesures de périmètre et de transfert contribuent à améliorer de 2,8 milliards d’euros les recettes fiscales nettes.

Après les transferts intervenus en 2021 au profit des collectivités territoriales, en compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et de la baisse des impôts de production, les modalités d’affectation de la TVA en compensation de la suppression de la part régionale de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ont évolué en 2022, prenant désormais la forme d’une fraction de la TVA totale, et non d’un montant en euros, ce qui permet aux affectataires de bénéficier du dynamisme de la recette dans un contexte inflationniste. En 2023, de nouveaux transferts ont réduit de 10,7 milliards d’euros le montant du produit de TVA affecté à l’État, mouvement partiellement atténué par une minoration, d’une ampleur de 2 milliards d’euros, de la compensation versée par l’État, via l’Urssaf Caisse nationale, à l’Unedic.

En sens inverse, d’autres mesures de transfert accroissent de 11,5 milliards d’euros les recettes fiscales nettes de l’État, principalement l’affectation au budget de ce dernier des reliquats de CVAE à hauteur de 9,9 milliards d’euros.

Effet des mesures de pÉRIMÈtre et de transfert en 2023

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2023

Hausse de la TICPE affectée à l’AFITF

– 0,7

Suppression de la CVAE- Transfert de TVA aux collectivités territoriales

– 10,5

Transfert de TVA en compensation de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

– 0,2

Transfert de TVA à la Sécurité sociale en compensation de la baisse des cotisations sur les travailleurs indépendants

– 0,9

Moindre transfert de TVA à l’Unedic

+ 2,0

Suppression de la CVAE - affectation des reliquats de CVAE au budget de l’État

+ 9,9

Bouclier tarifaire : budgétisation des taxes locales de fourniture d’électricité

1,5

Bouclier tarifaire : compensation des taxes locales de fourniture d’électricité

0,7

Autres transferts (TVA)

+ 1,2*

Autres transferts (TICPE)

– 0,1*

Total

+ 2,8

* : une partie des transferts ne reposent pas sur des fractions mais sont figés en niveau, si bien que cela conduit à obtenir des évolutions spontanées différentes entre les sous-secteurs de comptabilité nationale et décorrélées des évolutions macroéconomiques. Dans les lignes « autres transferts » figurent donc des « transferts fictifs » (1,2 Md€ pour la TVA et 0,3 Md€ pour la TICPE) qui sont des mesures « conventionnelles » qui ne constituent en aucun cas des transferts mais permettent d’égaliser les évolutions spontanées et de les rendre cohérentes avec les indicateurs économiques.

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

2.   Analyse par rapport à la prévision

Les recettes fiscales nettes du budget général atteignent, en 2023, un niveau légèrement inférieur à la prévision de la loi de finances initiale (322,9 milliards contre 328,2 milliards d’euros prévus, soit – 1,6 %). L’écart est plus significatif avec la loi de finances de fin de gestion (– 2,3 %).


Évaluations successives des recettes fiscales nettes en 2023

(en milliards d’euros)

Source : Cour des comptes, Note d'analyse de l’exécution budgétaire 2023, Recettes fiscales de l’État, avril 2024, d’après ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

En valeur, l’écart entre la prévision de la loi de finances initiale et l’exécution des recettes fiscales nettes atteint 5,5 milliards d’euros. L’écart avec la prévision de la loi de finances de fin de gestion est plus important, atteignant 7,7 milliards d’euros.

Écart des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG

322,9

328,2

330,6

– 5,3

– 7,7

Source : PLR 2023.

Si le rendement des principaux impôts excède la prévision initiale, les recettes fiscales nettes pâtissent de recettes de la contribution sur la rente infra‑marginale de la production d’électricité sensiblement inférieures aux estimations de la LFI 2023.

exÉcution par impÔt

(en milliards d’euros et en pourcentage de la prévision de LFI)

Impôt

LFI

Exécution

Écart
(en mds)

Écart
(en %)

Impôt sur le revenu

87,3

88,6

+ 1,3

+ 1,5

Impôt sur les sociétés

55,3

56,8

+ 1,5

+ 2,7

TVA

94,7

95,2

+ 0,5

+ 0,5

TICPE

16,6

16,8

+ 0,2

+ 1,2

Autres recettes fiscales nettes

74,3

65,5

– 8,8

 11,8

Total des recettes fiscales nettes

328,2

322,9

– 5,3

 1,6

Source : PLR 2023.

D.   Examen impÔt par impÔt

Les quatre principaux impôts revenant à l’État (TVA, IR, IS, TICPE) représentent à eux seuls un rendement net de 257,4 milliards d’euros, soit 79,7 % des recettes fiscales nettes du budget général de l’État.

Ils sont présentés par ordre d’importance sur le plan du rendement budgétaire. Le rendement de chaque impôt pour 2023 est analysé par rapport à l’exécution constatée en 2022 ainsi que par rapport aux prévisions des lois de finances relatives à l’année 2023.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée

La TVA est un impôt d’État partagé avec la sécurité sociale et certaines collectivités territoriales. Elle joue un rôle croissant dans les transferts entre l’État et les autres administrations publiques, administrations de sécurité sociale (ASSO) et administrations publiques locales (APUL). Aussi, le produit de TVA qui revient à l’État a fortement diminué, alors que son rendement a nettement crû au cours des dix dernières années. L’État perçoit aujourd’hui environ 46 % du produit net total de l’impôt.

Rendement net de la TVA depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

État

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

100,8

95,2

ASSO

10,6

9,2

12,7

11,8

11,2

11,5

10,3

41,5

45,4

53,8

57,4

57,3

APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

40,9

52,1

Audiovisuel

3,6

3,8

Total

144,0

145,5

151,0

153,6

155,6

163,9

171,2

174,7

163,2

186,7

202,7

208,4

Source : commission des finances.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes de TVA revenant à l’État sont en baisse de 5,6 milliards d’euros par rapport à 2022. Cette évolution globale résulte de deux mouvements : d’une part, une évolution spontanée qui augmente le rendement de 3 milliards d’euros et, d’autre part, des mesures nouvelles et de périmètre ayant un effet total de – 8,7 milliards d’euros.

Des recettes nettes de TVA 2022 aux recettes nettes de tva 2023 (part État)

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures fiscales

Dont mesures de périmètre et de transfert

Exécution

2023

100,8

+ 3

– 8,7

– 8,4

95,2

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

Si l’évolution spontanée demeure positive (+ 3 %), sous l’effet d’une croissance des emplois taxables à hauteur de 5,8 %, notamment grâce à l’inflation (+ 4,9 % en 2023) les effets de structure – c’est-à-dire la déformation de l’assiette taxable – évoluant peu en 2023, le ralentissement est net par rapport aux années 2021 (+ 14,4 %) et 2022 (+ 9,1 %).

Elle ne suffit ainsi pas à enrayer l’effet de la progression des transferts aux autres sous-secteurs institutionnels, l’État ne percevant plus que 46 % du produit global de la TVA. Les administrations de sécurité sociale bénéficient largement des mesures de périmètre nouvelles (– 8,4 milliards d’euros), lesquelles forment l’essentiel des mesures fiscales nouvelles en matière de TVA.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Si les prévisions d’encaissements de TVA de la loi de finances initiale ont été légèrement dépassées, l’exécution s’établit légèrement en retrait des estimations associées à la loi de fin de gestion.

Écart des recettes nettes de TVA 2023 aux prÉvisions (PART État)

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG 2023

95,2

94,7

96,6

+ 0,5

– 1,4

Source : lois de finances relatives à l’année 2023 et PLR 2023.

L’écart aux dernières prévisions s’explique par une décrue du chiffre d’affaires des entreprises liée au contexte de dégradation de la situation économique. En plus du ralentissement macroéconomique, la demande de remboursements de crédits de TVA de la part des entreprises, plus dynamique que les emplois taxables, a contribué à la moins-value par rapport aux prévisions de la loi de fin de gestion.

2.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu, contrairement à la TVA ou à la TICPE, est intégralement affecté à l’État, dont il représente plus de 27 % des recettes fiscales nettes. Son rendement a progressé de plus de 37 milliards d’euros depuis 2008, et de plus de 21 milliards d’euros au cours des dix dernières années.

Rendement net de l’IR depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

51,2

46,7

47,4

51,5

59,8

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

 

Rendement net

71,7

74

78,7

89,0

88,6

 

 

 

 

 

 

Source : lois de règlement et PLR 2023.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Après une forte progression en 2022 (+ 10,3 milliards d’euros), les recettes d’impôt sur le revenu (IR) diminuent très légèrement en 2023 (– 0,4 milliard d’euros), sous le seul effet des mesures nouvelles.

Après le net rebond de l’exercice 2022 (+ 11,2 milliards d’euros, soit 14,2 %), la croissance spontanée de l’IR a été limitée à 1,1 milliard d’euros, soit 1,2 %, la chute des recettes d’impôt sur les plus-values immobilières (– 22,3 %) sous l’effet de la contraction du nombre de transactions (– 14 %), atténuant l’effet de la forte progression en 2022 des dividendes (+ 6 %) et des intérêts (+ 29,7 %), ainsi que de la progression des salaires en 2023.

Des recettes nettes d’IR 2022 aux recettes nettes d’IR 2023

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Dont mesures de périmètre et de transfert

Exécution

2023

89,0

1,1

– 1,5

0

88,6

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

Le solde négatif des mesures nouvelles s’établit à – 1,5 milliard d’euros. Il résulte d’une série de mesures pesant sur le produit de l’IR, détaillées dans le tableau ci-dessous.

Mesures nouvelles sur l’IR

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2023

Transformation du crédit d’impôt services à la personne en dispositif contemporain

– 0,4

Relèvement du plafond de défiscalisation pour les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés à compter du 1er janvier 2022

– 0,2

Hausse du plafond de crédit d’impôt pour les gardes d’enfants

– 0,2

Hausse de 10 % du barème de l’indemnité kilométrique

– 0,1

Hausse de 5,4 % du barème de l’indemnité kilométrique

– 0,2

Prorogation du dispositif Pinel pour trois ans

– 0,2

Effet sur l’IR du relèvement de la valeur faciale des titres-restaurant

-0,1

Demi-part veuves anciens combattants après 60 ans

-0,1

Total

 1,5

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Les recettes d’IR enregistrées en 2023 se situent à un niveau légèrement supérieur à la prévision de la LFI (+ 1,4 %), mais inférieur à celui de la loi de finances de fin de gestion (– 1,6 %).

Alors que l’amélioration des hypothèses sur la masse salariale et l’emploi global permettait d’envisager, dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion, un surcroît d’impôt sur le revenu de 2,7 milliards d’euros par rapport à la prévision associée à la loi de finances initiale, un ralentissement des salaires finalement plus marqué qu’anticipé au deuxième semestre a entraîné des conséquences mécaniques sur les recettes fiscales qui en dépendent, dont l’IR.

Écart des recettes nettes d’IR 2023 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG 2023

88,6

87,3

90

+ 1,2

– 1,4

N.B. : en raison d’effets d’arrondi, le montant d’une somme peut différer du résultat l’addition des termes.

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2023 et PLR 2023.

3.   L’impôt sur les sociétés (IS)

L’impôt sur les sociétés présente un rendement volatil qui, après une période de baisse entre 2013 et 2018, a tendu à remonter de 2018 à 2022 mais régresse en 2023. Il représente 17,6 % des recettes fiscales nettes de l’État.

Rendement net de l’IS depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

49,3

20,9

32,9

39,1

40,8

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

 

Rendement net

33,5

36,3

46,3

62,1

56,8

 

 

 

 

 

 

Source : lois de règlement et PLR 2023.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Le rendement net de l’IS diminue de 5,3 milliards d’euros en 2023 pour s’établir à 56,8 milliards d’euros. Après deux années de forte hausse (+27,5 % en 2021 puis +34 % en 2022), le rendement de l’IS décroît de 8,5 %.

Des recettes nettes d’IS 2022 aux recettes nettes d’IS 2023

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures
fiscales

Dont mesures de périmètre et de transfert

Exécution

2023

62,1

– 11,1

+ 5,8

0

56,8

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

L’évolution des recettes nettes d’IS au cours des dernières années a été marquée par la forte incidence des mesures nouvelles adoptées par le législateur financier, notamment le basculement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements de cotisations sociales à compter de 2019, qui a procuré chaque année un surcroît de recettes d’IS, et la baisse progressive du taux de l’IS, qui a, jusqu’en 2022, diminué le montant des recettes recouvrées.

Pour neutraliser les effets des mesures nouvelles, il est possible d’analyser, en sus des recettes nettes d’IS recouvrées chaque année, l’évolution spontanée de cet impôt. Cette information est précisée chaque année dans le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.

 

Évolution des recettes nettes d’IS entre 2019 et 2023

(en milliard d’euros et en pourcentage)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Recettes nettes

33,5

36,3

46,3

62,1

56,8

Évolution par rapport à n-1

6,1

2,8

10

15,8

– 5,3

Évolution par rapport à n-1 en %

22,3 %

8,3 %

27,5 %

34,1 %

– 8,5 %

Évolution spontanée

2,6

– 9,1

13,6

14,6

– 11,1

Évolution spontanée IS en %

9,5 %

– 27,2%

37,5%

31,5%

– 17,9%

Source : lois de règlement, projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et PLR 2023.

La baisse spontanée des recettes d’IS en 2023 apparaît particulièrement nette (– 17,9 %), après deux années de forte hausse, en 2021 et 2022 (respectivement + 37,5 % et + 31,5 %), suivant la baisse importante enregistrée en 2020 (- 27,2 %).

Évolution des recettes nettes d’IS entre 2019 et 2023

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances.

Pour l’année 2023, plusieurs mesures nouvelles atténuent, à hauteur de 5,8 milliards d’euros, l’effet de la baisse spontanée de l’IS sur son rendement global, notamment le basculement du CICE en allègements de cotisations sociales.

Mesures nouvelles sur l’IS

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2023

Baisse du taux d’IS de 33 % à 25 %

– 0,3

Suppression du CICE

+ 5,6

Effet retour IS de la baisse des impôts de production

– 0,6

Effet retour IS du bouclier tarifaire de TICFE

+ 0,2

Effet retour IS de la suppression de la CVAE

+ 0,6

Mise en conformité avec le droit européen du CIR et du CII

+ 0,2

Total

+ 5,8

Source : PLR 2023.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

L’exécution des recettes d’impôt sur les sociétés dépasse légèrement la prévision associée à la LFI (+ 1,6 milliard d’euros, soit un dépassement de 2,8 %). Elle s’établit toutefois en deçà de la prévision révisée de la loi de finances de fin de gestion (– 4,4 milliards d’euros, soit un montant total en retrait de 7,2 %).

Écart des recettes nettes d’IS 2023 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG

56,8

55,3

61,3

+ 1,6

– 4,4

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2023 et PLR 2023.

L’écart substantiel à la prévision révisée sous-jacente à la LFG s’explique en raison d’un acompte de décembre moindre qu’escompté et d’un bénéfice fiscal peu dynamique compte tenu du contexte macroéconomique moins favorable.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Le produit de la TICPE est partagé entre le budget général de l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent, pour l’essentiel, de compenser des transferts de compétences.

La TICPE représente 5,2 % des recettes fiscales nettes de l’État.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Après avoir connu une augmentation de 165 % entre 2020 et 2021 et une quasi-stabilité en 2022, les recettes de TICPE régressent légèrement en 2023 sous les effets négatifs conjugués de l’évolution spontanée et des mesures de périmètre et de transfert.

Des recettes nettes de TICPE 2022 aux recettes nettes de TICPE 2023

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Dont mesures de périmètre et de transfert

Exécution

2023

18,0

– 0,4

– 0,7

– 0,7

16,8

N.B. : en raison d’effets d’arrondi, le montant d’une somme peut différer du résultat l’addition des termes.

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

Après une année 2021 marquée par un allègement relatif des mesures sanitaires et un rebond de la consommation de carburant, le volume de carburant consommé s’était, au contraire, contracté en 2022 sous l’effet de la hausse des prix (+ 20 % par rapport à 2021). En 2023, les recettes de TICPE subissent encore le ralentissement des consommations dans un contexte de prix qui demeurent élevés.

Dans le même temps, la TICPE affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) croît de 0,7 milliard d’euros.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

L’exécution 2023 des recettes de TICPE revenant à l’État se distingue de celle des autres recettes fiscales nettes car elle est légèrement supérieure tant à la prévision initiale qu’à la prévision associée à la loi de finances de fin de gestion.

Écart des recettes nettes de TICPE 2023 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG 2023

16,8

16,6

16,4

+ 0,2

+ 0,4

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2023 et PLR 2023.

5.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales, qui se composent d’impositions variées, progressent de 5,2 milliards d’euros, soit 8,6 %, entre 2022 et 2023.

les autres recettes fiscales nettes de 2022 à 2023

(en milliards d’euros)

Exécution

2022

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Dont mesures nouvelles

Dont mesures de périmètre et de transfert

Exécution

2023

60,3

+ 3,8

+ 1,4

– 10,6

+12,0

65,5

Source : PLR 2023.

L’évolution spontanée (+ 6,3 %) est notamment portée par la progression des droits de mutation à titre gratuit, en hausse de 2,5 milliards d’euros, soit 13,4 %.

 

Évolution spontanée des principales autres recettes fiscales nettes

(en milliards d’euros)

Impôt

2022

2023

Évolution

Mds

%

Retenues à la source sur certains bénéfices non commerciaux et de l’impôt sur le revenu

1,0

1,3

+ 0,3

+ 33,0 %

Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes

4,0

5,0

+ 0,9

+ 23,2 %

Impôt sur la fortune immobilière (IFI)

2,4

2,4

+ 0,0

+ 0,1 %

Prélèvement de solidarité

13,2

14,2

+ 1,0

+ 7,2 %

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)

2,5

0,5

 2,0

 80 %

Droits de donation

3,4

4,3

+ 0,9

+ 27,9 %

Droits de succession

15,3

16,6

+ 1,6

+ 10,7 %

Produits des jeux exploités par La Française des jeux (hors paris sportifs)

2,8

2,7

 0,1

 3,1 %

Taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN)

2,3

1,9

 0,4

 16,6 %

Prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos

0,9

0,9

+ 0,1

+ 7,7 %

Source : commission des finances, d’après la Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2023 : recettes fiscales de l’État, avril 2024.

Parmi les mesures nouvelles, la prolongation du bouclier tarifaire a eu un coût de 2,6 milliards d’euros, plus élevé que prévu dans le cadre de la LFI 2023, tandis que les transferts ont eu un effet globalement positif pour l’État, l’affectation de CVAE (+ 5 milliards d’euros) compensant largement l’effet de la suppression de la taxe d’habitation (– 2,8 milliards d’euros).

Écart des autres recettes fiscales en 2023 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

 

 

LFI 2023

LFG 2023

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFG 2023

65,5

74,3

66,3

- 8,8

- 0,8

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2023 et PLR 2023.

L’écart important par rapport à la prévision de la LFI 2023 (– 8,8 milliards d’euros) s’explique largement par la surestimation des recettes attendues de la contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité (CRIM), évaluées à 12,3 milliards d’euros lors du vote de la LFI 2023, puis réévaluées à la baisse, à 2,8 milliards d’euros, par la loi de finances de fin de gestion, alors qu’elle n’a finalement rapporté que 0,6 milliard d’euros.

Deux facteurs principaux semblent expliquer l’évolution du rendement budgétaire de la CRIM :

– la baisse importante des prix-spot de l’électricité, que ne prévoyaient pas les hypothèses de prix de marché sur lesquelles reposaient les prévisions de rendement de la contribution ;

– la mise à jour de la contribution d'un grand énergéticien national sur la base des pertes constatées en 2022.

En raison de l’écart entre la prévision de recettes attachée à la CRIM et son produit réellement constaté, les mesures nouvelles de la loi de finances initiale ont un effet négatif de – 3,7 milliards d’euros, alors qu’il était initialement prévu qu’elles procurent un surcroît de recettes de 6,4 milliards d’euros.

II.   Les recettes non fiscales de l’État

Avec 25,1 milliards d’euros en 2023, les recettes non fiscales représentent environ 7,2 % des recettes totales du budget général de l’État (avant déduction des prélèvements sur recettes). Après avoir connu une forte augmentation en 2021 (+ 43,9 %) et en 2022 (+ 12,2 %), leur augmentation est moins marquée en 2023, atteignant tout de même 5 % (+ 1,2 milliard d’euros).

Recettes non fiscales du budget gÉnÉral de l’État en 2023

(en milliards d’euros)

Recette

Exécution 2022

LFI 2023

Exécution 2023

Évolution 2023/2022

Dividendes et recettes assimilées

5,3

6,4

3,9

– 1,5

Produits du domaine de l’État

1,3

2,2

1,2

– 0,2

Produits de la vente de biens et services

3,3

3,6

3,1

– 0,2

Remboursement des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

0,6

0,7

0,7

+ 0,2

Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

2,8

2,4

2,2

– 0,6

Divers

10,6

15,5

14,0

+ 3,5

Total

23,9

30,9

25,1

+ 1,2

Source : PLR 2023.

A.   Les dividendes et recettes assimilÉes

Les dividendes et recettes assimilées représentent 15,5 % des recettes non fiscales du budget général de l’État en 2023 avec 3,9 milliards d’euros, un montant en baisse par rapport à 2022.

L’affectation des recettes des opérations patrimoniales de l’État

Les dividendes sont affectés au budget général de l’État. En revanche, les opérations patrimoniales – c’est-à-dire essentiellement les ventes et les achats de titres, ainsi que l’affectation des produits de cession – relèvent du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Après deux années de forte réduction de son dividende (passé de 3,4 milliards d’euros en 2020 à 1,9 milliard d’euros en 2021, puis à 0,6 milliard d’euros en 2022) en raison de son moindre bénéfice, la Banque de France n’en a pas versé à l’État en 2023. Elle n’a effectivement pas dégagé de résultat en 2022, ce qui a entraîné l’absence de dividende distribuable en 2023.

La Caisse des dépôts et consignations a versé 1,5 milliard d’euros de dividendes à l’État, soit une baisse substantielle de 0,7 milliard d’euros par rapport à 2022. Ce montant demeure toutefois sensiblement supérieur à celui des années précédentes (666 millions d’euros en 2020 et 907 millions d’euros en 2021). Ces dividendes se répartissent entre un versement au titre des résultats de l’année N-1 (640 millions d’euros pour l’année 2022) et un acompte versé au titre des résultats de l’année N (887 millions d’euros pour 2023).

Enfin, les dividendes versés par les entreprises non financières du portefeuille de l’État actionnaire poursuivent leur redressement en 2023 pour atteindre 2,3 milliards d’euros, après 1,4 milliard d’euros en 2022 et 0,9 milliard d’euros en 2021. Ils dépassent désormais leur niveau de 2019 (1,7 milliard d’euros). Les dividendes les plus élevés sont versés par Engie (808 millions d’euros), l’établissement public à caractère industriel et commercial qui porte la participation de l’État au capital de Bpifrance (EPIC Bpifrance) (260 millions d’euros) et Orange (249 millions d’euros).

B.   Les autres recettes non fiscales

1.   Les produits du domaine de l’État

Les produits du domaine de l’État connaissent une baisse modérée, s’élevant à 1,2 milliard d’euros en 2023 après 1,3 milliard d’euros en 2022. Les redevances d’usage des fréquences radioélectriques, qui en représentent la plus grande part, ont décru de 0,5 milliard d’euros, en raison d’un nouvel échéancier de paiement fractionné fixé par décret ([21]).

2.   Les produits de la vente de biens et services

Les produits de la vente de biens et services ont atteint 3,1 milliards d’euros en 2023, en baisse de 0,2 milliard d’euros par rapport à 2023.

Cette légère baisse s’explique notamment par une diminution d’environ 0,1 milliard d’euros du montant du remboursement par l’Union européenne des frais d’assiette et de perception des impôts et taxes perçus au profit de son budget – les droits de douane –, en raison du ralentissement du commerce international à la fin de l’année 2023.

Atteignant 1,4 milliard d’euros, les recettes de quotas carbone affectées au budget général de l’État – une autre part de ces recettes, d’un montant de 0,7 milliard d’euros, étant affectée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) – représentent désormais près de la moitié des produits de la vente de biens et services.

3.   Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières ont rapporté 0,7 milliard d’euros en 2023, contre 0,6 milliard d’euros en 2022.

La progression de ces recettes provient de la hausse des taux d’intérêt des prêts à d’autres États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro.

4.   Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite s’établissent à 2,2 milliards d’euros, contre 2,8 milliards d’euros en 2022. Ce recul s’explique par l’absence d’affaire d’importance en 2023.

5.   Les recettes diverses

Cette catégorie, qui comprend un grand nombre de types de recettes de faible montant, connaît une hausse significative de 3,4 milliards d’euros par rapport à l’année précédente pour s’établir à 14 milliards d’euros.

La principale origine de ces recettes est européenne. Après un premier versement de 5,1 milliards d’euros en 2021, la France a touché, au titre de la mise en œuvre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) 7,4 milliards d’euros en 2022. En 2023, ce montant a progressé de 3,5 milliards d’euros, pour atteindre 10,9 milliards d’euros. Le montant global des versements à la France devrait être de 40,3 milliards d’euros. Il est subordonné au respect des cibles et jalons prévus dans le Plan national de relance et de résilience (PNRR) présenté par le Gouvernement pour la période 2021-2022 et mis à jour au mois d’avril 2023 pour intégrer de nouveaux investissements en faveur de la souveraineté et de l’indépendance énergétiques de la France, lesquels pourront bénéficier des subventions de l’instrument REPowerEU pour un montant de 2,8 milliards d’euros.

La rémunération de la garantie par l’État des prêts accordés par les établissements bancaires dans le cadre de la crise sanitaire (PGE) est à l’origine d’une recette de 0,3 milliard d’euros en 2023, après 0,6 milliard d’euros en 2022 et 1,8 milliard d’euros en 2021.

Enfin, la rémunération de la garantie que l’État apporte au livret A a doublé, pour atteindre 0,6 milliard d’euros, tandis que les reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur, d’un montant de 0,3 milliard d’euros en 2022, connaissaient une progression à peine moins forte pour atteindre 0,5 milliard d’euros.

 

 


   Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

L’exécution des dépenses de l’année 2023 se caractérise par une progression moins soutenue que durant la période 2020-2022, marquée par la crise sanitaire puis la poussée de l’inflation.

Les dépenses de l’État continuent de progresser à un rythme soutenu (+ 3,3 %) bien qu’inférieur à l’inflation (+ 4,9 % selon l’INSEE) (I). Dans ce contexte, la nouvelle norme de dépenses de l’État a été respectée (II). L’analyse des dépenses de l’État ne peut néanmoins se réduire aux crédits budgétaires qui ne représentent que les trois quarts de l’ensemble des moyens consacrés aux politiques publiques (III).

Évolution de l’exÉcution des crÉdits budgÉtaires depuis 2017

(en milliards d’euros et crédits de paiement)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

Exécution 2022

Évolution annuelle moyenne 2019/2017

Évolution annuelle moyenne 2022/2017

Budget général

326,8

329,7

336,1

389,7

426,7

445,7

+ 1,4%

+ 6,4%

Budgets annexes

2,3

2,3

2,3

2,2

2,4

2,5

– 1,2 %

+ 1,9%

Comptes spéciaux

201,6

198,5

191,1

205,2

191,7

205,8

– 2,6 %

+ 0,4%

Total

530,7

530,6

529,5

597,1

620,8

654,0

– 0,1 %

+ 4,3%

 

 

Exécution 2022

Exécution 2023

Évolution 2023/2022

Budget général

445,7

454,6

+ 2,0%

Budgets annexes

2,5

2,2

– 1,7%

Comptes spéciaux

205,8

219,0

+ 6,4%

Total

654,0

675,8

+ 3,3%

* hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : commission des finances d’après les projets de loi de règlement pour les années 2017 à 2023.

I.   Les dÉpenses de l’État continuent d’augmenter mais À un rythme moins soutenu que les annÉes prÉcÉdentes

Les dépenses nettes du budget général incluant les fonds de concours, hors mission Remboursements et dégrèvements, ont augmenté de 8,9 milliards d’euros en 2023, pour atteindre 454,6 milliards d’euros. La progression de ces dépenses a continué de ralentir par rapport à des années 2020 à 2022 marquées par des hausses successives de 53,6 milliards d’euros, 37,1 milliards d’euros puis 18,9 milliards d’euros.

L’augmentation observée entre 2022 et 2023 s’explique principalement par la progression des dépenses de l’État, qu’il s’agisse de mesures nouvelles ou de dépenses ordinaires jugées prioritaires par le Gouvernement et qui est supérieure au reflux des dépenses liées à la fin de certaines mesures exceptionnelles en réponse à la poussée d’inflation de 2022 (A).

Le plafond des dépenses autorisées s’est révélé trop élevé et une sousconsommation des crédits de 15,4 milliards d’euros est constatée (B).

Enfin, les dépenses de personnel continuent d’augmenter (+ 4,4 % hors compte d’affectation spéciale Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2022 (+ 3,7 %), notamment en raison des revalorisations générales des fonctionnaires (C).

A.   L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

Hors fonds de concours, l’exécution 2023 des crédits de paiement des missions du budget général a mobilisé au total 591,9 milliards d’euros, soit 13,5 milliards d’euros de plus que l’exécution 2022.

Cette hausse est imputable à hauteur de 9,7 milliards d’euros à la mission Remboursements et dégrèvements et pour 3,8 milliards d’euros aux autres missions du budget général.

La fin de plusieurs dispositifs temporaires mis en place durant la crise sanitaire puis pour faire face à l’inflation a pour effet une baisse mécanique des dépenses de l’État en 2023, concentrée sur sept missions du budget général pour un total de  22,3 milliards d’euros (1).

À l’inverse, l’exécution 2023 conduit à l’augmentation de la consommation des crédits de vingt-six autres missions pour un montant de 35,8 milliards d’euros en AE et de 26,1 milliards d’euros en CP, hors la mission Remboursements et dégrèvements (2).

Comme en 2022, la mission Crédits non répartis n’a fait l’objet d’aucun décaissement.

1.   Les missions dont le niveau d’exécution des crédits est inférieur à celui observé en 2022

Sur les trente-quatre missions du budget général, sept d’entre elles présentent un niveau de dépenses en 2023 inférieur à celui constaté l’année précédente. La baisse des crédits de paiement correspondants s’élève à 22,3 milliards d’euros.

 Plusieurs dispositifs mis en place depuis 2020 durant les crises successives s’éteignent au moins en partie, occasionnant une baisse des dépenses de 21,1 milliards d’euros sur les missions concernées.

Les crédits de la mission Économie diminuent de 10,2 milliards d’euros entre 2022 et 2023 et s’établissent à 5,1 milliards d’euros. La mission avait connu une hausse exceptionnelle de ses moyens en 2022 essentiellement due à la nationalisation intégrale d’EDF. Celle-ci avait conduit à un abondement de 11,4 milliards d’euros du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État au titre des opérations de nationalisation intégrale d’EDF.

La mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire a été supprimée en LFI pour 2023, occasionnant une moindre dépense de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2022.

Les dépenses de la mission Plan de relance diminuent également fortement et s’établissent à 4,1 milliards d’euros en 2023, contre 11,6 milliards d’euros en 2022 (– 7,5 milliards d’euros).

Les crédits de paiement de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances diminuent de 219 millions d’euros en 2023. Il s’agit essentiellement de l’extinction du programme 371 Prise en charge par l’État du financement de l’indemnité inflation, créé par la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 (430 millions d’euros de crédits consommés en 2022) qui n’a pas été reconduit en 2023.

 Trois autres missions connaissent une diminution totale de leurs crédits de 1,2 milliard d’euros en 2023 pour des raisons diverses.

La mission Investir pour la France de 2030 entre désormais dans sa phase de décaissement. Les crédits de paiement ont diminué de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2022, pour atteindre 6 milliards d’euros en 2023, niveau auquel ils devraient se stabiliser pour les années à venir.

En 2023, la mission Régimes sociaux et de retraite a supporté une dépense totale de 5,9 milliards d’euros, en retrait de 0,1 milliard d’euros par rapport à 2022. Cette légère diminution est liée au transfert à la mission Écologie, développement et mobilités durables de la charge correspondant au financement du congé de fin d’activité (CFA) des routiers.

Enfin, les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ont été consommés à hauteur de 1,9 milliard d’euros, un niveau inférieur de 123 millions d’euros par rapport à l’exécution 2022. Cette baisse est en ligne avec celle constatée chaque année sur cette mission en raison de la décroissance des effectifs bénéficiaires des aides sociales aux anciens combattants.

2.   Les missions dont les crédits exécutés augmentent en 2023

L’augmentation des crédits consommés pour 26 missions du budget général en 2023 par rapport à 2022 est le reflet de mesures nouvelles et du soutien à certaines politiques publiques jugées prioritaires par le Gouvernement, faisant souvent l’objet d’une loi de programmation. L’accroissement des dépenses est aussi fortement soutenu par le remboursement de la dette, dont la charge atteint son point le plus haut.

● En 2023, la mission Engagements financiers de l’État, qui assure le remboursement de la dette de l’État, a mobilisé 8 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à l’année 2022 et présente une consommation de 62,4 milliards d’euros. Cette hausse des dépenses tient à la charge de la dette négociable – qui atteint son point haut historique – et principalement à la charge d’intérêts relative aux titres de court terme, qui présente une augmentation de 4,7 milliards d’euros.

L’exécution 2023 de la mission Remboursements et dégrèvements s’est traduite par une hausse des crédits de paiement de 9,7 milliards d’euros par rapport à 2022. Le dynamisme des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés (IS) expliquent pour l’essentiel la progression des dépenses de cette mission.

● Les crédits des missions couvertes par des lois de programmation ont connu une augmentation en 2023 par rapport à 2022. En 2023, deux nouvelles lois de programmation ont été adoptées et ont pris la suite de lois de programmation antérieures sur des périmètres identiques ([22]). La part des crédits sous loi de programmation représente au total 19 % des dépenses nettes du budget général de l’État ([23]).

Les crédits de paiement de la mission Recherche et enseignement supérieur s’élèvent à 31,1 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 1,6 milliard d’euros par rapport à 2022 (+ 5,6 %). Cette hausse s’explique principalement par des dépenses de fonctionnement supplémentaires (+ 1,3 milliard d’euros) en application de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et pour assurer la compensation par l’État des revalorisations salariales décidées en 2022 vis-à-vis d’une grande partie des opérateurs de la mission.

La mission Justice connaît une progression des crédits consommés en 2023 de 6,2 % par rapport à 2022 pour s’établir à 11,3 milliards d’euros. Cette hausse des dépenses est attribuable aux effets de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement et de personnel et aux mesures décidées à la suite des États généraux de la Justice de 2022 qui ont été traduites par la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Les crédits de la mission Aide publique au développement augmentent de 9,8 % en 2023 par rapport à 2022 et atteignent 5,6 milliards d’euros. La dynamique engagée depuis 2017 se poursuit pour cette mission couverte par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Toutefois, la progression des crédits a été atténuée par des mesures de régulation budgétaire visant à la maîtrise des dépenses publiques et des moindres contributions décidées par le Gouvernement en cours d’exécution (au Fonds vert pour le climat, notamment).

Par rapport à l’exécution 2022, près de 1,1 milliard d’euros supplémentaires ont été consacrés à la mission Sécurités en 2023 (+ 5,0 %), qui présente une consommation de crédits de paiement de 23,2 milliards d’euros. Cette hausse est en cohérence avec la trajectoire budgétaire prévue par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([24]) qui a décidé d’une augmentation des moyens du ministère de l’intérieur de près de 1 milliard d’euros par an jusqu’en 2027.

Enfin, par rapport à 2022 les crédits de paiement consommés sur la mission Défense progressent de 3,1 milliards d’euros (+ 6 %) en 2023 et atteignent 54,8 milliards d’euros. Cette augmentation permet d’assurer le respect de la loi de programmation mais aussi d’assurer l’équipement des forces, prioritairement concernées par les livraisons d’équipements à l’Ukraine et le renforcement de la présence sur le flanc est de l’OTAN.

● Les augmentations de crédits exécutés sur les missions du budget général non couvertes par des lois de programmations traduisent également les priorités données par le Gouvernement à certaines politiques publiques.

L’exécution 2023 de la mission Écologie, développement et mobilités durables se caractérise par une hausse des crédits de paiement consommés de 4,3 milliards d’euros (+ 11,8 % par rapport à 2022), pour un total de 40,3 milliards d’euros. La progression observée est imputable d’une part, au financement des mesures exceptionnelles en lien avec la crise énergétique, et d’autre part, à l’abondement des aides aux véhicules propres, au dispositif Ma Prime Rénov’ et à la nouvelle mesure d’indemnité carburant.

L’augmentation des crédits de la mission Enseignement scolaire se poursuit avec 3,5 milliards d’euros supplémentaires en 2023 (+ 5,6 %), la masse salariale progressant notamment sous l’effet de la poursuite de la mise en œuvre des mesures du Grenelle de l’éducation engagé à l’automne 2020 et des relèvements du point d’indice de la fonction publique à l’été 2022 puis 2023.

Les crédits de la mission Santé augmentent de façon exceptionnelle, à hauteur de 832 millions d’euros en 2023, et atteignent 3,6 milliards d’euros (+ 30 % par rapport à 2022). Il s’agit de dépenses d’investissements financées dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU par la facilité pour la reprise et la résilience.

Les crédits de la mission Cohésion des territoires continuent d’augmenter pour atteindre 18,5 milliards d’euros en 2023 (+3,5 % par rapport à 2022). La progression des dépenses est notamment liée au doublement de la subvention de l’État à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour financer les aides à la rénovation énergétique, à la hausse du montant de l’aide personnalisée au logement (APL) et à l’augmentation des subventions au secteur de l’hébergement d’urgence.

D’autres missions connaissent une progression notable de leurs crédits en 2023 par rapport à l’année précédente :

– la mission Transformation et fonction publiques (+36,4 %) pour financer des programmes d’investissement de l’État de nature à réduire la dépendance de son parc immobilier aux énergies fossiles ;

 la mission Médias, livres et industries culturelles (+15,9 %), en raison de la mise en place à compter du 24 février 2023 d’une nouvelle aide à la diffusion de la presse pour un coût annuel de 106 millions d’euros ainsi que d’une aide exceptionnelle aux éditeurs de presse pour faire face à la hausse du prix du papier pour un montant de 30 millions d’euros ;

– la mission Outre-mer (+9,3 %) qui a financé des mesures nouvelles destinées à améliorer rapidement la fourniture d’eau potable dans les départements et régions d’Outre-mer, à renforcer l’ingénierie au profit des collectivités territoriales et au développement de la continuité territoriale. ;

– ou encore la mission Culture (+7,1 %).

Évolution des dÉpenses des missions (pÉRIMÈtre courant)

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Missions

Exécution 2022

Ouvertures 2023

Exécution 2023

Évolution 2023/2022

Évolution

Action extérieure de l’État

3 040

3 223

3 114

+ 74

+ 2,4 %

Administration générale et territoriale de l’État

4 602

4 873

4 613

+ 11

+ 0,2%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4 671

5 129

4 709

+ 38

+ 0,8 %

Aide publique au développement

5 080

5 788

5 577

+ 497

+ 9,8 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 071

1 959

1 948

– 123

– 5,9 %

Cohésion des territoires

17 884

19 478

18 511

+ 627

+ 3,5 %

Conseil et contrôle de l’État

755

822

793

+ 38

+ 5,1 %

Crédits non répartis

244

Culture

3 611

3 995

3 866

+ 255

+ 7,1 %

Défense

51 728

56 832

54 813

+ 3 085

+ 6,0 %

Direction de l’action du Gouvernement

890

1 034

895

+ 5

+ 0,5 %

Écologie, développement et mobilité durables

36 023

41 793

40 285

+ 4 261

+ 11,8 %

Économie

15 264

8 661

5 056

– 10 208

– 66,9 %

Engagements financiers de l’État

54 342

63 616

62 377

+ 8 035

+ 14,8 %

Enseignement scolaire

78 497

82 653

82 028

+ 3 531

+ 4,5 %

Gestion des finances publiques

10 106

10 626

10 449

+ 344

+ 3,4 %

Immigration, asile et intégration

2 215

2 456

2 268

+ 53

+ 2,4 %

Investir pour la France de 2030

6 903

6 003

5 994

– 908

– 13,2 %

Justice

10 655

11 514

11 312

+ 657

+ 6,2 %

Médias, livre et industries culturelles

626

740

726

+ 100

+ 15,9 %

Outre-mer

2 726

3 150

2 980

+ 253

+ 9,3 %

Plan de relance

11 594

9 821

4 126

– 7 467

– 64,4 %

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

3 274

 

 

– 3 274

– 100,0 %

Pouvoirs publics

1 048

1 077

1 077

+ 29

+ 2,8 %

Recherche et enseignement supérieur

29 429

31 300

31 071

+ 1 641

+ 5,6 %

Régimes sociaux et de retraite

6 077

5 949

5 932

– 145

– 2,4 %

Relations avec les collectivités territoriales

4 261

4 710

4 432

+ 171

+ 4,0 %

Remboursements et dégrèvements

132 765

144 146

142 445

+ 9 680

+ 7,3 %

Santé

2 778

3 706

3 610

+ 832

+ 30,0 %

Sécurités

22 143

23 528

23 243

+ 1 100

+ 5,0 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

30 210

30 186

29 991

– 219

– 0,7 %

Sport, jeunesse et vie associative

1 660

1 881

1 723

+ 62

+ 3,7 %

Transformation et fonction publiques

723

1 195

985

+ 263

+ 36,4 %

Travail et emploi

20 786

22 040

20 940

+ 155

+ 0,7 %

Total

578 437

614 126

591 887

+ 13 451

+ 2,3 %

Total hors Remboursements et dégrèvements

445 672

469 980

449 442

+ 3 771

+ 0,8 %

Note : le tableau correspond à la consommation de l’ensemble des crédits au titre de ces missions, hors fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances, d’après les annexes Développement des opérations constatées au budget général aux projets de loi de règlement et relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2022 et 2023.

B.   Une sous-Consommation des crÉdits lÉgÈrement moindre qu’en 2022

Le taux d’exécution des crédits continue de s’améliorer en 2023 sans retrouver les niveaux constatés avant la crise sanitaire. L’exécution budgétaire 2023 est marquée par une sous-consommation des crédits inférieure à 2022 (– 3,3 % par rapport aux crédits ouverts, contre  5,2 %), qui demeure toutefois supérieure aux niveaux constatés avant la crise sanitaire.

Les crédits consommés s’élèvent à 454,6 milliards d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements et hors fonds de concours, soit 15,4 milliards en‑deçà du plafond autorisé par le Parlement ([25]).

Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts
À l’issue de la seconde LFR ou de la loi de finances de fin de gestion et l’exÉcution

(en milliards d’euros)

Agrégat

Ouvertures 2019

Exécution 2019

Ouvertures 2020

Exécution 2020

Ouvertures 2021

Exécution 2021

Ouvertures 2022

Exécution 2022

Ouvertures 2023

Exécution 2023

Dépenses brutes

481,9

476,1

579,4

540,7

582,1

557,1

606,8

578,4

614,1

591,9

Remboursements et dégrèvements (à déduire)

143,0

140,1

152,2

151,0

130,7

130,4

136,6

132 765

144,1

137,3

Dépenses nettes

338,9

336,1

427,2

389,7

451,4

426,7

470,3

445,7

470,0

454,6

Écart en valeur

 

 2,8

 

 37,5

 

 246

 

 24,6

 

 15,4

Écart en %

 

 0,8 %

 

 8,8 %

 

 5,5 %

 

 5,2 %

 

 3,3 %

Source : commission des finances d’après les annexes au présent projet de loi sur le développement des opérations constatées au budget général pour les années 2019 à 2023.

● Cette sous-exécution est en partie imputable à la mission Plan de relance qui concentre 28 %, soit 5,7 milliards d’euros, des crédits disponibles non consommés en 2023, hors mission Remboursements et dégrèvements.

Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts
et l’exÉcution 2023

(en millions d’euros)

Missions

Ouvertures 2023

Exécution 2023

Écart en valeur

Écart

Plan de relance

9 821

4 126

– 5 694

– 58,0 %

Remboursements et dégrèvements

144 146

142 445

– 1 701

– 1,2 %

Autres hors Remboursements et dégrèvement

460 159

445 316

– 14 843

– 3,2 %

Total

614 126

591 887

– 22 239

– 3,6 %

Source : commission des finances d’après les annexes au présent projet de loi sur le développement des opérations constatées au budget général.

Hors missions Plan de relance et Remboursements et dégrèvements, l’écart par rapport à la loi de finances initiale est de 14,8 milliards d’euros soit une sous-exécution de – 3,2 % par rapport aux crédits ouverts, concentrée sur quelques missions.

Missions dont l’ExÉcution s’Écarte le plus en montant de l’autorisation budgÉtaire

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Missions

Ouvertures 2023

Exécution 2023

Écart

En % des ouvertures

Économie

8 661

5 056

– 3 605

– 41,6 %

Défense

56 832

54 813

– 2 020

– 3,6 %

Écologie, développement et mobilité durables

41 793

40 285

– 1 508

– 3,6 %

Engagements financiers de l’État

63 616

62 377

– 1 239

– 1,9 %

Travail et emploi

22 040

20 940

– 1 100

– 5,0 %

Note : en incluant les fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances d’après les annexes au présent projet de loi sur le développement des opérations constatées au budget général.

La sous-exécution de la mission Économie atteint 3,6 milliards d’euros et s’explique par la sous consommation des dépenses de guichet « gaz et électricité » destinées aux entreprises energo-intensives, créées dans le cadre du Plan de résilience ([26]), du fait de la forte baisse des prix du gaz et de l’électricité.

Le niveau de consommation des crédits de la mission Défense (96,4 % en 2023) est similaire à celui des années précédentes. Les 2 milliards d’euros autorisés mais non consommés proviennent pour l’essentiel de l’enveloppe de 2,3 milliards d’euros de crédits de paiement ouverte en fin de gestion ([27]). Ces crédits ont fait l’objet d’un gel immédiat d’1,6 milliard d’euros puis ont été reportés en 2024 ([28]).

La sous-exécution de la mission Écologie, développement et mobilités durables s’élève à 1,5 milliard d’euros et résulte principalement de la sous‑consommation des crédits en faveur du dispositif Ma Prime Rénov’.

Les crédits évaluatifs de la mission Engagements financiers de l’État ont été consommés à hauteur de 62,4 milliards d’euros en 2023. Les difficultés à anticiper la charge nette de la dette expliquent cette sous-exécution de – 1,9 % par rapport aux crédits disponibles.

L’écart observé entre la prévision et la consommation sur le champ de la mission Travail et emploi s’élève à 1,1 milliard d’euros. Il est dû à une sous-consommation des crédits destinés aux actions de formation des demandeurs d’emploi et aux aides à l’apprentissage dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Pour une analyse détaillée des écarts à l’exécution, il est renvoyé au volume du présent rapport rassemblant les analyses par mission et par programme de chacun des rapporteurs spéciaux sur l’exécution budgétaire.

C.   L’Évolution des dÉpenses de personnel

Les dépenses de personnel continuent de progresser en 2023 (+ 4,4 % hors CAS Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2022 (+3,7 %), sous l’effet notamment de la revalorisation de la valeur du point d’indice de la fonction publique. Après une légère hausse au cours de l’exercice précédent, les emplois consommés diminuent en 2022.

● Le total des dépenses de personnel du budget général de l’État, nettes des rattachements de fonds de concours et des attributions de produits, a augmenté de 6 milliards d’euros en 2023 (+ 4,4 %) pour s’élever à 144,8 milliards d’euros après 138,8 milliards d’euros en 2022 ([29]). Ce montant se décompose entre dépenses de rémunération pour 99,2 milliards d’euros et contributions au CAS Pensions à hauteur de 45,6 milliards d’euros.

Près d’un tiers de cette hausse (2 milliards d’euros) s’explique par l’effet en année pleine de la revalorisation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique au 1er juillet 2022 et par celle de 1,5 % intervenue au 1er juillet 2023.

● Elle est également tirée par la progression des effectifs de l’État en 2023, qui se sont établis à 1 903 926 ETPT, soit une hausse de 9 850 emplois par rapport à l’exécution 2022. Cette augmentation des effectifs est toutefois très variable selon les ministères. L’évolution des dépenses est portée principalement par les besoins des ministères considérés comme prioritaires par le Gouvernement (éducation nationale, intérieur, armées et justice).

