N° 2733
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger le modèle d’assurance chômage et soutenir l’emploi des séniors,
Par Mme Martine FROGER,
Députée.
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Voir le numéro : 2550.
SOMMAIRE
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Pages
a. Une baisse de l’allocation journalière des salariés les plus fragiles
a. Une nouvelle restriction des indemnisations en haut de cycle...
b. ... et un resserrement des règles alors que le chômage augmente
Article 3 Desserrer l’encadrement de la négociation des accords relatifs à l’assurance chômage
Article 3 quater (nouveau) Création d’un conseil d’orientation de l’assurance chômage
Article 5 Gage de recevabilité financière
ANNEXE n° 1 : Liste des personnes ENTENDUEs par LA rapporteurE
À la suite de la réforme globale de l’assurance chômage entrée en vigueur le 1er octobre 2021 et de celle instaurant un principe de contracyclicité à compter du 1er février 2023, le Gouvernement s’apprête à réduire à nouveau les droits des salariés privés d’emploi pourtant affectés par une remontée du taux de chômage depuis plusieurs mois.
L’introduction d’une troisième réforme en à peine quatre ans masque, sous couvert d’une volonté d’améliorer le fonctionnement du marché du travail, l’ambition de diminuer la dépense publique au détriment des plus précaires.
En effet, les 3,6 milliards d’euros d’économies attendues grâce aux mesures annoncées par le Premier ministre s’ajoutent aux plus de 2 milliards d’euros de baisse de dépenses issues de la réforme de 2021 et aux 4,5 milliards d’euros prévus pour celle de 2023. Au total, c’est près de 10 milliards d’euros dont le Gouvernement aura privé les demandeurs d’emploi, soit 25 % des dépenses d’assurance chômage, dans un contexte où l’État ponctionne des sommes de plus en plus importantes dans le budget de l’Unédic.
Cet empressement pourrait être justifié par une évaluation des résultats des précédentes réformes.
En réalité, la seule étude, encore partielle, tirant des enseignements des changements intervenus en 2021 ne convainc pas.
Le comité de suivi de la réforme n’est en effet pas en mesure de déterminer si la baisse du rythme d’ouvertures des droits à l’assurance chômage est liée à l’amélioration de la conjoncture économique ou à la réforme.
En revanche, le comité a clairement identifié les populations qui ont le plus souffert de cette réforme : si 47 % des demandeurs d’emploi indemnisés ont vu leur allocation diminuer d’en moyenne 16 %, ils sont 68 % chez les moins de 25 ans – contre 40 % chez les 35 à 54 ans –, 50 % chez les non cadres – contre 19 % chez les cadres – ou encore 64 % chez les personnes en fin de contrat à durée déterminée (CDD) – contre 19 % pour les fins de contrat à durée indéterminée (CDI).
Précariser les plus précaires, c’est donc le levier d’action du Gouvernement quitte à transformer la nature même de l’assurance chômage.
Cette situation, que nous déplorons, n’est pas sans lien avec les règles de gouvernance issues de la loi du 5 septembre 2018 ([1]), dont l’objectif à peine masqué est de faire échouer la négociation en imposant des conditions très difficiles, voire impossibles, à remplir. Ainsi, le mécanisme du document de cadrage, contraignant en amont comme en aval, a conduit, à deux reprises, en 2018 comme au début de cette année, à l’échec des négociations, ouvrant la voie à la fixation du règlement d’assurance chômage par décret.
Le rôle croissant de l’État dans le fonctionnement de l’assurance chômage, dont il définit les règles et en ponctionne les finances, se caractérise, en outre, par l’introduction d’un ajustement automatique des paramètres d’indemnisation en fonction du cycle économique. Les annonces récentes du Premier ministre font craindre un nouveau recul de ces droits alors même que le taux de chômage devrait croître à 7,8 % d’ici la fin de l’année contre 7,1 % début 2023, et donc justifier, en application du principe de contracyclicité, un allégement des contraintes qu’ils supportent.
Les économistes auditionnés au cours de nos travaux préparatoires ou entendus dans les médias, malgré leur éventuel soutien aux réformes précédentes, se sont étonnés de ce calendrier et des raisons avancées craignant des conséquences néfastes sur le bon fonctionnement du marché du travail.
D’après les annonces du Premier ministre, le Gouvernement projette en effet de restreindre à nouveau les conditions d’affiliation à l’assurance chômage en réduisant la période de référence à vingt mois, contre vingt‑quatre mois à l’heure actuelle. Il faudra également avoir travaillé huit mois pour ouvrir des droits, contre six mois aujourd’hui et quatre mois avant 2021. Cette mesure menace tout particulièrement les travailleurs saisonniers et fait craindre des difficultés majeures pour les secteurs concernés. Le mécanisme de contracyclicité est, lui aussi, renforcé.
En trois ans, la durée de l’indemnisation aura donc été réduite de près de 50 % tandis que la durée d’affiliation aura doublé. Parmi les demandeurs d’emploi les plus touchés, les seniors subiront l’effet conjugué de la réforme des retraites et des annonces du Gouvernement relatives à l’assurance chômage.
Face à ces reculs de notre modèle assurantiel et à la fragilisation des plus précaires, il nous semble nécessaire de rétablir un équilibre au sein de la gouvernance de l’assurance chômage et d’inscrire dans la loi des garde-fous pour préserver les droits des demandeurs d’emploi. Nous sommes soutenus dans cette démarche par l’ensemble des organisations syndicales qui y voient l’opportunité du rétablissement d’un fonctionnement plus juste de l’assurance chômage.
Le travail en commission a permis de conforter un texte de préservation de notre modèle social. Je forme le vœu qu’il soit adopté en séance publique, ce qui constituera une prise de position claire vis-à-vis des intentions du Gouvernement.
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I. Les réformes successives de l’assurance chômage au mépris du dialogue social ont conduit à une restriction continue des droits des demandeurs d’emploi
Depuis 2019, les réformes de l’assurance chômage se succèdent et mènent à un recul toujours plus important des droits des demandeurs d’emploi.
Le Gouvernement agit désormais seul en la matière puisqu’il a exclu les partenaires sociaux de la définition des règles de l’assurance chômage en contraignant leurs négociations jusqu’à les rendre impraticables.
Avec les annonces d’une nouvelle réforme à compter du 1er décembre 2024, le Gouvernement poursuit son ambition alors même que l’évaluation des précédentes réformes débute seulement. Dans un contexte économique pour le moins incertain et à la suite du recul de l’âge de départ à la retraite, les précaires et les seniors se trouvent encore une fois grandement pénalisés.
A. LA GESTION PARITAIRE DE L’ASSURANCE chÔMAGE EST FRAGILISÉE PAR LA REPRISE EN MAIN PROGRESSIVE DE L’ÉTAT DEPUIS 2019
Avec l’introduction d’un document de cadrage visant à limiter le champ de la négociation des partenaires sociaux, le Gouvernement écarte toute perspective de signature d’un accord d’assurance chômage et conserve la mainmise sur celle‑ci.
1. Les principes fondateurs de la gouvernance donnent une place prépondérante à la négociation entre partenaires sociaux
Depuis sa création en 1958 ([2]), le régime d’assurance chômage est géré de façon paritaire par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel au sein de l’Unédic ([3]).
L’ordonnance du 21 mars 1984 ([4]) pose les principes du système de protection, toujours en vigueur, contre le chômage :
– institution d’un régime d’assurance et d’un régime distinct de solidarité ;
– versement des allocations d’assurance et des allocations de solidarité par un opérateur, devenu France Travail depuis le 1er janvier 2024, en application d’une convention entre l’État et l’Unédic ;
– à partir du cadre général déterminé par la loi, les partenaires sociaux sont compétents pour déterminer les règles d’indemnisation, de gestion et de financement du régime d’assurance chômage.
Pour produire ses effets sur l’ensemble des employeurs et des salariés se trouvant dans son champ d’application, la convention d’assurance chômage, s’appliquant pour trois ans, doit être agréée par l’État, qui peut déterminer par décret les modalités d’application du régime d’assurance si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord ([5]). L’agrément ne peut être délivré si la convention ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires en vigueur, en particulier s’agissant de la politique de l’emploi ([6]).
2. L’encadrement resserré des négociations par l’État depuis 2019 est devenu un carcan pour les partenaires sociaux
Soulevant des « interrogations récurrentes – et croissantes – sur l’efficacité du paritarisme de gestion pour faire face aux enjeux actuels ([7]) », l’actuelle majorité a considérablement renforcé le rôle de l’État dans la gouvernance de l’assurance chômage avec la loi du 5 septembre 2018 ([8]) tant en amont dans le cadrage des négociations qu’en aval avec la procédure d’agrément de la convention d’assurance chômage ([9]).
En effet, le nouvel article L. 5422-20-1 du code du travail introduit un « document de cadrage » transmis par le Premier ministre aux partenaires sociaux et concomitamment au Parlement « préalablement à la négociation de l’accord et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ».
Ce document de cadrage doit contenir :
– « les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière » en détaillant « les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde » cette trajectoire ;
– « le délai dans lequel cette négociation doit aboutir » ;
– « le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage ».
Ce document est élaboré avec le concours de France Travail et de l’Unédic qui ont obligation de fournir « aux services de l’État toutes les informations nécessaires à l’élaboration du document de cadrage » ainsi qu’au « suivi des négociations » ([10]). Il est intéressant de noter, à ce titre, que lors des dernières négociations de l’automne 2023, les partenaires sociaux, jugeant que les estimations macroéconomiques du document de cadrage étaient imprécises et déjà datées, ont dû solliciter au cours de leurs travaux le concours de l’Unédic.
Les étapes de l’élaboration des règles du régime d’assurance chômage
– Consultation des partenaires sociaux en vue de l’élaboration du document de cadrage, alimenté par les données fournies par France Travail et l’Unédic.
– Transmission par le Premier ministre aux partenaires sociaux, et concomitamment au Parlement, du document de cadrage.
– Négociation par les partenaires sociaux d’un accord sur le régime d’assurance chômage sur la base du document de cadrage transmis par le Premier ministre.
– Ouverture d’une négociation en parallèle sur les règles applicables aux intermittents du spectacle.
– En cas de succès des négociations, procédure d’agrément des accords sur la base d’un contrôle de légalité et de leur compatibilité avec la trajectoire financière du document de cadrage.
– En cas d’échec des négociations, nécessité de définir les règles par décret.
La loi du 5 septembre 2018 a également contraint les négociateurs à élaborer des accords « compatibles avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage définis dans le document de cadrage » ([11]). Ainsi, le premier document de cadrage transmis aux partenaires sociaux le 25 septembre 2018 sur le fondement de cette nouvelle obligation légale demandait expressément aux partenaires sociaux d’adopter un ensemble de mesures permettant de dégager entre 1 et 1,3 milliard d’euros d’économies en moyenne annuelle sur trois ans.
Le dernier document de cadrage transmis le 31 juillet 2023 prévoyait expressément une réaffectation d’une partie des recettes actuelles de l’Unédic vers la politique en faveur du développement des compétences et d’accès à l’emploi en réduisant les recettes de l’Unédic des montants suivants sur la durée de la convention :
– 2 milliards d’euros en 2023 ;
– entre 2,5 et 2,7 milliards d’euros en 2024 ;
– entre 3 et 3,2 milliards d’euros en 2025 ;
– entre 3,5 et 4 milliards d’euros en 2026.
Un tel encadrement des marges de manœuvre des partenaires sociaux dans leur pouvoir de négociation – dénoncé unanimement par les partenaires sociaux lors des travaux préparatoires comme un véritable « carcan » imposé par l’exécutif – préfigurait la quasi‑impossibilité de parvenir à un accord agréé par l’État.
3. Les exigences du document de cadrage et de la procédure d’agrément ont conduit à l’échec programmé du dialogue social, se traduisant par un contrôle croissant de l’assurance chômage par l’État
Depuis la réforme de la gouvernance entrée en vigueur au 1er janvier 2019, aucun accord agréé n’a vu le jour.
● En effet, les premières négociations menées en 2019 par les partenaires sociaux sous ce nouveau régime pour remplacer la convention du 14 avril 2017 s’étant soldées par un échec, l’État a pris deux décrets dits « de carence », en application des dispositions de l’article L. 5422-20 du code du travail, le 26 juillet 2019 afin de fixer les règles de l’assurance chômage, à compter du 1er novembre 2019 et ce jusqu’au 1er novembre 2022 ([12]).
L’entrée en vigueur de la réforme a toutefois été reportée à deux reprises, d’abord en raison de la crise sanitaire puis à la suite de l’annulation de la réforme par le Conseil d’État, saisi par les organisations syndicales.
En définitive, la réforme engagée par les décrets de carence de 2019 est entrée en vigueur selon le calendrier suivant :
– au 1er octobre 2021 sont entrées en vigueur les règles relatives au salaire journalier de référence, à la durée d’indemnisation et aux différés d’indemnisation ;
– au 1er décembre 2021, la « clause de retour à une meilleure fortune » de la situation du marché du travail étant remplie, l’allongement de la durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir droit à l’assurance chômage et l’application de la dégressivité de l’allocation pour les hauts revenus sont entrés en vigueur.
● Le décret du 26 juillet 2019 ([13]) arrivant à échéance le 1er novembre 2022, les partenaires sociaux auraient dû être conviés à la table des négociations en juin 2022 selon la procédure prévue par le code du travail. Toutefois, compte tenu du calendrier électoral et de la mise en œuvre différée des règles souhaitées par l’État, l’exécutif a privilégié la voie législative afin de sécuriser juridiquement la continuité du régime et d’introduire le principe de la contracyclicité ([14]).
Ainsi la loi du 21 décembre 2022 ([15]) prévoit :
– d’une part, que par dérogation à la procédure de négociation de droit commun, un décret en Conseil d’État, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs, détermine, à compter du 1er novembre 2022, les mesures d’application des dispositions relatives à l’assurance chômage ;
– d’autre part, par un nouvel article L. 5422-2-2 du code du travail, que « les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail ».
