N° 2724

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2023
(n° 2714)

 

 

 

PAR Mme StÉphanie RIST

Rapporteure générale, Députée

 

 

 

 

 Voir le numéro : 2714.

 


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2023

Article 1er Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2023

Article 2 Approbation, pour l’exercice 2023, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Article 3 Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2023

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Réunion du mercredi 29 mai 2024

2. Réunion du mercredi 5 juin 2024

 


   Avant-propos

 Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) de l’année 2023 est particulier à plusieurs égards.

En premier lieu, il ne s’agit que de la deuxième fois qu’un tel texte est soumis au Parlement. Issue de la dernière révision du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale ([1]), la création d’une catégorie de loi de financement consacrée aux résultats du dernier exercice clos répondait aux souhaits et recommandations formulés par de nombreux acteurs des finances sociales depuis déjà plusieurs années.

Dès son élection en 2017, la majorité a immédiatement souhaité renforcer la capacité de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques qui constituent, avec le vote de la loi, les deux autres fonctions que l’article 24 de la Constitution confie au Parlement. En matière de finances sociales, cette volonté s’est concrétisée, dès 2019, par la mise en place au sein de la commission des affaires sociales du « Printemps social de l’évaluation », sur le modèle de ce que la commission des finances avait instauré un an plus tôt.

Dans un rapport publié quelques mois plus tard, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) recommandait une montée en charge du « printemps », afin de mieux lier l’évaluation des politiques sociales au calendrier budgétaire européen ([2]), sans pour autant préconiser l’anticipation de l’approbation des comptes de la sécurité sociale, qui induisait des implications techniques lourdes pour les régimes de sécurité sociale et les administrations.

Les finances sociales constituant près de 70 % des dépenses présentées chaque année par la France à la Commission européenne dans le cadre du programme de stabilité ([3]), il apparaissait toutefois pertinent de prévoir un temps de débat et d’échanges permettant d’approfondir l’analyse de l’exécution des finances sociales.

Suite aux confinements imposés par la crise sanitaire, alors que des mesures ambitieuses de soutien aux travailleurs et aux assurés avaient été mises en place, et avant que ne soit connu avec précision l’ampleur des déficits que cela entraînerait pour la sécurité sociale, la Cour des comptes avait à nouveau recommandé de créer une « loi de résultat » de la sécurité sociale ([4]).

Dans le prolongement des recommandations de la Cour, la commission pour l’avenir de nos finances publiques, présidée par Jean Arthuis, avait proposé que soit mise en place, sur le modèle de la loi de règlement, une « loi de résultats pour la sécurité sociale » afin de renforcer le temps consacré au contrôle de l’exécution et de l’évaluation des dépenses ([5]).

 C’est dans ce contexte particulièrement propice aux évolutions du pilotage des finances publiques que le législateur organique a, entre autres réformes, extrait la première partie des lois de financement de la sécurité sociale de l’année pour en faire une catégorie à part, examinée au printemps : la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss). Cette volonté reposait notamment sur le constat, partagé tant par les députés que les sénateurs, que la première partie des lois de financement de la sécurité sociale ne faisait quasiment l’objet d’aucun débat, les parlementaires préférant consacrer leurs échanges aux dispositions affectant l’exercice en cours et celui à venir. « Sanctuariser » et « renforcer ce moment de contrôle et d’évaluation au printemps » ([6]), voici donc l’objectif que le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’époque, M. Thomas Mesnier, assignait au nouveau projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.

La réforme du cadre organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale est entrée en vigueur dans un contexte politique particulier, marqué par l’existence d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Comme ce fut le cas pour tous les textes budgétaires examinés depuis le début de la XVIe législature, les débats autour du premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 ont été l’occasion pour l’ensemble des groupes politiques d’affirmer leur soutien ou leur opposition au Gouvernement. Bien que le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale ait pour principal objet de retracer les résultats d’un exercice clos, l’Assemblée nationale puis le Sénat ont décidé de rejeter ce texte et de ne pas approuver les comptes de la sécurité sociale de l’année 2022. Pour regrettable que soit ce rejet, il faut se féliciter que l’examen de ce projet de loi ait permis aux députés et aux sénateurs de confronter leurs opinions sur les tableaux d’équilibre de la sécurité sociale, de débattre de l’écart aux prévisions adoptées en loi de financement de l’année ou de discuter des enjeux relatifs à la certification des comptes de la sécurité sociale.

Il faut à ce titre saluer la qualité de l’information fournie aux parlementaires, non seulement à travers les annexes au projet de loi, mais également à travers les rapports qui accompagnent son dépôt, qu’il s’agisse des rapports sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale et de certification des comptes publiés par la Cour des comptes ou du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale. L’anticipation de la mise à disposition de ces documents a impliqué un lourd travail aux administrations. Qu’elles en soient remerciées.

 Au nombre des nouvelles informations mises à disposition des parlementaires, la rapporteure générale retient principalement l’annexe 2, qui remplace et complète l’ancienne annexe 5 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. Elle recense les mesures de réduction, d’exonération et d’exemption de cotisations et de contributions sociales et retrace leur coût pour les finances publiques.

Au regard de l’ampleur de leur montant, de leur forte dynamique récente et de la place que celles-ci prennent dans les débats parlementaires, le législateur organique a confié à cette annexe une nouvelle fonction d’évaluation de ces exonérations et exemptions. En application du 3° de l’article L.O. 11144 du code de la sécurité sociale, l’annexe 2 « présente l’évaluation de l’efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d’entre elles. Chaque mesure doit faire l’objet d’une évaluation une fois tous les trois ans. »

Il s’agit d’une exigence organique qui n’a pas d’équivalent pour les dépenses fiscales. Elle doit permettre de dépasser la seule présentation budgétaire et vérifier que ces dispositifs atteignent bien les objectifs que leur a assigné le législateur. Un tel travail d’évaluation apparaît particulièrement nécessaire au regard du coût qu’entraînent ces dispositifs pour les finances publiques ([7]) : en 2023, l’ensemble de ces mesures d’exonérations et d’exemptions représente un montant record de 90,1 milliards d’euros.

 Comme l’année dernière, la nouvelle annexe 2, qui se divise dorénavant en trois tomes, ne donne encore qu’un aperçu de ce que pourra permettre, à plein régime, le dispositif d’évaluation. Plusieurs avancées doivent néanmoins être soulignées :

 D’une part, il est satisfaisant de constater que l’annexe 2 du Placss 2023 a été enrichie par rapport au dernier exercice. Des mesures d’exonérations qui n’y figuraient pas jusqu’ici ont ainsi été ajoutées telles que la prise en charge par le complément du mode de garde des cotisations des particuliers employeurs d’assistants familiaux, la prise en charge par l’assurance maladie de certaines cotisations en faveur des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés ou les taux réduits sur les prélèvements sur l’alcool en outremer ([8]). D’autres fiches d’évaluation ont en outre été complétées de nouvelles données et d’une présentation actualisée des avantages différentiels que ces dispositifs présentent par rapport aux allègements généraux. Enfin, l’annexe propose, pour certains dispositifs, une présentation plus éloquente de l’évolution à travers le temps de leur coût et des effectifs qu’elles concernent.

La notion d’avantage différentiel

Mis en avant par une mission confiée par le Gouvernement à l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales afin de définir le cadre d’évaluation des niches sociales lié aux nouvelles obligations organiques, « l’avantage différentiel représente, pour une mesure de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale, la différence entre le montant de cette réduction et celui des mesures générales » ([9]).

De nombreux dispositifs sectoriels de soutien à l’emploi, qu’il s’agisse de dispositifs géographiques ou portent sur un secteur d’activité en particulier, s’ajoutent aux mesures d’allègements généraux, dont les bornes sont uniquement des niveaux de salaires. Cette méthode vise donc à isoler le coût d’une de ces exonérations que l’on peut qualifier de spécifique, en prenant en compte le fait que la « norme de référence » est déjà fortement biaisée par l’application des allègements généraux.

La mission, tout comme l’annexe 2, retient deux types d’avantage différentiel :

 l’avantage différentiel local, qui permet de comparer, à un niveau de salaire donné, la différence que représente le bénéfice d’une exonération spécifique de cotisations ou de contributions sociales par rapport à une personne qui ne bénéficie « que » des allégements généraux ;

 l’avantage différentiel global, qui consiste à agréger l’ensemble des avantages différentiels locaux, pour l’ensemble des niveaux de salaires concernés, factorisé par le nombre de bénéficiaires.

Le premier dispositif relève donc plutôt de l’analyse microéconomique, permettant d’identifier le gain précis pour les employeurs concernés, tandis que le second permet d’évaluer, de manière plus macroéconomique, la population cible d’une exonération spécifique.

 D’autre part, l’annexe recense les travaux d’évaluation engagés soit par le Gouvernement soit par d’autres institutions et dont les résultats pourront être connus d’ici le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du prochain projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale : il s’agit en premier lieu de la mission confiée à Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur l’interaction entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité, qui traite de la question des allègements généraux et qui rendra ses conclusions dans les prochaines semaines ([10]). Il s’agit ensuite de deux évaluations approfondies lancées par le Gouvernement au sujet du dispositif dit « Lodeom » d’exonérations applicables en outremer et des dispositifs d’exonération propres au secteur de l’apprentissage. Il s’agit enfin de travaux menés par d’autres institutions telles que la Cour des comptes sur le soutien de l’État aux services à la personne d’une part ([11]), et sur les exonérations et exemptions sociales sur les compléments de salaire d’autre part ([12]), ou le Conseil des prélèvements obligatoires, qui travaille actuellement sur la contribution sociale généralisée.

La rapporteure générale salue également le fait que le Gouvernement réfléchisse à l’instauration d’une instance chargée d’approfondir le partage des programmes de travail gouvernementaux et des organismes susceptibles d’enrichir le travail d’évaluation des dispositifs d’exonérations et d’exemptions de cotisations sociales. Elle forme le vœu que le Parlement y soit pleinement associé, notamment par le biais de représentants des commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Les travaux préparatoires de la dernière réforme du cadre organique montrent en effet que l’intérêt pour le Parlement d’instaurer un cadre évaluatif des niches sociales réside dans le fait que ces dernières font l’objet de débats nourris à l’occasion de l’examen de la deuxième partie des lois de financement. Ces débats portent naturellement sur les exonérations qui présentent les enjeux les plus importants, tant en termes de montant que d’importance stratégique pour les bénéficiaires, mais également sur d’autres dispositifs d’exonérations plus ciblés et de moindre ampleur. Le travail d’évaluation des niches sociales devrait donc tenir compte des attentes des parlementaires.

 En deuxième lieu, ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale est particulier car il retrace les comptes de l’année 2023, exercice marqué par la sortie des dispositifs exceptionnels mis en place pendant la crise sanitaire. Malgré une nette amélioration du solde des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le déficit s’établit toujours à un niveau élevé de 10,8 milliards d’euros, dans un contexte où l’essentiel des dépenses conjoncturelles liées à la crise a disparu. Les dépenses exceptionnelles liées au covid19 diminuent ainsi drastiquement pour atteindre 1,1 milliard d’euros contre près de 11,7 milliards d’euros en 2022. Ce projet de loi reflète donc la réalité d’un déficit structurel dont tout conduit à penser qu’il s’accroîtrait dans les années à venir si des mesures ambitieuses n’étaient pas prises pour le résorber. Selon les prévisions présentées dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ([13]), le déficit des Robss et du FSV devrait en effet se creuser et atteindre 16,6 milliards d’euros cette année. La branche maladie, en particulier, serait déficitaire à hauteur de 11,5 milliards d’euros, malgré une nouvelle réduction de la provision au titre des dépenses en lien avec la crise sanitaire.

Les développements contenus dans ce rapport ont pour objet de présenter et d’analyser les facteurs qui permettent de comprendre la situation financière dans laquelle se trouve la sécurité sociale. La rapporteure générale forme le vœu qu’ils contribueront à une prise de conscience sur l’impérieuse nécessité de redresser nos comptes sociaux et de résorber la dette sociale. Ce sont là des exigences de souveraineté budgétaire autant que de pérennisation de notre modèle social. Opposer l’une et l’autre de ces exigences serait un contresens historique.

 


   Commentaire des articles

Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2023

Supprimé par la commission

L’article liminaire constitue un article obligatoire des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, en application du nouveau cadre défini par la loi organique du 14 mars 2022 ([14]).

Il présente, pour l’exercice exécuté, les prévisions de dépenses, de recettes et de solde pour les administrations de sécurité sociale, ce qui représente un champ plus important que celui qui est traditionnellement applicable aux lois de financement.

Le présent article présente un solde excédentaire de 13,2 milliards d’euros, soit 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2023.

  1.   L’article liminaire, outil comptable et d’information globale sur le champ de la protection sociale

● Le cadre organique général de la programmation des finances publiques tel qu’établi en 2012 ([15]), prévoyait que les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives ainsi que les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Cette disposition n’avait trouvé à s’appliquer qu’une fois dans le champ des lois de financement, en 2014 ([16]), mais le champ établi présentait la situation pour l’ensemble des administrations publiques (« toutes APU »), mal adapté à l’objet de la loi de financement de la sécurité sociale.

À l’instar de la loi de financement de l’année ([17]), la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) en a été dotée par la récente loi organique relative aux lois de financement ([18]). Le législateur financier social peut ainsi non seulement disposer d’une information renforcée sur un champ plus large que celui de la sécurité sociale, mais il peut également comparer les prévisions que porte l’article liminaire de la loi de financement de l’année avec son exécution en Lacss.

C’est pourquoi les dispositions suivantes prévoient désormais l’examen d’un article liminaire.

Dispositions relatives à l’intégration d’un article liminaire dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale

(Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale)

« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :

«  Comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale relatifs à l’année à laquelle cette loi se rapporte ; »

● Toujours sur le modèle de la loi de financement de l’année, correspondent au champ de l’article liminaire des annexes informatives relatives à l’exécution des comptes des régimes d’assurance chômage et des régimes de retraite légalement obligatoires ([19]). Sans qu’il ne se traduise en l’état par une extension du champ de l’ensemble des lois de financement à ces régimes extérieurs au champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), l’article liminaire témoigne de la nécessité pour le législateur d’être informé de l’ensemble des dispositions relatives à la protection sociale, autant en raison de la proximité du fonctionnement de ces régimes avec celui des régimes de base de la sécurité sociale que leur importance pour des millions de Français.

Dans le prolongement des débats qui avaient eu lieu au moment de l’examen de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) portée par son prédécesseur ([20]), et comme elle l’avait rappelé dans son rapport sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 ([21]), la rapporteure générale estime que ce projet de loi doit permettre d’apprécier dans quelle mesure la seule communication des informations relatives à l’exécution des comptes des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage constitue une avancée suffisante pour le Parlement. L’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([22]) a en effet montré que certaines dispositions qui ont un effet sur les régimes obligatoires de base de retraites, comme les mesures relatives à l’âge d’ouverture des droits ou à la durée de cotisation, se répercutent sur les comptes des régimes de retraite complémentaire.

De même, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([23]) a largement porté sur les enjeux liés aux transferts financiers qu’opère l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) en faveur de l’Unédic et de l’Agirc‑Arrco afin d’assurer la compensation des allègements généraux de cotisations pour les régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire. Alors que les conditions financières de ces régimes peuvent être affectées par toute loi ordinaire, il semble étonnant que seules les lois de financement de la sécurité sociale ne puissent les modifier. La rapporteure générale réitère donc son souhait qu’une réflexion renouvelée sur le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale puisse être envisagée.

La distinction entre le champ des Robss et des Asso

Périmètre traditionnel des lois de financement de la sécurité sociale, les Robss constituent une notion plus institutionnelle que comptable, puisqu’ils comprennent l’ensemble des régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés.

La nature de ces régimes exclut donc de leur champ :

– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;

– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;

– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.

Les régimes obligatoires de base encadrent le champ d’action des lois de financement.

Le champ des « administrations de sécurité sociale » ou « Asso » constitue, lui, un sous‑ensemble du secteur des administrations publiques en comptabilité nationale. Le système européen des comptes (SEC) de 2010 définit le secteur des Asso comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes. Si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs du secteur des administrations publiques. Si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur des fonds de sécurité sociale. »

Ce secteur comprend donc l’ensemble des personnes institutionnelles qui ont pour fonction de verser des prestations sociales dans le cadre de régimes au sein desquels :

– l’ensemble ou une partie de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;

– les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces personnes pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.

Ce champ comptable est retenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la nation mais aussi par la loi de finances dans le cadre de son propre article liminaire.

Le champ des Asso est naturellement plus large que celui des Robss, même s’il faut ôter de ce champ les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie. Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des Robss, mais pas dans celui des Asso. Le secteur des Asso comprend, par ailleurs :

– les régimes complémentaires d’assurance vieillesse et d’assistance maladie ;

– le régime d’assurance chômage ;

– les comptes des établissements de santé ;

– le solde de l’ensemble des « satellites » comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

  1.   L’Excédent des administrations de sécurité sociale s’accroît en 2023 par rapport à 2022

● Le présent article liminaire fait apparaître un excédent de 0,5 % du PIB pour l’exercice 2023, soit 13,2 milliards d’euros, en augmentation par rapport à celui constaté pour l’année 2022 ([24]) et ce, malgré une croissance des recettes (+ 4,5 %) plus faible que celle de l’activité en volume (+ 6,3 %) ([25]). Cette amélioration s’explique essentiellement par la quasi‑extinction des dépenses de santé liées à la crise sanitaire qui se sont élevées à 1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros en 2022 ([26]).

Les recettes ont atteint 748,5 milliards d’euros et leur évolution reste dynamique (+ 4,5 %) sous l’effet d’une hausse des cotisations sociales portée par la bonne tenue de la masse salariale. Comme la rapporteure générale l’avait déjà évoqué à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, l’écart entre la croissance de la masse salariale (+ 5,7 %) et celle des cotisations (+ 4,6 %) tient à l’incidence des allègements généraux de cotisations dont le montant a fortement augmenté (+ 9,7 %) en conséquence des revalorisations successives du Smic. Enfin, l’évolution de la part des taxes affectées aux administrations de sécurité sociale a ralenti par rapport à 2022 (+ 1,6 % contre + 4,4 %) sous l’effet, entre autres, de la reprise d’une partie des excédents de l’Unédic par l’État pour le financement de France compétences, qui s’est matérialisée par une sous‑compensation des allègements généraux sur les cotisations d’assurance chômage par l’Acoss et, corrélativement, par une minoration de 2 milliards d’euros du montant de TVA affectée par l’État à la sécurité sociale ([27]).

Les dépenses des administrations de sécurité sociale représentent 735 milliards d’euros en 2023. Elles ont augmenté de 4 % par rapport à 2022, sous l’effet principal des revalorisations annuelles de prestations intervenues au 1er janvier (+ 0,8 % pour les pensions de retraite et certaines prestations assimilées) et au 1er avril 2023 (+ 1,6 % pour les autres prestations sociales). Cette augmentation reflète également l’effet, en année pleine, de la revalorisation anticipée des prestations de 4 % votée en juillet 2022 dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([28]). Sous ces deux effets, les prestations sociales et les prestations de vieillesse augmentent plus rapidement qu’en 2022. Cette accélération reflète le décalage temporel entre la forte inflation constatée en 2022 (+ 5,3 % ([29])) qui ne s’est totalement répercutée sur les dépenses de prestations sociales qu’en 2023 compte tenu des règles légales de revalorisation ([30]).

Comme pour l’exercice 2022, l’excédent des Asso est porté par les organismes qui ne relèvent pas du champ des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. En effet, depuis 2005, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) sont considérés comme des administrations de sécurité sociale et leurs soldes structurellement excédentaires contribuent à améliorer la situation financière des Asso. En particulier, les 21,1 milliards d’euros de recettes dont a bénéficié la Cades en 2023 et qui lui ont permis d’amortir 18,3 milliards d’euros de dette ([31]) expliquent en grande partie l’excédent constaté, quand bien même ces recettes sont affectées à la couverture de déficits passés. La situation financière de ces organismes compense donc le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ([32]).

● Si la situation financière des administrations de sécurité sociale continue donc de s’améliorer, l’excédent apparaît toutefois légèrement inférieur à la prévision inscrite à l’article liminaire de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (0,7 % du PIB) ([33]).

Solde, recettes et dépenses des ASSO pour 2022 et 2023

(en pourcentage du PIB)

 

Exécution
2022
(a)

Prévision initiale 2023
(LFSS 2023)
(b)

Prévision révisée 2023
(LFSS 2024)
(c)

Exécution 2023
(d)

Écart d’exécution
(d-a)

Écart à la prévision initiale
(d-b)

Écart à la prévision révisée
(d-c)

Recettes

27,0 %

26,9 %

26,6 %

26,7 %

-0,3

‑ 0,2 pt

+ 0,1 pt

Dépenses

26,6 %

26,1 %

25,9 %

26,2 %

-0,4

+ 0,1pt

+ 0,3 pt

Solde

0,4 %

0,8 %

0,7 %

0,5 %

0,1

‑ 0,3 pt

‑ 0,2 pt

Source : commission des affaires sociales à partir des données issues du Placss 2022, de la LFSS 2023, de la LFSS 2024 et du Placss 2023.

Plusieurs facteurs expliquent cet écart à la prévision de 0,2 point de PIB :

– le premier facteur est lié au changement de méthodologie consécutif au passage en base 2020 des comptes nationaux produits par l’Insee. Cette évolution conduit en particulier à exclure l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique du périmètre des administrations de sécurité sociale ([34]). Dans la mesure où cet établissement est structurellement excédentaire, ce changement de méthode aboutit à dégrader le solde de près de 0,1 point de PIB, expliquant ainsi la moitié de l’écart constaté ;

 le second facteur résulte de la situation macroéconomique plus dégradée qu’initialement anticipée. Selon les derniers comptes nationaux publiés par l’Insee, la croissance du PIB en volume – c’est-à-dire corrigée du niveau de l’inflation  s’est établie à 0,9 %, à un niveau inférieur de 0,1 point aux estimations inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. La masse salariale soumise à cotisations du secteur privé, déterminant fondamental des recettes des administrations de sécurité sociale, a également progressé moins rapidement qu’initialement anticipé. L’écart de prévision concernant la masse salariale s’explique notamment par le fait que l’effet de la diminution de l’inflation sur les salaires s’est manifesté avec davantage de réactivité. En effet, le salaire moyen par tête (SMPT) a commencé de ralentir plus tôt (dès le printemps 2023) et plus rapidement que prévu, passant de 4,5 % au premier trimestre 2023 à une hausse de seulement 3,0 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2023. L’évolution moyenne en 2023 s’est ainsi établie à 4,2 %, un niveau moindre que les prévisions sous-jacentes aux textes financiers adoptés à l’automne 2023 (5,3 %).

Évolution des indicateurs macroéconomiques

 

Exécution 2022

(a)

Exécution 2023

(b)

Évolution

(b-a)

Hypothèses macro-économiques 2023 (LFSS 2024)

LFSS 2024/Placss 2023

Évolution du PIB en volume

2,5 %

0,9 %

‑ 1,6 pt

1,0 %

‑ 0,1 pt

Évolution de la masse salariale soumise à cotisations du secteur privé

8,9 %

5,7 %

‑ 3,2 pt

6,3 %

‑ 0,6 pt

Inflation hors tabac

5,3 %

4,8 %

‑ 0,5 pt

4,8 %

0 pt

Source : commission des affaires sociales sur la base des données issues du programme de stabilité 2024‑2027 et du Placss 2023.

● L’analyse de cet article liminaire est également l’occasion de faire celle des régimes d’assurance chômage et de retraite légalement complémentaires, pour lesquels une annexe informative ad hoc est remise au Parlement, en application de la loi organique du 14 mars 2022 précitée ([35]).

● S’agissant de l’assurance chômage, l’annexe fait apparaître un excédent pour la deuxième année consécutive quoique de moindre ampleur puisqu’il s’établit à 1,6 milliard d’euros contre 4,3 milliards d’euros en 2022.

Les facteurs ayant permis à l’Unédic de renouer avec des excédents dès 2022 continuent de produire leurs effets, qu’il s’agisse de la fin progressive des dépenses supplémentaires liées aux mesures exceptionnelles de soutien à l’économie, de l’amélioration spectaculaire de la situation macroéconomique suite à la reprise ayant suivi la crise sanitaire ou des effets de la réforme de l’assurance chômage de 2019.

La diminution de l’excédent résulte à la fois d’une hausse des dépenses et d’une baisse des recettes. Les dépenses ont augmenté de 5,5 % en raison de deux facteurs principaux :

– une légère remontée du taux de chômage en cours d’année qui s’est traduite par une augmentation des allocations et aides d’1,6 milliard d’euros ;

– dans une moindre mesure, l’augmentation de 400 millions d’euros de la contribution de l’Unédic au financement de France Travail, laquelle est assise sur les recettes de contributions de l’année N-2. Or, ces recettes ont fortement augmenté en 2021 par rapport à l’année 2020 qui a marqué le début de la crise sanitaire et la chute des recettes de l’Unédic.

Les recettes ont quant à elles baissé de 1,2 % sous l’effet du ralentissement de l’évolution de la masse salariale et de la réaffectation de 2 milliards d’euros de recettes vers le financement des actions menées par France compétences en faveur du développement des compétences et de l’accès à l’emploi (cf. supra).

Bien qu’en diminution, l’excédent permet tout de même de poursuivre la trajectoire de désendettement puisque la dette du régime s’établirait à 59,1 milliards d’euros fin 2023 contre 60,7 milliards d’euros fin 2022.

● S’agissant des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, leur situation est également particulièrement favorable. Sous l’impulsion notable de l’Agirc-Arrco, qui verse les pensions de retraite complémentaire des salariés et de cadres du secteur privé et qui représente 87,2 % des dépenses de prestations des régimes complémentaires au titre du risque vieillesse, les régimes complémentaires accroissent leur excédent, qui s’établit à 9,6 milliards d’euros en 2023, contre 6,6 milliards d’euros en 2022.

S’agissant de l’Agirc‑Arrco, la rapporteure générale note que le coût du transfert versé par l’Acoss en compensation des exonérations de cotisations de retraite complémentaire s’est élevé à 900 millions d’euros. L’existence même de cette contribution résulte du mécanisme retenu par le législateur financier social pour compenser les pertes de recettes pour l’Agirc‑Arrco résultant de l’élargissement des allègements généraux aux cotisations de retraite complémentaire adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([36]). Si ce transfert est neutre sur le solde consolidé des administrations de sécurité sociale, il contribue toutefois à dégrader le solde de la branche vieillesse du régime général de 900 millions d’euros, ce qui correspond à 60 % de son déficit (y compris le Fonds de solidarité vieillesse) et à près de 8 % du déficit de la sécurité sociale pour 2023.

Mécanisme de compensation à l’Agirc‑Arrco et à l’Unédic des pertes de recettes résultant de l’élargissement du dispositif de réduction dégressive de cotisations sociales sur les bas salaires

Afin de compenser la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le dispositif de réduction dégressive de cotisations sociales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic, prévu à l’article L. 214‑17 du code de la sécurité sociale, a été élargi aux contributions d’assurance chômage et aux cotisations de retraite complémentaire par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

En application des 7° et 7° bis de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale, l’Acoss est chargée de compenser à l’Agirc‑Arrco et à l’Unédic la perte de recettes résultant de ce dispositif. Elle a bénéficié pour ce faire d’une affectation supplémentaire de 5,18 points de TVA par l’État ([37]).

Dans la mesure où la compensation à l’Agirc‑Arrco et à l’Unédic se fait « à l’euro près » et que la part de TVA affectée par l’État à l’Acoss se fait « pour solde de tout compte », un éventuel écart entre ces deux montants s’impute sur le solde de cette dernière. Les sommes correspondant à cet écart sont ensuite réparties entre les branches du régime général.

Comme le rappelle le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le fort dynamisme des allègements généraux observé ces dernières années combiné à la hausse plus mesurée des recettes de TVA a conduit à ce que cet écart se creuse en 2022 au détriment du régime général (– 400 millions d’euros). En 2023, la contribution nette du régime général au dispositif s’est donc accrue de plus de 1 milliard d’euros pour s’établir à 1,5 milliard d’euros.

 

Résultats financiers des régimes complémentaires de retraite pour 2023

(en milliards d’euros)

Régime

Type de population couverte

Résultat en 2022

Résultat en 2023

Association générale des institutions de retraite des cadres et association des régimes de retraite complémentaire (AgircArrco)

Salariés et cadres du secteur privé

+ 5,2

+ 6,1

Complémentaire de la CNAVPL

Professions libérales

+ 0,2

+ 1,3

Caisse nationale déléguée à la sécurité sociale des travailleurs indépendants

Travailleurs indépendants

+ 0,5

+ 0,7

Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités (Ircantec)

Agents publics

+ 0,7

+ 1,3

Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)*

Fonctionnaires

0

0

Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aviation civile (CRPNPAC)

Personnel navigant de l’aviation civile

0

0

Exploitants agricoles

Exploitants agricoles

+ 0,1

0

Caisse nationale des barreaux français (CNBF)

Avocats

– 0,1

+ 0,2

Total

 

+ 6,6

+ 9,6

Source : annexes 4 aux Placss 2022 et 2023.

* Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique reste présenté dans l’annexe 4 bien qu’il n’appartienne plus au champ des administrations de sécurité sociale depuis le passage des comptes nationaux en base 2020.

*

*     *

 

Article 1er
Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2023

Supprimé par la commission

L’article 1er du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale vise, conformément au cadre organique prévu par la loi organique du 14 mars 2022, à approuver les comptes, pour l’année 2023, des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) ainsi que ceux des organismes qui concourent au financement de ces régimes – c’est-à-dire du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

L’exercice 2023 confirme la diminution du déficit des Robbs et du FSV, qui se réduit de 19,6 milliards d’euros à 10,8 milliards d’euros.