Consommation d’emplois par ministÈre depuis 2022

(en ETPT)

Ministère

Consommation des emplois 2022

Consommation des emplois 2023

Écart 2023/2022

Agriculture et alimentation

29 528

29 417

– 111

Armées

266 777

264 475

– 2 302

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

0

0

Culture

9 241

8 959

– 282

Économie, finances et relance

124 741

123 376

– 1 365

Éducation nationale, jeunesse et sports*

1 010 721

1 019 708

+ 8 987

Enseignement supérieur, recherche et innovation

5 212

5 137

– 75

Europe et affaires étrangères

13 598

13 574

– 24

Intérieur et Outre-mer

295 874

298 402

+ 1 528

Justice

90 223

91 176

+ 953

Services du Premier ministre

9 524

9 742

+ 218

Solidarités et santé

5 029

5 070

+ 41

Sport et jeux olympiques et paralympiques

1 432

1 428

– 4

Transformation et fonction publiques

395

433

+ 38

Transition écologique

35 332

35 162

– 170

Travail, emploi et insertion

7 731

7 717

– 14

Total budget général

1 903 926

1 913 776

+ 9 850

Source : projets de loi de règlement.

● Cette vision n’est toutefois pas exhaustive puisqu’elle n’inclut pas les emplois des opérateurs, qui s’élèvent à près de 400 000 ETPT. Depuis 2009, un plafond d’autorisations d’emplois des opérateurs est voté au niveau des programmes de chaque mission et réparti entre les opérateurs par le responsable de programme, conformément à l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 ([30]). En 2023, ce plafond s’est élevé à 406 986 ETPT ([31]).

Le rapporteur général regrette qu’une information systématique sur l’exécution de ces plafonds d’emplois ne soit pas fournie au niveau agrégé à l’occasion du projet de loi de règlement – désormais projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.

II.   La Nouvelle norme de dÉpenses a ÉtÉ respectÉe

L’année 2023 est le premier exercice budgétaire mettant en œuvre la nouvelle norme des dépenses de l’État prévue par l’article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([32]).

Appelée « périmètre des dépenses de l’État », cette norme regroupe :

– les crédits du budget général, à l’exception de ceux relatifs à la charge de la dette, à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19 et aux remboursements et dégrèvements ([33]) ;

– les crédits des budgets annexes ;

– les taxes affectées plafonnées ;

– les dépenses des comptes d’affectation spéciale, à l’exception de celles liées au désendettement, aux participations financières de l’État et aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;

– les dépenses du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public ;

– ainsi que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

Le périmètre des dépenses de l’État (PDE) constitue un agrégat plus global que les précédentes normes de dépenses. Il intègre des dépenses considérées jusqu’alors comme exceptionnelles ou « non pilotables », comme les crédits affectés à la relance, l’abondement du CAS Participations financières de l’État, les dépenses de la mission Investir pour la France de 2030 et les prélèvements sur recettes.

Les dépenses sous norme ont atteint 489,1 milliards d’euros en 2023 : elles ont été inférieures de 7 milliards d’euros à la prévision en LFI 2023 (– 1,4 %), principalement grâce à un montant de prélèvements sur recettes inférieur de 2,5 milliards d’euros aux prévisions ([34]) et à des économies de 4,8 milliards d’euros constatées sur les missions du budget général. Sur ce même périmètre, 487,6 milliards d’euros avaient été dépensés en 2022, soit une hausse de 1,5 milliard d’euros en 2023 ([35]).

Depuis l’exercice 2020, les normes de dépenses prévues par l’article 9 de la précédente loi de programmation n’avaient plus été respectées jusqu’à l’exercice 2022 inclus.

Évolution du pÉRIMÈtre des dÉpenses de l’État entre 2023 et 2024
et prÉvisions pour 2025 et 2026

(en milliards d’euros)

Composition du PDE

LFI 2023

Exécution 2023

Écart

Crédits budgétaires (hors charge de la dette, amortissement de la dette liée à la covid-19, contributions directes au CAS Pensions et remboursements et dégrèvements)

340,6

335,8

– 4,8

Taxes et recettes affectées

20,2

20,5

+ 0,3

Budgets annexes et comptes spéciaux

70,7

70,6

– 0,1

Prélèvements sur recettes

70,6

68,1

– 2,5

Retraitement des flux internes à l’État

– 6,0

– 6,0

+ 0,0

Économies issues des revues de dépenses

Évolution des dépenses incluses dans le PDE

496,1

489,1

 7,0*

* effet d’arrondi à 0,1 près.

Source : rapport économique social et financier annexé au PLF 2024 et dossier de presse du PLF 2024.

III.   Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

● Lors de la législature précédente, la mission d’information sur l’application de la LOLF avait plaidé pour élargir l’analyse des dépenses de l’État à l’ensemble des moyens mobilisés pour la mise en œuvre des politiques publiques ([36]) et pour un encadrement plus strict des instruments concourant à affaiblir le principe d’unité budgétaire.

Principe fondamental du droit budgétaire, l’unité budgétaire suppose le regroupement dans un texte unique de l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. Ce principe conditionne la clarté du budget et la portée du vote annuel du budget par les parlementaires. Il implique donc qu’il existe un texte de loi unique avec un compte unique qui récapitule la totalité des recettes et des dépenses, que les recettes et les dépenses soient présentées de façon homogène et qu’elles ne soient pas contractées.

L’élargissement du périmètre de la norme de dépenses répond en partie à l’objectif de disposer de la vision la plus large possible des moyens mis en œuvre par l’État pour financer les politiques publiques.

● Le rapporteur général note que la présentation proposée les années précédentes par la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État, qui s’efforçait de produire une évaluation globale de ces moyens, n’est plus reprise depuis l’exercice 2022.

Les moyens de l’État au service des politiques publiques comprennent :

– des dépenses budgétaires nettes qui se répartissent entre le budget général (454,6 milliards d’euros en 2023 hors mission Remboursements et dégrèvements après 445,7 milliards en 2022), les comptes spéciaux ([37]) (12,4 milliards d’euros après 12,2 milliards en 2022) et les budgets annexes (2,2 milliards d’euros après 2,5 milliards en 2022) ;

– d’autres moyens, qui se répartissent entre les dépenses fiscales (81,3 milliards d’euros ([38]) après 85,6 milliards en 2022), les taxes affectées qui financent des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale (65,1 milliards d’euros après 60,2 milliards en 2022 ([39])) et les fonds sans personnalité juridique (dont le montant de dépenses n’a pas été estimé depuis 2017 ([40])).

Les moyens de l’État au service des politiques publiques en 2022

(en milliards d’euros)

 

La surface de la case « fonds sans personnalité juridique » n’est pas représentative des enjeux financiers.

Source : commission des finances, d’après les annexes au PLF 2024 et au présent projet de loi et les rapports de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2021, 2022 et 2023.

● Par ailleurs, la révision de la loi organique relative aux lois de finances ([41]) a introduit deux avancées en faveur de l’unité du budget de l’État :

– son article 3 prévoit de resserrer les possibilités de recours aux taxes affectées en excluant, en particulier, leur affectation à des fonds sans personnalité juridique. Ces dispositions entreront en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 ;

– son article 15, qui s’est appliqué pour la première fois au projet de loi de finances pour 2023, prévoit que les documents budgétaires associés aux missions sont complétés par le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques financées par la mission concernée. Cela permet d’obtenir une vision plus intégrée des moyens consacrés aux politiques publiques concernées.

 


   fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues
au cours de l’exercice 2023

Contrairement aux exécutions 2020 à 2022, les mouvements législatifs et réglementaires modifiant l’autorisation parlementaire donnée en LFI sont moins nombreux et plus mesurés (I). Le présent projet de loi propose, en outre, d’importantes annulations de crédits (II).

Au total, la consommation de crédits de paiement en 2023, sur l’ensemble du budget de l’État, a atteint 675,8 milliards d’euros après 654 milliards d’euros en 2022 (hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État([42]), soit 5,6 milliards de moins que l’ensemble des crédits ouverts en lois de finances et de fin de gestion pour 2023. Les reports de crédits de 2022 vers 2023 et de 2023 vers 2024 se maintiennent à un niveau élevé.

Mouvements affectant les plafonds de crÉdits de paiement
ouverts par des lois de finances


(en milliards d’euros)

 

Hors mission Remboursements et dégrèvements. Fdc : fonds de concours.

Source : commission des finances.

Sur le périmètre du seul budget général, la consommation de crédits de paiement en 2023 a atteint 454,6 milliards d’euros, après 445,7 milliards d’euros en 2022 (hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État).

 

 

bilan des ouvertures et annulations au sein du budget gÉnÉral pour l’ExÉcution 2023

(en milliards d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale pour 2023

448,8

450,0

Reports de la gestion précédente

+ 53,3

+ 18,7

Fonds de concours et attributions de produits

+ 6,8

+ 6,1

Décret d’annulation du 18 septembre 2023

– 4,7

– 4,7

Loi de finances de fin de gestion du 30 novembre 2023

+ 6,0

+ 4,4

Dont ouvertures brutes

+ 11,2

+ 9,6

Dont annulations brutes

– 5,2

– 5,2

Total des crédits ouverts

510,2

474,5

Total des crédits consommés

453,5

454,6

Reports à la gestion suivante

– 47,6

– 16,1

Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2023

– 9,2

– 4,0

Dont ouvertures brutes

+ 0,5

+ 0,5

Dont annulations brutes

– 9,7

– 4,5

Source : commission des finances.

Hors Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

I.   Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2023

Le législateur n’est intervenu qu’à l’occasion de la loi de finances de fin de gestion pour modifier les crédits ouverts en loi de finances initiale (A). Des ajustements réglementaires ont également été mis en œuvre, notamment pour limiter la hausse des dépenses de l’État et opérer des reports de crédits à un niveau encore élevé (B). En dépit de ces mouvements de forte ampleur, la gestion budgétaire 2023 tente de préserver les acquis en matière de bonne gestion budgétaire, avec l’absence notable de décret d’avance et malgré une augmentation des crédits gelés (C).

  1.   Seule la loi de finances de fin de gestion a modifiÉ les crÉdits ouverts en 2023

L’exercice budgétaire 2023 marque un début de normalisation de la gestion budgétaire après plusieurs années de crise puisque le législateur n’est intervenu qu’une seule fois pour rectifier les crédits ouverts en loi de finances initiale.

Depuis la crise sanitaire de 2020, plusieurs lois de finances rectificatives avaient conduit en cours d’année à des modifications importantes des crédits ouverts par la loi de finances initiale :

– en 2022, en réponse notamment à la hausse des prix, deux lois de finances rectificatives ont ouvert 68,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 61,8 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) ;

– en réponse notamment à la crise sanitaire, deux lois de finances rectificatives ont ouvert en 2021 17,9 milliards d’euros d’AE et 16,2 milliards d’euros de CP ;

– en 2020, au plus fort de la crise sanitaire, quatre lois de finances rectificatives avaient ouvert 98 milliards d’AE et 94 milliards de CP en cours de gestion.

Le collectif budgétaire de 2023 a conduit à des ouvertures de moindre ampleur à hauteur de 5,8 milliards d’euros en AE et 4 milliards d’euros en CP sur l’ensemble du budget de l’État.

Les mouvements de crédit portent principalement sur le budget général de l’État qui enregistre des ouvertures nettes d’annulations à hauteur de 6 milliards d’euros en AE et 4,4 milliards d’euros en CP hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (1). Les budgets annexes et comptes spéciaux sont marqués par des mouvements plus marginaux, avec des annulations nettes de 0,2 milliard d’euros en AE et 0,4 milliard d’euros en CP (2).

Le détail de ces modifications de crédits intervenues par voie législative est retracé dans les deux tableaux suivants.


 

Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement et des crÉdits de paiement en Lois de finances en 2023

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Autorisations d’engagement

Loi de finances initiale n° 2022-1726 du 30 décembre 2022

Loi de fin de gestion n° 2023-1114 du 30 novembre 2023

Total des lois de finances

Ouvertures

Annulations

Total net

Budget général

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

575 840

23 657

5 163

18 494

594 334

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

127 055

12 489

 

12 489

139 544

Dépenses nettes

448 785

11 168

5 163

6 004

454 789

Fonds de concours

5 508

 

 

 

5 508

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

454 293

11 168

5 163

6 004

460 297

Budgets annexes

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 276

 

6,4

 6

2 269

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

84 084

178

 

178

84 262

Comptes de concours financiers

140 739

1 129

1 549

– 421

140 318

Total des dépenses des comptes spéciaux

224 823

1 307

1 549

 243

224 580

Total général

681 391

12 475

6 718

5 755

687 146

 


 

Crédits de paiement

Loi de finances initiale n° 2022-1726 du 30 décembre 2022

Loi de fin de gestion

Total des lois de finances

 2023-1114 du 30 novembre 2023

Ouvertures

Annulations

Total net

Budget général

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

577 038

22 103

5 166

16 937

593 975

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

127 055

12 489

 

12 489

139 544

Dépenses nettes

449 983

9 613

5 166

4 447

454 430

Fonds de concours

5 238

 

 

 

5 238

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

455 221

9 613

5 166

4 447

459 668

Budgets annexes

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 294

 

15

 15

2 279

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

83 944

178

 

178

84 122

Comptes de concours financiers

140 856

1 129

1 666

– 537

140 319

Comptes de commerce (solde)

402

 

 

 

402

Comptes d’opérations monétaires (solde)

– 98

 

 

 

-98

Total des dépenses des comptes spéciaux

225 104

1 307

1 666

 359

224 745

Total général

682 618

10 920

6 846

4 074

686 692

Source : présent projet de loi.


1.   Des ouvertures de crédits moins fréquentes mais toujours nécessaires pour répondre aux aléas survenus en cours de gestion

a.   Les ouvertures de crédits portées par la loi de finances de fin de gestion demeurent conséquentes

Les ouvertures de crédits votées à l’occasion du dernier collectif budgétaire, à hauteur de 9,6 milliards d’euros de CP hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, excèdent le niveau moyen d’ouvertures constaté avant la crise sanitaire (2,7 milliards d’euros entre 2017 et 2019). Le niveau des annulations de crédits, de 5,2 milliards d’euros de CP hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôt d’État, est également plus élevé que la moyenne observée au cours des trois premières années du quinquennat précédent.

Ouvertures et annulations de crÉdits sur le budget général
en LFR de fin d’année

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Mouvements

2017

2018

2019

Moyenne 2017-2019

2020

2021

2022

2023

Ouvertures

+ 3 439

+ 2 130

+ 2 778

+ 2 782

+ 22 899

+ 9 136

+ 10 170

+ 9 613

Annulations

– 85

– 2 050

– 4 297

 2 144

– 4 158

– 7 346

– 5 769

 5 166

Écart plafonds LFR/LFI

+ 3 354

+ 80

 1 519

+ 638

+ 18 741

+ 1 790

+ 4 401

+ 4 447

NB : hors Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2017 à 2022 et présent projet de loi.

Le solde des ouvertures et des annulations de crédits de la loi de finances de fin de gestion s’élève ainsi à + 4,4 milliards d’euros, hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, alors qu’en moyenne, entre 2012 et 2019, les ouvertures ont été compensées par les annulations avec un solde légèrement positif de 370 millions d’euros. L’ampleur des mouvements observés traduit le fait que le collectif de fin d’année continue de permettre d’apporter des réponses budgétaires dans un contexte instable et ne se cantonne pas à opérer de simples ajustements de fin de gestion.

Solde des ouvertures et annulations de crÉdits en collectif de fin d’annÉe

(en millions d’euros)

N.B. : hors Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2012 à 2022 et présent projet de loi.

b.   Le budget général de l’État mobilisé en fin d’année pour répondre à plusieurs difficultés survenues au cours de la gestion

Les ouvertures et annulations de crédits portées par la loi de fin de gestion sont concentrées sur certaines missions.

Les crédits supplémentaires autorisés de l’ordre de 9,6 milliards d’euros en CP, hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, répondent à des besoins au titre du remboursement de la dette, de l’équipement des armées, des difficultés du secteur agricole et des prestations sociales qui croissent fortement avec l’inflation (i).

Les annulations de crédits à hauteur de 5,2 milliards d’euros en CP résultent principalement d’une sous-utilisation du dispositif MaPrimeRénov’ et d’un moindre recours à certaines aides du fait de l’amélioration de la conjoncture économique (ii).

Le détail des ouvertures et annulations par mission est présenté dans les deux tableaux suivants.

 


 

Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement par mission par les lois de finances pour 2023

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2023 (A)

LFG 2023

Total lois de finances (A+D)

Ouvertures (B)

Annulations (C)

Solde (D=B-C)

Action extérieure de l’État

3 220

0

73

– 73

3 147

Administration générale et territoriale de l’État

4 860

15

6

9

4 869

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 883

937

14

923

4 806

Aide publique au développement

8 042

0

490

– 490

7 552

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1 924

14

10

4

1 928

Cohésion des territoires

18 013

219

128

90

18 103

Conseil et contrôle de l’État

904

0

22

– 22

883

Crédits non répartis

1 454

100

350

– 250

1 204

Culture

3 739

29

13

16

3 754

Défense

62 005

2 715

105

2 610

64 615

Direction de l’action du Gouvernement

941

0

48

– 48

893

Écologie, développement et mobilité durables

38 975

92

846

– 753

38 221

Économie

7 552

0

330

– 330

7 222

Engagements financiers de l’État

53 517

3 829

509

3 320

56 837

Enseignement scolaire

82 551

60

93

– 33

82 518

Gestion des finances publiques

10 929

1

64

– 63

10 866

Immigration, asile et intégration

2 675

339

19

320

2 995

Investir pour la France de 2030

263

9

9

0

263

Justice

12 518

0

179

– 179

12 339

Médias, livre et industries culturelles

702

1

3

– 2

701

Outre-Mer

2 719

524

0

524

3 243

Plan de relance

0

0

0

0

0

Pouvoirs publics

1 077

0

0

0

1 077

Recherche et enseignement supérieur

31 213

0

420

– 420

30 793

Régimes sociaux et de retraite

6 137

2

189

– 187

5 950

Relations avec les collectivités territoriales

4 400

172

57

116

4 515

Remboursements et dégrèvements

131 642

12 504

0

12 504

144 146

Santé

3 363

190

75

115

3 478

Sécurités

24 618

0

218

– 218

24 399

Solidarité, insertion et égalité des chances

29 379

574

15

559

29 937

Sport, jeunesse et vie associative

1 519

48

80

– 32

1 487

Transformation et fonction publiques

819

29

24

5

824

Travail et emploi

20 289

1 252

775

477

20 766

Total

575 840

23 657

5 163

18 494

594 333

Total hors R&D d'impôts d'État

448 785

11 168

5 163

6 004

454 789

 


Ouvertures et annulations des crÉdits de paiement par mission par les lois de finances pour 2023

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2023 (A)

LFG 2023

Total lois de finances (A+D)

Ouvertures (B)

Annulations (C)

Solde (D=B-C)

Action extérieure de l’État

3 218

0

83

– 83

3 135

Administration générale et territoriale de l’État

4 569

15

10

5

4 574

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 858

856

20

836

4 694

Aide publique au développement

5 924

77

275

– 198

5 726

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1 931

14

10

4

1 935

Cohésion des territoires

17 924

219

138

80

18 004

Conseil et contrôle de l’État

818

0

11

– 11

807

Crédits non répartis

1 154

100

200

– 100

1 054

Culture

3 718

28

30

– 2

3 716

Défense

53 116

2 375

65

2 310

55 426

Direction de l’action du Gouvernement

929

0

26

– 26

903

Écologie, développement et mobilité durables

37 490

68

1 296

– 1 227

36 263

Économie

7 918

0

441

– 441

7 477

Engagements financiers de l’État

60 289

3 829

528

3 301

63 590

Enseignement scolaire

82 397

83

84

– 1

82 396

Gestion des finances publiques

10 537

0

82

– 82

10 455

Immigration, asile et intégration

2 009

339

51

288

2 298

Investir pour la France de 2030

6 088

9

9

0

6 088

Justice

11 570

0

71

– 71

11 499

Médias, livre et industries culturelles

705

6

4

2

707

Outre-Mer

2 543

535

0

535

3 078

Plan de relance

4 397

0

0

0

4 397

Pouvoirs publics

1 077

0

0

0

1 077

Recherche et enseignement supérieur

30 806

0

380

– 380

30 426

Régimes sociaux et de retraite

6 137

2

189

– 187

5 950

Relations avec les collectivités territoriales

4 488

146

54

93

4 580

Remboursements et dégrèvements

131 642

12 504

0

12 504

144 146

Santé

3 367

190

76

114

3 481

Sécurités

23 071

85

10

75

23 146

Solidarité, insertion et égalité des chances

29 478

574

21

553

30 030

Sport, jeunesse et vie associative

1 832

48

90

– 42

1 790

Transformation et fonction publiques

1 160

0

15

– 15

1 145

Travail et emploi

20 877

0

897

– 897

19 980

Total

577 038

22 103

5 166

16 937

593 975

Total hors R&D d’impôts d’État

449 983

9 613

5 166

4 447

454 430

Source : présent projet de loi.


i.   Les ouvertures de crédits

La loi de finances de fin de gestion a procédé à des ouvertures de crédits pour 22,1 milliards d’euros en CP, dont 9,6 milliards d’euros hors la mission Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.

Ces ouvertures ont principalement porté sur les missions suivantes :

– Remboursements et dégrèvements (+ 12,5 milliards d’euros) en raison de la hausse des versements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l’augmentation des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– Engagements financiers de l’État (+ 3,8 milliards d’euros ([43])), afin de faire face à la hausse de la charge de la dette résultant notamment de l’effet de l’inflation sur la provision pour indexation des titres indexés et de la hausse du volume et de la charge d’intérêt de la dette à court terme ;

– Défense (+ 2,4 milliards d’euros ([44])), pour couvrir les surcoûts liés aux activités opérationnelles des forces armées, pour assurer la montée en puissance de la loi de programmation militaire (LPM) ([45])  et pour financer la mise en cohérence des moyens des forces avec le contexte géostratégique, et notamment l’effort de soutien à l’Ukraine ;

– Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ 856 millions d’euros ([46])) afin de financer des mesures de soutien aux agriculteurs face à diverses crises (épisodes d’influenza aviaire hautement pathogène, soutien à la filière viticole, aides d’urgence au profit des agriculteurs produisant selon le mode biologique) ;

Outre-mer (+ 535 millions d’euros) afin de faire face à la hausse du montant des compensations des exonérations de cotisations sociales patronales outre-mer pour 2023, en raison d’une activité économique plus dynamique qu’anticipé ;

– Solidarité, insertion et égalité des chances (+ 574 millions d’euros ([47])), pour financer des dépenses liées à des prestations sociales plus importantes que prévues (prime d’activité, revenu de solidarité active recentralisé et allocation aux adultes handicapés) ;

ii.   Les annulations de crédits

La loi de fin de gestion a également annulé près de 5,2 milliards d’euros de CP, dont 580 millions d’euros portaient sur la partie de la réserve de précaution qui n’aura pas été dégelée. Les annulations qui portaient sur d’autres missions concernaient principalement sur :

– la mission Écologie, développement et mobilité durables (– 1,3 milliard d’euros en CP). Ces annulations résultent, d’une part, d’une consommation inférieure à la prévision initiale concernant la prime de transition énergétique MaPrimeRénov’(– 1 milliard d’euros en CP) et l’indemnité carburant mise en place en 2023 (– 0,3 milliard d’euros en CP)

la mission Travail et emploi (–0,9 milliard d’euros), résultant d’une moindre consommation des allocations de solidarité en raison de l’amélioration de la situation du travail et des progrès du système de facturation de l’agence de services et de paiement (ASP) ([48]) ;

– la mission Économie (– 441 millions d’euros), principalement en raison de sous-exécutions au titre du guichet d’aide aux entreprises très consommatrices d’énergie. Ce dispositif, dont les crédits ont été abondés à hauteur de 4 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2023, n’a été que peu utilisé. Selon la direction générale du Trésor, l’abondement massif en crédits de ce dispositif a permis de rassurer les marchés, contribuant à ce que les entreprises n’aient eu que faiblement besoin d’y recourir.

2.   Des budgets annexes et des comptes spéciaux peu mobilisés

L’autorisation budgétaire concernant les budgets annexes et les comptes spéciaux a peu varié dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion, comme le retrace le tableau ci-dessous.

Solde des mouvements de crÉdits des budgets annexes
et des comptes spÉciaux en 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

LFG

Total des lois de finances

LFI

LFG

Total des lois de finances

Budget annexes

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 276

– 6

2 269

2 294

– 15

2 279

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

84 084

178

84 262

83 944

178

84 122

Comptes de concours financiers

140 739

– 421

140 318

140 856

– 537

140 319

Comptes de commerce (solde)

 

 

 

402

 

402

Comptes d’opérations monétaires (solde)

 

 

 

– 98

 

 98

Total des dépenses des comptes spéciaux

224 823

 243*

224 580

225 104

 359

224 745

* effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances, présent projet de loi.

● Les crédits des budgets annexes ont été modifiés de manière résiduelle par la loi de finances de fin de gestion qui a donné lieu à une annulation de 6 millions d’euros en AE et 15 millions d’euros en CP.

● Au titre des comptes d’affectation spéciale (CAS), la loi de finances de fin de gestion a autorisé les mouvements suivants :

– l’ouverture de 164 millions d’euros en AE et en CP sur le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers visant à tirer les conséquences de l’ajustement à la hausse de la prévision des recettes du CAS ;

– l’ouverture de 14,3 millions d’euros en AE et en CP sur le CAS Pensions visant à couvrir la sur-exécution attendue qui résulte de la revalorisation du point d’indice des pensions militaires d’invalidité.

● Concernant les comptes de concours financiers (CCF), la loi de finances de fin de gestion a conduit à des mouvements de crédits sur cinq des six comptes de concours financiers, pour des montants d’ouvertures de 1 128,6 millions d’euros en AE et en CP et d’annulations de 1 549,3 millions d’euros en AE et de 1 665,7 millions d’euros en CP. Le seul compte non concerné par ces mouvements est le CCF Accords monétaires internationaux qui n’avait pas été abondé par la loi de finances initiale ([49]). Au total, les comptes de concours financiers ont fait l’objet d’annulations nettes d’un montant de 421 millions d’euros en AE et de 537 millions d’euros en CP.

  1.   Les mouvements rÉglementaires

La modification des crédits en cours d’année n’est pas l’apanage des lois de finances. Sous certaines conditions encadrées par la LOLF, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement adoptés en loi de finances peuvent faire l’objet de modifications par voie réglementaire, par reports de crédits d’un exercice à l’autre, par décrets de transfert, de virement, de répartition et par l’affectation de fonds de concours ou l’attribution de produits. Les deux tableaux suivants présentent une vision exhaustive de l’ensemble de ces modifications réglementaires intervenues au cours de l’exercice 2023. Ils présentent également les ajustements du présent projet de loi compte tenu des consommations constatées.

En 2023, les fonds de concours continuent de diminuer après un exercice 2020 où ils avaient atteint un montant exceptionnel (1). Pour limiter la croissance de la dépense en cours d’année, le Gouvernement a eu recours à des annulations par décrets pour des montants inédits (2) tandis que des niveaux importants de reports de crédits sont une nouvelle fois enregistrés sur l’ensemble du budget de l’État (3). Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas les crédits ouverts (4).

 


 

Modifications apportÉes aux lois de finances initiale et rectificatives
par les mesures rÈglementaires et le prÉsent projet de loi

(en millions d’euros)

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

Budget ou compte

Total des lois de finances

Décrets d’annulation du 18 septembre 2023

Reports de la gestion précédente (2022 vers 2023)

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attributions de produits

Plus-values de recettes

Reprise d’AE

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante (2023 vers 2024)

Situation avant l’intervention du présent projet de loi

Présent projet de loi

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

594 333

– 4 700

53 322

195

– 195

503

– 503

110

– 110

6 769

 

 

649 725

– 47 568

602 157

590 785

523

– 11 895

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

139 544

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

139 544

 

139 544

137 324

 

 2 221

Total des dépenses du budget général

454 789

 4 700

53 322

195

 195

503

 503

110

 110

6 769

 

510 181

 47 568

462 613

453 461

523

 9 675

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes

2 250

 

99

 

 

31

7

2 386

 92

2 294

2 260

– 34

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

84 262

– 100

8 691

2

 2

 

 

 

 

6

28

 

92 888

– 6 511

86 377

82 419

 

– 3 958

Comptes de concours financiers

140 318

 

625

1

– 1

 

 

 

 

 

 

 

140 943

– 613

140 330

136 34

 

– 4 196

Total des dépenses des comptes spéciaux

224 580

 100

9 316

3

 3

6

28

233 831

 7 124

226 706

218 553

 8 154

Total général

681 619

 4 800

62 737

198

 198

503

 503

110

 110

6 805

28

7

746 397

 54 784

691 613

674 274

523

 17 862 

CRÉDITS DE PAIEMENT 

Budget ou compte

Total des lois de finances

Décrets d’annulation du 18 septembre 2023

Reports de la gestion précédente (2022 vers 2023)

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attributions de produits

Plus-values de recettes

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante (2023 vers 2024)

Situation avant l’intervention du présent projet de loi

Présent projet de loi

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

593 975

– 4 700

18 741

197

– 197

996

– 996

110

– 110

6 111

 

614 126

– 16 079

598 047

591 887

522

– 6 682

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

139 544

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

139 544

 

139 544

137 322

 

– 2 222

Total des dépenses du budget général

454 431

 4 700

18 741

197

 197

996

 996

110

 110

6 111

 

474 582

 16 079

458 503

454 565

522

 4 460

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes

2 260

36

 

 

 

31

 

2 326

 30

2 296

2 248

 48

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

84 122

– 300

9 585

2

– 2

 

 

 

 

6

28

93 441

– 6 922

86 519

82 575

 

– 3 945

Comptes de concours financiers

140 319

 

632

1

– 1

 

 

 

 

 

 

140 951

– 474

140 476

136 759

 

– 3 717

Comptes de commerce (solde)

402

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

402

 

402

– 319

 

 

Comptes d’opérations monétaires (solde)

– 98

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 98

 

– 98

– 64

 

 

Total des dépenses des comptes spéciaux

224 745

 300

10 217

3

 3

 

 

6

28

234 696

 7 396

227 300

218 951

 7 662

Total général

681 435

 5 000

28 994

200

 200

996

 996

110

 110

6 147

28

711 604

 23 506

688 099

675 764

522

 12 170

Source : présent projet de loi.


 

1.   Les fonds de concours et attributions de produits complètent les crédits budgétaires à un niveau important

Les crédits ouverts en LFI sont majorés des crédits ouverts par voie de fonds de concours et d’attributions de produits, qui ont atteint 6,1 milliards d’euros en crédits de paiement pour le budget général en 2023. Si ce montant reste supérieur à celui observé en 2019 (5,3 milliards d’euros), il est en nette diminution par rapport aux années 2022 (7,3 milliards d’euros), 2021 (7,9 milliards d’euros) et à 2020 (12 milliards d’euros).

Le niveau exceptionnel de fonds de concours et d’attributions de produits constaté en 2020 était lié à l’opération de recapitalisation du groupe SNCF (4,1 milliards d’euros imputés au budget de l’État en décembre 2020 et donnant lieu depuis à des versements progressifs).

2.   Un niveau d’annulation par décret inédit permettant de juguler la hausse des dépenses en cours d’exercice

L’exercice 2023 s’est caractérisé par la prise de quatre décrets d’annulation de crédits pour près de 5 milliards d’euros.

En application de l’article 14 de la LOLF, des annulations de crédits peuvent être décidées par décret lorsque des crédits sont devenus sans objet ou en cas de nécessité de préserver l’équilibre budgétaire de l’année en cours tel que défini par la dernière loi de finances. Dans la pratique, les annulations constatées lors des exercices précédents avaient un caractère technique et concernaient des crédits devenus sans objet. Ainsi, en 2022 trois décrets ont annulé 154 millions d’euros en AE et 205 millions d’euros en CP.

En 2023, trois des décrets pris ([50]) ont été motivés par des motifs techniques conduisant à l’annulation d’environ 0,4 milliard d’euros en AE et en CP. Par ailleurs, un décret ([51]) exceptionnel annulant 4,8 milliards d’euros en AE et 5 milliards d’euros en CP a été pris le 18 septembre 2023 pour sécuriser la trajectoire budgétaire votée en LFI pour 2023. Ces annulations se répartissaient sur les missions :

– Crédits non répartis (0,7 milliard d’euros en AE et CP) ;

– Économie (4 milliards d’euros en AE et CP), liées à une révision à la baisse de la prévision d’exécution de l’aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement en énergie des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine ;

– ainsi que sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État à hauteur de 0,1 milliard d’euros en AE et 0,3 milliard d’euros en CP.

3.   Un niveau encore important de reports de crédits en 2023

a.   Un encadrement organique de la possibilité de reports

Les reports de crédits sont prévus par l’article 15 de la LOLF. Pris par arrêtés, ils constituent un aménagement au principe d’annualité en permettant d’assouplir le cadre temporel de la gestion. Aux termes de cet article, au titre de l’exercice 2022, les reports de crédits de paiement (CP) sont toutefois plafonnés par une double limite :

 « les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés » ;

 « les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l’ensemble des crédits initiaux sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. » Une loi de finances peut néanmoins déroger à ce second plafond.

À compter de l’exercice 2023, ces conditions ont été durcies par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([52]). D’une part, quel que soit le titre d’où ils proviennent, les reports de CP ne peuvent désormais plus majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel, hors procédure de fonds de concours ([53]). D’autre part, sur les autres titres, les majorations doivent être dûment motivées en loi de finances et le montant total des CP reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année, sauf en cas de nécessité impérieuse d’intérêt national.

Cette dérogation est en pratique utilisée dans chaque loi de finances : un article situé dans la seconde partie autorise une majoration du plafond, voire la suppression de tout plafond. Alors qu’elle était utilisée de manière parcimonieuse avant 2010, cette clause a été étendue à un nombre de programmes compris entre 15 et 30 au cours des années 2010, puis supérieur à 35 depuis la loi de finances initiale pour 2021.

b.   Malgré un léger reflux, les reports restent conséquents en 2023

L’article 176 de la LFI pour 2024 ([54]) a prévu un déplafonnement des reports de crédits pour 41 programmes, après 46 programmes en 2022 et 51 en 2021.

Bien qu’en diminution par rapport aux années précédentes, le montant des reports de 2022 vers 2023 s’était établi à un niveau élevé de 29 milliards d’euros en CP. La décrue se poursuit entre 2023 et 2024 puisque les crédits reportés s’élèvent à 23,5 milliards d’euros répartis entre le budget général à hauteur de 16,1 milliards d’euros et les comptes spéciaux pour 7,4 milliards d’euros.

Évolution des reports de crÉdits de paiement


(en milliards d’euros)

 

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2023, avril 2043 et exposé des motifs du présent projet de loi.

Au regard de l’importance des montants reportés, la Cour des comptes renouvelle ses critiques sur le niveau des reports entre deux exercices qui « ne contribue pas à la lisibilité de la politique budgétaire et soulève la question de la sincérité de certaines prévisions de dépenses en LFI ».

Le Rapporteur général constate malgré tout l’amorce d’un reflux du volume des reports réalisés d’une année sur l’autre et estime que ces niveaux de reports justifiés jusqu’alors par un contexte particulièrement incertain doivent désormais être résorbés au regard de l’entorse à l’autorisation parlementaire annuelle qu’ils constituent.

4.   Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts

D’autres dispositifs de régulation budgétaire peuvent modifier la destination des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année considérée sans changer le plafond global des crédits autorisés.

Les virements, prévus à l’article 12 de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère, dans la limite de 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année pour chacun des programmes concernés. En 2023, ils sont restés faibles et s’établissent à un peu moins de 200 millions d’euros en AE et CP.

Les transferts, prévus au même article de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l’emploi des crédits correspond à des actions du programme d’origine. Ils représentent par définition une altération de l’autorisation parlementaire moins marquée que les virements. En 2023, ils se sont établis à 996 millions d’euros en CP (soit deux fois moins qu’en 2022 où ils avaient atteint 2 185 millions d’euros de CP).

Les crédits globaux, définis aux articles 7 et 11 de la LOLF, constituent des autorisations de dépenses dont la destination n’est pas connue au moment du vote de la loi de finances initiale. L’objet de ces crédits globaux est limité à deux catégories de dépenses par la loi organique : les dépenses accidentelles ou imprévisibles et les mesures générales en matière de rémunérations. Ces deux catégories de dépenses sont regroupées au sein de la mission Crédits non répartis. La mission avait fait l’objet d’une mobilisation importante en tant qu’outil de gestion budgétaire face à la crise en 2020. En 2023, elle avait été abondée de 1,5 milliard d’euros en AE et 1,2 milliard d’euros en CP mais n’a été mobilisée qu’à hauteur de 13 millions d’euros pour financer les primes versées par l’État au titre de l’épargne logement.

C.   Une mobilisation plus prononcÉe des gels de crÉdits pour Éviter une dÉgradation trop forte du dÉficit

La réserve de précaution, dont l’usage avait été assaini malgré la crise, a été fortement utilisée en 2023 pour éviter le dépassement de la norme de dépense (1). En revanche, le Gouvernement n’a pas eu recours à des décrets d’avance, renouant avec les bonnes pratiques d’avant crise (2).

1.   Le faible taux de mise en réserve des crédits, une pratique entamée en 2023 pour contenir l’évolution des dépenses

La réserve de précaution est un dispositif prévu par le III de l’article 14 et le 4° bis de l’article 51 de la LOLF. Elle consiste à rendre indisponibles des crédits pour le responsable de programme. On parle de « gels » de crédits, voire de « surgels » lors de mises en réserve intervenues en cours de gestion, après la mise en réserve initiale.

La réserve de précaution répond à une double logique :

– une logique « d’auto-assurance » destinée à responsabiliser les gestionnaires en cas d’aléas de gestion ;

– et une logique de modération du rythme de consommation de crédits.

a.   Une diminution significative des crédits mis en réserve à partir de 2017

L’exercice 2022 s’inscrivait dans la continuité des exercices 2018 à 2021 durant lesquels la pratique de la mise en réserve de crédits a été assainie et rendue plus conforme à l’esprit de la LOLF.

● Entre 2012 et 2017, le taux de mise en réserve des crédits sur les dépenses hors dépenses de personnel avait été progressivement augmenté jusqu’à atteindre 8 %.

Évolution du taux de mise en rÉserve

(en %)

 

PLF 2012

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018 à 2020

PLF 2020 à 2022

PLF 2023

Taux de mise en réserve des crédits hors titre 2

5

6

7

8

8

8

3

3

5

Dont dépenses contraintes

 

 

 

 

 

 

 

0,5

0,5

Dont autres dépenses

 

 

 

 

 

 

 

4

 

Taux de mise en réserve des crédits du titre 2

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de finances 2012 à 2022 et du présent projet de loi.

En lien avec les éléments d’insincérité qu’elle a alors identifiés, la Cour des comptes avait critiqué l’utilisation que faisait le Gouvernement de la réserve de précaution, considérant qu’elle avait été « détournée de son objectif au profit de la couverture, en exécution, de sous-budgétisations » ([55]).

● En 2017, a été entamée une démarche de sincérisation budgétaire s’appuyant notamment sur un abaissement de la mise en réserve de crédits, hors titre 2, de 8 à 3 %. Ce taux de 3 %, appliqué à partir de 2018, avait pour objet de rendre à la réserve de précaution son rôle premier d’assurance contre les aléas de gestion.

L’abaissement de ce taux n’a pas été un obstacle à une consommation des crédits conforme à la prévision de la LFI et à l’absence de décret d’avance de 2018 à 2020, grâce à des budgétisations initiales plus sincères.

Tout en maintenant un niveau moyen de gel initial de 3 %, hors dépenses de personnel, une méthode plus sophistiquée de calcul de la mise en réserve a été annoncée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020 ([56]). Un taux réduit de 0,5 % est désormais appliqué à certaines dépenses particulièrement contraintes telles que les prestations sociales ([57]). Pour conserver un taux moyen de 3 %, le taux de mise en réserve est porté à 4 % sur les programmes dont les dépenses hors titre 2 sont jugées plus modulables. L’application de cette méthode a été poursuivie en 2021 et en 2022.

Afin de permettre une mobilisation rapide des crédits et de soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales face à la crise, plusieurs missions ont par ailleurs été exonérées de mise en réserve à partir de l’exercice 2020. Les missions Plan de relance, Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Investir pour la France de 2030 ont bénéficié de cette dispense en 2022 ([58]).

b.   Un doublement du niveau de mise en réserve en 2023

Après une mise en réserve de 5,7 milliards d’euros en 2022, le montant de crédits gelés atteint 14,4 milliards d’euros de CP en 2023. Lors de la mise en réserve initiale, la circulaire de la direction du budget prévoyait un taux uniforme de mise en réserve hors crédits de personnel de 5 % (vs. 3 % en 2022), et un taux réduit de 0,5 % pour les crédits de masse salariale ainsi que pour les programmes portant majoritairement des dépenses de prestations sociales. La mise en œuvre de la réserve de précaution en 2023 résulte de plusieurs mouvements :

– une mise en réserve initiale en début d’année, s’élevant à 8,8 milliards d’euros (1,9 % des crédits hors masse salariale et 0,5 % des crédits de masse salariale) ;

– un surgel transversal de 1 % des crédits hors masse salariale, réalisé en mai 2023, pour 1,6 milliard d’euros ;

– des surgels en gestion pour 2,2 milliards d’euros ;

– enfin, un surgel de 1,8 milliard d’euros réalisé au dernier trimestre 2023.

Sur la totalité de la réserve, 6,5 milliards ont été dégelés en cours d’année et utilisés par les ministères (45,1 % des crédits mis en réserve), 5,2 milliards d’euros ont été définitivement annulés et 2,7 milliards d’euros ont été reportés sur 2024.

2.   L’absence de recours à un décret d’avance en 2023

L’absence de décret d’avance en 2018, grâce à une programmation initiale plus sincère, avait constitué une première depuis 1985. Cette pratique respectueuse de l’autorisation du Parlement en matière budgétaire a été réitérée en 2019 et en 2020 puis en 2023.

Le Gouvernement a eu recours à des décrets d’avance en 2021 ([59]) et en 2022 ([60]). Les mouvements de crédits réalisés à ces deux occasions ont atteint des montants sans précédent, comme l’illustre la chronique ci‑dessous.

Évolution des crÉdits ouverts par dÉcret d’avance

(en millions d’euros pour l’échelle de gauche)

DA : décrets d’avance.

Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et le site Légifrance.


II.   Les modifications proposÉes par le prÉsent projet de loi

En vertu du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent projet de loi ouvre pour chaque programme « les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

L’article 4 du présent projet de loi arrête les montants consommés sur le budget général au titre de 2023 et procède aux ouvertures (A) et annulations nécessaires (B).

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement respectivement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2023 et procèdent aux ajustements nécessaires (C).

Ces mouvements sont analysés dans le détail dans le volume du présent rapport qui décrit l’exécution budgétaire par mission et par programme.

  1.   Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

L’article 4 propose l’ouverture de 523,4 millions d’euros d’AE et de 522,5 millions d’euros de CP de crédits complémentaires, correspondant à une réévaluation à la hausse du montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements.

L’ouverture de crédits en loi de règlement demeure peu fréquente et porte régulièrement sur des crédits évaluatifs :

– le projet de loi de règlement pour 2022 a proposé l’ouverture de 209,1 millions d’euros d’AE et de 183,1 millions de CP de crédits complémentaires sur la mission Engagements financiers de l’État ;

– le projet de loi de règlement pour 2021 a proposé l’ouverture de 600,2 millions d’euros d’AE et de 600,6 millions de CP de crédits complémentaires au titre de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux et de la charge de la dette de l’État.

En ce qui concerne les exercices antérieurs, la dernière loi de règlement ayant procédé à l’ouverture de crédits est celle relative à 2016, sur la mission Engagements financiers de l’État.

  1.   Les annulations portant sur le budget gÉNÉral

La loi d’approbation des comptes procède à des ajustements de crédits sur le budget de l’État. Le tableau ci-dessous permet de comparer les taux d’annulation de crédits au regard de la consommation sur le budget général, hors Remboursements et dégrèvements.

Taux d’annulation des crÉdits en loi de règlement

(en milliards d’euros, hors Remboursements et dégrèvements)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

AE consommées

336 260

331 106

345 623

396 697

600 274

645 224

453 461

Annulations d’AE en loi de règlement

4 198

6 615

4 168

5 815

5 682

7 802

9 675

Taux d’annulation des AE

1,2 %

2,0 %

1,2 %

1,5 %

0,9 %

1,2 %

2,1 %

CP consommés

326 775

329 722

336 069

389 678

426 732

445 672

454 565

Annulations de CP en loi de règlement

668

877

935

911

1 704

6 026

4 460

Taux d’annulation des CP

0,2 %

0,3 %

0,3 %

0,2 %

0,4 %

1,4 %

1.0 %

Source : lois de règlement des années 2017 à 2022 et présent projet de loi.

● Le présent projet de loi prévoit l’annulation de 9,7 milliards d’euros en AE et 4,5 milliards d’euros en CP (hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État). Les missions les plus concernées par ces annulations sont retracées dans le tableau suivant.

 


Missions concernées par les annulations PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

(en millions d’euros)

Missions

Annulations

Consommation

Part

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l’État

74

73

3 157

3 114

2,4 %

2,3 %

Administration générale et territoriale de l’État

240

122

4 677

4 613

5,1 %

2,6 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

129

98

4 697

4 709

2,8 %

2,1 %

Aide publique au développement

598

191

6 842

5 577

8,7 %

3,4 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2

1

1 939

1 948

0,1 %

0,0 %

Cohésion des territoires

76

71

18 834

18 511

0,4 %

0,4 %

Conseil et contrôle de l’État

20

21

806

793

2,4 %

2,7 %

Crédits non répartis

393

244

0

0

s.o

s.o

Culture

39

11

3 856

3 866

1,0 %

0,3 %

Défense

2 425

372

61 161

54 813

4,0 %

0,7 %

Direction de l’action du Gouvernement

35

29

863

895

4,1 %

3,2 %

Écologie, développement et mobilité durables

562

195

41 317

40 285

1,4 %

0,5 %

Économie

532

496

4 632

5 056

11,5 %

9,8 %

Engagements financiers de l’État

1 250

1 238

55 612

62 377

2,2 %

2,0 %

Enseignement scolaire

500

465

81 993

82 028

0,6 %

0,6 %

Gestion des finances publiques

59

45

10 680

10 449

0,6 %

0,4 %

Immigration, asile et intégration

4

12

2 790

2 268

0,1 %

0,5 %

Investir pour la France de 2030

0

0

6 790

5 994

0,0 %

0,0 %

Justice

191

97

11 825

11 312

1,6 %

0,9 %

Médias, livre et industries culturelles

2

3

732

726

0,3 %

0,4 %

Outre-mer

95

18

3 140

2 980

3,0 %

0,6 %

Plan de relance

42

18

4 126

235,6%

0,0%

Pouvoirs publics

 

 

1 077

1 077

0,0 %

0,0 %

Recherche et enseignement supérieur

122

39

30 573

31 071

0,4 %

0,1 %

Régimes sociaux et de retraite

16

16

5 932

5 932

0,3 %

0,3 %

Relations avec les collectivités territoriales

134

28

4 483

4 432

3,0 %

0,6 %

Remboursements et dégrèvements

2 220

2 222

142 446

142 445

1,6 %

1,6 %

Santé

6

2

3 608

3 609

0,2 %

0,0 %

Sécurités

266

97

24 171

23 243

1,1 %

0,4 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

25

67

29 918

29 991

0,1 %

0,2 %

Sport, jeunesse et vie associative

41

31

1 593

1 723

2,6 %

1,8 %

Transformation et fonction publiques

18

146

775

985

2,4 %

14,8 %

Travail et emploi

1 774

235

19 847

20 940

8,9 %

1,1 %

Total

11 894

6 683

590 784

591 887

2,0 %

1,1 %

Total hors R&D d’impôts d’État

9 674

4 461

448 338

449 442

2,2 %

1,0 %

Source : présent projet de loi

 


Les montants totaux d’annulations en AE et en CP hors mission Remboursements et dégrèvements s’établissent tous deux à des niveaux particulièrement élevés et portent sur les crédits qui n’auront été ni consommés en cours d’année ni reportés sur l’exercice suivant.

Annulations d’autorisations d’engagement en loi de rÈglement

(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)

Source : projets de loi de règlement et présent projet de loi

Annulations de crÉdits de paiement en loi de rÈglement

(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)

 

Source : projets de loi de règlement et présent projet de loi

  1.   Les mouvements de crÉdits relatifs aux budgets annexes et comptes spÉciaux

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2023 et procèdent aux ajustements nécessaires.

MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX

(en millions d’euros)

Budget ou compte

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertures
en PLR

Annulations d’autorisations non engagées et non reportées

Ouvertures
en PLR

Annulations de crédits non consommés et non reportés

Budgets annexes

34

48

Comptes d’affectation spéciale

3 958

3 945

Comptes de concours financiers

4 196

3 717

Source : présent projet de loi.