● En conséquence, les règles d’indemnisation issues du décret du 26 juillet 2019 ont été prolongées, dans un premier temps, jusqu’au 31 janvier 2023, par un décret dit de « jointure » ([16]), puis le décret du 26 janvier 2023 ([17]), pris en application de la loi du 21 décembre 2022, est venu modifier les règles d’indemnisation du chômage pour les travailleurs privés d’emploi dont la fin de contrat de travail est intervenue à compter du 1er février 2023.
Ces nouvelles règles, prévoyant la modulation de la durée d’indemnisation selon la situation du marché du travail devaient initialement s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2023.
Notons que ce décret fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État porté par la Confédération générale du travail (CGT), Solidaires, la Fédération syndicale unitaire (FSU), l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ainsi que la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Le Conseil d’État a examiné ces requêtes le 3 juin 2024.
● Revenant à la procédure de droit commun pour fixer les règles de l’assurance chômage pour les années 2024 à 2027, la Première ministre a transmis le 31 juillet 2023 le document de cadrage régissant les négociations entre partenaires sociaux.
Les objectifs définis par le document de cadrage du 31 juillet 2023
Dans une optique d’atteinte du plein emploi à l’horizon 2027, l’exécutif a défini plusieurs objectifs :
1. assurer la soutenabilité du modèle assurantiel en réduisant significativement la dette ;
2. lutter contre la précarité de l’emploi et favoriser l’emploi durable en veillant à éviter les phénomènes d’alternance de contrats courts et de période de chômage ;
3. préserver le caractère contracyclique du régime d’assurance chômage ;
4. réduire certaines difficultés d’accès au droit à l’assurance chômage ;
5. corriger les différences effectives d’incitation de retour à l’emploi selon le niveau de rémunération ;
6. tirer les conséquences de l’allongement de la durée d’activité sur les règles d’indemnisation des seniors et favoriser leur retour en emploi ;
7. tenir compte des modalités de négociation spécifiques aux intermittents du spectacle ;
8. adapter les conditions d’indemnisation à la situation particulière des anciens détenus ayant travaillé dans le cadre de contrats d’emploi pénitentiaires ;
9. tenir compte du régime propre à Mayotte.
De l’avis de nombreux partenaires sociaux entendus dans le cadre des auditions, les contraintes de ce document de cadrage étaient telles qu’elles auraient dû conduire à l’échec des négociations entre organisations syndicales et organisations patronales.
Or, le 10 novembre 2023, les partenaires sociaux sont parvenus à la conclusion d’un protocole d’accord relatif à l’assurance chômage, signé par toutes les organisations, à l’exception de la CGT et de la CFE-CGC. Traduit, quelques jours plus tard, par l’Unédic en convention d’assurance chômage ([18]), ce protocole aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2024.
Cet accord prévoyait, en son article 3, de renvoyer les mesures relatives à l’indemnisation des seniors à une négociation dédiée, sur le fondement de l’article L. 1 du code du travail. Les parties avaient d’ores et déjà convenu que l’impact budgétaire des mesures relatives aux seniors devait entraîner une moindre dépense au minimum de 440 millions d’euros sur la période 2024-2027. En conséquence, le Gouvernement a conditionné l’agrément de la nouvelle convention d’assurance chômage à la conclusion de cet avenant – prenant dans l’intervalle un nouveau « décret de jointure » ([19]) pour prolonger les règles en vigueur jusqu’au 30 juin 2024.
● L’échec de la négociation sur le nouveau « Pacte de la vie au travail », le 10 avril 2024, a entraîné celui de la conclusion d’un avenant sur l’indemnisation des seniors, conduisant dès lors au refus, par le Premier ministre, d’agréer l’accord trouvé en novembre 2023. Le Gouvernement a, en effet, jugé que le solde financier prévisionnel du régime déficitaire de 440 millions d’euros était incompatible avec la trajectoire financière fixée dans le document de cadrage ([20]).
Au total, l’État se trouve, désormais, à nouveau en position de reprendre la main sur l’assurance chômage pour trois ans par la prise d’un nouveau décret de carence au 1er juillet 2024 dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er décembre 2024.
B. L’évolution des critères d’affiliation et leur modulation en fonction du cycle économique aggravent les difficultés des demandeurs d’emploi les plus précaires
Les mesures prises pour réformer l’assurance chômage par le Gouvernement à compter du décret du 26 juillet 2019 ([21]) « ont principalement affecté les jeunes, les moins diplômés et les personnes qui sortent d’un contrat en CDD ou en intérim » selon le rapport intermédiaire d’évaluation du comité de suivi ([22]). Pourtant, les annonces du Premier ministre témoignent d’une volonté de poursuivre dans cette logique, renforcée par la mise en place d’un mécanisme de contracyclicité dont l’objectif est à nouveau de réduire les droits des allocataires.
1. La réforme d’ampleur de 2019 a conduit à un resserrement des conditions d’accès à l’allocation de retour à l’emploi et à une baisse de son montant
● En l’absence d’accord entre partenaires sociaux, l’article L. 5422‑20 du code du travail dispose que les règles de fonctionnement de l’assurance chômage sont prises par décret en Conseil d’État.
Le décret du 26 juillet 2019 prévoit ainsi, consécutivement à l’échec des négociations entamées en 2018, quatre principales modifications aux règles antérieurement en vigueur pour les bénéficiaires de l’assurance chômage ([23]) :
– la durée d’affiliation, correspondant au nombre minimal de jours ou d’heures travaillées pour pouvoir percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), est fixée à 130 jours, ou 910 heures, soit environ six mois de travail. Auparavant, cette durée était fixée à 88 jours travaillés, ou 610 heures, soit environ quatre mois ;
– la durée de la période de référence affiliation, durant laquelle il est nécessaire d’avoir travaillé au moins 130 jours, ou 910 heures, pour bénéficier de l’ARE, est fixée à vingt‑quatre mois pour les salariés âgés de moins de 53 ans, contre vingt‑huit mois auparavant, et trente‑six mois pour les salariés âgés d’au moins 53 ans ;
– la durée d’indemnisation, soit le nombre maximal de jours pendant lesquels l’allocataire perçoit l’ARE, et son montant, le salaire journalier de référence (SJR), sont désormais calculés sur la base du nombre total de jours compris entre le premier jour en contrat de travail et le dernier jour du dernier contrat de travail au cours de la période de référence, y compris une partie des jours non travaillés ([24]) dans la limite de vingt‑quatre mois pour les salariés âgés de moins de 53 ans et de trente‑six mois pour les salariés âgés d’au moins 53 ans ;
– le montant de l’ARE est dégressif à compter du septième mois d’indemnisation pour les personnes âgées de moins de 57 ans à la date de fin de leur contrat ou de l’engagement de la procédure de licenciement et dont le SJR est supérieur à 159,68 euros par jour soit une rémunération brute mensuelle d’au moins 4857,81 euros par mois. La dégressivité est plafonnée à une réduction de 30 % du montant de l’allocation initiale et à un plancher de 91,02 euros par jour.
● La mise en œuvre de la réforme des règles d’indemnisation de l’assurance chômage a été retardée pour des raisons juridiques mais tenant également au contexte économique et au contenu de la réforme. Elle n’est entrée pleinement en vigueur que le 1er octobre 2021 ([25]) après que le Conseil d’État a exigé du Gouvernement qu’il atténue la portée de certains dispositifs.
Outre des reports décidés par le Gouvernement compte tenu de la crise sanitaire jusqu’au 1er avril 2021 ([26]), deux décisions juridictionnelles l’ont conduit à amender puis reporter la réforme.
Le Conseil d’État a, en effet, jugé par une décision du 25 novembre 2020 ([27]), que le nouveau mode de calcul du SJR, initialement dépourvu d’un taux maximal de prise en compte des périodes non travaillées, entraînait des différences de traitement entre allocataires qui n’étaient pas proportionnées au motif d’intérêt général poursuivi, en l’occurrence la stabilité de l’emploi.
Il a également jugé, en référé, le 22 juin 2021 ([28]), les nouvelles dispositions conformes au principe d’égalité mais a ordonné leur report dans la mesure où il n’est pas ressorti de son instruction « d’éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail [étaient] à ce jour réunies pour atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi » ([29]).
Ces décisions de justice témoignent de l’ampleur des effets attendus de la réforme et de ses conséquences sociales importantes qu’il est difficile de mesurer.
2. L’évaluation encore parcellaire des réformes révèle un effet concentré de leurs effets sur les demandeurs d’emploi en situation de précarité
Les études portant sur la réforme de 2019 présentent des résultats incertains et mettent en évidence des difficultés accrues pour les demandeurs d’emploi les plus précaires.
a. Une baisse de l’allocation journalière des salariés les plus fragiles
● La réforme fait l’objet d’une évaluation dans le cadre d’un comité d’évaluation installé à l’automne 2022 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et composé d’économistes et de sociologues ([30]).
Le rapport intermédiaire, publié en février 2024, permet de tirer des enseignements, toutefois limités, d’une réforme dont certaines règles ont déjà été modifiées moins d’un an et demi après leur pleine entrée en vigueur.
● Le tableau ci‑dessous permet de mieux appréhender les catégories de demandeurs d’emploi affectées par la réforme, soit les allocataires dont l’application des nouvelles règles a conduit à bénéficier d’une allocation journalière inférieure de 1 % à celles dont ils auraient bénéficié sous l’empire des règles antérieures.
Profil des allocataires affectÉs par le changement de la formule de calcul du salaire journalier de référence
Catégorie |
Part des allocataires affectés |
|
Genre |
Femmes |
45 % |
Hommes |
49 % |
|
Âge |
Moins de 25 ans |
68 % |
De 25 à 34 ans |
48 % |
|
De 35 à 44 ans |
40 % |
|
De 45 à 54 ans |
39 % |
|
55 ans et plus |
33 % |
|
Qualification |
Cadres |
19 % |
Non cadres |
50 % |
|
Niveau d’études |
Inférieur au bac |
49 % |
Bac / échec études sup. |
49 % |
|
Études supérieures |
39 % |
|
Non renseigné |
50 % |
|
Motif de fin de contrat |
CDI |
19 % |
CDD |
64 % |
|
Intérim |
87 % |
|
Ensemble |
|
47 % |
Note : sont considérés comme affectés les allocataires dont l’allocation journalière (AJ) initiale, avec les nouvelles règles, est inférieure d’au moins 1 % à celle calculée avec les anciennes règles. L’AJ initiale correspond à l’AJ avant prise en compte de la cotisation pour retraite complémentaire et les prélèvements sociaux.
Champ : allocataires ouvrant un droit à l’assurance chômage et soumis au nouveau mode de calcul du SJR, hors intermittents du spectacle.
Source : Dares, d’après le fichier national des allocataires et des calculs de l’Unédic (2023).
Le comité d’évaluation a constaté que l’application des nouvelles règles de l’assurance chômage a affecté plus fortement certaines catégories d’allocataires, en particulier les moins qualifiés et les plus précaires. La baisse de l’allocation journalière est en effet supportée par 47 % des allocataires mais des différences importantes sont à relever en fonction du niveau de qualification ou de la nature du dernier contrat : seul 19 % des allocataires anciennement en CDI sont affectés par la réforme contre 64 % de ceux en CDD et 87 % en intérim tandis que 19 % des cadres en subissent les effets contre 50 % des non cadres. Enfin, 68 % des moins de 25 ans sont affectés par la réforme contre 33 % des 55 ans ou plus.
L’intensité de la baisse des allocations est également un facteur à prendre compte dans l’identification des « perdants » de la réforme qui en subissent le plus fortement les conséquences.
Répartition des allocations journalières nettes pour les entrants selon l’écart entre la réglementation 2021 observée et l’ancienne réglementation
Note : Pour chaque nouvel entrant, le montant de l’allocation journalière est comparé au montant de l’allocation calculée en application des règles issues de la convention de 2017.
Champ : allocataires ouvrant un droit à l’assurance chômage et soumis au calcul du SJR en application des règles applicables à compter du 1er octobre 2021, hors intermittents du spectacle
Source : Unédic, Suivi de la réglementation 2021 d’assurance chômage, février 2023. D’après le fichier national des allocataires, calculs Unédic.
L’ampleur de la baisse des allocations, qui s’établit en moyenne à 16 % pour les 47 % de personnes affectées par la réforme ([31]), est ainsi très variable : 26 % des allocataires affectés subissent une baisse de leur allocation nette de plus de 10 % et on constate pour 1 % d’entre eux une baisse de 40 à 50 %. De telles pertes de revenus pour une part non négligeable des allocataires conduit nécessairement à une précarisation importante qui se concentre sur les catégories les plus fragiles.
b. Des effets limités sur le retour à l’emploi qui suggèrent une part significative de reprise d’emploi précaire
Le rapport intermédiaire mesure un effet limité de la réforme en faveur d’un retour à l’emploi qui se caractérise néanmoins par une forte proportion de reprise de contrats précaires.
En effet, « cette étude met en avant un effet positif et significatif, de l’ordre de 3 points, du passage de 4 à 6 mois de la condition d’affiliation minimale sur la probabilité de retrouver un emploi dans les deux mois suivant la fin d’un contrat de plus de 3 mois », soit concernant 35 % des ouvertures de droit à l’assurance chômage ([32]).
Cependant, l’effet positif est contrasté par les caractéristiques de l’emploi retrouvé puisqu’il « est pour moitié lié à la reprise d’un emploi peu durable (CDD de moins de 2 mois ou mission d’intérim) et pour moitié par la reprise d’un emploi durable (CDI ou CDD de plus de 6 mois) » ([33]).
La reprise d’un emploi précaire est même le seul déterminant de cet effet pour les salariés d’au moins 25 ans.