  1.   L’APPROBATION DES COMPTES DE L’EXERCICE N-1 : UNE DISPOSITION TRADITIONNELLE SENSIBLEMENT MODIFIÉE PAR LA RÉVISION DU CADRE ORGANIQUE DES LOIS DE FINANCEMENT
    1.   L’APPROBATION DES COMPTES DE L’EXERCICE ANTÉRIEUR À L’ANNÉE DE PRÉSENTATION DES LOIS DE FINANCEMENT CONSTITUE UNE OBLIGATION ORGANIQUE

En 2005, le législateur organique a souhaité conférer aux lois de financement une organisation permettant d’examiner des dispositions financières portant sur trois exercices différents. À ce titre, l’article L.O. 111-3 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau cadre organique prévoyait que, dans une première partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos, les lois de financement approuvent :

– les tableaux d’équilibre par branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, soit le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice clos ;

– les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour ce même exercice ;

– les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Ces organismes sont respectivement le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Cette première partie permettait de respecter, dans le cadre des lois de financement, le principe selon lequel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière », en application de l’article 47-2 de la Constitution.

Pour rappel, les tableaux d’équilibre, établis à partir du compte de résultat des branches du régime général ou de l’ensemble des régimes de base, permettent de présenter un montant agrégé de recettes (produits des comptes après retraitement) et de dépenses (charges des comptes après retraitement) ainsi qu’un solde.

  1.   LE CADRE ORGANIQUE PRÉVOIT DÉSORMAIS UN CYCLE BUDGÉTAIRE ANNUEL

La loi organique du 14 mars 2022 ([38]) modifie, à compter de 2023, la structuration des lois de financement de la sécurité sociale, de telle sorte que la première partie est supprimée des lois de financement de l’année et s’intègre dans un nouveau texte budgétaire, la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).

En application du 2° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, la Lacss comprend ainsi une approbation :

– des « tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice » ;

– des « montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et aux organismes concourant au financement de ces régimes et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ».

Seule est soustraite au champ de la clôture des comptes l’approbation des comptes du régime général. Bien que ce régime, qui embrasse désormais les salariés et les travailleurs indépendants, représente la majorité des cotisants et des assurés, le champ d’application des lois de financement est constitué de l’ensemble des régimes obligatoires de base. La présentation des comptes d’un régime particulier, fût-il le plus important numériquement, ne conservait pas beaucoup de pertinence alors même que l’intégration des travailleurs indépendants en son sein par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a montré que les frontières de ces régimes étaient suffisamment mouvantes pour interdire un véritable suivi dans le temps, y compris au moment de l’examen des comptes.

  1.   Un exercice 2023 qui, malgré un écart à la prévision, tÉmoigne de la poursuite du redressement des comptes des rÉgimes obligatoires de base de sÉcuritÉ sociale débuté en 2021
    1.   Le solde pour l’annÉe 2023 montre un rÉtablissement diffÉrenciÉ des comptes en fonction des branches
      1.   Comparaison des soldes pour les exercices 2022 et 2023

Comparaison du solde des rÉgimes obligatoires de base avec l’exercice prÉcÉdent

(en milliards d’euros)

 

Résultats 2022 (Placss 2022)

Résultats 2023 (Placss 2023)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde
(prévision de la LFSS pour 2023)

Maladie

221,1

242,1

– 21,0

232,8

243,9

– 11,1 (– 7,1)

Accidents du travail et maladies professionnelles

16,2

14,5

+ 1,7

16,8

15,4

+ 1,4 (+ 2,2)

Vieillesse

259

262,8

– 3,8

272,5

275,1

– 2,6 (– 3,6)

Famille

53,3

51,4

+ 1,9

56,8

55,7

+ 1,0 (+ 1,3)

Autonomie

35,4

35,2

+ 0,2

37,0

37,6

– 0,6 (– 1,2)

Total*

570,3

591,3

– 21,0

598,5

610,4

– 11,9 (– 8,4)

Total incluant le FSV

572

591,6

– 19,6

600,0

610,7

– 10,8 (– 7,1)

(*) Hors transferts entre branches.

Source : commission des affaires sociales.

Dans la continuité des deux exercices précédents, les comptes consolidés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2023 témoignent d’une amélioration du solde. Celui-ci était déficitaire de 39,7 milliards d’euros en 2020, 24,3 milliards en 2021 et 19,6 milliards en 2022. Le déficit s’est à nouveau réduit en 2023, pour s’établir à 10,8 milliards d’euros. En quatre exercices budgétaires, les comptes des Robss et du FSV se sont donc améliorés de près de 30 milliards d’euros. Ce rétablissement est en grande partie imputable à l’amélioration du solde de la branche maladie, passée d’un déficit de plus de 30 milliards d’euros en 2020 à 11,1 milliards en 2023, notamment sous l’effet de l’extinction progressive des dépenses liées à la crise sanitaire, dont le montant s’élève à 1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros l’année précédente. Au total, les dépenses supplémentaires imputables à la crise sanitaire ont entraîné un surcoût de 50 milliards d’euros pour la sécurité sociale entre 2020 et 2023 ([39]).

L’amélioration du solde est cependant moindre que prévu lors de la rectification des tableaux d’équilibre par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : alors que le déficit des Robss et du FSV était évalué à 8,7 milliards d’euros, les comptes soumis à l’approbation du Parlement font état d’un résultat inférieur de 2,1 milliards d’euros à ce montant. À l’instar du budget de l’État, la situation financière des régimes de sécurité sociale a été affectée par l’enregistrement de recettes moins importantes qu’anticipé, tandis que les dépenses ont été conformes aux prévisions de la dernière loi de financement à 0,2 milliard d’euros près.

L’exercice 2023 se caractérise également par des évolutions contrastées entre les branches. D’une part, la situation financière de la branche maladie a continué de se redresser sous l’effet de l’extinction progressive des dépenses liées à la crise sanitaire, tandis que la branche vieillesse a vu son déficit se résorber, dans la continuité de l’exercice précédent. D’autre part, les excédents des branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se sont réduits respectivement de 0,9 milliard d’euros et de 0,3 milliard d’euros, tandis que la branche autonomie, excédentaire en 2022 à hauteur de 0,2 milliard d’euros, enregistre un déficit de 0,6 milliard d’euros. Ce dernier sera cependant résorbé dès 2024 par l’affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 0,15 point de CSG actuellement attribué à la Cades. Il convient également de souligner les différences entre les régimes en insistant, en particulier, sur la situation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont le déficit s’est à nouveau accentué en 2023 pour atteindre 2,5 milliards d’euros, contre 1,8 milliard d’euros l’année précédente.

  1.   La non-certification des comptes de la branche famille

En application des dispositions de l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes établit chaque année un rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qu’elle remet au Parlement et au Gouvernement au titre de sa mission constitutionnelle d’assistance à ces derniers dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le rapport de certification des comptes 2023 du régime général et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a été publié le 17 mai 2024. La Cour des comptes y constate « qu’il ne lui est pas possible d’exprimer une position concernant les comptes de la branche famille », entraînant la non‑certification de ces derniers ([40]). Elle certifie avec réserve les comptes des autres branches et de l’activité de recouvrement.

Dans son précédent rapport de certification, portant sur l’exercice 2022, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la branche famille. Elle avait alors relevé plusieurs anomalies significatives et l’insuffisance d’éléments probants concernant le cadre général du contrôle interne, les erreurs affectant les prestations légales en raison de l’insuffisante fiabilité des données déclaratives et les erreurs résiduelles des données déclaratives non corrigées après contrôle interne. Elle estimait notamment que le niveau des erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de vingt‑quatre mois atteignait 5,8 milliards d’euros d’indus et de rappels, ce qui représentait un doublement du montant de ces erreurs en quatre ans. Ces indus et rappels représentaient alors 7,6 % du montant des prestations servies, et concernaient plus particulièrement la prime d’activité (un quart des prestations concernées), le RSA (un cinquième) et les aides au logement (un huitième). Les opérations internes effectuées par les caisses d’allocations familiales (CAF) étaient également entachées d’erreurs dont le niveau était évalué par la Cour à 1,7 milliard d’euros.

Dans la présentation de son opinion concernant les comptes 2023, la Cour relève que « la situation a évolué favorablement sur certains aspects » ([41]). Elle souligne en particulier que la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a mis en œuvre, à compter du second semestre 2023, un plan d’action tendant à améliorer la qualité de la liquidation des prestations afin d’en garantir le versement à bon droit ; que le niveau des objectifs assignés aux CAF a été maintenu depuis l’exercice précédent, après trois années de baisse de ces objectifs ; et que la performance financière des contrôles effectués par les caisses a progressé. La rapporteure générale se félicite de ces améliorations qui contribueront à fiabiliser le service des prestations.

Toutefois, la Cour des comptes souligne que les indicateurs d’évaluation du risque résiduel lié aux données déclaratives, qui permettent d’estimer le montant des préjudices financiers persistant après les opérations de contrôle interne, stagnent s’agissant de l’indicateur à vingt‑quatre mois (7,4 %, soit 5,5 milliards d’euros d’indus et de rappels) voire se dégradent s’agissant des données déclarées à neuf mois (10,9 %, soit 8,6 milliards d’euros). Par ailleurs, le niveau d’erreurs imputables aux caisses elles-mêmes, bien qu’en baisse, reste à un niveau élevé (1,65 %, soit environ 1 milliard d’euros). Enfin, la Cour relève que les dispositifs de lutte contre la fraude restent perfectibles ; que les contrôles internes et externes sont encore insuffisants ; et que les consignes en matière de qualification des indus demeurent inégalement appliquées par les CAF.

L’ensemble de ces éléments explique que, malgré les améliorations susmentionnées, la Cour ne se considère pas en mesure de certifier les comptes de la branche famille.

La rapporteure générale tient cependant à souligner que, si la non-certification justifie une vigilance accrue en matière de maîtrise des risques, elle ne constitue en rien la preuve d’une insincérité des comptes, comme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes l’a elle-même rappelé lors de la présentation du rapport de certification des comptes et du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale à la commission des affaires sociales ([42]). En outre, il convient de rappeler que le déploiement du dispositif de ressources mensuelles (DRM) pour la gestion du RSA et de la prime d’activité, dont la généralisation est prévue en 2025, contribuera à fiabiliser les données servant au calcul de ces prestations et, partant, à réduire les risques liés à leur liquidation, tout en simplifiant les démarches des allocataires ([43]).

  1.   Des recettes qui restent dynamiques malgré le ralentissement de l’inflation et de l’activité économique

En dépit des moins-values constatées en fin d’exécution en lien avec une croissance de la masse salariale privée inférieure aux dernières prévisions, les recettes des Robss ont confirmé en 2023 le dynamisme qui les caractérise depuis 2021. Le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) indique qu’elles ont progressé de 4,8 %, après une augmentation de 5,4 % en 2022 ([44]). Elles s’élèvent ainsi à 600,0 milliards d’euros, soit 27,5 milliards d’euros de plus que l’année précédente. Si ce résultat est inférieur de 2,2 milliards d’euros à la prévision inscrite dans la loi de financement pour 2024, il convient de rappeler que les tableaux d’équilibre inclus dans la loi de financement pour 2023 faisaient état d’un montant bien inférieur – à hauteur de 5,2 milliards d’euros – à ce résultat. Selon la Cour des comptes, ce surcroît de recettes tient à la forte croissance de la masse salariale durant les trois premiers trimestres ([45]).

Le ralentissement de la croissance des recettes par rapport aux exercices précédents doit être mis en regard de la normalisation du contexte macroéconomique au sortir de la crise sanitaire. Après la très forte reprise de l’activité constatée en 2021 – marquée par une augmentation du PIB en volume de 6,4 % –, la croissance a ralenti en 2022 – 2,5 % – et en 2023 – 0,9 %. De manière analogue, après une forte accélération en 2022, l’inflation a ralenti en 2023, la croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac refluant ainsi de 5,3 % à 4,8 %.

En outre, la rapporteure générale tient à souligner que, si la croissance de la masse salariale soumise à cotisations a ralenti depuis 2022 – elle avait alors augmenté de 8,9 % –, celle-ci est demeurée dynamique en 2023, en augmentant de 5,7 %. Or, comme le rappelle le dernier rapport à la CCSS, la masse salariale est « le sous-jacent macroéconomique majeur de l’évolution des cotisations sociales » et, par conséquent, des recettes de la sécurité sociale, constituées pour près de moitié – à hauteur de 48 % – de cotisations ([46]). Pour rappel, chaque point supplémentaire de croissance de la masse salariale du secteur privé entraîne un surcroît de recettes de 2,43 milliards d’euros pour les régimes de base ([47]).

L’augmentation du produit des cotisations sociales (+ 4,3 %) se révèle cependant inférieure à la croissance de la masse salariale privée en raison, tout d’abord, de la baisse des cotisations maladie des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles prévue par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([48]). L’impact sur le niveau total des recettes de la sécurité sociale est cependant neutralisé par l’affectation d’une fraction de TVA d’un montant de 0,6 milliard d’euros. Surtout, le dynamisme des allègements généraux de cotisations – en hausse de 10,0 % – limite la croissance des cotisations sociales du secteur privé à hauteur de 1,3 point ([49]). Ce dynamisme s’explique par les revalorisations successives du Smic, qui atteignent 5,4 % en moyenne annuelle.

Par ailleurs, le rendement de la CSG a poursuivi sa croissance, à hauteur de 4,5 %. L’évolution du produit varie cependant entre ses différentes assiettes : la CSG assise sur les revenus d’activité a augmenté moins rapidement que l’année précédente (4,5 %, après 8,2 % en 2022), de même que la CSG portant sur les revenus du capital (4,8 %, contre 11,9 % lors de l’exercice précédent), l’effet retour des revalorisations de prestations a soutenu le produit de la CSG sur les revenus de remplacement, en hausse de 0,7 point (4,7 %, après 4 %). Le rendement des autres impôts, taxes et contributions sociales progresse de 3,6 %, principalement en raison de leur évolution spontanée (3,1 points), mais également de l’affectation d’une fraction supplémentaire de TVA au titre de la compensation de la baisse de cotisations maladie susmentionnée.

Au total, le taux de croissance des recettes est identique à celui de l’inflation hors tabac – soit 4,8 %. Selon les prévisions qui figurent dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les recettes devraient croître en 2024 plus rapidement que l’indice des prix à la consommation : elles augmenteraient ainsi de 4,3 %, tandis que l’inflation hors tabac n’excèderait pas 2,4 % selon les prévisions présentées dans le dernier programme de stabilité.

Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des recettes par branche des robss pour l’exercice 2023

(en milliards d’euros)

Recettes par branche

Prévision en LFSS pour 2023

Rectification en LFRSS pour 2023

Rectification en LFSS pour 2024

Écart entre la prévision en LFSS pour 2023 et la rectification en LFSS pour 2024

Exécution en Placss 2023

Écart entre la rectification et l’exécution

Écart entre la prévision et l’exécution

Maladie

231,2

231,2

234,2

+ 3,0

232,8

– 1,4

+ 1,6

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,0

17,0

17,2

+ 0,2

16,8

– 0,4

– 0,2

Vieillesse

269,7

269,8

273,1

+ 3,4

272,5

– 0,6

+ 2,8

Famille

56,7

56,7

57,0

+ 0,3

56,8

– 0,2

+ 0,1

Autonomie

36,2

36,3

36,8

+ 0,6

37,0

+ 0,2

+ 0,8

Ensemble des branches*

593,2

593,3

601,0

+ 7,8

598,5

– 2,5

+ 5,3

Ensemble des branches et FSV

594,8

595,0

602,2

+ 7,4

600,0

– 2,2

+ 5,2

(*) Indépendamment des transferts entre branches

Source : commission des affaires sociales.

Ressources nettes des rÉgimes de base et du FSV par catÉgorie de recettes en 2023

(en millions d’euros)

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

  1.   Un ralentissement de la hausse des dépenses en dépit d’une inflation élevée

La rapporteure générale note, s’agissant des dépenses, que l’exécution se situe légèrement en deçà de la prévision rectifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Les charges des Robss et du FSV atteignent ainsi 610,7 milliards d’euros, en hausse de 3,1 % par rapport à 2022, tandis que la dernière loi de financement les évaluait à 610,9 milliards d’euros. Les comptes 2023 confirment ainsi le ralentissement de la hausse des dépenses constaté au cours des trois exercices précédents, au cours desquels elles avaient crû respectivement de 6,2 %, 5,7 % et 4,3 %. Le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale souligne, à cet égard, que les dépenses nettes des Robss et du FSV « ont plus fortement baissé en volume qu’elles ne l’avaient fait en 2022 » ([50]). La maîtrise des dépenses est favorisée par la forte diminution des charges liées à la crise sanitaire, qui ont reflué de plus de 10 milliards d’euros (1,1 milliard d’euros, après 11,7 milliards d’euros en 2022).

Il reste que l’augmentation des dépenses a été plus importante qu’anticipé lors de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, à hauteur de 8,8 milliards d’euros. Cette hausse s’explique principalement par le dynamisme des prestations sociales, en hausse de 3,6 % sur un an. La revalorisation des prestations légales contribue à cette augmentation à hauteur de 1,6 point, soit une participation proche de celle constatée en 2022 (1,7 point). La croissance spontanée des prestations, liée à des effets démographiques, a certes ralenti par rapport à 2022 mais elle demeure le principal contributeur à l’augmentation de ces dépenses, expliquant 2,6 points de hausse de celles-ci contre 3,1 points en 2022.

Plusieurs mesures nouvelles ont également contribué, de façon plus limitée, à l’augmentation des dépenses de prestations. Il s’agit notamment des revalorisations salariales transversales dans la fonction publique, qui augmentent les dépenses entrant dans le champ de l’Ondam, ainsi que de mesures ciblées concernant les bas salaires et le versement d’une prime de pouvoir d’achat. D’autres mesures nouvelles ont contribué à la hausse des dépenses, en particulier la revalorisation de l’allocation de soutien familial (ASF) à compter de novembre 2022 ; l’augmentation des minima de pension de retraite, partiellement compensée par les premiers effets des mesures d’âge mises en œuvre en application de la loi de financement rectificative ; la poursuite de la montée en charge des revalorisations salariales issues du Ségur de la santé.

Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des dépenses par branche des robss pour l’exercice 2023

(en milliards d’euros)

Dépenses par branche

Prévision en LFSS pour 2023

Rectification en LFRSS pour 2023

Rectification en LFSS pour 2024

Écart entre la prévision en LFSS pour 2023 et la rectification en LFSS pour 2024

Exécution en Placss 2023

Écart entre la rectification en LFSS pour 2024 et l’exécution

Écart entre la prévision et l’exécution

Maladie

238,3

239,1

243,7

+ 5,4

243,9

+ 0,2

+ 5,6

Accidents du travail et maladies professionnelles

14,8

14,8

15,3

+ 0,5

15,4

+ 0,1

+ 0,6

Vieillesse

273,3

273,7

275,0

+ 1,7

275,1

+ 0,1

+ 1,8

Famille

55,3

55,3

56,0

+ 0,7

55,7

– 0,3

+ 0,4

Autonomie

37,4

37,5

37,9

+ 0,5

37,6

– 0,3

+ 0,2

Ensemble des branches*

601,6

602,8

610,5

+ 8,9

610,4

– 0,1

+ 8,8

Ensemble des branches et FSV

601,9

603,2

610,9

+ 9,0

610,7

– 0,2

+ 8,8

(*) Indépendamment des transferts entre branches

Source : commission des affaires sociales.

  1.   L’APPROBATION DES COMPTES DES ORGANISMES QUI CONCOURENT AU FINANCEMENT ET QUI SONT FINANCÉS PAR LES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Conformément à la loi organique, le prévoit les recettes, les dépenses et le solde du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’année 2023. Pour rappel, le FSV est un établissement public administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 ([51]), dont les missions, qui relèvent du financement des prestations non contributives à l’assurance vieillesse, sont définies aux articles L. 135-1 à L. 135- 5 du code de la sécurité sociale. À ce titre, le fonds :

– assure le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale comme, sous certaines conditions, les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, de l’activité partielle, des arrêts de travail, du volontariat du service civique, des périodes d’apprentissage et de stages de formation professionnelle ;

– finance l’intégralité du minimum vieillesse versé par les régimes de retraite.

Pour ce faire, il dispose de recettes dont la composition a varié au cours du temps, mais qui ont toujours porté majoritairement sur le capital. Les recettes ont évolué en 2021 avec la création de la cinquième branche, qui a conduit à réaffecter de la CSG entre le régime général et le FSV : l’article 40 de la LFSS 2021 a abaissé le taux de CSG assise sur le patrimoine et les placements attribués au FSV de 8,6 à 6,67 points tout en relevant ceux de la CSG sur les retraites et les pensions d’invalidité de 1,98 à 2,94 points. Aucune modification de la structure des recettes n’est intervenue depuis lors.

Évolution des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2019-2023)

(en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Recettes

17,2

16,7

17,7

19,4

20,4

Dépenses

18,8

19,1

19,3

18

19,3

Solde

– 1,6

– 2,5

– 1,5

+ 1,3

+ 1,1

Source : commission des affaires sociales.

L’analyse de l’évolution du solde du FSV montre qu’en 2023, celui-ci affiche un excédent pour la deuxième année consécutive et la seconde fois depuis 2009. Malgré la forte augmentation de ses dépenses, qui passent de 18,0 milliards d’euros à 19,3 milliards d’euros – soit une hausse de 7 % –, le fonds reste excédentaire en raison du dynamisme de ses recettes qui, après avoir atteint 19,3 milliards d’euros en 2022, s’élèvent à 20,4 milliards d’euros en 2023. Cette augmentation demeure moins importante que celle des charges du fonds, ce qui explique la contraction de son excédent de 1,3 milliard d’euros en 2022 à 1,1 milliard d’euros en 2023.

Évolution des prÉvisions des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2023)

(en milliards d’euros)

 

Prévision en LFSS pour 2023

Rectification en LFRSS pour 2023

Rectification en LFSS pour 2024

Exécution en Placss pour 2023

Recettes

20,6

20,6

20,3

20,4

Dépenses

19,3

19,3

19,5

19,3

Solde

+ 1,3

+ 1,3

+ 0,8

+ 1,1

Source : commission des affaires sociales.

 

Après avoir diminué en 2022 de 6,4 %, les dépenses du FSV augmentent en raison, tout d’abord, d’une prise en charge de cotisations plus importante, notamment au titre des périodes de chômage. Le coût des prises en charge de cotisations au titre des périodes validées gratuitement par les régimes de base d’assurance vieillesse augmente ainsi de 1,0 milliard d’euros. Compte tenu de la stabilité des effectifs de chômeurs concernés par ces prises en charge, permise par la bonne tenue de l’emploi, cette évolution s’explique par un effet prix en lien avec la hausse de 5,4 % de la cotisation de référence annuelle, assise sur les revalorisations du Smic. À l’inverse, les prises en charge des cotisations maladie, invalidité et AT-MP ont régressé de 0,2 %, après avoir fortement augmenté l’année précédente, à hauteur de 12,1 %, sous l’effet d’une augmentation du nombre d’arrêts maladie au début de l’année 2022 liée à l’apparition d’un nouveau variant de la covid-19. Pour mémoire, l’ensemble des prises en charge de cotisations représente les trois quarts des charges du FSV.

En ce qui concerne les autres postes de dépenses, on relève que les charges correspondant au financement du minimum vieillesse ont progressé de 6,4 %, soit une croissance plus rapide qu’en 2022 (+ 4,6 %). Cette augmentation s’explique par l’effet en année pleine de la revalorisation des prestations de 4,0 % anticipée au 1er juillet 2022, joint à la hausse de 0,8 % de celles-ci à compter du 1er janvier 2023. Les dépenses relatives au minimum vieillesse constituent un quart des charges du FSV.

Compte tenu de la structure des recettes du FSV, et bien que la croissance de ses ressources ait été moins soutenue qu’en 2022, cette dynamique peut également être imputée à la bonne tenue de l’activité qui a permis à la CSG de maintenir un fort rendement : le produit de la CSG sur les revenus du capital et de remplacement augmente ainsi de 5,3 % en 2023, après avoir crû de 9,2 % l’année précédente. Le rendement de la CSG sur les revenus du capital a cependant vu sa progression limitée par la baisse de 0,5 % du produit correspondant aux revenus du patrimoine en raison de plus-values mobilières moins importantes en 2022. L’augmentation du rendement de la CSG sur les produits de placement, à hauteur de 9,1 %, compense toutefois en partie cette diminution et confirme la bonne tenue de l’activité économique en sortie de crise. Par ailleurs, la CSG assise sur les revenus de remplacement a fortement progressé, à hauteur de 6,3 %, soit un rythme plus soutenu qu’en 2022 (5,5 %), en raison de l’effet retour des revalorisations de prestations sociales.

Deux mesures nouvelles ont également une incidence sur les dépenses engagées par le FSV au titre de la prise en charge de prestations : d’une part, le relèvement du seuil de récupération sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de l’allocation de solidarité vieillesse (ASV) devrait limiter la réduction la charge du FSV au titre du minimum vieillesse permise par cette récupération ; d’autre part, l’incidence de l’allongement de la durée de résidence requise pour bénéficier de l’ASPA, relevée de six mois à neuf mois le 1er septembre dernier, se manifestera à compter de 2024 sur les dépenses du FSV.

D’après le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, l’excédent du FSV devrait s’accroître en 2024 pour atteindre 1,3 milliard d’euros.

Contribution des principaux facteurs À l’Évolution des charges et produits nets du FSV (2022-2024)

(en points)

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

*

*     *

Article 2
Approbation, pour l’exercice 2023, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Rejeté par la commission

Conformément aux 2° et 3° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, l’article 2 du présent projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale soumet à l’approbation du Parlement :

– le montant définitif des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui atteint 247,8 milliards d’euros ;

– le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, catégorie uniquement constituée du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont les recettes sont nulles comme chaque année depuis 2011 ;

– le montant des recettes mises en réserve par le FSV, lesquelles sont également nulles depuis 2011 ;

– le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui s’élève à 18,3 milliards d’euros en 2023.

  1.   Un Ondam définitif pour 2023 proche de la prévision rectifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

Créé en même temps que les lois de financement de la sécurité sociale, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est inscrit dès 1996 dans la loi organique ([52]) comme un outil de régulation du montant des dépenses de santé remboursées par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et en particulier par l’assurance maladie.

La loi organique de 2005 ([53]), qui visait à affiner l’exercice des lois de financement, a créé le principe de sous-objectifs de l’Ondam. Cet objectif est ainsi décliné depuis 2006 en six sous-objectifs, qui sont les suivants :

– soins de ville ;

– établissements de santé ;

– deux sous-objectifs médico-sociaux ;

– fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement ;

– « autres prises en charge » (dotations aux établissements accueillant des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, notamment l’addiction, les soins des Français de l’étranger et dotations de l’assurance maladie à plusieurs opérateurs nationaux de la politique de santé).

Conformément au cadre issu de la loi organique du 14 avril 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([54]), le présent projet de loi est assorti d’une annexe consacrée à l’Ondam et aux dépenses de santé (annexe 3), qui permet de disposer de davantage d’informations sur cette dynamique.

Le du présent article tend à approuver le montant définitif de l’Ondam 2023, qui s’établit à 247,8 milliards d’euros.

Évolution des prÉvisions et du résultat définitif de l’ONDAM 2023 pour l’ensemble des robss

(en milliards d’euros)

 

Prévision en LFSS pour 2023

Rectification en LFRSS pour 2023

Rectification en LFSS pour 2024

Exécution en Placss pour 2023

Montant de l’ONDAM

244,1

244,8

247,6

247,8

Source : commission des affaires sociales.

Le montant définitif des dépenses entrant dans le périmètre de l’Ondam s’établit ainsi à 247,8 milliards d’euros en 2023, en progression de 0,3 % par rapport à 2022. La mise en extinction des dépenses imputables à la crise sanitaire – dont le montant a diminué de 10,6 milliards d’euros – compense la plus grande partie de l’augmentation des charges dépourvues de lien avec celle-ci. Aussi, si l’on exclut les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19, l’exécution de l’Ondam 2023 est en hausse de 4,8 % par rapport à 2022.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoyait une croissance de l’Ondam hors dépenses de crise de 3,5 %. La diminution de ces dernières, rendue possible par le caractère désormais endémique et l’intensité faiblissante de la pandémie de covid-19, devait conduire à une réduction du montant total des dépenses relevant de l’Ondam à hauteur de 1,2 %. À la différence de l’année précédente, au cours de laquelle l’Ondam n’a été rectifié qu’à une seule reprise, l’exercice comptable 2023 a donné lieu à deux modifications de cet objectif en cours d’exécution à la faveur, d’une part, de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([55]), qui a l’a relevé de 750 millions d’euros ; et, d’autre part, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([56]), qui l’a majoré de 2,8 milliards d’euros.

  1.   Une prévision rectifiée à deux reprises pour tenir compte de mesures nouvelles et de la dynamique des indemnités journAlières

L’écart de 750 millions d’euros entre la prévision inscrite dans la loi de financement initiale pour 2023 et celle qui figure dans la loi de financement rectificative 2023 tient compte à la fois de :

– la majoration de l’Ondam hospitalier à hauteur de 600 millions d’euros pour financer des mesures d’attractivité dans les établissements de santé, en particulier la prolongation des mesures portant sur la rémunération du temps de travail de nuit ;

– l’augmentation du sous-objectif correspondant aux soins de ville, à raison de 150 millions d’euros, afin de tenir compte du dynamisme des dépenses liées aux indemnités journalières.