Les annulations de crédits proposées sur les comptes d’affectation spéciale portent à hauteur de 3,9 milliards d’euros sur le programme Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État du compte Participations financières de l’État en raison d’opérations qui n’ont pas été réalisées par l’Agence des participations de l’État (APE).

Les annulations réalisées sur les comptes de concours financiers à hauteur de 3,7 milliards d’euros se répartissent principalement entre les comptes :

– Avances aux collectivités territoriales (2,1 milliards d’euros) ;

Prêts à des États étrangers (0,9 milliard d’euros) ;

Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics (1,2 milliard d’euros).

 

 

 


   Fiche 5 : la dette de l’État

L’encours de la dette de l’État s’est élevé à 2 430 milliards d’euros en valeur actualisée ([61]) au terme de l’année 2023, après 2 278 milliards d’euros à la fin de l’année 2022, soit une augmentation de 152 milliards d’euros (I). Après des augmentations exceptionnelles de 9,8 % en 2020 et 7,2 % en 2021, le rythme de progression de l’encours de dette de l’État, bien que toujours élevé, est en décélération, en s’élevant à 6,2 % en 2022 et à 6,7 % en 2023.

Après une première hausse de 2 milliards d’euros en 2021, puis de 12,9 milliards d’euros en 2022, ayant mis fin à plusieurs années de diminution, la charge d’intérêts de la dette et le coût de la trésorerie de l’État augmentent de 3,2 milliards d’euros en 2023 pour s’établir à 53,9 milliards d’euros (II). Contrairement à l’année 2022 durant laquelle la hausse de la charge de la dette était principalement la conséquence de l’inflation soutenue (+ 5,2 % pour l’indice des prix à la consommation en France), le facteur déterminant en 2023 est la progression du volume et du taux de la dette de court terme contractée par la France.

I.   l’endettement de l’État continue de progresser À un rythme Soutenu

L’encours de dette négociable de l’État progresse plus fortement qu’en 2022 (+ 152 milliards d’euros d’une année sur l’autre) et s’établit à 2 430 milliards d’euros au 31 décembre 2023 (A). Cette progression est liée à l’augmentation du besoin de financement, qui atteint 314,6 milliards d’euros en 2023 contre 280 milliards d’euros en 2022 et qui est à mettre en regard du déficit élevé enregistré en 2023 (B). Ce besoin de financement est couvert principalement par de l’endettement à moyen et long terme à hauteur de 270 milliards d’euros mais l’exécution 2023 se caractérise par une progression des émissions de la dette à court terme.

A.   Un encours de la dette de l’État proche de 2 430 milliards d’euros

L’encours de dette négociable de l’État ([62]) s’établit à 2 430 milliards d’euros au 31 décembre 2023, en progression de 152 milliards d’euros d’une année sur l’autre.

Si le rythme d’augmentation en valeur de la dette de l’État a été relativement homogène pour la période 2017-2019 (+ 4 % en moyenne par an), les années 2020 et 2021 ont marqué une rupture de tendance avec des augmentations successives de 9,8 % et 7,2 % de l’encours de dette. Le rythme de croissance du niveau d’endettement demeure élevé en 2022 et 2023 (+ 6,2 % et + 6,7 %).

Évolution de l’encours de la dette nÉgociable de l’État

(en valeur actualisée, en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État, annexés aux projets de lois de règlement.

● La dette de l’État et des organismes d’administration centrale représente plus de 80 % de l’ensemble de la dette publique en 2023. En effet, d’après l’INSEE, la dette des administrations publiques au sens de Maastricht augmente de 147,6 milliards d’euros en 2023 pour s’établir à 3 101,2 milliards d’euros. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette publique diminue, à 110,6 % après 111,9 % fin 2022. Elle se répartit entre l’État et les organismes divers d’administration centrale à hauteur de 2 587,2 milliards d’euros, les administrations publiques locales pour 250,4 milliards d’euros et les administrations de sécurité sociale pour un montant de 263,7 milliards d’euros.


Évolution de la dette des administrations publiques au sens de Maastricht

(en milliards d’euros)

 

2021

2022

2023

Dette de l’État et des organismes divers d’administration centrale

2 303,9

2 438,3

2 587,2

Dette des administrations publiques locales

245,2

244,6

250,4

Dette des administrations de sécurité sociale

274,6

270,8

263,7

Total : dette des administrations publiques

2 823,7

2 953,6

3 101,2

Ratio de dette publique en point de PIB

112,9 %

111,8 %

110,6 %

Source : INSEE, Comptes nationaux des administrations publiques, année 2023 (lien).

B.   Le besoin de financement atteint un point haut historique

Le besoin de financement de l’État pour l’année 2023 s’est établi à un niveau supérieur à celui de 2020. Il atteint 314,6 milliards d’euros en 2023 contre 280 milliards d’euros en 2022. À titre de comparaison, ce besoin de financement s’était établi à 246 milliards d’euros lors de la crise de 2009. Entre 2011 et 2019, il avait assez peu varié, s’établissant à 191 milliards d’euros en moyenne sur la période, puis a atteint 309,5 milliards en 2020.

Niveau du besoin de financement de l’État

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État.


En 2023, le besoin de financement résulte principalement :

– d’un déficit de l’État de 173,3 milliards d’euros, supérieur de 21,9 milliards d’euros à celui de 2022, après une diminution de 19,7 milliards d’euros entre 2022 et 2021 ;

– de l’amortissement des titres de moyen et long terme qui s’établit à 149,6 milliards d’euros, en progression de 3,9 milliards d’euros par rapport à 2022 après une augmentation de 27,4 milliards d’euros cette année-là par rapport à 2021.

Le besoin de financement en 2023 est supérieur de 9,7 milliards d’euros par rapport à la prévision en LFI pour 2023, essentiellement en raison d’un déficit plus élevé que projeté.

Le besoin de financement de l’État

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2020

Exécution 2021

Exécution 2022

LFI 2023

Exécution 2023

Écart exécution 2023/2022

Écart Exécution / LFI

Besoin de financement

309,5

285,3

280,0

304,9

314,6

+ 34,6

+ 9,7

Amortissement de titres d’État à moyen et long terme

136,1

118,3

145,7

149,5

149,6

+ 3,9

+ 0,1

Amortissement des dettes reprises par l’État

2,2

1,3

3,0

3,1

3,0

+ 0,0

– 0,1

Déficit à financer

178,1

170,7

151,5

164,9

173,3

+ 21,8

+ 8,4

Autres besoins de financement

– 6,9

– 5,0

– 20,2

– 12,6

– 11,3

+ 8,9

+ 1,3

Ressources de financement

309,5

285,3

280,0

304,9

314,6

+ 34,6

+ 9,7

Émissions à moyen et long terme (OAT et BTAN) nettes des rachats

260,0

260,0

260,0

270,0

270,0

+ 10,0

+ 0,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

1,9

6,6

6,6

+ 4,7

+ 0,0

Variation des BTF (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

54,7

– 6,2

– 6,9

3,3

20,8

+ 27,7

+ 17,5

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

27,8

18,7

1,2

0,0

– 11,5

– 12,7

– 11,5

Variation des disponibilités (+ si diminution ; – sinon)

– 63,4

– 4,4

35,2

24,5

47,6

+ 12,4

+ 23,1

Autres ressources de trésorerie

30,4

17,2

– 11,4

0,5

– 18,8

– 7,4

– 19,3

Source : rapport annuel de performances Engagements financiers de l’État pour les années 2020 à 2023 et présent projet de loi.


C.   Les ressources de financement de l’État

Le besoin de financement de 314,6 milliards d’euros a été couvert par plusieurs instruments.

En premier lieu, les émissions nettes de dette à moyen et long termes ont permis de lever 270 milliards d’euros, soit un volume conforme à la prévision initiale.

Par ailleurs, contrairement aux années précédentes, l’AFT a procédé à une augmentation des émissions de la dette de court terme en 2023 (bons du Trésor à taux fixes et intérêts précomptés – BTF ; + 20,8 milliards d’euros) pour répondre à la progression du besoin de financement en cours d’année dans un contexte de moindres rentrées fiscales.

En parallèle, 47,6 milliards d’euros de trésorerie sur le compte du Trésor tenu par la Banque de France ont été utilisés, réduisant d’autant les disponibilités sur ce compte.

En dernier lieu, le montant des primes nettes des décotes à l’émission s’est établi à – 18,8 milliards d’euros, en baisse de – 7,4 milliards d’euros par rapport à 2022. Pour la deuxième année consécutive, le montant des décotes a dépassé celui des primes à l’émission, ce qui n’avait pas été observé depuis 2008. Ce fort repli s’explique essentiellement par la hausse des taux d’intérêts constatée en 2023, alors que certaines souches anciennes conservent des taux de coupon très faibles.

Les primes et décotes à l’émission

Les émissions de titres donnent lieu à des primes (ou décotes), lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux de marché. Ainsi, si le taux facial est supérieur au taux de marché à l’émission du titre, les souscripteurs paient à l’émission un prix d’achat supérieur à la somme qui sera remboursée à l’échéance : une prime à l’émission est alors enregistrée. Dans la situation contraire, une décote à l’émission est enregistrée.

Cette situation résulte en premier lieu de l’émission de titres sur des souches dites anciennes. Si celles-ci étaient porteuses en 2021 de taux supérieurs aux taux de marché restés à des niveaux historiquement bas, cette tendance s’est inversée en 2022, de sorte que des décotes nettes ont été enregistrées à l’émission de titres sur souches anciennes.

L’émission de titres à partir de souches anciennes reflète la méthode d’émission ayant recours à la technique d’assimilation, qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette à plusieurs reprises pour améliorer la liquidité de la dette en répondant aux attentes de taux et de maturité des investisseurs.

D’un point de vue de coût actuariel, il est équivalent d’émettre un titre au taux du marché et d’émettre un titre à partir d’une souche ancienne à un taux différent de celui de marché avec une prime ou une décote à l’émission.

II.   Une charge de la dette en forte augmentation

En 2023, la charge de la dette de l’État s’est établie à 53,9 milliards d’euros, à un niveau supérieur de 3,2 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2022.

La charge de la dette et de la trésorerie de l’État est constituée d’intérêts, à hauteur de 41,5 milliards d’euros et de la provision pour charge d’indexation du capital des titres indexés (15,8 milliards d’euros) ([63]), dont sont déduites des recettes de trésorerie pour 3 milliards d’euros.

La France continue à bénéficier de bonnes conditions de financement en 2023 malgré la hausse une hausse des taux d’intérêts supérieure à celle envisagée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2023 (voir tableau ci‑dessous). Les émissions à moyen et long termes ont été réalisées à des taux supérieurs à ceux des années précédentes.

Taux d’emprunt moyen par annÉe de l’État depuis 2020

 

2020

2021

2022

PLF 2023*

2023

Court terme

– 0,56 %

– 0,67 %

+ 0,19 %

+ 1,7 %

+ 3,33 %

Long terme

– 0,13 %

– 0,05 %

+ 1,43 %

+ 2,6 %

+ 3,03 %

* Hypothèses retenues à l’occasion du projet de loi de finances pour 2023.

Source : Agence France Trésor

La charge de la dette négociable (OAT et BTF, hors trésorerie et charges de reprises et de gestion) s’établit à 54,4 milliards d’euros en 2023. Sa hausse par rapport à 2022 (+ 4,9 milliards d’euros) résulte des facteurs suivants :

– une diminution de – 0,5 milliard d’euros de la charge de la dette de long terme d’une année sur l’autre liée à un effet de taux favorable. Cet effet taux favorable est lié au remplacement de titres amortis en 2022 par des titres ayant des taux de coupons moyens en 2022 moins élevés ;

– une augmentation de la provision pour indexation du capital des titres indexés avec un effet défavorable de 0,3 milliard d’euros ;

– une augmentation de la charge d’intérêt de la dette de court terme de 5,2 milliards d’euros résultant d’une hausse des taux des BTF qui ont atteint 3,33 % en moyenne en 2023 contre 0,19 % en moyenne en 2022.

Évolution de la charge de la dette et de la trÉsorerie de l’État

(en milliards d’euros)

 

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

 

 

 


   fiche 6 : la comptabilitÉ gÉnÉrale de l’État

Le projet de loi de relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLR 2023) est accompagné du compte général de l’État prévu au 7 °de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances ([64]) (LOLF). Le compte général de l’État comporte un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Il se rapproche en cela de la comptabilité d’une entreprise et ne s’en distingue qu’à raison des spécificités de l’action de l’État.

L’article 3 du PLR 2023 a pour objet, conformément au III de l’article 37 de la LOLF, d’approuver le compte de résultat de l’exercice 2023, d’affecter ce résultat comptable au bilan, d’arrêter le bilan, puis d’approuver l’annexe du compte général de l’État.

La comptabilité générale permet de rendre compte des résultats de l’exercice (I) et de l’ensemble de la situation financière et patrimoniale de l’État (II). Si le résultat patrimonial de 2023 se révèle meilleur que celui de 2022, en s’établissant à – 124,9 milliards d’euros, contre – 158 milliards d’euros l’année précédente, la situation nette patrimoniale de l’État se dégrade, du fait d’une détérioration de son passif plus rapide que la hausse de son actif. La situation nette de l’État s’établit ainsi à – 1 875,1 milliards d’euros à la fin de l’année 2023, contre – 1 757,9 milliards d’euros à la fin de l’année 2022.

La comptabilité générale a aussi pour fonction de retracer les engagements hors bilan de l’État, notamment ceux résultant des engagements de retraite et des garanties octroyées à des entités publiques ou privées. Les engagements hors bilan sont ainsi en hausse en 2023 par rapport à 2022 et ont atteint 4 110,5 milliards d’euros fin 2023 (III).

Afin de s’assurer de la fiabilité des informations comptables, le législateur organique, au 5° de l’article 58 de la LOLF, a confié à la Cour des comptes la mission de certifier les comptes de l’État (IV). La Cour a ainsi certifié que le compte général de l’État pour 2023 était régulier et sincère, tout en relevant cinq « anomalies significatives », ainsi que l’« absence d’éléments probants suffisants » sur onze postes des états financiers.

I.   Le compte de rÉsultat de l’État : Un rÉsulTat patrimonial qui s’améliore par rapport à 2022

Le résultat patrimonial de 2023 s’établit à – 124,9 milliards d’euros, soit une amélioration de 33 milliards d’euros par rapport à 2022. Le résultat patrimonial s’éloigne ainsi des niveaux historiquement bas atteints en 2020 (– 165,7 milliards d’euros) et atteint son meilleur niveau depuis la crise sanitaire.

Cette amélioration résulte d’une baisse significative des charges nettes (– 34,1 milliards d’euros) plus forte que le léger reflux des produits régaliens nets (– 1 milliard d’euros).

évolution de la FORMATION du rÉsultat de l’État entre 2020 et 2023

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2020

Exercice 2021

Exercice 2022

Exercice 2023

 

 

 

 

Cycle

de fonctionnement

Charges (a)

269,9

284,1

305,5

305,4

Produits (b)

78,4

77,4

79,5

87,7

Charges nettes (I = a-b)

191,5

206,7

225,9

217,7

 

 

 

 

Cycle

d’intervention

Charges (a)

274,2

269,7

254,2

270,9

Produits (b)

50,9

71,0

56,5

77,4

Charges nettes (II = a-b)

223,3

198,7

197,7

193,5

 

 

 

 

Cycle

financier

Charges (a)

71,2

50,1

77,5

60,4

Produits (b)

29,5

24,1

26,3

30,8

Charges nettes (III = a-b)

41,7

25,9

51,2

29,6

 

 

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

456,4

431,3

474,9

440,8

 

 

 

 

Produits régaliens nets (B)

290,7

290,5

316,9

315,9

 

 

 

 

Résultat (B-A)

 165,7

 140,8

 158,0

–124,9

N.B. : En raison d’effets d’arrondi, le résultat d’une somme peut différer de l’addition des termes.

Source : PLR 2021, 2022 et 2023.

A.   Une baisse significative des charges nettes

1.   Le cycle financier

La charge financière nette se réduit de 21,6 milliards d’euros par rapport à 2022 – faisant du cycle financier celui dont les charges nettes diminuent le plus fortement – et s’établit à 29,6 milliards d’euros.

La réduction de cette charge financière nette, qui comprend essentiellement le paiement des intérêts de la dette, s’explique ainsi en grande partie par la baisse de la charge nette de la dette négociable de 6,5 milliards d’euros. Ce poste, qui représente le coût de la dette contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés, bénéficie du ralentissement de l’inflation et donc d’une baisse de 14,5 milliards d’euros de la charge nette d’indexation. Ce reflux de la charge financière est renforcé par une baisse de 10 milliards d’euros du montant des autres charges financières à la suite de l’opération de reprise de la dette de SNCF Réseau.

2.   Le cycle de fonctionnement

Les charges de fonctionnement nettes([65]) décroissent de 8,2 milliards d’euros en 2023 pour s’établir à 217,7 milliards d’euros.

Ce changement résulte en premier lieu de la baisse des provisions pour risques nettes des reprises (– 15,5 milliards d’euros), poste correspondant aux risques de litiges dont l’issue pourrait être défavorable à l’État. Cette moindre augmentation du risque indemnitaire encouru par l’État est toutefois atténuée par une hausse notable des charges de personnel, à hauteur de 6,7 milliards d’euros, en conséquence des mesures prises afin de protéger le pouvoir d’achat des agents publics face à l’inflation.

3.   Le cycle d’intervention

Les charges nettes d’intervention ([66]) diminuent de 4,3 milliards d’euros en 2023 et s’élèvent à 193,5 milliards d’euros.

Cette évolution s’explique avant tout par une forte hausse des produits d’intervention, qui, en tant que recettes en provenance de l’Union européenne, sont déduits des charges brutes. Ces fonds, liés aux aides versées par l’Union européenne au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et au plan RepowerEU, augmentent de près de 12,2 milliards d’euros par rapport à 2022.

B.   un maintien des produits régaliens nets

Les produits régaliens nets sont la somme des produits fiscaux nets et des amendes et pénalités, déduction faite des ressources propres du budget de l’Union européenne. Ils s’élèvent à 315,9 milliards d’euros en 2023, en légère baisse (– 1 milliard d’euros), soit une tendance inverse à celle enregistrée en 2022.

Cette stagnation résulte en grande partie du déclin des produits fiscaux nets (–1,9 milliard d’euros) par rapport à 2022, sous les effets conjoints de :

– la diminution (– 4 milliards d’euros) des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du fait du dynamisme des demandes de remboursement de crédits par les entreprises (+ 5,1 milliards d’euros) ;

– la baisse des produits de l’impôt sur les sociétés (– 3,5 milliards d’euros) liée au recul du bénéfice fiscal des entreprises en 2022 par rapport à 2021 ;

– le recul des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (– 1,4 milliard d’euros), suite à la hausse des transferts à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Cette diminution des produits fiscaux nets est partiellement atténuée par la hausse du produit brut des droits de mutation à titre gratuit (+ 2,5 milliards d’euros).

Les produits rÉgaliens nets

(en milliards d’euros)

Catégorie de produits

2020

2021

2022

2023

Produits fiscaux nets

305,8

306,2

330,7

328,8

Amendes, prélèvements divers et autres pénalités

9,0

10,6

10,4

11,0

Ressources propres du budget de l’Union européenne

– 23,7

– 26,4

– 24,2

– 23,9

Total

291,1

290,4

316,9

315,9

Source : loi de règlement pour 2020, PLR 2021, 2022 et 2023.

II.   Le bilan de l’État : la poursuite de la dÉgradation de la situation nette patrimoniale

La situation nette patrimoniale est égale à la différence entre l’actif de l’État, évalué à 1 294,5 milliards d’euros, et son passif, évalué à 3 169,6 milliards d’euros au 31 décembre 2023.

Cette situation nette est donc négative à hauteur de 1 875,1 milliards d’euros au 31 décembre 2023, contre 1 757,9 milliards d’euros à la fin de l’année 2022.

Cette dégradation d’un montant de 117,1 milliards d’euros (après une dégradation de 96,7 milliards d’euros en 2022) s’explique par une détérioration du passif de l’État (+ 128,9 milliards d’euros au total) plus rapide que la hausse de l’actif de l’État (+ 11,8 milliards d’euros).

Pour la troisième année consécutive, le passif de l’État connaît une augmentation significative, quoique moindre qu’en 2021 et 2022. Cette progression s’explique principalement par la hausse des dettes financières contractées (+ 149 milliards d’euros), les dettes non financières étant quant à elles en légère diminution par rapport à 2022 (– 13,6 milliards d’euros), principalement sous l’effet de la forte baisse des primes constatées sur les émissions d’obligations assimilables du Trésor (OAT). Les provisions pour risques et charges, pour leur part, augmentent de 8,4 milliards d’euros, principalement au titre des boucliers tarifaires gaz et électricité (+ 16,3 milliards d’euros).

L’actif de l’État a continué sa progression (+ 11,8 milliards d’euros), mais à un rythme nettement moins soutenu qu’en 2022 (+ 61,8 milliards d’euros). Cette croissance résulte de la hausse des charges constatées d’avance (+ 35,4 milliards d’euros) et de celle des actifs immobilisés (+ 24,9 milliards d’euros). La diminution de la trésorerie active (– 46,7 milliards d’euros) participe du ralentissement de la croissance de l’actif en comparaison de 2022.

Il convient toutefois de rappeler que la situation nette de l’État n’est pas comparable à celle d’une entreprise, puisqu’il ne dispose pas, à l’actif, d’un capital social ou équivalent. En outre, l’État dispose d’un actif incorporel particulier, qui n’est pas valorisé dans ses comptes : sa souveraineté et sa capacité à lever l’impôt. Enfin, il comptabilise des charges qui pourraient être considérées comme des investissements pour la collectivité, comme les dépenses de recherche et d’enseignement supérieur.

Source : rapport de présentation du compte général de l’État annexé au PLR 2023.

  1.   Un actif en progression

Au 31 décembre 2023, l’actif de l’État avoisinait les 1 300 milliards d’euros, alors qu’il était évalué à un montant d’environ 500 milliards d’euros dans la première édition de la comptabilité générale en 2006. Entre-temps, la connaissance du patrimoine de l’État a été améliorée et enrichie, notamment par la valorisation des infrastructures. Comme pour un bilan d’entreprise, l’actif de l’État est ventilé en immobilisations, actif circulant (stocks et créances) et trésorerie.

Actif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie d’actifs nets

2022 retraité*

2023

Immobilisations

1 029,6

1 054,5

Actif circulant (hors trésorerie) :

stocks, créances et charges constatées d’avances.

170,6

204,3

Trésorerie active

81,6

34,9

Compte de régularisation

0,9

0,8

Total

1 282,7

1 294,5

* : les retraitements, qui peuvent procéder de changements de méthodes comptables ou consister en des corrections d’erreurs intervenues en 2023 sur les états financiers de l’exercice 2022, sont présentés par la note 2 du compte général de l’État.

N.B. : En raison d’effets d’arrondi, le résultat d’une somme peut différer de l’addition des termes.

Source : PLR 2023.

1.   Des immobilisations en hausse

Les immobilisations de l’État sont évaluées à la clôture de l’exercice 2023 à 1 054,5 milliards d’euros, au lieu de 1 029,6 milliards d’euros au terme de 2022. À elles seules, elles constituent un peu plus de 80 % de l’actif de l’État.

Cette hausse de 24,9 milliards d’euros s’explique principalement par :

– l’augmentation de la valeur nette des immobilisations corporelles ([67]) (+ 9,6 milliards d’euros), principalement due à la hausse (+ 4,1 milliards d’euros) du volume des immobilisations corporelles en cours (notamment matériel militaire et constructions), à l’accroissement de la valeur brute des matériels militaires (+ 2,7 milliards d’euros) et aux mises en service à hauteur de 1,4 milliard d’euros des actifs concédés autoroutiers.

– l’augmentation des immobilisations financières ([68]) de 12,1 milliards d’euros. Cette progression résulte essentiellement de la poursuite de la politique de rachat des titres d’EDF (+ 5,1 milliards d’euros d’actions et + 3,9 milliards d’euros de reprise de dotations en titres) dont l’État est désormais l’unique actionnaire, mais aussi des politiques de participation de l’État dans d’autres entreprises comme Thalès (+ 7,7 milliards d’euros de reprise de dotations en titres), après leur sortie du Fonds pour l’innovation en l’industrie (FII).

2.   Un actif circulant en augmentation

L’actif circulant hors trésorerie ([69]) est évalué à 204,3 milliards d’euros au 31 décembre 2023, soit une progression de 33,6 milliards d’euros par rapport à la fin de l’année 2022. Cette hausse est principalement due à la forte décote sur les émissions d’OAT, qui représente une augmentation de 19,1 milliards d’euros à l’actif en charges constatées. Les opérations enregistrées au titre des charges de service public de l’énergie et des boucliers tarifaires contribuent pour leur part à hauteur de 12,7 milliards d’euros à cette hausse.

3.   Une forte baisse du niveau de trésorerie active

La trésorerie active ([70]) au 31 décembre 2023 s’élève à 34,9 milliards d’euros, en forte diminution par rapport à 2022 ( 46,7 milliards d’euros). Cela s’explique par la forte contribution du Trésor aux efforts de financement dans le but de limiter le recours à l’émission de titres. Ces opérations dégradent la position du compte courant du Trésor à la Banque de France et donc la quantité de disponibilités mobilisables à court terme.

B.   la dÉgradation du passif

évolution du Passif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie de passif

2022 retraité

2023

Dettes financières

2 327,8

2 476,8

Dettes non financières

296,7

283,2

Provisions pour risques et charges

176,4

184,8

Trésorerie passive

176,1

164,6

Autres (régularisation et autres passifs)

63,6

60,1

Total

3 040,6

3 169,6

N.B. : En raison d’effets d’arrondi, le résultat d’une somme peut différer de l’addition des termes.

Source : PLR 2023.

1.   Une croissance des dettes financières qui ralentit

Le passif de l’État, constitué de dettes financières à près de 78 %, augmente de 128,9 milliards d’euros en 2023, à un rythme (+ 4,2 %) toutefois plus faible que celui observé en 2022 (+ 5,5 %).

Le niveau des dettes financières ([71]) s’établit à 2 476,5 milliards d’euros au 31 décembre 2023, en hausse de 149 milliards d’euros par rapport à 2022.

Cette progression s’explique principalement par l’augmentation des titres négociables à moyen et long terme (+ 125,5 milliards d’euros) et des intérêts courus et assimilés (+ 7,4 milliards d’euros).

Situation nette et poids de la dette financière de l’État depuis 2013


(en milliards d’euros)

Source : exposé général des motifs du PLR 2023.

2.   Des dettes non financières en recul

Les dettes non financières ([72]) s’élèvent à 283,2 milliards d’euros au 31 décembre 2023, en baisse de 13,6 milliards d’euros par rapport à leur montant du 31 décembre 2022. Cette évolution est le solde de plusieurs effets, en particulier :

– le recul des produits constatés d’avance (– 11,2 milliards d’euros) lié à la baisse des primes d’émission sur les nouvelles émissions d’OAT ;

– le maintien du niveau des dettes d’intervention (– 13 millions d’euros) ;

– la baisse modérée des autres dettes non financières (– 5,9 milliards d’euros) ;

– la légère hausse des dettes de fonctionnement (+ 2 milliards d’euros).

3.   Une hausse modérée des provisions pour risques et charges

Les provisions pour risques et charges ([73]) augmentent de 8,4 milliards d’euros par rapport à 2022, pour s’établir à 184,8 milliards d’euros. Cette croissance est plus modérée qu’en 2022, où les provisions avaient augmenté de près de 16 milliards d’euros. Cette progression s’explique notamment par la hausse de la provision au titre des boucliers tarifaires gaz et électricité, à hauteur de 16,3 milliards d’euros.

4.   Une trésorerie passive en recul

La trésorerie passive correspond aux dépôts des correspondants du Trésor et assimilés, c’est-à-dire des organismes tenus de déposer leurs fonds auprès de l’État ou autorisés à le faire. Elle est de 164,6 milliards d’euros au 31 décembre 2023, en diminution de 11,5 milliards d’euros par rapport à 2022.

III.   Les engagements hors bilan

Les engagements hors bilan de l’État sont constitués de l’ensemble des obligations potentielles qui, sans réunir les critères d’inscription au bilan ou au compte de résultat, s’imposent à l’État et sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur sa situation financière.

Ils s’élèvent à environ 4 110,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2023 et se divisent en trois grandes catégories traitées par ordre d’importance ci-après.


Source : rapport de présentation du compte général de l’État annexé au PLR 2023.

  1.   une hausse Des engagements hors bilan relatifs aux retraites

Les engagements hors bilan relatifs aux retraites (1 841 milliards d’euros) sont en hausse de 157 milliards d’euros par rapport à 2022. Leur évaluation est en effet très sensible au taux d’actualisation retenu – qui correspond à la valeur des OAT indexées sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i) de long terme – pour évaluer le besoin de financement pluriannuel au titre des régimes de retraite entrant dans ce périmètre. L’augmentation de la valeur des engagements est liée à la forte baisse de ce taux d’actualisation entre 2022 et 2023.

  1.   Une augmentation des engagements pris dans le cadre d’accords bien dÉfinis

Les engagements pris dans le cadre d’accords bien définis ([74]) s’élèvent à 1 590,9 milliards d’euros, soit une hausse de 47,6 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2022.

Ces évolutions recoupent les dynamiques de quatre postes, qui par ordre de volume sont :

– la diminution de la dette garantie par l’État, du fait du moindre volume d’émissions de prêts garantis par l’État ;

– la hausse des garanties liées à des missions d’intérêt général (782,2 milliards d’euros), c’est-à-dire les montants alloués à la protection des épargnants, qui ont augmenté de 85,7 milliards d’euros du fait des comportements d’épargne de précaution mais aussi du succès des livrets réglementés par rapport aux autres produits d’épargne ;

– la légère baisse (– 1,4 milliard d’euros) des garanties de passif – garantie accordée par l’État dans le cadre d’opérations de cession ou de restructurations d’entreprises publiques – qui s’élèvent à 28,2 milliards d’euros en 2023 ;

– la faible diminution (– 14,1 milliards d’euros) des engagements financiers de l’État (par exemple, la contribution au Mécanisme européen de stabilité ou aux ressources propres de l’Union européenne).

  1.   un accroissement des engagements de la mission de régulateur économique et social de l’État

Enfin, les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l’État ([75]) augmentent de 52,2 milliards d’euros par rapport à 2022, pour atteindre 678,8 milliards d’euros. Cette hausse est due aux augmentations des engagements de l’État à plusieurs postes, notamment au titre :

– des régimes sociaux et de retraites (+ 28,6 milliards) en particulier ceux de la SNCF et de la RATP ; ces engagements se sont élevés à 262,2 milliards d’euros en 2023 ;

– du programme Handicap et dépendance (+ 20,0 milliards d’euros) ; ces engagements ont ainsi atteint 108,5 milliards d’euros ;

– du service public de l’énergie (+ 14,2 milliards d’euros), en particulier en faveur des producteurs d’énergies renouvelables ; ces engagements se sont établis à 155,6 milliards d’euros.

IV.   la Certification des comptes

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 47-2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères » et qu’« ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Le troisième alinéa de l’article 27 de la LOLF prévoit que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

Le législateur organique a ainsi confié à la Cour des comptes la mission de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, les comptes de l’État ont été systématiquement certifiés, même si cette certification a toujours été assortie de réserves. Les premières années ont été marquées par des progrès significatifs, ce qui a permis, en dix ans, la levée de quatorze réserves.

À partir de 2015, les comptes de l’État ont été certifiés réguliers et sincères, sous quatre réserves substantielles invariantes :

– les limites générales dans l’étendue des vérifications ;

– les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ;

– les anomalies relatives aux immobilisations financières ;

– les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens.

Dans un effort de lisibilité, la Cour des comptes a choisi, à partir de la certification des comptes de 2021, de modifier la présentation de son rapport. Ainsi, elle a reclassé les vingt-deux constats d’audits, regroupés en quatre réserves en 2020, en observations, au sein desquelles sont distinguées, d’une part les « anomalies significatives » et, d’autre part, les « insuffisances d’éléments probants ».

Ainsi, la Cour a émis une opinion « avec réserves » sur le compte général de l’État et relève cinq anomalies significatives, soit une de plus qu’en 2022 :

– la surévaluation des matériels militaires ;

– la surévaluation de la participation de l’État dans EDF ;

– la sous-évaluation de la participation de l’État dans la Caisse des dépôts et consignations et la classification, à tort, du Fonds d’épargne parmi les participations financières de l’État ;

– l’absence de mention de certains engagements hors bilan pris par l’État actionnaire, notamment celui de garantir la dette de Bpifrance ;

– l’engagement pris par l’État au titre du remboursement de l’emprunt émis par l’Union européenne pour financer le plan de relance européen qui ne figure pas dans la liste des engagements donnés.

Les quatre premières observations sont reconduites de l’acte de certification des comptes de l’État pour l’année 2022. Une cinquième anomalie s’y ajoute, qui concerne la comptabilisation du remboursement du plan de relance européen financé par l’emprunt émis par l’Union européenne.

L’absence de chiffrage de l’engagement pris au titre du plan de relance européen

« Pour financer le plan de relance européen Next Generation EU (750 milliards d’euros), la Commission européenne a été autorisée à émettre des emprunts sur les marchés de capitaux et prévoit de recourir à de nouvelles ressources pour assurer le remboursement du capital et des intérêts.

« À défaut de décision sur des ressources nouvelles d’un montant suffisant, les États membres se sont engagés à augmenter leur contribution, si nécessaire au-delà du “cadre financier pluriannuel”, pour permettre le remboursement de ces emprunts.

« Alors que l’engagement pris par la France au titre du cadre financier pluriannuel est mentionné dans le tableau des engagements donnés, celui, distinct, pris au titre du plan de relance et qui porte au maximum sur 75 milliards d’euros, ne l’est pas. »

Source : Cour des comptes, Certification des comptes de l’État, Exercice 2023

La Cour met également en évidence l’absence d’éléments probants sur onze postes des états financiers – soit deux de plus qu’en 2022 –, dont on ne peut exclure le risque qu’ils comportent des anomalies significatives :

– la valeur du patrimoine immobilier ;

– la valeur du réseau routier ;

– la valeur des actifs liés aux programmes d’armement ;

– la valeur des stocks militaires ;

– la valeur de certaines entités contrôlées par l’État ;

– la valeur des créances fiscales ;

– le provisionnement des obligations de dépollution et de désamiantage ;

– le montant des charges relatives aux boucliers tarifaires ;

– le montant des charges payées par des opérateurs pour le compte de l’État ;

– le montant des produits fiscaux ;

– le montant de l’engagement de l’État au titre des prêts garantis durant la crise sanitaire.

Par ailleurs, la Cour relève, de même qu’en 2022 et donc pour la deuxième fois depuis 2006, que les comptes de l’État sur lesquels elle rend son opinion ont été établis et arrêtés sans qu’une loi de finances ait approuvé les comptes de l’exercice précédent, conséquence du rejet des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 par le Parlement.

 

 


   Examen DES ARTICLES

L’article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 met en œuvre l’article 1er I de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([76]), lequel a été introduit par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([77]). Avant l’exercice 2023, les dispositions applicables à l’article liminaire des lois alors dites de règlement figuraient à l’article 8 de la loi du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([78]).

Outre la codification dans la LOLF de ces dispositions, la loi organique du 28 décembre 2021 a prévu un enrichissement de l’information fournie par l’article liminaire.

Article 1er I de la loi organique relative aux lois de finances

La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année à laquelle elle se rapporte :

1° Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution ;

2° Les dépenses des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimées en milliards d’euros courants, ainsi que l’évolution des dépenses publiques sur l’année, exprimée en volume ;

3° Les prélèvements obligatoires, les dépenses et l’endettement de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut.

L’article liminaire présente également, pour l’année en question, les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E.

Le cas échéant, l’écart par rapport aux prévisions de soldes de la loi de finances de l’année et de la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer, pour cette même année, dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

Ainsi, sur le modèle du tableau de synthèse figurant à l’article liminaire des projets de loi de règlement afférents aux exercices antérieurs à 2023, un tableau de synthèse retrace le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2023, les soldes prévus par la loi du 30 décembre 2022 de finances initiale (LFI) pour 2023 ([79]) et par la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 ([80]), ainsi que l’écart aux soldes prévus.

le solde des administrations publiques

(en points de PIB)

Solde

Exécution 2023

LFI 2023

LPFP 2023-2027 (année 2023)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel (en points de PIB potentiel)

– 4,6

– 4,0

0,6

– 4,1

– 0,49

Solde conjoncturel

– 0,8

– 0,8

0,0

– 0,7

– 0,10

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,1

– 0,2

0,1

– 0,1

0,02

Solde effectif

 5,5

 5,0

 0,5

 4,9

 0,57

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le solde effectif peut différer de la somme de ses composantes.

Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLR 2023).

Les différentes composantes du déficit public de 2023 sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

Aux termes de la LOLF dans sa rédaction issue de la loi organique du 28 décembre 2021 précitée, le tableau de synthèse présente également le niveau, en 2023, de :

– la dette au sens de Maastricht, exprimée en pourcentage de produit intérieur brut ;

– le taux de prélèvements obligatoires, exprimé en pourcentage de produit intérieur brut ;

– la dépense publique (hors crédits d’impôt) en pourcentage de produit intérieur brut et en valeur ;

– l’évolution de la dépense publique (hors crédits d’impôt) en pourcentage ;

– l’investissement, exprimé en valeur.

Chacune de ces données est complétée par l’indication des prévisions respectives de la loi de finances initiale pour 2023 et de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que des écarts à ces prévisions.

Dette, prélèvements obligatoires et dépense publique en 2023

(en points de PIB sauf mention contraire)

 

Exécution 2023

LFI 2023

LPFP 2023-2027 (année 2023)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Dette au sens de Maastricht

110,6

111,2

– 0,5

109,7

+ 1

Taux de prélèvements obligatoires

43,5

44,9

– 1,5

44,0

– 0,6

Dépense publique hors CI

56,7

56,9

– 0,2

55,9

+ 0,8

Dépenses publiques hors CI (en milliards d’euros)

1 589

1 572

17,0

1 575

+ 14

Évolution de la dépense publique hors CI

– 1,1

– 1,1

0,0

– 1,3

+ 0,2

Principales dépenses d’investissement
(en milliards d’euros)

25

25

0,0

25

0,0

Source : PLR 2023.

Le ratio de la dette publique, nonobstant un léger rehaussement technique de l’ordre de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB), lié au passage en base 2020 des comptes nationaux ([81]), s’établit à un niveau inférieur de 0,5 point à celui prévu par la loi de finances initiale sous l’effet de la croissance du PIB en valeur, atteignant finalement 110,6 % du PIB.

Le taux de prélèvements obligatoires atteint 43,5 %. Ce niveau en retrait de 1,5 point par rapport à la prévision de la loi de finances initiale s’explique par une croissance spontanée des recettes de 2,6 % sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur (+ 6,2 %). Cette situation procède notamment du faible dynamisme de l’impôt sur les sociétés et des recettes de taxe sur la valeur ajoutée et de la nette baisse des recettes de droits de mutation à titre onéreux.

Le ratio de dépense publique s’établit à 56,7 % du PIB, niveau proche de celui prévu par la loi de finances initiale. Si le montant des dépenses publiques est toutefois supérieur de 17 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale et de 14 milliards d’euros à l’objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques, il convient de noter que le seul passage en base 2020 des comptes nationaux ([82]) a pour conséquence de rehausser le niveau des dépenses publiques d’environ 14 milliards d’euros, notamment en raison de l’intégration du compte complet de SNCF Réseau dans les comptes nationaux, avec un effet d’environ 10 milliards d’euros, et un nouveau traitement des corrections liées à la recherche et développement dans la sphère publique, avec un effet d’environ 4 milliards d’euros.

Corrigé de ces effets, l’écart du ratio de dépense publique à la prévision de la LPFP serait donc de l’ordre de 0,3 point de PIB. Cet écart résiduel s’explique essentiellement par un effet dénominateur lié à une croissance nominale du PIB inférieure aux prévisions de la LPFP (6,2 % contre 6,8 % escomptés).

Une fois neutralisé l’effet du changement de base, le montant nominal des dépenses publiques est proche de celui attendu pour 2023 aux termes de la LPFP, malgré une évolution contrastée entre sous-secteurs marquée par une meilleure maîtrise que prévu des dépenses de l’État et une progression plus dynamique des dépenses des administrations publiques locales et de sécurité sociale.

*

*     *

Conformément au I de l’article 37 de la LOLF ([83]), l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et d’approbation des comptes de l’année arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État en 2023, duquel découle le résultat budgétaire ou le solde d’exécution des lois de finances.

Le I arrête le résultat budgétaire de l’État en 2023 à – 173 milliards d’euros.

Le II arrête, dans un tableau, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux de l’année 2023. Les données présentées sont calculées hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ([84]).

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

*

*     *

Conformément au II de l’article 37 de la LOLF, l’article 2 du projet de loi arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2023. Le besoin et les ressources de financement sont ainsi arrêtés à 314,6 milliards d’euros.

Ressources et charges de trÉsorerie de l’annÉe 2023

(en milliards d’euros)

Besoin et ressources de financement de l’État

Exécution 2023

Besoin de financement

314,6

Amortissement de la dette à moyen et long termes

149,6

dont remboursement du nominal à valeur faciale

144,5

dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

5,1

Amortissement SNCF réseau

2,1

Amortissement des autres dettes

0,9

Déficit à financer

173

Autres besoins de trésorerie

– 11

Ressources de financement

314,6

Émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats

270,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,6

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

20,8

Variation des dépôts des correspondants

– 11,5

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

47,6

Autres ressources de trésorerie

– 18,8

Source : article 2 du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2023.

Cet article présente les flux de trésorerie ayant concouru à l’équilibre financier de l’État et non à son équilibre comptable, défini en comptabilité générale et budgétaire de l’État.

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 5).

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L’article 3 du projet de loi soumet à l’approbation du Parlement les états financiers de l’État. Aux termes du paragraphe III de l’article 37 de la LOLF, « la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année approuve le compte de résultat de l’exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées » et « elle affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes ».

Le I approuve le compte de résultat de l’exercice relatif à l’année 2023, lequel fait ressortir un résultat patrimonial de – 124,9 milliards d’euros, et mentionne dans un tableau les charges et produits de l’État.

Le II affecte au bilan ce résultat à la ligne « report des exercices antérieurs ».

Le III approuve le bilan après affectation du résultat comptable. La situation nette du bilan de l’État s’établit ainsi à – 1 875,1 milliards d’euros au 31 décembre 2023.

Le IV approuve les informations complémentaires figurant à l’annexe du compte général de l’État.

Par ailleurs, l’article 47-2 de la Constitution, issu de sa révision du 23 juillet 2008, prévoit que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Sur ce fondement, la Cour des comptes est chargée de procéder à la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État en application du 5° de l’article 58 de la LOLF. Au mois d’avril 2024 ([85]), la Cour a certifié que « sous réserve des incidences des problèmes décrits dans la section « Fondements de l’opinion avec réserve », le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l’État à la clôture de l’exercice ».

La Cour des comptes formule, dans son rapport sur la certification des comptes de l’État, seize observations, dont cinq relatives à des « anomalies significatives » et onze à des « insuffisances d’éléments probants ».

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 6).

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Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur le budget général.

Aux termes du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF ([86]), le présent article « ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

À ce titre, le présent article ouvre des crédits complémentaires pour un montant de 523,5 millions d’euros d’AE et de 522,5 millions d’euros en CP, destinés principalement au financement du programme relatif aux impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements, et, à titre résiduel, de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Le présent article procède également à l’annulation de crédits non consommés et non reportés à hauteur de 11,9 milliards d’euros en AE et 6,7 milliards d’euros en CP, dont 2,2 milliards d’euros en AE et CP au titre du programme relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements et 1,2 milliard d’euros en AE et CP pour la mission Engagements financiers de l’État.

L’annexe Développement des opérations constatées au budget général ([87]) au présent projet de loi a pour objet de détailler la situation définitive des ouvertures en AE et en CP, les dépenses constatées sur le budget général et les modifications demandées en loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.

Les données contenues dans le présent article sont analysées dans la fiche 3 sur les dépenses de l’État du présent rapport et dans sa fiche 4 relative aux modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2023.

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L’article 5 du projet de loi arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés en 2023 sur les budgets annexes.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens présente un niveau de consommation de 2,1 milliards d’euros en AE et en CP au titre de l’exercice 2023. Le budget annexe Publications officielles et information administrative présente un niveau de consommation de 142 millions d’euros en AE et 142,6 millions d’euros en CP.

En application du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, l’article procède également à l’annulation d’AE non engagées et non reportées au titre de l’exercice 2023 sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 21,1 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 12,7 millions d’euros.

Parallèlement, il annule les CP non consommés et non reportés sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 40,4 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 8 millions d’euros.

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Le I de l’article 6 du projet de loi arrête dans un tableau le montant des autorisations d’engagement consommées sur les comptes spéciaux, au 31 décembre 2023, par mission et programme.

Autorisations d’engagement ouvertes et consommÉes des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Autorisations d’engagement ouvertes

Autorisations d’engagement consommées

Écart

2017

204,3

200,4

– 3,9

2018

207,3

198,7

– 8,6

2019

210,1

189,7

– 20,4

2020

228,0

204,9

– 23,1

2021

199,6

192,0

– 7,6

2022

215,5

206,2

– 9,3

2023

224,8

218,6

– 6,2

Source : lois de finances, lois de règlement et projets de lois de règlement successifs et PLR 2023.

Le II arrête dans un tableau les résultats des comptes spéciaux, au 31 décembre 2023, par mission et programme en crédits de paiement.

crÉdits de paiement ouverts et consommÉs des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Crédits de paiement ouverts

Crédits de paiement consommés

Écart

2017

203,0

198,1

– 4,9

2018

205,8

198,6

– 7,2

2019

210,0

191,2

– 18,8

2020

228,2

205,3

– 22,9

2021

199,8

192,2

– 7,6

2022

214,8

206,2

– 8,6

2023

224,9

219,3

– 5,5

Source : lois de finances, lois de règlement et projets de lois de règlement successifs.

Le III arrête, dans un tableau, à la date du 31 décembre 2023, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2024.

Le IV reporte à la gestion 2024 les soldes arrêtés au III à l’exception de ceux présentés dans le tableau ci-dessous.

Soldes non reportÉs sur la gestion 2024

(en millions d’euros)

Compte

Solde non reporté

Compte de concours financiers Prêts à des États étrangers

– 377,8

Compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

– 24

Compte de commerce Opérations commerciales des domaines

162,3

Compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques

305,4

Compte d’opérations monétaires Pertes et bénéfices de change

– 133,1

Source : PLR 2023.

 

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L’article 7 du projet de loi affecte le résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État.

Aux termes du III de l’article 37 de la LOLF, la loi de règlement jusqu’en 2022 et la loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes à compter de l’année 2023 « affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice ». Comme l’indique la présentation des états de synthèse comptables du compte général de l’État, « cette affectation se traduit par une écriture spécifique donnant au résultat de l’exercice approuvé son imputation définitive dans les comptes, qui, dans la situation nette au bilan, est retracée dans le poste “Report des exercices antérieurs” » ([88]).

Le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2021 (PLR 2021) ayant empêché la réalisation de cette opération au cours de l’exercice 2022, une procédure spécifique d’imputation du résultat 2021 dans les comptes 2022 a été définie, consistant à intégrer au plan comptable de l’État un nouveau compte, le compte 88 Solde d’exercices antérieurs en attente d’affectation, sur lequel le résultat de l’exercice 2021 a été imputé dans l’attente de son affectation définitive. Afin de donner au lecteur des états financiers la meilleure information sur cette situation sans précédent, un poste supplémentaire a en conséquence été créé dans la situation nette du bilan. À la suite d’un deuxième rejet du PLR 2021 par le Parlement en 2023, le résultat comptable de l’exercice 2021 demeure imputé sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation du bilan au 31 décembre 2023.

L’affectation définitive, aux termes de cet article, du résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs améliorerait la lisibilité des comptes de l’État.

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L’article 8 du projet de loi affecte le résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État.

Le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2022 (PLR 2022) ayant empêché cette affectation définitive au cours de l’exercice 2023, le résultat patrimonial de l’exercice 2022, suivant une logique similaire à celle qui avait été retenue pour le résultat patrimonial de l’année précédente ([89]), a été imputé dans les comptes 2023 sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.

L’affectation définitive, aux termes de cet article, du résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs améliorerait la lisibilité des comptes de l’État.