Pour ce qui est des contrats courts, l’étude ne permet pas de conclure à l’efficacité de la réforme dont l’objectif était pourtant de diminuer leur part. Ainsi, pour les contrats d’une durée inférieure à trente‑deux jours, il n’est pas possible de conclure à un effet de la réforme sur la reprise d’un emploi, et pour les contrats d’une durée comprise entre trente‑deux et quatre‑vingt‑quinze jours, l’effet positif sur la reprise d’un emploi s’explique essentiellement par le retour en emploi peu durable.
Au demeurant, la réforme ayant pour effet d’exclure les salariés n’ayant travaillé que quatre mois du bénéfice de l’assurance chômage, on constate « un effet négatif et significatif de l’ordre de 5 points sur la probabilité de s’inscrire à France Travail dans les deux mois suivant la fin d’un contrat de plus de 3 mois » ([34]). Ainsi, les salariés privés d’emploi ne bénéficient pas nécessairement de l’accompagnement offert par France Travail dans le cas où ils ne signeraient pas directement un nouveau contrat.
Auditionnée par la rapporteure, la Dares n’a pas, à ce jour, conduit d’études permettant de déterminer la part des demandeurs d’emploi devenus inéligibles à l’ARE du fait de la réforme et ayant, par conséquent, bénéficié par la suite du revenu de solidarité active. La rapporteure s’inquiète des effets importants de ces réformes successives sur la précarisation d’un grand nombre de demandeurs d’emploi et sur le transfert des allocataires de l’assurance chômage vers les dispositifs de solidarité.
Enfin, si l’on constate bien une diminution de 14 % du rythme d’ouverture de droits entre 2019, avec 204 000 ouvertures, et 2022, avec 175 000 ouvertures, il n’est pas possible de distinguer les effets de la réforme de ceux liés à l’amélioration de la conjoncture économique ([35]).
3. L’introduction dans la loi d’une modulation contracyclique sert de justification à des restrictions toujours plus fortes annoncées par le Gouvernement en dépit de la conjoncture économique
Alors que la conjoncture économique à court terme ne laisse pas entrevoir de baisse du chômage, le Gouvernement use du principe de contracyclicité pour justifier une nouvelle restriction des droits des demandeurs d’emploi.
a. Une nouvelle restriction des indemnisations en haut de cycle...
● Les règles de l’assurance chômage issues de l’accord conclu entre partenaires sociaux ou, à défaut, d’un décret de carence sont applicables pour une durée limitée qui permet de prendre en compte, à échéance régulière, l’évolution du contexte économique et les difficultés sur le marché du travail.
L’assurance chômage constitue ainsi un amortisseur dès lors qu’elle assure aux salariés une garantie de leurs revenus pendant les périodes de crises grâce aux capacités de financement dégagées en haut de cycle.
● Ce mécanisme, fondé sur l’analyse du contexte économique lors des négociations entre partenaires sociaux, a été renforcé par le Gouvernement qui a introduit, à l’occasion de la loi du 21 décembre 2022 ([36]), la possibilité de moduler les conditions d’affiliation à l’assurance chômage et la durée des droits à l’ARE « en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail » ([37]).
Cette évolution des dispositions législatives encadrant le règlement d’assurance chômage s’est traduit par une réduction de 25 % de la durée d’indemnisation de base de l’assurance chômage à compter du 1er février 2023 ([38]) et de la mise en place d’un mécanisme d’allongement de ces droits en fonction de la conjoncture.
L’article 9 du règlement d’assurance chômage prévoit ainsi un nouveau mode de calcul de la durée d’indemnisation qui applique un coefficient égal à 0,75 à la période de référence calculée selon les règles décret du 26 juillet 2019. Si les conditions économiques se dégradent, un complément de fin de droits est attribué aux allocataires dont le reliquat des droits est de trente jours ou moins au cours d’un mois pendant lequel un arrêté du ministre chargé de l’emploi constate ([39]) :
– soit l’augmentation sur un trimestre de 0,8 point ou plus du taux chômage, hors Mayotte, au sens du Bureau international du travail ;
– soit l’atteinte, pour l’estimation de ce même taux, d’un niveau égal ou excédant 9 %.
Ce complément de fin de droits porte la durée d’indemnisation à la durée calculée avant l’application du coefficient de 0,75, soit au maximum six mois supplémentaires.
● Sous couvert de mise en place de ce nouveau principe de contracyclicité, le décret du 26 janvier 2023 a eu pour principal effet de restreindre à nouveau les droits des allocataires qui avaient déjà subi les effets de la réforme intervenue depuis moins d’un an et demi plus tôt.
De l’avis des économistes auditionnés par la rapporteure tout comme des organisations patronales et syndicales, la succession des réformes paraît à tout le moins précipitée. Celle‑ci semble, au demeurant, poursuivre une logique avant tout budgétaire puisque, selon les données de l’Unédic, la réforme de 2023 pourrait engendrer 5 milliards d’euros d’économies, s’ajoutant aux 2 milliards d’euros consécutifs à la réforme de 2019.
b. ... et un resserrement des règles alors que le chômage augmente
Alors même que les effets de la contracyclicité ne sont pas encore évalués, le Gouvernement a annoncé le renforcement de son principe dans le cadre des nouvelles règles de l’assurance chômage applicables à compter du 1er décembre 2024 ([40]).
Outre la création d’un palier supplémentaire de restrictions dans le cas où le chômage descendrait en dessous du seuil de 6,5 %, le Premier ministre a présenté à la presse ([41]) les contours d’une réforme qui consiste à durcir à nouveau les règles de base de l’assurance chômage. Cette décision de restreindre à la fois les conditions d’affiliation et la durée d’indemnisation apparaît d’autant plus surprenante que le taux de chômage devrait augmenter jusqu’à fin 2025, passant de 7,5 % ([42]), à l’heure actuelle, à 7,8 % ([43]).
La réforme annoncée de l’assurance chômage est, par conséquent, procyclique et conduira à mettre en difficulté des demandeurs d’emploi qui voient leurs droits diminuer quelle que soit la conjoncture.
Loin de constituer une solution pour les demandeurs d’emploi, cette réforme risque de les contraindre à accepter des emplois dans de mauvaises conditions alors même que la dégradation des conditions d’emploi tout comme la perte de pouvoir d’achat des salaires contribuent aux tensions qui existent sur le marché du travail.
Pour illustrer la rapidité et l’ampleur des réformes successives subies par les demandeurs d’emploi depuis 2017, le tableau ci‑dessous présente de manière simplifiée l’évolution des règles de l’assurance chômage.
Évolution des règles d’affiliation et d’indemnisation de l’assurance chômage (hors filière senior)
Date de la réforme |
Taux de chômage |
Période de référence |
Durée minimale d’affiliation |
Durée maximale d’indemnisation |
2017 |
– |
28 mois |
4 mois |
28 mois |
2019 (appliquée en 2021) |
– |
24 mois |
6 mois |
24 mois |
2023 |
Supérieur ou égale à 9 % ou en croissance de 0,8 % sur un trimestre |
24 mois |
6 mois |
18 mois + 6 mois |
Inférieur à 9 % |
24 mois |
6 mois |
18 mois |
|
2024 |
Supérieur ou égal à 9 % ou en croissance de 0,8 % sur un trimestre |
20 mois |
8 mois |
15 mois + 5 mois |
Entre 6,5 % et 9 % |
20 mois |
8 mois |
15 mois |
|
Inférieur à 6,5 % |
20 mois |
8 mois |
12 mois |
Note : par dérogation, la modulation des règles en fonction du cycle économique ne s’applique pas aux demandeurs d’emploi résidant, à la date d’ouverture des droits, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Source : commission des affaires sociales.
En l’espace de sept ans, les demandeurs d’emploi auront donc connu, si la réforme annoncée entre en vigueur, une baisse de près de 50 % de leur durée d’allocation et un doublement de la durée d’affiliation nécessaire pour en bénéficier.
C. Point d’ACHOPPEMENT DES DERNIÈRES NÉGOCIATIONS, L’EMPLOI DES SENIORS DOIT ÊTRE UNE PRIORITÉ POLITIQUE
Alors que la réforme des retraites va générer des difficultés toujours plus grandes pour assurer l’emploi des seniors, une modification des règles de l’assurance chômage doit nécessairement s’accompagner de mesures fortes en faveur de cette population.
1. Les seniors sont les plus fragilisés par les réformes successives de l’assurance chômage et du système de retraite
● En 2022, 56,9 % des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi, contre 82,5 % des 25 à 49 ans ([44]).
TAUX D’EMPLOI PAR ÂGE
Source : Insee, séries longues, enquêtes Emploi 1975-2022.
Malgré un taux d’emploi des 55-59 ans qui se rapproche progressivement de celui des 25 à 49 ans, le taux d’emploi des 60-64 ans reste nettement en deçà de la moyenne européenne (36 % contre 46 %). Ainsi que le souligne l’Unédic, en dépit d’un taux de chômage en baisse, les seniors font face à de grandes difficultés pour reprendre un emploi lorsqu’ils le perdent du fait de problèmes de santé, d’un niveau de qualification plus faible, de formations insuffisantes ou de discriminations à l’embauche ([45]).
● Compte tenu des difficultés spécifiques que rencontrent les travailleurs âgés sur le marché de l’emploi, certaines règles d’assurance chômage sont adaptées aux demandeurs d’emploi seniors.
Les principales dispositions réglementaires spécifiques aux seniors
- Une condition d’affiliation moins restrictive
Pour bénéficier d’une indemnisation chômage, la durée minimale de six mois de travail est recherchée sur une période de trente‑six mois pour les personnes de 53 ans et plus, contre vingt‑quatre mois pour les personnes de moins de 53 ans.
La réforme annoncée par le Premier ministre prévoit une nouvelle condition d’affiliation de huit mois sur vingt mois avant 57 ans et de huit mois sur trente mois après 57 ans.
- Une durée maximale d’indemnisation plus longue à partir de 53 ans dite « filière senior »
Depuis le 1er juillet 2017, la filière senior démarre à l’âge de 53 ans contre 50 ans auparavant et se divise en deux paliers ouvrant des droits distincts : 53-54 ans et 55 ans ou plus.
Avant le 1er février 2023, la durée d’indemnisation maximale était de trente mois pour les 53‑54 ans et de trente‑six mois les 55 ans ou plus.
Ces durées d’indemnisation maximales ont été affectées par la réforme de la contracyclicité en vigueur depuis le 1er février 2023 et sont réduites de 25 % en cas de conjoncture économique favorable.
- Des dispositifs de prolongation de l’indemnisation et d’exemption de dégressivité
Le dispositif de maintien des droits permet aux allocataires de 62 ans ou plus, sous certaines conditions notamment d’activité antérieure, de prolonger la durée d’indemnisation jusqu’à l’atteinte des conditions de départ à la retraite à taux plein.
La durée d’indemnisation peut également être allongée de quelques mois pour les allocataires âgés de 53 ans et 54 ans à la fin de leur dernier contrat de travail, au titre des périodes de formation suivies en cours d’indemnisation.
Les allocataires âgés de 57 ans ou plus à la fin de leur contrat de travail ne sont par ailleurs pas concernés par la mesure de dégressivité de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Toutefois, sous l’effet des dernières réformes de l’assurance chômage, la durée d’indemnisation spécifique pour les seniors a été largement revue à la baisse.
La future réforme envisagée par le Gouvernement, à compter du 1er juillet 2024, qui vise, notamment à tenir compte du report de l’âge légal de départ à la retraite de deux ans suscite de vives inquiétudes puisqu’elle aura pour conséquence de décaler l’âge d’entrée dans la « filière senior » à 57 ans, faisant basculer dans les règles de droit commun tous les demandeurs d’emploi âgés de 53 à 57 ans qui bénéficiaient aujourd’hui d’une durée d’indemnisation plus avantageuse. Ce report de l’entrée dans la filière senior va, de surcroît, de pair avec une baisse généralisée de la durée d’indemnisation.
Évolution de la durÉe maximale d’INDEMNISATION SELON L’ÂGE
Âge |
Durée maximale d’indemnisation |
||
Au 31 janvier 2023 |
Depuis le 1er février 2023 |
Réforme envisagée |
|
Moins de 53 ans (droit commun) |
24 mois |
18 mois |
15 mois |
Entre 53 et 54 ans |
30 mois |
22,5 mois |
15 mois |
55 ans ou plus |
36 mois |
27 mois |
Entre 55 et 57 ans : 15 mois |
Plus de 57 ans : 22,5 mois
|
Source : commission des affaires sociales.
● Concrètement, si la baisse de la durée d’indemnisation de dix‑huit mois à quinze mois pour l’ensemble des demandeurs d’emploi est déjà sévère, son effet sera démultiplié pour les demandeurs d’emploi âgés puisqu’un chômeur âgé de 56 ans perdra ainsi un an d’indemnisation par rapport à la situation actuelle (vingt‑sept mois aujourd’hui contre quinze mois avec la réforme annoncée).
La combinaison de ces réformes ainsi que la réforme envisagée de suppression de l’allocation de solidarité spécifique ([46]) ont pour effet de créer un « sas de précarité » pour les demandeurs d’emploi âgés qui doit nous mobiliser.
2. À travers le dialogue social en entreprise, des mesures ambitieuses en faveur de l’emploi des seniors doivent être prises
● La réforme du système de retraite de 2023 ([47]) contenait plusieurs dispositifs relatifs à l’emploi des seniors :
– un indicateur relatif à l’emploi des salariés âgés, obligatoirement publié par les entreprises de plus de trois cents salariés, assorti d’un plan des actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise et utilisé dans le cadre de la négociation obligatoire relative à la gestion des emplois et des parcours professionnels. L’absence de publication de l’index devait être sanctionnée par le versement d’une pénalité pouvant atteindre jusqu’à 1 % de la masse salariale de l’entreprise ([48]) ;
– l’expérimentation d’un contrat à durée indéterminée (CDI) senior pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans. Ce CDI de fin de carrière devait être exonéré de cotisations familiales pour l’employeur pendant un an ([49]).