Une seconde rectification a ensuite été apportée à l’Ondam 2023 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Cette modification a conduit à relever l’objectif de dépenses de 244,8 milliards d’euros à 247,6 milliards d’euros, montant retenu dans la présentation de l’évolution prévisionnelle de l’Ondam qui figure dans la dernière loi de programmation des finances publiques ([57]).

La rectification opérée par la loi de financement pour 2024 visait d’abord à tenir compte des mesures de revalorisation salariale prises en juin 2023, dont ont bénéficié les personnels des établissements sanitaires et médico-sociaux publics, et qui ont été étendues sous forme de mesures équivalentes aux établissements privés. Au total, leur entrée en application a conduit à relever l’Ondam de 1,6 milliard d’euros.

L’effet mécanique de l’inflation sur le montant des indemnités journalières a aussi donné lieu à une majoration du sous-objectif correspondant aux soins de ville. Les hausses successives du Smic intervenues en 2022 et 2023 ont entraîné la revalorisation de la base de calcul de ces indemnités (effet prix) et conduit à relever ce sous-objectif (hors dépenses liées à la crise) de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de financement rectificative. Ainsi, le montant total des rectifications apportées à la prévision des dépenses relevant du sous-objectif « soins de ville » pour tenir compte du dynamisme des indemnités journalières a atteint 1,25 milliard d’euros en cours d’exécution – avant que ce montant ne soit abaissé de 0,1 milliard d’euros lors de la présentation des comptes définitifs.

En outre, la mise en œuvre d’un fonds d’urgence au profit des établissements médico-sociaux, d’une part, et l’anticipation de revalorisations tarifaires négociées avec les transporteurs sanitaires privés, d’autre part, ont entraîné une augmentation des dépenses prévues au titre du fonds d’intervention régional (FIR), correspondant au cinquième sous-objectif de l’Ondam. Celui-ci a ainsi été majoré de 0,3 milliard d’euros.

La rectification à la baisse de la prévision des dépenses de crise et de l’objectif global de dépenses a cependant contribué, à hauteur de 0,1 milliard d’euros dans l’un et l’autre cas, à limiter l’ampleur de la majoration de l’Ondam opérée par la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

ONDAM 2023 et rectification par sous-objectif

Source : annexe 3 au Placss.

  1.   Un dépassement de la prévision dans le périmètre des soins de ville et des établissements de santé qui n’est que partiellement compensée par de moindres dépenses dans les autres champs

Le dépassement de 0,2 milliard d’euros de l’Ondam entre la rectification en loi de financement pour 2024 et l’exécution constatée dans le présent projet de loi découle, d’après le Gouvernement, « des dépenses de soins de ville (+0,2 milliard d’euros) et des établissements de santé (+0,4 milliard d’euros », partiellement compensées par la sous-exécution de l’Ondam médico-social (‑ 0,3 milliard d’euros) et du sous-objectif correspondant aux « autres prises en charges » (‑ 0,1 milliard d’euros). Le surcroît de dépenses dépourvues de lien avec la crise sanitaire et entrant dans les périmètres respectifs des deux premiers sous-objectifs est compensé par la sous-exécution de l’objectif global de dépenses médico-social et du sous-objectif « autres prises en charge ». Aussi, en tenant compte de ces compensations entre sous-objectifs, l’écart à la prévision s’explique-t-il par des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire, d’un montant de 0,1 milliard d’euros, et par l’attribution d’une aide exceptionnelle aux établissements de santé pour un coût total de 0,5 milliard d’euros.

Au total, les dépenses relevant du sous-objectif « Établissements de santé » atteignent ainsi 102,8 milliards d’euros (en progression de 5,6 % depuis 2022). Celles correspondant aux soins de ville s’élèvent à 105,3 milliards d’euros, en diminution de 2 % par rapport à l’année précédente.

PREMIER CONSTAt DE L’ONDAM 2023

Source : annexe 3 au Placss.

  1.   LES ORGANISMES CHARGÉS DE LA MISE EN RÉSERVE DE RECETTES ET DE L’AMORTISSEMENT DE LA DETTE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE : LE FRR ET LA CADES
    1.   Le Fonds de réserve pour les retraites

Le porte approbation du montant de la dotation au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), montant constamment nul depuis 2011. Il constitue une donnée obligatoire en application de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, qui fait obligation au législateur de mentionner dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires, catégorie comprenant le seul FRR dans le droit positif.

En effet, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) afin de participer, en application de la LFSS 2011, au financement des déficits des organismes chargés d’assurer les prestations du régime de base de l’assurance vieillesse pour les exercices 2011 à 2024 ([58]).

Créé en 1999 ([59]), le FRR était chargé de mettre en réserve et de faire fructifier des ressources qui lui étaient affectées afin de maintenir, voire d’améliorer le niveau des pensions à l’horizon 2020, dans la perspective d’une dégradation prévisible des équilibres financiers. Compte tenu de la forte détérioration des régimes d’assurance vieillesse à la suite de la crise financière des années 2008-2009, il a été décidé de mettre à contribution le fonds avant l’horizon initialement prévu, pour alimenter la Cades.

● Dans la même logique, le  prévoit que le FSV ne met aucune somme en réserve, comme chaque année depuis 2011 ([60]).

  1.   La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La Cades a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale pour amortir et éteindre la dette du régime général de la sécurité sociale. Elle est historiquement affectataire :

– depuis sa création, d’une ressource exclusive, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) ([61]) ;

– depuis 2011, du versement annuel précité du FRR ([62]).

Ces ressources lui permettent chaque année d’assurer l’amortissement d’une partie de la dette sociale reprise et financée par des opérations d’emprunt sur les marchés ([63]). L’amortissement est égal à la différence entre le produit des ressources affectées et le montant des charges financières nettes de la caisse (déduction faite, donc, des produits financiers qu’elle peut percevoir).

Le porte ainsi approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2023, à savoir 18,3 milliards d’euros, contre 19 milliards d’euros en 2022.

Cet objectif d’amortissement est identique à celui fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui était lui-même supérieur de 600 millions d’euros à l’objectif défini par les lois de financement initiale et rectificative pour 2023 (17,7 milliards d’euros). Il marque une diminution – de 700 millions d’euros – de la capacité d’amortissement de la Cades par rapport à l’exercice 2022, l’augmentation des charges financières liée à celle des taux d’intérêt n’étant que partiellement compensée par le dynamisme du produit de la CSG et de la CRDS.

Montant de la dette sociale amortie par la cades
(2019-2023, en milliards d’euros)

Source : commission des affaires sociales, à partir des données des LFSS 2021 (donnée 2019), 2022 (donnée 2020), 2023 (donnée 2021), du Placss 2022 (donnée 2022) et du Placss 2023 (donnée 2023).

D’après les comptes définitifs de la Cades présentés dans l’annexe 7 au présent projet de loi, les ressources de celle-ci s’élèvent, en 2023, à 21,30 milliards d’euros, contre 2,99 milliards d’euros de charges financières nettes. Les recettes fiscales de la caisse s’élèvent à 10,1 milliards d’euros au titre de la fraction du produit de la CSG dont elle est affectataire et à 8,8 milliards d’euros correspondant au rendement de la CRDS ([64]).

Le taux de financement s’établit à 2,15 % au 31 décembre 2023 contre 1,29 % un an plus tôt. Le taux d’intérêt moyen résultant des instruments à taux fixe, qui représentent 73,56 % de la dette de la Cades, atteint 1,50 % au 31 décembre 2023, les taux révisables représentent 23,77 % de l’endettement de la Cades et s’établissent à 3,96 % – soit une hausse de 2,3 points par rapport à 2022 – tandis que l’endettement à taux indexé à 2,70 % représente 2,67 % de la structure d’endettement.

Article 3
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2023

Rejeté par la commission

L’article 3 porte approbation du tableau patrimonial qui retrace la situation financière de la sécurité sociale au 31 décembre du dernier exercice clos (2023) ainsi que l’affectation des excédents et des déficits constatés au terme de cet exercice.

Ce tableau reflète une situation légèrement plus favorable qu’en 2022 mais qui reste marquée par une dette importante.

● Cet article, qui fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer au sein des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, était auparavant inscrit en première partie des lois de financement de l’année.

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale.

« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :

« [...]

« Approuve le rapport mentionné au 2° de l’article L.O. 111-4-4. »

Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.

« Sont jointes au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :

« [...]

«  Comportant un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ; »

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement sur l’état de la situation patrimoniale d’une partie des régimes faisant partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale ([65]). Ce rapport permet d’apprécier, au-delà du solde qui peut s’analyser comme un « flux » à un moment donné, la situation financière nette consolidée, en y intégrant l’ensemble de l’actif et du passif du champ des lois de financement. Les « stocks » sont ainsi présentés (réserves, dettes) ainsi que la manière dont les déficits sont finalement pris en charge concrètement.

  1.   La situation patrimoniale de la sécurité sociale s’améliore légèrement en 2023

L’annexe reflète, en rupture avec les trois dernières années, une amélioration de la situation financière des régimes de sécurité sociale en 2023, qu’il s’agisse du passif net (dette) ou du passif financier net (endettement financier).

  1.   Un passif net qui se réduit après trois années de hausse

● Le passif net, qui représente l’équivalent du cumul des déficits de la sécurité sociale qui restent à financer, a connu une nette inflexion après des années de résorption entre 2014 et 2020. Les conséquences de la crise sanitaire ainsi que de l’effort financier de la sécurité sociale en faveur du maintien de l’activité ont contribué à augmenter continûment ce passif, de 61,4 milliards d’euros en 2019 à 99,2 milliards d’euros au 31 décembre 2022. La situation s’est notablement améliorée en 2023 puisque le passif net a reflué de 7 milliards d’euros au 31 décembre 2023.

Évolution du passif net de la sécurité sociale depuis 2011

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Passif net au 31 décembre

(capitaux propres négatifs)

– 100,6

– 107,2

– 110,9

– 110,7

– 109,5

– 101,4

– 88,5

– 77,0

– 61,4

– 86,7

– 93,5

– 99,2

– 92,2

Source : annexe au Placss 2023.

L’évolution par rapport à 2022 reflète plusieurs facteurs qui jouent en sens contraires :

– la réduction de près de 9 milliards d’euros du déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). En effet, le résultat consolidé sur le périmètre de la sécurité sociale au sens des lois de financement de la sécurité sociale redevient positif en 2023 (8,5 milliards d’euros) dans la mesure où les résultats de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), c’est-à-dire sa capacité d’amortissement de la dette reprise (18,3 milliards d’euros), et du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) (1 milliard d’euros) font plus que compenser le déficit des régimes ;

– la diminution de 1,8 milliard d’euros des réserves de la sécurité sociale (22,5 milliards d’euros). Ces réserves sont majoritairement constituées de celles accumulées par le FRR grâce aux résultats réalisés depuis sa création (13,6 milliards). Ces dernières connaissent néanmoins un léger reflux en 2023 en raison d’un résultat déficitaire du FRR pour 2022 (– 500 millions d’euros). L’essentiel de la diminution des réserves consolidées de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 s’explique toutefois par la réduction des réserves des autres régimes que le régime général (– 1,1 milliard d’euros) ;

– l’augmentation de 2,5 milliards d’euros du report à nouveau déficitaire, lequel représente les déficits cumulés des régimes de base et du FSV antérieurs à l’exercice 2023 (– 149,4 milliards d’euros). S’agissant du régime général et du FSV, le report à nouveau est bénéficiaire (+ 13,1 milliards d’euros) et s’améliore par rapport à 2022. Cette situation s’explique par les reprises de dette effectuées par la Cades à hauteur de 24,2 milliards d’euros en 2023 ([66]) qui ont comblé le report à nouveau négatif de la branche maladie (qui aurait dû s’élever à – 21,6 milliards d’euros après affectation du déficit 2022) et redressé le report à nouveau de la branche vieillesse (qui s’établit à – 0,2 milliard d’euros après reprise) ([67]) ;

– la revalorisation de près de 1 milliard d’euros des actifs du FRR en valeur de marché ([68]).

Si l’on additionne l’ensemble de ces effets, l’on constate que les facteurs contribuant à l’amélioration du passif net (réduction du déficit des Robss et revalorisation des actifs du FRR) l’emportent sur ceux le dégradant (dégradation du report à nouveau et diminution des réserves). Logiquement, cette situation contribue à désendetter financièrement la sécurité sociale.

  1.   L’endettement financier reflue tandis que le passif circulant s’accroît

● La deuxième partie du tableau présente l’endettement financier net de la sécurité sociale, obtenu en faisant la différence entre les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie d’une part, et le passif financier (les dettes financières) d’autre part. Son évolution suit largement celle du passif net, même s’il est davantage modifié par les variations liées aux opérations de trésorerie. Pour l’exercice 2023, des effets contradictoires s’appliquent à l’endettement financier.

En effet, la dette du régime général portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour les titres à échéance infra-annuelle a poursuivi sa forte diminution (– 12,3 milliards d’euros en 2023 après une réduction de 18 milliards d’euros en 2022). Cette dette s’établit à 14 milliards d’euros au 31 décembre 2023 alors que le plafond de recours à l’emprunt de l’Acoss avait été fixé à 45 milliards d’euros par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, en net recul par rapport au plafond applicable au plus fort de la crise sanitaire (95 milliards d’euros autorisés en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021).

À l’inverse, l’endettement brut de la Cades auprès des marchés financiers s’est accru d’un peu plus de 7 milliards d’euros. La Cades porte ainsi une dette financière totale de 151,9 milliards d’euros ([69]) contre un actif de 4,4 milliards d’euros.

Au total, l’endettement financier net de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 s’établit à 113,4 milliards d’euros, un niveau qui reste supérieur à celui constaté au 31 décembre 2020, année au cours de laquelle les besoins de financement et de recours à des ressources non permanentes ont atteint des niveaux exceptionnels en raison de la crise sanitaire ([70]).

Évolution de l’endettement financier depuis 2011

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Endettement financier net au 31 décembre

– 111,2

– 116,2

– 118,0

– 121,3

– 120,8

– 118,0

– 102,9

– 86,8

– 74,6

– 110,6

– 115,3

– 122,7

– 113,4

Source : annexe au Placss 2023.

L’actif circulant augmente quant à lui de 2,4 milliards d’euros tandis que le passif circulant s’accroît de 4,4 milliards. Ces deux notions comptables recouvrent les créances ou produits mobilisables (actif) et les dettes remboursables (passif) à court‑terme. L’actif circulant est constitué à près de 60 % de produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions (64,6 milliards d’euros) tandis que le passif circulant se compose essentiellement de charges à payer enregistrées au 31 décembre 2023 au titre de prestations se rapportant à l’exercice clos, mais dont le décaissement n’est intervenu qu’en janvier 2024 (42,4 milliards d’euros). L’accroissement de ce dernier poste par rapport à l’exercice précédent reflète l’augmentation du niveau des charges à payer en lien notamment avec le niveau plus élevé des prestations de retraite et des dotations et forfaits hospitaliers de la branche maladie.

 

évolution du passif net de la sécurité sociale et de l’endettement net qui en assure le financement

(en milliards d’euros)

Source : commission des affaires sociales.

  1.   L’avis de la Cour des comptes sur le tableau patrimonial

Conformément aux articles L.O. 132-3 du code des juridictions financières et L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence du tableau patrimonial.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2024, la Cour des comptes juge que le tableau patrimonial figurant en annexe du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 » ([71]).

Elle réitère toutefois son observation selon laquelle la fiabilité des données comptables utilisées pour l’établissement du tableau de situation patrimoniale a un caractère variable et présente parfois des insuffisances comme en témoignent notamment l’absence de certification de la branche famille et les certifications avec réserves des autres branches du régime général par la Cour des comptes.

  1.   La description des mesures prévues pour la couverture des déficits constatés et l’affectation des excédents

L’interprétation retenue par le Gouvernement concernant l’information relative à la couverture des déficits ou l’affectation des excédents constatés pour l’exercice 2023 conduit à une diminution sensible de l’information disponible sur les différents régimes.

S’agissant des régimes intégrés au régime général, l’annexe rappelle la chronique de versements de la Cades pour couvrir les déficits passés et futurs constatés, dans le cadre de l’article 1er de la loi « dette sociale et autonomie » précitée ([72]). Au titre de l’exercice 2023, le report à nouveau des déficits constatés pour la branche maladie doit être partiellement couvert par des versements de la Cades à l’Acoss, à hauteur de 8,8 milliards d’euros, selon la chronique suivante :

Couverture des déficits de l’exercice 2023 par la Cades

(en euros)

Date

Versement de la Cades à l’Acoss

Affectation par l’Acoss des montants versés par la Cades à la branche maladie

12/03/2024

2 192 116 296,04

2 192 116 296,04

26/06/2024

4 982 082 490,99

4 982 082 490,99

20/09/2024

1 594 266 397,11

1 594 266 397,11

Total

8 768 465 184,14

8 768 465 184,14

Source : décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général en 2023 et au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général à effectuer en 2024.

Ces versements ne permettront toutefois pas de combler totalement le report à nouveau de la branche maladie de 11,1 milliards d’euros après l’affectation de son résultat constaté en 2023.

S’agissant des régimes qui, par construction, ne font pas l’objet d’une compensation, l’annexe rappelle simplement que, en l’absence de mesures spécifiques prises ou prévues par le Gouvernement, « leurs déficits ou excédents seront donc affectés, selon le cas, aux réserves ou au report à nouveau des régimes concernés, conformément à l’affectation proposée par les instances délibératives approuvant les comptes ».

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*     *


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

1.   Réunion du mercredi 29 mai 2024

La commission entend Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur les rapports sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants pour l’exercice 2023 et sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ([73]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Notre commission va prochainement examiner le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023. Les 18 et 19 juin, nous nous réunirons à trois reprises pour le Printemps social de l’évaluation.

Nous inaugurons aujourd’hui nos travaux sur l’exécution et l’évaluation des lois de financement avec la Cour des comptes. Je remercie la présidente Hamayon de nous présenter les rapports de la Cour sur la certification des comptes pour 2023 et sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Je suis heureuse de vous présenter aujourd’hui l’édition 2024 du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss).

Je voudrais tout d’abord remercier les nombreux rapporteurs qui ont contribué à sa réalisation sous la houlette du rapporteur général, M. Nicolas Fourrier, et du rapporteur général adjoint, M. Axel Maybon.

Ce rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale constitue une obligation de la Cour dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement. Depuis l’an dernier, notre rapport accompagne le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale et a pour objectif d’éclairer les parlementaires sur l’exécution des recettes et des dépenses sociales.

Cette année, nous avons structuré notre rapport autour de trois axes. La première partie, traditionnelle, est consacrée à la situation financière de la sécurité sociale et à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). La deuxième partie analyse cinq domaines dont l’évolution récente en recettes et en dépenses a eu des incidences importantes sur les déficits sociaux. Enfin, la troisième partie examine, à travers cinq exemples, les moyens d’améliorer la qualité et l’efficacité de la dépense publique pour la sécurité sociale.

En préambule, je souhaite présenter une synthèse de la certification des comptes de la sécurité sociale pour l’exercice 2023, qui se traduit dans l’avis que nous rendons dans ce Ralfss sur la cohérence des tableaux d’équilibre et le tableau de situation patrimoniale. Il importe de distinguer les tableaux d’équilibre, qui correspondent à des comptes de résultat combinés couvrant l’ensemble des régimes obligatoires de base et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), du tableau de situation patrimoniale, qui est une sorte de bilan intégrant l’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et la mise en réserve de recettes par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). La Cour estime que les tableaux d’équilibre fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde qui en découle.

Toutefois, j’attire votre attention sur les comptes de la branche famille. L’année dernière, nous avions refusé de certifier ces comptes. Cette année, nous nous déclarons dans l’impossibilité de les certifier bien que des progrès tangibles aient été réalisés par la branche famille depuis la non-certification de l’année dernière, notamment dans le contrôle interne. Cependant, ces améliorations ne se répercutent pas encore dans la comptabilité, en tout cas dans les comptes 2023. Nous avons donc prononcé une impossibilité de certifier en raison de faiblesses persistantes dans les dispositifs de contrôle interne et de difficultés comptables affectant la fiabilité des comptes retracés dans les tableaux d’équilibre.

Le rapport de certification indique que la branche vieillesse voit encore augmenter le nombre d’erreurs de liquidation. En 2023, une pension sur huit est affectée d’au moins une erreur, avec une incidence financière estimée à 1,2 % du montant des prestations liquidées, majoritairement au détriment des assurés.

Concernant la branche maladie, l’évaluation incomplète du risque lié à des contentieux en cours, notamment concernant les médicaments, conduit à une sous-évaluation significative des provisions. Cette situation entraîne un défaut d’assurance d’environ un milliard d’euros, améliorant d’autant le résultat de la branche maladie.

La Cour alerte également sur les différentes contractions de produits et de charges qui permettent d’aboutir au tableau d’équilibre, s’écartant du cadre fixé par la loi organique. Ces contractions minorent les montants des produits et des charges par rapport à ceux retracés dans les comptes des régimes de sécurité sociale et du FSV.

Nous attirons également l’attention sur plusieurs points techniques. Nous constatons une amélioration de la situation patrimoniale de la sécurité sociale après une dégradation marquée, notamment par les conséquences financières de la crise covid. Les fonds propres ont progressé de 7 milliards d’euros et le résultat net est désormais positif à 8,5 milliards d’euros. L’endettement financier net atteint 113,4 milliards d’euros au 31 décembre 2023.

En conclusion, l’avis sur les tableaux d’équilibre et de situation patrimoniale réitère les recommandations des années précédentes. Il est nécessaire de mieux formaliser les retraitements opérés pour la production des tableaux d’équilibre, de mettre fin aux contractions de produits et de charges et d’anticiper de dix jours le calendrier de production des comptes. En effet, ce calendrier a été raccourci pour la production des annexes aux comptes, mais pas pour la production des comptes eux-mêmes. Il est donc impératif d’améliorer ce calendrier.

La première partie de notre rapport porte sur la situation financière de la sécurité sociale. Nous nous alarmons de la trajectoire de déficit non maîtrisée, nécessitant un redressement rapide. La fin de la crise sanitaire et la croissance économique des deux dernières années ont certes permis une résorption du déficit de la sécurité sociale, après les sommets atteints en 2020 et 2021, mais le rythme de cette amélioration s’essouffle. Le déficit établi en 2023 s’élève à 10,8 milliards d’euros, supérieur de 4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de financement initiale.

Ce déficit aurait même été encore plus élevé, de 1,5 milliard d’euros, sans l’application, en 2023, de mesures techniques. La principale de ces mesures concerne les conditions de provisionnement de risques contentieux dans le domaine du médicament, pour environ 1 milliard d’euros.

L’écart du déficit par rapport à la prévision s’explique d’abord par des recettes moindres. Après un début d’année dynamique, nous avons constaté fin 2023, pour la première fois depuis trois ans, une diminution de l’effectif salarié qui, couplée au ralentissement de l’inflation, a mécaniquement conduit à une progression de la masse salariale moins importante que prévu et donc à de moindres recettes pour la sécurité sociale.

Le déficit est également accentué par une faible maîtrise des dépenses d’assurance maladie. La branche maladie porte en effet la totalité du déficit de 2023 et est responsable de la totalité de sa dégradation par rapport à la prévision initiale. L’amélioration par rapport à 2022 est uniquement imputable à la fin de la pandémie de covid‑19, sans aucun réel effort d’économie.

Le déficit de la branche vieillesse, quant à lui, se réduit de 1 milliard d’euros grâce à la bonne tenue de la masse salariale jusqu’au troisième trimestre 2023 et au relèvement de 1,6 milliard d’euros de la contribution versée par l’État au titre des retraites des fonctionnaires et des régimes spéciaux. Par ailleurs, la branche vieillesse a dû contribuer à hauteur de 900 millions d’euros à un mécanisme complexe de compensation aux organismes de retraite complémentaire, des exonérations de cotisations sur les bas salaires, alors même que ces organismes de retraite complémentaire sont excédentaires. Un dispositif équivalent a mis à contribution les branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) à hauteur de 600 millions d’euros pour financer l’Unédic.

Au regard des montants atteints par le versement, soit 1,5 milliard d’euros, et de l’état des finances de la sécurité sociale, il est impératif de réexaminer ces dispositifs.

Les perspectives pour l’avenir sont préoccupantes.

Pour 2024, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) prévoit un déficit de 10,5 milliards d’euros, équivalant à peu près à celui de 2023. Ce déficit ne pourra être respecté sans un ralentissement significatif des dépenses d’assurance maladie. Il est donc nécessaire de maîtriser la dynamique des dépenses et de réaliser des économies bien plus importantes que celles effectuées ces dernières années.

Après 2024, selon les prévisions du Gouvernement, le déficit de la sécurité sociale devrait de nouveau se creuser, atteignant plus de 17 milliards d’euros en 2027. En 2027, nous atteindrions un point de bascule, car le déficit deviendrait supérieur à la capacité d’amortissement de la Cades. La dette sociale recommencerait à croître, sans aucune perspective de retour à l’équilibre, ce qui est totalement inédit.

Cette aggravation continue serait principalement portée par le déficit de la branche vieillesse. En effet, la loi portant réforme des retraites ne produira l’essentiel de ses effets qu’après 2027. De plus, elle n’a que très partiellement traité la question de l’équilibre de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui concerne les fonctionnaires des collectivités locales et les agents hospitaliers. Cette caisse portera à elle seule les trois quarts du déficit de la branche en 2027.

En ce qui concerne la branche maladie, le déficit devrait se stabiliser autour de 9 milliards d’euros, à condition toutefois que le rythme de progression de l’Ondam soit maîtrisé autour de 3 % par an. Cela impliquerait des économies importantes, alors même que le Gouvernement n’a annoncé à ce jour aucune réforme en ce sens. Cette trajectoire nous semble insoutenable en l’état.

La dette sociale serait de plus en plus portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), atteignant 70 milliards d’euros dès 2027. Cette situation pourrait placer la sécurité sociale dans une grande fragilité financière. Il est donc urgent d’assurer un financement permanent des déficits sociaux et de mettre en œuvre des réformes, dont certaines sont illustrées dans les chapitres thématiques de la deuxième partie de ce rapport.

L’Ondam représente 80 % des dépenses de la branche. Alors que l’Ondam 2023 avait été annoncé comme celui de la sortie de crise, et donc rigoureusement maîtrisé, ses dépenses ont continué d’augmenter de 4,8 %, dépassant largement l’objectif initial de 3,2 %. Pour la deuxième année consécutive, le dépassement atteint près de 4 milliards d’euros. Plusieurs décisions intervenues en 2023 expliquent en partie cet important dépassement : les revalorisations salariales, le dynamisme des soins de ville et la rallonge budgétaire allouée aux établissements de santé pour atténuer leur déficit. Cela n’empêche pourtant pas la persistance du déficit des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Les hôpitaux publics enregistraient ainsi, pour la deuxième année consécutive, un déficit important.

Enfin, la première partie de ce rapport, c’est-à-dire la partie financière, se termine par une analyse d’un dispositif peu connu, mais particulièrement complexe, à savoir les transferts financiers de compensation démographique entre régimes de retraite. Ce système de transferts, créé en 1974, devait durer quatre ans. Il s’agissait alors de prendre en compte les effets sur la filiation des actifs des mutations économiques, avec le déplacement des emplois du secteur primaire vers les secteurs secondaire et tertiaire. Ce dispositif de solidarité était minimal pour ne pas dissuader les régimes de retraite de consentir les efforts nécessaires pour revenir à l’équilibre. Près de cinquante ans plus tard, le système perdure et ce sont 6 milliards d’euros qui sont encore transférés, selon les chiffres de 2022, entre dix‑sept régimes de base de retraite. Incorrectement piloté, ce dispositif repose sur une architecture désormais artificielle.

D’autres mécanismes financiers se sont ajoutés au fil du temps, au prix d’une complexité croissante. Les récentes réformes des retraites ont ajouté des règles au dispositif pour éviter de modifier les montants transférés dans des conditions qui confinent, selon nous, à l’arbitraire. Parmi plusieurs scénarios examinés, la Cour propose de supprimer ce dispositif et de le remplacer par des règles d’équilibrage entre régimes plus limitées et plus simples. Cela n’aurait aucun effet sur les comptes de la branche vieillesse.

Dans la deuxième partie de son rapport, la Cour informe les citoyens, le Gouvernement et le Parlement des sources potentielles d’économies et de dynamisation des recettes dont la mise en œuvre contribuerait au rétablissement des comptes de la sécurité sociale.

Nous avons d’abord examiné les niches sociales relatives aux compléments de salaire. Depuis longtemps, les employeurs versent des aides directes aux salariés, telles que les titres-restaurant, les chèques-vacances, les chèques emploi-service, etc. Depuis la crise des « gilets jaunes », pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, l’État a élargi le périmètre de ces compléments de salaire, notamment en créant la prime de partage de la valeur. Parallèlement, il a réduit le rendement des taxes compensatoires affectées à la sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner résultant de ces niches sociales. Depuis 2019, les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations salariales et patronales. Depuis 2018, la progression des compléments de salaire est devenue nettement plus rapide que celle des salaires de base. En d’autres termes, ces compléments se substituent en partie aux augmentations de salaire. Tous ces dispositifs, qui représentaient 87,5 milliards d’euros versés aux salariés en 2022, ont été créés sans objectif macroéconomique précis et bénéficient de régimes sociaux dérogatoires. Bien qu’ils aient été utiles en période de crise, ils privent également la sécurité sociale de ressources pérennes nécessaires. La perte de recettes totale pour la sécurité sociale peut ainsi être estimée à 18 milliards d’euros pour 2022, soit 8 milliards de plus qu’en 2018, non compensés par l’État. Une telle augmentation du manque à gagner pour la sécurité sociale dépasse le creusement de son déficit hors covid entre 2018 et 2022.