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L’article 9 du projet de loi arrête le solde du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce à un montant créditeur de 799,8 millions d’euros, apuré par ledit projet de loi, le compte ayant été clos au 1er janvier 2023. Conformément aux 4° et 5° du IV de l’article 37 de la LOLF, ces dispositions relèvent du domaine réservé des lois relatives aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes – précédemment des lois de règlement. Initialement prévue par l’article 7 du projet de loi de règlement pour 2022 (PLR 2022), l’opération n’a pu être réalisée en raison du rejet de ce texte. L’article 9 du PLR 2023 reprend donc à l’identique l’article 7 du PLR 2022.

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Participation de la France au désendettement de la Grèce a été créé par l’article 21 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, afin de mettre en œuvre les engagements pris par la France concernant le reversement à la Grèce des revenus tirés des titres de dette grecque détenus par la Banque de France. Les États membres de la zone euro devaient ainsi participer à la réduction de la dette publique grecque. Les versements, qui étaient conditionnés au respect par la Grèce d’engagements pour renforcer la soutenabilité de sa dette, ont été suspendus entre 2015 et 2019.

Ce compte, qui devait initialement être clôturé au 31 décembre 2020, retraçait :

– en recettes, le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle avait perçus sur les titres grecs ;

– en dépenses, les versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur ses titres, ainsi que des rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France.

L’article 91 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 en a repoussé la clôture au 31 décembre 2022 pour tenir compte des suspensions et décalages de paiement intervenus. À cette date, le solde des opérations antérieurement enregistrées sur ce compte est affecté au budget général de l’État.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR LE RAPPORT RELATIF AUX RÉSULTATS DE LA GESTION BUDGÉTAIRE DE L’EXERCICE 2023 ET SUR LA CERTIFICATION DES COMPTES DE L’ÉTAT POUR L’EXERCICE 2023 AINSI QUE SUR LES AVIS DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES SUR LE PROJET DE LOI RELATIVE AUX RÉSULTATS DE LA GESTION ET PORTANT APPROBATION DES COMPTES DE L’ANNÉE 2023 ET SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ PRÉSENTÉ AUX INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Au cours de sa séance du 17 avril après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2023 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 et sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes.

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, je vous rappelle tout d’abord que M. Pierre Moscovici, que nous auditionnons en sa double qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et de Premier président de la Cour des comptes, est connecté à distance à l’audition, car il se trouve à New York, dans le cadre de la mission de certification des comptes de l’ONU dont est chargée la Cour des comptes actuellement.

Néanmoins, compte tenu de l’importance des sujets évoqués, je le remercie de s’être rendu disponible pour pouvoir évoquer avec nous le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État pour l’année 2023 ; la certification des comptes de l’État par la Cour des comptes ; l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité que le Gouvernement va présenter aux institutions européennes et l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

Cette audition sera suivie, à 17 heures, de celle du ministre chargé des comptes publics, M. Thomas Cazenave. L’ensemble de ces travaux permettront ainsi de préparer au mieux le débat en séance publique relatif aux orientations et à la programmation des finances publiques (LPFP), qui aura lieu lors de la reprise des travaux en séance publique de notre Assemblée, lundi 29 avril à 15 heures. L’audition du président Moscovici va très certainement enrichir notre réflexion dans la perspective de ce débat en séance publique.

Nous pouvons d’emblée relever que si l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi de règlement estime que l’écart entre le solde structurel prévu pour 2023 et celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) n’est pas suffisamment important pour mettre en œuvre les mesures correctrices prévues par l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances, l’avis rendu sur le programme de stabilité ne laisse pas d’inquiéter, lorsqu’il relève que la prévision de trajectoire des finances publiques manque de crédibilité et de cohérence.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de votre invitation. Notre mission d’assistance au Parlement est selon moi essentielle dans la mesure où elle nous met directement à contribution pour informer les parlementaires et les citoyens sur la conduite des affaires publiques.

Malgré le format un peu inhabituel de cette audition, je tiens à vous présenter différents travaux publiés aujourd’hui, qui ont tous en commun d’expliquer la situation de nos finances publiques et leurs perspectives. Cette année, la dégradation assez spectaculaire des finances publiques change la donne et confère un caractère d’alerte et d’urgence. Je rappelle que le déficit public est très élevé en 2023 : il est supérieur de 0,6 point de PIB à celui qui était initialement prévu dans la programmation. L’augmentation significative de l’endettement et la hausse spectaculaire du coût de la dette appellent une action déterminée.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de remercier devant vous les artisans de ce très important travail : Carine Camby, présidente de la première chambre ; Lionel Vareille, rapporteur général du rapport sur le budget de l’État, sous la supervision d’Emmanuel Giannesini contre-rapporteur pour la certification des comptes ; Denis Soubeyran, rapporteur général, sous la supervision de Jean-Luc Fulachier, contre-rapporteur. Je ne peux citer l’ensemble des personnes qui ont contribué à ces rapports, mais je tiens à leur exprimer toute ma gratitude. Je remercie également Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques, les membres du HCFP, ainsi que la petite équipe qui compose son secrétariat permanent, qui n’a pas ménagé ses efforts dans des conditions toujours plus difficiles. Nous sommes saisis toujours plus tard d’avis qui sont toujours plus complexes à réaliser.

Je souhaite débuter mon propos en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, par la présentation du rapport sur le budget de l’État en 2023. La loi organique relative aux lois de finances confie à la Cour le rôle essentiel d’examiner l’exécution budgétaire. Comme son titre l’indique, ce rapport analyse uniquement le budget de l’État, sans inclure les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale, sinon dans de brefs chapitres, au titre des financements que l’État leur procure.

Dans notre rapport public annuel publié le mois dernier, nous avions relevé le risque relatif à l’exercice 2023. Pour ce qui concerne l’État, ce n’est plus un risque, mais désormais une certitude ; l’année 2023 est une année grise et peut-être même une année noire. Le déficit budgétaire de l’État en 2023 est le deuxième le plus dégradé jamais enregistré. Il atteint presque le niveau record de 2020, qui avait été frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Le déficit atteint cette année 173 milliards d’euros, soit 21 milliards d’euros de plus qu’en 2022 et 9 milliards d’euros de plus qu’initialement prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. La comparaison avec l’année 2019 est peut-être encore plus frappante et parlante, puisque le déficit a quasiment doublé en quatre ans.

Si cette situation tient en premier lieu à une loi de finances initiale peu ambitieuse, elle est aggravée par des facteurs multiples. S’agissant des dépenses, le constat est clair et plutôt décevant. Nous n’avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l’État et réduire le déficit. Après avoir augmenté de 110 milliards d’euros entre 2019 et 2022, les dépenses du budget général de l’État auraient dû logiquement diminuer. L’année 2023 a en effet été synonyme d’un reflux des dépenses exceptionnelles, avec une baisse de 28 milliards d’euros des dépenses liées à l’urgence sanitaire et à la relance. Mais cette baisse a été plus que compensée par la hausse des autres dépenses, dont le volume supplémentaire s’élève à 29,4 milliards d’euros.

Les dépenses totales de l’État ont ainsi atteint 454,6 milliards en 2023, soit 1,9 milliard d’euros de plus qu’en 2022. Toutes les composantes de la dépense de l’État ont progressé en 2023. Les mesures nouvelles décidées pour l’année 2023 atteignent près de 15 milliards d’euros, notamment pour prolonger les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’énergie.

La croissance des dépenses de l’État est aussi due à la hausse continue des dépenses ordinaires. La Cour estime leur progression à 14,5 milliards d’euros en 2023, contre moins de 2 milliards d’euros en 2022. Cette progression est notamment due à la charge de la dette (3,2 milliards d’euros supplémentaires), à l’augmentation de la masse salariale (6 milliards d’euros) avec l’augmentation de la valeur du point d’indice en 2022 et en juillet 2023, et parallèlement, à l’augmentation significative des effectifs de l’État (8 991 ETP supplémentaires).

De surcroît, alors qu’ils ne dépassaient pas quelques milliards d’euros avant la crise sanitaire, les reports de crédits atteignent des niveaux inédits depuis quatre ans : 16 milliards d’euros de crédits de 2023 ont de nouveau été reportés sur 2024. La perpétuation de ces reports massifs altère la sincérité du niveau de solde voté par le Parlement. Surtout, cette pratique nuit à une maîtrise résolue des dépenses.

Ces augmentations et ces reports étaient en réalité tous prévus et tous autorisés par la loi de finances et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le constat est assez singulier à l’aube d’une trajectoire qui était déjà exigeante et qui était supposée ramener le déficit public sous le seuil des 3 %. C’est la raison pour laquelle j’évoquais initialement une LFI peu ambitieuse. Pour le dire simplement, la quasi-stabilité des dépenses de l’État entre 2022 et 2023, malgré le reflux très important des dispositifs de sortie de crise, retarde encore la maîtrise des dépenses. Après une année aussi décevante sur ce terrain-là, il est indispensable que les revues de dépenses lancées l’année dernière prennent toute leur ampleur et qu’elles donnent lieu à des économies pérennes et assez importantes.

De leur côté, les recettes de l’État baissent en 2023, après deux années très dynamiques. Cette mauvaise surprise ne fait qu’aggraver le déficit. En 2023, les recettes nettes du budget général ont diminué de 8,2 milliards d’euros par rapport à 2022 et elles se sont avérées inférieures de 7,4 milliards d’euros à la prévision de la LFI.

La diminution constatée par la Cour provient surtout de la baisse très marquée des recettes fiscales à hauteur de 7,4 milliards d’euros et de l’augmentation des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales (1,3 milliard d’euros). Par ailleurs, la Cour analyse la baisse des recettes fiscales nettes en 2023 comme un signe de désarmement des recettes de l’État, qui réduit d’autant ses marges de manœuvre pour l’avenir. Cette diminution en valeur est en effet une véritable singularité, alors même que 2023 a été une année de croissance, même modeste. À cet égard, j’entends dire ici ou là qu’un retournement conjoncturel expliquerait cette dégradation. Cela n’est pas le cas, puisque la croissance a été de 0,9 %, en ligne avec la prévision de 1 %.

Quelle en est la cause ? Il s’agit en partie des transferts de TVA, dont l’État n’est plus qu’un attributaire minoritaire. En conséquence, les recettes de l’État sont plus volatiles et moins corrélées à la croissance économique. Plus généralement, le rendement de tous les grands impôts est en baisse. Par exemple, l’État perd 10,5 milliards d’euros de TVA supplémentaires dans le cadre de la compensation pour les collectivités de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Comment expliquer cette mauvaise surprise de 2023 sur les recettes fiscales de l’État ? Plusieurs événements postérieurs à la loi de finances de fin de gestion expliquent cet écart inhabituel de près de 8 milliards d’euros. Une partie d’entre eux relève d’évolutions qui étaient difficilement prévisibles, mais une autre partie aurait pu être anticipée au cours des débats parlementaires de novembre. En particulier, les revenus de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité étaient estimés à 12,3 milliards d’euros en LFI. Ce montant a été réduit à moins de 3 milliards d’euros en loi de finances de fin de gestion et il n’a finalement représenté que 0,6 milliard d’euros. Je suis, comme vous, attaché à ce que les raisons à l’origine d’un tel écart, extraordinairement rare en matière de prévisions fiscales, soient pleinement établies. L’administration l’explique par la baisse des prix de l’électricité durant l’année 2023, alors que cette imposition exceptionnelle a été estimée fin 2022 lorsque ces prix étaient au plus haut. Mais la baisse de l’inflation était tout de même anticipée. Des analyses complémentaires sont en cours pour apprécier si d’autres facteurs ont pu jouer.

Ces évolutions négatives sur les volets des recettes comme des dépenses ont contribué à accroître le besoin de financement et la dette de l’État, qui atteignent des niveaux plus que préoccupants. En comptabilité budgétaire, le besoin de financement de l’État atteint le niveau historique de 314,6 milliards d’euros, soit quasiment le montant des recettes fiscales de l’État. Ce besoin de financement est constitué par le déficit à financer, d’une part, et par le remboursement des emprunts arrivés à échéance, d’autre part. En d’autres termes, pour couvrir ses dépenses, l’État a emprunté quasiment autant, sous une forme ou une autre, qu’il a perçu en impôts.

Cette évolution montre bien les difficultés à sortir réellement du « quoi qu’il en coûte » et à reprendre le contrôle de nos finances publiques. Le corollaire de ce besoin de financement en hausse est bien entendu l’augmentation continue de l’encours de la dette, qui a augmenté de 6,5 % sur l’exercice 2023. En comptabilité budgétaire, la charge de la dette a aussi continué d’augmenter de manière soutenue après la brusque accélération de 2022. La charge de la dette s’est élevée à près de 54 milliards d’euros en 2023, contre 50,7 milliards d’euros en 2022.

Cette tendance est évidemment préoccupante, particulièrement dans un contexte où les taux d’intérêt ont augmenté et où les projections indiquent une progression continue de la dette. La loi de programmation des finances publiques prévoit en effet dans son scénario central d’évolution des taux une hausse de la charge en intérêts de 9,5 milliards d’euros en 2024 et de près de 36 milliards d’euros à l’horizon 2027.

À l’issue de cette année très difficile pour les finances publiques, j’aimerais partager avec vous un message d’alerte et de vigilance. L’absence de réformes et d’économies structurelles en 2023 pèsera fortement sur la trajectoire de retour du déficit à un niveau soutenable. Alors que se pose la question du financement des investissements nécessaires à la croissance et la transition écologique, la situation financière de l’État ne sera soutenable qu’au prix d’efforts considérables sur d’autres dépenses. Je le redis : ces efforts sont difficiles, mais ils sont encore possibles. Ils ne sont contradictoires ni avec une politique de croissance, ni avec le maintien du modèle social français, ni avec les exigences de la transition écologique, s’ils portent sur les dépenses peu efficaces, c’est-à-dire les dépenses de faible qualité.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour a proposé un mode d’emploi pour passer au tamis la qualité des dépenses publiques, mais nous avons incontestablement perdu un an. Il faut aller plus loin, car le temps presse. La Cour a été saisie par le Premier ministre ce sens. Elle contribuera aux revues de dépenses, à sa place et dans son rôle. Nous proposerons des réformes et des économies inspirées par cette approche par la qualité.

J’en viens désormais brièvement à la présentation de l’acte de certification des comptes de l’État par la Cour. Cette certification consiste à donner une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. Cette mission est une prérogative de puissance publique, déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l’État et de la sécurité sociale. Elle ne peut pas être prise à la légère. Les réserves formulées par la Cour devraient à mon sens faire l’objet de toute l’attention de l’administration, afin de les faire disparaître.

Encore une fois, la Cour, dans son rôle de commissaire aux comptes de l’État, exprime une opinion avec réserves sur les comptes pour 2023. Ces comptes présentent en effet sur certains points des anomalies significatives par rapport aux normes applicables, ou l’administration n’a pas été en mesure de justifier les chiffres de certains postes importants sans qu’une anomalie ne soit certaine.

Par rapport à 2022, deux réserves importantes ont été levées, et non des moindres, puisqu’il existait une incertitude sur le montant futur des charges de retraites des fonctionnaires et une autre sur le montant des dettes de trésorerie de l’État envers les correspondants du Trésor. En revanche, une nouvelle réserve apparaît : il s’agit de l’absence de mentions, parmi les engagements donnés par l’État, de la garantie du remboursement de l’emprunt émis par l’Union européenne (UE) pour financer le plan de relance européen. Cet engagement peut être évalué à 75 milliards d’euros.

Au total, si les comptes de l’État sont riches, utiles en information et représentent un grand progrès par rapport à la situation prévalant avant 2006, il reste encore un peu de chemin à parcourir avant qu’ils ne puissent être certifiés sans réserve. La situation financière de l’État, telle qu’elle ressort de ces comptes 2023 est accompagnée d’une note d’analyse de la Cour complétant utilement la vision du rapport sur l’exécution du budget de l’État.

Permettez-moi de conclure sur la certification en attirant votre attention sur un point technique, mais qui a toute son importance. Nous nous étonnons en effet que lorsque le Gouvernement communique sur les comptes de l’État, il ne mentionne pas systématiquement les réserves récurrentes de la Cour. Quelle entreprise pourrait, comme l’État, présenter des comptes présentant durablement des anomalies ou des réserves sans signaler cette situation aux utilisateurs de ces états financiers ?

Parallèlement à ces deux rapports, et conformément aux dispositions prévues par loi organique, le Haut Conseil des finances publiques a rendu aujourd’hui deux avis. Le premier concerne le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 ; le second porte sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027.

L’avis sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion concerne le solde structurel de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement l’État, mais aussi ses opérateurs : les administrations de sécurité sociale, les collectivités territoriales et leurs opérateurs. Cet avis doit juger si l’écart entre le solde structurel réalisé et celui de la loi de programmation des finances publiques est important.

Permettez-moi un petit rappel méthodologique : si le Haut Conseil venait ou était venu constater que cet écart est ou était important, cela déclencherait ou aurait déclenché automatiquement le mécanisme de correction prévu par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire (TSCG). Le Gouvernement devrait ou aurait dû alors en tenir compte au plus tard dans le prochain projet loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année et présenter des mesures de correction envisagées.

Or, comme vous le savez, les résultats présentés par l’Insee à la fin du mois de mars font état d’un déficit public plus élevé que celui prévu par la LPFP de 0,6 point de PIB. Le déficit s’est établi à 5,5 points de PIB, alors qu’il était prévu à 4,9 points de PIB dans la LPFP. Cet écart se traduit par un écart de 0,5 point sur le solde structurel, qui constitue justement le seuil du déclenchement du mécanisme de correction. En effet, la croissance était un peu moins forte que prévue, de 0,1 point. Une petite partie de l’écart est donc de nature conjoncturelle.

Pour juger si cet écart est important, le Haut Conseil doit tenir compte des circonstances exceptionnelles. Or, dans son avis rendu le 17 mars 2020, sur le premier projet loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, le HCFP avait constaté, à la demande du Gouvernement, que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières constituaient indéniablement des faits inhabituels et indépendants de la volonté du Gouvernement, qui relevaient donc des circonstances exceptionnelles. Depuis, cette clause est restée en vigueur.

Le Haut Conseil constate dans son avis publié aujourd’hui que ces circonstances exceptionnelles ne sont plus réunies et qu’elles ne doivent pas être prises en compte dans l’examen du présent projet de loi. En effet, les conditions d’exercice de l’activité économique qui avaient fortement pâti en 2020 et 2021 de la crise sanitaire, puis de la crise énergétique en 2022, se sont depuis nettement améliorées. En 2023, l’activité a continué de croître et l’inflation a reflué. Le Haut Conseil a donc décidé de lever les circonstances exceptionnelles, mais il constate toutefois que l’écart de 0,5 point entre le solde structurel pour 2023 et celui prévu par la LPFP résulte pour partie d’un changement d’ordre méthodologique. Ce changement est lié au passage de l’ensemble des données de comptes nationaux de la base dite 2014 à la base dite 2020.

Corrigé du changement de base, l’écart observé entre le solde structurel réalisé et celui prévu par la LPFP est donc de 0,36 point du PIB. Il ne peut donc pas être considéré comme important au sens de l’article 62 de la loi organique. Dans ces conditions, le Haut Conseil a estimé qu’il n’y avait pas lieu de déclencher le mécanisme de correction au titre de l’année 2023.

Cependant, ce n’est pas parce que cet écart n’est pas important au sens de la loi organique qu’il n’est pas significatif. Conserver durablement un déficit élevé n’est pas sans conséquences, puisque cela ne permet pas de réduire notre ratio de dette publique, déjà parmi les plus élevés d’Europe. Je l’ai déjà dit souvent devant vous : notre désendettement est impératif pour retrouver des marges de manœuvre et permettre à la France de faire face à d’éventuels chocs économiques, sans compter les investissements nécessaires en faveur de la transition écologique et d’autres transitions. La trajectoire de finances publiques de la loi programmation, que le Haut Conseil avait jugée optimiste quand elle lui a été soumise pour avis, est d’ores et déjà remise en cause, seulement quatre mois après avoir été communiquée.

J’en viens à présent au deuxième avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027. Comme les années précédentes, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi d’un programme de stabilité (PSTAB) pour les années 2024-2027, qui sera vraisemblablement le dernier. En effet, la nouvelle réforme de la gouvernance économique européenne remplacera les programmes de stabilité par des programmes dits budgétaires et structurels de moyen terme, fixés pour au moins quatre ans et déterminant une trajectoire non plus de solde public, mais d’évolution de la dépense publique.

Ce projet est désormais presque à son terme. Il prévoit une saisine obligatoire des institutions budgétaires indépendantes sur les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes, mais seulement huit ans après que les règles seront entrées en vigueur. Rien n’interdit toutefois d’introduire cette obligation de saisine dès la transposition des règles en droit français et, ainsi, de prévoir une saisine annuelle du HCFP sur le déroulement de ces programmes. Pour vous le dire franchement et assez nettement, il me semble vraiment nécessaire de le prévoir pour pouvoir continuer à éclairer au mieux le Parlement et les citoyens sur les perspectives d’une dépense publique par une analyse impartiale, objective et pluraliste. Il me paraîtrait paradoxal qu’une approche plus nationale de la situation budgétaire des pays membres de l’UE se traduise par un recul du rôle de leurs institutions budgétaires indépendantes.

À la suite de nombreuses alertes sur nos finances publiques depuis le début de l’année 2024, et dans un contexte dégradé, le Gouvernement s’est doté d’une nouvelle trajectoire, profondément modifiée, qui était nécessaire. Notre avis sur le programme de stabilité s’articule autour de deux grands messages.

D’abord, les hypothèses présentées par le Gouvernement sont trop optimistes, comme nous en avions déjà fait part lors de notre avis l’an passé. Il est utile pour cela de revenir un instant sur la LPFP promulguée en fin d’année dernière. Lorsqu’il avait rendu son avis sur le projet de LPFP, le HCFP avait estimé que le scénario de croissance du Gouvernement était optimiste. Il avait relevé que la trajectoire de finances publiques était peu ambitieuse au regard des objectifs européens de la France, alors même qu’elle supposait déjà la réalisation d’importantes économies structurelles, qui restaient à préciser.

De fait, le Gouvernement prend acte, dès ce programme de stabilité, que la trajectoire de la LPFP promulguée il y a moins de quatre mois a été construite sous des hypothèses trop optimistes et qu’elle doit être profondément modifiée. Le Gouvernement a ainsi corrigé à la baisse de 0,8 point sa trajectoire de croissance sur la période 2023-2025 dans le programme de stabilité. Il a eu raison d’agir de la sorte : la croissance était de 0,9 % en 2023, contre une prévision de 1 % en loi de programmation, et l’économie française a été quasiment à l’arrêt au second semestre 2023.

Le Gouvernement a ainsi révisé à 1 % sa prévision de croissance pour 2024, soit 0,4 point de moins que la prévision précédente. Notons toutefois que cette prévision reste encore supérieure au consensus des économistes ou, par exemple, à la prévision de croissance pour la France présentée hier par le Fonds monétaire international (FMI), qui n’est pas d’ordinaire une institution pessimiste.

Le scénario macroéconomique à l’horizon 2027 reste toutefois encore optimiste. Il suppose un fort rebond du commerce mondial, qui n’est pas acquis dans un contexte d’obstacles croissants aux échanges internationaux, et une forte baisse du taux d’épargne des ménages qui, si elle n’est pas impossible, est assez peu probable au regard du passé.

L’évaluation du PIB potentiel associé n’a été réalisée qu’à la marge et reste donc avantageuse. Celle-ci suppose d’abord des gains de productivité sensiblement plus élevés que les tendances observées avant la pandémie de Covid 19, et a fortiori celles observées depuis. Elle suppose également une augmentation de l’emploi total, liée notamment aux réformes des retraites et de l’assurance chômage, qui nous paraît un peu surestimée. Le HCFP considère que l’estimation par le Gouvernement de l’écart de production actuel est optimiste puisqu’il estime qu’il est de -1,1 point en 2023. Cet écart n’est pas, à notre sens, en ligne avec les tensions persistantes sur les recrutements.

Malgré un scénario de croissance qui reste favorable, il en résulte que l’écart de production – la part conjoncturelle du PIB – reste négatif jusqu’en 2027. Cela conforte le diagnostic du Haut Conseil que la trajectoire du PIB potentiel retenue dans la prévision du Gouvernement est surévaluée et pourrait donc être prochainement révisée à la baisse. Cela aurait pour conséquence d’accroître la part du déficit considérée comme structurelle, et donc en particulier l’effort nécessaire pour ramener le solde public en dessous de 3 points de PIB.

La trajectoire de finances publiques a dû aussi être révisée de manière substantielle. Elle est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Pour 2023, le résultat sur la dette publique, soit 110,6 points de PIB, est plus élevé de 0,9 point de PIB que celui qui est prévu dans la LPFP. En 2024, le déficit public est prévu en hausse de 0,7 point par rapport à la LPFP, pour atteindre 5,1 points de PIB, malgré les nouvelles mesures d’économies prises en compte dans la prévision. Le ratio de dette atteindrait donc 112,3 points de PIB en 2024, soit une augmentation de 2,6 points par rapport à la LPFP. En particulier, la prévision de prélèvements obligatoires que le Haut Conseil avait déjà jugée optimiste dans son avis sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 – et avant même les mauvaises surprises enregistrées en fin d’année 2023 – a dû être révisée à la baisse de plus de 25 milliards d’euros en 2024. La cible de déficit public pour 2027 a été relevée à 2,9 points au lieu de 2,7 points, même si le Gouvernement maintient l’objectif d’un retour sous 3 points de PIB à cet horizon. Cette trajectoire de déficit conduit à une augmentation du ratio de dette au PIB, qui atteindrait 112 points de PIB en 2027, soit 4 points de plus que ce qui avait été prévu dans la LPFP. Alors que les autres pays les plus endettés de la zone euro réduisent leur ratio de dette, la France risque ainsi de figurer durablement parmi les trois pays les plus endettés de la zone, avec la Grèce et l’Italie, lesquels semblent effectuer plus d’efforts de leur côté.

J’en viens enfin au dernier point, qui me paraît peut-être le plus important de nos échanges de ce matin. Bien qu’il ait été révisé par rapport à une loi de programmation trop optimiste, le scénario du programme de stabilité manque à nos yeux de crédibilité et de cohérence. La nouvelle trajectoire des finances publiques présentée dans ce programme de stabilité est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Dès 2023, notre point de départ s’éloigne fortement de ce qui était inscrit dans cette loi. Le déficit public a atteint 5,5 points de PIB en 2023 et, en 2024 il est prévu en hausse de 0,7 point de PIB par rapport à la LPFP, où il était envisagé à 4,4 points de PIB.

Compte tenu de la dégradation des prévisions de finances publiques en 2023 et 2024, la trajectoire présentée par le Gouvernement est beaucoup plus exigeante que celle de la LPFP, sur laquelle nous nous interrogions déjà. Je souhaite que ce point soit clair : nous partons d’une situation encore plus dégradée, mais le Gouvernement prévoit toujours l’objectif d’un retour sous 3 points de PIB en 2027. La pente était déjà escarpée, elle est désormais beaucoup plus raide, presque abrupte. Par ailleurs, le maintien d’un objectif de déficit public en dessous de 3 points de PIB en 2027 suppose un ajustement structurel primaire – c’est-à-dire hors charges d’intérêt – massif entre 2023 et 2027, de 3,2 points de PIB sur quatre ans. Cet effort inédit s’appuierait, d’après les documents qui nous ont été fournis, quasi exclusivement sur un effort d’économies en dépenses.

Le Haut Conseil considère que cette prévision manque de crédibilité. Alors qu’un tel effort en dépenses n’a jamais été réalisé par le passé, sa documentation reste encore lacunaire et sa réalisation suppose la mise en place d’une gouvernance rigoureuse qui associe l’ensemble des acteurs concernés – État, collectivités locales, sécurité sociale – qui ne semble pas réunie aujourd’hui. Le Gouvernement indique qu’il s’appuiera sur les revues de dépenses engagées. Au vu des économies dégagées par les revues effectuées jusqu’à présent, cela suppose une accélération puissante. Nous la souhaitons, mais elle reste à démontrer.

Le Haut Conseil considère aussi que cette prévision manque de cohérence. En effet, la mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu ne manquerait pas de peser à court terme sur l’activité économique. Je rappelle que pour 2025 le chiffre inscrit dans le programme de stabilité s’établit à 27 milliards d’euros. Les prévisions de croissance du Gouvernement, élevées d’ici 2027, ne pourraient donc être atteintes que sous des hypothèses très favorables et, en réalité très peu probables. Un scénario cohérent supposerait de changer, soit la prévision macroéconomique, soit celle des finances publiques.

Une prévision macroéconomique inchangée aboutirait ainsi à un effort de réduction des déficits qui serait probablement nettement plus faible. À l’inverse, le maintien de la cible de déficit supposerait de retenir des prévisions de croissance nettement plus faibles et des efforts en dépenses encore plus importants que ceux envisagés par la trajectoire du PSTAB, qui sont déjà pourtant inédits. Si nous souhaitons rétablir des finances publiques saines, il faut tenir un discours de vérité et établir des choix. Nous ne pouvons pas annoncer un tel ajustement structurel sans que celui-ci ne repose sur des hypothèses robustes.

Pour conclure, laissez-moi préciser que le Haut Conseil considère toujours que la réduction du déficit public et du ratio de dette est indispensable. Certes, cette réduction sera encore plus difficile que ce que nous pouvions penser il y a quelques mois. Nous avons beaucoup trop tardé à maîtriser nos dépenses, mais la réduction des déficits publics n’en est pas moins nécessaire. Elle doit s’appuyer sur une stratégie articulée et crédible de réduction du poids de la dépense publique dans le PIB et un réexamen à la baisse des diminutions de prélèvements obligatoires. La définition de cette stratégie est désormais à nos yeux urgente ; nous ne pouvons plus tarder à agir.

Au delà du respect des engagements européens, la capacité de la France à conserver la maîtrise et le contrôle des finances publiques se joue dans les prochaines années et, en réalité, dans les tout prochains mois. La priorité consistera, à nos yeux, à concilier ajustement budgétaire et amélioration du potentiel de croissance. Ce défi est considérable, j’en suis pleinement conscient, mais il est incontournable.

Nous avons trop tardé à nous attaquer à la réduction des déficits et de notre dette, comme à la maîtrise de notre dépense publique. L’effort à produire est important, mais nous ne pouvons pas nous dérober. Nous risquons tôt ou tard de payer le prix fort d’un état aussi dégradé de nos finances publiques. Afin qu’elle réussisse, cette démarche doit être menée avec courage, volonté et intelligence.

M. le président Éric Coquerel. Alors que pour l’année 2024 le Gouvernement avait retenu à l’automne 2023 une prévision de croissance que vous aviez déjà qualifiée d’optimiste, la révision de cette prévision à 1 % apparaît encore assez élevée, dans la mesure où le consensus des économistes s’établit à 0,7 %, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) tablant quant à lui sur 0,5 %. Je rappelle en outre que vous aviez jugé optimistes les chiffres de la LPFP, qui avait été adoptée à la fin de l’année dernière.

Je m’interroge sur la méthode utilisée par le Gouvernement, qui vous a d’ailleurs saisi tardivement et ne vous a pas transmis l’ensemble des éléments pour éclairer ses choix de finances publiques. Compte tenu des conséquences assez regrettables qui peuvent être celles d’une prévision mal établie, ne pensez-vous pas qu’il existe un problème de méthodologie ou de philosophie d’approche des prévisions économiques par le Gouvernement ? Sans parler d’insincérité, vous avez estimé que le Gouvernement avait péché par excès d’optimisme. Vous avez indiqué que les prévisions de croissance du PSTAB sont certainement trop élevées. Vous soulignez également qu’il sera quasiment impossible de passer de 5,1 % de déficit en 2024 à 2,9 % en 2027. Au total, si l’on considère les effets cumulés de prévisions peu réalistes et de reports massifs et peu documentés de crédits, ne peut-on pas légitimement parler d’insincérité budgétaire ?

Comme le souligne la Cour, une des raisons de la baisse des recettes en 2023 est en grande partie liée au transfert toujours plus important de TVA. Depuis quelques années, la TVA est utilisée pour compenser toutes les exonérations et suppressions d’impôts : la CVAE, la taxe d’habitation, les exonérations de cotisations. Aujourd’hui, l’État ne perçoit plus que 46 % du produit de TVA. Ne croyez-vous pas que les recettes de l’État sont en danger ? L’addiction à la TVA n’est-elle pas trop importante ?

Vous indiquez que la réduction des déficits peut s’obtenir par deux moyens : la baisse des dépenses publiques et l’arrêt de la baisse des prélèvements obligatoires. La dépense fiscale a explosé depuis plusieurs années, à travers les baisses d’impôt pour les plus riches, les aides aux entreprises sans condition, les exonérations et les niches fiscales. Lorsque Mme Borne nous avait demandé une revue des dépenses l’an dernier, j’avais effectué un travail pour identifier des mesures qui pourraient être transpartisanes, à travers notamment les amendements adoptés dans cette commission pour 15 milliards d’euros. J’avais ainsi évalué que nous pouvions parvenir assez facilement à 43 milliards d’euros de recettes supplémentaires, sans changer pour autant de perspectives macroéconomiques.

À l’inverse, je ne vois pas les dépenses publiques diminuer. Par exemple, 10 milliards d’euros de crédits du budget de l’État ont été récemment annulés pour contrebalancer les prévisions de croissance trop optimistes pour 2024. Aujourd’hui, certains ministères ont rendu leur copie et les autres cherchent désespérément comment ils pourront diminuer les dépenses publiques. Dans de nombreux domaines, nous sommes donc « à l’os ». Pourquoi ne privilégiez-vous pas la piste consistant plutôt à diminuer les dépenses fiscales que les dépenses publiques ?

Par ailleurs, nous ne savons pas clairement où les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires demandés seront recherchés. L’affichage est le suivant : 5 milliards d’euros pour l’État ; 2,5 milliards d’euros pour les collectivités territoriales et 2,5 milliards d’euros pour de nouvelles recettes liées à la taxation de la rente. Pensez-vous qu’il est raisonnable de se priver d’un projet de loi de finances rectificative, compte tenu des modifications du budget pour 2024 ?

Enfin, compte tenu du manque de cohérence et du manque de crédibilité du programme de stabilité présenté par le Gouvernement, que l’avis du Haut Conseil relève expressément avec des termes forts et qui me semblent n’avoir jusqu’à présent jamais été employés, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement revoie sa copie avant de l’envoyer aux institutions européennes ?

M. Pierre Moscovici. Il est vrai que le consensus se situe à 0,7 point de croissance pour 2024 ; l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur 0,6 %, contre 0,9 % pour la Commission européenne et 0,7 % pour le FMI. La prévision du Gouvernement est donc indiscutablement la plus élevée, et sans doute un peu élevée.

S’agissant de l’insincérité, elle suppose une volonté délibérée de tromper ; ensuite, elle a des conséquences constitutionnelles massives. Le Conseil constitutionnel, très attentif aux considérations du Haut Conseil des finances publiques, pourrait ainsi être conduit à censurer un PLF. Si le HCFP estimait un tel projet insincère, il le dirait. Or il ne l’a pas dit dans ses avis sur les PLF pour 2023 et pour 2024. Cependant, dans son avis du 22 septembre 2023, il a signalé que la prévision de croissance était élevée. Je pense qu’il faudrait davantage en tenir compte, même si l’abaissement de la prévision de croissance à 1 % par le Gouvernement représente une première réponse à cet avertissement.

Je note que, dans l’avis de ce jour, nous utilisons un nouveau terme, qui a son importance : la cohérence. Ainsi, ce programme de stabilité n’est pas insincère, mais il manque de cohérence. Soit la prévision de croissance est trop élevée et il faudra réaliser beaucoup plus d’économies en dépenses pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % ; soit elle demeure réaliste, et à ce moment-là, les déficits seront moins élevés. Il importe donc d’effectuer un choix. En résumé, les femmes et les hommes qui composent le Haut Conseil, des spécialistes aux opinions extrêmement diverses, se sont accordés pour estimer que la cohérence faisait défaut.

S’agissant de la fiscalité, le Conseil des prélèvements obligatoires a attiré l’attention sur le fait que la réduction de la part de TVA affectée à l’État constituait assurément un manque de garanties pour les recettes de celui-ci. Désormais, l’État n’est plus attributaire que de 46 % des produits de la TVA, principal impôt strictement corrélé à la croissance économique. Son attribution croissante à d’autres organismes que l’État a donc pour conséquence de rendre les recettes fiscales de l’État plus sensibles à des impositions plus volatiles, notamment à l’impôt sur les sociétés.

Ensuite, nous considérons que les marges de manœuvre pour accroître les recettes sont limitées. Dans la situation compromise de nos finances publiques, nous considérons que nous n’avons pas en réalité les moyens de conduire des baisses d’impôts sèches. Naturellement, le Gouvernement est libre de voter des baisses d’impôts, mais s’il agit de la sorte, celles-ci doivent à notre sens être compensées par des économies supplémentaires. Tel est le sens de notre message. S’agissant des dépenses fiscales, nous avons publié l’année dernière une note thématique comportant quatre leviers d’action qui méritent, il me semble, toute votre attention.

Enfin, monsieur le président, je rappelle que les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, alors que le taux de satisfaction sur les services publics n’est pas toujours le meilleur. Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse dire que nous sommes « à l’os ». Il existe des dépenses insuffisamment efficaces ; nous devons fonder l’effort de maîtrise des dépenses sur la qualité de la dépense publique. Mais encore une fois, je suis trop démocrate et respectueux des institutions de mon pays et du débat public pour considérer que le débat fiscal serait interdit. Il ne l’est pas, mais il ne nous revient pas de l’ouvrir.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous sommes réunis pour étudier à la fois l’exécution du budget 2023 et la stratégie des finances publiques 2024-2027. Ces deux événements sont liés puisque la dégradation subite du solde à la fin 2023 se répercute évidemment sur l’ensemble de la trajectoire. Personne ne peut nier que des événements se sont déroulés en fin d’année, que peu de personnes avaient prévus. Ainsi, je ne me souviens pas d’avoir entendu d’alertes particulières sur les recettes avant cette fin d’année 2023. En résumé, nous avons rencontré un ralentissement conjoncturel important en Europe à la fin de l’année 2023.

Selon certains, le Gouvernement établirait volontairement des prévisions trop optimistes. Cela n’est pas le cas. En 2023, nous avons tenu la prévision de croissance et le niveau de dépenses de l’État qui avaient été prévus. Ce sont donc bien des circonstances actuelles qui nous conduisent à constater un écart très important de recettes sur cette fin d’année 2023. L’hypothèse d’un déficit de 4,9 % était considérée comme plausible, même lorsque je reprends l’avis que vous avez donné, monsieur le président, sur le projet de loi de finances de fin de gestion.

S’agissant des recettes 2023, vous relevez que l’écart en pourcentage entre l’exécution des recettes fiscales nettes et la prévision associée au projet de loi de finances de fin de gestion est le plus faible depuis 2020. Vous observez que les moins-values constatées sur les recettes sociales et l’impôt sur les sociétés (IS) ont été effectivement surprenantes en fin d’année, du fait d’un ralentissement assez marqué. Je ne crois pas trahir votre rapport en considérant que ces constats surprenants, qui expliquent une large part de l’écart final, n’étaient pas anticipables. En revanche, vous vous interrogez sur le fondement des estimations successives concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim). Je partage vos interrogations et j’ai d’ailleurs demandé aux services un certain nombre d’explications, tant les écarts sont beaucoup trop importants. Quelles sont vos premières conclusions en la matière, même si nous avons constaté que le prix spot de l’électricité a été divisé par cinq sur la période ?

Par ailleurs, vous considérez que, pour 2023, les moins-values importantes constatées sur l’impôt sur le revenu (IR) et la TVA auraient pu être réduites en tenant compte davantage des données d’encaissement au moment du dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion. Sur quels fondements portez-vous cette appréciation ? Quelles auraient pu être les actions à entreprendre dans le cadre du débat parlementaire portant sur la loi de finances de fin de gestion ?

S’agissant des dépenses 2023, j’ai bien noté votre regret concernant l’absence d’économies structurelles sur le champ des dépenses de l’État. La lecture de votre rapport me conduit toutefois à penser que la gestion des dépenses de l’État a été sérieuse, sinon rigoureuse. Durant cet exercice, nous avons terminé l’année mieux que ce qui était prévu en matière de dépenses, avec une baisse en volume de 4,8 % sur le champ du budget général. Par ailleurs, vous observez qu’en valeur, les dépenses ont augmenté de 0,4 % sur les mêmes champs. Ce constat ne témoigne-t-il pas finalement de choix d’économies assumés et plus structurels qu’on ne le dit ?

Vous soulignez qu’en 2023, les montants des reports de crédit ont été deux fois plus élevés qu’en 2022. Un décret d’annulation a supprimé 5 milliards d’euros de crédits en septembre 2023 et la loi de finances de fin de gestion a, hors charges de la dette, ouvert des crédits autant qu’il en a annulé. Je constate comme vous – je le regrette et le dirai au ministre chargé des comptes publics – que les montants des réserves restent bien trop importants, conduisant à trop d’incertitudes sur le budget tel qu’il est examiné et voté par le Parlement. S’agissant de l’exécution 2023, nous sommes loin des caricatures décrivant une gestion hors de contrôle et sans attention portée au pilotage de la dépense publique.

Je note que le Haut Conseil ne qualifie pas d’important, au sens de la loi organique, l’écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP. Pour fonder cette appréciation, vous évoquez notamment l’impact du changement de méthodologie. L’écart est donc inférieur à 0,5 point de PIB. Pouvez-vous nous préciser la portée de ce changement, notamment sur le calcul du déficit et l’interprétation que nous devrions en faire ? Sans cet effet, le déficit aurait-il été de 5,5 % en 2023 ?

Je partage grandement votre préoccupation d’ensemble s’agissant de nos finances publiques et les alertes que vous avez soulevées. Nous sommes face à un problème sérieux qui nécessite de la constance dans l’effort. Vous prenez acte de la révision des prévisions de croissance du Gouvernement, qui implique une trajectoire des finances publiques plus ambitieuse que celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques.

Le Haut Conseil considère par là même que la trajectoire en matière d’évolution des finances publiques manque de crédibilité, par manque de documentation des économies et par manque d’organisation entre les sous-secteurs des administrations publiques s’agissant des objectifs à atteindre. Il est vrai que le PLF pour 2025 doit être préparé sans attendre et que la marche est haute. Pouvez-vous nous préciser le degré d’avancement des revues de dépenses menées actuellement par la Cour des comptes et les principes méthodologiques que vous avez choisis ? Proposez-vous des préconisations d’économies chiffrées dans ce cadre ?

Vous considérez également que la trajectoire des finances publiques manque de cohérence et évoquez en retour un effet négatif de l’effort structurel sur la croissance. Avez-vous pu chiffrer cet effet ?

Monsieur le Premier président, la Cour ne formule-t-elle pas une injonction paradoxale ? En effet, vous nous avez assez souvent et parfois justement reproché de ne pas être ambitieux dans le redressement de nos finances publiques et la réduction de nos dépenses. Désormais, la trajectoire est par définition bien plus ambitieuse, mais vous considérez maintenant qu’elle n’est pas cohérente. Comment faire pour résoudre ce paradoxe ?

Enfin, pensez-vous que l’effort en matière de réduction de la dépense publique est justement réparti entre les trois catégories d’administrations publiques ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le rapporteur général, vous avez justement souligné que certains éléments du recul des recettes en 2023 étaient peu prévisibles. Cependant, vous avez observé que quelques éléments pouvaient malgré tout mériter de votre part une réflexion. Ainsi, il était malgré tout envisageable que les recettes de la Crim soient moins élevées que prévu dans une année où la désinflation était déjà à l’œuvre.

Les circonstances demeurent particulières en 2023, j’en conviens, mais après un long débat, nous sommes convenus qu’elles n’étaient pas exceptionnelles au sens de la loi organique.

Vous avez estimé que les dépenses de l’État avaient été bien gérées et je n’ai pas à formuler d’avis à ce sujet. Je me réfère simplement au rapport sur l’exécution du budget, qui indique qu’en effet, les chiffres d’une réduction des dépenses exceptionnelles et d’une croissance des autres dépenses étaient annoncés par le PLF.

En revanche, nous soulignons que ces éléments aboutissent de facto à un effort insuffisant de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses structurelles. En effet, malgré une diminution de 28 milliards d’euros des dépenses exceptionnelles, les dépenses de l’État croissent malgré tout d’1 milliard d’euros. Ensuite, l’écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP est effectivement de 0,5 point. L’impact méthodologique étant de 0,14 point, l’écart s’établit à 0,36 point, ce qui demeure assez significatif.

Par ailleurs, je vous confirme que nous avons été saisis, assez tardivement, par le Premier ministre de trois revues de dépenses sur l’assurance maladie, sur le financement des collectivités et sur les dispositifs de sortie de crise. Je ne formule pas de jugement sur la répartition des efforts entre les différents types d’administration, mais il est en effet concevable que si l’accent est mis sur la réduction des dépenses, il devrait être alors équitablement partagé. Nos équipes commencent leurs travaux et nous vous demanderons sans doute, monsieur le rapporteur général, d’y contribuer. Nous rendrons ces travaux fin juin et formulerons des propositions très concrètes.

La question de l’injonction paradoxale est en effet intellectuellement très intéressante et nous nous la sommes posée. Notre priorité porte naturellement sur la réduction des déficits, mais encore faut-il qu’elle soit compatible avec les hypothèses établies qui, selon nous, manquent de cohérence. Le chemin était déjà escarpé ; il s’agit désormais d’une pente abrupte. Pour y parvenir, il faut réunir plusieurs conditions, en particulier une gouvernance de la dépense qui, jusqu’à présent, n’a pas été constatée. Les 27 milliards d’euros d’économies prévus pour le budget 2025 ne seront pas sans conséquences sur la prévision de croissance, comme le soulignent les travaux de l’OCDE.

Dans les circonstances actuelles, cela ne semble pas fonctionner. Compte tenu des éléments qui nous ont été présentés, soit les ambitions de croissance sont maintenues et à ce moment-là, nous risquons fort de ne pas atteindre le seuil de 3 % de déficit en 2027 ; soit ce niveau est recherché à tout prix et à ce moment-là, la croissance sera sans doute moindre, ce qui exigera des efforts de dépenses encore plus considérables que ceux qui sont prévus.

Le HCFP ne reproche pas un manque d’ambition au Gouvernement, mais considère que le niveau de réduction des dépenses conduirait à une croissance plus faible. C’est ici que réside le manque de cohérence.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur le président, je retiens trois enseignements de votre intervention : l’absence d’insincérité dans les prévisions du Gouvernement, l’absolue nécessité de réduire les dépenses et enfin, la considération que si la pente est certes abrupte, il n’est cependant pas impossible de la gravir.

En 2023, les dépenses de l’État sont quasi stables, les crédits consommés sont même inférieurs à la prévision initiale, malgré un soutien massif au pouvoir d’achat et au réarmement de l’État à travers les lois de programmation sectorielles. S’agissant du problème des recettes, vous évoquez la clé de répartition entre l’État et les autres affectataires de la TVA. Cependant, cette clé de répartition est comptable et n’explique donc pas les raisons pour lesquelles les recettes de TVA sont inférieures aux prévisions.

Face aux baisses de recettes que nous assumons, faut-il compenser par d’autres impôts que par des transferts de TVA ? Ces transferts de TVA doivent-ils être encadrés, à travers l’élargissement de la norme de dépense aux transferts de TVA, que la Cour des comptes a déjà recommandé ?

Considérez-vous que la charge d’intérêt associée au programme de stabilité serait cohérente avec l’évolution du volume des taux auxquels nous empruntons ? Est-elle un peu trop optimiste ?

Enfin, comment expliquez-vous la diminution des recettes liées à l’IS ?

M. Pierre Moscovici. Le Haut Conseil n’a pas évoqué l’insincérité ; le Gouvernement n’a pas la volonté de tromper les Français. Si nous avions pensé que tel était le cas, nous l’aurions dit.

En revanche, cette fois-ci, nous avons été un peu plus loin que dans nos avis précédents, puisque nous évoquons la question d’un manque de cohérence : nous estimons que le raisonnement et les résultats doivent être améliorés, ce qui exige d’effectuer un certain nombre de choix. Il ne nous revient pas de débattre pour savoir si un PLFR est nécessaire ; simplement, nous portons une appréciation sur ce que nous voyons. Dans ce cadre, il nous semble que quelques réflexions articulant la macroéconomie et les finances publiques peuvent être conduites utilement.

S’agissant de la baisse des recettes, le Conseil des prélèvements obligatoires avait effectivement produit un rapport sur la TVA proposant de limiter les transferts de cet impôt. Ce rapport demeure d’actualité. Nous avions en effet constaté que la part affectée à l’État était désormais trop peu importante.