Ces mesures ayant été censurées par le Conseil constitutionnel, qui les a considérées comme des « cavaliers sociaux », c’est-à-dire des dispositions ne pouvant pas être rattachées à une loi de financement de la sécurité sociale, elles ne sont jamais entrées en vigueur ([50]).
Dans ce contexte, de nouvelles mesures législatives pour améliorer le maintien et le retour en emploi des salariés âgés doivent être mises en œuvre. Sur le modèle des obligations existantes pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en matière de négociation obligatoire en entreprise, il semble opportun de confier aux partenaires sociaux la même responsabilité pour l’emploi des seniors.
II. Face au recul des droits des demandeurs d’emploi, il appartient au législateur de leur octroyer des garanties et de redonner toute sa place au dialogue social
Après avoir constaté l’échec des négociations relatives à l’assurance chômage encadrées par le Gouvernement, il est grand temps de redonner sa place au dialogue social afin de garantir une gestion juste et équilibrée de ce mécanisme essentiel d’assurance.
La présente proposition de loi se donne tout d’abord pour ambition de fixer dans la loi des garde-fous essentiels pour assurer, malgré les réformes, que des règles justes s’appliquent aux demandeurs d’emploi.
L’article 1er inscrit ainsi le principe d’une durée d’indemnisation égale à la durée d’affiliation dont la durée ne peut être inférieure à six mois et dont le plafonnement est au moins égal à dix‑huit mois.
L’article 2 abroge le mécanisme de contracyclicité et limite à six mois la durée d’affiliation au cours d’une période d’au moins vingt‑quatre mois ou, pour les salariés d’au moins 53 ans, de trente‑six mois.
Loin de constituer un carcan pour les partenaires sociaux, ces critères reprennent le droit existant pour en faire un socle minimal de garanties et une base de négociation au même titre que l’ensemble des critères déjà inscrits dans le code du travail.
L’article 3 redonne aux partenaires sociaux la place qui est la leur dans la gouvernance de l’assurance chômage en remplaçant le document de cadrage par un document d’orientation laissant plus de latitude aux négociations. Il supprime, en outre, la possibilité pour le Gouvernement de ne pas agréer un accord conclu entre partenaires sociaux.
L’article 4 introduit, dans la même optique d’une confiance renouvelée envers le dialogue social, un nouveau volet de la négociation collective obligatoire en entreprise portant sur l’emploi des seniors.
L’article 5 assure la recevabilité financière de la proposition de loi en prévoyant une compensation de la charge induite par la proposition de loi pour les organismes de sécurité sociale.
*
* *
Article 1er
Prévoir une durée d’indemnisation, égale à la durée d’affiliation, d’au moins six mois et dont la durée maximale ne peut être inférieure à dix‑huit mois
Adopté par la commission sans modification
L’article 1er inscrit dans la loi des garanties minimales relatives à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, dont la durée doit être égale à la durée d’affiliation, en introduisant une durée plancher de six mois et en fixant à dix‑huit mois le plafond minimum que peut prévoir le règlement d’assurance chômage.
La généralisation de l’assurance chômage trouve son origine dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 ([51]), qui fixe les conditions d’agrément des accords entre partenaires sociaux dont l’objet exclusif est « le versement d’allocations spéciales aux travailleurs sans emploi, et éventuellement aux travailleurs en chômage partiel » ([52]). Celle‑ci ne définit alors aucune règle relative à la détermination du montant de l’allocation, à la durée de son versement ou aux critères de son attribution.
Le code du travail impose à présent un certain nombre de conditions et modalités à l’attribution de l’allocation d’assurance chômage figurant dans la section 1 du chapitre II du titre II du livre IV de sa cinquième partie.
Ainsi, le code du travail prévoit notamment :
– les situations qui permettent de bénéficier de l’assurance chômage ([53]) ;
– la possibilité de moduler la durée d’allocation en fonction de l’âge et des conditions d’activité professionnelle antérieure des allocataires ([54]) ;
– la faculté de reprendre des droits antérieurement acquis ([55]) ;
– l’encadrement du montant de l’allocation, qui ne peut être supérieur au montant net de la rémunération antérieurement perçue ([56]).
Si les règles d’assurance chômage demeurent fixées par des accords entre partenaires sociaux et, à défaut, par décret en Conseil d’État ([57]), il n’en demeure pas moins que le législateur, le cas échéant en renvoyant au pouvoir réglementaire, a fixé un certain nombre de limites au dialogue social qui constituent des planchers et des plafonds à respecter.
Cependant, s’il existe des limites législatives ([58]) et réglementaires ([59]) en ce qui concerne le montant maximal et la durée minimale de l’allocation, les autres paramètres ne font pas l’objet de garantie particulière dans le code du travail.
Face au risque de précarisation des demandeurs d’emploi consécutif à la réforme de l’assurance chômage annoncée par le Gouvernement pour le 1er décembre 2024, il semble nécessaire que le législateur inscrive dans la loi certaines garanties.
Loin de constituer une limitation réelle des prérogatives des partenaires sociaux, auxquels l’article 3 de la présente proposition de loi restitue leur faculté de décision, le présent article vise à protéger les demandeurs d’emploi en fixant des garanties minimales correspondant aux règles actuelles de l’assurance chômage.
Les organisations syndicales ont unanimement salué cette inscription dans la loi.
L’article 1er de la proposition de loi propose une nouvelle écriture de l’article L. 5422-2 du code du travail en lui substituant deux alinéas.
Le premier alinéa reprend, pour l’essentiel, sa rédaction actuelle et dispose que « l’allocation d’assurance est accordée pour une durée limitée qui tient compte de l’âge des intéressés et de leurs conditions d’activité professionnelle antérieure » et précise que « cette durée peut également tenir compte, le cas échéant, du suivi d’une formation par les intéressés ».
Le second alinéa, qui constitue le cœur du dispositif, impose le respect de certaines limites à la détermination des règles relatives à l’allocation d’assurance chômage. Celle-ci :
– doit être égale à la durée d’affiliation prise en compte pour l’ouverture des droits ;
– ne peut être inférieure à 182 jours, soit environ six mois ;
– ne peut être limitée par le règlement d’assurance chômage à moins de 548 jours, soit environ dix‑huit mois.
Introduit par la commission
L’article 1er bis prévoit, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de l’article 1er, la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement évaluant les effets économiques et sociaux et mesurant l’efficacité des réformes de l’assurance chômage menées depuis 2018.
À l’initiative de Mme Marie‑Charlotte Garin et de plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, la commission a adopté, suivant l’avis de la rapporteure, un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de l’article 1er de la présente proposition de loi, d’un rapport au Parlement évaluant les effets économiques et sociaux des réformes successives de l’assurance chômage menées depuis 2018, en particulier concernant la durée de l’indemnisation, ainsi que leur efficacité.
Le présent article précise que le rapport doit être élaboré conjointement par le Conseil d’analyse économique, le Conseil d’orientation pour l’emploi et le Haut Conseil du financement de la protection sociale.
Au regard des difficultés à obtenir une évaluation exhaustive des réformes passées, la rapporteure se félicite de l’introduction du présent article, qui permettra d’éclairer le Gouvernement et le Parlement avant toute nouvelle réforme de l’assurance chômage.
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* *
Article 2
Supprimer le principe de contracyclicité et instituer une durée maximale d’affiliation fixée à six mois au cours d’une période de vingt‑quatre mois ou, pour les salariés d’au moins 53 ans, de trente‑six mois
Adopté par la commission sans modification
L’article 2 supprime le fondement légal du principe de contracyclicité inscrit dans le règlement d’assurance chômage par décret. Il inscrit également des garanties quant à la durée minimale d’affiliation qui ne peut être supérieure à six mois au cours d’une période de vingt‑quatre mois ou, pour les salariés d’au moins 53 ans, de trente‑six mois.
● Alors que l’assurance chômage constitue, de l’avis des économistes auditionnés, un amortisseur, celle‑ci répond nécessairement à une logique contracyclique. Les demandeurs d’emploi bénéficient d’une meilleure protection lorsque le taux de chômage est élevé et sont soumis à des incitations plus fortes à la reprise d’emploi lorsque celui‑ci diminue.
Historiquement, ce principe d’adaptation des règles au cycle économique était assuré par la renégociation régulière de la convention d’assurance chômage par les partenaires sociaux.
● En 2022, le Gouvernement a affiché son souhait d’ajouter à cette évolution régulière des règles un principe d’ajustement automatique des conditions d’attribution de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et de sa durée en fonction du cycle économique.
Anticipant cette nouvelle réforme de l’assurance chômage, les rapporteurs de la loi du 21 décembre 2022 ([60]) au Sénat, Mme Frédérique Puissat (groupe Les Républicains) et M. Olivier Henno (groupe Union Centriste), ont proposé un article additionnel visant à conférer une base légale au principe de contracyclicité dans le règlement d’assurance chômage.
L’article L. 5422‑2‑2 du code du travail dispose ainsi que « les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail ».
Ce principe a trouvé immédiatement application au travers du décret du 26 janvier 2023 ([61]) qui modifie le règlement d’assurance chômage issu du décret du 26 juillet 2019 ([62]).
Cependant, au lieu de prévoir une réduction progressive des droits d’assurance chômage en haut de cycle économique – ce que la rapporteure considère déjà comme un renoncement important au caractère assurantiel de l’assurance chômage – le décret du 26 janvier 2023 a eu pour conséquence de réduire les garanties immédiatement applicables aux demandeurs d’emploi et de ne prévoir le retour aux règles de 2019 qu’en cas de conjoncture défavorable.
Ainsi, à compter du 1er février 2023, la durée d’indemnisation est réduite de 25 % par rapport aux règles de 2019 ([63]).
Un complément de fin de droit, portant la durée d’indemnisation à 100 % de la durée prévue par le règlement de 2019, est accordé aux allocataires dont le reliquat des droits est de trente jours ou moins au cours d’un mois pendant lequel est publié un arrêté du ministre chargé de l’emploi constatant :
– une augmentation sur un trimestre de 0,8 point ou plus du taux chômage, hors Mayotte, au sens du Bureau international du travail ;
– l’atteinte, pour l’estimation de ce même taux, d’un niveau égal ou excédant 9,0 %.
Les annonces récentes du Premier ministre confirment qu’une méthode similaire sera employée à l’occasion de la prochaine réforme de l’assurance chômage par décret ([64]), avec une réduction des règles directement applicable aux demandeurs d’emploi, une restriction encore plus importante de la durée d’indemnisation en cas de baisse du chômage en dessous de 6,5 % et un retour partiel aux règles de 2019 en cas d’augmentation du chômage au‑delà de 9 % ([65]).
La rapporteure considère donc nécessaire de redonner la main aux partenaires sociaux pour ajuster les règles de l’assurance chômage à la conjoncture et de retirer toute base légale à un mécanisme automatique de contracyclicité.
Avec un taux d’emploi largement inférieur à celui du reste des actifs, les seniors constituent une population particulièrement fragile de demandeurs d’emploi. En 2022, seules 56,9 % des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi, contre 82,5 % des 25 à 49 ans ([66]).
Cette situation a justifié la mise en place d’une « filière senior » avec des paliers permettant d’allonger la période de référence à trente‑six mois pour les demandeurs d’emploi âgés de plus de 53 ans et la durée d’indemnisation à trente mois et trente‑six mois pour les demandeurs d’emploi respectivement âgés de 53 à 55 ans et de 55 ans ou plus.
La réforme annoncée par le Premier ministre prévoit une nouvelle condition d’affiliation de huit mois sur vingt mois avant 57 ans et de huit mois sur trente mois après 57 ans. Elle supprime, par conséquent, le palier de la filière senior et conduit donc à une restriction considérable des règles d’affiliation à l’assurance chômage puisque la période de référence des demandeurs d’emploi âgés de 53 à 57 ans passera de trente‑six à vingt mois et s’accompagnera d’une diminution de plus de 50 % de la durée d’indemnisation.
Les règles issues du décret 26 janvier 2023 comme les mesures annoncées par le Premier ministre remettent en cause de manière très significative les droits spécifiques des seniors ce qui suscite une grande inquiétude de la rapporteure et justifie que des garanties leur soient allouées par la loi.
L’article 2 opère deux modifications au code du travail.
D’une part, il revient sur le principe de contracyclicité inscrit à l’article L. 5422‑2‑2 du code du travail.
D’autre part, il y substitue un encadrement de la détermination par le règlement d’assurance chômage de la durée d’affiliation selon les règles suivantes :
– la durée d’affiliation est calculée en jours travaillés ou en heures travaillées ;
– la durée minimale requise ne peut être supérieure à 130 jours ou 910 heures travaillés, soit environ six mois ;
– la période de référence ne peut être inférieure à vingt‑quatre mois pour les personnes âgées de moins de 53 ans et à trente‑six mois pour les personnes âgées d’au moins 53 ans.
Adopté par la commission sans modification
L’article 3 remplace, d’une part, le document de cadrage transmis aux partenaires sociaux par une documentation d’orientation et supprime, d’autre part, la possibilité pour le Gouvernement de ne pas agréer un accord conclu entre partenaires sociaux.
● L’article 56 de la loi du 5 septembre 2018 ([67]) a instauré une nouvelle procédure préalable aux négociations des accords d’assurance chômage avec l’introduction d’un « document de cadrage » à l’article L. 5422-20-1 du code du travail.
Ce document de cadrage est transmis par le Premier ministre aux partenaires sociaux et concomitamment au Parlement « préalablement à la négociation de l’accord et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ».
Il doit contenir :
– « les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière » en détaillant « les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde » cette trajectoire ;
– « le délai dans lequel cette négociation doit aboutir » ;
– « le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage ».