L’extension des compléments de salaires depuis 2018 retarde donc fortement le retour à l’équilibre financier de la sécurité sociale. La répartition de ces compléments est en outre inéquitable entre les salariés, car les dispositifs de partage de la valeur sont concentrés sur les plus grandes entreprises et les salaires les plus élevés.

La Cour recommande donc à l’État de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale et de revenir aux conditions de droit commun pour ces dispositifs dérogatoires. Les économies chiffrées pour la sécurité sociale pourraient, selon nous, dépasser 4 milliards d’euros par an.

La Cour propose également des sources d’économies dans le domaine des arrêts de travail pour maladie. Les indemnités journalières pour arrêt de travail maladie ont représenté 12 milliards d’euros de dépenses pour la sécurité sociale en 2022, en augmentation de 50 % depuis 2017, ce qui correspond à une augmentation moyenne annuelle de 12 % et de 7 % hors dépenses liées au covid. Bien qu’il soit complexe d’isoler l’effet de la crise sanitaire, cette augmentation est surtout liée à la dynamique des salaires, à l’augmentation du nombre d’actifs et à leur vieillissement, ainsi qu’à des changements de périmètre d’affiliation. La réglementation encadrant ces arrêts maladie est complexe et mal connue des assurés. Sa simplification nous paraît indispensable.

La lutte contre la fraude est également insuffisante, alors même que la généralisation de la télétransmission des arrêts de travail permettrait de tarir presque intégralement les risques de fraude. De nouveaux outils informatiques ont été créés pour cibler les médecins surprescripteurs. Ils pourraient être utilisés de manière plus graduée avant de déclencher des procédures de sanction.

Enfin, il est impératif de trouver des voies pour une meilleure régulation de la dépense. Plusieurs options sont possibles.

Par exemple, la durée maximale d’indemnisation, actuellement de trois ans, pourrait être réduite à deux ans, avec une meilleure prise en charge des pathologies chroniques parallèlement. Par ailleurs, la part prise en charge par la sécurité sociale pourrait être réduite par rapport à celle supportée par les entreprises. Actuellement, cette part est à peu près équivalente. Les salariés pourraient également être mis à contribution si un ou deux jours de carence d’ordre public étaient instaurés.

Il appartient au Gouvernement, après une large consultation avec les parties prenantes et les partenaires sociaux, de définir les meilleures voies possible. Selon les dispositifs retenus, la Cour évalue les économies possibles pour la sécurité sociale entre 500 millions et 1 milliard d’euros par an.

Nous avons également examiné dans ce rapport les conditions du recours croissant aux médicaments innovants anticancéreux, qui se sont ajoutés depuis les années 2000 aux traitements classiques de chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie. La Cour met l’accent sur la véritable efficacité de ces médicaments, qui permettent d’améliorer l’espérance de vie des patients, mais elle souligne également les défis qu’ils posent en matière de coûts – ils représentent 6 milliards d’euros avant remise – et de régulation par la puissance publique. Établir rapidement l’amélioration du service médical rendu par ces médicaments est complexe, ce qui justifie leur mode d’accès dérogatoire de mise sur le marché, appelé accès précoce.

Sans compromettre l’accès rapide des patients à ces médicaments, la Cour recommande à la Haute Autorité de santé de produire des évaluations médico-économiques indépendantes des laboratoires pharmaceutiques et de suivre l’efficacité de ces traitements à long terme en conditions de vie réelle. Elle recommande également au Comité économique des produits de santé de renégocier le prix des médicaments lorsque les résultats de ces études sont inférieurs aux attentes initiales.

La deuxième partie de notre rapport comprend un chapitre issu d’une consultation citoyenne menée par la Cour en 2022. Il porte sur l’intérim médical. Nous nous alarmons du développement rapide des différentes formes d’emplois temporaires à l’hôpital, dont le coût représente environ 600 millions d’euros. Les rémunérations des médecins contractuels, notamment, dépassent fréquemment les plafonds réglementaires, pour un surcoût estimé à 180 millions d’euros en 2021. Cette situation fragilise le statut des praticiens hospitaliers qui constatent que leurs collègues venus les épauler temporairement sont de plus en plus souvent mieux rémunérés qu’eux, sans être soumis à des astreintes ou à des horaires contraignants. La part croissante des emplois temporaires dans les petits hôpitaux, atteignant parfois un tiers de l’effectif médical, déstabilise les équipes et fragilise la qualité des soins, notamment en santé périnatale.

Le législateur a récemment introduit une forme de régulation, mais sa mise en œuvre reste lente et insuffisante. Les règles encadrant ces emplois temporaires mériteraient d’être mieux définies et un contingentement de ces contrats devrait être envisagé.

Le nombre de lits dans les hôpitaux a diminué de 23 % entre 2000 et 2022 dans les hôpitaux publics et privés. Cette réduction s’explique pour moitié par un transfert de lits de soins de longue durée vers les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et pour moitié par l’essor de la chirurgie ambulatoire, sans nuitée d’hôpital. Bien que la réduction du nombre de lits d’hôpital, supérieure à celle de la plupart des autres pays européens rapportée à la population, ait été nécessaire, sa mise en œuvre par des baisses de tarifs généralisés a été insuffisamment pilotée. De plus, on observe aujourd’hui de plus en plus de fermetures temporaires de lits, notamment la nuit et le week-end, en raison de la pénurie de personnel.

Nous recommandons d’améliorer le recensement en temps réel des lits disponibles. Ce recensement n’existe pas actuellement et la Cour a dû consacrer de nombreux mois à recouper des chiffres et à mener des investigations sur place pour connaître le nombre de lits disponibles. Il importe donc de mettre en place un recensement en temps réel des lits disponibles sur l’ensemble du territoire, de développer des outils pour évaluer l’effectif nécessaire pour les soins des patients et de mieux adapter la gestion des ressources aux réalités de chaque territoire.

À l’avenir, les effets du vieillissement de la population empêcheront de poursuivre la réduction du nombre de lits. Il sera nécessaire de recourir davantage à l’ambulatoire et de mieux coordonner les professionnels de santé pour fluidifier les parcours de soins. Même avec un taux d’ambulatoire atteignant 80 %, nous ne pourrions libérer qu’un tiers des lits supplémentaires nécessaires en raison du vieillissement de la population.

La troisième et dernière partie de ce rapport concerne l’amélioration de la qualité de la dépense sociale. Cette section débute par l’examen de la qualité du service rendu aux usagers par les caisses de sécurité sociale. Les usagers perçoivent une dégradation de cette qualité, en grande partie due à la complexité croissante des démarches administratives qu’ils doivent entreprendre. Les temps d’attente augmentent également. Dans la branche maladie, un appel téléphonique sur deux n’aboutit pas, après un temps moyen d’attente de dix minutes, ou tombe sur une boîte vocale recommandant de rappeler plus tard. Les délais de traitement continuent à s’allonger, générant de nombreuses réclamations. Pire encore, les réponses fournies par les caisses sont souvent erronées : deux tiers des réponses des caisses d’assurance maladie sont incorrects, selon les chiffres de l’assurance maladie elle-même.

Nous appelons donc à un véritable saut qualitatif, afin de porter une plus grande attention aux usagers. Cela implique de les aider davantage dans l’utilisation des outils numériques, de lutter contre le non-recours aux prestations et d’améliorer la performance des plateformes téléphoniques.

Nous avons consacré deux chapitres au domaine du numérique en santé. Le premier concerne « Mon espace santé », projet relancé en 2019 après plusieurs échecs du dossier médical partagé. Principalement composé du dossier médical partagé, ce nouvel espace numérique a été enrichi d’autres composantes. Il s’agit d’un projet coûteux, dépassant les 700 millions d’euros, mais porteur d’améliorations significatives pour la prise en charge des patients, notamment en matière de prévention et de télésurveillance médicales. Toutefois, de nombreuses contraintes en matière de sécurité des données pèsent sur ce projet. L’alimentation par les professionnels de santé est également très inférieure aux objectifs. Nous formulons donc des recommandations pour convaincre les médecins de l’utiliser et recueillir l’adhésion du grand public.

Le second chapitre numérique est consacré au Système national des données de santé (SNDS). Il s’agit d’une base de données principalement issue de l’assurance maladie, des séjours hospitaliers et des causes médicales de décès. La plateforme des données de santé, également appelée Health Data Hub, est chargée de mettre ces données à disposition de la recherche et des acteurs économiques.

Avec l’intelligence artificielle, les potentialités du SNDS ont été considérablement augmentées. Cependant, nous constatons que cette base de données reste sous-exploitée et que la procédure d’accès pour les chercheurs est anormalement lourde et longue. Il est impératif de lui insuffler un nouvel élan en résolvant d’abord la question essentielle de l’hébergement des données, actuellement bloquée faute d’entreprises européennes capables de répondre aux besoins pour les fonctionnalités avancées liées à l’intelligence artificielle. Un rapport récent remis au Gouvernement estime qu’une solution européenne sera disponible d’ici 2026. Cela nous semble très optimiste. Il serait donc souhaitable que l’assurance maladie fournisse une copie de la base principale du SNDS à un hébergeur relevant du droit de l’Union européenne pour répondre aux fonctionnalités requises pour les traitements simples ne nécessitant pas l’intelligence artificielle. Ce serait un premier pas pour sortir de la situation de blocage actuelle. Il est également nécessaire de réduire les délais de mise à disposition des données et de continuer à enrichir le SNDS.

Les deux derniers chapitres de notre rapport se concentrent chacun sur une branche différente. Nous avons d’abord examiné la retraite des professions libérales, qui représentait 7,2 milliards d’euros de pensions en 2022. Leur gestion est assurée par une caisse tête de réseau, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, et par ses dix sections professionnelles. Ces dernières ont conservé une très large autonomie, ce qui leur permet de se maintenir en dehors des règles communes des organismes de sécurité sociale. Cette organisation est complexe et fragmentée. La caisse nationale n’a pas de réelle capacité d’initiative et ne parvient pas à enclencher des mutualisations pourtant indispensables. En parallèle, la tutelle par les pouvoirs publics est très distante. Nous appelons donc à exploiter les gisements d’efficience qu’un rapprochement de ces organismes avec le reste de la sécurité sociale permettrait afin d’améliorer le service rendu aux assurés à moindre coût. Pour cela, un renforcement du rôle de l’État nous paraît indispensable pour redresser la situation.

Enfin, le dernier chapitre porte sur les aides accordées aux familles nombreuses comptant trois enfants et plus. Elles représentent une famille sur six et un tiers des enfants. Elles bénéficient de dispositifs fiscaux et sociaux pour un montant total que nous avons évalué à 30 milliards d’euros, stable depuis dix ans. L’essentiel relève des prestations familiales, de la majoration des pensions de retraite, du quotient familial et des aides au logement. À partir de 2012, certains avantages qui leur étaient accordés ont été limités, ce qui a affecté le pouvoir d’achat de certaines de ces familles.

Ces familles se trouvent souvent dans des situations socioprofessionnelles précaires. La proportion de non-diplômés y est plus élevée, ce qui les expose au chômage. De plus, le taux d’emploi féminin chute drastiquement à partir du troisième enfant. L’augmentation du nombre de familles nombreuses monoparentales a également contribué à accroître significativement le taux de pauvreté. Dans un contexte de baisse de la natalité, il est impératif de redéfinir les objectifs des dispositifs sociaux et fiscaux en faveur de ces familles.

En conclusion, la Cour alerte une nouvelle fois sur l’urgence pour la sécurité sociale d’entreprendre des réformes permettant d’envisager une résorption pérenne de son déficit. Dans un contexte économique où la croissance des recettes se ralentira, la maîtrise de la dépense et la qualité de cette dépense doivent constituer le fil directeur de la gestion de la sécurité sociale. L’accumulation de déficits non maîtrisés fait peser sur l’ensemble de notre système de protection sociale un risque majeur. Il convient de donner une perspective sur les conditions de résorption de la dette sociale et les modalités de son financement doivent être rapidement définies sous peine de fragiliser profondément notre système social.

Alors que la Cour est engagée, sur la proposition du Premier ministre, dans un exercice de revue des dépenses sociales qui sera rendu public fin juin, nous devons nous assurer de la qualité de cette dépense indispensable pour préserver la cohésion sociale de notre pays.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Pour la deuxième année consécutive, cette présentation intervient au moment du dépôt du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, plutôt qu’à l’automne. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans l’agenda des travaux que la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) effectue dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, que nous aurons l’occasion de présenter en juin.

Vous avez justement indiqué que le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale dépasse de 2,1 milliards d’euros les prévisions actualisées en LFSS 2024. Outre une croissance des recettes fiscales inférieures aux prévisions, vous expliquez qu’un tel écart trouve ses raisons dans la dynamique des dépenses d’assurance maladie. Vous soulignez par exemple que les dépenses d’indemnités journalières ont augmenté de plus de 50 % en cinq ans, atteignant 12 milliards d’euros en 2022. Vous proposez de diminuer la durée maximale d’indemnisation des arrêts maladie et d’augmenter le délai de carence de trois à sept jours, afin de mieux répartir la prise en charge entre la sécurité sociale, les entreprises et les assurés, après concertation avec les partenaires.

Parmi les autres propositions de maîtrise des dépenses, votre rapport suggère la mise en place d’un programme pluriannuel de régulation des dépenses, comme le demande l’ensemble des fédérations hospitalières, ainsi que des mesures concernant les contrats temporaires à l’hôpital. Pourriez-vous nous préciser ces mesures ?

Vous évoquez également la nécessité de poursuivre le virage ambulatoire, ce qui supposera une amélioration de la coordination territoriale entre les secteurs hospitaliers, médico-social et de ville.

Vous proposez en outre une méthode d’évaluation de la charge de travail des infirmiers et des aides-soignants. Cependant, vous n’évoquez pas la mise en place éventuelle de ratios infirmiers/soignants dans les établissements. Avez-vous pu examiner ce point ?

Sur le plan des recettes, vous suggérez la mise en place d’un pilotage interministériel prenant en compte la soutenabilité financière des exemptions et exonérations de cotisations sociales sur les compléments de salaires, les enjeux économiques associés et l’équité du prélèvement social. Pourriez-vous préciser la forme que pourrait prendre ce pilotage ?

Concernant les niches sociales, la révision du cadre organique de 2022 a instauré une évaluation triennale des mesures d’exonération et d’exemption de cotisations sociales, destinée à figurer dans l’annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu au premier semestre 2023, recommandait de définir le programme d’évaluation de ces niches en l’articulant avec les évaluations de la Cour des comptes et du Parlement. À ce sujet, la direction de la sécurité sociale vous a-t-elle associés aux travaux concernant cette annexe ou sollicités pour coordonner ces travaux ?

Votre rapport accorde également une place importante à la question de l’avenir de la dette sociale. Le programme de reprise de dette par la Cades, résultant des lois d’août 2020, s’achèvera cette année avec une dernière reprise de 8,8 milliards d’euros de déficit portés par l’Urssaf Caisse nationale. Vous estimiez que la trajectoire financière de la sécurité sociale est insoutenable et que, sans mesure de redressement, même une prolongation indéfinie de la Cades permettrait à peine de stabiliser la dette sociale à son niveau actuel. Pourriez-vous préciser les raisons qui vous conduisent à cette conclusion ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je cède la parole aux orateurs des groupes.

Mme Annie Vidal (RE). Nous sommes toutes et tous ici très attachés au contrôle de l’exécution et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à l’évaluation de nos politiques publiques.

Malgré les points d’alerte que vous avez évoqués, nous retenons en particulier que vous avez pu apprécier la régularité et la sincérité des comptes du régime général de la sécurité sociale, ainsi que la fidélité de l’image qu’ils donnent sur le résultat, la situation financière et le patrimoine de ce régime.

Sans revenir sur les nombreux éléments chiffrés que vous avez présentés dans un esprit de transparence et de fiabilisation des comptes de la sécurité sociale, certaines anomalies significatives et insuffisances d’éléments probants ont retenu mon attention. En effet, elles empêchent de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), comme l’an dernier, tandis que six autres comptes sont certifiés avec des réserves.

Vous préconisez ainsi de renforcer à l’avenir les moyens alloués à la conduite des chantiers de grande ampleur relatifs aux systèmes d’information et de contrôle internes, indiquant que ces difficultés de certification sont liées à des problèmes techniques. Vous notez également une amélioration depuis 2022, avec une baisse significative des anomalies de recettes.

Afin de renforcer la performance des contrôles, la capacité de détection des erreurs et d’éviter toute impossibilité de certification à l’avenir, pouvez-vous nous préciser les propositions que vous pourriez faire pour améliorer cette situation ?

Pouvez-vous également revenir sur la perte de recettes de 18 milliards d’euros liée aux compensations salariales, pour améliorer cette situation qui, à mon sens, est préjudiciable à la confiance des Français en la sécurité sociale, à laquelle nous sommes tous très attachés ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Depuis 1996, à travers les rapports d’application, et depuis 2006, avec les rapports de certification des comptes de la sécurité sociale, votre institution répète inlassablement les mêmes constats : multiples freins, manque de rigueur, manque de cohérence dans la centralisation et la gestion des comptes sociaux.

Le moindre dysfonctionnement dans ce domaine de certification, qui cette année concerne 695,5 milliards d’euros, entraîne une incertitude majeure. C’est encore le cas cette année. La branche maladie présente un déficit de 11 milliards d’euros. Cependant, comment en être certain, puisque votre rapport mentionne deux anomalies comptables et six insuffisances d’éléments probants sur un champ supérieur à 5,5 milliards d’euros ?

Parmi ces anomalies, on trouve 2,8 milliards d’euros de recours contre tiers, probablement non recouvrés, tout comme 1,3 milliard de créances de soins donnés à l’étranger, et des fraudes estimées entre 4 et 6 milliards d’euros, probablement le double.

De plus, 2,5 millions d’assurés n’auraient pas dû bénéficier de la protection universelle maladie dans les années précédentes, 10 % de fraude sur la complémentaire santé solidaire (C2S), une incertitude majeure sur la gestion de 1,2 milliard d’euros de l’aide médicale de l’État (AME), 3,1 milliards d’euros d’erreurs de remboursement de soins courants et 300 millions d’euros sur les indemnités journalières.

Vous avez par ailleurs certifié, malgré des recommandations contraires, les comptes de la branche AT‑MP, de la branche vieillesse et de divers organismes centraux. Pourtant, un dossier sur huit en matière de vieillesse et un dossier sur deux en matière d’indemnités journalières sont affectés d’erreurs.

Concernant le contrôle des organismes centraux et de recouvrement, plus de trente‑neuf observations majeures ont été formulées.

En revanche, comme l’an dernier, vous n’avez pas certifié les comptes de la branche famille, en raison de trop grandes incertitudes. En effet, 30 % des montants versés sont affectés d’erreurs non corrigées, principalement des indus, avec 20 % sur le revenu de solidarité active (RSA) et 15 % sur les aides personnalisées au logement. Cela pose évidemment un problème majeur.

La liste des dysfonctionnements est longue. Au total, cette constance dans l’approximation devient de plus en plus suspecte. Quel intérêt y a-t-il à multiplier ainsi les écueils ?

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Votre rapport est saisissant et démontre une baisse inacceptable du service public.

Une nouvelle fois, vous refusez de certifier les comptes de la branche famille en raison d’erreurs de versement des prestations sociales, telles que la prime d’activité, le RSA et les aides au logement. Les retraites sont également concernées.

Selon vous, la majorité des erreurs de versement provient du traitement des dossiers. À titre d’illustration, lors d’une récente réunion, l’intersyndicale de la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) a révélé que 10 000 dossiers seraient actuellement en souffrance au service retraite en raison du manque criant de personnel dédié. Toujours selon l’intersyndicale, de nombreux retraités sont sans ressources depuis plus de six mois. Ce Gouvernement préfère faire croire que les bénéficiaires des minima sociaux sont des fraudeurs, alors que dans la plupart des cas, il s’agit d’erreurs de saisie, ignorant ainsi le droit à l’erreur. Même le droit au reste à vivre, prévu par le code de la sécurité sociale, est bafoué. Ce constat concerne la plupart des régions de France.

Pouvez-vous chiffrer le montant des prestations sociales qui, à tort, n’ont pas été versées en 2023 et le nombre d’allocataires concernés ? À défaut, pourquoi ?

Êtes-vous en capacité d’évaluer la part des suspensions automatiques des versements suite à la détection d’un indu sans notification ? Dans quelle mesure les erreurs de saisie des allocataires entraînent-elles un indu ?

Recommandez-vous l’abandon de l’usage du data mining discriminatoire et entraînant une automaticité du contrôle ?

M. Stéphane Viry (LR). L’ordre du jour de notre commission ce matin revêt une importance capitale pour notre système de protection sociale.

Vous avez appelé, à travers vos propos, à une reprise en main ferme et claire. Vous avez également souligné, dans vos observations et vos travaux de certification, un pilotage défaillant, avec des artifices utilisés depuis longtemps pour masquer des situations ou pour laisser perdurer des pratiques préjudiciables à la solidité et à la fiabilité de notre système de protection sociale.

Concernant l’équilibre général, l’année 2023 affiche des résultats insuffisants. Vous avez indiqué que 2024 serait une mauvaise année, avec un creusement du déficit au-delà de l’objectif. En 2027, nous nous dirigeons vers une dette sociale non maîtrisée, avec le risque d’une faillite du système. Peut-on parler d’insincérité dans les prévisions soumises à notre appréciation et à nos votes à l’automne dernier ?

Peut-on déduire le sous-financement chronique de notre protection sociale de défaillances de choix politiques et d’omissions, sachant que les décisions politiques nécessaires pour sauver la sécurité sociale ne sont pas prises ?

Vous n’avez pas mentionné le cas des travailleurs indépendants bien que vous ayez dû certifier les comptes du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). En lien avec la qualité de la dépense sociale, nous avons constaté une détérioration au détriment des usagers. L’une des raisons politiques de la création du Régime social des indépendants (RSI) consistait à assurer plus de transparence et de fiabilité pour les commerçants et les artisans. Pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La qualité de ce rapport éclairera également la Mecss dans le cadre de ses travaux sur la dette sociale.

La santé des Français se dégrade. Le taux d’affections de longue durée a augmenté de 4 % et celui des maladies chroniques de 6 %. Par ailleurs, le système de santé ne parvient plus à répondre aux besoins de l’ensemble des Français, face aux défis démographiques qui se profilent.

Le déficit, inévitablement creusé, s’élève aujourd’hui à 11 milliards d’euros et pourrait atteindre 17 milliards d’euros en 2025. En tant que législateurs, nous avons une part de responsabilité dans cette situation. Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous ne votons pas un budget, mais un objectif de dépenses, systématiquement dépassé, car nous ne prenons pas en compte les besoins réels de santé. Le déficit résulte-t-il d’un problème conjoncturel, comme durant les années covid, ou plutôt d’un problème structurel lié à un sous-financement des besoins et à une absence d’arbitrage concernant les dépenses ? Vous chiffrez ce sous-financement à 9 milliards d’euros.

Une refonte de notre système de santé s’impose. La santé ne se résume pas aux soins. Depuis des décennies, nous produisons et consommons toujours plus de soins sans outils efficaces de régulation. Vous le démontrez. Plutôt que de produire toujours plus de soins, ne devrions-nous pas investir davantage dans la prévention pour stabiliser l’augmentation des maladies chroniques et ainsi sauver notre système de santé ?

Que proposez-vous pour responsabiliser chaque acteur du soin et de la prévention ? Les acteurs incluent les offreurs de soins, les hôpitaux publics et privés, les professionnels de santé, les acteurs du médicament, les financeurs, les organismes obligatoires ou complémentaires, ainsi que les patients ou futurs patients. Une enveloppe nationale de dépenses, une sorte de « règle d’or », ne pourrait-elle pas constituer une solution face à ces déficits chroniques ?

M. Paul Christophe (HOR). Je vous remercie de nous permettre d’échanger aujourd’hui sur les rapports de certification des comptes du régime général de sécurité sociale et du CPSTI pour l’exercice 2023, ainsi que sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce dernier document est particulièrement éclairant quant à notre capacité à maîtriser et prévoir les dépenses de la sécurité sociale dans un contexte de demande croissante de soins et de pression financière accrue. Il souligne la nécessité de poursuivre les réformes engagées pour assurer la viabilité à long terme de notre système.

Vous avez également mis en exergue l’importance d’améliorer l’information du Parlement concernant la situation financière des hôpitaux. Les informations fournies jusqu’à présent se révèlent insuffisantes pour une évaluation précise. La nouvelle annexe au PLFSS introduite en 2022 vise à mieux informer le Parlement, mais elle nécessite encore des enrichissements pour offrir une vision complète.

Le chapitre 7 du rapport aborde la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Si des mesures législatives et administratives commencent à produire des résultats sur le terrain, il est nécessaire de changer d’échelle afin de tarir les sources de fraude systémique et renforcer les contrôles. Vous avez évoqué notamment la question des arrêts maladie.

Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par un « changement d’échelle » dans la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, en particulier concernant les actions nouvelles à entreprendre et les améliorations à apporter aux mécanismes de contrôle existants, qu’il s’agisse de l’augmentation des moyens dédiés à la lutte contre la fraude ou du renforcement des sanctions ?

M. Arthur Delaporte (SOC). Votre mission revêt une importance particulière puisqu’elle permet de contrôler de manière indépendante les compétences de gestion du Gouvernement et par conséquent, l’utilisation de l’argent public.

Il est préoccupant de constater que l’impossibilité de certifier les comptes de la branche famille n’est pas anodine.

Pour la première fois, le déficit de la sécurité sociale dépasse les remboursements annuels de la Cades. Si la maîtrise de la trajectoire de la dette sociale échappe désormais à l’État, cela signifie-t-il que les recettes de la sécurité sociale ont été compromises par l’État ?

Par ailleurs, la Cour des comptes indique que le montant des erreurs non corrigées pour les actions de contrôle interne demeure élevé. En effet, 5,5 milliards d’euros de versements indus, ainsi que des prestations non versées à tort, ont été constatés à la fin de 2023 et ne seront jamais régularisés. Ces erreurs représentent 7,4 % du montant des prestations, touchant notamment le RSA, la prime d’activité et les aides au logement. Un quart des montants versés au titre du RSA est entaché d’erreurs. Alors que le Gouvernement a engagé une réforme du RSA qui risque de précariser davantage les allocataires, comment remédier à cette situation ?

De plus, deux tiers des réponses des caisses – d’assurance maladie, de retraite ou d’allocations familiales – aux usagers sont erronés. Comment y remédier également ? Alors même que le Gouvernement contribue à la dégradation de nos droits sociaux, sa réforme du RSA pourrait aggraver cette situation. Comment envisagez-vous l’évolution de la situation ?

Enfin, disposez-vous de projections de stabilisation des données pour 2024 ? Existe‑t‑il un engagement des différentes caisses, en particulier des caisses d’allocations familiales (CAF), pour corriger ces trajectoires éventuelles ?

Je vous remercie pour ce travail d’utilité publique qui met en lumière la faiblesse ou l’affaiblissement de notre État social.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les rapports présentés aujourd’hui révèlent un constat amer, à savoir que le Gouvernement demeure incapable de proposer un programme pluriannuel définissant les dépenses nécessaires pour faire face au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques. De plus, il échoue à nous fournir une photographie fidèle des comptes de la sécurité sociale. Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes ne peut certifier les comptes 2023 de la branche famille, malgré les contrôles internes.

Nous faisons face à une somme colossale de 5,5 milliards d’euros de dossiers non régularisés, dont un cinquième des prestations de RSA entachées d’erreurs non corrigées. Il ne s’agit pas seulement d’erreurs comptables et d’insincérité budgétaire. Ces prestations non versées, pourtant dues aux bénéficiaires, engendrent des jours d’angoisse pour boucler dignement les fins de mois ou maintiennent un niveau de vie précaire qui aurait pu s’améliorer en cas de non-recours, touchant 30 à 40 % des aides. L’automaticité du versement des prestations pourrait-elle éviter ces erreurs ? Une augmentation du personnel dans les caisses aurait-elle un impact positif sur la régularisation des dossiers ?

Votre rapport indique également qu’un huitième des 885 000 nouvelles retraites versées en 2023 comportent des erreurs, touchant ainsi 110 000 personnes sans qu’elles en soient nécessairement conscientes. Pourriez-vous nous éclairer sur l’impact de la réforme des retraites sur l’augmentation des erreurs de versement ? Ces erreurs sont-elles susceptibles d’augmenter davantage en 2024 ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

M. Éric Alauzet (RE). La Cour des comptes a été dans l’impossibilité de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf pour l’exercice 2023. Elle avait déjà refusé de certifier les comptes de la branche famille pour l’exercice 2022, en se fondant sur une anomalie significative et six insuffisances d’éléments probants. Ces insuffisances concernaient le cadre général du contrôle interne, les erreurs affectant les prestations légales dues à une fiabilité insuffisante des données déclaratives, les erreurs résiduelles et les données déclaratives non corrigées après contrôle interne, les erreurs internes à la Cnaf affectant les prestations légales, les erreurs affectant les prestations extralégales d’action sociale et le recouvrement des indus sur prestations.

Pour l’exercice 2023, bien que l’anomalie significative ne soit pas reconduite, les six insuffisances d’éléments probants persistent. Par exemple, si l’indicateur de risque résiduel relatif aux données déclarées à vingt-quatre mois se stabilise, il demeure néanmoins à un niveau élevé. De plus, l’indicateur de risque résiduel relatif aux données entrantes à neuf mois montre une dégradation, atteignant 10,9 % des prestations versées en 2023 contre 9,9 % en 2022.

Pensez-vous que la mise en place de la solidarité à la source, prévue pour 2025, pourrait permettre de remédier à ces insuffisances et erreurs grâce au préremplissage, afin de permettre à la Cour de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf ?