Si nous n’avons pas formulé d’observations particulières sur les charges d’intérêts, nous avons noté que la charge de la dette continuait de croître. Or quand celle-ci est trop importante, notre marge de manœuvre pour faire face à des aléas ou pour investir devient extrêmement réduite. Vivre avec une charge de la dette de 73 milliards d’euros à 85 milliards d’euros selon les hypothèses est un cauchemar dont il faut absolument prémunir la France. Il faut donc infléchir la courbe.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous faisons face à la fois à une dérive et à un problème. La dérive concerne l’illisibilité de l’action publique et de l’analyse des comptes publics pour nos concitoyens. Il existe un grand écart entre d’une part, la gravité des faits et de la situation que vous exposez et, d’autre part, l’absence de décisions que vous justifiez pour des raisons méthodologiques, qui peuvent s’expliquer mais qui sont incompréhensibles et intolérables pour les Français.

Nous sommes dans une impasse où, à force de se déresponsabiliser en multipliant les commissions et les hauts conseils, le Parlement et le Gouvernement vous placent dans une situation où vous ne voulez pas rentrer en politique, alors qu’il vous est demandé de le faire. Aujourd’hui, quelle est la situation réelle pour les Français et les Françaises ? D’une part, il leur est précisé que le déficit public explose et, d’autre part, on leur indique que ceci intervient en raison de nouvelles méthodes comptables incompréhensibles. Cela crée une confusion encore pire pour les contribuables, pour les entreprises, pour ceux qui cherchent à comprendre la situation.

Les députés doivent cesser de perdre leur temps sur des considérations technocratiques dont personne ne comprend rien, pour prendre leurs responsabilités. Un débat est nécessaire devant le Parlement, parce que les Français ont besoin de visibilité. Il faut que le Gouvernement présente des perspectives crédibles. J’invite toutes les oppositions à se réunir, à déposer une motion de censure et à refuser toutes les lois qui nous seront proposées. Cela suffit.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député, vous faites de la politique ; je n’en fais plus et je n’ai pas à en faire. La Cour des comptes joue un rôle précis, établi dans notre Constitution. Le Haut Conseil des finances publiques a quant à lui vu ses fonctions établies par une loi organique. J’espère que les éléments que nous apportons aujourd’hui sont au contraire des éléments très précis qui, s’ils sont forcément techniques, ne sont pas technocratiques. J’ai en outre la faiblesse de penser qu’il faudrait plutôt remercier les auteurs – compétents et de bonne volonté – de ces rapports et avis, et de soixante-et-une notes d’exécution budgétaire accompagnant le rapport sur l’exécution budgétaire. La lecture de ces documents apporte une meilleure lisibilité. Ensuite, il ne nous revient pas de préconiser des décisions, ni a fortiori de les prendre. En démocratie, chaque institution est à sa place. Nous sommes à la nôtre, complètement.

Mme Véronique Louwagie (LR). En règle générale, le HCFP et la Cour des comptes utilisent toujours un ton policé. Or, dans le cas présent, ce budget de l’État constitue un moment de vérité, à charge pour le Gouvernement. La Cour des comptes relève que 2023 est une année grise, voire noire.

Sur le fond et la forme, vous indiquez un certain nombre de correctifs qui devraient intervenir. Vous évoquez par exemple le changement de méthode critiquable concernant la présentation des dépenses fiscales liées à la TVA, qui vient amoindrir de manière artificielle leur montant dans le PLF 2024. Vous évoquez également les reports de crédits qui nuisent à la maîtrise de la dépense.

À la page 40 du rapport sur l’exécution du budget de l’État, vous indiquez que « La réactivation du pacte [de stabilité] début 2024 expose de nouveau la France aux procédures prévues en cas de non-respect des règles européennes (…) ». Pouvez-vous nous rappeler ces impacts ?

Plus loin, en page 105, vous indiquez que la direction du budget n’a pas été en mesure de communiquer à la Cour un chiffrage du tendanciel de la dépense pour 2023, faute d’une formalisation entre la direction du budget et ses interlocuteurs ministériels. Avez-vous pu obtenir un tel tendanciel pour 2024 ?

En page 112, vous évoquez un risque de dépassement qui existait en septembre 2023, de 23 milliards d’euros, alors que le décret d’annulation a été simplement de 5 milliards d’euros. Cela signifie-t-il que Gouvernement ne maîtrisait plus le process d’engagement des dépenses dans le cadre des crédits votés ?

Enfin, je souhaite vous poser plusieurs questions sur le programme de stabilité. Selon mes calculs, le niveau de dette correspondant à 112 % du PIB aboutit à un montant proche de 3 600 milliards d’euros en 2027. Est-ce correct ? Ensuite, le niveau des prélèvements obligatoires augmente entre 2023 et 2027 de 0,6 point de PIB. Cela correspond-il à une pression fiscale supplémentaire de 20 milliards d’euros ? Enfin, les hypothèses de recettes d’impôt sur les sociétés avaient été envisagées de manière très optimiste à la fin 2023. Cela aura-t-il une incidence sur 2024, étant entendu que le Gouvernement a retenu les mêmes hypothèses ?

M. Pierre Moscovici. Je ne pense pas que nous ayons changé de ton. Simplement, nous constatons une exécution plus foncée que prévu en 2023 et en 2024 et un nouveau décalage dans la réduction des déficits, qui nous placent dans une situation extrêmement compliquée. Le Haut Conseil le dit, en soulignant non une insincérité mais une forme de manque de cohérence.

Pour le reste, je ne dispose pas avec moi à New York des chiffrages que vous évoquez. Je n’ai aucune raison de mettre en doute ce que vous dites et il est vraisemblable que les ordres de grandeur que vous évoquez sont corrects.

S’agissant des conséquences européennes, il ne me revient pas de vous répondre ; mais la Commission peut engager des procédures pour déficit excessif. Lorsqu’une telle procédure intervient, un pays est tenu de procéder à un ajustement structurel de 0,5 point de PIB. Il est vraisemblable que, dans le cadre des nouvelles règles, un programme de réforme sera inscrit, en contrepartie d’un délai pour le mener à bien. Les possibilités de sanctions seront plus effectives que celles du pacte non révisé, mais aussi moins lourdes.

Enfin, nous avons effectivement indiqué l’absence de documentation suffisante sur les dépenses et le tendanciel. La direction du budget y travaille.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, votre tâche n’est jamais facile, tant elle se situe à la frontière de la décision politique et de l’appréciation technique. Face à des ressources en baisse, la croissance des dépenses, même limitée, n’est pas supportable, compte tenu notamment de la charge de la dette. Il est trop aisé de blâmer les corps administratifs ou les prévisionnistes. Cependant, ne pouvons-nous pas nous interroger sur les causes techniques de l’écart constaté et pourrions-nous en éviter le renouvellement ?

L’incertitude sur les faiblesses de l’évaluation affectera la réception par l’opinion publique de l’évidence comptable, la situation dégradée de nos finances publiques et donc l’acceptation des indispensables mesures d’économies. En effet, nous ne pouvons que nous inquiéter de l’écart de 0,6 point entre les dernières prévisions du déficit pour 2023 et le chiffre constaté lors de l’apurement des comptes.

Le groupe Démocrate souscrit à l’objectif de réduction de la dépense publique, à la condition que cette politique soit économiquement viable, mais elle sera d’autant plus efficace qu’elle sera comprise et acceptée par les Français. Quelles sont les conditions propres à faciliter la réalisation de cet objectif ? Pour 2024, vous estimez que la prévision de croissance établie par le Gouvernement, même si elle est optimiste, ne demeure pas hors d’atteinte. L’évolution annoncée des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) va-t-elle dans le sens de cet optimisme ?

Pour atteindre l’objectif de la baisse de 2,2 points de dépenses publiques en pourcentage du PIB, vous estimez nécessaire une gouvernance rigoureuse et collective associant l’État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les conditions de sa mise en place et auriez-vous des exemples de bonnes pratiques de gouvernance à l’échelle européenne, dont notre pays pourrait s’inspirer utilement ?

M. Pierre Moscovici. Vous avez raison de souligner la marge d’erreur des prévisions, dans un sens ou dans un autre. Cependant, je suis toujours favorable à un principe de prudence en matière de prévisions. À ce titre, si la prévision de 1 % pour 2024 n’est pas hors d’atteinte, elle demeure néanmoins un peu élevée et au-dessus du consensus.

S’agissant de la gouvernance, nous nous sommes contentés de mentionner que les conditions pour produire un effort d’économies massif de 27 milliards d’euros requièrent que l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale puissent travailler ensemble, de manière relativement consensuelle.

Enfin, la baisse des taux sera sans aucun doute favorable à la croissance, mais plutôt à partir de 2025, ce qui est pris en compte dans le programme de stabilité.

M. Philippe Brun (SOC). Certes, le budget n’est pas insincère, mais il n’est pas non plus sincère ; disons qu’il est non sincère. Dans l’avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité, le Haut Conseil indique que la prévision de croissance manque de cohérence, car « la mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du Gouvernement pour la période couverte par la LPFP apparaissent peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement. »

Je vois tout de même dans cette phrase une forme d’aporie : vous indiquez qu’il faudra encore plus réduire la dépense publique et les déficits, car la croissance sera plus faible parce que les dépenses publiques seront réduites. Reconnaissez-vous qu’un ajustement structurel trop brutal nuira définitivement à la croissance et donc, in fine, à notre objectif de réduction du déficit public ? Quel est le bon rythme de réduction du déficit ? Celui du Gouvernement n’est-il pas trop important ?

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député, nous n’avons pas indiqué que le programme de stabilité était insincère, ni qu’il n’était non sincère. Le Haut Conseil a en revanche souligné le manque de crédibilité et de cohérence. Cela me paraît suffisamment net et clair.

Nous disons qu’il est extrêmement compliqué de passer d’un déficit de 5,1 points de PIB à 2,9 points de PIB, avec les hypothèses de croissance aujourd’hui sur la table, notamment pour 2026 et 2027. Soit ces hypothèses de croissance, qui demeurent élevées, sont maintenues, et alors le niveau de déficit final sera probablement plus élevé que celui qui est prévu. Soit cet effort massif est maintenu de manière stricte et dans ce cas, l’impact sur la croissance sera réel.

Vous me demandez ce qu’il est souhaitable de faire, mais il ne me revient pas de me prononcer sur cet aspect : nous ne faisons pas de politique. Or ces questions relèvent des décideurs politiques.

M. François Jolivet (HOR). Vous indiquez que la baisse importante des dépenses publiques pourrait contrarier la croissance. Elles n’ont jamais été aussi élevées, mais la croissance n’est pourtant pas au rendez-vous. Comment pouvons-nous sortir de ces injonctions paradoxales, même si je comprends bien que le déficit est financé aujourd’hui par la dette ?

Ma seconde question concerne la contribution sur la rente inframarginale, pour laquelle nous avons prévu 12,5 milliards de recettes et encaissé 600 millions d’euros. Vos équipes ont-elles travaillé sur ce sujet, qui ne cesse d’interroger le groupe Horizons et apparentés ?

Enfin, il nous faut sans doute retrouver une dynamique des recettes de l’État et vous avez abordé très justement la question du partage de la TVA. Selon vous, quelle serait la première réforme structurelle de l’État à réaliser pour retrouver le « droit » à l’équilibre ?

M. Pierre Moscovici. Nous constatons en effet que les recettes fiscales ont nettement diminué en 2023 et que le rendement de tous les grands impôts est en baisse, signe du désarmement des recettes fiscales. Cela explique la sensibilité croissante des recettes fiscales à l’évolution de l’impôt sur les sociétés qui, du fait de la mécanique d’acompte et de solde, subit le contrecoup des encaissements élevés de 2022. Il demeure toutefois qu’une partie des écarts entre les prévisions de recettes fiscales et les montants réellement encaissés est difficilement prévisible. C’est notamment le cas des ajustements à la baisse des acomptes de l’IS en fin d’année, difficiles à anticiper, car ils relèvent à la fois du choix des entreprises et de leurs résultats.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier, la Cour a souligné la nécessité d’une approche extrêmement méthodique, pluraliste et durable, qui associe tous les acteurs et qui passe en revue toutes les dépenses publiques pour privilégier celles qui favorisent effectivement la croissance. Il convient ainsi de développer plutôt une telle approche holistique.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Monsieur le Premier président, vous vous interrogez, comme nous, sur le faible rendement de la contribution sur la rente intramarginale et vous ne vous satisfaites pas de la réponse du Gouvernement concernant la question du prix de l’énergie. Malgré les experts qui vous entourent, vous n’avez peut-être pas réussi à comprendre pourquoi la somme finale s’élève à 600 millions d’euros, quand 12 milliards d’euros étaient attendus. Disposez-vous d’éléments permettant de comprendre le faible rendement de cette taxe ? Nous l’avions déjà souligné auprès de Bruno Le Maire, quand celui-ci nous indiquait que les superprofits n’existaient pas.

Vous précisez que la prévision du Gouvernement suppose la mise en œuvre de mesures budgétaires supplémentaires qui, si elles étaient intégralement réalisées, pèseraient sur la croissance en cours d’année. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur les mesures budgétaires supplémentaires que vous évoquez, en particulier en lien avec le pacte vert et la transition écologique ?

M. Pierre Moscovici. Il me semble que ces questions devraient plutôt être posées au ministre chargé des comptes publics que vous allez auditionner dans quelques minutes. S’agissant de la Crim, je rappelle que l’État a inscrit dans la LFI 2023 un produit de 12,3 milliards d’euros, abaissé lors du programme de stabilité à 5,5 milliards d’euros et à 2,78 milliards d’euros en loi de finances fin de gestion. Effectivement, le produit réellement constaté s’est élevé à 625 millions d’euros. Pour l’heure, l’administration n’a pas été en mesure d’expliquer de manière satisfaisante ce qui s’est passé. En réponse aux observations provisoires de la Cour, les trois directions de Bercy concernées ont à nouveau imputé cet écart à la seule baisse rapide des prix de l’électricité, au premier semestre 2023. Il reste à savoir si cela est bien le cas et si cela était imprévisible.

Les mesures à prendre relèvent plus du ressort du Gouvernement que du mien. Simplement, le Haut Conseil, dans son avis, indique que la documentation est très lacunaire. À ce stade, l’information n’est pas de nature à me permettre de vous répondre de manière précise.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je partage l’avis de ma collègue Véronique Louwagie : les mots employés par la Cour et le HCFP sont bien plus sévères que d’habitude. La situation actuelle est liée à la déconnexion du budget actuel, mais nous payons également la multiplication des recours à l’article 49.3 de la Constitution.

Entre 2019 et 2023, il n’y a pas eu une dérive des dépenses, mais bien une attrition des recettes. Quand la dépense publique baisse de 20 milliards d’euros, peut-on considérer que l’on diminue la croissance de 0,4 point de PIB ? Ensuite, faut-il abandonner la suppression de la CVAE pour permettre au moins cette rentrée fiscale auprès des collectivités territoriales ?

En plus de cette impéritie budgétaire, nous assistons à une explosion des patrimoines des plus aisés. Est-il possible d’instituer au niveau européen un impôt sur la fortune « vert » pour financer la transition écologique ?

Enfin, vous ne parlez pas d’insincérité budgétaire, mais il est loisible de parler d’incompétence. Qu’en pensez-vous ?

M. Pierre Moscovici. Encore une fois, je suis attaché à la sémantique, condition de notre propre crédibilité. Je ne sais pas si les avis sont plus sévères que d’habitude, mais je sais en revanche que la situation est plus préoccupante que d’habitude. Nous avons donc essayé de la qualifier de manière juste, appropriée, ni plus, ni moins.

S’agissant des questions d’imposition, les derniers mots de nos avis invitent à réfléchir aux baisses d’impôts qui sont prévues, soit en les remettant en cause, soit en envisageant des économies correspondantes.

Le chiffre de 0,4 point de PIB est établi en effet par l’OFCE, qui tient également compte d’un certain montant d’économies. Pour pouvoir apporter un éclairage à ce sujet, il faudrait pouvoir connaître précisément la trajectoire des économies. En toute hypothèse, les économies massives de dépenses entraînent des conséquences sur les recettes ou sur les prévisions de croissance, qui ont elles-mêmes un impact sur les prévisions de recettes et exigent donc à leur tour des économies encore plus fortes.

Enfin, il y a effectivement eu une dérive des dépenses entre 2019 et 2022, de l’ordre de 100 milliards d’euros supplémentaires. En 2023, le reflux des dépenses exceptionnelles liées à l’urgence sanitaire et à la relance s’est élevé à 28 milliards d’euros, mais parallèlement, la hausse des autres dépenses s’est élevée à 29,4 milliards d’euros.

M. Michel Castellani (LIOT). Il est écrit dans le programme de stabilité que, selon l’indicateur S2 de soutenabilité de long terme, la stabilisation de la dette ne serait pas assurée si le solde primaire était maintenu au niveau actuel. Cet élément pose ipso facto la question de la relance de la croissance, laquelle est indispensable. Or je constate que, compte tenu du taux d’épargne des ménages, la consommation des ménages ne permettra pas d’accélérer la croissance. Le commerce extérieur n’offre pas non plus un soutien à la croissance. Dans ces conditions, comment la soutenir durablement ?

M. Pierre Moscovici. Votre question permet effectivement d’évoquer un débat essentiel. En effet, quand nous soulignons un manque de cohérence, nous appelons aussi à dire la vérité et à effectuer des choix. À ce titre, l’enjeu consiste à savoir comment rendre compatible une prévision de croissance élevée avec un effort d’économies massif, qui aboutit à une pente extrêmement forte de la diminution des déficits. Telle est la question que nous avons voulu soulever dans cet avis.

En effet, les prévisions de croissance sont plus raisonnables pour 2023, 2024 et 2025. Mais ensuite, pour 2026 et 2027, elles redeviennent élevées, à 1,7 % et 1,8 %, ce qui suppose par exemple, une relance massive du commerce extérieur.

Enfin, comme vous l’avez souligné, les prévisions font état d’un taux d’épargne des ménages historiquement haut. Sa réduction n’est pas absolument impossible, mais demeure contraire à tous les comportements qui ont été observés ces derniers temps. La question est donc la suivante : de quelle manière ces prévisions de croissance, déjà élevées en elles-mêmes, seraient-elles affectées par des économies de dépenses massives ?

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le Premier président, même si vous récusez le fait que la sincérité puisse être mise en cause, j’observe que dans le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État, il y a une interrogation de ce type, d’une part sur les reports de crédits en page 139 et d’autre part sur la contribution sur la rente inframarginale en page 75.

M. Pierre Cordier (LR). Je vous remercie pour les explications que vous nous avez données et pour le travail réalisé, que nous avons regardé avec une grande attention. Ces derniers temps, le Gouvernement a particulièrement pointé du doigt les collectivités territoriales, à qui il sera demandé dans les prochains mois un effort significatif, apparemment à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Cependant, les collectivités territoriales ne gèrent heureusement pas leur budget de la même manière que l’État s’occupe du sien.

Les passages de votre rapport sur la médiocrité de la politique budgétaire du Gouvernement me rappellent les leçons infligées au groupe LR depuis 2017 par M. Le Maire et ses différents ministres du budget. À la lumière dont le budget de la France est aujourd’hui géré, permettez-moi de m’interroger sur ces leçons, qui résonnent comme un constat d’échec de la politique du « en même temps ».

M. Pierre Moscovici. Je vous donne rendez-vous à la fin du mois de juin, lorsque nous réaliserons notre propre revue de dépenses sur le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, je participe ès qualité, en tant que Premier président de la Cour des comptes, au Haut Conseil des finances publiques locales qui, je l’espère, parviendra à réaliser un travail utile et consensuel.

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous faisons face à des enjeux colossaux et les changements de prévisions du Gouvernement, qui ne vous semblent pas cohérents selon vos propres mots, nous interpellent.

En début d’année, nous avons entendu parler de 10 milliards d’euros d’économies pour 2024 et 20 milliards d’euros pour 2025. Quel montant d’économies faudrait-il réaliser pour stabiliser la charge de la dette ?

Emmanuel Macron nous indique qu’il n’existe pas en France de problème de dépenses excessives. Dans ce cas, quel devrait être le montant de la hausse des recettes – c’est-à-dire les taxes et les impôts – pour continuer à soutenir cette trajectoire ?

Enfin, quels garde-fous pourrions-nous placer, notamment dans un contexte de majorité relative, lorsque les prévisions sont manifestement trop optimistes, en dehors de tout consensus politique et économique ?

M. Pierre Moscovici. Vos deux premières questions me paraissent très clairement s’adresser davantage au Gouvernement qu’au Premier président de la Cour des comptes et au président du HCFP. Ensuite, je ne sais pas s’il faut parler de garde-fous, mais il faut peut-être écouter davantage le Haut Conseil des finances publiques. Je me permets de rappeler la proposition consistant à faire en sorte que le Haut Conseil puisse continuer à être saisi annuellement par le Gouvernement sur le suivi des programmes de réforme. Ce regard extérieur me semble en effet utile, lucide et pluraliste. Je souhaite donc que la compétence du Haut Conseil soit adaptée au nouveau cadre communautaire.

M. Philippe Juvin (LR). Monsieur le président, vous avez souligné un manque de cohérence. Estimez-vous donc qu’il existe une incohérence ?

M. Pierre Moscovici. Encore une fois, nous pensons que le bouclage tel qu’il est établi est extrêmement difficile à réaliser. Il repose sur des hypothèses qui doivent être mises en harmonie interne. Nous suggérons certaines voies pour y parvenir. Je le redis, le Haut Conseil parle bien d’un manque de cohérence. Et lorsque l’on manque de cohérence, il convient effectivement de la rétablir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Vos mots sont précis et bien pesés, nous devons en prendre acte, en tant que responsables politiques. Je suis quand même étonné que nous ne disposions pas d’outils plus précis pour expliquer le décrochage des recettes. La Cour des comptes pourrait-elle fournir une méthode permettant d’obtenir des informations plus fiables ? Un PLFR offrirait à ce titre l’opportunité de disposer de données plus précises sur l’année 2024.

Pouvons-nous estimer que les recettes sont « à l’os » ? Serait-il possible d’obtenir une aide de la Cour des comptes pour calibrer des recettes qui ne limiteraient pas la croissance, puisque l’on a l’habitude de dire que « trop d’impôt tue l’impôt » ? Existe-t-il des pistes pour rendre les recettes acceptables ?

M. Pierre Moscovici. In fine, toute méthode pour bien évaluer les recettes reposera toujours sur les données de l’administration. À ce titre, je pense qu’il est préférable de l’interroger.

En matière de recettes, nous disposons effectivement de quelques idées, que vous connaissez, puisque nous avons tenu ici même un débat sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du logement. Au delà, il existe une série de travaux assez intéressants et pour ma part, je n’ai jamais considéré que la fiscalité constituait un débat tabou : quand on ne peut plus parler de fiscalité dans un pays, cela signifie que le débat politique n’existe plus. Or le débat politique sur la fiscalité est au cœur de l’histoire de notre République. Ce débat relève de votre noble tâche, que j’ai jadis partagée.

II.   audition de M. Thomas Cazenave, ministre dÉLÉGUÉ chargÉ des comptes publics, sur le programme de stabilitÉ prÉsentÉ aux institutions europÉennes et le rapport sur l’Évolution de l’Économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux rÉsultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’annÉe 2023 (n° 2520)

Au cours de sa séance du 17 avril après-midi, la commission a procédé à l’audition de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes et le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520).

M. le président Éric Coquerel. Je remercie M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à venir présenter le programme de stabilité, qui a été délibéré ce matin en Conseil des ministres, le rapport sur les orientations des finances publiques ainsi que le projet de loi de règlement du budget pour 2023 – plus exactement, d’après le nouvel intitulé retenu par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, même si je déconseille à quiconque d’utiliser cet intitulé devant les médias !

Après cette audition, la séquence relative à l’évocation des orientations et de la programmation des finances publiques se poursuivra avec un débat en séance publique, le lundi 29 avril après-midi, comme le permet l’article 1er K de la Lolf. Il nous semblait important d’évoquer ces sujets en commission des finances avec le ministre pour préparer au mieux ce débat.

Le programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et les hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer une stratégie budgétaire jusqu’en 2027. Monsieur le ministre nous vous écoutons.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics. Vous l’avez dit, monsieur le président, cette audition a pour objectif de vous présenter le projet de loi d’approbation des comptes pour 2023 et l’actualisation de notre trajectoire macroéconomique et de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité.

Dans un premier temps, je reviendrai sur l’année 2023, dont les comptes traduisent d’abord une chose : nos dépenses ont été tenues.

S’agissant de l’État et des opérateurs, nous avons moins dépensé que prévu – et ce, à hauteur de 7 milliards d’euros. Ce résultat a été obtenu grâce aux mesures de pilotage engagées : nous avons augmenté la mise en réserve dès mai 2023 et pris un décret d’annulation de 5 milliards d’euros en crédits de paiement en septembre 2023 ; nous avons présenté une loi de finances de fin de gestion portant des annulations nettes dans le périmètre des dépenses de l’État ; nous avons renforcé le suivi de l’exécution des dépenses en fin de gestion, ce qui nous a permis d’aboutir à une exécution significativement inférieure à ce qui avait été indiqué dans la loi de finances de fin de gestion.

S’agissant des emplois, les recrutements de l’État sont conformes au budget adopté.

Au-delà de l’État, la trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été respectée. Les mesures de régulation ont permis de compenser les aides en trésorerie accordées aux hôpitaux au titre de l’inflation et le dépassement des dépenses de soins de ville. Les dépenses de santé liées à la crise sanitaire ont été significativement réduites, passant de près de 12 milliards d’euros en 2022 à 1 milliard d’euros en 2023.

S’agissant des collectivités locales, leurs dépenses de fonctionnement ont été dynamiques. Alors que la loi de programmation des finances publiques fixait une hausse des dépenses égale à celle de l’inflation, nous constatons qu’elles ont augmenté plus fortement, avec 5,9 %, alors que l’inflation hors tabac s’est élevée à 4,8 %.

Si les dépenses ont été globalement tenues, nous avons fait face à un ralentissement économique à l’échelle européenne et mondiale et à des difficultés conjoncturelles qui ont pesé lourdement sur nos finances publiques fin 2023, en particulier sur nos recettes. Au total, nous constatons 21 milliards d’euros de recettes en moins par rapport à ce que nous anticipions lors des débats au Parlement, en octobre et en novembre. Cet écart se décompose ainsi : 4,4 milliards pour l’impôt sur les sociétés, 4,3 milliards pour la TVA, 2,7 milliards pour la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), 200 millions pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), 1,4 milliard pour l’impôt sur le revenu (IR), 4,8 milliards pour les cotisations sociales et 1,4 milliard pour les prélèvements sociaux sur l’activité.

Certains nous reprochent de ne pas avoir pris en compte ce retournement lors de l’examen des textes financiers à l’automne. En décembre, les administrations de Bercy ont fait état d’un risque de déficit plus élevé que ce que nous attendions tout en alertant sur le risque de communiquer sur un tel chiffre eu égard aux nombreuses incertitudes qui l’entouraient. À cette date, la loi de finances de fin de gestion pour 2023 était promulguée depuis une semaine et ne pouvait donc pas être modifiée.

De tels écarts avec les prévisions de recettes ont déjà eu lieu. Je citerai deux exemples : en 2013, la chute des recettes avait entraîné un écart entre l’objectif du projet de loi de finances et le déficit constaté de 1,3 point de PIB, soit 25 milliards d’euros et, en 2011, l’État avait vu ses recettes baisser, notamment de 700 millions pour l’impôt sur le revenu et de près de 6 milliards pour l’impôt sur les sociétés (IS).

Cette année, par ailleurs, un changement de méthode appliqué par l’Insee a modifié le périmètre des administrations publiques, ce qui a conduit à dégrader le déficit public de près de 4 milliards d’euros.

Vous venez d’auditionner M. Pierre Moscovici. Je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estimait lui-même cet automne que la prévision de déficit de 4,9 % était « vraisemblable au vu notamment des informations disponibles » et que nos prévisions de recettes étaient « plausibles ».

En résumé, l’exercice 2023 a été marqué par des dépenses globalement maîtrisées, mais par de moindres recettes dans une conjoncture difficile, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 15 avril 2024. C’est d’ailleurs dans ce contexte que nous ajustons notre trajectoire de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité.

Face à cette conjoncture plus difficile, Bruno Le Maire a révisé notre prévision de croissance à 1 % pour 2024, en cohérence avec ce qu’ont fait nos voisins européens, et nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros – j’y reviendrai. Malgré la révision de notre croissance en 2024, ses fondamentaux restent solides, soutenus par les réformes structurelles et les investissements engagés depuis 2017 et, de façon plus conjoncturelle, par l’accélération de la consommation des ménages permise par la baisse de l’inflation et la baisse de leur taux d’épargne. Le 11 avril, la Banque de France a conforté cette prévision en constatant une hausse de 0,2 % du PIB au premier trimestre, ce qui n’est « pas incompatible avec une prévision de 1 % de croissance sur l’année ». La prévision gouvernementale de croissance, si elle est jugée optimiste, n’est pas hors d’atteinte d’après le dernier avis du Haut Conseil des finances publiques. Elle est d’ailleurs proche de celle de la Commission européenne, qui est de 0,9 %. Enfin, elle est conforme aux indicateurs conjoncturels. Le climat des affaires retrouve sa moyenne de long terme et la confiance des ménages se redresse. La trajectoire que nous présentons dans ce programme de stabilité s’inscrit donc dans un contexte de croissance préservée.

La boussole du retour sous la barre des 3 % de déficit à horizon 2027 guide notre action. Pour atteindre cet objectif, nous réajustons notre trajectoire avec une première marche crédible qui tient compte de l’exécution de 2023 et de la révision de la croissance de 2024 : l’objectif est de ramener le déficit de 5,5 % à 5,1 % en 2024. La suite de la trajectoire est également modifiée : 2,9 % en 2027, après 3,6 % en 2026 et 4,1 % en 2025.

On ne change pas une politique économique qui a fait ses preuves. Nous continuons de mener une politique de soutien à la croissance, à la création d’emplois et à l’activité partout sur notre territoire. Depuis 2017, 2,4 millions d’emplois ont été créés. Le taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans et la réindustrialisation permet à notre pays d’être l’une des locomotives de la croissance européenne.

Pour tenir notre objectif pour 2024, je rappelle l’effort déjà consenti dans le cadre du décret de février 2024 qui a annulé 10 milliards d’euros de crédits dans l’ensemble du budget de l’État. Ce décret a conduit à des mesures d’économie et à des reprogrammations dans tous les ministères. Nous avons notamment réduit les dépenses de fonctionnement de l’État et des opérateurs. Ce décret concrétise la poursuite de nos efforts vers un État plus sobre – des efforts qui nous ont déjà conduits à réduire de 150 millions d’euros la facture énergétique de l’État, à céder pour 280 millions d’euros de biens immobiliers et à diviser par trois en deux ans les dépenses de conseil. Nous avons aussi reporté certains investissements immobiliers ou informatiques non encore lancés. Nous avons réduit nos dépenses d’aide publique au développement. Nous avons resserré le compte personnel de formation en mettant en place un ticket modérateur. Nous avons mobilisé la trésorerie des opérateurs dans tous les périmètres, notamment pour ceux relevant du ministère de l’économie et du ministère de la culture. Ces mesures rapides et ciblées visent à ajuster le niveau de nos dépenses à celui de nos recettes.

Pour tenir l’objectif de 5,1 % en 2024, nous savons déjà qu’un effort supplémentaire estimé à 10 milliards d’euros sera nécessaire.

Pour l’État, une part importante de la réserve de précaution, qui représente plus de 7 milliards d’euros, ne sera pas utilisée. Les ministères devront tenir leur budget dans les crédits disponibles et nous allons piloter la gestion au mois le mois, dépense par dépense, pour le garantir. En cas d’alerte d’insoutenabilité, les seuils au delà desquels un visa de Bercy sera nécessaire pour engager la dépense seront réduits, pour un contrôle quasi systématique. Ces mesures de bonne gestion ne remettent en cause ni nos priorités ni les grands équilibres du budget pour 2024. Les dépenses vertes, ainsi que les budgets de la sécurité intérieure, des armées, de la justice, de l’éducation nationale et de la recherche, continuent de progresser.

La maîtrise de nos dépenses publiques est un effort partagé avec les collectivités territoriales. Avec Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Dominique Faure, j’ai eu l’occasion de le redire devant le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL). Conformément à la loi de programmation des finances publiques (LPFP), l’objectif pour la période 2024-2027 est de maintenir la progression des dépenses de fonctionnement légèrement en dessous – 0,5% – de l’inflation, soit 1,9 % d’augmentation au maximum en 2024. Cet objectif n’a pas varié depuis le débat et l’adoption de la loi de programmation des finances publiques en décembre. Pour l’atteindre, il faut se poser la question de l’efficacité de l’action publique, de l’enchevêtrement des responsabilités et de la façon de réduire le coût de notre action publique.

Je demeure convaincu que c’est par le dialogue que l’État et les collectivités territoriales parviendront ensemble à construire des solutions face à la dégradation de nos finances publiques. C’est pourquoi les instances de dialogue comme le Haut Conseil des finances publiques locales sont importantes. La réunion de ce Haut Conseil du 9 avril a permis d’évoquer de nouveaux thèmes de travail conjoint entre l’État et les associations d’élus.

Dans le champ social, nous poursuivrons nos efforts de maîtrise de la dépense afin de tenir la trajectoire prévue, notamment pour l’Ondam, et nous continuerons d’appliquer notre stratégie économique payante en poursuivant les réformes structurelles pour plus de travail, plus de croissance et plus de recettes.

Concernant les recettes, je l’ai dit et je le redis ici, nous n’envisageons pas de changer notre politique fiscale. Comme nous l’avons fait par le passé pour les énergéticiens, les sociétés d’autoroutes, les raffineurs de pétrole ou les laboratoires de biologie, des mesures seront prises en 2024 sur la base des travaux des parlementaires, comme l’a annoncé le Premier ministre. Je pense en particulier au rapporteur général Jean-René Cazeneuve, à Mme Nadia Hai, au président Jean-Paul Mattei et à M. François Jolivet, qui auront l’occasion de présenter leurs conclusions d’ici l’été. Nous nous sommes déjà engagés à travailler à la question des énergéticiens et des rachats d’actions.

J’en viens à l’année 2025. Nous pourrons compter sur une croissance solide, estimée à 1,4 %, grâce à la consommation des ménages et au rebond de l’investissement des entreprises et du commerce extérieur. Malgré cette croissance solide, un effort important restera à faire, prioritairement pour les dépenses, avec un objectif de déficit à 4,1 %. Pour y parvenir, nous devrons faire des économies dans tous les champs. Le travail est déjà engagé avec les revues de dépenses, qui doivent nous permettre d’identifier le plus finement possible nos marges de manœuvre. Ce travail, qui doit nous permettre de maintenir un haut niveau d’ambition en matière de réformes structurelles, est également engagé avec vous, parlementaires, grâce au dialogue que nous avons commencé à mener à l’Assemblée comme au Sénat.

Dans la période que nous traversons, je réaffirme la détermination du Gouvernement à maîtriser notre dépense, à tenir nos objectifs et à préparer l’avenir. Ce travail exigeant se fera avec vous, grâce au dialogue toujours sincère que j’ai à cœur de mener depuis neuf mois.

M. le président Éric Coquerel. Dans le rapport sur l’exécution du budget de l’État pour 2023, la Cour des comptes relève des reports massifs de crédits, à hauteur 18,7 milliards d’euros, suivis de mises en réserve et d’annulations de crédits en cours d’année, pour un montant significatif. La Cour évoque d’ailleurs un problème de sincérité de certaines prévisions de dépenses et relève également l’importance des reports à l’exercice 2024 de crédits non consommés en 2023.

Le Parlement n’est pas tenu informé en fin de gestion des prévisions de consommation des crédits reportés, ce qui ne nous permet pas d’avoir une appréciation non faussée de ce qui sera effectivement exécuté pour l’année qui s’achève. Dans ces conditions, monsieur le ministre, à défaut de promettre d’arrêter de pratiquer des reports de crédits massifs, seriez-vous prêt à vous engager à présenter au Parlement, lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion, un état des lieux de la consommation des crédits reportés de l’année précédente ? Cela nous permettrait de mieux apprécier la portée des ouvertures et des annulations de crédits proposées à cette occasion.

Par ailleurs, tout comme vous avez rectifié les estimations de croissance pour 2024, le programme de stabilité se démarque considérablement de la loi de programmation des finances publiques adoptée par l’usage de l’article 49.3 de la Constitution et qui, nous disait-on alors, devait absolument être votée pour que Bruxelles libère les crédits dus à la France. Nous avons été nombreux à remarquer que non seulement les choses ne se passaient pas ainsi, mais surtout qu’il était compliqué de voter une trajectoire largement contestable et contestée. Quelques mois après, votre programme de stabilité change les chiffres, que nous avions été nombreux à dénoncer en décembre : le déficit passe alors de 4,4 % à 5,1 % en 2024 et de 2,7 % à 2,9 % en 2027, sans parler des années intermédiaires.

Passons sur la sincérité des prévisions, même si la question mérite d’être posée. Si ces prévisions étaient sincères, ce serait presque pire ! En effet, que dire d’une politique incapable de prévoir et d’anticiper et qui accumule les erreurs ? Cela ne serait pas seulement une question d’incompétence mais, plus grave, une question d’erreur de politique. Votre politique économique et financière est vouée à être remise en question quelques mois après, parce qu’elle ne correspond ni aux besoins des Français ni à la conjoncture économique. Les erreurs s’accumulant, vous êtes obligés de constater les échecs de votre politique.

Le Haut Conseil des finances publiques a relevé que les estimations d’une trajectoire de déficit passant de 5,1 % en 2024 à 2,9 % en 2027 sont peu crédibles. Il note qu’un tel effort n’a jamais été fait par le passé et que sa documentation reste lacunaire à ce stade. J’utiliserai une image un peu différente de celle de Pierre Moscovici : vous nous promettiez de descendre un rapide, mais c’est devenu les chutes du Niagara ! Or, pour des raisons tant économiques que politiques et en raison de l’incohérence dénoncée par le Haut Conseil, le premier effet d’une baisse des dépenses publiques est d’aggraver le caractère récessif de la politique menée. Les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) font état de – 0,2 point de PIB en 2024 et de – 0,6 point en 2025. Sans une baisse astronomique de nos dépenses publiques, dont notre économie ne pourrait se relever, les objectifs seront impossibles à tenir, sans parler des besoins des Français et des réformes structurelles qui représentent, d’après ce que nous avons compris de la part de membres du Gouvernement, une attaque sans précédent de la protection sociale.

Tout cela n’a pas de sens et ne tient pas ! Je pense que le programme de stabilité qui sera présenté à Bruxelles manquera autant de cohérence que la loi de programmation des finances publiques adoptée par 49.3 l’an dernier.

Vous affirmez que l’on n’a jamais créé autant d’emplois et que le chômage a baissé, mais l’Insee prévoit un taux de chômage à 8 % fin 2024. Nous verrons alors si vous attribuez cette hausse à votre politique ou à la conjoncture internationale. Si elle se confirme, je l’attribuerai pour ma part à votre politique. N’est-il pas urgent de changer complètement de logiciel ?

M. Draghi ne propose pas les mêmes recettes mais explique que les réponses apportées sont adaptées au monde d’hier. Il parle de décrochage de croissance de l’Europe par rapport aux autres blocs économiques. Ne pensez-vous pas qu’une politique qui joue sans arrêt sur la baisse de la dépense publique a un effet récessif, sans compter qu’elle ne répond pas aux besoins de la population et qu’elle est incapable d’investir suffisamment pour une véritable bifurcation écologique ? Les montants en faveur de cette bifurcation écologique continuent certes à augmenter, mais insuffisamment par rapport à ce que la plupart des économistes estiment nécessaire. Jean Pisani-Ferry, par exemple, estime qu’il faut 37 milliards d’euros de dépenses publiques en faveur de l’écologie. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de changer de braquet ? Je sais que votre réponse sera négative, mais il faudrait d’une part mettre en place une politique de la demande dopée par des investissements écologiques au lieu d’une politique de l’offre et, d’autre part, rompre avec la politique de compétitivité qui vous a amené, depuis 2017, à offrir 50 milliards de cadeaux fiscaux chaque année. Par ailleurs, les aides publiques aux entreprises sans contrepartie, qui sont une sorte de dépense fiscale, ont explosé. Ne croyez-vous pas qu’il faut revenir sur cette politique, y compris si vous vous fixez comme objectif de baisser les déficits, car on ne voit pas ses effets sur l’emploi et car elle ne répond pas aux besoins des Français. En revanche, elle conduit à une accumulation des richesses dans les mains de quelques personnes, qui est, plus que la disparité entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches, inédite. Non seulement les cadeaux fiscaux pour les revenus du capital font exploser les inégalités, mais en plus ils privent l’État de recettes fiscales importantes.

Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) montre que les soixante-quinze plus fortunés de nos milliardaires rentiers et, pour aller vite, capitalistes, qui réalisent des gains à partir de leur patrimoine constitué des actions – c’est la définition même du capitalisme –, bénéficient d’un taux d’imposition de 26 % en moyenne pour l’ensemble de leurs revenus, personnels et professionnels. Pourtant, le taux d’imposition des 0,1 % les plus riches est de 48 %. La différence entre les deux représente pour l’État une perte de 18 milliards. Ce n’est qu’un exemple de cet argent qui, depuis des années, part vers le CAC40 pour être dilapidé en dividendes et qui ne rejaillit donc pas dans l’économie et manque cruellement aux recettes de l’État.

Le chef de l’État explique que nous avons un problème de recettes et pas de dépenses. Comment dès lors récupérer ces recettes ? Vous avez missionné plusieurs membres de la majorité pour présenter, en juin, des propositions dans ce sens, notamment en matière de rente. Il serait plus démocratique et plus nécessaire, compte tenu des modifications budgétaires – 10 milliards d’euros d’annulations de crédits et 10 milliards d’euros supplémentaires annoncés pour 2024 – de présenter un projet de loi de finances rectificative qui permettrait enfin le débat dans cette assemblée. Nous pourrions ainsi présenter à nouveau la proposition – votée par la majorité de notre commission, notamment avec le Modem –, de taxer les superprofits, taxe qui rapporterait 15 milliards d’euros à l’État. Je vous fais grâce des suppressions de niches ou d’aides aux entreprises sans condition, qui pourraient aisément rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Je vous demande solennellement de ne pas compter sur un projet de loi de finances de fin de gestion pour revoir le budget, qui est exécuté de manière totalement différente par rapport à ce qui a été adopté fin décembre : présentez plutôt un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Faute d’un PLFR, le groupe auquel j’appartiens a indiqué qu’une motion de censure serait déposée, car le débat et le vote du budget sont fondamentaux pour l’Assemblée nationale.

M. Thomas Cazenave, ministre. Entre 2023 et 2024, les reports se sont élevés à 23,5 milliards d’euros. Ce montant est en baisse puisqu’il était de 29 milliards en 2022, mais il reste élevé, notamment en raison des effets latents de la crise : sur les 23,5 milliards d’euros de reports, 6 milliards concernent le plan de relance et 1 milliard concerne les entreprises énergo-intensives. Nous nous sommes donc engagés à poursuivre leur réduction.

Il n’est pas possible de suivre à l’euro près les montants des reports de 2023 vers 2024 car, une fois reportés, les crédits se fondent dans la masse – les crédits ouverts n’ont pas de millésime. Depuis l’application de la loi organique, les crédits budgétaires sont fongibles au sein d’un programme. Toutefois, pour la première fois en 2023, une annexe au projet de loi de finances de fin de gestion présente, pour chaque mission du budget, les crédits qui ont été engagés et ceux qui ne l’ont pas encore été.

Il est normal de réviser le programme de stabilité pour tenir compte du nouveau contexte économique. Si nous étions les seuls à le vivre, votre argument serait recevable mais, à quelques jours près, l’Allemagne a elle aussi revu sa croissance – de 1,3 % à 0,2 %. Les Britanniques sont entrés en récession et la Commission européenne a revu les prévisions de croissance de notre pays. Les Européens sont donc collectivement touchés par un ralentissement économique, qui n’est pas sans lien avec la guerre en Ukraine et avec les difficultés de la Chine. Notre responsabilité est bien de revoir notre trajectoire eu égard à cette nouvelle donne économique.

Vous nous demandez de prendre acte de l’échec de notre politique alors qu’elle a permis de briser le chômage de masse dans notre pays. Dans le combat contre le chômage de masse, beaucoup se sont cassé les dents alors que nous avons ramené le chômage à 7,5 % et créé 2,5 millions d’emplois. Nous rouvrons des usines. Notre politique économique, dont l’objectif ultime est plus de travail, de croissance et d’activité, produit des résultats. Notre déficit reste élevé, mais, au moment où nous protégions massivement les entreprises, les emplois, les associations et les collectivités territoriales, je n’ai pas entendu les groupes d’opposition dire : « Stop, vous protégez trop ! ». Nous avons bien fait de protéger le tissu économique : notre modèle résiste bien avec 1 % de croissance en France contre 0,2 % en Allemagne.

Quant aux prévisions de croissance, celle du Gouvernement – 1 % en 2024 – est proche de celle de la Commission européenne, de 0,9 %, et de celle de la Banque de France, de 0,8 % avec, selon le gouverneur, une marge d’erreur de 0,2 point. En décembre 2022, la Banque de France prévoyait 0,3 % pour 2023, avant de revoir cette prévision à 0,6 % en mars 2023, à 0,7 % en juin et à 0,9 % en septembre. Il n’est donc pas anormal de revoir les prévisions de croissance. La nôtre est robuste et en lien avec notre politique économique.

Vous évoquez les interrogations du Haut Conseil des finances publiques et estimez que l’effort que nous prévoyons est peu crédible. Vous soulignez qu’un tel effort n’a jamais été réalisé mais je rappelle qu’un décret d’annulation de 10 milliards d’euros n’avait jamais été pris. Je ne vois pas pourquoi nous ne parviendrions pas à faire cet effort. Il y a encore quelques mois, certains d’entre vous auraient considéré que nous ne serions pas capables d’annuler 10 milliards. Nous l’avons pourtant fait ! Nous avons immédiatement ajusté nos dépenses à nos recettes et nous sommes engagés sur cette voie pour 2025 et au delà. Je vous invite à participer à cette réflexion et à nous présenter des propositions pour atteindre cet objectif de réduction du déficit public et de réalisation d’économies.

Selon vous, ces économies risquent de remettre en question nos services publics et de casser la croissance. Je rappelle d’abord que, entre 2019 – avant la crise – et 2023, les dépenses de l’État ont augmenté de 100 milliards d’euros pour faire face à la crise. Il est donc normal de réajuster une partie de nos crédits au monde d’après la crise. Je rappelle ensuite que les dépenses publiques représentent 1 600 milliards d’euros. Un décret d’annulation de 10 milliards et une poursuite de l’effort à hauteur de 10 milliards cette année ne remettent donc pas en cause notre modèle. Nous sommes très loin d’une cure d’austérité.

Vous nous reprochez de ne pas en faire assez pour la transition écologique et vous citez le rapport de Jean Pisani-Ferry, qui évalue la part publique des dépenses pour la transition écologique à une trentaine de milliards d’euros. Il faut toutefois aussi tenir compte de l’investissement des collectivités territoriales. Depuis 2021, nos dépenses vertes augmentent chaque année, et, même après le décret d’annulation, le budget 2024 est le plus vert de notre histoire.

De quels cadeaux fiscaux parlez-vous ? La baisse du barème de l’impôt sur le revenu dans les premières tranches n’était pas un cadeau aux ultrariches, mais à ceux qui travaillent. Cette revalorisation du barème de l’IR ne s’est pas accompagnée de la revalorisation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Toujours concernant la justice fiscale, je rappelle que la loi de finances contient des dispositions visant à mieux lutter contre l’évasion fiscale, notamment celles traduisant l’innovation du pilier 2 de la réforme de la fiscalité internationale qui crée un impôt minimal sur les sociétés – une réussite internationale. Tout le monde en rêvait, nous l’avons fait ! Ensuite, nous renforçons la lutte contre la fraude : ainsi que mon prédécesseur Gabriel Attal s’y était engagé, le nombre de contrôles fiscaux sur les plus fortunés a augmenté de 25 %. Avant d’augmenter les impôts, nous nous assurons que les impôts dus sont payés. C’est cela, la politique de lutte contre la fraude. Enfin, nous souhaitons qu’une initiative soit prise dans le cadre du G20 pour que certains, particulièrement fortunés et mobiles, qui échappent à l’impôt – ce qui me choque autant que vous – ne puissent plus le faire. Ce n’est pas un sujet de désaccord entre nous. La question est de savoir comment faire. Une réponse purement nationale n’est pas efficace. Il faut donc notamment, comme nous l’avons fait, améliorer l’échange de données entre États pour mieux lutter contre l’évasion fiscale, ce que Gabriel Zucman a salué. Je le répète : nous sommes favorables à une initiative internationale pour lutter contre l’évasion fiscale des contribuables les plus fortunés. Comme vous, nous sommes révoltés quand certains contribuables, notamment les plus fortunés, échappent à l’impôt. Le Président de la République et Bruno Le Maire ont pris un engagement en la matière et nous souhaitons voir aboutir ces échanges dans le cadre du G20.