L’article R. 5422-11 du code du travail précise que le document de cadrage doit intégrer « un état des hypothèses macroéconomiques, cohérent avec les prévisions de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programmation des finances publiques, ainsi que des hypothèses d’évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d’emploi indemnisés, sur les trois prochains exercices à venir ».
● Le même article 56 de la loi du 5 septembre 2018 a également introduit plusieurs modifications relatives à l’agrément de l’accord conclu entre les partenaires sociaux :
– d’une part, l’agrément est désormais conditionné au respect des objectifs et de la trajectoire financière du document de cadrage. L’article L. 5422-22 du code du travail disposait simplement auparavant ([68]) que pour être agréés, les accords ne devaient « comporter aucune stipulation incompatible avec les dispositions légales en vigueur » ;
– d’autre part, renforçant le rôle du Premier ministre responsable de la transmission du document de cadrage, l’article L. 5422-21 du code du travail prévoit désormais que les accords d’agrément sont présentés au Premier ministre et non plus à une « autorité administrative » qui était classiquement le ministre chargé de l’emploi.
L’article 3 prévoit, d’une part, de substituer au document de cadrage un document « d’orientation », moins contraignant, sur le modèle du document d’orientation prévu à l’article L. 1 du code du travail et, d’autre part, de supprimer la possibilité pour le Premier ministre de ne pas agréer un accord conclu entre les partenaires sociaux.
● Le 1° du présent article supprime, au dernier alinéa de l’article L. 5422‑20 du code du travail, la possibilité pour le Premier ministre de prendre un décret de carence en cas de non-agrément de l’accord trouvé par les partenaires sociaux. Cette possibilité reste réservée à la seule situation d’échec du dialogue social.
● Les 2° et 4° remplacent la notion de « cadrage » par celle « d’orientation » à la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5422‑20‑1, à l’article L. 5422‑20‑2 et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5422‑25 du code du travail.
Afin de desserrer la contrainte du futur document d’orientation en comparaison avec l’actuel document de cadrage, le 2° prévoit que le document d’orientation ne précise plus, selon les dispositions prévues à l’article L. 5422‑20‑1 du code du travail, « le montant prévisionnel, pour les trois exercices à venir, du produit des impositions de toute nature mentionnées au 5° de l’article L. 5422-9, sans préjudice des dispositions des prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale » mais se cantonne à détailler les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde la trajectoire financière et le délai dans lequel la négociation doit aboutir.
En cohérence, le 3° supprime enfin, à l’article L. 5422-22 du code du travail, l’obligation que les accords conclus entre partenaires sociaux soient « compatibles avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance-chômage définis dans le document de cadrage mentionné à l’article L. 5422‑20‑1 ».
Introduit par la commission
L’article 3 bis supprime l’affectation d’une partie des recettes de l’Unédic, ne pouvant aujourd’hui être inférieure à 10 %, au financement du budget de l’opérateur France Travail.
Cet article résulte de l’adoption, avec avis favorable de la rapporteure, de l’amendement AS14 de M. Hadrien Clouet et de ses collègues du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale. Il vise à abroger l’article L. 5422-24 du code du travail, qui prévoit que les ressources de l’Unédic financent, pour une part définie dans la convention d’assurance chômage et qui ne peut être inférieure à 10 % du montant total, une contribution globale versée à la section « Fonctionnement et investissement » et à la section « Intervention » du budget de l’opérateur France Travail, dont la répartition est décidée annuellement par le conseil d’administration de cette institution. Cette abrogation est justifiée par la volonté de limiter l’utilisation des recettes de l’Unédic à la seule indemnisation des demandeurs d’emploi.
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Introduit par la commission
L’article 3 ter introduit la possibilité d’un débat annuel au Parlement portant sur les orientations, la conduite, les perspectives et les modifications relatives au régime de l’assurance chômage.
Cet article résulte de l’adoption, avec avis favorable de la rapporteure, de l’amendement AS21 de M. Stéphane Viry et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains. Il introduit, par un nouvel article L. 5422‑26 du code du travail, la possibilité qu’un débat se tienne chaque année au Parlement, sur la base d’un rapport du Gouvernement remis avant le 1er octobre, sur les orientations de la politique d’assurance chômage. Afin d’améliorer l’information des parlementaires, ce rapport devra indiquer et commenter pour les cinq années précédentes :
– le nombre de demandeurs d’emploi en France ;
– le taux de chômage global ;
– le taux de chômage par catégorie : âge, sexe, région et secteur d’activité ;
– le taux de chômage de longue durée ;
– la durée moyenne d’inscription à France Travail ;
– l’évolution du nombre et de la nature d’emplois non pourvus par secteur ;
– une évaluation de l’efficacité des programmes de formation et réinsertion professionnelle ;
– l’impact des changements démographiques sur l’emploi ;
– une analyse des changements technologiques et de leur impact sur l’emploi.
Ce débat annuel permettra aux parlementaires de disposer de données et d’évaluations des réformes précédentes qui font aujourd’hui cruellement défaut.
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Introduit par la commission
L’article 3 quater crée un Conseil d’orientation de l’assurance chômage, sur le modèle du Conseil d’orientation des retraites.
Cet article résulte de l’adoption, avec avis favorable de la rapporteure, de l’amendement AS5 de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés. Il vise à créer un Conseil d’orientation de l’assurance chômage ayant pour objectif de récolter des données sur l’assurance chômage, le public indemnisé, ses recettes, ses dépenses et ses perspectives financières et de produire des préconisations pour améliorer l’assurance chômage. Il fournira un rapport annuel appuyé́ sur des données publiques de manière à éclairer le débat public.
Ce conseil sera composé de :
– de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
– de représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
– de dix députés et dix sénateurs désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat dans le respect d’une représentation équilibrée des groupes politiques ;
– des ministres chargés de la production des données relatives à l’assurance chômage.
Un décret, pris après avis de l’Unédic, précisera la composition du conseil. Ses membres ne percevront aucune rémunération.
Le conseil pourra, en outre, mener toutes auditions qu’il juge utiles. À cette fin, tous les renseignements, documents d’ordre financier et administratif, y compris les documents couverts par un secret protégé par la loi lui seront fournis. Il ne disposera, néanmoins, d’aucun moyen public de fonctionnement.
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Adopté par la commission avec modifications
L’article 4 introduit une négociation obligatoire en entreprise sur l’emploi des seniors tous les quatre ans. À défaut d’accord, l’employeur devra établir un plan d’action annuel pour favoriser l’emploi des salariés âgés sous peine de pénalité financière.
● L’article L. 2242-1 du code du travail dispose que dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ;
2° Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie et des conditions de travail.
Cette obligation de négocier sur l’égalité professionnelle au niveau de l’entreprise a été introduite par la loi « Génisson » du 9 mai 2001 ([69]).
● L’article L. 2242-3 du même code prévoit les obligations qui incombent à l’employeur en cas d’absence d’accord à l’issue de la négociation. En l’espèce, l’employeur doit établir un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d’action est déposé auprès de l’autorité administrative.
● Aux termes de l’article L. 2242-8 du code du travail, les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur en l’absence d’accord ou, à défaut d’accord, du plan d’action mentionné à l’article L. 2242-3 du même code.
Le montant de cette pénalité est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741‑10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés.
Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées aux mêmes premier et deuxième alinéas. Le produit de cette pénalité est affecté au Fonds de solidarité vieillesse.
Ces dispositions relatives au thème de la négociation collective obligatoire en entreprise pourraient être opportunément étendues à l’emploi des seniors.
L’article 4 tire son inspiration à la fois des mesures proposées par l’article 2 de la loi du 14 avril 2023 ([70]), censuré par le Conseil constitutionnel, et du document d’orientation transmis par le Gouvernement aux partenaires sociaux le 21 novembre 2023 prévoyant de renforcer la négociation collective de branche et d’entreprise sur la gestion des âges ([71]).
● Le 1° complète, dans un premier temps, l’article L. 2242-1 du code du travail relatif à la négociation quadriennale en entreprise pour introduire « une négociation sur l’emploi des seniors, portant notamment sur les mesures visant à favoriser l’emploi des salariés âgés et l’amélioration de leurs conditions de travail ».
● Puis, sur le modèle des mesures existantes pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le 2° introduit un nouvel article L. 2242‑3‑1 qui prévoit qu’en l’absence d’accord relatif à l’emploi des seniors à l’issue de la négociation mentionnée à l’article L. 2242-1, l’employeur établit un plan d’action annuel destiné à favoriser l’emploi des salariés âgés.
Après avoir analysé les causes entravant le maintien dans l’emploi de ces salariés, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d’action est déposé auprès de l’autorité administrative.
● En miroir de l’article L. 2242-8 du code du travail concernant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le nouvel article L. 2242-3-1 prévoit que les entreprises d’au moins trois cents salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur en l’absence d’accord sur l’emploi des seniors ou, à défaut d’accord, du plan d’action.
Le montant de cette pénalité sera fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en faveur de l’emploi des seniors ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au premier alinéa.
Le produit de la pénalité sera affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav).
La commission a adopté deux amendements de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, avec avis favorable de la rapporteure :
– d’une part, l’amendement AS7, qui élargit le champ de la négociation sur l’emploi des seniors. Elle pourra également porter sur les mesures visant « à prévenir ainsi qu’à corriger la pénibilité [du] poste de travail » ;
– d’autre part, l’amendement AS8, qui prévoit que le plan d’action établi en l’absence d’accord à l’issue de la négociation sera validé par l’autorité administrative, et non plus simplement déposé auprès d’elle.
Adopté sans modification
L’article 5 prévoit un mécanisme de compensation de la charge pour les organismes de sécurité sociale qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.
La proposition de loi est de nature à accroître une charge publique pour les organismes de sécurité sociale.
En conséquence, et pour permettre le dépôt du texte, l’article 5 gage la charge susmentionnée par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévus au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Lors de sa première réunion du 5 juin 2024, la commission a commencé l’examen de la proposition de loi visant à protéger le modèle d’assurance chômage et soutenir l’emploi des séniors (n° 2550) (Mme Martine Froger, rapporteure) ([72]).
Mme Martine Froger, rapporteure. Après la réforme des conditions d’accès et d’indemnisation de l’assurance chômage entrée en vigueur le 1er octobre 2021, et celle qui a instauré un principe de contracyclicité à compter du 1er février 2023, le Gouvernement s’apprête à réduire à nouveau les droits des salariés privés d’emploi, pourtant affectés par une remontée du taux de chômage depuis plusieurs mois.
Le lancement d’une troisième réforme en à peine quatre ans masque, sous couvert d’une volonté d’améliorer le fonctionnement du marché du travail, l’ambition de diminuer la dépense publique au détriment des plus précaires. En effet, les 3,6 milliards d’euros d’économies attendus grâce aux mesures annoncées par le Premier ministre s’ajoutent aux plus de 2 milliards de baisse des dépenses issus de la réforme de 2021 et aux 4,5 milliards devant découler de la réforme de 2023. Au total, le Gouvernement aura privé les demandeurs d’emploi de près de 10 milliards, soit 25 % des dépenses d’assurance chômage, dans un contexte où l’État ponctionne des sommes de plus en plus importantes dans le budget de l’Unédic.
Cet empressement pourrait être justifié par une évaluation des résultats des précédentes réformes. En réalité, la seule étude, encore partielle, tirant des enseignements des changements intervenus en 2021 ne convainc pas. Le comité d’évaluation de la réforme de l’assurance chômage n’est pas en mesure de déterminer si la baisse du rythme d’ouverture des droits à l’assurance chômage est liée à l’amélioration de la conjoncture économique ou aux nouvelles dispositions. En revanche, il a clairement identifié les populations qui ont le plus souffert de cette réforme : si 47 % des demandeurs d’emploi indemnisés ont vu leur allocation diminuer de 16 % en moyenne, ils sont 68 % chez les moins de 25 ans – contre 40 % chez les 35‑54 ans –, 50 % chez les non‑cadres – contre 19 % chez les cadres – ou encore 64 % chez les personnes en fin de contrat à durée déterminée (CDD) – contre 19 % pour les fins de contrat à durée indéterminée (CDI). Les plus affectés sont les intérimaires, à 87 %.
Précariser les plus précaires, tel est donc le levier employé ; il transforme la nature même de l’assurance chômage. Cette situation, que nous déplorons, n’est pas sans lien avec les règles de gouvernance issues de la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Les économistes que nous avons auditionnés nous ont rappelé l’importance des modalités de définition des règles de l’assurance chômage : si les partenaires sociaux ont intérêt à s’accorder sur un amortisseur efficace des chocs économiques pour préserver le revenu des salariés, l’État peut être tenté de transformer l’assurance chômage en un outil de politique de l’emploi dont les finalités lui appartiennent. Or, depuis 2018, nous assistons à une reprise en main de l’assurance chômage par le Gouvernement. Celui‑ci définit dans un document de cadrage les contraintes, notamment financières, qu’il impose à la négociation entre les organisations syndicales et patronales. De l’avis des partenaires sociaux, ce document vise en réalité à faire échouer la négociation en imposant des conditions très difficiles, voire impossibles à remplir. Quand bien même la négociation aboutirait à la conclusion d’un accord, comme ce fut le cas en novembre dernier, le Gouvernement se réserve le droit de ne pas agréer cette convention s’il la juge incompatible avec la trajectoire financière fixée par le document de cadrage. Ce mécanisme contraignant en amont comme en aval a conduit à l’échec des négociations à deux reprises, en 2018 et au début de cette année, ouvrant la voie à la fixation du règlement d’assurance chômage par décret.
Le rôle croissant de l’État dans le fonctionnement de l’assurance chômage, dont il définit les règles et ponctionne les finances, se caractérise, en outre, par l’introduction d’un principe d’ajustement automatique des paramètres d’indemnisation en fonction du cycle économique. Alors qu’il appartient aux partenaires sociaux, depuis la création de l’assurance chômage en 1958, d’adapter le mécanisme d’indemnisation des demandeurs d’emploi au contexte économique, le Gouvernement a décidé de réduire les droits des allocataires sauf en cas d’emballement du taux de chômage. Sous couvert d’améliorer le fonctionnement du marché du travail, cette mesure s’est surtout traduite par un nouvel amoindrissement des droits des demandeurs d’emploi, dans un contexte économique incertain marqué par un recul généralisé du pouvoir d’achat.