M. Thibault Bazin (LR). Votre présentation met en lumière la situation préoccupante de nos comptes sociaux, menaçant la pérennité de notre système de protection sociale. Cela survient alors que nous devons faire face à des défis majeurs tels que la baisse drastique de la natalité et le vieillissement de la population. La trajectoire budgétaire décrite dans votre rapport est très alarmante, montrant des déficits qui se creusent après 2024, sans perspective de retour à l’équilibre ni de stabilisation, nous conduisant vers une dette insoutenable.

Vous avez expliqué l’impossibilité de certifier à nouveau la branche famille en raison de l’insuffisance du contrôle interne. Bien que vous ayez indiqué une évolution favorable en 2023 sur plusieurs aspects, ces progrès ne se traduisent pas dans la comptabilité. Quels sont les aspects qui n’ont pas évolué ? Concrètement, quelles traductions des indicateurs de risque d’incidence financière attendez-vous en 2024 pour pouvoir certifier à nouveau les comptes ?

Dans le chapitre 13, consacré aux aides aux familles nombreuses, vous évoquez les coûts indirects liés à l’enfant, constitués de pertes de revenus et d’occasions d’évolution professionnelle manquées, affectant les parents ayant choisi de libérer du temps pour s’occuper de leurs enfants. Vous indiquez que ces coûts sont plus importants à partir du troisième enfant. Vous révélez que plusieurs mesures ont réduit les avantages fiscaux accordés aux familles ces dernières années, notamment par l’abaissement du plafond du quotient familial.

Vous mentionnez également que la base mensuelle des allocations familiales, servant au calcul de la plupart des prestations de la branche famille, a été sous-indexée en 2015, 2019 et 2020. En conséquence, entre 2011 et 2021, nous avons observé une augmentation de 5 %, alors que les prix ont progressé de 8 %. Cette sous-indexation a permis une économie de 1 milliard d’euros, dont la moitié a été supportée par les familles nombreuses. Certaines réformes des prestations de garde des jeunes enfants ont été défavorables à ces familles. En 2015, la durée de la prestation partagée d’éducation de l’enfant et le nombre de demandeurs ont été réduits, faisant passer la dépense de 2 milliards d’euros en 2013 à 730 millions d’euros en 2021.

Dans quelle mesure les évolutions récentes ont-elles diminué les compensations de ces désavantages constatés ?

Mme Isabelle Valentin (LR). Le rapport de la Cour des comptes est préoccupant, car elle certifie avec réserves les comptes de 2023 pour quatre des cinq branches et ne certifie pas la branche famille.

Face aux dépenses croissantes liées à la perte d’autonomie des personnes âgées, le Gouvernement a créé une cinquième branche consacrée à l’autonomie au sein du régime général de sécurité sociale, création entrée en vigueur le 12 mai 2022. Cette branche spécifique devait permettre d’identifier des recettes et des dépenses afin de mettre en évidence l’effort national à consentir pour le grand âge et le handicap.

Pour l’exercice 2023, les comptes de la branche autonomie sont déficitaires pour la première fois, avec un déficit de 574 millions d’euros, contre un excédent de 240 millions d’euros en 2022. Dans ce contexte financier difficile, l’adoption d’une véritable loi « autonomie et grand âge » semble de plus en plus illusoire.

La proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie, débattue l’année dernière, ne répondait en rien aux attentes des professionnels de santé à domicile, des personnes âgées et des familles. Ainsi, renoncer à une véritable loi « grand âge et autonomie » relève-t-il d’un choix purement financier, dont nos aînés sont aujourd’hui les principales victimes ? Quand une réflexion sur le financement du grand âge et de la perte d’autonomie sera-t-elle engagée ?

Mme Justine Gruet (LR). Le nombre de personnes en perte d’autonomie et en situation de handicap, qu’il s’agisse de l’âge, de la maladie ou d’une vulnérabilité, ne cesse de croître, augmentant ainsi la demande de services de soutien. Les besoins et les ressources, qui déterminent le reste à charge pour la personne, varient considérablement d’un territoire à l’autre, créant des disparités dans l’accès et la qualité des services d’aide à la personne. Cela dépend également du niveau de dépendance et des revenus, ce qui n’est pas le cas dans le secteur de la santé, sauf en raison du manque de professionnels.

Les montants pris en charge par les départements français, en complément des aides nationales, contribuent notamment à cette disparité. Concernant l’allocation personnalisée d’autonomie, les départements sont libres de pratiquer des taux de remboursement à leur guise. En conséquence, on constate des écarts significatifs pouvant atteindre presque 10 euros de l’heure.

N’ayant reçu votre rapport 2023 que tardivement hier soir, je fonde mon propos sur des chiffres de 2022. 184 milliards d’euros annuels sont alloués à la branche maladie de la sécurité sociale contre seulement 35,4 milliards d’euros pour la branche autonomie. Comment pouvons-nous rééquilibrer les montants entre ces deux branches, d’autant que certaines hospitalisations pourraient être évitées par un maintien à domicile, souvent souhaité par les patients ? En somme, il s’agirait de moins d’hospitalisations et de médicalisations pour un meilleur accompagnement à domicile.

Il est par ailleurs essentiel de souligner l’importance d’une loi de programmation pluriannuelle pour la prise en charge de la perte d’autonomie.

Il est urgent, à mon sens, de repenser l’organisation du système d’accompagnement, avec un volet spécifique sur les besoins exprimés par les populations vieillissantes ou en situation de perte d’autonomie. D’ici 2050, nous compterons plus de 4 millions de seniors en perte d’autonomie contre environ 2,5 millions actuellement. Comment pouvons-nous créer des mécanismes de financement innovants pour répondre aux besoins diversifiés et croissants de notre population ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Le rapport que vous avez rédigé sur notre système de protection sociale devrait provoquer une prise de conscience chez chacun d’entre nous, indépendamment de nos sensibilités politiques.

Ce rapport met en lumière les ressources manquantes et l’inefficacité générale d’un système qui génère des dépenses en forte augmentation sans atteindre ses objectifs, comme en témoignent les ressentis de nos concitoyens. À mon sens, des mesures structurelles s’imposent.

Comment avez-vous analysé et identifié les blocages des données de santé du Health Data Hub, notamment concernant l’accès aux entrepôts de données hospitaliers, qui semblent peu partagées ?

La question des serveurs, bien que vous ne l’ayez pas mentionnée explicitement, soulève également le problème de l’implication de l’entreprise Microsoft dans la gestion des données.

Par ailleurs, je constate des blocages du côté de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, compréhensibles, mais surmontables avec des données anonymisées. La qualité exceptionnelle de nos données, reconnue mondialement, pourrait permettre de tirer des enseignements significatifs pour optimiser notre système de santé, qui en a grand besoin.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La sécurité sociale connaît des difficultés récurrentes, marquées par une augmentation des dépenses, notamment en raison du covid. Nous avons pris certaines habitudes pendant cette période et nous faisons face aujourd’hui à une diminution préoccupante des recettes.

Nous envisageons une déclaration sur l’honneur des arrêts de travail, mais nous rencontrons des difficultés avec les jours de carence. De plus, des arrêts de travail pour douleurs menstruelles ont été proposés. Quelle solution proposez-vous face à cette augmentation constante des arrêts de travail au fil des années ?

Par ailleurs, nous disposons de chiffres sur les fermetures définitives de lits, mais depuis des années, nous demandons des éclaircissements sur les fermetures liées aux congés annuels ou au manque de personnel, qui deviennent de plus en plus fréquentes. Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer cette situation et adapter les besoins en personnel en fonction de ces fermetures de lits ?

Enfin, une réflexion ne serait-elle pas nécessaire quant à la protection sociale que nous souhaitons pour les dix prochaines années, en tenant compte de la démographie vieillissante et de l’augmentation des demandes de soins ? Il est essentiel de mettre en adéquation nos dépenses et nos recettes et de les prioriser en conséquence.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Les conclusions de la Cour des comptes sur la certification des comptes de la sécurité sociale pour l’exercice 2023 sont extrêmement préoccupantes. Le refus de certifier les comptes de la branche famille pour la deuxième année consécutive et les réserves émises pour les quatre autres branches révèlent des failles significatives dans notre système. Il est particulièrement alarmant de constater que les recouvrements des indus et des fraudes sont largement insuffisants par rapport aux montants en jeu. Pour la branche famille, 5,5 milliards d’euros de prestations ont été versés à tort, sans recouvrement, représentant 7,4 % du montant total des prestations versées. Le taux de recouvrement des indus frauduleux dans cette même branche est de seulement 4,8 %, ce qui représente une perte de 3,7 milliards d’euros.

Pour la branche maladie, le montant du taux de recouvrement réel des indus frauduleux s’élève à 287 millions d’euros, correspondant à seulement 17 % de la somme totale versée à tort.

En ce qui concerne l’AME, le rapport indique que les erreurs d’attribution ne sont ni notifiées ni suivies de fermetures de droits. En cas d’incidence financière, aucun indu n’est donc signifié.

Face à ce constat alarmant, il est impératif d’explorer toutes les marges de progression possibles pour améliorer le recouvrement des sommes indûment versées. La préservation de notre modèle social en dépend.

Pouvez-vous nous expliquer les principaux défis rencontrés dans le recouvrement des prestations indûment versées à des bénéficiaires résidant en France, mais également à l’étranger ? Quels sont les leviers spécifiques pour augmenter ce taux de recouvrement, notamment dans les branches famille et maladie, où les montants atteignent des sommets ?

M. François Gernigon (HOR). Madame la présidente, vous mentionnez la réduction du nombre de lits à l’hôpital, en évoquant la nécessité de définir un plan d’action afin de limiter les hospitalisations évitables des personnes âgées de plus de 75 ans. Sur le terrain, certains services hospitaliers sont engorgés, car 40 à 50 % des lits sont occupés par des personnes âgées qui n’ont pas obligatoirement besoin d’être hospitalisées.

Avez-vous chiffré le coût annuel de ces hospitalisations évitables, sachant qu’une journée d’hospitalisation coûte environ 1 500 euros ? Ce coût pourrait être comparé à celui de l’organisation et du renforcement du virage domiciliaire, c’est-à-dire le maintien à domicile, qui est le souhait des personnes en perte d’autonomie.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je souhaite évoquer un instrument qui a été quelque peu survolé, mais qui me semble important, car il n’est pas neutre, à savoir le data mining, mentionné aux pages 76 et 82 de votre rapport.

Pour rappel, le data mining consiste à élaborer des modèles statistiques prédictifs. On observe des données passées, on analyse un ensemble de données et on en tire des conclusions pour anticiper les événements futurs. Ce principe général est notamment appliqué dans la branche famille, avec pour objectif de cibler des incohérences, souvent des erreurs de saisie. Dans la majorité des cas, ces incohérences ne sont pas intentionnelles. Il s’agit d’examiner le décalage entre les attentes et les observations réelles. À partir de ce décalage, on calcule des scores de risque, identifiant les populations où ce décalage est fréquent par rapport à celles où il l’est moins. Cela conduit à des suspensions directes d’allocations et de versements, non pas en raison de fraudes, mais à cause d’un écart entre les attentes et les observations. Ce dispositif présente un risque réel de dérive vers une dystopie, avec ce que l’on appelle couramment des discriminations algorithmiques. En l’occurrence, 32 millions de personnes sont inscrites dans les CAF, soit la moitié de la population française exposée à un tel traitement. Les scores de risque sont aujourd’hui clairement discriminatoires.

Si vous êtes une mère seule, vous avez 30 % de risque supplémentaire de faire l’objet d’un contrôle. Si vos revenus sont inférieurs à 500 euros par membre du foyer, ce risque augmente de 35 %. En situation de handicap, le risque supplémentaire est de 20 %.

Les contrôles ne sont donc pas répartis en fonction des fraudes observées, mais en fonction des erreurs de saisie. En se concentrant sur les personnes commettant des erreurs de saisie, on leur impute des fraudes sans examiner les autres cas. Cet outil me semble donc extrêmement problématique. Il ne respecte pas les principes généraux de notre droit en matière d’égalité de traitement des populations. Je suis personnellement convaincu qu’il est nécessaire de l’abandonner. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Le rapport met en lumière une dégradation sans précédent d’un service public autrefois source de fierté pour la France. L’incapacité à certifier les comptes, notamment ceux de la branche famille, illustre parfaitement la situation actuelle. L’État a semble-t-il délibérément dépouillé les recettes de la sécurité sociale.

Avec le manque flagrant de moyens budgétaires et humains, les erreurs se multiplient, particulièrement dans les territoires d’outre-mer, aggravant ainsi la précarité de personnes et de familles déjà défavorisées. De nombreux compatriotes renoncent même à solliciter des prestations auxquelles ils ont droit.

Quelles mesures spécifiques préconisez-vous pour remédier à la lente agonie de la sécurité sociale et du système de santé, notamment dans les outremers ?

M. Philippe Frei (RE). Les éléments de ce rapport sont essentiels pour notre commission afin de mieux appréhender la situation des différents comptes sociaux.

S’agissant de la certification avec réserves de la branche autonomie, la synthèse du rapport mentionne des erreurs affectant une partie des enregistrements comptables. Plus précisément, l’établissement des comptes de la branche gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est perturbé par un dysfonctionnement de son logiciel comptable. Ce problème récurrent engendre une incertitude quant à l’intégrité des écritures comptables en 2023. En effet, ce logiciel ne permet pas de produire les états financiers ni d’assurer la traçabilité de certaines opérations, ce qui pourrait expliquer en partie le déficit de la branche en 2023, estimé à 600 millions d’euros. À un moment où nous devons impérativement moderniser nos outils numériques pour améliorer la gestion de nos finances publiques, avez-vous eu l’occasion de discuter de ce sujet avec les représentants de la CNSA ? Quelles actions recommandez-vous pour résoudre ce problème de manière durable ?

Mme Véronique Hamayon. S’agissant des indemnités journalières relatives aux arrêts maladie, j’ai mentionné que ces dépenses ont considérablement augmenté depuis 2017, avec une hausse de plus de 50 %, soit 12 % par an en moyenne. Je vous ai présenté un schéma qui identifiait les raisons principales de cette augmentation. Il montrait notamment la part des arrêts liés au covid, mais également l’effet prix, c’est-à-dire l’augmentation des rémunérations entraînant une hausse des indemnités journalières. L’effet volume, lié à la population active, et un effet de périmètre contribuent également à cette augmentation, ainsi que d’autres facteurs non identifiés représentant plus de 850 millions d’euros.

Les principaux facteurs d’augmentation sont donc l’effet prix sur les salaires, expliquant 730 millions d’euros d’augmentation, l’effet volume et les effets démographiques, représentant 240 millions d’euros et le changement de périmètre pour 370 millions d’euros. L’effet covid, quant à lui, pèse 1,7 milliard d’euros, ce qui est très significatif. Hors effet covid, les dépenses auraient tout de même augmenté à un rythme rapide, très supérieur à l’inflation, avec une moyenne de 7 % par an entre 2017 et 2022.

Afin de maîtriser ces dépenses, nous avons identifié quatre pistes majeures d’économies.

Premièrement, une simplification de la réglementation, notamment pour les cas complexes, afin de réduire les coûts de gestion administrative, estimés aujourd’hui à plus de 400 millions d’euros pour les seules indemnités journalières maladie. Il est donc nécessaire de rechercher des économies dans cette charge administrative en simplifiant le calcul de référence, surtout pour les personnes ayant eu une succession de contrats ou n’étant pas sous contrat salarié.

Deuxièmement, il est crucial d’améliorer les outils de lutte contre la fraude, qui n’est pas suffisamment efficace, notamment en ce qui concerne les arrêts de travail. Le meilleur moyen consiste à abandonner définitivement l’usage des arrêts de travail papier. Il est impératif que les médecins effectuent l’intégralité de leurs prescriptions d’arrêts de travail via le téléservice actuellement disponible : son utilisation est théoriquement obligatoire, mais en réalité, elle n’est pas encore généralisée. Il est essentiel d’atteindre le plus rapidement possible un taux d’utilisation de 100 %. Les outils sont disponibles ; il suffit que les médecins se mobilisent pour télétransmettre, ce qui permettra d’éradiquer une grande partie de cette fraude.

Pour lutter contre les arrêts de travail de complaisance, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a mis en place de nouveaux outils permettant de cibler les profils de médecins surprescripteurs, c’est-à-dire ceux qui prescrivent bien au-delà de la moyenne nationale ou régionale. Cela nécessite un dialogue entre la Cnam et les représentants des professions médicales, ainsi qu’un dispositif de sanction graduée qui n’est pas suffisamment appliqué aujourd’hui.

Une troisième piste consiste à revoir la durée maximale d’indemnisation. Les progrès médicaux étant significatifs, il est légitime de penser que réduire, par exemple, de trois à deux ans la durée maximale d’indemnisation, à condition de mettre en place parallèlement un dispositif d’accompagnement pour les pathologies de longue durée, pourrait être envisagé.

La quatrième piste d’économies que nous proposons réside dans la possibilité d’une autodéclaration des arrêts de travail pour les maladies de courte durée, à condition que cela soit assorti de la mise en place d’un ou deux jours de carence d’ordre public, c’est-à-dire ni indemnisés ni indemnisables. Cela n’entraînerait pas immédiatement des économies pour la sécurité sociale et pourrait même représenter un coût, car le jour non indemnisé et non payé par les employeurs se traduirait par une absence de cotisations pour ce jour non travaillé et non payé, donc une moindre recette pour la sécurité sociale. À court terme, cela représenterait plutôt une perte de recettes pour la sécurité sociale et une perte de revenus pour les salariés. En revanche, les entreprises en bénéficieraient, économisant ainsi 1 milliard d’euros grâce à l’instauration d’un jour de carence d’ordre public. Ce milliard d’euros pourrait être reversé à la sécurité sociale. Ainsi, elle récupérerait le gain réalisé par les entreprises, soit par une réduction du taux de prise en charge des indemnités journalières, qui pourrait passer de 50 % à 45 %, soit par un report du début de la prise en charge par l’assurance maladie, par exemple, du quatrième au huitième jour, afin de compenser ce milliard. Il s’agit de trouver des mécanismes, mais nous pensons qu’il y a une piste à explorer. Nous invitons donc le Gouvernement à y réfléchir.

Concernant les niches sociales, les exemptions et exonérations sur les compléments de salaires sont actuellement noyées dans la masse des niches sociales. Il serait nécessaire qu’elles fassent l’objet d’un suivi et d’une analyse particulière, tant leurs effets sur les finances sociales et sur l’équité du prélèvement sont significatifs. Il est essentiel que vous, parlementaires, et les citoyens que vous représentez, soyez informés du dynamisme des dépenses et des manques à gagner pour la sécurité sociale engendrés par ces niches sur les compléments de salaires. Nous sollicitons une transparence accrue sur ces sujets et souhaitons que les évolutions que nous mettons en lumière dans ce chapitre soient actualisées dans les annexes de la LFSS. Cela permettrait de soutenir les décisions prises en conséquence, notamment concernant le cumul des dispositifs d’épargne salariale et la concentration de leurs bénéfices. J’ai souligné précédemment les problèmes d’inégalité entre les entreprises et les salariés bénéficiaires de ces niches sociales.

Sur le même sujet des niches sociales, il convient de rappeler que les travaux menés par l’IGF et l’Igas diffèrent de ceux de la Cour, car ils suivent un programme de contrôle triennal. Ces inspections sont chargées d’examiner l’ensemble des niches sur trois ans, chaque année par tiers. Nous avons échangé informellement avec l’Igas et l’IGF à ce sujet, mais nos approches demeurent distinctes. Nous, nous prêtons une attention particulière aux niches sociales pour évaluer leurs coûts et leurs effets et les porter à la connaissance des citoyens, notamment en ce qui concerne les finances sociales.

Concernant la dette sociale, je confirme les propos de Mme la rapporteure générale et je valide son analyse. Les ressources de la Cades s’amenuiseront en 2024 et 2025. Son excédent, qui dépassait 18 milliards d’euros au 31 décembre 2023, sera réduit à 16 milliards d’euros en 2024 en raison du transfert d’une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) à la CNSA. Cet excédent continuera à se réduire à partir de 2025, notamment parce que la contribution versée par le FRR passera de 2,1 milliards à 1,45 milliard d’euros.

Par ailleurs, le déficit de la sécurité sociale augmentera, toutes choses égales par ailleurs, et dépassera 17 milliards d’euros en 2027. Si aucune mesure n’est prise, ce déficit dépassera la capacité d’amortissement de la Cades, entraînant une nouvelle augmentation de la dette sociale sans perspective de retour à l’équilibre. C’est pourquoi nous avons évoqué des points de bascule en 2027.

S’agissant des questions relatives à la certification et aux anomalies significatives que nous avons identifiées, nous accompagnons également les organismes lors de la certification. Les travaux engagés par la Cnaf, par exemple, à la suite de la non-certification de l’année dernière, ont permis des progrès. Les équipes de certification ont constaté des avancées réelles, bien qu’elles ne se traduisent pas encore dans les comptes. Il s’agit notamment de développer et de fiabiliser les déclarations de ressources, qui sont à l’origine de nombreuses erreurs, qu’elles soient produites par les assurés ou par les employeurs. Le dispositif de ressources mensuelles, désormais en place, commence à porter ses fruits et nous observons une fiabilisation croissante de ces déclarations de ressources. Par ailleurs, la Cnaf et la branche famille ont intensifié les contrôles, notamment en termes d’efficacité financière, sur un certain nombre de dossiers à risque.

Je souhaite également revenir sur les provisions que nous avons estimées trop importantes, notamment les provisions pour risques contentieux. Il n’existe pas de manipulation délibérée des comptes, mais simplement une appréciation différente du risque entre l’Acoss ou l’assurance maladie et la Cour des comptes.

Concernant la branche maladie, nous n’avons pas approuvé la modification du mode de calcul de la provision pour risque lié aux contentieux sur les médicaments. Ce changement par rapport aux années précédentes n’est pas acceptable pour nous. Nous aurions souhaité que les mêmes modalités de calcul que celles de 2022 soient appliquées. Or cela n’a pas été le cas et la provision pour risque a été abaissée de 90 % à 30 %, réduisant la provision à 1 milliard d’euros, ce qui est insuffisant.

S’agissant du data mining, il est important de préciser que cette méthode n’est pas utilisée uniquement par la branche famille, mais également par la branche maladie et les autres branches de la sécurité sociale. Nos rapports sur la lutte contre la fraude montrent que l’instauration du data mining a significativement amélioré l’identification de la fraude. En effet, au lieu de travailler sur des échantillons aléatoires, les caisses se concentrent sur des échantillons ciblés a priori grâce au data mining, ce qui augmente considérablement les rendements des contrôles par rapport aux échantillons aléatoires. La Cour des comptes considère le data mining comme un outil efficace de lutte contre la fraude. Il est également crucial de noter que nous estimons que 75 % de la fraude proviennent des professionnels de santé et non des assurés sociaux. Cette estimation inclut l’ensemble des professionnels de santé, y compris les transporteurs sanitaires.

Il est incorrect de parler d’« insincérité » des comptes ou des prévisions et hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent les perspectives du Gouvernement, bien que nous considérions ces hypothèses comme optimistes. Le Haut Conseil des finances publiques partage cette opinion. Néanmoins, il semble que l’évolution de la masse salariale pour le premier trimestre 2024 soit légèrement supérieure aux prévisions, bien que cette information ne soit pas encore officiellement confirmée. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une mauvaise surprise, mais également d’une bonne surprise. Il est donc inapproprié de parler d’insincérité.

Concernant le sous-financement chronique de la protection sociale, cela soulève un problème beaucoup plus vaste. Une réflexion sur une nouvelle répartition des efforts entre les assurés, les professionnels de santé, l’assurance maladie obligatoire et les assurances maladie complémentaires semble nécessaire. Cette question mérite d’autant plus d’être posée que le vieillissement de la population aura un impact significatif sur les comptes de la sécurité sociale. J’ai mentionné précédemment l’impact du vieillissement de la population sur le nombre de lits disponibles, mais il importe également de considérer l’impact sur les dépenses. Si les conditions actuelles perdurent, le seul effet du vieillissement de la population entraînera une augmentation de 13 milliards d’euros en 2030 et de 27 milliards d’euros en 2040. Nous faisons donc face à un problème majeur. Le déficit actuel n’est pas résorbé et les hypothèses du Gouvernement visent à stabiliser ce déficit, non à l’éliminer. La Cour des comptes a tenté de simuler des scénarios de résorption de ce déficit, mais l’effort nécessaire pour la société française est considérable et ne correspond probablement pas au calendrier gouvernemental d’ici à 2027. Si l’on ajoute les dépenses liées au vieillissement de la population, les ordres de grandeur deviennent considérables et remettent en question la pérennité du système de financement actuel.

En ce qui concerne les travailleurs indépendants, je ne me suis pas exprimée en détail, car il y a peu de nouveautés par rapport à ce que nous avons déjà exposé l’année dernière. Le CPSTI est l’un des bénéficiaires des prélèvements des travailleurs indépendants, recouvrés par les Urssaf. En 2022, il a été affecté par les mêmes faiblesses que celles observées dans le contrôle interne du recouvrement de ces prélèvements. De manière similaire, les dossiers relatifs au régime de retraite complémentaire des indépendants présentent les mêmes lacunes que celles constatées dans le régime général, notamment pour les droits liquidés à l’aide de l’outil commun Asur. Concernant les rentes d’invalidité et les capitaux d’essai spécifiques aux travailleurs indépendants, la situation a peu évolué par rapport à 2022. La dépense s’est rapprochée de son niveau antérieur à l’absorption du RSI par le régime général.

La prévention représente un enjeu majeur. Il est difficile de chiffrer les actions de prévention primaire, car elles s’inscrivent dans une temporalité longue, avec des effets potentiels à long terme. Cependant, la Cour des comptes a déjà exprimé son avis sur plusieurs sujets liés à la prévention, soulignant qu’une meilleure prévention aurait un impact significatif non seulement sur la qualité de vie des patients, mais également sur les finances sociales. Par exemple, dans un rapport sur l’insuffisance rénale chronique terminale, nous avons estimé que plusieurs centaines de millions d’euros pourraient être économisées grâce à une prévention améliorée et une prise en charge plus précoce. De même, dans un rapport sur la santé respiratoire, nous avons mis en évidence des économies potentielles. Enfin, dans un rapport sur la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, nous avons chiffré à 1,5 milliard d’euros l’économie pour la collectivité nationale d’une année de vie supplémentaire sans perte d’autonomie. Nous sommes convaincus qu’une part importante des économies réside dans une meilleure prévention. Toutefois, l’administration ne dispose pas de chiffres précis et il est complexe de chiffrer des actions à long terme. Nous en restons donc à ces constats.

Pour autant, il est impossible de faire reposer les efforts nécessaires uniquement sur la prévention et la lutte contre la fraude. Bien que ces deux éléments soient essentiels, ils ne suffiront pas à combler le déficit de la sécurité sociale tel qu’il se dessine actuellement, surtout en tenant compte du vieillissement de la population.

Nous appelons à un changement d’échelle dans la lutte contre la fraude. Nous avons constaté une évolution notable dans les efforts de lutte contre la fraude, menés par les différentes branches, notamment la branche maladie. Nous incitons à poursuivre ces efforts et à aller beaucoup plus loin. L’écart entre les montants de fraude estimés et ceux recouvrés est tel qu’il est impératif de changer d’échelle. Les moyens sont variés. Il s’agit non seulement d’augmenter les contrôles, mais surtout de les améliorer. Depuis des années, nous demandons que, notamment dans la branche maladie, davantage de contrôles soient intégrés dans les systèmes d’information pour détecter a priori, avant le paiement des actes, les anomalies, incohérences et impossibilités de facturation. Cela n’est toujours pas réalisé, bien que des progrès aient été faits avec certains outils. Le dispositif de ressources mensuelles est extrêmement prometteur à cet égard.

J’ai indiqué qu’une partie des fraudes ou erreurs – qui ne sont pas nécessairement intentionnelles – provient des données déclarées par les assurés eux-mêmes. Le fait de faire figurer un net social sur les feuilles de salaire devrait également permettre de réduire le nombre d’erreurs et de fraudes.

Comment améliorer la qualité du service rendu ? Nous constatons une forte augmentation des appels téléphoniques. La fermeture de nombreux accueils physiques, remplacés par des rendez-vous, a entraîné un report sur les appels téléphoniques, qui ont considérablement augmenté, ce qui explique peut-être aussi la dégradation de la qualité des réponses apportées. Nous proposons de comprendre les raisons d’un tel nombre d’appels répétés. Les assurés sont contraints d’appeler plusieurs fois pour la même raison, car ils ne parviennent pas à obtenir une réponse complète et sans erreur. La qualité des appels s’améliorera si nous formons correctement les personnes qui répondent. Pour cela, il est essentiel que les agents comprennent les raisons des appels réitérés. Lorsque nous aurons réduit le nombre d’appels répétés, c’est-à-dire lorsque les assurés obtiendront une réponse satisfaisante dès leur premier appel, nous aurons considérablement diminué le nombre total d’appels.

Les erreurs dans la branche famille sont principalement dues aux déclarations des allocataires, mais aussi à des erreurs des caisses et à des erreurs de données transmises entre les administrations. Cependant, ces erreurs tendent à diminuer grâce à la transmission automatique des données, notamment pour les pensions alimentaires. Cette automatisation garantit une plus grande fiabilité. Les taux d’erreur enregistrés lors de la réforme des aides au logement ont été largement résorbés et la plupart des erreurs actuelles proviennent des déclarations des employeurs via la déclaration sociale nominative.