Je rappelle que les parlementaires de la majorité travaillent sur différentes questions fiscales : les rentes, l’encadrement des rachats d’actions – auquel le Gouvernement est favorable – et les énergéticiens.

Je confirme qu’il y aura un projet de loi de finances fin de gestion, comme il y en a systématiquement pour permettre des ouvertures et des annulations de crédits. C’est une souplesse indispensable.

Par ailleurs, les 10 milliards d’euros d’efforts supplémentaires pour atteindre l’objectif de 5,1 % ne nécessitent pas de PLFR. L’effort attendu de l’État représente en effet environ 5 milliards d’euros et nous disposons de 7 milliards d’euros de crédits en réserve. Les réserves servent à faire face aux aléas, comme celui représenté par une croissance moins forte que prévu. Nous mobiliserons donc la réserve de précaution tout en continuant à réaffirmer que les finances publiques sont gérées en partage avec les collectivités territoriales et que l’augmentation des dépenses de fonctionnement doit ralentir. Nous consacrerons un débat aux recettes, prenant en compte les initiatives des parlementaires. En somme, nous n’avons pas besoin d’un texte.

M. le président Éric Coquerel. Une solution nationale est possible : la baisse des impôts sur les revenus du capital depuis 2017 le démontre.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais commencer par pousser un coup de gueule, si vous le permettez. La Cour des comptes est reconnue mondialement pour son indépendance. Elle publie des travaux de qualité et est souvent critique avec le Gouvernement. Depuis le début de l’audition de M. Pierre Moscovici par la commission il y a maintenant plus de deux heures, j’observe des tentatives – presque un acharnement indécent – pour faire dire à son Premier président ce qu’il n’a pas dit. Il n’a pas dit que les comptes étaient insincères et je voudrais rappeler à nos collègues socialistes que la Cour des comptes a déclaré des comptes insincères pour la dernière fois en 2017 et qu’il s’agissait du dernier budget d’un gouvernement socialiste.

J’observe également que certains rejouent le match s’agissant des prévisions. Le ministre a rappelé la difficulté de l’exercice pour 2023, mais notre majorité, avec une prévision de croissance à 0,9 %, avait raison. Chacun doit reconnaître avec modestie que l’environnement économique et géopolitique rend toute prévision particulièrement complexe. Il y a encore trois jours, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait 1 % de croissance pour la France. Il évoque désormais 0,7 %, après avoir révisé à la baisse la croissance en Europe. Nous ne pouvons pas changer nos prévisions à chaque fois qu’un organisme modifie les siennes ou pour reprendre in extenso les recommandations d’organismes extérieurs ! Nous devons retenir les hypothèses les plus justes possibles pour notre politique, qui doit avoir un impact sur notre croissance.

J’en viens à mes questions. La première concerne le changement de méthodologie de l’Insee, qui aurait des répercussions à hauteur de 0,15 point de PIB. Peut-on considérer que, sans cet ajustement, le déficit de 2023 aurait été plus proche de 5,3 % que de 5,5 % ?

Nos prévisions de croissance et de dépenses pour 2023 étaient justes. Les dépenses ont même été inférieures à ce qui était prévu. L’importante chute de nos recettes a pris tout le monde de court, y compris le Haut Conseil des finances publiques, qui trouvait crédible les prévisions associées au projet de loi de finances de fin de gestion dans son avis d’octobre 2023. Avec les équipes de Bercy – que je salue pour la qualité de leur travail – avez-vous lancé des analyses pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé ? Existe-t-il des moyens pour ne pas se laisser surprendre par un décrochage aussi important dans le futur ?

Concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), l’écart entre les prévisions budgétaires successives et la réalité peut surprendre et choquer beaucoup de monde, nous les premiers. Les prix spot de l’électricité ont certes fortement évolué, et c’est tant mieux pour notre économie, mais une communication n’aurait-elle pas permis d’éviter cet imbroglio de fin d’année ? Nous travaillons à rectifier les défauts dans la manière de calculer la Crim. Avez-vous des pistes de votre côté ?

Malgré les caricatures qui décrivent une gestion hors contrôle des dépenses, il faut souligner le sérieux de l’exécution du budget de l’État. Vous avez apporté des réponses précises. La baisse en volume des dépenses de 4,8 % dans le champ du budget général a été portée par une forte diminution du budget de crise – nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte ». En dehors de ces effets, les dépenses ont augmenté de 0,4 % en valeur : elles sont donc contrôlées.

Le montant des crédits gelés et mis en réserve est deux fois plus élevé qu’en 2022. Je peux le comprendre s’agissant des crédits gelés, compte tenu du contexte. En revanche, je m’associe à l’esprit des propos du président de la commission : le niveau des reports à la fin 2023 n’est pas normal. Il fausse la lisibilité du budget et le travail parlementaire. Avant 2019, les reports représentaient 6 à 7 milliards d’euros chaque année, un niveau cohérent avec les masses dont il est question, puis ils sont montés à des niveaux élevés. Ils sont aujourd’hui en baisse, mails il faut un plan vigoureux et volontariste de votre part car l’effort annoncé pour les faire baisser ne me paraît pas assez ambitieux.

Concernant le programme de stabilité 2024-2027, j’exprimerai plusieurs remarques à rebours de ce qui a été dit par le président de la commission. D’abord, l’objectif de déficit pour 2024 peut sembler insuffisamment ambitieux à certains. Je le trouve assez raisonnable : en raison de la faible croissance prévue pour 2024, nous disposons de moins de leviers et il faut prendre garde à ne pas casser cette croissance. En 2025 et 2026, nous devrions retrouver des niveaux de croissance plus élevés et donc des marges de manœuvre plus importantes pour jouer sur nos recettes. Ensuite, nous n’avons pas besoin de PLFR. J’ajoute simplement aux explications du ministre qu’il faut aller vite compte tenu de la dégradation de nos recettes depuis novembre. J’appelle moi aussi un débat de mes vœux, mais le PLFR n’est pas le seul moyen de débattre du budget au Parlement : les occasions ne manquent pas et nous pourrons débattre lors de l’examen du programme de stabilité puis lors de l’examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

Concernant la période 2025-2027, disposez-vous d’une estimation actualisée du niveau d’économies qu’il faudra atteindre ? Prévoyez-vous une modification des plafonds d’emploi d’ici la fin du programme de stabilité, en 2027 ?

M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général et moi-même avons tous deux demandé un débat en séance publique sur le programme de stabilité, et je me réjouis qu’un tel débat puisse se tenir. Toutefois, ce débat ne donnera pas lieu à un vote alors que la fonction du Parlement est de voter.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Bien sûr, mais on connaît déjà votre vote !

M. Thomas Cazenave, ministre. Le changement de méthode de l’Insee pour le calcul du déficit public – car vous savez que ce dernier n’est pas calculé par Bercy, mais par l’Insee – a conduit notamment à sortir du champ des administrations publiques l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) pour le classer en institution financière. Ce seul mouvement entraîne un déport de 2,6 milliards d’euros, qui correspondent notamment aux réserves de l’Erafp. Si ce changement de méthode n’avait pas eu lieu, l’Insee aurait constaté un déficit public non pas de 5,5 % mais de 5,36 % pour 2023. Il y a donc bien un pur effet de méthode.

Je n’ai pas assisté aux échanges lors de l’audition du Premier président de la Cour des comptes, mais l’intervention du rapporteur général m’incite à aborder la question de la sincérité des comptes 2023. J’ai lu dans le détail l’avis du Haut Conseil des finances publiques : il valide complètement l’analyse selon laquelle l’aggravation du déficit n’est pas un sujet de dépenses mais de recettes. C’est écrit noir sur blanc. Je le redis avec la plus grande clarté et avec la plus grande fermeté : il n’a jamais été question de sincérité des comptes 2023, jamais ! J’ai communiqué en totale transparence à ceux qui voulaient la mettre en débat une note de la direction du Trésor et de la direction du budget du 7 décembre 2023, bien après le dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion, expliquant qu’il y avait trop d’aléas et qu’il était trop tôt pour communiquer.

S’agissant des recettes, nous avons constaté un recul des impôts, qui sont traditionnellement difficiles à estimer. Je pense notamment à l’impôt sur les sociétés (IS), qui obéit à des pratiques d’entreprises, notamment celles relatives à la constitution de provisions. L’évolution des recettes est difficile à estimer et des écarts ont déjà été observés : en 2013, le déficit s’est établi à 25 milliards d’euros en raison d’une chute des recettes qui n’avait pas été anticipée ; en 2011, l’IS a rapporté 6 milliards d’euros de moins que prévu. Nous avons poursuivi les investigations afin d’identifier, secteur par secteur, les effets que l’on peut détecter pour améliorer la prévision des recettes. La baisse s’explique en partie par les pratiques de provisions, notamment dans le secteur financier, et par des phénomènes d’autoliquidation des entreprises. Les équipes de Bercy – la direction générale du Trésor et la direction du budget – mènent un travail continu d’ajustement de nos modèles aux pratiques des entreprises et à la situation économique. Il faut reconnaître que les crises que nous avons traversées ont parfois bouleversé nos modèles de prévision.

Vous m’interrogez sur les économies à réaliser dans le cadre du programme de stabilité. Le 6 mars, j’avais présenté devant vous l’hypothèse de 12 milliards d’euros d’économies à documenter pour 2025. Compte tenu de la baisse de la croissance et des effets des années antérieures, il faudrait faire passer cet effort de 12 à 20 milliards d’euros, en pérennisant les économies réalisées en 2024. Nous nous inscrivons dans cette trajectoire.

Nous avons effectué les recrutements prévus dans le budget de l’État pour 2023. Nous plaidons pour une stabilisation des recrutements en 2025.

M. le président Éric Coquerel. La parole est aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). À mon tour de dire à quel point l’accusation d’insincérité jette le discrédit non seulement sur le Gouvernement, qui aurait délibérément menti à la représentation nationale, mais aussi sur vos équipes et sur l’administration placée sous votre autorité, qui ont autre chose à faire que de mentir délibérément à la représentation nationale.

Le groupe Renaissance partage l’ambition du Gouvernement de ramener le déficit en deçà de 3 % en 2027, pas par fétichisme mais par impératif de souveraineté budgétaire. Il réaffirme aussi son soutien à une politique économique qui a donné des résultats. Pour atteindre cet objectif, nous pensons, comme vous, qu’il faut plus d’emplois, qui généreront plus de recettes et plus de croissance pour financer notre modèle social. Il faut donc agir sur tous les leviers, notamment celui de l’assurance chômage, mais on ne répond pas à une baisse de recettes par des hausses d’impôts. Rien ne serait pire que d’aggraver le mal. Penser qu’une augmentation des impôts entraînerait une augmentation des recettes procède d’une lecture erronée de notre histoire fiscale des dernières années.

Les transferts de TVA ont servi pour compenser les baisses et les suppressions d’impôts des années passées. Envisagez-vous d’élargir la norme de dépense du budget de l’État à la TVA pour éviter l’éparpillement de cette ressource fiscale ? Ou bien envisagez-vous de modifier la méthode de compensation des éventuelles nouvelles suppressions d’impôts par d’autres impôts, en évitant de recourir à la TVA ?

Compte tenu de l’effet volume et de l’effet taux ces dernières années, maintenez-vous le scénario de taux associé à la charge d’intérêt de la dette ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Monsieur le président, avec votre autorisation, je voudrais compléter ma réponse au rapporteur général avant de répondre à Mathieu Lefèvre.

Le rapporteur général a raison de souligner que la Crim a eu un rendement plus faible que prévu, ce qui s’explique en partie, selon nos analyses, par la baisse des prix de l’énergie, qui a modifié les hypothèses initiales. Tout nouvel impôt est difficile à calibrer, notamment pour ce qui est des modalités de recouvrement et de la solidité des prévisions. Nous avons permis la mobilisation de la capacité à imputer les pertes, y compris celles des années précédentes, dans le calcul du montant de la Crim. Pour 2024, nous pourrions envisager d’aménager cette capacité pour augmenter le rendement de cet impôt. Je renvoie au travail conduit par le rapporteur général et d’autres députés pour faire évoluer le dispositif. Nous y sommes favorables et restons à votre disposition si vous souhaitez instruire plusieurs scénarios sur la base de notre expérience.

Monsieur le président, il n’existe pas de monde dans lequel il n’y aurait aucun report de crédits. Je conteste ce que l’on essaie de faire dire à un certain nombre de pratiques qui sont pourtant parfaitement légales et conformes à la loi organique.

Monsieur le rapporteur général, il faut certes faire baisser les reports, mais certains sont de droit et les fonds de concours, par exemple, font l’objet de reports automatiques. Il existe donc un montant minimum et incompressible de report. Leur réduction doit être progressive, mais nous avons été touchés par la poursuite des effets de crise.

Monsieur Lefèvre, vous posez une question importante sur la TVA, a fortiori pour les collectivités territoriales qui bénéficient d’une fraction de cette recette et qui souhaiteraient avoir une vision plus complète et même exhaustive des ressources dont elles disposent, y compris celles de nature fiscale. C’est une idée intéressante que nous pourrions creuser pour poursuivre le travail que vous esquissez.

S’agissant du scénario de taux sous-jacent au programme de stabilité, je rappelle nos hypothèses. Pour les taux courts, en particulier ceux à moins de trois mois, nous prévoyons 3,25 % en 2024 et 3 % de 2025 à 2027. Pour les taux longs, notamment les obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans, nous avons mis les hypothèses à jour depuis la LPFP, en fonction de l’analyse de la situation menée par l’Agence France Trésor. Les hypothèses de taux retenues sont les suivantes : 3,2 % en 2024, 3,5 % en 2025 et 3,6 % en 2026 et 2027. Si l’impact de la variation des taux sur la charge de la dette est progressif, c’est notamment en raison du calendrier de refinancement de la dette.

M. le président Éric Coquerel. Je me permets d’intervenir, puisque le rapporteur général et moi étions du même avis concernant les reports de crédits. La Lolf, que vous avez citée, permet les reports de crédits dans la limite de 3 % des crédits initiaux, sauf dérogation prévue expressément en loi de finances. Dans le passé, les dérogations concernaient une vingtaine de programmes. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à quarante programmes et cela est décidé par 49.3 – ces reports dérogatoires ne sont donc pas votés mais adoptés, ce n’est pas tout à fait pareil. Il y a bien un excès de reports.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Sincèrement, monsieur le ministre, je suis consterné par votre audition et par cette autosatisfaction permanente. À défaut d’écouter la représentation nationale, essayez peut-être d’écouter les Français ! Selon le dernier sondage Ifop, il en reste 12 % qui vous font confiance pour la maîtrise de la dette et du déficit alors qu’ils sont 16 % – c’est un peu mieux, il faut le souligner, bravo ! – à vous faire confiance pour l’amélioration du pouvoir d’achat. Vous n’êtes même plus crédibles au sein de votre propre électorat. Vous pouvez donc continuer à vous faire plaisir en vous félicitant entre parlementaires et ministres de la majorité, mais ce cercle de l’amour devient extrêmement restreint.

Les faits sont là et ils sont têtus : la situation est catastrophique. Je m’étonne que certains de mes collègues opposent la compétence et la sincérité. On peut en effet être insincère et incompétent, ainsi que vous le montrez depuis sept ans : vous mentez aux Français en espérant que vos résultats maquillent vos mensonges précédents. « Pas de bol ! » comme dirait un prédécesseur, qui avait pourtant le soutien de M. Macron en 2017. Je dis cela pour M. Cazeneuve, qui semble oublier que son gouvernement procède de François Hollande. Le ruissellement des plus riches ; la hausse des taxes qui ne toucherait pas les classes moyennes ; la politique énergétique inflationniste qui abîme notre productivité : tout cela, c’était bidon, mais vous continuez comme si de rien n’était. Les prévisions de productivité, de croissance et – plus grave pour les Français – de hausse des salaires sont toujours surestimées. Pourquoi, d’ailleurs, contrairement à vos dires, la hausse des salaires réels n’a-t-elle pas rattrapé l’inflation ? Contrairement aux promesses de Mme Borne, cela fait trois ans que les salaires augmentent moins que l’inflation et que les travailleurs perdent du pouvoir d’achat. La réalité, c’est que vous voulez gagner du temps jusqu’au 9 juin avant la purge, la vraie. Qu’annoncerez-vous aux Français après le 9 juin ? Dites la vérité avant les élections ! Cette année blanche se fera-t-elle, ou pas ? La perte de pouvoir d’achat représente 25 milliards d’euros pour tous les Français. Quelles seront les économies drastiques ? Dites la vérité aux Français au lieu de nous balader et de nous prendre pour des imbéciles que – désolé ! – nous ne sommes pas.

Vous avez eu recours au 49.3 et je constate que plus vous privez le Parlement de pouvoir, plus les comptes déraillent. Faites confiance aux compétences du Parlement. Visiblement, nous sommes moins mauvais que vous !

M. Thomas Cazenave, ministre. Il faut s’accrocher à son siège quand on entend ce que je viens d’entendre : le Rassemblement national, qui promet de baisser massivement la TVA, de nationaliser les autoroutes et d’exonérer Mbappé d’impôts sur le revenu – alors que tout cela aggraverait le déficit public de 100 milliards –, n’a aucune leçon à nous donner en matière de crédibilité, de sincérité et de compétence. Je vais néanmoins vous répondre, parce que vous connaissez mon attachement au dialogue avec le Parlement.

Vous avez raison, il faut toujours revenir aux chiffres et aux résultats. A-t-on créé 2,5 millions d’emplois depuis 2017 ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Insee. A-t-on rouvert des usines ? Vous évoquez une purge : quelle purge ? Nous sommes très transparents. Lorsque, en début d’année, nous avons constaté une baisse des recettes, nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros. Personne ne l’avait jamais fait. Le 6 mars dernier, je suis venu devant vous pour expliquer que nous disposions d’informations selon lesquelles les recettes étaient moins importantes que prévu et je suis ici pour vous dire qu’en 2024, un effort supplémentaire de 10 milliards sera fait, dont 5 milliards à la charge de l’État. Nous disposons de 7 milliards d’euros de réserves de précaution. Un travail est en cours avec des parlementaires concernant quelques recettes ciblées. Nous sommes prêts à travailler sur les rachats d’actions et sur les énergéticiens. Voilà ce que nous allons faire en 2024, dans la transparence vis-à-vis des Français et, cet après-midi, vis-à-vis de la représentation nationale.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Pour éviter que vous ne répétiez que tout va bien dans le meilleur des mondes, je vais vous poser des questions concrètes.

Premièrement, pour justifier ou expliquer l’écart entre les prévisions et ce qui s’est réellement passé, vous avez fait référence à d’autres années. Vous avez cité à deux reprises 2011 et 2013. Ces deux années ont pour point commun d’avoir connu un projet de loi de finances rectificative. Pourquoi ne corrige-t-on pas les écarts entre les prévisions et la réalité par un débat au Parlement, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative ?

Deuxièmement, vous venez de parler de TVA. Dans son livre, M. Bruno Le Maire évoque la piste du transfert d’une partie du financement de la protection sociale vers une augmentation du taux de TVA. Vous engagez-vous solennellement devant la commission des finances à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation du taux de TVA d’ici à 2027 ?

Troisièmement, vous avez, dans une émission de radio, évoqué le gel des pensions de retraite comme une piste d’économie pour l’année à venir. M. Maillard, lui, a lui parlé de gel des pensions de retraite et de gel des prestations sociales. Confirmez-vous que le Gouvernement travaille à cette option, ou l’écartez-vous, aujourd’hui, devant la commission des finances ?

Enfin, comme le Président de la République, vous avez reconnu que le déficit plus élevé qu’annoncé était dû à une baisse des recettes attendues et vous avez annoncé avoir créé un groupe de travail pour examiner notamment la taxation des superprofits. Il se trouve qu’en commission des finances, nous avons consacré une mission à ce sujet dès 2022 et que des débats ont eu lieu, au moment des examens budgétaires, quant à l’instauration de taxes sur les superprofits. Toutes les solutions sont donc sur la table. Cherchez-vous à gagner du temps afin de créer une taxe sur les superprofits quand il n’y aura plus de superprofits ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Pour reprendre les exemples de 2011 et 2013, il n’y a aucun lien entre les écarts et le PLFR. En 2011 et 2013, on a constaté un écart entre la prévision et l’exécution. Ce sont des choses qui arrivent. Cette année, nous avons souhaité réagir tout de suite face au constat de la baisse de nos recettes. Avons-nous besoin d’un PLFR pour le faire ? Ma réponse est non, pour deux raisons. D’abord, peut-on annuler des crédits ? La réponse est dans la Lolf, qui est un texte d’initiative parlementaire : oui, on peut le faire. C’est parfaitement légal. Nous respectons parfaitement le cadre organique et nous aurions pu même aller jusqu’à annuler 12 milliards d’euros. Le reste de l’effort relève du pilotage de la dépense. Nous avons mis des crédits en réserve, à hauteur de 7 milliards d’euros. Ces mises en réserve nous permettront de respecter les objectifs sans avoir besoin d’un projet de loi de finances rectificative. Nous verrons ensuite quel véhicule permettra d’appliquer les propositions qui seront faites par les parlementaires pour 2024.

Par ailleurs, il n’y a pas de projet de TVA sociale. Je vous le dis nettement, puisque vous faites référence à l’idée d’augmenter la TVA pour baisser les cotisations : ce n’est pas au programme.

Enfin, s’agissant de 2025, le travail débute – avec les ministres et, j’y tiens beaucoup, avec les parlementaires. Nous écouterons les propositions qui seront formulées. J’ai l’occasion de rencontrer un grand nombre de parlementaires. Certains m’écrivent et me font des propositions. Nous avons plusieurs mois devant nous pour bâtir le projet de loi de finances qui sera déposé à l’automne. Commencer tôt me convient et nous sommes dans un moment de dialogue et d’écoute.

Mme Véronique Louwagie (LR). À vous entendre, il n’y aurait ni inquiétude ni préoccupation. Je voudrais quand même rappeler que le déficit de 2023 est pire que celui de 2022. Seul celui de 2020 a été pire. Nous restons un mauvais élève de l’Union européenne. La Cour des comptes relève d’ailleurs que 2023 n’est pas une année blanche, mais une année noire. Hors dépenses exceptionnelles, nos dépenses ont augmenté de 29,4 milliards d’euros et, concernant les recettes, la Cour des comptes relève qu’une partie de l’écart aurait dû être anticipée.

En février 2024, vous prévoyez une progression de TVA nette de 7,8 milliards d’euros en raison d’un décalage technique et provisoire constaté en 2023. Ce décalage a-t-il une incidence sur 2023 et, le cas échéant, laquelle ?

Ma deuxième question concerne les hypothèses de croissance. Vous évoquez le nombre d’emplois créés et nous savons que la croissance potentielle est importante. En revanche, avec une baisse de 5 % de la productivité depuis 2019, nous devons faire face aux résultats de votre politique économique. Avez-vous analysé les raisons de cette baisse de productivité ? Si oui, avez-vous engagé des correctifs ?

Ma troisième question concerne l’effort de maîtrise des dépenses publiques : sa documentation est lacunaire – je reprends les termes du Haut Conseil des finances publiques – et il manque de crédibilité. Pourriez-vous pallier ce manque de crédibilité en présentant un état précis, chiffré et documenté des économies que vous envisagez ?

Enfin, le Haut Conseil des finances publiques souligne le manque de cohérence entre le taux de croissance et l’effort de réduction des dépenses qui aura nécessairement un effet sur l’activité économique. L’objectif de déficit pour 2027 serait donc difficile à atteindre. Envisagez-vous, dans ce cas, d’augmenter les impôts ? Si vous n’engagez pas ces économies de dépenses, ce sera votre seule solution pour atteindre ce niveau de déficit.

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous dites que le déficit de 2023 est l’un des plus graves de notre histoire. Ce n’est pas tout à fait le cas quand on l’évalue en pourcentage du PIB – il faut le comparer à la richesse nationale, puisque c’est ainsi qu’on le mesure. Je peux ainsi citer le déficit de 2009, 7,4 % du PIB, ou celui de 2010, 7,2 %. Il n’en reste pas moins qu’il faut réduire le déficit et notre objectif est de le ramener à 2,9 % en 2027. C’est le sens du programme de stabilité que nous vous présentons.

Entre 2019 et 2023, les dépenses de l’État ont augmenté de 25 %, soit 100 milliards d’euros. Il est donc possible, crédible et souhaitable de faire des économies sur les dépenses dans notre trajectoire de retour à 3 % de déficit public.

J’entends que la documentation de nos économies serait lacunaire...

Mme Véronique Louwagie (LR). Ce n’est pas moi qui le dis.

M. Thomas Cazenave, ministre. Le programme de stabilité n’est pas un projet de loi de finances pour les trois prochaines années. Nous avons engagé un travail sur les pistes d’économies, que je vous invite à continuer avec nous. J’ai relu en détail le contre-budget du groupe Les Républicains. Nous sommes d’accord avec certaines pistes concernant l’État et ses opérateurs, mais pas avec d’autres, comme les dépenses supplémentaires ou la baisse de la TVA.

La hausse de 7,8 milliards d’euros des recettes de TVA entre 2023 et février 2024 est un simple problème d’appariement dans les bases de la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce qui n’a pas été comptabilisé en février apparaîtra en mars et en avril, mais cela n’a aucun impact en comptabilité : aucune bonne nouvelle ne se cache derrière ces chiffres.

M. Philippe Brun (SOC). À la lecture de ce programme de stabilité, on est plutôt pris d’un sentiment de compassion à votre égard et à celui de vos conseillers qui ont dû faire « entrer l’édredon dans la valise » ! Vous proposez des économies – 27 milliards d’euros en 2025 – dont on ne connaît ni le détail ni les moyens de les obtenir. Dans un avis très sévère, le Haut Conseil des finances publiques considère que vos prévisions manquent de crédibilité et de cohérence. Vous vous en sortez en disant que les collectivités réduiront leurs dépenses. Comment le feront-elles ? Comment un maire décidera-t-il de ne pas construire le gymnase qu’il avait prévu sans aucune norme pour l’y contraindre et au seul motif qu’il faut aider à la réduction faciale du déficit public dans les documents transmis à Bruxelles ?

Nous n’avons aucune information. Je regrette que le programme national de réforme, qui est normalement annexé au programme de stabilité, n’ait pas été transmis aux parlementaires, car nous n’avons pas de détail concernant les voies et moyens que vous prévoyez pour atteindre vos objectifs. Nous sommes particulièrement inquiets. Vient alors la question des mesures qui pourraient être mises sur la table, dont nous ne pourrons pas débattre faute de projet de loi de finances rectificative. Vous déclariez pourtant dans Le Monde, au moment où le décret d’annulation a été pris, que si nous allions au-delà de 10 milliards d’euros, il faudrait un projet de loi de finances rectificative. C’est votre déclaration, monsieur le ministre. Nous avons confiance en vous et en votre parole, mais cette déclaration est contredite par vous-même et par le Gouvernement.

Que faire s’agissant des recettes ? Êtes-vous favorable à ce que nous élargissions l’assiette de la contribution sur la rente inframarginale ? En ne s’attaquant qu’aux producteurs d’électricité et pas à l’ensemble des fournisseurs, on ne s’attaque qu’à EDF, à Engie et à trois ou quatre acteurs en France et le rendement sera donc plus bas.

Êtes-vous favorable à une réflexion sur la taxation des superprofits ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Dans un programme de stabilité, il n’est pas nécessaire de documenter l’intégralité des mesures et des éléments sous-jacents pour atteindre les économies nécessaires car on n’y construit pas un budget pluriannuel : ce document redonne un cap et précise la manière selon laquelle doivent évoluer le déficit public et les grands équilibres. Je vous donne rendez-vous pour le projet de loi de finances pour 2025 et je propose que nous en discutions ensemble, y compris concernant les pistes d’économies. Nous avons le temps. Je préfère que nous nous y prenions suffisamment à l’avance afin d’essayer de trouver des points d’accord sur les pistes d’économies, mais aussi sur les recettes. Vous évoquez la question de la contribution sur la rente inframarginale : nous avons toujours affirmé qu’il n’y avait pas de tabou. Cette imposition n’a pas produit les recettes attendues. Des parlementaires y travaillent et je ne verrais que des avantages à ce qu’un travail commun soit effectué, y compris avec des élus de l’opposition.

Concernant les collectivités territoriales, il n’existe pas de mécanisme de contrat cadre et nous ne sommes pas revenus à un mécanisme contraignant. Les relations reposent sur la confiance. Contrairement à ce que vous voulez laisser croire dans votre question, nous ne demandons pas aux collectivités de baisser leurs dépenses, mais de les faire évoluer au plus de 0,5 % en dessous de l’inflation – soit 1,9 % de croissance pour l’année 2024. Le Haut Conseil des finances publiques locales a toute son importance car nous avons les finances publiques en partage. Il nous faut identifier des surcoûts que nous partageons en raison d’une mauvaise organisation ou de redondances. Grâce à telle ou telle évolution réglementaire ou législative, nous ferons faire des économies aux collectivités territoriales. Telle est notre méthode.

Je répète que nous pouvons annuler jusqu’à 12 milliards d’euros de crédits en 2024 sans avoir à présenter un PLFR, mais nous n’aurons pas besoin de prendre un autre décret d’annulation puisque suffisamment de crédits ont été mis en réserve pour piloter la dépense de l’État. Avec la réserve de précaution, l’effort des collectivités territoriales et les recettes nouvelles permises par le travail conduit par les parlementaires, nous tiendrons nos 10 milliards d’euros d’efforts supplémentaires pour respecter un taux de déficit de 5,1 %.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Les crises récentes conjuguées à des décennies de gestion inadéquate ont déjà mis à mal nos finances publiques. Cette situation est aggravée par le ralentissement économique européen, voire mondial, que nous observons depuis la fin 2023, qui affecte nos ressources et nous oblige à ajuster à la baisse nos prévisions de croissance pour 2024. Dans ce contexte tendu, il est impératif de réduire nos dépenses publiques pour continuer à redresser notre situation financière, démarche essentielle pour renforcer notre capacité à planifier l’avenir avec confiance. Les mesures de gestion rigoureuse et l’optimisation des dépenses que vous proposez sont parfaitement alignées avec ces objectifs. Notre groupe, profondément attaché aux principes de responsabilité budgétaire et de redressement des finances publiques, vous assure de son soutien dans ces efforts tout en veillant à la préservation de notre dynamisme économique.

Pouvez-vous clarifier comment les mesures visant à réduire les dépenses publiques de 10 milliards d’euros en 2024 et de 20 milliards d’euros en 2025 pourront être appliquées sans nuire à notre croissance économique et à nos engagements pour une transition écologique ?

Quelle réduction précise de coûts anticipez-vous pour 2024 et 2025 grâce aux initiatives en cours comme celles de la rationalisation des opérateurs de l’État et de la gestion immobilière ? Je pense notamment à la poursuite de la récupération des excédents de trésorerie des opérateurs et à la réduction des espaces de bureaux non utilisés.

En considérant le risque d’une dégradation de la note de la France par les agences de notation, quelle stratégie le Gouvernement envisage-t-il pour maintenir notre crédibilité financière internationale ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Je partage votre vigilance pour préserver, y compris dans une période de redressement des finances publiques, la robustesse de notre modèle productif et de croissance. De fait, il n’y aura pas de redressement des finances publiques sans croissance forte. Nous devons être vigilants à ce que les économies nécessaires ne portent pas atteinte à notre capacité à innover, à croître et à créer des richesses. Dans le décret d’annulation de 10 milliards d’euros, par exemple, nous avons fait attention à ne pas toucher aux investissements d’avenir. En continuant à travailler aux dépenses de fonctionnement, en réduisant de 25 % les surfaces de l’État et en réalisant 750 millions d’euros d’économies sur les achats grâce à la mutualisation entre les services de l’État, nous pouvons encore faire des économies. Après le décret d’annulation, nous continuons à augmenter, comme personne avant nous, les dépenses en faveur de la transition écologique.

Les opérateurs sont eux aussi concernés par les économies demandées aux ministères. Dans le champ de Bercy, par exemple, cela passera par la mobilisation d’une partie de la trésorerie et des moyens de Business France, de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), d’Atout France et de quelques autres opérateurs.

Vous le voyez, tout le monde est mis à contribution. Nous prêtons une grande attention aux dépenses d’avenir et nous devons faire mieux pour les dépenses de fonctionnement.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est attaché au redressement des comptes publics. La théorie du déficit à 3 % pourrait être vue comme une limitation, mais certains États, dont l’Allemagne, ont toujours essayé d’avoir des excédents, ce qui n’est pas notre cas. Le mal vient donc de loin. Pour autant, la parole de la France est encore crédible si j’en crois les conditions dans lesquelles l’emprunt obligataire a été levé il y a quelques semaines.

Vous avez retenu, dans le programme de stabilité, un taux de croissance à 1 % pour 2024 quand les plus pessimistes l’estiment à 0,6 %. Comment pensez-vous pouvoir piloter la rentrée des recettes en fonction de l’évolution de la croissance, sans attendre l’IS ou la note du directeur du Trésor en décembre afin de pouvoir prendre des mesures anticipées en cours d’exécution budgétaire ?

Par ailleurs, toujours dans le programme de stabilité, vous avez maintenu une maîtrise de 0,6 % des dépenses en volume. Pourquoi ne pas prévoir une trajectoire plus ambitieuse ? Quelles réformes structurelles envisagez-vous pour tenir cet engagement ?

Enfin, je souhaite à nouveau aborder le sujet de la contribution sur la rente inframarginale pour les énergéticiens. En 2022, lors de la présentation de l’amendement du Gouvernement au projet de loi de finances, on prévoyait une recette de 7 milliards d’euros. Après le passage au Sénat, cette prévision est passée à 12 milliards d’euros. Le projet de loi de finances rectificative l’a ensuite réduite à 3 milliards d’euros et la recette est finalement tombée à 600 millions d’euros. Plus jamais cela ! Soyez assurés que les parlementaires qui travaillent à ce sujet vous proposeront des mesures.

M. Thomas Cazenave, ministre. Pour répondre à votre première question, 0,1 point de croissance en moins représente 1,5 milliard d’euros de déficit en plus. Tel est l’ordre de grandeur qu’il faut avoir en tête.

Le programme de stabilité est exigeant concernant l’évolution de la dépense publique, puisque nous avons fixé un objectif d’évolution de 0,6 % en volume, hors urgence et relance, pour la période 2023-2027. Peut-on être plus ambitieux ? Durant la période 2015-2019, le taux était de 0,9 % en volume et en 2011-2014 il était de 0,7 % en volume. Cette trajectoire de dépenses est crédible, mais exigeante. C’est déjà un objectif ambitieux et je compte sur les parlementaires et sur le groupe Horizons et apparentés pour présenter des propositions afin de nourrir ce programme, y compris en matière d’économies et de redressement des finances publiques.

S’agissant de la Crim, je connais votre attachement au sujet et je ne doute pas que vous nous ferez des propositions. Le rendement a été plus faible que prévu, mais j’ai rappelé que plusieurs éléments, comme la forte baisse des prix de l’électricité, ont changé le calibrage de la mesure. Il est toujours difficile de calibrer un nouvel impôt et il faut pouvoir y revenir. Je suis à votre disposition, avec les services de Bercy, pour vous fournir tous les éléments d’appréciation afin que le travail que vous menez permette d’obtenir un meilleur rendement que celui de cette année.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les programmes de stabilité, en tout cas les vôtres, ont toujours prévu une amélioration rapide du solde public. Cependant, la courbe des soldes constatés est presque systématiquement inférieure à celle du solde prévu, ce qui signifie que les objectifs de ces programmes n’ont jamais été atteints et que vous manquez donc de crédibilité. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle vous nous avez envoyé si tardivement ce programme, ne nous laissant que peu de temps pour l’examiner. Il est inacceptable que nous recevions de tels documents si tardivement, car les députés de la commission des finances ne peuvent pas les analyser précisément. J’en suis indignée.

Vous affirmez investir comme jamais auparavant dans l’écologie alors que vous avez annulé par décret des crédits dans ce domaine. En tant qu’écologiste, je vous invite donc à supprimer tous les crédits pour l’écologie, pour investir encore davantage dans la transition. Soyons sérieux !

Puisque vous avez déjà supprimé 10 milliards d’euros de crédits mis en réserve, où trouverez-vous les 10 milliards d’euros qui vous manquent ? S’il y avait tant de réserves, peut-être avez-vous manqué de sincérité à leur sujet ?

Avez-vous l’intention de revoir la durée d’indemnisation de l’assurance chômage, de doubler le reste à charge sur les médicaments ou d’engager des mesures au détriment des plus précaires ?

Concernant la Crim, nous vous avons proposé à de multiples reprises de taxer les superprofits. Nous avons entendu Bruno Le Maire dire que ces superprofits n’existaient pas. Vous avez mis en place cette contribution sur la rente inframarginale, dont on connaît maintenant le rendement, qui ne taxe que les producteurs d’électricité, sans vous attaquer aux producteurs d’énergies fossiles, notamment le groupe Total. Vous saviez très bien ce que vous faisiez quand vous avez instauré ce dispositif – sans compter que vous avez permis que les pertes soient imputées sur les profits, ce qu’a fait EDF, qui a dégagé 10 milliards d’euros de profits. Vous dites ne pas avoir anticipé cette baisse de rendement, mais, en réalité, vous avez tout fait pour que la Crim ne produise pas le rendement que nous aurions souhaité pour que le budget soit sincère.

M. Thomas Cazenave, ministre. Le délai de transmission des documents pour cette audition tient au fait que le Conseil des ministres s’est tenu ce matin et que nous vous avons transmis le programme de stabilité à dix heures, au début du Conseil. On peut difficilement faire plus court ! Par ailleurs, j’avais fait savoir au président de la commission des finances que j’étais disponible plus tard, pour vous laisser quelques jours. En tout état de cause, je ne pouvais pas transmettre le programme de stabilité avant le Conseil des ministres.

S’agissant du financement de la transition écologique, je sens poindre un peu de cynisme dans votre question, car le budget pour 2024 contient environ 40 milliards d’euros d’engagements en faveur de la transition écologique après le décret d’annulation. Je peux l’affirmer grâce au budget vert, qui permet de classer les dépenses avec une méthodologie éprouvée et vérifiée. En outre, même après le décret d’annulation, les crédits en faveur de la rénovation énergétique augmentent de 800 millions d’euros. Je le redis, ne vous en déplaise : aucune majorité ou aucun gouvernement n’a investi autant d’argent dans la transition écologique. Nous pouvons débattre pour savoir si c’est trop ou pas assez, mais personne avant nous n’avait mis autant d’argent dans la transition écologique. C’est un fait.

Quant à la réserve, il n’y a aucun lien avec l’assurance chômage ou les franchises pour les médicaments. Il s’agit de la réserve de crédits de l’État, d’un montant de 7 milliards d’euros, sur lesquels l’effort portera après l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits. Cette réserve de précaution sert à faire face à des aléas, comme celui représenté par une croissance moins importante que prévue.

J’ai déjà largement répondu au sujet de la Crim. Nous attendons les propositions des parlementaires.

Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Devant tant d’autosatisfaction, j’oscille entre le dépit et l’inquiétude. Nos concitoyens ne vont pas bien. Beaucoup, dans les territoires – notamment ruraux – n’en peuvent plus mais vous déroulez votre programme comme si tout allait bien. Il faut que le Gouvernement entende que le pays n’en peut plus de ces inégalités fiscales, de ces inégalités sociales, de ces inégalités territoriales !

Vous évoquez la diminution de la dépense publique, mais certaines dépenses fiscales et sociales sont aussi compensées par le budget de l’État. Il existe près de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, dont quelques milliards pourraient être repris selon le rapport Guedj-Ferracci, mais vous ne l’évoquez même pas.

Vous ne mentionnez non plus aucune des conséquences des annulations de 10 ou 20 milliards pour la croissance alors que nous savons qu’enlever 20 milliards d’euros de crédits représente une perte de croissance de 10 milliards. Faire ce que vous faites n’a vraiment pas de sens !

En 2023, vous avez mis le pays à feu et à sang au sujet du report de l’âge de la retraite. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) estime que cela ne suffira pas. Confirmez-vous que vous n’irez pas jusqu’au gel des pensions, comme vous l’avez dit à la radio ?

Par ailleurs, si vous modifiez le prélèvement sur recettes en faveur des collectivités locales, il faudra un PLFR. Sinon, cela veut dire que vous reprenez 2,5 milliards d’euros uniquement sur les subventions aux collectivités territoriales, ce qui serait un drame pour l’investissement public local.

Enfin, appliquerez-vous une contribution exceptionnelle sur les très hauts patrimoines pour financer la transition écologique ?

M. Thomas Cazenave, ministre. J’ai l’impression, monsieur Sansu, que vous n’êtes pas vraiment décidé à faire des économies. C’est un désaccord majeur entre nous. Les dépenses ont augmenté de 100 milliards d’euros entre 2019 et 2023. Pensez-vous que nous n’avons pas protégé les Français ? Pensez-vous être le seul à connaître la réalité du pays, du terrain et des gens qui souffrent ? Pendant les crises successives, nous avons massivement protégé les Français et aujourd’hui, le déficit représente un peu plus de 5 % du PIB. Ce n’est pas durable, il faut donc évidemment faire des économies. Si nous ne redressons pas les finances publiques, nous ne pouvons pas garantir le modèle social auquel nous sommes attachés.

Je ne suis pas non plus d’accord avec vous concernant les exonérations de cotisations sociales. Un travail a été engagé par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur ce sujet, à la suite de la conférence sociale qui s’est tenue sous l’égide de la Première ministre Élisabeth Borne. Qui plus est, nous avons gelé les bandeaux, notamment le « bandeau famille », entre 2,5 et 3,5 Smic. Cela représente des économies.

Faites attention aux fausses informations. Je n’ai jamais évoqué l’idée d’une baisse du prélèvement sur recettes (PSR) en faveur des collectivités territoriales ou des dotations en cours d’année. J’ai dit que, puisque les finances publiques ne relèvent pas que de l’État, mais aussi des collectivités et du secteur de la sécurité sociale, il faut que les dépenses des collectivités territoriales augmentent un peu moins vite que l’inflation. En 2023, elles l’ont dépassée d’un point et cela se retrouve dans notre déficit public. Le déficit public n’est pas seulement le déficit de l’État. Il faut avoir une vision large. Je souhaite que nous trouvions, avec les associations d’élus et les collectivités territoriales, une méthode intelligente pour faire des économies en commun. Ne dites pas que nous envisageons de baisser le PSR ou les dotations, c’est complètement faux – mais je pense que vous le savez, monsieur le député.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous avons conscience de la difficulté qui est la vôtre, monsieur le ministre, puisque vous êtes chargé de stopper un dérapage qui a débuté il y a longtemps et qui n’a cessé de s’aggraver. Le résultat est un besoin de financement à hauteur de 314 milliards d’euros, soit 862 millions par jour, ce qui en dit long. Quant au coût de la dette, de l’ordre de 54 milliards d’euros si j’ai bien compris, il entraîne une véritable hémorragie puisque cette dette est détenue en majorité par des non-résidents.

Ne serait-il pas opportun de faire évoluer la politique d’émission, définie par l’Agence France Trésor, en adoptant des mesures de fléchage vers l’épargne liquide domestique ? Cette épargne liquide est énorme et ne rapporte rien aux gens. On pourrait inciter, suivant le modèle italien ou japonais, à souscrire des bons du Trésor et des obligations d’État. La dette resterait en plus grande partie domestique, ce qui minimiserait l’hémorragie et soutiendrait la consommation, donc les rentrées fiscales. Tel est le raisonnement macroéconomique que je voulais vous soumettre.

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous avez raison de dire que notre montant de dette est important. Il faut donc tout faire pour redresser nos comptes publics. Je compte aussi sur le groupe LIOT pour nous présenter des propositions d’économies et alimenter notre réflexion collective afin de redresser, ensemble, nos comptes publics.

La dette est détenue pour un quart par des investisseurs domestiques, pour un quart par la Banque centrale européenne (BCE), à travers sa politique monétaire, pour un quart par des investisseurs de la zone euro et pour un dernier quart par des investisseurs hors zone euro. Cette variété d’investisseurs, liée au caractère liquide de notre dette, nous permet d’avoir un coût de refinancement assez faible. Outre cette variété, qu’il faut conserver, nous devons inciter les Français – par la poursuite de notre politique économique, par la confiance dans notre pays et par la baisse du chômage – à mobiliser davantage leur épargne, peut-être à consommer davantage et, d’une certaine manière, à continuer à alimenter ce modèle de croissance.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions supplémentaires. Je me permettrai d’en poser une et de vous rappeler celles auxquelles vous n’avez pas répondu.

Votre réponse relative au PLFR ne me satisfait pas. Vous indiquez que l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits a été quasiment indolore mais je vous rappelle que les ministères ont tardé à rendre leur copie alors que la date était fixée à fin mars. Cela montre qu’il n’est pas si simple d’annuler 10 milliards de crédits.

Par ailleurs, vous indiquez qu’on ne passe pas au-dessus du plafond d’annulation fixé à 1,5 % par la Lolf parce que les 5,5 milliards d’euros de dépenses qui ne seront pas faites n’équivalent pas à l’annulation déjà décidée de 10 milliards d’euros de crédits, mais, pour moi, c’est la même chose. Politiquement, il n’est pas tenable de changer autant un budget sans passer par la case de l’Assemblée nationale. Au lieu de consulter un groupe de travail dont les membres ont été uniquement désignés dans la majorité, un débat à l’Assemblée nationale présenterait l’intérêt d’étudier les pistes sur lesquelles nous avons déjà travaillé comme celles sur le rachat d’actions – vous en avez parlé lors des dialogues de Bercy et vous en parlez à nouveau – ou sur la taxation des superdividendes, qui recueillent l’adhésion d’une majorité de députés. Tout est déjà sur la table ! Un PLFR permettrait d’en débattre. Non seulement votre réponse n’est pas satisfaisante, mais elle est problématique. Je ne suis pas étonné qu’il y ait eu des désaccords au Gouvernement.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu aux questions relatives au gel de la protection sociale, au gel des retraites et au décrochage des salaires par rapport à l’inflation. Vous affirmez défendre les revenus du travail, mais je ne vous ai pas entendu réagir aux questions sur la baisse du pouvoir d’achat.

M. Thomas Cazenave, ministre. Nous n’avons pas besoin de PLFR car, vous l’avez vous-même reconnu, nous avons pris un décret d’annulation de 10 milliards d’euros. Contrairement à ce que vous dites, le travail de reprogrammation avec les ministères est terminé. Les rapporteurs spéciaux pourront auditionner les ministres pour avoir plus de détail.

Ce travail est donc achevé sur le fond, même s’il peut rester des éléments de processus, y compris interne.

Par ailleurs, je n’ai jamais dit que c’était indolore. En revanche, j’ai toujours dit que c’était accessible. Quand le montant des dépenses publiques est de 1 600 milliards, on peut prendre un décret d’annulation de 10 milliards.

Ensuite, l’effort supplémentaire que nous allons devoir faire pour tenir l’objectif de 5,1 % de déficit renvoie à des méthodes de gestion classiques. D’une part, des crédits sont toujours mis en réserve pour faire face à des aléas. C’est le cas pour le budget de l’État, pour un peu plus de 7 milliards d’euros, et nous allons piloter la dépense de manière fine – d’autant plus en fin de gestion lorsque l’on considère que les crédits ont été sous-exécutés. D’autre part, ce n’est pas l’intégralité de l’effort : les rachats d’actions sont peut-être une piste autour de laquelle les parlementaires de la majorité et de l’opposition peuvent se retrouver. Il y a aussi la taxe sur les énergéticiens.

Sur les retraites et les prestations, ma réponse ne varie pas, car j’applique la même méthode. J’avance de manière ordonnée dans la préparation du budget pour 2025. Je suis à la disposition des groupes, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour recueillir les propositions, échanger sur les pistes qui se dégagent et construire notre projet de budget pour 2025.

M. le président Éric Coquerel. Donc, contrairement à la TVA sociale, le gel des prestations sociales et des retraites n’est pas exclu ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Je vous redis ce que nous allons faire. Je comprends que cette méthode ne vous convienne pas.

M. le président Éric Coquerel. Je pose une question. La TVA sociale a été annoncée par le ministre de l’économie mais, tout à l’heure, nous avons entendu qu’il n’en était pas question. Le gel des prestations sociales et des retraites a aussi été annoncé. Je souhaite simplement savoir s’il sera finalement exclu.

M. Thomas Cazenave, ministre. Encore une fois, aucune annonce n’a été faite. En revanche, dans le débat, les uns et les autres peuvent émettre des hypothèses et des idées.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Si, cela a été annoncé.