Les annonces récentes du Premier ministre font craindre un nouveau recul, alors que le taux de chômage devrait atteindre 7,8 % d’ici à la fin de l’année et 8,2 % en 2025, contre 7,1 % début 2023. Le renforcement de la contracyclicité, entraînant un nouveau recul des conditions d’indemnisation, intervient donc dans un contexte économique défavorable qui impose, au contraire, une plus forte protection des demandeurs d’emploi.
Certes, le Gouvernement invoque des tensions de recrutement, mais elles diminuent – les auditions l’ont confirmé. Elles peuvent s’expliquer par une multitude de facteurs, parmi lesquelles les conditions de travail et le niveau des salaires.
Au total, il n’y a pas de réelle justification à une nouvelle réforme précipitée de l’assurance chômage. Les économistes auditionnés, malgré leurs points de vue divergents, se sont étonnés de ce calendrier et des raisons avancées. D’anciens conseillers économiques de l’exécutif, pourtant à l’origine des règles de 2023, ont même déclaré qu’une nouvelle réforme pourrait conduire à une dégradation des emplois retrouvés, en l’absence d’études et de recul nécessaire, ce qui détériorait le fonctionnement du marché du travail.
D’après les annonces du Premier ministre, le Gouvernement projette pourtant de restreindre à nouveau les conditions d’affiliation à l’assurance chômage, en réduisant la période de référence à vingt mois, contre vingt‑quatre actuellement. Il faudra avoir travaillé huit mois pour ouvrir des droits, contre six mois actuellement et quatre mois avant 2021. Cette mesure menace tout particulièrement les travailleurs saisonniers et fait craindre des difficultés majeures pour les secteurs concernés. Enfin, la durée d’indemnisation sera réduite à quinze mois dans la conjoncture actuelle. En cas d’augmentation du taux de chômage de plus de 0,8 point sur un trimestre ou à un niveau égal ou supérieur à 9 %, cette durée sera complétée de cinq mois pour les allocataires en fin de droits. En revanche, si le taux de chômage passe en dessous de 6,5 %, les droits des allocataires seront à nouveau réduits de trois mois, pour atteindre douze mois seulement. En trois ans, la durée d’indemnisation aura donc été réduite de près de 50 %, tandis que la durée d’affiliation aura doublé.
Parmi les demandeurs d’emploi les plus touchés, les seniors subissent l’effet conjugué de la réforme des retraites et des annonces du Gouvernement relatives à l’assurance chômage. Le report annoncé de l’entrée dans la filière senior à 57 ans fera basculer dans les règles de droit commun tous les demandeurs d’emploi âgés de 53 à 57 ans, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une durée d’indemnisation plus avantageuse. Cette violence économique et sociale envers une population déjà fragile doit nous inquiéter.
Face à ces reculs de notre modèle assurantiel et à la fragilisation des plus précaires, il nous semble nécessaire de rétablir un équilibre au sein de la gouvernance de l’assurance chômage, et d’inscrire dans la loi des garde‑fous pour préserver les droits des demandeurs d’emploi. Nous sommes soutenus dans cette démarche par l’ensemble des organisations syndicales ; elles y voient l’occasion de rétablir un fonctionnement plus juste de l’assurance chômage, que les organisations patronales appellent d’ailleurs aussi de leurs vœux.
L’article 1er de la proposition de loi vise à inscrire dans le code du travail des garanties minimales d’indemnisation des demandeurs d’emploi. La loi fixe déjà certaines contraintes relatives aux critères d’éligibilité à l’assurance chômage et au montant de l’allocation. Nous proposons de garantir une durée d’indemnisation égale à la durée d’affiliation, tout en fixant une durée plancher de six mois et la faculté, pour le règlement de l’assurance chômage, de déterminer un plafond ne pouvant être inférieur à dix‑huit mois, conformément aux règles en vigueur.
Afin de redonner aux partenaires sociaux tout leur rôle dans la détermination des règles de l’assurance chômage, l’article 2 vise à supprimer le principe de contracyclicité. À la place, il est proposé de garantir une durée minimale d’affiliation qui ne peut être supérieure à six mois au cours d’une période de vingt‑quatre mois ou, pour les salariés d’au moins 53 ans, de trente‑six mois. À rebours des annonces du Gouvernement, la proposition de loi préserve ainsi des garanties plus fortes pour les seniors.
L’article 3 vise à redonner aux partenaires sociaux le rôle qui leur revient dans la gouvernance de l’assurance chômage, en desserrant la contrainte qui pèse sur les négociations. Il est proposé de remplacer le document de cadrage par un simple document d’orientation, et de supprimer la possibilité pour le Gouvernement de ne pas agréer un accord conclu entre les partenaires sociaux.
L’article 4 introduit une négociation obligatoire sur l’emploi des seniors, tous les quatre ans, dans les entreprises de plus de 300 salariés. À défaut d’accord, l’employeur devra établir un plan d’action annuel, sous peine de pénalités financières. Nous renouvelons notre confiance dans le dialogue social pour trouver des solutions ambitieuses et indispensables au maintien dans l’emploi des seniors.
Enfin, l’article 5 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi, les dispositions proposées reprenant, pour l’essentiel, les paramètres de la réforme de 2019.
Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Marc Ferracci (RE). Cette proposition de loi vise, dans ses trois premiers articles, à revenir sur la quasi‑totalité des réformes de l’assurance chômage intervenues ces dernières années, qui ont contribué à créer de plus de 2 millions d’emplois depuis 2017. Pour l’avenir, elle contraint sévèrement la négociation sociale en matière d’assurance chômage ; elle prévoit en effet des critères rigides qui empêcheront d’adapter le régime d’assurance chômage aux fluctuations économiques, comme l’ont fait les partenaires sociaux depuis la création du régime en 1958.
L’article 1er dispose que la durée d’indemnisation ne saurait être inférieure à dix‑huit mois et doit être égale à la durée d’affiliation. C’est une première contrainte pour les négociateurs de l’assurance chômage, car les partenaires sociaux ont pu faire le choix, par le passé, d’octroyer moins d’un jour d’indemnisation pour un jour d’affiliation. Surtout, la durée égale de l’indemnisation et de l’affiliation implique de supprimer purement et simplement la réforme du mode de calcul de l’allocation introduite en 2021. Cette dernière prévoit que la durée d’indemnisation peut être supérieure au temps effectivement travaillé pour ouvrir un droit, en contrepartie d’un montant d’indemnisation plus faible. Le but était de dissuader l’alternance de contrats courts et de périodes de chômage indemnisé, qui conduisait dans 25 % des cas à verser une allocation mensuelle supérieure au revenu mensuel moyen durant les mois qui précédaient l’ouverture des droits. Cet article réintroduit donc une véritable machine à fabriquer des contrats courts et de la précarité, souvent au bénéfice des employeurs, qui en profitent pour laisser l’assurance chômage compenser des conditions de travail et de salaire dégradés.
L’article 2 vise à supprimer le principe de contracyclicité que le Parlement a adopté à l’automne 2022. Ce principe relève pourtant du bon sens : on met moins de temps à trouver un emploi quand le marché du travail s’améliore.
L’article 3 revient sur la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage intervenue en 2018, en substituant au document de cadrage un document d’orientation supposément plus souple pour la négociation. Ce n’est pas la moindre des incohérences de cette proposition de loi, que d’affirmer la prééminence du dialogue social tout en enserrant celui-ci dans des contraintes qui n’ont jamais existé au niveau législatif – comprenne qui pourra. La modification des règles de l’assurance chômage est un levier, parmi d’autres, permettant de réduire les fortes difficultés de recrutement des entreprises. Or la proposition de loi balaye purement et simplement les avancées accomplies ces dernières années pour que les règles incitent davantage au retour à l’emploi. Le groupe Renaissance s’opposera donc à ce texte.
M. Victor Catteau (RN). Face aux attaques répétées de la Macronie contre l’assurance chômage, nous exprimons notre gratitude envers nos collègues du groupe LIOT pour leur engagement à protéger notre modèle social et à aborder, enfin, la question de l’emploi des seniors. Nous les remercions, car la nouvelle réforme prévue par le Premier ministre vise à précariser encore des demandeurs d’emploi déjà bien violentés par les trois précédentes réformes. Une nouvelle réforme, pour quoi faire ? Pour continuer d’alimenter les excédents de l’Unédic ; non pas pour rembourser sa dette ou abaisser les cotisations, mais pour garder sous la main une caisse bien garnie dans laquelle il est possible de piocher au besoin, comme le Gouvernement prévoit de le faire à hauteur de 12 milliards d’euros sur la période 2023-2027.
Telle n’est pas la vision du Rassemblement National. Nous ne souhaitons pas que le Gouvernement puisse se servir à foison dans les cotisations des Français ; nous ne souhaitons pas précariser davantage les demandeurs d’emploi ; nous ne souhaitons pas brider les négociations entre les partenaires sociaux. C’est pourquoi nous soutenons l’ensemble des mesures de la proposition de loi, même si nous aurions aimé aller plus loin en ce qui concerne l’emploi des seniors.
L’ensemble de nos amendements ont malheureusement été déclarés irrecevables, pour des raisons que nous ne comprenons toujours pas. Nous avions ainsi proposé de garantir les règles actuelles d’indemnisation chômage des seniors, ou encore d’inclure ces derniers dans la catégorie des travailleurs protégés afin de prévenir et d’empêcher d’éventuelles discriminations liées à l’âge. Nous aurions également souhaité traiter de la formation et du retour à l’emploi des travailleurs, en déplafonnant le compte personnel de formation pour les seniors et en réformant le CDD senior. Enfin, nous aurions voulu inclure dans le texte un volet de lutte contre la fraude, en proposant notamment qu’un ministère soit uniquement dédié à cette mission. Ces mesures simples et de bon sens auraient eu un impact réel sur la protection et le retour à l’emploi de nos compatriotes seniors, mais aussi sur la viabilité du modèle actuel de l’assurance chômage, en se concentrant non pas sur nos honnêtes concitoyens mais en renforçant les mécanismes de détection et de punition de ceux qui abusent du modèle social. Bien que ces propositions aient été écartées, nous soutiendrons bien évidemment l’excellente initiative que constitue le présent texte.
M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Disons-le clairement : avant, vous faisiez semblant de ne pas prendre les gens pour des idiots ; maintenant, vous l’assumez. Voilà sept ans que vous cramez la caisse en exonérations fiscales et en exonérations de cotisations sociales. Maintenant que les caisses sont vides, vous tapez sur les Français qui peuvent le moins se défendre, les chômeurs, car il est dans votre ADN de macronistes de vous en prendre aux plus faibles.
Voici donc votre nouvelle trouvaille : une cinquième réforme de l’assurance chômage, avec des idées géniales, comme passer de six à huit mois le temps de travail nécessaire pour toucher le chômage. Bravo : vous prétendez défendre l’emploi, mais vous venez de tuer l’emploi saisonnier ! Autre idée géniale, réduire la durée d’indemnisation de dix‑huit à quinze mois : sachant qu’il y a dix fois plus de chômeurs que d’emplois disponibles, vous allez priver de revenus des milliers de personnes, et obliger des personnes qualifiées à prendre des emplois bien inférieurs à leurs qualifications. Mais ce ne sera jamais aussi absurde que de supprimer les protections pour les personnes âgées au chômage, et de faire passer leur durée d’indemnisation de trente‑six à vingt‑deux mois. Puisque la première réforme des retraites n’était pas assez agréable, vous en remettez une couche.
On atteint le summum de l’abjection quand Gabriel Attal nous dit que tout cela vise à créer de l’emploi. Précariser les chômeurs, ça crée de l’emploi ! Et vous pensez que les gens vont vous croire ? Ce ne serait donc pas pour faire des économies ? Prendre aux Français les plus faibles pour compenser vos aides aux plus riches, cela ne vous ressemble pas ! Vous n’êtes certainement pas en train de prendre 3,6 milliards aux yeux de tous ! Tous les économistes vous disent que c’est une mauvaise idée ; tous les syndicats s’y opposent ; l’Assemblée nationale n’est pas d’accord, mais vous le faites quand même. Le chômage, ce n’est pas Dallas : il y a des gens qui en crèvent – 14 000 par an. En France, on galère à trouver un travail qui permette à soi et à sa famille de vivre. Ce n’est pas en affamant les gens que vous les obligerez à accepter les travaux pénibles et sous‑payés, soumis, pour cette raison, à un turnover. Ce n’est pas les chômeurs qu’il faut responsabiliser, c’est le patronat qui se gave de vos cadeaux depuis sept ans et qui est incapable de résoudre la crise du chômage. C’est le patronat qu’il faut punir, pas les chômeurs. Nous voterons évidemment la proposition de loi, car pour une fois, la démocratie sera sous vos yeux, et elle vous permettra de vous voir tels que vous êtes réellement perçus dans ce pays : abjects et minoritaires.
Mme Michèle Peyron, présidente. Pour la bonne tenue de nos débats, je vous prie de ne pas employer de termes vulgaires, monsieur Boyard, et de mesurer vos propos. Cela vaut pour tous les députés.
M. Stéphane Viry (LR). Nous partons du principe que les mesures d’indemnisation du chômage doivent être adaptées aux besoins et à la réalité économique du pays. Cependant la réforme de l’assurance chômage ne suffira pas à remettre les hommes et les femmes au travail. Plusieurs chantiers doivent être mis à l’ordre du jour : les freins périphériques à l’emploi doivent être levés, coûte que coûte ; les parcours d’accès à l’emploi doivent être consolidés et faire l’objet d’innovations ; la gouvernance de l’assurance chômage doit être clarifiée. Je ferai quelques observations sur les quatre articles de la proposition de loi.