S’agissant de la branche maladie, il existe un problème de codage des actes médicaux qui explique certaines erreurs. Les vérifications a posteriori entraînent des facturations indues ou des trop-perçus. Pour les assurés, les erreurs proviennent souvent de déclarations erronées, notamment pour la C2S. Là encore, l’utilisation des données transférées automatiquement pour le calcul de la C2S devrait permettre de corriger ces erreurs.

Enfin, en ce qui concerne la branche vieillesse, la plupart des erreurs surviennent lors du calcul des pensions au moment de leur liquidation. L’impact de la réforme des retraites sur les erreurs n’est pas flagrant, car ce n’est pas son objet. Je ne suis pas convaincue que cela permette de réduire les erreurs, mais plutôt les dispositifs que j’ai évoqués précédemment.

La solidarité à la source peut effectivement contribuer à réduire les anomalies et les fraudes bien que ce ne soit pas son objectif premier. Elle permettra probablement de sécuriser et de fiabiliser les données financières nécessaires au calcul des prestations.

Pour ce qui regarde la branche famille et les familles nombreuses, je rappelle que le refus de certification de l’an dernier reposait sur plusieurs éléments tels que la dégradation des liquidations erronées, avec un montant d’erreurs non corrigées de 5,8 milliards d’euros, le maintien des contrôles à un niveau très inférieur à celui d’avant la crise sanitaire et l’absence d’amélioration de la qualité des liquidations à court terme. La combinaison de ces trois facteurs avait conduit la Cour à ne pas certifier.

Cette année, la situation est quelque peu différente. La branche famille s’est engagée dans un processus d’amélioration de la liquidation des prestations, bien que cela ne se reflète pas encore dans les comptes de 2023 et que le montant de 5,5 milliards d’euros d’erreurs non corrigées reste élevé. Comme mentionné précédemment, les erreurs non corrigées au bout de vingt-quatre mois demeurent un problème. Toutefois, nous avons constaté une mobilisation réelle de la branche à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau. De plus, des moyens supplémentaires lui ayant été alloués, nous estimons qu’elle est désormais en mesure de remplir ses obligations, notamment en rétablissant une qualité comptable que nous appelons de nos vœux.

Le déficit de 600 millions d’euros en 2023 de la branche autonomie devrait se transformer en excédent de plus de 1,2 milliard d’euros en 2024, grâce au transfert de CSG vers cette branche.

Le SNDS fait face à un blocage lié à la question de l’hébergement. Le Health Data Hub avait attribué le marché à une filiale de Microsoft après un appel d’offres, mais cette décision s’est heurtée à une règle européenne interdisant l’hébergement de données sur des serveurs situés dans un pays non-membre de l’Union européenne. La situation est donc bloquée. Nous devons impérativement sortir de ce blocage le plus rapidement possible. Nous nous trouvons dans une situation où chaque protagoniste attend que l’autre prenne l’initiative, ce qui conduit à une impasse. C’est pourquoi nous proposons de transférer au moins une copie anonymisée de la base du SNDS à un hébergeur sélectionné après mise en concurrence, mais relevant du droit de l’Union européenne. Cela rendrait le SNDS accessible, notamment pour le monde de la recherche, qui souffre actuellement de cette situation. Certes, nous ne pourrions pas recourir à l’intelligence artificielle, car aucun hébergeur relevant du droit de l’Union européenne ne peut offrir les garanties d’utilisation de l’intelligence artificielle souhaitées initialement par le Health Data Hub. Cependant, cette solution permettrait de débloquer la situation actuelle. Par ailleurs, nous appelons à intégrer le plus rapidement possible au SNDS toutes les données qui doivent y figurer et qui ne sont pas encore incluses, notamment les entrepôts de données de santé des hôpitaux.

Les hospitalisations évitables pour les personnes âgées représentent une question essentielle, car cela représente une source significative d’économies. Nous avons constaté que les établissements ayant mis en place un système permettant d’accueillir les personnes âgées sans passage par les urgences, en les orientant directement vers la gériatrie et en les adossant à des services médicaux de réadaptation, réduisent considérablement les hospitalisations non nécessaires. Cette organisation, combinant médecine de ville et organisation hospitalière, améliore non seulement la santé des patients, mais également les finances de la sécurité sociale. Nous ne disposons pas d’un chiffrage précis des coûts des hospitalisations évitables.

Il est vrai qu’il existe de nombreuses erreurs de manière générale, notamment concernant les prestations de sécurité sociale en outremer. Nous avons récemment contrôlé la CGSS de Martinique. Les résultats de ce contrôle ne sont pas encore rendus publics, mais ils le seront très prochainement. À l’avenir, nous examinerons également les autres CGSS des départements et territoires d’outre-mer, car il est impératif de revoir en profondeur plusieurs aspects de leur organisation. Bien que je ne puisse pas en dire davantage tant que le rapport n’est pas publié, la situation est extrêmement préoccupante. Nous portons une attention particulière à l’outre‑mer, tant sous l’angle de la sécurité sociale et de la gestion des prestations par les caisses de sécurité sociale que sur la question de la santé et de la prise en charge des patients.

L’année dernière, nous avions déjà soulevé le problème posé par le logiciel comptable de la branche autonomie. En 2023, le procureur général avait d’ailleurs adressé une communication au directeur général des finances publiques pour signaler que ce logiciel, tel qu’il a été conçu, permet de rayer des écritures comptables qui ne sont donc pas sanctuarisées. Bien que certaines mesures aient été prises en collaboration avec la CNSA et la branche autonomie pour éviter ce genre de dysfonctionnements à l’avenir, nous constatons encore des disparitions d’écritures comptables. En effet, il subsiste des blancs dans la numérotation des écritures. Nous avions alerté la direction générale des finances publiques, non seulement pour la CNSA, mais également parce que ce logiciel est utilisé par d’autres organismes publics, notamment de nombreux établissements publics. Il était donc nécessaire de signaler ces dysfonctionnements au plus haut niveau, ce que nous avons fait.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je vous remercie, madame la présidente, car les questions abordées étaient nombreuses et les sujets traités particulièrement denses. Je pense que chacun a pu obtenir des réponses aux points qu’il a soulevés. Nous disposons ainsi de l’ensemble les éléments nécessaires à la poursuite de notre travail.

Mme Véronique Hamayon. Il semble que vous ayez reçu le Ralfss très tard hier soir, pour une raison que nous ne comprenons pas encore. Le rapport était prêt dans les délais habituels, mais un problème est survenu au sein de notre circuit interne. Je vous prie donc d’accepter les excuses de la Cour des comptes pour ce contretemps.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente. Je vous remercie.


2.   Réunion du mercredi 5 juin 2024

La commission procède à l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023 (n° 2714) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale) ([74]).

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), que nous examinons pour l’année 2023, résulte de la réforme du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale, défendue 2022 par mon prédécesseur Thomas Mesnier, dont je salue la qualité du travail. La création de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) vise à répondre à la volonté affirmée par de nombreux acteurs des finances sociales de mettre en œuvre un cycle budgétaire complet pour les lois de financement de la sécurité sociale, sur le modèle des lois de finances régissant le budget de l’État.

Je ne rappellerai pas l’intérêt pour le débat démocratique, connu de tous, de la création de la Lacss. Mon propos portera essentiellement sur le contenu du texte, soit le résultat et la situation financière de la sécurité sociale pour l’année 2023.

Conformément aux dispositions organiques, le texte commence par l’exposé de la situation des administrations de sécurité sociale. Ce champ est plus large que celui habituellement retenu en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Il intègre l’assurance chômage et les régimes de retraites complémentaires, au premier rang desquels le régime des salariés du privé, dont la gestion est confiée à l’Agirc-Arrco. Sur ce champ, l’article liminaire indique un excédent de 13,2 milliards d’euros, soit une amélioration de 4 milliards par rapport à l’année 2022.

Il s’agit d’une source de satisfaction : pour la deuxième année consécutive, les administrations de sécurité sociale contribuent positivement au solde des administrations publiques. L’amélioration du solde est principalement due à deux facteurs positifs : la réduction du déficit de la sécurité sociale stricto sensu ; la bonne tenue des excédents de l’Unédic et de l’Agirc-Arrco. Ces excédents ont été rendus possibles par la reprise économique consécutive à la crise sanitaire et par l’efficacité de la politique de l’emploi du Gouvernement. Ils ont été alimentés par les réformes structurelles que notre majorité a menées, s’agissant notamment de l’assurance chômage et de la réforme des retraites.

L’Unédic présente un excédent de 1,6 milliard d’euros, en dépit du ralentissement de la dynamique de la masse salariale constaté en 2023. Ce bon résultat permet de poursuivre le désendettement du régime et de consacrer des ressources au financement de la politique de l’emploi. Sur le champ des régimes complémentaires, l’excédent est en hausse de 3 milliards par rapport à 2022 ; il atteint presque 10 milliards en 2023. L’excédent global des administrations de sécurité sociale s’élève à 0,5 point de PIB ; il correspond à peu près à la prévision actualisée de la LFSS 2024 une fois neutralisés les effets de périmètre liés au changement de la méthodologie suivie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour l’établissement des comptes nationaux.

Toutefois, la situation financière positive des administrations de sécurité sociale ne doit pas masquer celle des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui s’améliore sensiblement par rapport à 2022 mais demeure déficitaire. Sur le champ des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), l’exercice 2023 se caractérise par un net recul du déficit, qui s’établit à 10,8 milliards d’euros, soit une réduction de près de 50 % du déficit constaté en 2022. Pour l’essentiel, cette amélioration est due à la quasi‑extinction des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, qui passent de 11,7 milliards en 2022 à un peu plus de 1 milliard en 2023. Les recettes ont, quant à elles, connu une croissance soutenue de 4,7 %, dans un contexte de forte inflation. J’y vois la validation des réformes que nous menons depuis 2017 et qui ont permis au taux d’emploi d’atteindre des records historiques.

Il en résulte que, pour la première fois depuis 2020, l’endettement financier de la sécurité sociale a diminué en 2023. Il n’en reste pas moins que son déficit reste élevé. Comme les années précédentes, il est concentré sur la branche vieillesse et surtout sur la branche maladie, dont le déficit atteint 11,1 milliards. D’après les prévisions présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), le déficit se creusera à nouveau dès cette année si nous ne prenons aucune mesure supplémentaire. La situation est d’autant plus préoccupante que ce déficit est un déficit structurel, appelant donc des réformes structurelles.

Le rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS esquisse des pistes, notamment dans le champ des dépenses de santé. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la dynamique des dépenses induites par les indemnités journalières, qui ont augmenté de plus de 50 % depuis 2017, ni sur le coût des transports sanitaires. Il nous appartiendra d’en débattre à l’automne, lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

L’examen du Placss a pour premier intérêt d’offrir l’occasion de confronter les prévisions adoptées en LFSS à la réalité de l’exécution budgétaire. Le Placss 2023 indique un déficit de la sécurité sociale supérieur de 2,1 milliards d’euros à la prévision actualisée de la LFSS 2024.

Comme le rappelle la Cour des comptes, la quasi-totalité de cet écart résulte de recettes moindres qu’anticipé, en raison du ralentissement économique constaté au dernier trimestre 2023. Les dépenses ont, quant à elles, été globalement conformes aux prévisions. Avec un montant total de 247,8 milliards, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été globalement respecté par rapport à la prévision actualisée de la LFSS 2024, intégrant notamment les mesures de revalorisation salariale destinées aux personnels hospitaliers et aux établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que la revalorisation du point d’indice de la fonction publique intervenue courant 2023 et les surcoûts liés au dynamisme des indemnités journalières.

Au total, à l’exclusion des coûts liés à la crise sanitaire, les dépenses relevant de l’Ondam ont progressé de 4,8 % par rapport à 2022. Cette augmentation plus importante qu’anticipé lors de l’examen du PLFSS 2023 doit être mise en regard d’une inflation exceptionnelle, qui a entraîné des dépenses supplémentaires visant à protéger les personnels et les établissements. Le ralentissement de l’inflation contribuera donc à freiner la progression des dépenses. Il n’en demeure pas moins que seules des réformes structurelles permettront de résorber durablement le déficit de la branche maladie.

Je conclurai mon propos par des considérations formelles sur l’annexe 2 du projet de loi, relative aux mesures d’exonération et d’exemption de cotisations sociales. La réforme du cadre organique de 2022 a renforcé l’encadrement des niches sociales en créant un monopole des LFSS sur la création d’exonérations de cotisations sociales d’une durée supérieure à trois ans et en instaurant une obligation d’évaluation des niches sociales. Elle prévoit que les 142 niches sociales recensées soient examinées au moins tous les trois ans pour nous permettre de juger de l’efficacité des mesures qui, fussent-elles compensées par l’État dans leur grande majorité, réduisent les recettes des cotisations de la sécurité sociale. Il s’agit d’un enjeu majeur du débat budgétaire, auquel notre commission a contribué grâce au rapport présenté par Marc Ferracci et Jérôme Guedj en septembre 2023.

Ainsi, sur la base des travaux de cadrage menés l’an dernier par l’Inspection générale des finances et par l’Inspection générale des affaires sociales, le Placss 2023 présente un panorama plus complet des dispositifs d’exonération et d’exemption de cotisations sociales et dresse un programme de travail des évaluations à venir, lesquelles concerneront notamment les exonérations applicables au titre de la loi pour le développement économique des outre‑mer et deux dispositifs propres au secteur de l’apprentissage.

Je mesure le travail que ces évaluations représentent pour l’administration – mon prédécesseur le qualifiait de colossal. Je note d’ailleurs qu’aucune règle organique ne prévoit un tel dispositif pour les niches fiscales. Il n’en est pas moins absolument nécessaire que nous disposions d’une information fiable et à jour pour assurer le meilleur usage possible des ressources de la sécurité sociale.

Le Placss que nous examinons reflète la réalité des comptes de la sécurité sociale. Ne pas l’adopter équivaut à nier cette réalité, qui nous commande d’agir afin de poursuivre de redressement de nos comptes sociaux et la résorption de la dette sociale. Ce sont des exigences de souveraineté budgétaire et de pérennisation de notre modèle social. Opposer l’une et l’autre de ces exigences est un contresens et une erreur.

Mes chers collègues, je vous invite à adopter le projet de loi.

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Joëlle Mélin (RN). J’aurais pu, pour parler de ce deuxième Placss, faire un quasi-copié-collé de mon intervention l’an dernier. Concernant l’article liminaire, nous ne pouvons en modifier les chiffres. Il faudrait pourtant en revoir les recettes selon des règles de comptabilité présentant le solde en année n-1. Impossible : entre‑temps, les règles comptables ont changé ! Côté dépenses, le réajustement, de 45 milliards d’euros au bas mot, des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), n’apparaît pas.

Comment peut-on affirmer que les comptes se sont améliorés et surtout qu’ils sont sincères ? Les excédents, qui sont de véritables rideaux de fumée, ne sont que le produit de jeux d’écritures comptables, notamment ceux de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et du Fonds de réserve pour les retraites. Madame la rapporteure générale, vous parlez d’un excédent de l’Unédic de 1 milliard d’euros, mais, comme l’indique votre rapport en page 12, son endettement est de 59 milliards.

Le tableau d’équilibre figurant à l’article 1er pose un problème de calculette – peut-être nous l’expliquerez-vous – à la branche famille, à hauteur de 100 millions d’euros, ce qui, pour nous, n’est pas rien. Par ailleurs, il est victime de votre anosognosie de la situation ainsi que de votre aveuglement sur l’inflation et sur les recettes envisageables.

Quant à l’Ondam, il a certes augmenté de 23,4 milliards d’euros de 2019 à 2023 : tout ça pour ça ! À l’évidence, l’outil est inefficient. Les acteurs contraints ne sont pas à l’origine de la dépense, ou si peu, contrairement aux besoins des patients et surtout à la très mauvaise gestion des masses financières, que la Cour des comptes déplore pour la vingt-neuvième année.

Les tableaux patrimoniaux des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) montrent la pérennité très sévère des comptes de la Cades, qui devait disparaître il y a plusieurs années. Qu’elle vous offre un excédent artificiel ne manque pas d’ironie ! Ils masquent mal son endettement, qui est de 113,4 milliards d’euros.

Pour rappel, depuis 1996, plus de 416 milliards d’euros, dont certes une bonne part en raison de la crise du covid, lui ont été transférés, soit 14 milliards. Nous disons : ça suffit ! Les derniers rapports de certification et d’application des comptes de la sécurité sociale, enfin concomitants, apportent la preuve d’une gestion désastreuse des comptes.

Votre rapport, selon nous, n’est pas sincère. Nous rejetterons le projet de loi.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Je tiens à dire ma surprise à la réception de la convocation nous invitant à débattre d’un texte budgétaire. Il faut dire que je vis mon premier mandat, et que la dérive autoritaire qui caractérise le pouvoir macroniste ne nous a pas habitués à de telles discussions. Mais soit.

Passée la surprise, c’est le caractère absurde du moment que nous vivons qui m’intrigue. Nous avons été convoqués pour discuter de l’approbation des comptes de la sécurité sociale, donc invités à nous exprimer a posteriori sur un budget dont la majorité n’a pas voulu débattre et que le Gouvernement a imposé à grands coups de 49.3, en marchant délibérément sur le Parlement. Mais soit.

Passée l’absurdité, c’est le caractère aberrant du projet de loi proposé qui s’impose. Non, il n’y a pas de dérapage des dépenses de la sécurité sociale. Elle est même excédentaire de 13 milliards d’euros. Mais au lieu de la préserver comme doit l’être la clef de voûte de notre modèle de protection sociale, vous voulez faire de ses excédents la clef de voûte de la protection des niches fiscales. Les allégements consentis aux riches ont coûté 8 milliards d’euros depuis 2018. Cette perte sèche, il était urgent de la compenser.

Vous l’avez fait en détruisant les droits des assurés sociaux. Or toute destruction se fait dans la violence, de la réforme des retraites imposée dans la force violence à l’inaction face aux accidents du travail et de la nouvelle réforme de l’assurance chômage à la violence à venir de l’offensive que vous conduirez contre les règles des arrêts maladie. Dans le même temps, l’Ondam, systématiquement sous‑évalué par rapport aux besoins, ne suffit pas à faire tenir notre modèle de soins, et la Cades immobilise 18 milliards d’euros pour rembourser la sacro‑sainte dette sociale. Mais soit.

Passée l’aberration, c’est votre inconséquence qui apparaît, au moment où vous demandez à la représentation nationale de valider la logique consistant à faire des comptes de la sécurité sociale la variable d’ajustement de l’incompétence de Bruno Le Maire. Jamais la sécurité sociale ne doit servir à voiler l’incompétence d’un seul homme au détriment du plus grand nombre !

Nous voterons contre le projet de loi.

M. Yannick Neuder (LR). Décidément, la semaine dernière fut rude pour le Gouvernement et ses Mozart de la finance ! À la dégradation de la note de la France, véritable camouflet pour Bercy, se sont ajoutées les récentes conclusions sur nos comptes sociaux. « Trajectoire de déficits non maîtrisés », « dégradation continue », trajectoire « insoutenable » : ces mots ne sont pas les miens mais ceux de la Cour des comptes, qui tire la sonnette d’alarme. Une nouvelle fois, elle a refusé de certifier les comptes de la branche maladie et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pour 2023. Elle n’a certifié qu’avec de fortes réserves ceux des quatre autres branches. À la CCSS, le déficit attendu en 2023 a été rehaussé à 18 milliards d’euros.

La branche maladie porte quasiment à elle seule la responsabilité du déficit et de son aggravation au cours de l’année. Si elle a bénéficié de l’extinction des dépenses liées à la crise sanitaire, il faut bien constater que les réformes visant à contenir ses autres dépenses n’ont pas été engagées. Au groupe Les Républicains, nous avions signalé l’insincérité budgétaire des comptes présentés lors de l’examen du PLFSS 2024. Le texte présenté aujourd’hui prouve que nous avions raison.

Il est temps de prendre la mesure de l’urgence et de donner un vrai cap à nos comptes sociaux, en travaillant sur la performance de la dépense, l’efficience des soins, la réorganisation de l’hôpital et la réduction des risques, et surtout en continuant à lutter contre les fraudes – sur ce point, je salue les efforts du Gouvernement.

Par ailleurs, il faudra songer à revoir complètement le système de financement de la sécurité sociale, qui doit faire l’objet d’un budget pluriannuel. Il faudra surtout avoir le courage de dire aux Français que la santé a un coût et qu’il faut le financer. À défaut, nos concitoyens seront mal soignés.

Pour l’heure, nous sanctionnerons l’insincérité budgétaire révélée au grand jour, qui engage l’argent des Français. Nous voterons donc contre le texte.

Mme Annie Vidal (RE). Nous devons nous prononcer sur l’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023 à l’issue de la présentation, la semaine dernière, du rapport de la Cour des comptes à ce sujet. Je me permets de rappeler que celle-ci confirme la sincérité et la régularité des comptes. Elle estime donc – c’est essentiel pour éclairer cette discussion – que le Placss 2023 fournit une représentation fiable et cohérente des dépenses, des recettes et du solde ainsi que des actifs et des passifs.

En ce qui concerne les équilibres généraux, le déficit des Robss et du FSV s’élève à 18 milliards d’euros. Il est en diminution de 8,9 milliards par rapport à 2022. Les recettes sont en augmentation de 27,5 milliards par rapport à 2022, atteignant 600 milliards. Elles sont notamment soutenues par la croissance de la masse salariale des trois premiers trimestres de 2023.

Les dépenses sont en augmentation de 19 milliards d’euros par rapport à 2022. Elles sont supérieures à la prévision initiale de 8,8 milliards, en raison notamment d’une hausse de l’Ondam de 200 millions en sus des révisions effectuées en cours d’année pour soutenir les mesures prises en faveur de l’hôpital. L’Ondam est ainsi porté à 247,8 milliards, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à 2022. Les revalorisations de prestations sociales tirent également à la hausse les dépenses de 2023. Le montant de la dette amortie en 2023 s’élève à 18,3 milliards. Le montant de la dette restant à rembourser est de 92,2 milliards.

La Cour des comptes anticipe dans son rapport une dégradation de la trajectoire budgétaire et fait des propositions qu’il nous faudra étudier ultérieurement.

Le groupe Renaissance approuvera les comptes de la sécurité sociale présentés dans le projet de loi.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le projet de loi soumis à notre étude est emblématique à plus d’un titre. Il est emblématique de l’exigence de solidarité de notre pays, de nos ambitions élevées en matière de protection sociale et des échéances et défis colossaux que nous aurons à relever à l’avenir. Notre responsabilité collective consiste à préserver ce modèle social unique.

Le déficit des comptes sociaux est très alarmant. S’agissant de la seule branche maladie, le rapport de la Cour des comptes indique : « Un tel niveau de déficit est un point de bascule car le financement des déficits de la sécurité sociale n’est plus assuré à terme. » Nous devons prendre des mesures aussi fortes qu’indispensables pour le redressement. Je concentrerai mon propos sur trois points.

Premièrement, pouvons-nous continuer à miser sur la croissance des sources de financement, qui sont moins dynamiques qu’attendu tant pour les recettes fiscales que pour les cotisations sociales ? J’admets qu’il est pertinent de continuer à œuvrer à leur développement – cette démarche est à la racine des réformes du marché du travail soutenues par notre majorité – mais je m’interroge sur la logique consistant à toujours compter sur un accroissement de la masse salariale pour financer notre modèle social.

Deuxièmement, il ne me semble pas raisonnable d’augmenter les prélèvements obligatoires. Nous sommes en moyenne 5 points de PIB au‑dessus de nos voisins.

Troisièmement, la maîtrise de nos dépenses ne pourra pas être indéfiniment repoussée. Nous devons réussir à mettre en œuvre des réformes ambitieuses et durables, donc structurelles. À défaut, nous continuerons à recourir à l’emprunt pour financer nos dépenses courantes.

Si nous continuons à creuser les déficits, il faudra assumer de laisser cette colossale dette à nos enfants, qui auront bien d’autres crises à gérer. Accepte‑t‑on d’hypothéquer l’avenir de nos enfants ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Cela implique d’être collectivement courageux et responsables pour les générations futures. Telle est la position que le groupe Démocrate défendra s’agissant du présent Placss et de ceux qui suivront.

Nous voterons le projet de loi.

M. Paul Christophe (HOR). La loi organique du 14 mars 2022 a créé une nouvelle catégorie de LFSS, qui doit être déposée au Parlement chaque année avant le 1er juin : la Lacss.

Le Placss et ses annexes renforcent l’information du Parlement sur la situation des comptes sociaux et sur les résultats des politiques de sécurité sociale. Comme les lois de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’État, il permet au Parlement d’examiner les comptes du dernier exercice, clos dès le printemps, séparément du PLFSS discuté à l’automne.

Nous examinons un tel projet de loi pour la deuxième année consécutive. Ce qui nous guidera, lors de nos délibérations, c’est notre engagement continu en faveur des Français et la conscience que des réformes sont nécessaires pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale.

Nous constatons notamment que l’assurance maladie poursuit ses efforts de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Dans le cadre d’un objectif d’économie fixé à 540 millions d’euros en 2022, la promotion des médicaments génériques et biosimilaires est encouragée pour maîtriser les dépenses pharmaceutiques. En 2023, leurs taux de pénétration sont respectivement de 92,7 % et de 32 %. Certes, de nombreux efforts restent à accomplir. En la matière, notre groupe préférera toujours les réformes globales et structurelles traitant les problèmes en profondeur aux mesures individuelles ou parcellaires, qui n’offrent que des solutions temporaires.

Par ailleurs, le groupe Horizons estime qu’il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre les mesures de politique sociale engagées par le Gouvernement, ce qui serait mal comprendre l’objectif du présent texte, mais seulement d’approuver les comptes de la sécurité sociale qui nous sont présentés, dans une démarche de transparence.

Le groupe Horizons votera le projet de loi et espère grandement qu’il sera adopté cette année.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Madame la rapporteure générale, vous nous demandez d’approuver un truc avec lequel nous n’étions pas d’accord et sur lequel nous n’avons pas pu nous exprimer le moment venu, il y a quelques mois. Cela nous offre l’occasion de dire notre désapprobation du budget qui nous était proposé alors et du résultat qu’il a donné au bout du compte.

Vous indiquez que la contribution des administrations de sécurité sociale au solde des administrations publiques est positive. Cela confirme la tendance qui se dessine chaque année un peu plus, consistant à faire de la protection sociale l’une des composantes du budget général de la nation, au rang de variable d’ajustement permettant d’équilibrer les déficits publics. Cela pose problème. Nous devrions au contraire sanctuariser le budget de la sécurité et de la protection sociales.

La sécurité sociale remplit‑elle pleinement la mission que nous attendons d’elle au regard des budgets qui lui ont été confiés ? À l’évidence, non. Ce que vous nous appelez à voter, c’est aussi le tableau de la crise sociale et sanitaire que connaît notre pays et qui dure. La Cour des comptes nous alerte sur la situation financière de la sécurité sociale, dont le déficit est nettement supérieur aux prévisions.

Cet écart s’explique d’abord par de moindres recettes, induisant un sous‑financement. Pour la première fois en trois ans, nous constatons une diminution de l’effectif salarié en France. Le chômage augmente, mais le Gouvernement prévoit de nouvelles mesures contre les chômeurs, alors même que, depuis 2018, les réductions non compensées de cotisations sociales sur les compléments de salaires ont été multipliées par deux, pour des montants considérables qui permettraient de mieux financer la réponse aux besoins sociaux.

Vous nous demandez de valider un budget avec lequel nous n’étions pas d’accord. Nous ne le ferons pas. En plus de passer outre la représentation nationale, vos choix mènent la sécurité sociale dans le mur.

M. Joël Aviragnet (SOC). Comment en sommes-nous arrivés là, nous le pays de la sécurité sociale ? Quelle misère ! Nous devons approuver ou rejeter les comptes de la sécurité sociale pour 2023. Vous vous doutez que le groupe Socialistes et apparentés la rejettera.

Par quelle gestion calamiteuse de notre pays ce gouvernement a‑t‑il réalisé, pour le pire, son fameux a même temps ? En même temps, nos services publics sont décimés et des lits d’hôpitaux fermés à la pelle, le plus souvent à cause d’un manque de personnel. La qualité des relations entre les usagers et les caisses d’assurance maladie est pire que jamais, comme nous le constatons dans nos territoires et au fil des rapports. Pourtant, en même temps, la Cour des comptes estime que la trajectoire des déficits n’est pas maîtrisée. Elle écrit dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale : « Un tel niveau de déficit est un point de bascule car le financement des déficits de la sécurité sociale n’est plus assuré à terme. » Ce n’est pas rien.

Comment approuver des comptes reflétant une gestion si catastrophique ? Ce n’est pas possible. Il y a un an, vous passiez en force pour imposer aux Français une réforme des retraites dont personne ne voulait. Pourtant, le déficit de la sécurité sociale continuera à se creuser dans les prochaines années. Votre logiciel ultralibéral est cassé. On vend aux Français des réformes prétendument essentielles pour faire baisser les déficits, mais ils explosent quand même.

À force de gérer la France comme des comptables incompétents sans vision politique ni cap clair, en zigzaguant en permanence, rien ne va plus. J’ai utilisé sciemment le mot « gérer » plutôt que le mot « gouverner », car vous n’en êtes même pas capables. Notre groupe tire la sonnette d’alarme une fois de plus. Dotez notre pays d’un grand plan de reconstruction de l’hôpital public, comme nous l’avons proposé dès 2022 ! Alors le déficit sera justifié, car il s’agira d’un investissement de long terme qui bénéficiera à nos concitoyens.

Nous voterons contre le texte.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous sommes réunis pour débattre du deuxième Placss, afin d’entériner les comptes de l’exercice 2023. Le groupe Écologiste - NUPES annonce d’emblée qu’il ne pourra cautionner une telle gestion des comptes publics.