M. Thomas Cazenave, ministre. Non. C’est faux, monsieur Bompard et je crois que vous le savez. Qu’il y ait des initiatives et des idées avancées par les uns par les autres, très bien ! En revanche, n’attendez pas de moi que je dise que le budget est déjà fait. Cela n’aurait aucun sens. Nous travaillons avec le Parlement et avec les ministres et nous avons plusieurs mois devant nous, puisque je rappelle que le dépôt du projet de loi de finances interviendra à l’automne.

J’en viens à l’évolution du pouvoir d’achat et des salaires. Nous faisons l’hypothèse en 2024 que le salaire moyen par tête augmentera de 2,7 % et que l’inflation sera de 2,5 %. Je rappelle que les retraites ont été revalorisées de 5,4 %. Nous avons aussi revalorisé le barème de l’impôt sur le revenu. La publication de la direction générale des finances publiques parue hier montre que cette revalorisation a bénéficié à des dizaines voire à des centaines de milliers de Français. Nous avons donc répondu présents pour la défense du pouvoir d’achat.

M. Philippe Juvin (LR). Gabriel Attal a annoncé la création d’un groupe de travail sur la rente : quelle est la définition de la rente ? Parle-t-on des produits de l’épargne, des plans d’épargne logement, du livret A, du livret de développement durable et solidaire, des revenus fonciers, des résultats des entreprises ?

Par ailleurs, quel est votre diagnostic quant à l’effondrement de la productivité, qui affecte gravement les finances publiques ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Merci de me donner l’occasion d’essayer, une nouvelle fois, de tordre le cou à des rumeurs ou à de fausses informations. Il n’a jamais été question de taxer le livret A ou de modifier l’imposition des revenus fonciers. Le travail qui a été engagé à la demande du Premier ministre consiste à étudier la façon dont certains secteurs ont tiré parti de situations exceptionnelles, comme la Cour des comptes l’a mis en avant avec les énergéticiens. Il ne m’appartient pas de dire ce que sera le résultat du travail mené par les parlementaires mais, du côté du Gouvernement, nous avons toujours dit que certains sujets méritaient d’être abordés – comme la question des énergéticiens ou celle de la taxation des rachats d’actions. En revanche, il est hors de question de taxer le livret A ou de modifier l’imposition des revenus fonciers.

La productivité est un sujet de préoccupation car, à long terme, elle guide la capacité à faire progresser le pouvoir d’achat et le niveau de vie. À ce stade, notre analyse est que les bons résultats obtenus dans le domaine de l’emploi – de nombreuses personnes qui en étaient exclues sont entrées sur le marché du travail – conduisent mécaniquement à une baisse de la productivité. Cette dynamique se poursuivra, avec la réforme de France Travail et celle du RSA qui permettront d’aller chercher encore plus loin les personnes sans emploi. Cela peut avoir une incidence sur la productivité apparente telle qu’elle apparaît dans les statistiques.

M. Daniel Labaronne (RE). Je voudrais revenir sur le lien entre la baisse ambitieuse de la dépense publique et le soutien à la croissance. Une dépense publique qui crée de la dette est une dépense qui contribue au maintien de taux d’intérêt élevés pour les ménages, les collectivités locales, les entreprises et l’État, et qui freine donc la croissance. Dès lors, la réduction de la dépense publique, hors investissements d’avenir, peut constituer un moyen de soutenir la croissance. Partagez-vous ce point de vue ?

Par ailleurs, dans le cadre de mon travail de rapporteur spécial, je sais précisément quel est l’impact de l’annulation des crédits sur les trois programmes budgétaires qui relèvent de mon périmètre.

M. Thomas Cazenave, ministre. Je refuse le raccourci qui consisterait à dire que la baisse de la dépense publique ralentirait nécessairement la croissance. Le Premier président de la Cour des comptes écrit d’ailleurs régulièrement sur la qualité de la dépense. En quoi la réduction des dépenses immobilières de l’État, en organisant mieux les espaces ou en vendant une partie du patrimoine, affecterait-elle la croissance potentielle du pays ? En revanche, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas couper les dépenses d’avenir importantes pour notre croissance potentielle et pour notre capacité à créer des emplois, donc à réduire notre déficit public.

L’exemple de la capacité des rapporteurs spéciaux à y voir clair concernant les conséquences du décret d’annulation montre qu’il est important qu’un échange puisse avoir lieu avec les parlementaires, pour que vous soyez informés des conséquences du décret d’annulation. Nous sommes à votre disposition pour vous éclairer à ce sujet.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). L’augmentation des dépenses des collectivités locales est comptabilisée dans la dépense publique, mais pas dans le déficit puisqu’elles sont soumises à la règle d’or. L’augmentation du déficit n’est donc pas due aux collectivités locales. Je rappelle par ailleurs que leur endentement n’a pas augmenté.

M. Thomas Cazenave, ministre. Les finances publiques sont un tout. À la fin, nous devons considérer toute la dépense publique. Par ailleurs, outre les dépenses de fonctionnement, qui sont soumises à la règle d’or, il y a les dépenses d’investissement. Il faut ajouter toutes ces dépenses pour observer l’évolution globale des dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle je ne dis jamais que les élus locaux sont de mauvais gestionnaires ! En revanche, je rappelle que nous avons les finances publiques en partage et que pour stabiliser l’évolution de la dépense publique, il faut aussi que les collectivités ralentissent la croissance de leurs dépenses publiques.

M. le président Éric Coquerel. Les déficits sur l’investissement n’ont pas augmenté, comme vous l’a expliqué la présidente de Régions de France.

M. Thomas Cazenave, ministre. Si !

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Soyons précis. Le 20 février, vous avez évoqué à l’antenne de France Inter l’hypothèse du gel des retraites pour cette année, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure. Concernant d’autres sujets, comme la suggestion de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, votre réponse est claire : il n’en est pas question, car le Gouvernement ne veut pas d’augmentation des impôts. C’est ce que vous répondez à longueur de journée quand on vous interroge à ce sujet ! Notre question est simple : vous engagez-vous solennellement à ce que le Gouvernement ne soutienne pas un gel des retraites cette année ? Si vous n’y répondez pas, tout le monde pensera que vous ne voulez pas le dire, mais que vous avez l’intention de le faire au lendemain des élections européennes. S’il vous plaît, dissipez notre doute.

M. Thomas Cazenave, ministre. Je vous ai déjà répondu quant à ce que nous allons faire cette année. J’ai été clair : au lendemain des élections européennes, aucune annonce ne sera faite car nous avons déjà annoncé ce que nous faisons.

Vous me parlez de l’impôt sur la fortune, mais vous ne m’avez pas posé de question à ce sujet. Vous anticipez donc une réponse que je n’ai pas formulée. C’est dire votre bonne foi !

Concernant la taxation des énergéticiens, un travail des parlementaires est en cours. Je ne vais pas figer le projet de loi de finances tout seul dans mon coin, dans un bureau à Paris. L’élaboration du budget est un exercice ouvert, sur la base de propositions. Il n’y a aucune précipitation, mais de l’ordre et de la méthode.

M. le président Éric Coquerel. Si les parlementaires proposent une TVA sociale, vous y serez défavorable ?

M. Thomas Cazenave, ministre. Vous faites référence au livre de Bruno Le Maire, qui m’a chargé de l’excuser car il est en déplacement.

Ce livre présente un changement complet de modèle de financement social.

Sommes-nous prêts à changer complètement le modèle de financement de la sécurité sociale ? Je vous ai répondu que non.

M. le président Éric Coquerel. Donc pour la TVA sociale, c’est non, et pour le gel des retraites, cela va dépendre des propositions qui seront faites. C’est ce que je comprends.

M. Thomas Cazenave, ministre. Nous attendons vos propositions.

M. le président Éric Coquerel. Donc, ce n’est pas non.

 

III.   examen des articles

Au cours de sa séance du 29 mai matin, la commission a procédé à l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (n° 2520).

M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023. Ce texte a été présenté en Conseil des ministres le mercredi 17 avril, jour où nous avons auditionné le ministre Thomas Cazenave et le premier président de la Cour des comptes. À la différence de l'année dernière, le Gouvernement n'a pas présenté plusieurs projets de loi de règlement pour chacun des trois exercices budgétaires non encore soldés à cette heure – 2021, 2022 et 2023. Il s'est contenté, dans le projet de loi de règlement pour l'année 2023, d'inclure deux articles – 7 et 8 – qui prévoient l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021 et de l'exercice 2022.

En théorie, la procédure est la même que pour le projet de loi de finances. Nous avons auditionné le ministre et les groupes ont pu s’exprimer. Je vous propose donc de ne pas faire de discussion générale. Vous aurez l’occasion, bien sûr, de vous exprimer sur les amendements. Si tout le monde est d’accord, je vous propose de passer directement à l’examen des articles.

 

 

Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2023

 

Amendements de suppression CF27 de M. David Guiraud et CF54 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux. L’adoption de l’article liminaire reviendrait, d’une part, à valider une gestion insincère, eu égard aux écarts importants entre la loi de programmation des finances publiques, la loi de finances initiale et le constat final et, d’autre part, à valider une politique économique fondée sur le mythe du ruissellement, qui vient sans jamais venir, alors que les Français s'appauvrissent constamment et que le pays connaît un déclassement international chaque année plus inquiétant.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On ne peut pas parler d’insincérité : la Cour des comptes a été extrêmement claire à cet égard. Il y a certes un écart significatif entre les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution constatée, mais celui-ci ne s’explique évidemment pas par une volonté de nuire ou de cacher quoi que ce soit. Je vous propose d’avoir un débat argumenté et d’éviter ces qualificatifs déplacés.

Le projet de loi de règlement est strictement encadré par la loi organique relative aux finances publiques (Lolf) dans laquelle nous, parlementaires, avons précisé l’intégralité du contenu de la loi de règlement, qui a d’ailleurs changé de nom. Supprimer un article revient à supprimer de l’information, information dont nous avons besoin et que nous demandons au Gouvernement. Il n’y a donc pas de marges de manœuvre sur la forme.

Il n’y en a pas non plus sur le fond puisque la loi de règlement est un simple constat de l'exécution budgétaire. L’État ne peut déplacer des crédits d’une mission à l’autre. Ce texte est une photographie.

Vous n’avez pas voté la loi de règlement de 2021 ni celle de 2022, alors qu’elle ne présentait quasiment aucun écart, et je crains que vous ne votiez pas celle de 2023. C’est votre droit mais ne cherchez pas de fausses excuses.

M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général cherche à nous convaincre que nous sommes dans un exercice technique, que ce texte n’est qu’une photographie de l’exécution budgétaire. Il reste que voter la loi de règlement revient à valider l’exécution du budget en 2023.

Je rappelle que, comme l’a dit Emmanuel Macron, le déficit supérieur observé est dû au manque de recettes. Plutôt que d’insincérité, je parlerais donc d’erreur manifeste dans l’élaboration du budget et dans l’estimation des recettes – que ce soit la TVA ou l’impôt sur les sociétés – et des réductions d’impôts. Lors de son audition par la commission d’enquête sur la dette, François Ecalle, qui n’est pas vraiment un économiste insoumis, a d’ailleurs souligné que le déficit avait largement été creusé ces dernières années davantage par le manque de recettes que par l’augmentation des dépenses publiques.

Je voterai donc pour la suppression de l’article liminaire, car le budget a été mal exécuté en vertu du choix politique de réduire les moyens de l’État depuis des années et de manière injuste.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’article liminaire est le moment de vérité, puisqu’il constate le résultat des politiques publiques conduites par le Gouvernement au cours de l'année 2023. Je ne comprends donc pas l’intérêt de sa suppression. En revanche, on peut être contre cet article et c’est notre position.

L’écart est important : il s’élève à 2 milliards de plus par rapport à ce qui avait été annoncé en novembre dernier et à 8,4 milliards de plus que le déficit voté en loi de finances initiale en décembre 2022. Comment le Gouvernement a-t-il pu se tromper à ce point ? Pourquoi a-t-il mis autant de temps pour admettre l’ampleur de son erreur et corriger le tir ? Après celui de 2020, ce déficit est le pire de notre histoire.

Face à cette dérive sans précédent, les députés de notre groupe voteront contre ce projet de loi, comme ils l’ont fait pour les comptes de 2021 et 2022. Nous manifestons ainsi notre désapprobation des politiques publiques conduites par le Gouvernement.

M. Daniel Labaronne (RE). « Les Français s’appauvrissent constamment et le pays connaît à l’international un déclassement » peut-on lire dans l’exposé sommaire de l’amendement. Or le pouvoir d’achat des Français s'est amélioré, et sans doute beaucoup plus que dans la plupart des pays européens, en raison du reflux de l'inflation, de la dynamique salariale et de la revalorisation des prestations sociales. Dire que les Français s'appauvrissent est donc faux.

Par ailleurs, la France est le premier pays en termes de taux de croissance et le premier pays à avoir vu son taux de chômage décroître aussi rapidement. Elle est en outre, pour la quatrième année consécutive, le premier pays d'accueil des investissements directs étrangers. Nous ne subissions donc aucun déclassement.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Il ne s’agit pas d’exprimer son opposition ou son soutien à la politique menée par le Gouvernement. Ce texte, important, relate en effet tout simplement la réalité des comptes de l’exercice écoulé, notamment celle du déficit public de 5,5 % du PIB. Certes celui-ci est supérieur aux prévisions, mais ce n'est qu’un constat. D'ailleurs, malgré ce déficit, le ratio de la dette publique, grâce à une croissance nominale, a diminué pour s’établir à 110,6 % du PIB contre 111,9 % en 2022.

Ce texte rappelle l’environnement économique : une économie mondiale au ralenti, une croissance de 3,1 % affectée par la guerre en Ukraine et des politiques monétaires restrictives en Europe. Or malgré ce contexte, la croissance française, soutenue par le commerce extérieur, a atteint 0,9 % et les dépenses de l’État ont été contrôlées grâce à des mesures de régulation comme le surgel de 1 % des crédits.

Notre groupe votera pour ce projet de loi, qui relate tout simplement le passé.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Monsieur Labaronne, dans quel monde vivez-vous ? Nous avons reçu ici même, à la rentrée, des représentants des associations caritatives comme les Restos du cœur ou le Secours populaire qui nous ont expliqué qu’ils observaient, dans tous les départements, un appauvrissement massif de Français et des Françaises et de celles et ceux qui vivent ici. Les files pour les aides alimentaires s’allongent dans tout le pays. Comment pouvez-vous donc affirmer que les Français ne s’appauvrissent pas ? 30 % des Français se retrouvent avec 100 euros le 10 du mois, 20 % des étudiants déclarent ne pas manger à leur faim et 58 % des Français ont dû baisser leurs dépenses alimentaires.

M. Philippe Lottiaux (RN). Je voudrais féliciter le Gouvernement pour ce chef-d’œuvre de novlangue. Notre situation budgétaire est telle que le Soudan pourrait passer pour le bon élève du Fonds monétaire international (FMI).

Néanmoins, le Gouvernement nous explique qu’avec un déficit de 5,5 %, nous faisons mieux qu’en 2020, année du covid, que le marché du travail est « bien orienté », alors que le ralentissement économique a provoqué une augmentation des défaillances d’entreprises de 36 % en 2023 par rapport à 2022, que le commerce extérieur est dynamique alors que notre déficit commercial atteint 99 milliards – un déficit qui se creuse de 1 milliard tous les trois jours, c’est en effet très dynamique.

L’exposé général des motifs du projet de loi inverse la réalité. Nous ne pouvons admettre la façon dont ces données sont présentées. Nous voterons donc contre le projet de loi.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le projet de loi est un document technique qui présente une photographie du passé. Je peux comprendre que certains votent contre le texte, mais supprimer l’article liminaire reviendrait à casser le thermomètre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’article liminaire non modifié.

 

 

Article 1er : Résultats du budget de l’année 2023

 

La commission adopte l’article 1er non modifié.

 

 

Article 2 : Tableau de financement de l’année 2023

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CF12 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement demande un rapport permettant d'apprécier l'évolution de la dette en fonction des emprunts indexés sur les taux français et européen d'inflation.

Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2023 porte à 270 milliards le montant des émissions de dette à moyen et long termes de l’État. Contrairement aux prédictions volontairement alarmistes du Gouvernement, les taux d’intérêt à dix ans se sont pour l’instant stabilisés et oscillent aux alentours de 3 %.

Si l’inflation a créé un relèvement des taux, émettre des titres d’endettement indexés sur l’inflation relève d’un choix politique. Je rappelle que c’est sous la présidence et sous la responsabilité directe d'Emmanuel Macron, notamment lorsqu'il était ministre, que la France a levé énormément d'emprunts indexés sur l'inflation, qui pèsent aujourd’hui lourdement sur nos finances publiques.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il existe déjà beaucoup d’informations sur la dette. Je vous renvoie vers les sites et les publications de l’Agence France Trésor (AFT) ou de la Banque de France.

Par ailleurs, la Lolf prévoit un rapport annuel sur la dette des administrations publiques, qui peut faire l’objet d’un débat au Parlement et une commission d’enquête sur la dette est en cours.

Je rappelle enfin que le pourcentage d’emprunts indexés est assez stable puisqu’il est de 12 % alors qu’il était de 13 % en 2012.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF20 de Mme Alma Dufour

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Cet amendement propose un rapport d’évaluation de l’action budgétaire du Gouvernement face à l’inflation, qui a créé des asymétries très fortes entre les profiteurs de crise, qui ont accumulé des superprofits, et les classes populaires, qui connaissent la précarité alimentaire.

La commission d’enquête est une chose, le travail des membres de la commission des finances, éclairé par des rapports, en est une autre.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur. J’ai mentionné la commission d’enquête à propos de l’amendement précédent sur la dette.

Votre amendement porte sur un autre sujet, celui de l’inflation. Vous sous-entendez dans votre amendement que le Gouvernement favoriserait l'inflation afin de réduire le poids de la dette. C’est exactement le contraire qui a été fait. Ainsi, l’inflation cumulée depuis le début de la guerre en Ukraine est très significativement inférieure – presque trois points – à celle de l’Allemagne ou d’autres pays d’Europe. Parallèlement, les dépenses de l’État sont liées à l’inflation puisque des mesures ont été prises pour réduire son impact sur nos concitoyens. Je pense notamment à l’indexation de l’intégralité des prestations sociales et des retraites.

Avis défavorable.

M. Kévin Mauvieux (RN). Vous jouez sur l'inflation pour alléger le poids de la dette indexée. Je rappelle qu’une part assez importante de la dette indexée est détenue sous la forme d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix de la zone euro alors que nous n’avons aucune maîtrise sur l'inflation européenne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF21 de Mme Alma Dufour

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement propose un rapport sur les personnes morales détenant 1 milliard de titres de dette française, qui est l’objet d’une forte spéculation. On parle d’une dette qui nous mettrait dans la main de pays étrangers. Or, une grande partie est détenue par des particuliers et des entreprises françaises et une autre partie par la Banque centrale européenne (BCE), qui regroupe les banques nationales, dont la Banque de France. En quelque sorte, nous détenons des dettes à l’égard de nous-mêmes. Le débat public exige de la clarté sur la structure de notre dette.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce débat est légitime. Je vous renvoie aux réponses du ministre dans le cadre des débats de la commission d’évaluation des politiques publiques qui se sont tenus hier ainsi qu’à l’audition du directeur général de l’Agence France Trésor dans le cadre de la commission d’enquête sur la dette.

Nous avons donc les informations suffisantes pour savoir qui détient la dette française. Ce ne sont pas les États qui la détiennent, mais des particuliers, par l’intermédiaire de fonds d’investissement. Ainsi, c’est non pas l’État américain qui détient une partie de notre dette, mais les retraités américains à travers leurs fonds de pension. J’ajoute que seul un quart de notre dette est détenue par des non-résidents de la zone euro.

Un rapport supplémentaire ne paraît donc pas nécessaire. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je ne sais pas s'il faut un rapport supplémentaire, mais c'est un vrai problème car la France est un des pays où la dette détenue par des étrangers est la plus importante, ce qui nous fragilise.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous allons voter pour cet amendement, mais, malheureusement, le Gouvernement ne pourrait le satisfaire s’il était adopté. En effet, contrairement à ce qu’a dit le rapporteur général, les éléments statistiques dont disposent la Banque de France et le FMI sont liés aux flux lors des adjudications et lors du remboursement des obligations – j’ai pu l’établir grâce à des auditions que je mène depuis deux mois. Entre ces deux moments, les titres circulent très rapidement. Par ailleurs, pour savoir où les titres sont détenus – et non qui les détient, puisque l’identité des détenteurs est secrète, ce que l’on peut comprendre –, il faudrait modifier un article du code du commerce interdisant aux personnes publiques de demander à Euroclear de fournir la photographie des détenteurs, par nationalité, à un instant T.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF22 de Mme Alma Dufour.

 

Amendement CF39 de Mme Valérie Rabault

M. Philippe Brun (SOC). Les réponses que le ministre délégué Thomas Cazenave nous a apportées hier, à l’occasion de la commission d’évaluation des politiques publiques relatives à la mission Engagements financiers de l’État, démontrent que le Gouvernement n’a pas de connaissance précise de la nationalité des investisseurs détenant des obligations assimilables du Trésor (OAT).

Nous proposons que dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du présent projet de loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillant la nationalité de ces investisseurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je répète que détenir de la dette française, ce n’est pas être actionnaire de l’État. L’indépendance de la France est assurée par la très grande diversité des détenteurs de la dette – sur les 50 % qui ne sont pas résidents français, la moitié réside en Europe et l’autre à l’extérieur –, ainsi que par notre crédibilité en matière de remboursement.

Il est vrai qu’en dehors des enquêtes de la Banque de France et du Fonds monétaire international (FMI), nous ne disposons pas des informations précises que vous souhaitez obtenir. Mais à quoi serviraient-elles, cher collègue ?

M. Kévin Mauvieux (RN). L’Agence France Trésor (AFT) refuse catégoriquement de chercher à savoir où sont les non-résidents qui détiennent la dette française – officiellement pour ne pas déstabiliser les marchés et ne pas dégrader la qualité de la signature française. Pourtant, les représentants du FMI, de Natixis, de la Banque de France et d’Euroclear que j’ai interrogés dans le cadre du Printemps de l’évaluation sont tous favorables à une plus grande transparence à ce sujet. Je ne comprends donc pas l’argument de l’AFT.

Vous affirmez ensuite, monsieur le rapporteur général, qu’un détenteur de la dette française ne serait pas un actionnaire de l’État. Je suis ravi d’apprendre que la Russie n’a jamais été actionnaire du Rassemblement national !

Tout ce que j’ai pu constater pour ma part, c’est que 22 % des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI) et 33 % de celles indexées sur l’inflation dans la zone euro (OATEI) sont détenues par non-résidents.

M. Philippe Brun (SOC). La nationalité des personnes qui détiennent notre dette est une information importante, monsieur le rapporteur général. Je constate d’ailleurs que l’Allemagne et les États-Unis publient des rapports ce sujet.

Sachez, pour ceux qui n’étaient pas présents hier soir, que le ministre délégué chargé des comptes publics nous a indiqué que les porteurs d’obligations de nationalité russe ne voyaient pas apparaître de remboursements de la part de l’État, compte tenu du passage des flux financiers au travers d’Eucoclear. Cette réponse m’a étonné, et m’interroge : les pays avec lesquels la France a cessé toute interaction en raison de sanctions internationales ne reçoivent-ils plus aucune rémunération des obligations qu’ils ont acquises ? C’est une vraie question ! Les Français ont le droit de savoir si, lorsque nous remboursons notre dette, nous finançons des pays du Golfe, des paradis fiscaux ou le régime de Vladimir Poutine.

Mme Véronique Louwagie (LR). La dette française est détenue – grosso modo – à hauteur d’un quart par la Banque centrale européenne (BCE), d’un quart par des Français, d’un autre quart par des résidents de la zone euro non français, et enfin d’un quart par des résidents hors zone euro.

Or la part des non-résidents évolue, tout comme la dette en elle-même, qui a crû de 1 000 milliards d’euros depuis 2017. La question de la souveraineté budgétaire est donc une question que nous devons nous poser. Nous devons aussi de la transparence aux Français. Cette dette les concerne tous, et non pas uniquement les contribuables.

J’ai été surprise d’entendre le ministre délégué souligner l’intérêt de la diversité des prêteurs et indiquer qu’il fallait tenir compte de l’offre des investisseurs. Derrière, il y a la situation de notre dette ; ne l’oublions pas.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avoir un créancier, lorsque l’on s’appelle le Rassemblement national, c’est un problème. Avoir des dizaines de millions de créanciers, c’est au contraire un gage d’indépendance.

Nous disposons déjà d’une certaine visibilité à l’émission, ainsi qu’au travers de la Banque de France et du FMI. Je ne nie cependant pas le manque de visibilité et le fait que la transparence pourrait être améliorée : la commission d’enquête présidée par notre collègue Juvin, à laquelle je fais confiance, doit apporter des réponses à ce sujet.

Je le redis : l’information n’écarte pas le danger, si jamais il y en avait un ! Et, sans entrer dans des considérations trop techniques, je soulignerai que la levée d’une partie de la confidentialité pourrait affecter les taux et la qualité de nos émissions.

Avis défavorable : je vous renvoie à la commission d’enquête.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CF53 de Mme Valérie Rabault

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que le Gouvernement publie un rapport justifiant les orientations et décisions relatives à la politique d’émissions d’obligations souveraines de la France, détaillant notamment les calendriers et volumes d’émissions d’OATI et d’OATEI.

C’est un vieux débat, qui ne laisse pas de nous diviser. L’Allemagne a décidé de ne plus émettre d’OATI, et le marché couvre très largement les adjudications par l’AFT d’obligations souveraines françaises. Il nous semble donc incompréhensible, alors que l’inflation demeurera élevée dans les prochaines années, de continuer à émettre des OATI.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Sauf à imaginer que la commission d’enquête ne servira à rien, il ne me semble pas utile de multiplier les rapports.

Je signale que le pourcentage d’OATI était supérieur sous la présidence de François Hollande, et vous encourage par ailleurs à lire le rapport annuel très précis publié sur la dette.

Je souligne enfin que si l’AFT décidait d’emprunter exclusivement à taux fixe, alors que nous sommes en période de baisse de l’inflation, sa décision aurait un impact de plusieurs milliards d’euros sur le budget de l’État en 2024. Je vous laisse responsables de vos votes.

M. Kévin Mauvieux (RN). Ce que vient de dire le rapporteur général est faux. Les OATI ont été créées en 1999. Pendant vingt-deux ans, elles nous ont fait gagner quelques dizaines de millions d’euros chaque année puis, en l’espace de deux ans, elles nous ont fait perdre 10 milliards d’euros.

J’ajoute que les rentrées fiscales liées à l’inflation ne peuvent combler la hausse des taux d’intérêt puisqu’un tiers des obligations sont indexées sur l’inflation européenne, sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise.

M. le président Éric Coquerel. J’entendais récemment le Gouverneur de la Banque de France expliquer pourquoi le modèle français de taux fixes pour les crédits immobiliers était un acquis à conserver absolument. J’ai donc du mal à me convaincre qu’un taux variable serait profitable pour la dette de l’État. Dans les deux cas, les mêmes maux peuvent aggraver le déficit.

M. Philippe Brun (SOC). D’après un calcul de coin de table, l’émission d’obligations indexées sur l’inflation a fait perdre 8 milliards d’euros à la France. Pourquoi continuer avec ce produit ? L’appétence du marché, que le ministre délégué a invoquée hier, peut se comprendre : c’est un produit rémunérateur !

On constate aujourd’hui que d’autres pays parviennent à s’en passer et que nos besoins de couverture sont très largement satisfaits. Surtout, comme le souligne le rapport de notre collègue Mauvieux, un grand nombre de détenteurs d’OATI ne sont pas français. Nous sommes en train, je crois, de renchérir considérablement le coût de la dette française. Il est important que nous puissions en débattre et que cet amendement soit adopté.

Mme Véronique Louwagie (LR). De quel rapport parlez-vous, monsieur le rapporteur général, lorsque vous évoquez un rapport sur la dette ? S’agit-il du rapport de la mission Engagements financiers de l’État établie par le rapporteur spécial ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) a imposé la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, suivie d’un débat sur la dette ; nous avons régulièrement ce débat dans l’hémicycle.

Pourriez-vous avoir la gentillesse, monsieur Mauvieux, de ne pas déformer mes propos ? Ce que j’ai dit, c’est que si nous décidions aujourd’hui de ne plus émettre que des obligations à taux fixe, une telle décision coûterait de l’argent au Trésor public. Je n’ai pas dit qu’il ne fallait jamais en émettre !

Je reviens aux propos de notre collègue Brun. C’est facile de refaire l’histoire ; bien malin celui qui peut prévoir le niveau d’inflation à long terme ! Par définition, les OATI nous coûtent plus cher lorsque l’inflation augmente et moins cher lorsqu’elle baisse. Je ne dis pas que les OATI ne nous ont rien coûté il y a deux ans, lorsque nous étions dans un cycle haussier. Mais nous sommes entrés dans un cycle de baisse : décider de n’émettre plus que des obligations non indexées nous coûterait de l’argent. Une fois de plus, faisons confiance à l’Agence France Trésor pour arbitrer et obtenir les meilleurs taux au moindre coût pour notre pays.

M. Emmanuel Lacresse (RE). Si les banques proposent des taux fixes en France, c’est pour éviter de faire exploser leur besoin en capital. Or l’État n’est pas tenu par les mêmes obligations.

Avec les OATI, on fait le pari que les périodes d’inflation élevée sont transitoires ; or ce pari est en passe d’être gagné. À l’avenir, les OATI auront donc toute leur pertinence et il est fort probable qu’elles deviennent beaucoup plus compétitives pour l’État, grâce à des taux d’intérêt plus faibles que d’autres produits.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 3 : Résultat de l’exercice 2023. Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

 

La commission rejette l’article 3.

 

 

Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

 

La commission rejette l’article 4.

 

 

 

Après l’article 4

 

Amendement CF2 de M. Frédéric Cabrolier

M. Frédéric Cabrolier (RN). Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant le bilan de l’usage des crédits budgétaires affectés à la lutte contre le narcotrafic pour les années 2022 et 2023. Les opérations « Place nette XXL » ne sont qu’une déclinaison du plan national de lutte contre les stupéfiants mis en œuvre depuis 2020, et leurs résultats sont pour le moins limités. Quant au procureur de Marseille, qui a évoqué la corruption à bas bruit de fonctionnaires de police ou de greffiers, il a été dédit par M. Dupont‑Moretti. Il nous semble impératif dans ces conditions de faire le bilan des sommes qui ont été engagées par l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais redire que supprimer des articles de la loi de règlement, cela revient à casser le thermomètre ! Le Gouvernement apporte de la visibilité sur l’exécution du budget, et la commission des finances lui répond qu’elle n’en veut pas ! Voter contre la loi parce qu’on est en désaccord, c’est une chose ; mais voter contre des articles qui apportent des informations souhaitées dans le cadre de la Lolf, c’est vraiment paradoxal ! Cela en dit long sur l’image que chacun de nous a de son rôle de parlementaire.

Un orange budgétaire relatif à la politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives est annexé à chaque projet de loi de finances (PLF), cher collègue Cabrolier. On lit notamment dans la dernière édition – qui compte 148 pages – que 2,4 milliards d’euros ont été prévus pour cette politique publique en 2024. Je vous encourage à le lire avant de demander un rapport supplémentaire.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je comprends mal l’agacement du rapporteur général : il sait qu’il est difficile de déposer des amendements sur ce type de texte, et que les textes financiers sont peu nombreux. Nous sommes tout à fait preneurs de la visibilité et de la transparence que peut nous apporter le Gouvernement, mais nous lui renvoyons la balle : pourquoi n’y a-t-il pas, compte tenu de la dérive des finances publiques des dernières années, de projet de loi de finances rectificative (PLFR) ? Un tel texte permettrait à chacun d’exprimer son avis sur la conduite du budget de la nation d’une façon claire et limpide, et de voter. Mais on nous empêche de le faire ! Ne reprochez pas à vos collègues, monsieur le rapporteur général, de déposer des amendements pour s’exprimer sur certains sujets financiers cruciaux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Engagez-vous avec vos amis du Gouvernement à ce qu’il n’y ait pas de 49.3 sur le budget, monsieur le rapporteur général, et nous pourrons alors nous engager à voter peut-être le projet de loi de règlement de l’année prochaine !

Mon collègue Di Filippo l’a bien dit : on nous empêche de voter, il n’y a pas de PLFR, et vous nous reprochez ensuite de saisir, pour exprimer notre opposition, les textes qu’on nous laisse examiner !

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle à ce propos que plusieurs PLFR et projets de loi de finances de fin de gestion (PLFG) ont été adoptés par l’Assemblée depuis 2022 – sans recours au 49.3

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je suis toujours très surpris qu’une loi de règlement fasse l’objet d’une obstruction politique ! Vous demandez de voter chers collègues, puis vous rejetez la loi de constatation !

Comment se fait-il que dans les exécutifs locaux, les oppositions s’accordent en général pour voter la photographie des comptes de l’année précédente, alors qu’au niveau national, elles le refusent ?

La loi de règlement est le meilleur point d’appui des parlementaires pour pouvoir contrôler l’action du Gouvernement. Ce n’est pas en supprimant les articles qui retracent les mouvements budgétaires de l’année passée que nous parviendrons à mieux légiférer.

M. le président Éric Coquerel. Sachez, monsieur Lefèvre, que le sujet a déjà été largement débattu en votre absence et que le rapporteur général a défendu la même position que vous.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vois que cela vous dérange, mais je le répète : ce projet de loi propose une photographie de ce qui s’est passé. Supprimer un article, c’est donc supprimer de la visibilité ! Si l’on ne veut pas de loi de règlement, demandons à l’État de ne plus nous en fournir, et cela ira plus vite !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF7 de M. David Guiraud

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous demandons – ce n’est pas la première fois – la remise au Parlement d’un document budgétaire permettant d’évaluer précisément l’ensemble des moyens mis en œuvre dans la lutte contre l’évasion fiscale, et leur répartition entre les typologies de personnes contrôlées. Nous devons disposer de ces informations pour pouvoir débattre des besoins matériels et humains de l’administration dans ce combat contre un phénomène qui constitue l’une des principales raisons du déficit budgétaire – et donc de la cure d’austérité sans précédent qui est imposée par le Gouvernement. Je vous rappelle que le coût de l’évasion fiscale est estimé à 100 milliards d’euros par an.

Dans les documents dont nous disposons, les moyens consacrés au contrôle fiscal sont mêlés à ceux dédiés à d’autres politiques publiques, ce qui empêche toute transparence sur le sujet. Quant aux indicateurs fournis, comme le taux de contrôles effectués par intelligence artificielle, ils sont parfois peu utiles.

Il faut que nous puissions évaluer globalement les moyens de la lutte contre l'évasion fiscale, qui sont aujourd’hui éparpillés dans différents programmes budgétaires. Le document de politique transversale auquel vous me renverrez probablement porte uniquement sur la lutte contre la fraude, et il est très incomplet.

La politique de lutte contre l’évasion fiscale est d’intérêt majeur pour le budget et pour la justice fiscale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous l’avez dit, ce document de politique transversale existe, il est annexé chaque année au projet de loi de finances : vous n’avez pas besoin d’aller chercher les informations dans les différentes politiques publiques. En tant que rapporteure spéciale sur le sujet, vous pouvez faire des propositions pour enrichir le contenu de ce document et nous serons ravis de vous suivre : plus grande est la transparence en la matière, mieux c’est. Nous sommes au moins autant motivés que vous à lutter contre l’optimisation fiscale.

Le plan de lutte contre la fraude a permis de recouvrir 15,2 milliards d’euros en 2023 ; c’est 3,5 milliards de plus qu’en 2019. Quant à la lutte contre la fraude sociale, elle a permis le recouvrement de 1,2 milliard en 2023 contre 800 millions en 2022. Un plan avait été engagé par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre délégué chargé des comptes publics ; un nouveau plan a été lancé par Thomas Cazenave, intégrant 1 500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et, d’ici à 2027, 1 000 agents supplémentaires pour lutter contre la fraude sociale. Vous le voyez : nous partageons votre intérêt pour cette politique publique et renforçons les moyens qui lui sont alloués. Mais de grâce, ne demandons pas de document supplémentaire !

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement de ma collègue Charlotte Leduc. Les moyens mis en place pour lutter contre l’évasion fiscale, en effet, sont insuffisants – je parle bien d’évasion et non de fraude, comme vous venez de le faire de façon hasardeuse monsieur le rapporteur général. Il faut d’importants moyens, par exemple, pour contrôler les accords préalables en matière de prix de transfert – lesquels peuvent permettre de transférer des bénéfices dans des pays à fiscalité avantageuse. Nous avons besoin d’une plus grande transparence sur les moyens de la lutte contre l’évasion fiscale, mais aussi d’un renforcement de ces moyens.

Mme Véronique Louwagie (LR). Vous avez indiqué il y a quelques instants, monsieur Lefèvre, que les oppositions votaient les comptes administratifs au niveau local, contrairement à ce qu’elles font au niveau national. Or je peux vous dire que dans l’Orne, les oppositions ne votent ces comptes ni dans les communes ni au conseil départemental !

J’ajoute que le législateur a bien prévu que les parlementaires puissent voter contre un projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, puisque le rejet de celui-ci n’a aucune conséquence !

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Vous affirmez être prêt à enrichir le document de politique transversale, monsieur le rapporteur général. Pourtant, les propositions de modification que j’ai faites à deux reprises, à l’occasion de mon rapport spécial sur la lutte contre l’évasion fiscale, n’ont jamais été votées par la majorité. Je compte donc sur votre vote lorsque je ferai une nouvelle recommandation à la rentrée prochaine.

Par ailleurs, vous avez évoqué l’optimisation fiscale. J’ai cru comprendre que votre langue avait fourché mais je prends bonne note de vos propos : je me réjouis que nous puissions y travailler et mettre en évidence le fait qu’il s’agit bien d’une forme d’évasion fiscale.

Sans même parler de justice fiscale, accorder des moyens à la lutte contre l’évasion fiscale, c’est augmenter considérablement les recettes de l’État. Il n’y a aucun intérêt à faire des économies sur les agents dédiés au contrôle fiscal, qui rapportent des millions.

M. le président Éric Coquerel. Je voudrais vous signaler que j’ai été étonné que M. Cazenave organise des réunions sur la question de l’évasion fiscale en l’absence de certains groupes. Je vais lui écrire à ce sujet. Son directeur de cabinet m’a indiqué qu’étaient invités ceux qui s’intéressent au sujet – or, parmi ceux-là, tous n’étaient pas présents !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Certes, le Parlement est libre de rejeter le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes, comme tout projet de loi. Il n’en est pas moins faux de dire que cela est sans conséquences, notamment sur les comptes spéciaux. Il importe que nous soyons pleinement éclairés avant de nous exprimer.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je prends les demandes de rapports comme des façons d’ouvrir des débats sur les politiques publiques, davantage que comme des demandes effectives. Dans ce cadre, j’aimerais énumérer les documents dont nous disposons pour travailler, qu’il serait bon de lire avant d’en demander d’autres. Les quarante-deux rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes comptent 7 700 pages – que peut-être tout le monde n’a pas toutes lues.

Dans le cadre des travaux de l’Assemblée nationale, votre serviteur a rédigé un rapport sur le présent projet et loi, qui compte deux tomes ; dans le tome II, figurent les quarante-huit notes d’exécution budgétaire rédigées par les rapporteurs spéciaux de notre commission. La Cour des comptes a publié un rapport sur le budget de l’État et soixante et une notes d’analyse d’exécution budgétaire, ainsi qu’un rapport sur la certification des comptes 2023. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) publie un avis. Au sein de chaque ministère, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) veille à la bonne exécution du budget.

Lors de l’examen du projet de loi de finances, le document intitulé « Évaluation des Voies et Moyens présente l’analyse des dépenses fiscales par domaine sur trois ans. Nous disposons également des documents de politique transversale (DPT) – les « oranges budgétaires » – , et des « jaunes budgétaires » sur des thèmes spécifiques

Discuter des politiques publiques et entendre des avis distincts ne suscite aucune hostilité de ma part, au contraire. Ajouter des rapports à la masse déjà colossale d’informations dont nous disposons me laisse plus circonspect. Il ne faudrait pas qu’on reproche un jour à notre administration de rédiger trop de rapports !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF13 de M. David Guiraud

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Il s’agit d’obtenir du Gouvernement un rapport de synthèse et d’évaluation de l’efficacité des plans gouvernementaux adoptés depuis 2020, déployés dans le cadre des missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire, Plan de relance et Investir pour la France de 2030 et du plan de résilience. Ce sont des plans à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Dans une période où on demande aux Français de faire de plus en plus d’économies, il serait judicieux d’obtenir un rapport sur l’efficacité de la stratégie adoptée, qui consiste souvent à saupoudrer les aides publiques sans contreparties, que la majorité refuse à chaque projet de loi de finances. Les Français doivent savoir si les économies qu’on leur demande de faire peuvent être trouvées ailleurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Un tel rapport existe. Il s’agit du rapport final du comité d’évaluation du plan France Relance, publié en janvier 2024. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF17 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur la mission Remboursements et dégrèvements. Toute l’année, on nous a expliqué que nous étions à l’euro près. Or cette mission, qui est la plus importante du budget, présente des zones d’ombre. Ses crédits s’élèvent à 130 milliards, dont dix ouverts en fin de gestion budgétaire sans que l’on en connaisse la destination. Nous dépensons donc 142 milliards pour financer les niches fiscales, soit la première dépense du pays, dans le flou.

Le RAP de la mission se contente d’indiquer les montants par sous-action. Des écarts entre la prévision et l’exécution demeurent inexpliqués. Par exemple, les remboursements sur les acomptes d’impôts sur les sociétés sont en hausse de 6 milliards, alors que le bénéfice fiscal des entreprises est en très nette hausse. Le crédit d’impôt contemporain de services aux particuliers a été élargi aux mandataires et aux plateformes sans que l’on ne sache ni pourquoi ni comment.

Manifestement, le budget des niches fiscales du pays n’est pas à l’euro près, alors même qu’il s’agit du premier poste de dépenses de l’État. Il nous semble important de faire la lumière sur cet état de fait.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous renvoie aux travaux de notre collègue Mme Christine Pires Beaune, qui assure un suivi précis de cette mission, des dépenses fiscales afférentes et de leur évolution, ainsi qu’aux Voies et Moyens annexés chaque année au projet de loi de finances. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Certes, le budget de cette mission est le plus élevé, mais la spécificité de ses crédits est d’être évaluatifs et non limitatifs. La plupart des crédits alloués au financement des remboursements, des dégrèvements et des crédits d’impôt sont liés à la mécanique de l’impôt. S’agissant par exemple de la TVA, il s’agit du solde entre la TVA encaissée et la TVA décaissée.

Si notre collègue Guiraud a des propositions d’évaluation de certaines des 476 niches fiscales, je suis preneuse. Certaines d’entre elles représentent des milliards d’euros. Il est difficile de les passer toutes au peigne fin. En outre, il est parfois difficile, je le reconnais bien volontiers, d’obtenir des informations à ce sujet, souvent couvert par le secret des affaires ou par le secret fiscal.

La partie thématique du rapport spécial que je consacrerai cette année à la mission portera sur le crédit d’impôt investissement en Corse. L’an dernier, je l’avais consacrée au crédit d’impôt services à la personne (Cisap), qui est le premier crédit d’impôt pour les ménages. L’année précédente, je l’avais consacrée au crédit d’impôt recherche (CIR), qui est le premier crédit d’impôt pour les entreprises.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF18 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur l’évolution des recettes propres et de la rémunération du compte bancaire de la Présidence de la République au Trésor, dont les règles sont fixées par l’arrêté du 15 septembre 2014. En tant que rapporteure spéciale de la mission Pouvoirs publics, j’ai observé que les recettes de ce compte ont explosé. Elles atteignent 2,3 millions d’euros, soit une hausse de 171 % dont je ne parviens pas à identifier la cause. Si l’Élysée a une technique pour augmenter à ce point ses recettes, il serait bon de la partager avec les collectivités locales, que le Gouvernement rend responsables de beaucoup de choses mais qui ne bénéficient pas des mêmes aides.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous avez abordé ce sujet lors de la présentation de la mission Pouvoirs publics, dans le cadre du Printemps de l’évaluation. Les données sont publiques. Vous avez adressé plusieurs demandes à la ministre Lebec, qui s’est engagée à fournir les informations demandées. Votre souci de transparence vous honore, même s’agissant d’une recette annuelle de 2 millions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF33 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il vise à obtenir un rapport sur la sous-consommation des crédits alloués à MaPrimeRénov. Nous avons observé une diminution de 15 % du nombre de rénovations l’année dernière, couplée à une incapacité chronique d’utiliser les fonds alloués à MaPrimeRénov. Ces chiffres confirment les dysfonctionnements révélés par le rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, initiée par le sénateur Gontard, notamment le reste à charge trop élevé pour les ménages, le coût de la labellisation « reconnu garant de l'environnement » (RGE) pour les entreprises et les dysfonctionnements administratifs.

Au lieu de couper les budgets alloués à la rénovation thermique des logements, le Gouvernement devrait analyser ces dysfonctionnements et investir pour y remédier. Nous n’atteindrons pas les objectifs de l’Accord de Paris si nous ne réduisons pas notre consommation d’énergie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons l’objectif de respecter l’Accord de Paris. La réduction des émissions de CO2 enregistrée en 2023 y contribue.

Les dépenses dues à MaPrimeRénov ont significativement augmenté en 2022, moins en 2023. Les raisons en sont bien documentées, notamment par un rapport de la Cour des comptes. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a publié des informations. L’Assemblée nationale a publié l’an dernier un rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Le recul significatif des crédits de paiement constaté en ce début d’année 2024 est dû au hiatus entre ce que certains nous poussent à faire et la réalité de ce que peuvent faire les Français. Certes, il faut faire davantage de rénovations globales et accompagner nos concitoyens dans cette démarche. Toutefois, lorsque l’on exclut du dispositif les mono-gestes, on se heurte aux réalités : sur le terrain, les artisans, les financements et les compétences en matière d’accompagnement manquent.

Il faut donc appréhender la sous-consommation des crédits consacrés à MaPrimeRénov avec prudence. Nous y avons beaucoup réfléchi, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) aussi. Notre intérêt à tous est d’augmenter les moyens dévolus en la matière. En tout état de cause, un rapport ne résoudra pas le problème. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur (LR). J’ignore ce qu’il en est pour nos collègues, mais, en ce qui me concerne, ma permanence est assaillie de situations complexes en matière d’obtention de MaPrimeRénov. Les gens n’obtiennent pas toujours les financements espérés et sont confrontés à un degré élevé, voire record, de complexité, encore accru par les allers-retours du Gouvernement, qui ouvre et restreint le dispositif comme s’il voulait caler la dépense. Plusieurs rapports ont été rédigés, mais aucun n’a été suivi d’effet. Il faut simplifier le dispositif.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF15 de M. David Guiraud.

 

Amendements CF36, CF40, CF41, CF42 et CF43 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Certains crédits de paiement des missions Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs, Administration générale et territoriale de l’État, Préparation et emploi des forces, Énergie, climat et après mines et Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ont été annulés et non reportés dans des proportions assez élevées. À défaut d’obtenir un rapport à ce sujet du Gouvernement, nous aimerions obtenir quelques informations du rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le taux de consommation des crédits en 2023, au regard des montants issus de la loi de fin de gestion, est de 96,4 %, contre 95,3 % en 2022. L’exécution du budget s’est donc améliorée.

En cas d’écart entre les crédits prévus et ceux effectivement consommés, le Gouvernement peut annuler ou reporter les crédits. Nous sommes plusieurs à penser – et à l’avoir dit au Gouvernement – que le montant des reports de crédits demeure trop élevé. En 2023, il s’est élevé à 23,5 milliards, ce qui est un progrès par rapport aux 29 milliards de 2022. Les annulations de crédits s’élèvent à 6,2 milliards. Compte tenu du déficit qu’accusent les finances publiques, cela n’a rien d’excessif.

Pour chaque mission, les écarts ont une origine propre, qu’il incombera au ministre chargé des comptes publics de détailler lorsque nous examinerons le présent projet de loi dans l’hémicycle. Souvent, les décalages sont dus à des projets d’investissement ou à des projets immobiliers au sein de tel ou tel programme. Rapportés au périmètre des dépenses brutes de l’État, qui s’élèvent à 592 milliards, les 6 milliards d’annulations de crédits représentent une proportion de 1,04 %.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Monsieur le rapporteur général, je constate que vous essayez de nous noyer dans des chiffres globaux. S’agissant des dépenses sur lesquelles nous appelons l’attention, les écarts sont beaucoup plus importants. Vous ne voulez pas répondre. Dont acte. Nous interrogerons le ministre dans l’hémicycle.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne botte pas en touche. Je tiens à votre disposition des éléments d’explication mission par mission. Mon propos visait à préciser le contexte global, en rappelant que les annulations de crédits, dont le montant est de l’ordre de 1 % des dépenses de l’État, sont limitées.