Tout d’abord, le groupe Les Républicains est ravi que soit enfin évoqué l’emploi des seniors. C’est un débat que nous attendons depuis des mois, et nous faisons grief au Gouvernement de s’être caché derrière la négociation entre les partenaires sociaux pour ne pas prendre le sujet à bras‑le‑corps. C’est à lui d’aller de l’avant pour faciliter le maintien dans l’emploi – voire le retour à l’emploi – des femmes et des hommes expérimentés qui peinent à trouver leur place. Oui au dialogue social, mais il faut aussi donner une place à la réponse politique, à laquelle nous entendons contribuer. Nous voterons pour l’article 4, à condition qu’il ne soit pas dénaturé.
Nous voterons également pour l’article 3. Nous sommes favorables à la suppression du document de cadrage et au retour à un document d’orientation annuel. Nous souhaitons même aller plus loin en y associant le Parlement, et j’ai déposé un amendement en ce sens. En effet, nous sommes tous interpellés, dans nos circonscriptions, sur les questions d’accès à l’emploi et d’indemnisation du chômage. Nous considérons que le Parlement doit être directement impliqué.
Nous nous opposerons à l’article 2 car nous ne voulons pas remettre en cause le principe de contracyclicité.
Enfin, nous ne sommes pas favorables à l’article 1er. Comme l’a fait observer Marc Ferracci, il est ambigu, inconséquent et incohérent de prétendre revitaliser le dialogue social tout en encadrant le travail des partenaires sociaux.
M. Nicolas Turquois (Dem). La proposition de loi affiche clairement son opposition à l’évolution des règles de l’assurance chômage décidée par le Premier ministre, comme la loi l’y autorise, à la suite de l’échec des négociations entre les partenaires sociaux pour conclure un nouveau pacte de la vie au travail, le 10 avril dernier.
Plus largement, le groupe LIOT souhaite revenir sur plusieurs réformes majeures de la majorité en faveur du plein emploi, dont la pertinence est pourtant attestée par le taux de chômage historiquement bas que connaît notre pays. Nous devons poursuivre sur cette voie pour le réduire encore, car il est encore trop élevé comparativement à nos voisins et aux États‑Unis. Si les convictions exprimées dans la proposition de loi sont respectables, je note qu’une nouvelle fois, le groupe LIOT utilise son ordre du jour réservé pour maintenir à tout prix le statu quo. Chacun se rappelle le texte qui avait été déposé il y a un an pour abroger la réforme des retraites – ce fut un joli coup politique et médiatique, mais qu’a‑t‑il apporté ?
Comme la réforme des retraites, l’évolution du système de l’assurance chômage à laquelle vous vous opposez vise à augmenter la participation au marché du travail, car nous savons que l’augmentation du nombre de personnes dans l’emploi est le moyen de générer de nouvelles ressources pour préserver notre modèle social. D’importants chantiers sont devant nous. Plutôt que de défaire ce qui a été voté, concentrons‑nous sur les vrais défis : l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi seniors, la formation et la transition professionnelles, une meilleure prévention de l’usure professionnelle et des possibilités d’aménagement en fin de carrière. Le groupe Démocrate s’opposera à ce texte.
M. Paul Christophe (HOR). La réforme qui a abouti à la création de France Travail, dont j’ai été le corapporteur avec Christine Le Nabour, avait un objectif essentiel : mieux accompagner et mieux valoriser les talents par la transformation du service public de l’emploi. Cette réforme portait en elle la conviction que l’emploi est le meilleur moyen de sortir de la pauvreté et de la précarité.
Les résultats sont là. En 2023, dans les dix‑huit territoires qui ont expérimenté l’accompagnement intensif des allocataires du RSA, 53 % des bénéficiaires du parcours emploi compétences ont accédé à un emploi dans les six mois suivant leur entrée dans le dispositif. Autres chiffres parlants : les réformes ont permis de créer 2,5 millions d’emplois et le taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans. Pour maintenir cette dynamique, il est crucial d’adapter le système d’assurance chômage afin d’encourager davantage le retour à l’emploi et de préserver notre régime de solidarité en veillant à son équilibre financier – les dépenses étant estimées à 50 milliards d’euros pour 2024.
Les articles 1er à 3 visent à restreindre le champ d’action du Gouvernement en plafonnant la baisse possible de la durée d’indemnisation et d’affiliation. Ils s’inscrivent en opposition avec le modèle que nous défendons, dans lequel l’assurance chômage doit s’adapter aux fluctuations de l’économie : lorsque la conjoncture s’améliore, en période de croissance, les règles doivent encourager un retour à l’emploi rapide, car il est moins difficile de trouver du travail ; inversement, elles doivent être plus souples en période de ralentissement économique. Notons, comme l’ont dit mes collègues, qu’il y a un paradoxe à vouloir libérer la négociation sociale tout en proposant des mesures d’encadrement qui la restreignent.
L’article 4 aborde, à juste titre, la nécessité d’améliorer la situation, pour l’heure peu satisfaisante, de l’emploi des seniors. La création d’un bonus emploi seniors permettrait de soutenir ceux qui reprennent un emploi moins rémunéré en cumulant le nouveau salaire avec l’assurance chômage pour atteindre leur ancien niveau de rémunération. Mais est‑ce suffisant ? C’est l’enjeu du débat que vous nous proposez.
En l’état, nous serons défavorables au texte.
M. Boris Vallaud (SOC). Alors que le Premier ministre dévoile les contours d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage que personne ne demande, qu’aucun économiste ne corrobore – il n’a jamais été démontré que les deux millions d’emplois créés étaient le corollaire de la réforme de l’assurance chômage – et que les syndicats récusent, il faudrait croire que la trahison du dialogue social est la manifestation ultime du courage et que, a contrario, la plus grande des lâchetés serait de défendre l’assurance chômage.
Depuis sept ans, nous sommes gouvernés par des idéologues sans imagination, par des doctrinaires du réalisme politique, par des réformistes torves, par des maquignons de la République sociale, par des obsédés du tri et des fétichistes de la statistique qui sont incapables de saisir la singularité du sentiment qu’éprouvent celles et ceux qui sont privés d’emploi, entre honte et colère. Vous n’en finissez pas de surcharger en morale vos politiques sociales. Vous jugez la vie des gens sans les connaître autrement qu’en les croisant lors de déplacements Potemkine, vous ne connaissez la misère qu’à travers les statistiques et vous ne voyez les peuples que par l’intermédiaire des chauffeurs de véhicules de transport avec chauffeur qui vous conduisent. Pour ce qui nous concerne, nous ne croyons pas aux privilégiés d’en bas ; nous les trouvons ailleurs.
Depuis sept ans, vous n’avez cessé de réformer par ordonnances et par décrets. Vous avez contourné le Parlement et les partenaires sociaux, vous avez piétiné le dialogue social à coups de documents de cadrage impossibles à tenir, vous avez fait de l’assurance chômage le partenaire premium des pires pratiques salariales pour construire une société de travailleurs pauvres et de tâcherons. Nous soutiendrons évidemment la proposition de Mme Froger pour faire échec à cette vision désenchantée de la société et des Français.
M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous remercions vivement le groupe LIOT d’avoir inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi visant à protéger notre modèle d’assurance chômage et soutenir l’emploi des seniors. Le texte est en effet la seule occasion pour le Parlement de débattre de la réforme annoncée – la cinquième en cinq ans –, qui témoigne d’un acharnement irrationnel envers les demandeurs d’emploi. Vous espérez faire baisser les chiffres du chômage en supprimant les demandeurs d’emploi, mais ce n’est pas en appauvrissant les chômeurs que l’on crée de l’emploi.
Dès 2018, vous avez supprimé la part salariale des cotisations chômage, une exonération qui a permis au Gouvernement de se mêler davantage des recettes de l’Unédic en lui injectant une fraction de la CSG activité. Couplée à l’instauration d’une lettre de cadrage qui entrave le dialogue social, cette immixtion de l’État a bouleversé le pilotage de l’assurance chômage.
Depuis, quatre réformes par décret se sont succédé pour diminuer les droits et durcir les conditions d’accès à l’assurance chômage. La réforme annoncée privera d’indemnisation jusqu’à 230 000 personnes, selon certains économistes, alors même que seulement 40 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés. En réalité, la réforme vise les salariés, que vous poussez à accepter n’importe quelles conditions de travail, et force est de constater qu’elle est annoncée dans un contexte de déficit budgétaire, alors que l’État ponctionne déjà les recettes de l’Unédic. Ce sont là tous les non‑dits de la réforme.
Bien que le texte du groupe LIOT soit améliorable – je pense notamment à la lettre de cadrage, que l’on se doit de supprimer si l’on est vraiment soucieux du dialogue social –, nous soutiendrons la proposition de loi.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Notre proposition de loi traduit le sentiment que la majorité relative n’a plus d’imagination pour atteindre le plein emploi, si ce n’est en utilisant de vieilles recettes qui n’ont, à ce stade, pas démontré leur utilité. Dans son étude à mi‑parcours, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques se dit dans l’incapacité de déterminer si l’amélioration des chiffres est un effet de la réforme ou du contexte économique plus favorable.
Comment expliquez-vous qu’à mesure que vous tutoyez le plein emploi, Marine Le Pen tutoie des sommets dans les intentions de vote ? La recherche à tout prix du sacro‑saint plein emploi, concept que vous avez inventé de toutes pièces, ne détruit‑elle pas le socle même de notre société ?
Vous voulez que nous travaillions sur le sujet ? Allons‑y ! En matière d’emploi des seniors, on se moque de nous : depuis la réforme des retraites, qui proposait un malheureux index, il n’y a rien, et cette nouvelle réforme fragilise davantage les personnes en fin de carrière en les plongeant dans une trappe à pauvreté. Vous proposez que l’Unédic prenne le relais pendant un an, et après ? On crée des conditions pour sauver la face, sans solution à proposer. Il y a plus d’imaginaire dans la Macronie.
Bien sûr que nous remettons en cause la contracyclicité ! Vous ne la respectez pas : cela va moins bien, et vous proposez de resserrer la vis.
Le texte est sans doute à améliorer sur un certain nombre de sujets. Nous l’avons déposé parce que la discussion échappe au Parlement. Vous avez fait le choix de contourner le dialogue social. Nous le regrettons amèrement.
Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Avec ce texte du groupe LIOT, nous avons la possibilité, le 13 juin prochain, de mettre un coup d’arrêt à la réforme de l’assurance chômage la plus sévère jamais imposée au système et aux chômeurs, au point qu’elle divise la majorité et unit contre elle tous les syndicats, comme la réforme des retraites.
Le Gouvernement a annoncé, pour la troisième fois depuis 2017, un durcissement des conditions d’accès à l’indemnisation pour les personnes sans emploi. En cinq ans, le Gouvernement et la majorité parlementaire de droite ont fait passer la durée de cotisation de quatre à huit mois et la période de référence de vingt‑huit à vingt mois. Ce rétrécissement sans précédent va toucher particulièrement les jeunes, les moins de 25 ans qui n’ont pas le droit au RSA, les saisonniers et les seniors.
Comme toujours, le Gouvernement prétend inciter les gens à trouver du travail. On pouvait espérer que ce serait en développant la formation ou en améliorant les conditions de travail dans les secteurs qui manquent de main‑d’œuvre. Mais non ! Comme d’habitude, le Gouvernement baisse les indemnités et précarise les gens en les forçant à accepter n’importe quel travail, y compris quand il ne correspond pas à leurs qualifications. Aucun d’entre nous n’accepterait cela pour lui-même ni pour ses enfants, mais il semblerait que la tentation de faire toujours plus d’économies sur le dos des plus précaires soit bien présente en Macronie. L’objectif : 3,6 milliards d’économies par an sur le dos de l’assurance chômage, qui est excédentaire.
Qu’en est-il de l’objectif de la dernière réforme que l’on nous a fait avaler, la fameuse contracyclicité qui consiste à durcir les règles quand le chômage baisse et à les assouplir quand il remonte ? Le chômage ne baisse plus. Il est remonté à 7,5 % au premier trimestre et devrait continuer d’augmenter. Pourtant, on continue à foncer dans le mur.
Ce texte est un texte de résistance, tant sur le fond que sur la forme. Les syndicats ne sont pas des paillassons sur lesquels on peut s’essuyer comme on veut. Il est absolument primordial de laisser les salariés et les organisations patronales décider des règles d’une indemnisation pour laquelle ils ont cotisé et à laquelle ils ont droit.
Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste soutiendra avec force cette proposition de loi qui protège l’assurance chômage contre les attaques répétées du Gouvernement.
Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La réforme annoncée, que ce texte tente, à juste raison, de contrecarrer, marque l’acharnement de la majorité et du Gouvernement à l’égard des chômeurs : cinq réformes en cinq ans, avec un durcissement toujours plus fort. Cette réforme‑ci est particulièrement sévère car elle prévoit à la fois des mesures anti‑seniors et des mesures anti‑jeunes – des mesures anti-salariés, en réalité. Je rappelle que le droit des chômeurs et des privés d’emploi est le droit constitué par les cotisations des salariés, qui sont le fruit des richesses créées par leur travail.
La réforme doit être combattue. Elle a suscité la réprobation unanime des organisations syndicales. Vous voulez faire payer 3,6 milliards d’économies à celles et ceux qui sont le plus en difficulté et vous remettez vous-mêmes en cause le principe de contracyclicité – critiquable en soi, car il fait fluctuer les droits sociaux en fonction de la conjoncture économique, comme si cela avait un effet bénéfique pour celles et ceux qui ne souhaitent déjà rien d’autre que de trouver un emploi. Tout cela est incohérent. Votre seul fil conducteur est la volonté de culpabiliser toujours plus les chômeurs et les chômeuses en faisant semblant qu’ils sont responsables de leur situation. C’est inacceptable et profondément choquant.