Si la Cour des comptes, dans son récent rapport, considère que les tableaux d’équilibre et le tableau de la situation patrimoniale sont cohérents, elle alerte à nouveau sur la fiabilité des données comptables, parfois insuffisantes ou échappant aux mécanismes de contrôle. Pour la deuxième fois consécutive, elle refuse de certifier les comptes de la branche famille, le Gouvernement étant incapable de consacrer les moyens nécessaires à la garantie de régularisation des dossiers.

Outre l’insincérité manifeste de ces comptes, le projet de loi confirme la poursuite de la course à l’austérité, qui menace la soutenabilité de notre modèle de protection sociale. Tel est bien l’objectif caché de la réitération du cantonnement des dépenses de santé à un niveau inférieur à l’évolution du PIB, qui induit l’arrêt de tout investissement supplémentaire pour répondre à l’accroissement des inégalités, au vieillissement et à l’augmentation des maladies chroniques.

Tel est aussi le résultat sinistre des politiques de généralisation des primes Macron menées depuis 2017 qui, en préférant l’allégement des cotisations sociales à une réelle augmentation de salaire pour tous, ont contribué à assécher les comptes de la sécurité sociale. Nous en mesurons à présent les conséquences colossales : un manque à gagner alarmant de plus de 18 milliards d’euros pour la sécurité sociale en 2022 et des propositions toujours plus destructrices socialement telles que les attaques injustes visant les arrêts maladie et les dépenses relatives aux affections de longue durée (ALD).

Le groupe Écologiste - NUPES n’approuvera jamais des comptes publics si peu fiables, qui trahissent l’obsession du Gouvernement pour l’assèchement des comptes de la sécurité sociale sur le dos des Françaises et des Français.

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

M. Thibault Bazin (LR). La présentation des comptes de la sécurité sociale est très inquiétante. Certes, les déficits sont moins mauvais que les années précédentes, caractérisées par la crise du covid, mais ils ne reviennent pas au quasi‑équilibre atteint auparavant. Sans deux mesures techniques portant sur le calcul des provisions n’ayant d’effet qu’en 2023, le déficit aurait été plus élevé. En tout état de cause, il est plus élevé que le déficit prévu par la dernière LFSS.

La Cour recommande, à la page 16 de la synthèse du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, de définir un programme pluriannuel de régulation des dépenses. Cette proposition me semble très intéressante à l’aune de nos débats de la semaine dernière. Ne faudrait-il pas faire évoluer notre cadre organique en ce sens ?

À la page 46, elle recommande de clarifier les objectifs et les barèmes des ressources du complément familial, ainsi que sa coordination avec les autres prestations familiales. D’importantes économies ont été réalisées sur le dos des familles nombreuses, notamment celles qui travaillent, ce qui va à l’encontre des mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat des familles. Quelle est votre position à ce sujet ? Dans quelle mesure approuvez-vous les recommandations de la Cour des comptes ?

M. Stéphane Viry (LR). L’article 1er du Placss 2023 indique clairement la dégradation du solde des administrations de sécurité sociale et le creusement du déficit. L’article 2 indique une amélioration moindre que celle qui était esquissée. Chacun a en mémoire les recommandations de la Cour des comptes formulées la semaine passée et surtout l’évocation de la possibilité d’une rupture de notre système de protection sociale en 2027 – c’est demain.

Face à une « trajectoire de déficits non maîtrisés » et à une « impérieuse nécessité de reprise en main du pilotage de nos comptes » identifiées par la Cour des comptes, il est exclu que le PLFSS que nous examinerons à l’automne soit un simple document comptable et technique. Il devra être le point de départ d’une reprise en main de notre protection sociale offrant une perspective à la nation. Sauver la « sécu » exige d’en réexaminer le financement en profondeur et d’ouvrir le débat sur son assise exclusive sur les revenus du travail. Nous ne pourrons pas longtemps continuer ainsi.

Comme l’a indiqué Yannick Neuder, nous voterons contre ce texte, mais il faut regarder plus loin et nous interroger sur le modèle de protection sociale que nous voulons offrir aux Français pendant les décennies à venir. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Madame la rapporteure générale, allez‑vous lancer des états généraux et interpeller le Gouvernement pour que nous prenions une autre direction ?

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). La Cour des comptes a rendu des conclusions alarmantes concernant l’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023. Le refus de certifier les comptes de la branche famille pour la deuxième année consécutive ainsi que les réserves émises pour les quatre autres branches mettent en lumière de graves dysfonctionnements dans notre système.

Les chiffres sont d’ailleurs sans appel : 5,5 milliards d’euros de prestations versées à tort dans la branche famille, qui représentent 7,4 % du montant total des prestations versées, sans recouvrement. Dans cette branche, le taux de recouvrement des indus frauduleux n’atteint que 4,8 %, entraînant une perte de 3,7 milliards. Dans la branche maladie, le taux de recouvrement des indus frauduleux n’est que de 17 %, soit 287 millions d’euros. S’agissant de l’aide médicale de l’État, les erreurs d’attribution ne sont ni signalées ni corrigées, ce qui empêche toute récupération des fonds indûment versés. Ces chiffres témoignent d’un manque manifeste de rigueur dans le contrôle interne et le recouvrement des prestations indûment versées.

Cette majorité relative, qui ne cesse de critiquer le manque de sérieux budgétaire de l’opposition, serait donc bien avisée de faire son autocritique. En période de rigueur budgétaire, cette situation est inacceptable et intenable. Il est impératif que le Gouvernement prenne des mesures drastiques pour corriger les défaillances et optimiser le recouvrement des sommes indûment versées.

À défaut d’excuses, les Français attendent des actions concrètes et manifestes. Quelles mesures précises et efficaces les Mozart de la finance comptent‑ils prendre pour surmonter les obstacles et augmenter significativement le taux de recouvrement, notamment dans les branches famille et maladie où les montants en jeu sont stratosphériques ?

Mme la rapporteure générale. Contrairement à ce que vous dites, madame Mélin, la CNRACL est intégrée dans les administrations de sécurité sociale (Asso), mais c’est le delta de la somme des branches qui s’élève à 100 millions d’euros.

Quant à vous, messieurs Bazin et Viry, vous amorcez des débats que nous aurons au cours des prochains mois, mais qui n’ont pas lieu d’être alors que nous examinons un projet de loi qui n’est qu’une image des comptes de l’année 2023. Comme vous le savez, Hadrien Clouet et moi‑même sommes corapporteurs pour la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) sur la gestion de la dette sociale. Le rapport que nous rendrons en septembre pourra alimenter le débat sur les moyens de pérenniser notre sécurité sociale.

Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2023

Amendements de suppression AS2 de M. Joël Aviragnet, AS8 de Mme Élise Leboucher, AS12 de Mme Joëlle Mélin et AS15 de M. Pierre Dharréville

M. Joël Aviragnet (SOC). Cet article luminaire se contente de présenter les recettes et les dépenses de la sécurité sociale comme des points de PIB. Or les besoins sanitaires et sociaux sont énormes : crise de l’hôpital public, accès aux soins en ville, précarité des retraités, manque d’accompagnement dans la perte d’autonomie – et la liste n’est pas exhaustive. L’ampleur de ces besoins est telle qu’elle mériterait un tableau de bord beaucoup plus riche et détaillé, contenant des indicateurs sur l’état de santé de la population en 2022, la qualité de notre système de retraite, les inégalités de pension entre les hommes et les femmes, la qualité de vie au travail, etc. Ce tableau de bord pourrait être associé à un plan d’actions du Gouvernement pour améliorer les indicateurs en dégradation.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). Les comptes de 2023 ont poursuivi la logique à l’œuvre depuis une vingtaine d’années de destruction de notre système de soins et de définancement de la protection sociale. Le groupe LFI - NUPES ne cautionne pas cette logique qui fait peser des contraintes excessives sur les établissements publics de santé et les différentes autres branches de la sécurité sociale, au détriment des besoins essentiels de nos concitoyens.

En 2023, le solde des Asso se retrouve excédentaire à hauteur de 0,5 % du PIB, en hausse par rapport à l’exercice 2022. La sécurité sociale afficherait donc en excédent dit précaire, mais au profit de qui ?

Quant à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2022‑2027, elle prévoit une réduction de la progression des dépenses de maladie à 3 % par an. Cette trajectoire de rigueur budgétaire, contraire aux besoins de santé de la population, revient à imputer 6 milliards d’euros d’économies par an sur la sécurité sociale jusqu’en 2027.

Comme l’illustre le hold‑up sur l’assurance chômage, les excédents de la sécurité sociale font l’objet d’un véritable rapt par l’État, la laissant en équilibre précaire. Nous refusons cette logique qui organise artificiellement la dégradation financière des finances sociales, afin de les mettre toujours plus au service d’une gestion calamiteuse du budget de l’État. La protection sociale ne doit pas être une variable d’ajustement des choix budgétaires d’un Gouvernement acquis aux plus riches, qui multiplie les niches fiscales et sociales en leur faveur et détruit un à un les droits des assurés sociaux pour mieux les financer.

Mme Joëlle Mélin (RN). Comme évoqué lors de l’examen du PLFSS 2024, le solde positif de l’article liminaire ne repose que sur la notion abstraite d’excédent de la Cades. Le périmètre ne prend en considération ni la CNRACL elle‑même ni ses comptes : selon Jean‑Pascal Beaufret, 45 à 74 milliards d’euros n’ont pas été imputés aux comptes de la sécurité sociale mais restent bloqués en dotations d’État.

Ce modèle repose aussi sur un changement de base dans les modes de calcul et du champ ou du périmètre des Asso, ce qui empêche toute comparaison avec les années précédentes – elles‑mêmes très affectées par la crise sanitaire.

Si l’article liminaire est défini dans le cadre nouveau des Lacss, il n’en demeure pas moins illégitime. En effet, nous ne sommes pas ici dans un exercice privé dont le but serait de rassurer le secteur bancaire ainsi que les investisseurs détenant la dette publique. À cet égard, il faut noter que le récent déclassement de la France par les agences de notation démontre qu’au‑delà de notre économie, ce sont les projections trop optimistes du Gouvernement qui sont compromises et n’inspirent plus confiance.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous demandons aussi la suppression de cet article liminaire qui revient à nous demander d’approuver des comptes dont nous n’avions pas validé la projection. Notre paquet cadeau contient donc aussi notre protestation contre l’utilisation récurrente de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter les budgets.

À la lecture de cet article, nous constatons une baisse des recettes et des dépenses rapportées au PIB, par rapport au précédent Placss. Or les besoins sociaux, insuffisamment couverts, ne vont cesser d’augmenter à l’avenir. Nous aurions intérêt à nous interroger sur certaines réalités relevées par la Cour des comptes : augmentation du nombre des arrêts maladie, notamment de longue durée et pour des motifs psychologiques, liée au vieillissement de la population.

Cet article affiche un excédent en trompe‑l’œil à un moment où la hausse du chômage pèse sur les recettes. Le phénomène se retrouve dans l’assurance chômage qui va dégager un excédent de 11 milliards d’euros 2027, véritable manne dans laquelle le Gouvernement a l’intention de piocher, alors que l’Unédic finance allégrement le service public de l’emploi – la tendance s’est encore accentuée au cours des derniers mois.

Mme la rapporteure générale. Monsieur Aviragnet, le fait de présenter le solde des Asso ne relève en rien d’une approche comptable de la sécurité sociale. C’est plutôt une bonne manière de comparer, année après année, le niveau des recettes et des dépenses de la sécurité sociale par rapport à la richesse que nous produisons. C’est au contraire dans un souci de clarté que ce choix a été fait.

Vous regrettez que le Placss ne comporte pas d’indicateurs sur la qualité de notre système de sécurité sociale. C’est pourtant bien le cas : les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale, annexés au Placss, déclinent des objectifs pour chaque branche avec des indicateurs précis qu’il est possible de suivre dans le temps. Ce sont plus de 800 pages d’informations de qualité, disponibles pour le Parlement, avec des indicateurs aussi variés que les inégalités territoriales de répartition des médecins généralistes, le taux de scolarisation des enfants en situation de handicap, ou les écarts de pension entre les femmes et les hommes.

Madame Leboucher, vous faites référence à la LPFP 2018-2022, adoptée dans un contexte où les comptes sociaux étaient quasiment revenus à l’équilibre. La situation a changé avec la crise sanitaire. En outre, les transferts entre administrations publiques ne se font pas toujours au détriment de la sécurité sociale : l’État contribue largement au financement de cette dernière, notamment par le biais de l’affectation d’une part de TVA.

Pour la seule année 2023, les recettes des Asso ont augmenté de 33 milliards d’euros, soit de 4,6 %, alors que les dépenses croissaient de 28 milliards d’euros, soit de 4 %. Je crois donc qu’il est abusif de parler comme vous le faites d’un définancement de la protection sociale.

Madame Mélin, vous avez raison de dire que le champ des Asso intègre la Cades et son résultat structurellement excédentaire. En revanche, je le répète, vous avez tort de dire que la CNRACL n’en fait pas partie : l’excédent de 13,2 milliards d’euros intègre bien le déficit de 2,5 milliards d’euros de la CNRACL en 2023. Il ne faut pas confondre avec le régime de la fonction publique d’État qui, lui, est bien exclu du champ des Asso. La situation de la CNRACL n’en est pas moins alarmante et continuera à se dégrader pour des raisons structurelles liées au fait que le nombre de retraités du régime augmente tandis que le nombre de cotisants diminue. J’ai déjà eu l’occasion de lancer des alertes à ce sujet.

Vous évoquez les effets du changement de méthodologie de l’Insee, c’est‑à‑dire du passage en base 2020 pour le calcul des comptes de la nation pour 2023. Vous en déduisez qu’il n’est pas possible de comparer l’article liminaire avec celui des années précédentes. Ce changement explique la moitié de l’écart de solde des Asso par rapport à la prévision contenue dans la LFSS 2024 – le solde envisagé était de 0,7 point de PIB. Cet effet de périmètre s’explique essentiellement par l’exclusion de l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique du champ des Asso. Cet établissement étant structurellement excédentaire, il en résulte une diminution de l’excédent des Asso. Autrement dit, sans changement de méthodologie, l’écart par rapport à la prévision de la LFSS 2024 aurait été de seulement 0,1 point de PIB, soit environ 2,5 milliards d’euros.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Réjouissons-nous de pouvoir voter sur des comptes dans la seule salle de l’Assemblée nationale qui ne connaît pas de 49.3 ! En l’occurrence, nous voterons pour les amendements de suppression car vous gaspillez les excédents révélés par ce texte.

En 2023 plus de 18 milliards d’euros ont été mobilisés par la Cades au nom de la dette sociale, un montant supérieur aux économies attendues de la réforme des retraites, par exemple. Comme l’a indiqué la rapporteure générale, je prépare avec elle un rapport aux petits oignons sur cet argent : d’où vient-il ? Où va-t-il ? Pour ma part j’ajoute une troisième question : comment le récupérer ?

La perte résulte de votre choix de geler les taux de cotisation et d’endetter les régimes d’assurance. Vous inventez une dette, puis vous nous dites qu’il faut la rembourser. Si on commence par la fin, on se fait avoir ; si on commence par le début, on comprend la logique. Et au lieu de financer nos besoins – maladie, chômage, retraite – par des cotisations sociales, vous recourez à des impôts, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), que même les chômeurs payent. Vous êtes parvenus à faire en sorte que les chômeurs paient pour les déficits des régimes d’assurance, que les malades sans emploi paient pour leur maladie, etc. Nous refusons ce choix injuste et politique qui conduit à déplacer le lieu de décision : vous décidez à la place du conseil d’administration de la sécurité sociale puisque la Cades est un organisme d’État et non un organisme de la sécurité sociale. Vous avez pris le pouvoir et le grisbi, ce qui fait quand même beaucoup !

Nous espérons donc supprimer tout le texte, morceau par morceau, en commençant par cet article liminaire.

Mme Annie Vidal (RE). Je n’adhère pas complètement à la présentation de la dette sociale faite par mon cher collègue Clouet. Sans la crise sanitaire, durant laquelle la sécurité sociale a pleinement joué son rôle de protection, la dette sociale n’existerait pas et nous aurions à présent rétabli les comptes sociaux. Votre présentation, cher collègue, n’est pas le reflet de la réalité. Pour ma part, j’approuve les décisions prises alors pour aider les personnes et les entreprises à traverser la crise. La sécurité sociale a été conçue en 1945 pour assurer les besoins de chacun dans ce genre de situation.

M. Thibault Bazin (LR). La dette sociale existait bien avant la crise sanitaire que l’on accuse de tous les maux. On peut discuter de la Cades, de la somme qui lui a été transférée, ou de certaines ressources qui ne lui ont pas été affectées. En fait, nous héritons d’un mal plus profond. Donnons un coup d’arrêt à cette aggravation pour ne pas transmettre une dette irrémédiable aux nouvelles générations. Alors que les réformes engagées se révèlent insuffisamment efficaces, nous sommes face à des défis majeurs dans les différentes branches, qui nécessiteront des ressources. La question de l’efficacité de la dépense est donc fondamentale.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette dette liée à la crise sanitaire n’aurait jamais dû incomber à la sécurité sociale car elle découle de décisions prises par l’État et comporte des éléments disparates qui ne sont pas nécessairement de son ressort. À l’époque, j’avais fait adopter un amendement record, à 18 milliards d’euros, visant à renvoyer cette dette dans le giron de l’État. Adopté par l’Assemblée nationale, mon amendement a ensuite été éjecté au moment de l’adoption du budget par 49.3. Je persiste à penser que l’Assemblée nationale avait eu raison de l’adopter.

M. Yannick Neuder (LR). Si nous n’avons pas à débattre ici de ce qui sera proposé lors du PLFSS 2025, nous parlons quand même d’une réforme structurelle. Je suis très heureux de vous entendre rappeler l’ordonnance de 1945, madame Vidal, après les propos tenus par Bruno Le Maire sur les ALD et les transports. En zone rurale, certaines personnes n’auront plus accès aux soins en cas de suppression du remboursement du transport. Ce n’est pas du tout la même chose en zone urbaine, quand les personnes peuvent prendre le métro ou le tramway.

Le libre accès aux soins doit aussi être garanti quel que soit le revenu. À cet égard, j’espère que les propositions visant à lier le remboursement aux revenus des personnes seront enterrées à jamais. Ce n’est pas le lieu ici, mais je ne crois pas que l’on pourra parler de transports et d’indemnités dans nos objectifs pour 2025. Il faudra envisager des réformes beaucoup plus structurelles et même passer à un autre modèle, celui de la loi de programmation en santé.

M. Boris Vallaud (SOC). Comme l’a fort bien dit M. Dharréville, la dette liée à la crise sanitaire ne relève pas de la sécurité sociale stricto sensu. Vous prétendez que nous vous reprochons d’avoir soutenu notre économie et protégé certains salariés. Ce n’est pas cela. Nous vous reprochons de faire rembourser le « quoi qu’il en coûte » par celles et ceux que nous avons applaudis à vingt heures, de faire les poches des plus modestes pour ne pas avoir à faire celles des plus riches. Vous ne faites pas jouer le principe de facultés contributives et de solidarité nationale, mais vous protégez quelques‑uns au prix d’impôts sur la vie, la santé et le non‑emploi de tous les autres. C’est une différence de philosophie. Nous savons depuis longtemps que vous n’êtes pas les élus des classes moyennes mais ceux des classes affaires.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je m’inscris en faux par rapport à ce qui est dit d’une logique qui serait purement comptable. En 2023, les facteurs conjoncturels liés à la crise sanitaire ne valent plus. Il faut regarder les causes structurelles de la situation. La semaine dernière, nous avons auditionné Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui évaluait à 9 milliards d’euros le sous‑financement de la sécurité sociale.

Qui est responsable de ce sous-financement ? Dans cette commission, nous pouvons tous nous sentir concernés : nous examinons chaque semaine des propositions de loi qui alourdissent le fardeau de la sécurité sociale. Même si c’est pour de bonnes raisons, nous alourdissons le fardeau sans prévoir de financement. M. Neuder évoque le remboursement des transports en milieu rural. Est‑ce que l’aménagement du territoire rural relève de la sécurité sociale ?

N’oublions pas que les besoins vont s’accroître de 17 milliards d’euros d’ici à 2030, en raison du vieillissement de la population, des maladies chroniques, des ALD. En 2030, le sous‑financement passera donc à 26 milliards d’euros. Alors que tout le monde devrait se montrer responsable, personne ne se remet en question, pas plus les professionnels de santé que les financeurs, les patients ou les parlementaires. C’est pourquoi il faut adopter cet article.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article liminaire est supprimé.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2023

Amendements de suppression AS1 de M. Joël Aviragnet, AS6 de M. Sébastien Peytavie, AS9 de M. Hadrien Clouet, AS13 de Mme Joëlle Mélin et AS16 de M. Yannick Monnet

M. Joël Aviragnet (SOC). Derrière son apparence technique, cet article 1er entérine un appauvrissement de la sécurité sociale organisé par le Gouvernement. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la croissance très forte des exonérations de cotisations sociales et des allégements généraux : 9 milliards d’euros en deux ans pour atteindre 71 milliards en 2023. Voyez que l’on retrouve les milliards dans les exonérations !

Plus globalement, le Gouvernement cherche à contourner le salaire, assiette principale de financement de la sécurité sociale, au profit de revenus essentiellement défiscalisés et désocialisés : participation, prime de partage de la valeur – la fameuse prime Macron –, intéressement et autres. Même la Cour des comptes critique cette stratégie, dont elle évalue le coût pour la sécurité sociale à près de 20 milliards d’euros pour 2023, de quoi largement couvrir le déficit qu’il est ici demandé d’approuver.

Pour notre part, nous faisons des propositions qui montrent clairement notre volonté de faire en sorte que chacun puisse vivre dignement de son travail : augmentation du Smic, organisation d’une conférence nationale sur les salaires, etc. Des pistes, il y en a. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous considérons qu’il faut vraiment nuancer la notion d’équilibre avancée ici, étant donné les nombreuses irrégularités pointées par la Cour des comptes. Celle‑ci déclare que les comptes de la branche famille – soit 55,7 milliards d’euros de dépenses et 56,8 milliards d’euros de recettes pour 2023 – ne sont pas fiables, ce qui affecte de manière très concrète les citoyens et citoyennes. À titre d’exemple, signalons qu’un cinquième des prestations de revenu de solidarité active (RSA) sont entachées d’erreurs non corrigées et de prestations non versées.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ce tableau d’équilibre est un tableau d’irrégularités. L’article 1er indique que « si les dépenses s’avèrent globalement conformes à la prévision de la LFSS, les recettes ont connu d’importantes moins-values ». Traduction : vous avez détourné 8 milliards d’euros en réduction de cotisations sociales sans aucune contrepartie. Il manque 8 milliards parce que vous avez créé une prime Macron et des primes d’intéressement. Nous sommes dans le monde des Shadoks : plus on vide la sécurité sociale, plus on espère qu’elle se remplisse. Eh bien non, ça ne fonctionne pas. Lorsqu’on remplace 1 000 euros de salaire par 1 000 euros de prime, on perd des cotisations et on en vient à fermer un lit d’hôpital. Comme nous n’acceptons pas de fermer des lits d’hôpitaux, nous voterons contre cet article. Comme vous le faites délibérément, nous voterons contre tout le texte.

Mme Joëlle Mélin (RN). Vous nous avez promis, madame la rapporteure générale, de nous expliquer la petite erreur de calculette de 100 millions d’euros qui affecte la famille et donc le compte général. De surcroît, cette branche famille n’a pas été certifiée par la Cour des comptes pour la deuxième année consécutive – cela devient structurel. Notons aussi que le montant des cotisations accidents du travail est systématiquement surévalué depuis plus d’une vingtaine d’années, ce qui permet d’afficher des comptes positifs au détriment de la trésorerie des entreprises. Enfin, une fois de plus, le tableau d’équilibre repose sur des prévisions fausses : un taux d’inflation de 4 %, inférieur au taux constaté, ce qui a conduit à une augmentation des recettes plus faible qu’escomptée. D’où notre demande de suppression de l’article.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Accepter cet article, qui nous demande de valider le tableau d’équilibre par branches, reviendrait à vous donner quitus pour un Ondam que nous n’avons pas approuvé lors de sa fixation unilatérale par 49.3. Nous sommes d’ailleurs pour la suppression de l’Ondam dont le fondement même nous fait renier les besoins des populations. Cette logique purement comptable de la sécurité sociale est contraire aux principes qui ont présidé à sa création.

Dans son rapport sur l’application des LFSS, la Cour des comptes s’est focalisée sur les niches sociales. Pour 2023, celles-ci représentent une perte de recettes estimée à 19,3 milliards d’euros, presque le double du déficit de la sécurité sociale. Nous ne cessons de vous le répéter : on réglera les comptes de la sécurité sociale quand on augmentera les recettes pour pouvoir répondre aux besoins des populations. Ceux qui veulent faire l’inverse ne tiennent pas compte des besoins des populations. Ce sont eux, les irresponsables, pas les bénéficiaires de la sécurité sociale !

Mme la rapporteure générale. À ceux d’entre vous qui critiquent l’exactitude de ces tableaux, je rappelle que la Cour des comptes a estimé que ces derniers « fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde » des régimes de base et du FSV. Je tiens également à souligner que le nombre des anomalies significatives identifiées par la Cour dans son rapport de certification a été réduit de moitié par rapport à l’année dernière, ce qui démontre l’amélioration de l’information fournie au Parlement.

Vous avez aussi mentionné la non-certification des comptes de la branche famille. Il s’agit évidemment d’un point de vigilance qui appelle des efforts accrus de la Cnaf pour assurer le versement des prestations à bon droit. Je note cependant que la Cour des comptes a relevé plusieurs améliorations par rapport à 2022. Elle souligne en particulier la mise en œuvre d’un plan d’actions par la Cnaf et une meilleure performance des contrôles. À terme, le déploiement de la solidarité à la source réduira encore les risques d’erreur et de fraude. Je tiens à le souligner car il s’agit tout à la fois d’un facteur de fiabilisation du versement des prestations et d’une importante mesure de simplification pour les allocataires.

Certains d’entre vous ont critiqué plus généralement les politiques mises en œuvre au cours des dernières années et plus particulièrement les mesures d’exonérations de cotisations sociales et d’exemptions d’assiette, dont vous déplorez le coût pour les finances sociales. Je voudrais d’abord vous rappeler que les recettes de la sécurité sociale sont restées très dynamiques cette année : elles ont en effet progressé de 4,8 %, soit une hausse de 27,5 milliards d’euros par rapport à 2022. On ne peut donc pas sérieusement affirmer que la sécurité sociale s’appauvrit. Il reste que l’efficacité des niches sociales doit bien sûr être évaluée au regard de leurs effets sur l’emploi et l’activité économique. Le rapport de nos collègues Jérôme Guedj et Marc Ferracci apporte de premiers éléments de réponse, et nous connaîtrons bientôt les conclusions de la mission conduite par Antoine Bozio et Étienne Wasmer. Il nous appartiendra d’en tirer les conséquences, mais, en toute hypothèse, ces conclusions ne remettront pas en cause la cohérence des informations comptables que cet article vise à approuver.

Madame Mélin, la présentation détaillée des charges et produits, qui figure dans le dernier rapport à la CCSS, confirme l’exactitude du solde indiqué dans le tableau. Les recettes s’élèvent exactement à 56,750 milliards d’euros. La différence dont vous faites état tient aux arrondis.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Yannick Neuder (LR). J’aimerais réagir à l’intervention de M. Isaac Sibille, dont je partage le diagnostic sur le montant de la dette sans être d’accord avec lui sur le traitement préconisé. Nous devons assurer l’égalité d’accès aux soins, ce qui suppose de ne pas nier les différences entre zones rurales et des zones urbaines. Monsieur Cyrille Isaac-Sibille, nous venons d’une région qui vient de signer un contrat de plan État‑région d’un montant de 1,4 milliard d’euros : la région a fait ce qu’il fallait pour assurer transport. Mais ce n’est pas le sujet.

Si 50 % de nos dépenses publiques sont de la dette sociale, celle-ci n’est pas constituée que de dépenses de santé : d’autres secteurs peuvent donc contribuer aux économies. La dépense évitée étant la meilleure des économies, investissons massivement dans la prévention – il me semble que ces investissements n’ont pas été à la hauteur des propositions faites lors des derniers PLFSS – et dans l’innovation en santé. Si nous ne réalisons pas des économies significatives sur la prise en charge en santé, nous serons incapables de financer l’innovation qui permettra, avec la prévention, d’éviter les maladies. Les meilleures recettes seront les sommes que nous n’aurons pas à dépenser pour des maladies évitées.

Pour ce faire, nous devons recourir à un autre dispositif que le PLFSS. Nous adoptons en effet des propositions de loi coûteuses, sans avoir aucun moyen de restructurer le système. Pour le réformer, il faudrait un projet de loi organique de financement de la sécurité sociale pluriannuel.

M. Thibault Bazin (LR). Nos collègues questionnent à juste titre le tableau d’équilibre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Dans le rapport qu’elle a rendu la semaine dernière, la Cour des comptes, constatant la persistance d’anomalies comptables malgré des améliorations, a refusé de certifier les comptes de la branche famille pour la deuxième année consécutive. Le montant des erreurs relevées atteindrait ainsi 5,5 milliards d’euros – une paille ! Vous êtes-vous, depuis le 29 mai, penchés sur ces erreurs ? Le montant indiqué pour la branche famille ne devrait-il pas être rectifié ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Symboliquement, le fait que les recettes et les dépenses franchissent le cap des 600 milliards d’euros est significatif.

Notre collègue Neuder souligne la nécessité de prendre également en considération la branche vieillesse. Je n’en disconviens pas, mais cette remarque me conduit à me demander s’il était favorable à la dernière réforme des retraites – si oui, je l’en félicite.