S’agissant de la sous-consommation des crédits du programme 348, elle est notamment due à l’annulation de certains projets, notamment la rénovation des cités administratives de Melun et de Brest, à des transferts issus d’autres programmes pour le cofinancement des cités administratives, et au report de la notification de certains marchés à 2024. Ainsi s’explique le taux d’annulation du programme 348, qui est en effet supérieur à 1,04 %.

Mme Véronique Louwagie (LR). En matière de rénovation énergétique et de performance énergétique des opérateurs de l’État, notre collègue Annie Vidal et moi-même présenterons demain, dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), les conclusions de la mission d’information sur l’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographique et environnementales. Nous y formulons plusieurs propositions pour relever les défis des transitions énergétique et démographique.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CF44 de M. Christian Baptiste

M. Christian Baptiste (SOC). Il vise à obtenir un rapport justifiant l’annulation d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement non consommés en 2023 et non reportés du programme Conditions de vie outre-mer, à hauteur respectivement de 7 % et de 18 %.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La sous-consommation apparente des crédits du programme 138, à hauteur de 1,31 % en autorisations d’engagement et de 1,08 % à périmètre courant doit être mise en rapport avec une mesure de périmètre minorant les crédits à hauteur de 264 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. L’ancien mécanisme de compensation du « bandeau maladie » est désormais compensé par une fraction de la TVA. À périmètre constant, les crédits du programme 138 sont en hausse de 13,5 % en autorisations d’engagement et de 13,8 % en crédits de paiement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CF45, CF47, CF48, CF49 et CF50 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit d’obtenir des explications sur plusieurs annulations d’autorisations d’engagement non consommées en 2023 et non reportées. À défaut d’en obtenir, nous espérons en obtenir du ministre dans l’hémicycle.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cher collègue, je vous livrerai, pour le plaisir de vous contredire, quelques indications détaillées. Le taux d’exécution du programme 102 est de 84 % en autorisations d’engagement, mais de 99 % en crédits de paiement. Cette situation résulte principalement de la sous-exécution des allocations de solidarité. Comme en 2022, l’écart à la baisse s’explique par l’amélioration de la situation économique et par une sous-consommation de l’enveloppe dévolue aux contrats aidés en raison de l’amélioration de la situation de l’emploi.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

 

La commission adopte l’article 5 non modifié.

Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

 

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 

 

Après l’article 6

 

Amendement CF1 de M. Frédéric Cabrolier

M. Frédéric Cabrolier (RN). Il vise à obtenir des éclairages sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a choisi d’annuler 21 millions d’euros de crédits de la mission Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Ces crédits auraient pu être affectés à l’entretien des infrastructures routières. En effet, d’après les chiffres de l’association Prévention routière, 30 % des accidents mortels survenus en 2022 sont dus au mauvais état des routes et près de 20 % des routes nationales sont considérées en mauvais état. Ces chiffres témoignent d’un sous-investissement de l’État du réseau routier et d’un désengagement progressif, identifiés par la Cour des comptes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce rapport existe : il s’agit du RAP du compte d’affectation spéciale (CAS) Radars. S’agissant des infrastructures routières, il est d’ores et déjà prévu que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) reçoive en 2024 une part d’un montant de 233 millions du produit des amendes perçues.

Les crédits dont l’annulation est prévue représentent 1,2 %, soit l’épaisseur du trait.

Par ailleurs, compte tenu du principe d’annualité, si l’on constate en fin d’année que des crédits ne sont ni consommés ni reportés, ils ont vocation à être annulés. Tel est le cas des 21 millions précités.

M. Mathieu Lefèvre (RE). S’agissant des comptes spéciaux, M. le rapporteur général peut-il indiquer les conséquences du rejet du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes ? J’ai cru comprendre que, d’après la Cour des comptes, le report de leurs crédits était envisageable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La non-adoption du texte nous oblige à garder la trace, qui se consolide chaque année, des écarts constatés et des reports qui n’ont pas lieu. Du point de vue de la charge administrative et de la lisibilité de nos comptes, rejeter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes n’est pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF16 de M. David Guiraud.

 

 

Article 7 : Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État

 

Amendements identiques CF28 de M. David Guiraud et CF55 de M. Mickaël Bouloux

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer l’article 7, notamment pour faire en sorte que l’Assemblée nationale reprenne le pouvoir que le Gouvernement lui retire.

L’article 7 vise le solde des comptes de l’année budgétaire 2021. La raison en est simple : éviter à tout prix de déposer un nouveau projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2021, la minorité présidentielle ayant subi en 2022 une défaite en la matière, suivie d’une autre en 2023. L’unique objet de cet article est de contourner le Parlement. Après deux projets de loi de finances promulgués sans vote du Parlement, après 20 milliards de baisses de dépenses publiques sans consulter le Parlement, il est temps que celui-ci assume pleinement ses responsabilités.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Adopter l’article 7 équivaut à adopter a posteriori le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2021, pourtant rejeté à deux reprises par le Parlement. M. le rapporteur général, vous fondez vos arguments sur le respect de la Lolf, mais celle-ci n’a pas prévu le cas d’un Parlement sans majorité claire.

Du point de vue de la démocratie, il est très choquant de faire approuver des comptes après deux échecs. Le Gouvernement n’a pas le courage de présenter et d’essayer de faire adopter à nouveau le texte.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Chacun est libre de ne pas voter le texte mais supprimer les articles équivaut à casser le thermomètre et à nous priver de visibilité sur l’exécution du budget 2023, alors même que nous la demandons au Gouvernement et que nous avons enrichi la Lolf en ce sens au fil de ses modifications.

L’article 7 procède à une opération comptable – l’imputation définitive du résultat de l’exercice 2021 au bilan de l’État – qui répond à une exigence de la Lolf. Si nous le supprimons, nous ne respecterons pas la Lolf et rendrons illisible – vous diriez insincère – la comptabilité de l’État. J’y suis fermement défavorable.

Il y a quelques connaisseurs de la comptabilité nationale parmi nous. Si nous n’affectons pas au bilan de l’État les résultats exercice après exercice, le budget sera, pour le coup, insincère. Au demeurant, nous n’en conservons pas moins la trace des écarts et des reports. Je pose la question : à défaut, que faire ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). À l’occasion de l’examen des articles relatifs au bilan patrimonial de l’État, j’aimerais en rappeler l’amélioration en 2023, pour trois raisons : la diminution des charges financières ; la diminution des charges de fonctionnement ; la diminution des charges d’intervention nettes, en raison notamment de l’augmentation des financements européens au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Ce sont là des éléments à mettre au crédit de la majorité présidentielle.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’article 7 non modifié.

 

 

Article 8 : Affectation du résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État

 

Amendements de suppression CF29 de M. David Guiraud et CF56 de M. Mickaël Bouloux

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Alors que 2022 a été une année charnière, marquée par une redéfinition des perspectives budgétaires, en fonction des projections de crises, de l’objectif de réduction de la dette et de l’augmentation de l’inflation. Pourtant, le Parlement n’a pas réellement été mis à contribution. Il faut supprimer l’article pour affirmer les responsabilités du Parlement et son autonomie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous encourage à lire l’article 8. Il vise à opérer une opération comptable, l’imputation définitive du résultat de l’exercice 2022 au bilan de l’État, conformément à la Lolf. S’il n’est pas adopté, que ferons-nous du solde ? Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’article 8 non modifié.

 

 

Article 9 : Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

 

Amendement CF38 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que seule une loi d’approbation des comptes et des résultats de gestion peut apurer les pertes et profits survenus sur les comptes spéciaux et donc les clôturer. Or tous les projets de loi d’approbation des comptes présentés par le Gouvernement ont été rejetés par le Parlement ces dernières années – peut-être le présent texte le sera-t-il également. Que deviendrait alors le solde créditeur du CAS – compte d’affectation spéciale – Participation de la France au désendettement de la Grèce, clos le 1er janvier 2023, d’un montant de 800 millions d’euros ?

Puisqu’une grande majorité de la représentation nationale ne verrait pas d'objection au présent article, qui vise à régler ce compte, ne faudrait-il pas à modifier la Lolf afin de prévoir que l’apuration et la clôture des comptes spéciaux puissent être menées en dehors d'une loi d'approbation des comptes ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce compte d’affectation spéciale devait être clos le 31 décembre 2020, mais cette échéance a été repoussée de deux ans par la loi de finances pour 2020. Le compte est désormais clôturé, mais non apuré. Je vous propose d’affecter son solde au budget général de l’État, en adoptant l’article 9. Avis défavorable à la demande de rapport ; le Gouvernement pourra fournir en séance des explications complémentaires, si vous le souhaitez.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’article 9 non modifié.

 

Après l’article 9

 

Amendement CF3 M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Le Parlement doit pouvoir apprécier la répartition des recettes de la TVA. Dans son dernier rapport sur le budget de l’État, la Cour des comptes relève que l’État ne touche plus que 46 % du produit de la TVA. De fait, la grande majorité des mesures prises par la minorité présidentielle, telles que la suppression de la taxe d’habitation, de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, de la contribution à l’audiovisuel public et la création de nouvelles exonérations de cotisations à la sécurité sociale, ont été financés par des transferts du produit de la TVA. Le montant de ceux-ci explose depuis 2018.

Que faites-vous avec l’argent que les Français payent au supermarché, avec le produit de l’impôt le plus injuste de notre pays ? Je rappelle qu’un individu des classes populaires contribue autant à cet impôt qu’un membre des classes les plus aisées, voire davantage.

Le produit de la TVA n’est plus alloué à l’État, au service public. Il est de plus en plus difficile de retracer l’allocation de cet argent dans la documentation budgétaire. Un débat public est essentiel sur cette dérive. Les montants transférés, qui excèdent 100 milliards d’euros, sont supérieurs au budget de l’éducation nationale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Malgré nos désaccords sur les baisses d’impôts, qui ont selon moi profité aux Français et aux entreprises, convenez que l’utilisation de la TVA est parfaitement documentée. Les détails seront repris dans mon rapport sur ce texte.

C’est vrai, une part significative du produit de la TVA échappe désormais aux caisses de l’État – mais elle ne finit pas pour autant dans une banque suisse. En 2023, sur un total de 208 milliards d’euros de recettes, 95,2 milliards d’euros ont été alloués à l’État ; 57,3 milliards d’euros aux administrations de la sécurité sociale ; 52,1 milliards d’euros aux collectivités territoriales ; 3,8 milliards d’euros à l’audiovisuel public. Comme vous le voyez, la TVA acquittée par les Français sert intégralement à financer le service public.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Comment se satisfaire d’une telle imbrication de trois budgets distincts ? Le budget de la sécurité sociale est supposé être autonome, comme celui des collectivités territoriales.

Même M. Moscovici a reconnu que vous créez une situation malsaine en privant la sécurité sociale et les collectivités locales de ressources autonomes et en les plaçant sous perfusion de l’État. Cela permet à ce dernier de décider du fonctionnement de leur budget, c’est-à-dire d’attaquer la démocratie sociale et la démocratie locale.

De plus, dans la documentation budgétaire de l’État, il est de plus en plus difficile, non pas de connaître les montants des transferts de TVA, mais de comprendre leur motivation, de savoir quelle niche, quelle exonération ils compensent. Vous dépossédez l’Assemblée nationale de sa capacité à lire le budget.

Vous déclarez que ces sommes ne partent pas en Suisse. On peut avoir un doute, quand elles permettent des exonérations aux plus grands groupes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La TVA est acquittée par les consommateurs. Je ne vois donc pas le rapport avec les grands groupes.

Avis défavorable. La documentation donne beaucoup de visibilité. Le montant de la compensation versée aux collectivités territoriales est calculé selon des règles que nous avons votées, tout comme le montant de la compensation versée à l’audiovisuel public. Il n’y a rien de mystérieux en la matière ; tout est transparent.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF23 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). C’est un exemple concret du traitement de la TVA dans la documentation budgétaire de l’État : le rapport d’exécution du budget pour 2023 révise l’évaluation du coût des dépenses fiscales de l’État, le faisant passer de 89,1 milliards d’euros à 81,3 milliards d’euros, en faisant disparaître près de 8 milliards d’euros dans un tour de passe-passe nocif. La « nouvelle convention de chiffrage des dispositifs relatifs à la TVA. », qui consiste à calculer les dépenses fiscales de TVA au prorata de la part du produit de cet impôt perçu par l’État, vous permet de faire disparaître en tout 11,4 milliards d’euros de dépenses fiscales par une astuce. Au passage, vous traitez les collectivités territoriales et la sécurité sociale comme parties prenantes des dépenses fiscales de l’État. Je vous alerte sur cette pratique, qui nous fait plonger dans le flou le plus absolu, pour des sommes colossales, alors que nous sommes supposés être « à l’euro près ».

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il est paradoxal que vous nous reprochiez une baisse de 8 milliards d’euros des dépenses fiscales.

La documentation est transparente et la révision du mode de calcul justifiée, car les dépenses fiscales s’appliquent à la TVA avant affectation à tel ou tel, et non à la part de la TVA affectée à l’État.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF4, CF5 et CF6 de M. David Guiraud

 

Amendement CF8 de M. David Guiraud

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Un rapport doit évaluer le coût et les recettes liées à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale par niveau de revenu des personnes physiques et morales contrôlées. Serait ainsi calculé le coût de collecte pour l’ensemble des particuliers, pour les particuliers dont le patrimoine se situe dans le dernier décile, pour les PME-TPE – les très petites, petites et moyennes entreprises –, pour les ETI – entreprises de taille intermédiaire – et pour les grands groupes.

Une étude du National Bureau of Economic Research démontre qu’aux États-Unis, chaque dollar investi dans le contrôle fiscal des 10 % les plus riches rapporte en moyenne 12,5 dollars. Évaluons mieux l’efficacité de la lutte contre la fraude à l’échelle française, pour amplifier les moyens alloués à cette lutte.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette politique transversale donne déjà lieu à un « orange » budgétaire très spécifique, dont le contenu est fixé non par le Gouvernement, mais par la loi, en l’occurrence l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005. Nous pourrions effectivement modifier ce contenu, je n’y suis pas opposé.

La lutte contre la fraude est une priorité. Nous avons voté le recrutement de 1 500 agents supplémentaires pour lutter contre la fraude fiscale et de 1 000 agents supplémentaires contre la fraude sociale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF9 de M. David Guiraud

M. le président Éric Coquerel. Le déficit pour 2023, initialement prévu à 4,9 % du PIB, s’élève finalement à 5,5 % du PIB. M. Macron explique cela par « un problème de moindres recettes » ; le même se félicitait plus tôt d’avoir réduit les impôts de 60 milliards d’euros par an.

Il nous faut davantage de détails sur l’évolution des recettes fiscales, grâce à un rapport étudiant notamment le rôle des mesures du Gouvernement, celui de l’évolution de l’activité, et celui de l’inflation, pour la TVA notamment. Dans son rapport sur l’exécution budgétaire en 2023, la Cour des comptes pointe que, alors que le PIB a augmenté de 0,9 % en volume et de 6,4 % en valeur, les recettes fiscales diminuent en valeur. C’est exceptionnel. Plus de 20 milliards d’euros manquent au budget général de l’État.

Par ailleurs, il n’est pas satisfaisant qu’avec la suppression d’un nombre croissant d'impôts, la sécurité sociale et les collectivités locales soient biberonnés à la TVA. C’est un impôt injuste, dont le produit est fluctuant. Le rôle qui lui est accordé est donc dangereux pour les finances publiques.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le tome I de l’annexe des Voies et Moyens présente déjà de manière très précise l’évolution des recettes fiscales. Elle répondra à la majorité de vos questions, qui sont légitimes.

Si les recettes fiscales de 2023 ont été inférieures de 7,7 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, c’est essentiellement à cause du produit de l’impôt sur les sociétés, inférieur aux prévisions de la loi de fin de gestion de 2023 – mais supérieur à celles de la loi de finances initiale.

Vous le savez, les recettes de cet impôt sont difficiles à prévoir, puisque les redevables doivent verser le solde pour le 15 décembre, après que l’essentiel de la discussion budgétaire a eu lieu. L’an dernier, à cette date, la loi de programmation des finances publiques et la loi de fin de gestion avaient été adoptées ; nous en étions à la deuxième lecture du PLF. En outre, un ralentissement de l’économie a été observé en décembre, au niveau mondial. Cela explique que le produit de l’impôt sur les sociétés a été inférieur de 4,4 milliards d’euros aux prévisions formulées en novembre, dans le cadre du collectif de fin de gestion.

Cette évolution est une source d’inquiétude. Nous devrons préparer le prochain budget à la lumière des annexes sur les Voies et Moyens.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF10 de M. David Guiraud

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement d’appel vise à faire la lumière sur le taux effectif de l’impôt sur les sociétés. En 2017, le taux nominal de cet impôt avait été réduit de 33 % à 25 %, avec des différences importantes selon la taille des entreprises et leur secteur d’activité.

Le rapport établi par le rapporteur général et moi-même sur cette question a dressé un premier bilan, que le Gouvernement devrait actualiser.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons actualisé nous-même ces travaux, dans le cadre de la mission d’information sur les différentiels de fiscalité. Alors que l’écart d’imposition entre grandes et petites entreprises était de 21 points en 2007, il n’est plus que de 1,6 point, grâce à des mesures prises aux niveaux national et international, parfois sous l’impulsion de la France.

Nous avons fait converger le niveau de l’impôt sur les sociétés avec celui de nos partenaires principaux. Dans le budget pour 2024, nous avons voté la transposition du pilier 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui prévoit un taux minimal d’imposition de 15 % au niveau mondial ; il devrait permettre de percevoir 1,5 milliard d’euros de recettes en 2025.

Les différentiels de fiscalité sont davantage prégnants entre secteurs d’activité, au détriment du secteur industriel. La baisse des impôts de production participe à rééquilibrer la situation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF11 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous demandons qu’un rapport évalue les mesures d’aides publiques aux entreprises privées qui sont passées dans la norme fiscale. Par exemple, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui était une aide directe aux entreprises, a été transformé en baisse pérenne des cotisations, permettant au Gouvernement de prétendre qu’il a diminué les aides publiques aux entreprises.

Pourtant, ces aides ont été multipliées par vingt en quarante ans et par deux en dix ans. Sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, elles ont augmenté de 80 milliards d’euros par an. En 2018, alors que le montant des aides s’élevait à 140 milliards d’euros, Gérald Darmanin annonçait qu’il réduirait celles-ci lorsque l’économie reprendrait. En 2021, leur montant atteignait 160 milliards d’euros et même 207 milliards d’euros, si l’on prend en compte les mesures déclassées. Il est désormais près d’atteindre 256 milliards d’euros.

Malgré nos désaccords – j’estime personnellement que nous vivons une mutation profonde du capitalisme, marquée par une intervention accrue de l’État au détriment des Français et en faveur des grands groupes –, convenons que l’utilisation de l’argent public devrait être présentée de manière plus lisible pour les parlementaires. Le choix de déclasser les aides nous empêche notamment d’évaluer l’efficacité des aides publiques aux entreprises et de les piloter.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne peux soutenir ces raccourcis. Le tome II de l’annexe des voies et des moyens du PLF dresse la liste exhaustive des mesures classées ou déclassées depuis le PLF précédent et présente leur montant. Une annexe à ce document retrace même le coût de l’ensemble des mesures fiscales déclassées. Dans le PLF pour 2024, trois déclassements ont été opérés, pour un coût nul. L’idée selon laquelle nous cacherions la vérité ne résiste pas à l’analyse des documents.

En outre, arrêtez de cibler les entreprises. Souhaitez-vous arrêter la politique de soutien à l’innovation et à la recherche ou la politique de soutien à l’apprentissage ? Il n’est pas très honnête de diaboliser les aides nécessaires aux entreprises.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF19 de M. David Guiraud.

 

Amendement CF24 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport précisant, commune par commune, le montant de la dotation globale de fonctionnement octroyé. L’autonomie des collectivités locales a été fortement dégradée par plusieurs mesures du Gouvernement, notamment la suppression de la CVAE et de la taxe d’habitation – rappelons en outre que cette dernière mesure a profité pour moitié aux 20 % de nos concitoyens les plus aisés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces questions sont déjà bien documentées. Je comprends que l’on critique la suppression de la taxe d’habitation au motif qu’elle risque de distendre le lien entre les habitants d’une commune et les services publics fournis par celle-ci. Mais les critiques portant sur le montant de la compensation versée aux communes ne tiennent pas. Les études de différents spécialistes montrent que la suppression de la taxe d’habitation a été compensée par une recette dynamique, sur laquelle les collectivités gardent un pouvoir de taux. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF25 de M. David Guiraud

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport sur l’évolution de l’autonomie fiscale des départements. Depuis 2017, le taux d’autonomie fiscale du bloc communal est passé de 50 % à 43 % ; celui du département, de 40 % à 20 % ; celui des régions est inférieur à 10 %.

Si les impôts fournissent des recettes, ils créent également un lien entre les décideurs politiques et leurs concitoyens. En substituant la TVA aux impôts locaux comme source de financement des collectivités, vous déconnectez donc nos concitoyens des décisions politiques du maire, du président du conseil départemental ou du président de région. Nos concitoyens entretiennent finalement davantage de liens avec leur buraliste ou leur grande surface qu’avec leurs élus. Comment s’étonner que les citoyens se comportent en consommateurs, si c’est quand ils consomment qu’ils paient leurs impôts ?

Les entreprises, elles, ont renforcé leur lien avec l’État. Elles captent 76 % des milliards d’euros dégagés par la suppression de la CVAE. Ce ne sont donc pas les petites entreprises, les artisans et les petits commerçants qui profitent de la mesure. Pourquoi continuez-vous à taper sur les Français ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous vous êtes un peu éloigné du contenu de votre amendement. Rappelons que les prélèvements obligatoires sont à un niveau très élevé en France, même s’ils ont beaucoup baissé en fin d’année, ce qui est un effet positif de la perte de recettes. Et cessons d’évoquer le lien fiscal qui existerait entre les citoyens et les départements : les citoyens n’ont absolument aucune idée de ce que coûte le fonctionnement d’un département. Sur le long terme, le remplacement de la CVAE par de la TVA est bénéfique pour les départements parce que la TVA est une recette plus dynamique et plus prévisible : sauf cataclysme, elle augmente d'une année sur l'autre, même si sa hausse a été moins élevée que prévu l’année dernière. À l’inverse, la CVAE est décrite dans tous les rapports comme non prévisible, incomprise, injuste d'un territoire à l’autre. N’idéalisons pas la CVAE maintenant qu’elle a quasiment disparu. Nous n’avons pas besoin d’un rapport sur quelque chose qui est déjà clairement documenté. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF26 de M. David Guiraud

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous demandons le même type de rapport pour la région. La défense de cet amendement me permet de vous répondre que la compensation n'a pas été à la hauteur de l'inflation en 2023 : la perte s’élève à 1,3 milliard d’euros pour l'ensemble des collectivités. En cinq ans, la suppression de divers impôts locaux a conduit à une baisse de 27 milliards d’euros de leurs ressources. Elles perçoivent le versement mobilité, par exemple, mais il est plafonné et elles ne peuvent pas le déplafonner. Ces rapports nous permettraient de faire le lien entre la suppression de ces impôts locaux et la décision politique, quelles que soient les collectivités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je conteste ces chiffres sortis de nulle part et jamais justifiés. Il y a une faille dans votre raisonnement : chacune des recettes des collectivités baisse car elle n'a pas été compensée, mais la somme de ces recettes augmente quand même de manière très significative. Comment expliquer ce phénomène mathématique ?

Pour les régions, la DGF figée a été remplacée par la TVA qui augmente. Entre 2017 et la période actuelle, l’écart est colossal – d’ailleurs les régions ne s’en plaignent pas. Quant au remplacement de la CVAE par la TVA en 2020, pendant la crise sanitaire, il a aussi été bénéfique pour les régions, la différence étant de l'ordre de 1 milliard d’euros. Ce sont les faits, très documentés, concernant le financement des régions. Je ne vois pas l'intérêt d'un rapport supplémentaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF14 de M. David Guiraud

M. le président Éric Coquerel. Nous demandons qu’un rapport étudie l’impact des dépenses de l’État, notamment de celles évaluées comme neutres, sur le climat et la biodiversité.

Le Gouvernement évalue les dépenses publiques défavorables à l’environnement à 19,9 milliards d’euros en 2023, un montant très inférieur aux estimations d’organismes spécialistes de la question – Réseau action climat, par exemple, les situe à 67 milliards d’euros. Cet écart s’explique peut-être par une attribution trop hâtive de la classification « neutre » à 340 milliards d’euros de dépenses publiques, sans aucune justification.

En outre, la méthodologie du budget vert n’est pas traitée sérieusement dans le présent projet de loi. L’exposé des motifs indique qu’une analyse détaillée de l’exécution du budget de 2023, selon cette méthodologie, sera présentée en annexe du PLF pour 2025, c’est-à-dire alors que le budget de l’année n-1 sera soldé et les choix de l’année n+1 déjà arbitrés. Ce n’est pas sérieux. Il faut nous éclairer davantage sur le budget vert.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le suivi de ces dépenses s’améliore d’année en année. C’est un travail technique qu'il faut poursuivre avec le Gouvernement et les différents services. Nous sommes d’accord avec cet objectif, fixé dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, de réduire le nombre des dépenses non suivies ou classées neutres.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CF30 et CF32 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Dans la même veine que celui qui vient d’être défendu, l’amendement CF30 demande un rapport détaillé sur le budget vert, de façon à éliminer des dépenses neutres ou non cotées. Ces dernières représentant encore 90 % des dépenses, le budget vert perd de son intérêt – la Cour des comptes et le Haut Conseil pour le climat ont d’ailleurs critiqué ces insuffisances. Il est urgent de revoir la méthodologie, notamment en adoptant une classification fondée sur l'empreinte carbone chiffrée pour plus de transparence. Il faut aussi comparer notre approche avec celle de nos voisins européens, afin d'améliorer nos outils de calcul des dépenses publiques néfastes pour l’environnement.

L’amendement CF32 vise à faire en sorte que le classement soit établi sur les dépenses réelles et non sur les prévisions car il n’y a pas d'exécution budgétaire verte, si je puis dire. L’écart entre dépenses budgétisées et dépenses réelles peut être très important, alors que le budget vert donne lieu à beaucoup de communication. Sans analyse de l'exécution budgétaire, on n'a pas de vision réelle du caractère favorable ou défavorable des dépenses réelles de l'État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons vos objectifs. Rappelons que nous sommes à l'initiative de ces budgets verts et que nous avons inscrit l’amélioration de ces ratios dans la loi de programmation – texte que certains ici n’ont pas voté. Il faut aussi admettre que certaines dépenses ne pourront jamais être qualifiées et devront toujours être considérées comme neutres sur le plan environnemental. Il en est ainsi pour les dépenses de personnel du ministère de l’éducation nationale, qui représentent une part significative de son budget de 80 milliards d’euros. Cela étant, nous progressons chaque année : les dépenses favorables à l'environnement sont de 27,8 milliards en 2023 contre 24,9 milliards en 2022. Contrairement à ce que vous dites, nous avons les données concernant l’exécution du budget vert, certes avec deux ans de décalage car cela nécessite des traitements manuels. L’exécution budgétaire pour l’année 2023 apparaîtra donc dans le budget vert pour l'année 2025. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). En fait, je voulais revenir sur les échanges précédents concernant les finances des collectivités locales. Je ne voudrais pas laisser passer sans réagir l’amalgame qui a été fait par M. Rome entre les différentes collectivités. Les régions, qui ont des ressources économiques et qui ont bénéficié de taxes sur l'économie, s’en sortent bien. Il en va de même pour la partie intercommunale du bloc communal, dont les recettes sont plutôt dynamiques. En revanche, les communes ou les départements sont affectés par l’inflation et la hausse des dépenses sociales.

Quant au rapporteur général, il peut vanter la dynamique des recettes des collectivités puisque la TVA a été transférée aux collectivités et que nous sommes en période de forte inflation. Nous en venons à une situation incongrue où les collectivités vont toucher plus de recettes de TVA que l'État. Mais si nous entrons dans un cycle de croissance très molle ou de récession, cette dynamique ne jouera plus, et il n’y aura pas de compensations dans le temps. Voilà la réalité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L'État perçoit environ 95 milliards d'euros de TVA, un montant bien supérieur à celui des collectivités. Contrairement à ce que vous dites, les courbes sont très loin de se croiser.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CF31 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il vise à ce que le Gouvernement remette enfin au Parlement un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse, comme la loi l’exige. Depuis 2019, le Gouvernement bafoue la loi de 2015 en refusant de publier ce rapport annuel. Cette négligence est inacceptable, alors que les indicateurs tels que la pauvreté en conditions de vie, l'espérance de vie en bonne santé, ou l'empreinte carbone sont cruciaux pour orienter nos politiques publiques.

Nous avions progressé entre 2008 et 2017, après la publication en 2008 du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, qui avait mis en lumière les limites du PIB. Actuellement, on se replie sur une vision assez conservatrice et classique, fondée sur le PIB, alors que cet indicateur ne rend compte ni de la destruction du capital naturel ni des inégalités à l'intérieur de la société.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous avez raison, chère collègue. Je vous invite à retirer votre amendement parce que la loi prévoit déjà ce que vous demandez. À défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable. Il faudra profiter du débat en hémicycle pour rappeler au Gouvernement ses obligations en la matière car, depuis quelques années, il ne produit plus ce rapport.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CF34 et CF35 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L'amendement CF34 demande un rapport au Gouvernement justifiant le différentiel abyssal entre le rendement de la contribution sur les rentes inframarginales (Crim) des producteurs d’électricité – 626 millions d’euros – et les prévisions inscrites en loi de finance initiale de 2023 – 12,3 milliards d'euros. La Cour des comptes, qui avait déjà sévèrement critiqué le bilan de la taxation des profits des producteurs d’électricité en mars dernier, juge cet écart inexplicable. Il est impératif que le Gouvernement rende des comptes sur ce qui est une gestion défaillante des finances publiques.

L’amendement CF35 traite du même sujet. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport justifiant le niveau dérisoire des recettes issues de la contribution temporaire de solidarité (CTS) sur les entreprises pétrogazières : 61 millions d'euros, autant dire une paille, sachant que TotalEnergies, par exemple, a engrangé 19,9 milliards d'euros de bénéfices en 2023.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends vos demandes, chère collègue.

La Crim versées par les énergéticiens a baissé pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le prix spot de l’électricité a fortement diminué au cours de l'année 2023 : il a été divisé par cinq entre 2022 et 2023. Vous remarquerez que dans la loi de fin de gestion pour 2023, les recettes attendues de cette contribution ont beaucoup baissé. Ensuite, la contribution d’EDF a été moins importante que prévu, en raison d’un report de pertes constatées en 2022. À ces deux raisons principales viennent s’ajouter deux effets de moindre importance : certains comportements d'achat et de revente adoptés par certains producteurs ont permis de diminuer le montant dû au titre de la Crim ; une faible partie de l'écart demeure inexpliquée et fait l'objet de contrôles fiscaux – il peut aussi y avoir une absence d'autodéclaration. La situation n’étant pas satisfaisante au regard des performances réalisées en 2022 et 2023 par ces entreprises, nous envisageons d’actualiser cette contribution exceptionnelle.

S’agissant de TotalEnergies, le groupe dégage l’essentiel de ses profits dans ses zones de production, c'est-à-dire dans des pays étrangers. Son taux d’imposition est très élevé, mais, hélas, il paie l'essentiel de ses impôts à l'étranger.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CF52 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous demandons au Gouvernement de fournir un document synthétique actualisant les chiffres de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, adoptée en force par le biais d’une énième application de l’article 49.3. Outre le mode d’adoption de cette loi, une deuxième raison plaide pour une actualisation : à l’occasion de la publication des comptes nationaux, le 31 mai 2024, l’Insee va appliquer la nouvelle base 2020 à ses données. Ce changement de base améliore les prévisions économiques, mais il rend obsolètes les chiffres inscrits dans la loi – dont on a pu constater qu’ils avaient déjà tendance à dérailler. L’idéal serait que le Gouvernement présente une nouvelle loi de programmation des finances publiques et la soumette au vote sans recours au 49.3. À tout le moins, il faudrait recalculer ces valeurs pour mieux comprendre la trajectoire des finances publiques. Cette mise à jour est essentielle : sans elle, il est difficile d'évaluer correctement la situation économique actuelle.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je prends votre proposition comme une provocation : il ne sert à rien de multiplier les lois de programmation des finances publiques que, de toute façon, vous ne votez pas. Comme ces lois couvrent une période de cinq ans, des modifications peuvent intervenir qui rendent une partie des projections inopérantes. Cependant, la loi de programmation contient des engagements, en particulier sur la transition écologique, que nous respectons. Elle définit des politiques publiques prioritaires : les lois de programmation sur la justice, l'intérieur, la recherche et les armées ont été sanctuarisées dans la loi de programmation des finances publiques et leur budget augmente de 7 % en 2023. Cette loi de programmation est utile, mais on ne peut pas la réactualiser à chaque fois que le contexte macroéconomique et international change. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF37 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). De nombreux projets de loi de règlement ont été rejetés, ce qui se produira peut-être encore cette année. Pour notre part, nous voterons contre le texte. Quoi qu’il en soit, cela n’aura pas de conséquences concrètes. Habituellement, le rejet des comptes entraîne des répercussions pour les gestionnaires, que ce soit dans le secteur public ou privé. Nous proposons donc de lancer une réflexion pour envisager des changements, y compris législatifs, afin d’aligner la gestion de l'État sur les pratiques courantes en matière de responsabilité financière.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre demande me surprend. Vous votez contre les lois de règlement pour la troisième année consécutive, et vous nous demandez d'expliquer les conséquences du rejet. J’imagine qu'en votant contre le texte, vous êtes conscient des conséquences de votre vote. La loi de règlement est une photographie de l'exécution budgétaire de l'année précédente. Le Gouvernement n’a aucune marge de manœuvre pour en modifier les résultats. C’est toujours une surprise pour moi de vous voir voter contre ces textes, mais j’en prends acte. Maintenant, vous voudriez savoir les conséquences de votre vote. Assumez !

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous ne demandons pas quelles sont les conséquences de ces rejets : nous avons constaté qu’il n’y en avait pas. Nous demandons un rapport, permettant d’engager une réflexion pour qu’un rejet ait des conséquences concrètes : la chute du Gouvernement ou autre.

Mme Véronique Louwagie (LR). La loi de règlement est certes un document comptable, mais elle traduit les politiques publiques conduites par le Gouvernement. Son rejet n'a de conséquence ni sur les finances publiques ni sur la suite du processus budgétaire de l'examen des futures lois de finances. En revanche, le vote donne un signal politique très fort. Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi de règlement, et j’espère que le Gouvernement y verra un signal de fermeté face au dérapage budgétaire actuel.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Voter contre l'approbation des comptes revient à considérer qu’ils sont insincères, alors qu’ils ont été certifiés par la Cour des comptes. Leur insincérité reste à prouver et, pour notre part, nous voterons pour le projet de loi de règlement.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Elle rejette l’ensemble du projet de loi.

 


([1]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([2]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([3]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([4]) La loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ayant substitué dans le texte de la LOLF la dénomination de « projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes » à celle de « projet de loi de règlement », le sigle « PLR » renvoie, dans le présent rapport, à un projet de loi de règlement, s’il est fait référence à un exercice antérieur à l’exercice 2023, ou à un projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes, dans les autres cas.

([5]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([6]) Projet de loi de finances pour 2024, n° 1680, déposé le mercredi 27 septembre 2023.

([7]) Loi n°2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

([8]) Loi n°2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

([9]) Règlement (CE) 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([10]) Règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil.

([11]) Avis n° HCFP-2022-5 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 21 septembre 2022, et Avis n° HCFP-2023-7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 22 septembre 2023.

([12]) Avis n° HCFP-2024-1 relatif au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

([13]) Dans son avis rendu le 17 mars 2020 sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Haut Conseil des finances publiques avait constaté, à la demande du Gouvernement, que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières constituaient des faits inhabituels indépendants de la volonté du Gouvernement et relevaient donc desdites « circonstances exceptionnelles ».

([14]) Cf. encadré infra.

([15]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([16]) Aux termes du II de l’article 62, un écart est considéré comme important lorsque le solde structurel présenté dans le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes est dégradé par rapport à la loi de programmation des finances publiques en vigueur d'au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou d'au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

([17]) Le solde du compte Participations financières de l’État se dégrade de 7,4 milliards d’euros, comme prévu par la LFI 2023, principalement en raison de l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF. Engagée en 2022, elle s’est prolongée tout au long du premier semestre 2023, son financement à hauteur de 5,2 milliards d’euros étant assuré non à partir des recettes 2023 mais du report de solde 2022 sur 2023.

([18]) Cette évolution s’explique notamment par la dégradation, pour 5,8 milliards d’euros, du solde du compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales, également prévue par la LFI 2023. Outre la différence accrue entre les émissions de rôle des impositions locales et les recettes recouvrées, cette dégradation résulte du bouclier tarifaire fiscal sur l’électricité pour lequel l’État a versé des avances aux collectivités supérieure aux recettes qu’il a perçues à ce titre.

([19]) Cf. loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([20]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([21]) Décret n° 2023-1033 du 10 novembre 2023 modifiant le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

([22]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM) et loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice.

([23]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2023, avril 2024 (lien).

([24]) La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur couvre les crédits des missions et programmes suivants : mission Sécurités (152, 161, 176, 207), mission Administration générale et territoriale de l'État hors programme – Vie politique (programmes 216, 354), mission Immigration, asile et intégration (programmes 104 et 303) et une partie du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (programmes 751 et 753).

([25]) Les crédits disponibles correspondent ici aux crédits ouverts par des lois de finances (LFI et LFG pour l’année 2023) auxquels s’ajoutent les reports entrants. Sont retirés de ce montant les fonds de concours (et les attributions de produits) et les annulations réalisées en cours de gestion. Au niveau de chaque mission, sont également prises en compte les mesures de transferts, de virements et de périmètre réalisées pendant l’année.

([26]) En 2022, les prix de l’électricité avaient atteint des niveaux inédits sur les marchés de gros, en répercussion de la triple crise énergétique qui avait affecté de manière simultanée la production nucléaire en France, la production hydraulique dans le sud de l’Europe et les prix du gaz suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En 2023, sous l’effet de l’amélioration du productible nucléaire et hydraulique et de la baisse des prix du gaz, les prix de l’électricité ont affiché une baisse significative : de 276 €/MWh en 2022 à 97 €/MWh en 2023 en moyenne annuelle en ce qui concerne les prix « spot ».

([27]) Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

([28]) Arrêté du 17 janvier 2024 portant report de crédits.

([29]) Données issues du présent projet de loi.

([30]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([31]) Article 137 de la loi de finances initiale pour 2023.

([32]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Cette norme a été mise en place par le Gouvernement dès la gestion 2023 malgré le rejet du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, en octobre 2022, et avant son adoption en lecture définitive, en septembre 2023.

([33]) Ne sont pas pris en compte, dans les crédits du budget général, la contribution de chaque mission au CAS Pensions.

([34]) L’article 111 de la LFI pour 2023 a évalué à 45,6 milliards d’euros les PSR au profit des collectivités territoriales. Au total, 44,2 milliards d’euros ont été prélevés, soit un montant de 1,4 milliard d’euros de moins que la prévision.

L’exécution finale du PSR-UE pour 2023 s’élève à 23,9 milliards d’euros, soit un montant en baisse de 1,1 milliard d’euros, par rapport au montant inscrit en LFI 2023.

([35]) Voir le Rapport économique social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2024.

([36]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019.

([37]) Commission des finances, d’après l’annexe 2 au présent projet de loi (développement des opérations constatées aux comptes spéciaux et budgets annexes). Comme pour le calcul réalisé pour 2021 par la Cour des comptes, neuf comptes spéciaux sont exclus du champ d’analyse : deux retracent des flux financiers temporaires (Avances aux collectivités territoriales, Avances à divers services de l’État ou organismes chargés d’un service public), quatre sont très majoritairement financés par le budget général (Pensions, Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, Participations financières de l’État et Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État) et trois ne peuvent être considérés comme retraçant de véritables dépenses (Participation de la France au désendettement de la Grèce, Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire et Opérations avec le Fonds monétaire international).

([38]) Estimation dans le cadre du PLF 2024 et rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2023 (p. 96).

([39]) Commission des finances d’après l’annexe voies et moyens annexée au PLF 2024. Les données pour 2023 sont prévisionnelles.

([40]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, p. 147. Au 31 décembre 2016, ces fonds représentaient au moins 11,8 milliards d’euros dans les comptes de l’État (mais tous les fonds n’y sont pas intégrés) et au moins 31,2 milliards d’euros au total, sachant que la moitié de ce volume concernait le fonds national d’aide au logement (16,3 milliards d’euros).

([41]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([42]) À l’issue de la réforme de la LOLF de 2021 qui a modifié la présentation de l’article d’équilibre des lois de finances, le périmètre des dépenses de l’État intègre désormais les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux tandis que les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont comptabilisés en moindres recettes.

([43]) Soit 3,3 milliards d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 528 millions d’euros annulés parallèlement.

([44]) Soit 2,3 milliards d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 65 millions d’euros annulés parallèlement.

([45]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([46]) Soit 836 millions d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 20 millions d’euros annulés parallèlement.

([47]) Soit 553 millions d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 20 millions d’euros annulés parallèlement.

([48]) La réforme de la facturation de l’ASP a conduit à rationaliser la trésorerie de cet opérateur (246 millions d’euros au 31 décembre 2023 contre 1 milliard d’euros un an auparavant) ce qui a permis de limiter les reports et de dégager une économie de 750 millions d’euros pour le budget de l’État.

([49]) Destiné à garantir l’ancrage de la parité du taux de change du franc CFA sur l’euro, ainsi que la convertibilité illimitée en euros des francs CFA d’Afrique de l’Ouest, des francs CFA d’Afrique centrale et des francs comoriens, le compte, en raison du niveau important des réserves détenues par les banques centrales de la zone franc, et à la très faible probabilité d’appel en garantie de la France qui en résulte, n’est pas doté en crédits.

([50]) Les décrets n° 2023-476 du 19 juin 2023, n° 2023-576 du 6 juillet 2023 et n° 2023-1158 du 9 décembre 2023 ont porté sur des annulations relatives aux fonds de concours non consommés. Le décret n° 2024-27 du 23 janvier 2024 a procédé à des annulations techniques relatives aux fonds de concours et attributions de produits ouverts en excédent.

([51]) Décret n° 2023-883 du 18 septembre 2023 portant annulation de crédits.

([52]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, articles 10 et 11.

([53]) Les règles applicables aux reports d’autorisations d’engagement (AE) n’ont pas été modifiées. Les reports d’AE, qui ne sont pas plafonnés, ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel.

([54]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([55]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, mai 2018, p. 187.

([56]) Projet de loi de finances pour 2020, p. 23 (lien).

([57]) Cette réduction du taux concerne les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 157 Handicap et dépendance et 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui financent principalement l’aide personnalisée au logement, l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité.

([58]) Circulaire du 26 novembre 2021 du ministre délégué chargé des comptes publics relative au lancement de la gestion budgétaire 2022 et à la mise en place de la réserve de précaution (NOR : CCPB2130558C) (lien).

([59]) Décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

([60]) Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

([61]) La valeur actualisée de l’encours correspond à la valeur nominale pour les titres à taux fixe et à la valeur nominale multipliée par le coefficient d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.

([62]) La dette négociable de l’État désigne la dette contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés financiers (obligations et bons du Trésor). Il existe une dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics…) sur le compte du Trésor et qui constitue aussi un moyen de financement de l’État.

([63]) Lors de l’arrivée à maturité d’un titre indexé sur l’inflation, le montant de capital remboursé est calculé en multipliant le montant nominal du titre par un coefficient d’indexation dépendant de l’évolution de l’inflation sur la période de vie de l’obligation. Afin d’anticiper ce différentiel, une provision pour charge d’indexation est enregistrée annuellement pour évaluer la charge budgétaire potentielle sur la totalité de l’encours de titres indexés, quand bien même il n’y a pas encore de décaissement effectif.

([64]) Loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([65]) Les charges et les produits de fonctionnement résultent de l’activité ordinaire de l’État. Les charges de fonctionnement reflètent les coûts supportés par l’État dans le cadre des missions de service public qu’il remplit. Les produits de fonctionnement sont issus des prestations de service rendues par l’État ; ce sont notamment ceux retracés par les budgets annexes – actuellement Contrôle et exploitation aériens et Publications officielles et information administrative.

([66]) Les charges et les produits d’intervention sont une spécificité comptable de l’État, liée à sa mission de régulateur économique et social de l’État. Les charges d’intervention nettes s’obtiennent en retranchant des charges brutes d’intervention, qui reflètent l’activité de redistribution exercée par l’État, les produits d’intervention – reprises sur provisions et dépréciations, participations de tiers à des dépenses d’intérêt public.

([67]) Les immobilisations corporelles de l’État sont des actifs physiques identifiables contrôlés par l’État, dont l’utilisation s’étend sur plus d’un exercice et qui lui donnent les moyens d’assurer ses missions sur moyen et long termes.

([68]) Les immobilisations financières de l’État sont constituées des participations de l’État dans les établissements publics, dans le capital de sociétés ou d’organismes internationaux, et de prêts et avances octroyés à des États étrangers ou à divers organismes.

([69]) L’actif circulant hors trésorerie regroupe les stocks, les créances (sommes dues par des tiers à l’État) et les charges constatées d’avance (charges dont le paiement est intervenu au cours de l’exercice mais pour lesquelles le service fait interviendra sur l’exercice suivant).

([70]) La trésorerie active est constituée de l’ensemble des disponibilités mobilisables à court terme. Pour l’État, ce poste reflète la position du compte courant de la Banque de France au Trésor et enregistre les opérations liées à la gestion de la dette ou de la trésorerie de l’État.

([71]) Les dettes financières de l’État représentent l’ensemble des engagements financiers de l’État qui résultent du cumul de ses besoins de financement année après année, et de la prise en charge des dettes d’organismes tiers.

([72]) Les dettes non financières de l’État correspondent à des dettes nées à l’occasion d’opérations non financières. Ce sont des passifs certains dont l’échéance et le montant sont fixés de façon précise.

([73]) Les provisions représentent les charges rendues probables par des évènements survenus au cours de l’année ou par le passé mais dont la réalisation ou le montant sont incertains.

([74]) Les engagements pris dans le cadre d’accords bien définis sont des garanties explicitement accordées par l’État dans le cadre de conventions avec des tiers. Celles-ci doivent être autorisées par le Parlement dans la loi de finances et sont facturées aux bénéficiaires.

([75]) Ces engagements recouvrent le coût actualisé (prenant en compte l’inflation) des subventions d’équilibres apportées par l’État aux régimes spéciaux de retraite, les engagements pris au titre du service public de l’énergie mais aussi les engagements pris à l’égard des bénéficiaires actuels de prestations sociales financées par l’État.

([76]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([77]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([78]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([79]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([80]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

([81]) Par convention, l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), détenteur de titres de dette publique à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, soit près de 0,1 point de PIB, n’est désormais plus considéré comme appartenant au champ des administrations publiques. Ces montants de dette sont donc désormais vus comme étant détenus par un tiers.

([82]) Pour une première présentation de ce changement de base, cf. encadré supra (fiche 1), « Le passage des comptes nationaux en base 2020 ».

([83]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([84]) Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article 6, cette convention tient au fait que le compte d’opérations monétaires Opérations avec le FMI retrace le montant de la créance de la France sur le FMI (correspondant à sa quote-part dans le capital de l’institution). Les crédits de ce compte sont adoptés sans découvert autorisé lors de l’examen de la loi de finances initiale puis la loi de règlement – désormais la loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes – prévoit une autorisation de découvert, à hauteur du montant de la créance (17,76 milliards au début de l’année 2023, diminué du solde créditeur des opérations de l’année 2023 de 0,52 milliard d’euros). Au total, le découvert complémentaire demandé par le projet de loi relative aux résultats de la gestion et d’approbation des comptes correspond à la balance de sortie de compte, débitrice à hauteur de 17,24 milliards d’euros. L’importance du montant justifie que le solde de ce compte soit exclu des résultats budgétaires de l’année, afin d’éviter tout biais comptable.

([85]) Cour des comptes, Acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2023, avril 2024.

([86]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([87]) Cette annexe est prévue par le 2° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

([88]) Cf. Compte général de l’État 2023, p. 17.

([89]) Cf. commentaire de l’article 7, supra.