À titre personnel, je suis beaucoup plus inquiet de l’évolution de la branche maladie, dont personne, en l’état actuel des choses, n’a véritablement intérêt à améliorer la gestion. Il faut engager une réforme systémique pour responsabiliser l’ensemble des acteurs, car le système actuel n’est plus régulé. Ceux de nos collègues qui ont adopté les amendements de suppression de l’article liminaire connaissent‑ils le prix d’une boîte de Doliprane ou le coût d’une journée d’hospitalisation ? En réalité, plus personne ne sait évaluer les dépenses ! Que les patients n’en soient pas capables, c’est une chose, mais le fait qu’il en aille de même pour les membres de cette commission, qui se prononcent sur les budgets de la sécurité sociale, montre bien que tous les acteurs sont devenus totalement irresponsables.

M. Didier Martin (RE). Nous examinons un projet de loi d’approbation comptable : il nous est demandé d’accréditer ou non des chiffres. Il est vrai qu’ils sont le résultat d’une politique et que, très clairement, nous avons des visions opposées de ce qu’il convient de faire pour générer des recettes. Nous estimons qu’elles sont le produit de l’activité économique, raison pour laquelle nous conduisons une politique qui favorise le dynamisme des entreprises et du secteur des services. Comme Mme la rapporteure générale l’a souligné, les recettes de la sécurité sociale ont ainsi augmenté de 27,5 milliards d’euros par rapport à 2022.

J’ajoute, à l’intention de nos collègues de droite, que s’il faut effectivement parfaire la gestion des comptes pour assurer la sincérité du budget, la Cour des comptes ne s’oppose pas aux comptes de la branche famille, même si elle ne les certifie pas. Il faut certes poursuivre l’effort d’amélioration engagé l’année dernière, mais cela ne justifie pas de s’opposer si frontalement à ce projet de loi.

Enfin je vous invite, chers collègues de gauche, à aller sur le terrain expliquer aux salariés pourquoi vous vous opposez à la prime d’activité et à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui confortent leur pouvoir d’achat – nul doute que vous recevrez un accueil très chaleureux !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je vous invite à mon tour à aller constater auprès de nos concitoyens la chaleur de l’accueil que suscite votre politique. Les mesures auxquelles vous faites référence ne sont pas favorables au pouvoir d’achat, comme cela a été démontré à de multiples reprises.

Peut-être serait-il souhaitable de ne pas considérer tous les assurés comme des irresponsables. Ce discours, que notre collègue Cyrille Isaac-Sibille fait sien, est largement répandu, mais je ne partage pas cette vision des choses. En revanche, puisque notre collègue a évoqué un prétendu vote sur la réforme des retraites, je lui rappelle que j’aurais bien aimé qu’il ait lieu, mais que le Gouvernement n’a pas eu le courage d’aller jusque‑là.

Ainsi, les chiffres que vous nous demandez de valider sont aussi le résultat de toutes les décisions que l’Assemblée nationale n’a pas pu prendre. Nous contestons le budget qui nous avait été proposé et ses conséquences, comme l’avaient d’ailleurs fait tous les conseils d’administration des caisses, sans que vous en teniez aucun compte. Il est grand temps de changer la manière dont nous construisons le budget de la sécurité sociale, car les méthodes actuelles ne sont pas respectueuses de la démocratie sociale.

Mme la rapporteure générale. Je comprends les questionnements que suscite la non‑certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes. Depuis le rapport rendu l’année dernière, un plan d’amélioration a été enclenché. Il a permis de faire diminuer très modérément l’indicateur de risque résiduel, qui s’est établi cette année à 7,4 %, contre 7,6 % au titre de l’exercice 2021. Les 5,5 milliards d’euros d’erreurs évoqués par M. Bazin correspondent à la fois à des prestations indues et à des prestations non versées. Surtout, ils portent sur une période de vingt-quatre mois.

Notre majorité a poussé pour que la Cnaf dispose de davantage de moyens en vue de déployer ce plan d’amélioration des comptes. Il me paraît un peu tôt pour en évaluer pleinement les résultats.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Article 2 : Approbation, pour l’exercice 2023, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Amendements de suppression AS3 de M. Joël Aviragnet, AS7 de M. Sébastien Peytavie, AS10 de Mme Élise Leboucher, AS14 de Mme Joëlle Mélin et AS17 de M. Pierre Dharréville

M. Joël Aviragnet (SOC). L’article 2 vise à entériner la gestion comptable des dépenses de santé par le Gouvernement. Alors que l’hôpital public connaît une crise sans précédent et que l’accès aux soins se détériore toujours plus, le Gouvernement se contente de suivre aveuglément ses indicateurs comptables et financiers, au premier rang desquels figure évidemment l’Ondam. Inspiré par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, notre groupe propose, comme il l’avait fait pendant l’examen de la loi organique défendue par Thomas Mesnier, de remplacer l’Ondam par des objectifs nationaux de santé publique, d’où cet amendement de suppression.

Par ailleurs, même si les recettes de la sécurité sociale ont effectivement augmenté cette année, elles restent inférieures de 2,2 milliards d’euros aux prévisions. Elles n’ont donc pas augmenté autant qu’espéré, ni autant que nécessaire en regard des dépenses.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Compte tenu de l’inadéquation réitérée entre les dépenses de l’Ondam, qui s’établissaient à 247,8 milliards d’euros en 2023, et les besoins de la population, le groupe Écologiste appelle à supprimer l’article 2.

Le Gouvernement s’entête à cantonner la progression des dépenses de santé à un rythme inférieur à celle du PIB, ce qui supposera de faire de nouvelles économies sur le système de santé jusqu’en 2027. Aucun investissement supplémentaire ne sera consenti pour faire face aux inégalités d’accès à la santé, aux déserts médicaux ou à la multiplication des maladies chroniques, ni pour réussir la transition écologique. Derrière ces chiffres se cache ainsi une absence totale de stratégie de long terme pour relever ces défis majeurs et préserver ainsi la santé de la population et la soutenabilité de la sécurité sociale, que les primes Macron, exonérées de cotisations, ne font qu’assécher davantage.

Mme Élise Leboucher (LFI - NUPES). L’Ondam illustre encore une fois la politique de la rustine conduite par le Gouvernement pour cacher ses tours de passe‑passe budgétaires, au détriment des besoins de santé de nos concitoyens. Il enregistre en 2023 un dépassement de 200 millions d’euros, justifié par le soutien exceptionnel de 500 millions accordé aux hôpitaux. Cette somme n’a toutefois permis de couvrir que la moitié des besoins exprimés par la Fédération hospitalière de France, qui demandait 1 milliard d’euros pour compenser l’inflation et qui a en plus dû partager cette enveloppe avec le secteur privé.

Les établissements médico-sociaux accusent quant à eux un manque de 200 millions d’euros, alors que près de 85 % des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont enregistré un résultat déficitaire en 2023. Comble de l’ironie, le Gouvernement s’est félicité d’avoir débloqué un fonds d’urgence de 100 millions d’euros dans le cadre du PLFSS 2024, alors que ce montant est deux fois inférieur à celui de la sous‑exécution budgétaire observée en 2023.

Quant à la Cades, si le Gouvernement salue la contribution de ses excédents au solde positif des Asso, il est regrettable que les régimes obligatoires soient privés des 18,3 milliards d’euros immobilisés par la caisse en 2023, au profit du remboursement d’une dette illégitime dont l’État s’est défaussé.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je vous concède que vous avez, depuis cinq ans, augmenté l’Ondam de 23,4 %. Mais pour quel résultat ? L’outil n’est manifestement pas le bon, puisqu’il vous conduit à faire peser la contrainte là où elle n’a pas lieu d’être. Certes, les acteurs ont sans doute des comptes à rendre sur les prescriptions effectuées et sur l’utilisation de l’argent public, mais là n’est pas le problème. Le problème, c’est que les besoins des patients ne sont pas couverts et surtout que la sécurité sociale, à laquelle les Français sont attachés, pâtit de votre très mauvaise gestion. Voilà vingt‑neuf ans que la Cour des comptes publie chaque année un ou deux rapports pour souligner qu’elle est gérée n’importe comment.

Vous expliquez que les 600 milliards d’euros de recettes sont le signe du dynamisme des entreprises. En réalité, elles sont surtout ponctionnées dans des proportions inégalées en Europe. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder : l’Ondam n’est pas le bon outil. Nous voulons donc supprimer l’article par lequel vous prétendez en valider le montant.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Compte tenu de la suppression des deux articles précédents, la cohérence voudrait que la commission supprime également celui-ci.

J’ai une pensée pour les personnels du centre hospitalier de Martigues et de tous les hôpitaux, pour les infirmières libérales et pour le système de santé dans son ensemble : ils sont confrontés au quotidien à une situation de tension extrême qui perdure et que nous ne pouvons pas accepter. Vous avez indiqué, madame la rapporteure générale, qu’il nous faudrait envisager des réformes structurelles. Connaissez-vous les pistes du Gouvernement en la matière ?

Mme la rapporteure générale. Je suis assez d’accord avec M. Dharréville : une fois supprimés les deux premiers articles, le texte n’a plus beaucoup de sens.

En revanche, prétendre que l’Ondam connaîtrait une croissance historiquement basse est tout simplement faux : entre 2015 et 2019, il augmentait en moyenne de 2,4 % par an, contre 4,8 % cette année hors dépenses de crise. Les dépenses ont crû de 50 milliards d’euros par an ces cinq dernières années.

Sans doute arrivons-nous au bout d’un système : la sécurité sociale, créée en 1945, quand le pays comptait beaucoup de cotisants et peu de bénéficiaires, ne peut plus fonctionner comme avant. Nous devons réfléchir à la transformation du financement de notre système de santé. J’ajoute que le PIB par habitant en France est inférieur de 14 % à celui de l’Allemagne et de 18 % à celui de la Belgique. L’enjeu est donc aussi, comme notre majorité s’y emploie depuis sept ans, d’augmenter la richesse par tête pour assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale.

Je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article 2, qui n’est qu’une photographie de l’année 2023 et ne préjuge nullement des éventuelles réformes à venir – mais je sais que cet argument ne vous convainc pas.

M. Fabien Di Filippo (LR). On peut s’interroger sur l’intérêt de supprimer chacun des articles du texte. Peut‑être serait-il préférable que ceux qui ne sont pas d’accord avec la manière dont il a été construit ni avec les chiffres avancés se laissent la possibilité de voter contre.

Pour ce qui est de l’article 2, j’appelle votre attention sur le fait que tous les centres hospitaliers universitaires, centres hospitaliers généraux et centres hospitaliers régionaux accusent des déficits bien plus élevés que prévu : ce sont des centaines de millions, voire des milliards d’euros que les agences régionales de santé ont dû combler en partie. Le même constat vaut pour les Ehpad. Il y a donc une tendance structurelle à la sous‑évaluation des dépenses.

Les représentants de la Cades, que nous avons auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis 2017, ont rappelé que sa durée de vie a été prolongée plusieurs reprises et qu’il ne lui reste plus que 6,6 milliards d’euros à reprendre avant d’avoir géré l’intégralité des sommes qui lui ont été confiées, mais il faudra lui réaffecter de la dette sociale avant la fin de ce mandat. Le fait que vous ayez dissimulé cette situation pose problème : nous ne pouvons pas nous fier aux données que vous fournissez. Par égard pour le principe de sincérité budgétaire et pour le bon suivi des comptes sociaux, nous nous opposerons donc à cet article.

M. Yannick Neuder (LR). En décidant de ne pas certifier les comptes de la branche famille, la Cour des comptes a souligné que les 5,5 milliards d’euros d’erreurs constatés ne seraient jamais régularisés, tout comme ne l’ont jamais été les 5,8 milliards comptabilisés en 2022. Ces montants concernent le RSA, la prime d’activité et les aides au logement. À l’heure où l’on cherche à faire des économies, je rappelle qu’un quart des sommes versées au titre du RSA sont entachées d’erreurs.

La rapporteure générale a suggéré qu’il fallait prendre le temps de déployer le plan d’amélioration des comptes, mais je crois au contraire qu’il y a urgence à mieux contrôler les fraudes. Sur deux ans, le cumul des versements indus de la banche famille dépasse 10 milliards d’euros, soit davantage que le déficit structurel annuel de la branche maladie. Avant de rogner sur les transports sanitaires, au risque de ne plus rembourser certains patients qui doivent se rendre à leur séance de chimiothérapie ou de dialyse, et de toucher à la santé des Français, préoccupons-nous déjà de ces dépenses non justifiées.

Mme Annie Vidal (RE). Je comprends que vous souhaitez discuter de la protection sociale : ce débat s’impose et, comme l’a souligné la rapporteure générale, plusieurs rapports seront déposés prochainement pour l’alimenter. Le moment est toutefois mal choisi, puisque nous examinons aujourd’hui une présentation des dépenses et des recettes réalisées en 2023. Chacun est libre de voter pour ou contre, mais nous n’aurons même pas la possibilité de le faire si tous les articles sont supprimés les uns après les autres. On nous demande de nous prononcer sur un état de fait : quoi que nous fassions, les dépenses et les recettes ont bien eu lieu en 2023 et la Cour des comptes juge que la représentation qui en est faite est cohérente, même si des problèmes techniques doivent être réglés d’urgence. Votre volonté de supprimer ce qui n’est qu’un simple constat n’a aucun sens.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis abasourdi par nos débats. Chacun défend son agenda politique et y va de sa surenchère. Je rejoins mon collègue Cyrille Isaac-Sibille : la sécurité sociale est en grave danger et nous devons y voir plus clair sur les recettes comme sur les dépenses. Pour en revenir au transport sanitaire, par exemple, les professionnels eux‑mêmes admettent qu’il leur arrive de transporter trois personnes en une seule fois et de facturer trois prestations. Lorsque nous avons adopté le principe du transport partagé à l’automne dernier, ils ont expliqué que cette pratique existait déjà. De la même façon, des prestations de transport assis sont parfois facturées à la sécurité sociale en transport couché. L’irresponsabilité est totale.

M. Thibault Bazin (LR). Nous avons prôné l’avènement du Printemps social de l’évaluation. Nous y voilà, madame Vidal ! Si nous n’évaluons pas dès maintenant les comptes pour les améliorer, nous risquons de connaître un nouvel hiver budgétaire. La Cour des comptes recommande de définir un programme pluriannuel de régulation des dépenses. Notre cadre organique ne le permettant pas, il faut le faire évoluer, mais sans attendre cet automne. Vous savez pertinemment que nous souffrons d’un pilotage des politiques publiques défaillant et que le constat est alarmant.

Les articles supprimés ne disparaîtront pas, puisque le texte que nous examinerons en séance sera celui initialement proposé par le Gouvernement. Symboliquement, toutefois, nous ne pouvons pas accepter qu’on nous demande d’approuver des comptes dont certains n’ont pas été certifiés.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je regrette que notre collègue Turquois soit sous le choc – et je m’en étonne, dans la mesure où nous avions déjà voté de la même façon l’année dernière. Mme Vidal estime quant à elle que nos positions n’ont pas de sens. Peut‑être est‑ce l’exercice auquel nous nous prêtons qui en est dépourvu : vous nous demandez de vous donner quitus sur un budget dont nous n’avons pas adopté le principe. Pour que les choses aient vraiment du sens, vous devriez aller au bout de votre logique et utiliser l’article 49.3 pour faire adopter ce texte !

La commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2023

Amendements de suppression AS4 de M. Joël Aviragnet, AS5 de M. Sébastien Peytavie, AS11 de M. Hadrien Clouet et AS18 de M. Yannick Monnet

M. Joël Aviragnet (SOC). Depuis 2017, le Gouvernement a endetté la sécurité sociale de 3,7 milliards d’euros. Cette dégradation s’explique certes en partie par les dépenses de crise consenties pendant l’épidémie de covid, mais aussi par l’affaiblissement structurel des ressources de la sécurité sociale – un appauvrissement encouragé par le Gouvernement, qui multiplie les exonérations de cotisations sociales et les a fait croître de 9 milliards d’euros en deux ans pour les porter à 71 milliards d’euros en 2023. Les économistes s’accordent pourtant à dire que ces exonérations ne sont plus efficaces au‑delà de 2,5 Smic.

À l’inverse, notre groupe propose de réorienter la sécurité sociale vers une logique préventive en développant la prévention des accidents du travail et la prévention en santé, en déployant un effort massif en matière de santé environnementale, etc.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 3 a pour objet de valider les tableaux retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement. Si la Cour des comptes estime que ces éléments reflètent avec cohérence les recettes, les dépenses et le solde, elle émet des réserves en raison de l’insuffisance des dispositifs de contrôle interne et de difficultés comptables persistantes. Cette gestion hasardeuse se reflète dans le refus de la Cour de certifier les comptes de la branche famille.

Nous déplorons que la présentation de la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base reste entachée de si nombreuses irrégularités, alors même que la majorité présidentielle se targue d’être exemplaire depuis 2017. Le groupe Écologiste ne se portera jamais caution du cantonnement des dépenses sociales au mépris des besoins de la population.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ceux qui ont le goût du travail bien fait devraient rejeter le texte dans son intégralité – c’est ce que nous nous apprêtons à faire. La rapporteure générale estime que les comptes sont « dynamiques ». Elle a raison : ils fondent ! Un glaçon, dans le désert, fond de manière très dynamique jusqu’à sa disparition, c’est indéniable.

En l’occurrence, le problème est que l’excédent de la Cades est, je le répète, intégralement financé par les impôts les plus injustes qui soient, la CSG et la CRDS, qui, en plus d’être très peu progressifs, pèsent sur tous ceux qui bénéficient de la solidarité nationale. Vous êtes malade ? Vous payez 1 % de votre indemnité journalière pour rembourser la dette sociale. Vous percevez une allocation chômage ? Vous payez au moins 1 % au titre de la dette sociale. Vous touchez une préretraite, une petite retraite, une pension d’invalidité, des allocations familiales, l’allocation de rentrée scolaire, les aides personnalisées au logement, l’allocation de veuvage, la prime d’activité ? Tout cela est taxé au moins 1 % pour rembourser la dette sociale. En additionnant toutes ces ponctions, on obtient 100 % de raisons de rejeter le texte.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous récusons, nous aussi, votre gestion des finances sociales. Vos gouvernements successifs ont endetté la sécurité sociale de 3,7 milliards d’euros supplémentaires depuis 2017, sans répondre aux besoins des populations. Le système de santé ne cesse de se dégrader. Tout comme la dette de l’État, la dette de la sécurité sociale tient, pour une large part, à l’affaiblissement – pour ne pas dire, à la désintégration – des ressources ; nous ne sommes pourtant pas avares de propositions pour en obtenir de nouvelles. La Cour des comptes indique qu’en 2024, les exonérations liées aux heures supplémentaires ont dépassé 2 milliards d’euros, tandis que l’exemption de la prime de partage de la valeur a dépassé 1 milliard ; c’est autant de moins pour la sécurité sociale. Vous ne cessez de rogner les recettes de la sécurité sociale : voilà le problème. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 3.

Mme la rapporteure générale. La sécurité sociale s’est désendettée en 2023, principalement sous l’effet de la forte réduction du déficit et des bonnes performances de la Cades en matière d’amortissement de la dette. Nous devons poursuivre cette trajectoire de désendettement, qui implique de prendre des mesures fortes. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pourquoi la contribution de chacun vous gêne‑t‑elle, monsieur Clouet ? Lorsqu’un salarié cotise, vous y voyez volontiers un salaire différé. Lorsqu’une personne reçoit une indemnité, il s’agit aussi, en quelque sorte, d’une indemnité différée, qui fait suite à une cotisation. Il est normal que chacun contribue.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le rejet de l’article 3 s’impose pour les raisons que nous avons déjà exprimées. Il a amplement été question, jusqu’à présent, de recettes et de dépenses, mais je tiens à insister sur l’angle mort que constitue la gestion. La Cour des comptes y insiste depuis 1996, et rappelle l’importance du contrôle interne. Pour la deuxième année consécutive, nous déplorons des erreurs comptables : elles atteignent près de 6 milliards d’euros pour la branche famille et près de 4 milliards pour l’assurance maladie ; au‑delà, toutes les branches sont concernées.

Dans le cadre de la Mecss, le directeur de la sécurité sociale n’a pas su répondre à une de mes questions, donnant l’explication suivante : « Je suis venu sans les chiffres. » Qu’avez‑vous donc à cacher ? Il faut faire la clarté. J’ose espérer que votre rapport sera exhaustif, si tant est que ce soit possible. Les Français doivent savoir comment l’argent de la sécurité sociale est employé ; c’est bien plus urgent que de doubler les franchises sur les boîtes de médicaments.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il est vrai, monsieur Isaac-Sibille, que nous ne protestons pas quand les salariés s’acquittent de cotisations. Précisons toutefois que ce n’est pas à proprement parler le salarié qui paie : c’est parce qu’il produit une richesse économique qu’il contribue. Vous prétendez qu’il est équivalent de taxer les chômeurs et de faire cotiser les salariés. C’est faux, car les salariés ont déjà cotisé à l’assurance chômage. Vous voudriez leur imposer une double contribution. C’est d’autant plus étonnant que les macronistes poussent des cris d’orfraie lorsqu’il est question de taxer les millionnaires : ils ont déjà beaucoup payé – pour mettre leur argent à l’abri au Luxembourg –, et il serait injuste de les taxer, en plus, sur leurs dividendes ! Quand il s’agit des salariés, la double imposition ne vous dérange pas.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre vote doit être interprété comme un appel à construire autrement le budget pour 2025 et à envisager des rectifications dans le budget de 2024, pour mieux répondre aux défis et aux besoins du quotidien. La rapporteure générale a affirmé que l’état des comptes appelait des réformes fortes et structurelles. Cela m’inquiète, car chaque fois que ces arguments ont été employés par le passé, cela a débouché sur de la casse sociale. Mais peut‑être ces réformes consisteront-elles à chercher de nouvelles ressources ? Avez‑vous des informations sur les intentions du Gouvernement ?

M. Didier Martin (RE). La sécurité sociale se désendette progressivement, ce qui est positif, et des réformes fortes devront être menées pour assurer la pérennité du système de santé. Au cours du débat, la droite a de nouveau montré son visage suspicieux et complotiste : que cache‑t‑on aux Français, demande‑t‑elle ? C’est une caractéristique du Rassemblement National. Pour sa part, la NUPES nous régale de ses recettes habituelles : plus d’impôts, plus de taxes et plus de prélèvements.

M. Yannick Neuder (LR). M. Dharréville a bien posé le problème de l’Ondam. Les hôpitaux et les Ehpad souffrent d’un déficit majeur, qui pourrait doubler d’ici à la fin de 2024 ; ainsi, 85 % des Ehpad étaient déficitaires en 2023 – 650 millions d’euros supplémentaires viennent d’ailleurs de leur être attribués. Nos trente‑deux centres hospitaliers universitaires présentent un déficit cumulé de 1,2 milliard. Vous masquez habilement le déficit des établissements publics dans un Ondam insincère, et la revalorisation n’est pas à la hauteur de l’inflation. Vous mettez la poussière sous le tapis et creusez le déficit des structures publiques – et même des hôpitaux privés, puisque la revalorisation n’est pas suffisante. On ne peut pas vivre ainsi à crédit.

M. Thibault Bazin (LR). Nous n’avons pas déposé d’amendement sur cet article, monsieur Martin ; ne criez donc pas au complotisme.

Par ailleurs, madame la rapporteure générale, vous ne pouvez pas affirmer que nous nous désendettons alors que le déficit atteint plusieurs milliards d’euros : sans les mesures techniques, il serait de l’ordre de 12 milliards d’euros. Le déficit est simplement moins aggravé que les années précédentes ; il reste néanmoins très inquiétant.

La commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l’article 3.

La commission ayant supprimé ou rejeté tous les articles du projet de loi, l’ensemble de celui-ci est rejeté.

 


([1]) Résultant de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([2]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, « Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Bilan et perspectives. », novembre 2019.

([3]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, op. cit.

([4]) Cour des comptes, « Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance », rapport public thématique, novembre 2020, disponible ici : https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-11/20201118-rapport-gouvernance-finances-publiques.pdf.

([5]) Commission pour l’avenir des finances publiques. « Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », mars 2021.

([6]) Rapports n° 4378 et 4379 relatifs aux propositions de loi organique et proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.

([7]) Si ces mesures diminuent le montant des cotisations sociales perçues, elles sont bien souvent compensées par l’État, soit sous forme de crédits budgétaires pour les exonérations ciblées, soit par affectation de recettes fiscales pour les allègements dits « généraux ».

([8]) Jusqu’à l’année dernière, l’annexe 2 contenait 105 fiches présentant des mesures d’exonérations, de réduction ou d’exemption d’assiette de cotisations tandis que la mission menée en 2023 par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales recensait 142 mesures de cette nature.

([9]) Rodolphe Gintz, Thomas Brand, Laurence Eslous, Antoine Magnier, Évaluation de l’efficacité des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique  2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mars 2023.

([10]) Antoine Bozio et Étienne Wasmer, mission relative à l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité et à son effet sur l’emploi, le niveau des salaires et l’activité économique. Un rapport d’étape, disponible, a été remis le 4 mai dernier.

([11]) Cour des comptes, « Le soutien de l’État aux services à la personne », rapport public thématique, mars 2024.

([12]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, chapitre IV.

([13]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

([14]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([15]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([16]) Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

([17]) Article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale.

([18]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 précitée.

([19]) Article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale.

([20]) Le Sénat avait notamment intégré dans le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale le régime d’assurance chômage au cours de la première lecture. Texte disponible ici : https://www.senat.fr/leg/tas20-159.html.

([21]) Rapport (n° 1268) fait par Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2023.

([22]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([23]) Loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([24]) 9,2 milliards d’euros, soit 0,3 % du PIB.

([25]) Insee, « Le compte des administrations publiques en 2023 », Insee Première, n° 1998, mai 2024.

([26]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2023, prévisions 2024, p. 10.

([27]) En application de l’article 16 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 et de l’arrêté du 27 décembre 2023 fixant la répartition de la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ainsi que le plafonnement de la compensation prévu au 7° bis de l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale.

([28]) Loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([29]) Indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle.

([30]) Voir l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.

([31]) Les charges de la Cades se sont élevées à 2,8 milliards d’euros en 2023.

([32]) La situation financière des Robss et du Fonds de solidarité vieillesse fait l’objet d’une présentation plus détaillée dans le commentaire de l’article 1er.

([33]) Article liminaire de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

([34]) En application de la nouvelle base 2020 utilisée par l’Insee pour l’établissement des comptes nationaux, l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique est reclassé dans la catégorie des fonds de pension. Plus de détails sur les effets liés au changement de base de l’Insee sont accessibles dans la publication suivante : Insee, « Les comptes nationaux passent en base 2020 », mai 2024.

([35]) 5° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.

([36]) Article 9 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([37]) b du 9° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale.

([38]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([39]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 10.

([40]) Cour des comptes, « Certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Exercice 2023 », mai 2024, p. 70.

([41]) Ibid.

([42]) Audition de Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le 29 mai 2024.

([43]) Convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Cnaf 2023-2027, p. 62.

([44]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 12.

([45]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 39.

([46]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 36.

([47]) Ibid., p. 9.

([48]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022, article 3.

([49]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 42.

([50]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 13.

([51]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.

([52]) Loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([53]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([54]) 4° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([55]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, article 31.

([56]) Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023, article 2.

([57]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, article 18.

([58]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. L’article 4 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a par ailleurs prévu que ce montant sera abaissé à 1,45 milliard d’euros à compter de 2025 pour permettre un versement constant à ce niveau jusqu’en 2033.

([59]) Loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000.

([60]) L’article 109 de la LFSS 2011 précitée avait prévu une mise en réserves de recettes pour le financement de dispositifs dérogatoires de retraite. Abondée seulement entre 2011 et 2013, cette troisième section a finalement été récupérée par la CNAMTS en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, par une opération comptable ponctuelle, critiquée par la Cour des comptes, en faveur du fonds de financement pour l’innovation pharmaceutique – depuis supprimé.

([61]) Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

([62]) Elle a historiquement été affectataire d’une fraction du prélèvement social sur les revenus du capital entre 2011 et 2016.

([63]) La Cades bénéficie depuis sa création du soutien de l’Agence France Trésor, renforcé par le décret n° 2017‑869 du 9 mai 2017. Depuis le 1er octobre 2017, les services de l’agence ont la responsabilité des opérations de la caisse, sans que cela remette en cause son caractère cantonné au remboursement de la dette des régimes de sécurité sociale.

([64]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 253 (données de la Cades).

([65]) Certains régimes ne sont en effet pas retracés en raison de leur faible importance financière (régimes représentant moins de 30 millions d’euros et ne recourant pas à l’emprunt).

([66]) En application du décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général et des établissements publics de santé à effectuer en 2023.

([67]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2023, prévisions 2024.

([68]) Ce montant correspond à l’écart entre les valeurs mobilières et titres de placement détenus par le FRR (20,4 milliards d’euros inscrits à l’actif) qui sont comptabilisés en valeur de marché et leur valeur d’acquisition (18,9 milliards d’euros qui sont inscrits au passif). Cette réévaluation correspond pour partie à des plus‑values non encore réalisées.

([69]) À ce montant s’ajoutent 500 millions d’euros de dépôts de garantie reçus dans le cadre des contrats de marché à terme et de pensions livrées mis en place afin de couvrir le risque de contrepartie, enregistrés comme « dette nette au titre des instruments financiers ».

([70]) Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([71]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2024, mai 2024, p. 78.

([72]) Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([73]) https://assnat.fr/vYBuMy

([74]) https://assnat.fr/dtldj8