Mme Katiana Levavasseur (RN). Vous, les macronistes, vous rognez tous les avantages, tous les droits, toutes les aides accordées aux Français, en laissant derrière vous un sillage d’injustice et de frustration. Chaque réforme, chaque nouvelle mesure est un coup de plus porté à la dignité des travailleurs et des citoyens. Que ce soit la retraite, jadis acquis social fondamental devenu mirage s’éloignant toujours plus loin, le remboursement des visites chez le médecin et des médicaments, dont le coût augmente, ou le délai de carence pour les congés maladie, dont on entend dire qu’il pourrait être allongé, tout est prétexte au grignotage.
Le coup de grâce a été porté au droit au chômage. Il affectera particulièrement les seniors, qui ont plus de mal à retrouver un emploi. Ces hommes et ces femmes, après des décennies de contribution à l’économie à la société, sont laissés pour compte et condamnés à la précarité. À 55 ou 60 ans, trouver un emploi dans un marché du travail appauvri est un défi quasi insurmontable. Le principe de contracyclicité est une aberration. Il serait temps que cesse cette politique de l’aveuglement et de l’indifférence qui oublie que, derrière chaque chiffre, chaque statistique, il y a des vies humaines.
M. Joël Aviragnet (SOC). Comme toujours, le Gouvernement et ses parlementaires sont très inspirés pour saper les droits sociaux des travailleurs, des chômeurs, des jeunes et des plus âgés. Vous durcissez les règles d’indemnisation du chômage quand la situation du marché de l’emploi est bonne, et vous maintenez ce durcissement lorsqu’elle se dégrade. Comme toujours, vous avez menti aux Français pour faire passer la pilule d’une énième réforme injuste.
Nos collègues de la majorité prétendent que la France, comparée aux autres pays européens, est trop clémente vis‑à‑vis des chômeurs. En réalité, la France n’indemnise pas plus que ses voisins : 46 % du salaire médian pour la France, 45 % pour l’Allemagne. Ce qu’oublient de dire nos collègues, c’est que les réformes du marché du travail – la réforme des retraites comme celle de l’assurance chômage – ont décimé les travailleurs anglais et allemands. Chaque réforme censée libérer les énergies et faciliter l’accès à l’emploi ne fait que plonger davantage les travailleurs dans la précarité.
Je ne veux pas d’un pays dans lequel on contraint les gens à prendre plusieurs emplois pour combler la faiblesse du salaire perçu. Je ne veux pas d’un pays où les travailleurs sont en détresse à cause d’un travail dont ils ne peuvent pas assumer les contraintes, logement ou transport – surtout dans les territoires ruraux. Je ne veux pas d’un pays où être au chômage, c’est être un paria. Personne ne choisit le chômage.
Le Gouvernement a choisi de traquer les pauvres, les chômeurs, les travailleurs précaires. Qu’il s’intéresse plutôt à la situation de ces millions de Français qui n’arrivent pas à payer leurs factures ou qui, dans les zones frontalières, vont faire leurs courses en Espagne pour contrer les effets de l’inflation. Prenez l’argent là où il est, chez les entreprises du CAC40 qui réalisent des superprofits et chez leurs actionnaires, qui ne rendent de compte à personne.
Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). C’est par décret, contre l’avis des syndicats et sans la validation du Parlement – qui ne sera pas saisi –, que la Macronie a décidé de s’attaquer une nouvelle fois aux chômeurs, après avoir durci par deux fois par la loi les conditions d’indemnisation de celles et ceux qui ne trouvent pas d’emploi, parce qu’il n’y en a pas assez pour tous.
L’assurance chômage française n’est pas plus protectrice que celle des autres pays européens et ses comptes sont excédentaires. Il n’y a aucune raison objective de s’attaquer aux chômeurs. Vous réduisez leurs droits pour remplir les caisses publiques, que vous aviez vidées pour alimenter les hyper‑riches et les grands groupes économiques, déjà obèses. Vous continuez dans cette logique en faisant payer les plus pauvres et en maintenant ceux qui ne sont pas au chômage dans des trappes à pauvreté.
Toutes celles et ceux qui se retrouveront au chômage au cours de leur vie, soit la moitié des salariés, verront leurs conditions de vie baisser, surtout à la retraite. C’est l’acte II de la réforme des retraites. En repoussant l’âge de départ, vous créez du chômage ; au lieu de créer de la solidarité, vous faites payer les jeunes, qui n’auront plus droit au RSA, et les plus âgés, qui n’auront plus droit à la retraite. C’est abject. Cela suscite chez moi un grand dégoût moral.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je remercie nos collègues du groupe LIOT. Leur proposition de loi sera en effet notre seule occasion de parler de la réforme de l’assurance chômage, en commission aujourd’hui et jeudi prochain dans l’hémicycle – mais jamais face au Gouvernement.
C’est la cinquième réforme en cinq ans. La précédente n’est pas encore évaluée, ni même complètement appliquée, que l’on passe à la réforme suivante, par‑dessus les syndicats et par‑dessus l’Assemblée. C’est le moment de poser des questions ; la rapporteure n’aura peut‑être pas de réponse à y apporter, mais j’attends celles de nos collègues de la majorité.
Les économistes ont chiffré les économies à 3,6 milliards d’euros – c’est l’objet central de la réforme –, mais il n’y a pas d’étude d’impact, ni de simulation de l’Unédic. Qui sera touché ? Combien de personnes passeront au RSA ? Quels seront les effets sur l’égalité hommes-femmes ? Que se passera‑t‑il pour les seniors ? Il faut mettre des visages sur tout cela. Chez les 50‑64 ans, un ouvrier du bâtiment sur deux, un ouvrier de l’agroalimentaire sur trois, un ouvrier sur quatre dans la manutention et une aide à domicile sur cinq n’est ni en emploi, ni à la retraite. Ces chiffres sont liés à l’explosion des inaptitudes au travail, contre laquelle vous ne faites rien. Le nombre a doublé en dix ans : nous en sommes à 100 000 par an. Elles touchent en premier lieu les professionnels que je viens de citer, qui ont droit à la triple peine : un travail qui les maltraite, une retraite qui s’éloigne et, désormais, plus de droits au chômage.
Voilà sur qui vous décidez de taper : sur les ouvriers et les employés de plus de 50 ans qui souffrent déjà d’un double malheur, celui de l’inutilité et celui de la pauvreté.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il y a dix ans, lorsqu’Emmanuel Macron fut nommé ministre de l’économie, il y avait 5,9 millions d’inscrits à Pôle emploi. Aujourd’hui, il y a 6,1 millions d’inscrits à France Travail. Voilà votre bilan : 200 000 inscrits de plus, soit 56 par jour. Tout cela parce que vous vivez dans la pensée magique selon laquelle appauvrir les chômeurs crée de l’emploi ! Dans les banques alimentaires, peut‑être, mais ce n’est pas suffisant pour absorber l’ensemble des personnes licenciées à cause de vous. Le bilan social de cette idéologie, c’est que 30 % des chômeurs font état de pensées suicidaires.
J’ai encore entendu dire, tout à l’heure, que l’on n’arrivait pas à recruter. De bonne foi, je suis allé consulter l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2024 » de France Travail. Que dit‑elle ? Que les projets de recrutement sont en baisse de 10 % et que moins des deux tiers des offres portent sur une durée de plus de six mois. Dans le monde réel, le patronat recrute moins et il y a de plus en plus d’inscrits au chômage. Prenons le cas concret des métiers sur lesquels le patronat verse des larmes. Pharmacie : 7 000 projets de recrutement, 5 000 inscrits à France Travail. Travaux d’étanchéité : 7 500 projets de recrutement, 5 000 inscrits.
Vous aurez beau obliger les gens à travailler pour le Smic, de nuit, le week‑end, à l’autre bout du pays, on en revient toujours au fait que le nombre d’emplois disponibles correspond à peu près au nombre de demandeurs. Il y a 300 000 offres d’emploi non pourvues pour 6 millions d’inscrits. Vous aurez beau les mettre au travail forcé, il en restera toujours 5,7 millions, voire plus, puisque certains d’entre eux doivent enchaîner plusieurs contrats.
M. François Gernigon (HOR). Le travail des seniors est un sujet important. Chacun se plaît à dire qu’un senior qui part à la retraite, c’est un capital d’expérience qui fout le camp, ce qui est dommageable à la transmission du savoir. Le texte contient un début de réflexion sur l’emploi des seniors, mais je regrette qu’il ne pousse pas plus loin la réflexion sur le financement de cette transmission.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). La réforme de l’assurance chômage qui entrera en vigueur le 1er décembre prochain est triplement injuste. Injuste envers les plus précaires et les seniors : en durcissant les conditions d’affiliation, elle pénalise directement les plus vulnérables, qui seront les premiers touchés par la réduction de la durée minimale d’affiliation, et entraîne une perte de soutien critique pour les plus âgés dans le marché de l’emploi. Injuste envers les salariés : en réduisant les prestations de l’assurance chômage, elle force toute personne perdant son emploi à en reprendre un autre rapidement, même si celui‑ci est moins rémunéré et sans rapport avec sa formation initiale ; le filet de sécurité essentiel pour permettre une transition digne et sécurisée est réduit à peau de chagrin. Injuste également envers les entreprises : ces dernières, en tant que seul contributeur à l’assurance chômage, se voient imposer des mesures d’économie sans aucune réduction de charge ; les cotisations patronales à l’assurance chômage deviennent une nouvelle forme de taxation masquant la mauvaise gestion de la politique économique actuelle.
Il est crucial d’adopter un principe de proportionnalité entre le taux de contribution à l’assurance chômage et toute modification de la durée minimale d’affiliation ou de la durée d’indemnisation, comme nous l’avons proposé. Cela permettrait de rétablir l’équité pour ne pas pénaliser indûment les entreprises, tout en maintenant un soutien nécessaire aux salariés.
Je salue l’utilité de la proposition de loi, face au cynisme d’une majorité qui a érigé la casse sociale en veau d’or. Je rappelle que chez moi, en pays d’Arles, le taux de chômage est de 11 %. Ce taux est incompressible quelle que soit la majorité en exercice.
Mme Sylvie Bonnet (LR). Le Gouvernement a décidé, via un décret de carence, de fixer lui‑même de nouvelles règles d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi à partir du 1er juillet 2024, ce qui inquiète nos concitoyens. Selon les derniers chiffres de l’Insee, le taux de chômage s’établit à 7,5 % au premier trimestre 2024 en France, alors que l’Allemagne a un taux de 3,2 %. Nous sommes encore très éloignés du plein emploi promis pour 2027 par Emmanuel Macron.
L’article 4 relatif à l’emploi des seniors est essentiel, car aucune mesure n’a été mise en place pour ces travailleurs particulièrement vulnérables : la réforme des retraites n’a pas été précédée d’un plan dédié à l’emploi des seniors et toutes les mesures les concernant ont été invalidées par le Conseil constitutionnel.
Nous déplorons d’être privés, une fois de plus, d’un débat et d’un vote sur un projet de loi spécifique. La proposition de loi de nos collègues a du moins le mérite de nous permettre d’en parler en commission.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je m’associe à mes collègues pour remercier le groupe LIOT pour cette proposition de loi qui nous permet de discuter de la réforme de l’assurance chômage.
Je voudrais insister sur deux points qui n’ont pas été abordés jusqu’à présent. Premièrement, nous vous avions alertés, au moment de la première réforme de l’assurance chômage, sur le fait qu’elle substituait une décision du Gouvernement, prise par voie réglementaire, à un accord conclu avec les syndicats dans le cadre du dialogue social, ce qui fragilise les bases même de la démocratie sociale.
Deuxièmement, la réforme se fonde sur la théorie selon laquelle les chômeurs arbitrent entre le loisir et le travail ; de ce fait, si on les indemnise trop, ils refuseront les emplois qui se présentent à eux. C’est ignorer d’autres travaux économiques qui parlent d’un marché du travail dual entre les insiders, qui ont un CDI et une carrière en progression, et les outsiders, qui cumulent les emplois précaires. La réforme s’adresse essentiellement à cette seconde catégorie, qui est la plus vulnérable. En faisant toujours des économies sur les victimes du système plutôt que sur ceux qui en ont les clefs, vous fragilisez la société française.
M. Charles de Courson (LIOT). La proposition de loi découle d’une philosophie politique que je crois majoritaire à l’Assemblée nationale, celle qui tient au respect du dialogue entre les partenaires sociaux et qui veut rétablir – ou établir, en l’espèce – les droits du Parlement.
L’assurance chômage est une branche de la protection sociale. Lorsque nous avons voté la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, nous avons écarté de son champ les régimes de retraites complémentaires, sur lesquels vous vouliez également mettre la main. Votre philosophie est une philosophie hégélienne de destruction des corps intermédiaires. Nous la combattrons jusqu’au bout. Est-il normal que tout ceci soit fait par décret, au mépris des droits du Parlement ?
M. Didier Le Gac (RE). Charles de Courson est révolutionnaire !
M. Charles de Courson (LIOT). Absolument ! Il y a des moments où il faut l’être. J’ajoute qu’il faut éviter l’aggravation de la situation sociale des salariés âgés. Nous avons soulevé le problème dès la réforme des retraites en soumettant l’idée, reprise par le Sénat, d’une possible négociation par branche pour réduire, dans certaines d’entre elles – la situation étant très différente d’une branche à l’autre –, les cotisations sociales des salariés âgés.
M. Paul Molac (LIOT). Premièrement, on nous dit qu’il n’y a pas eu d’accord avec les partenaires sociaux. Pourtant nous les avons auditionnés et ils nous ont dit qu’il y en avait eu un ; mais le Gouvernement n’en veut pas. C’est un premier coup de canif dans le pacte républicain.
Deuxièmement, je ne comprends pas les collègues qui s’opposent à cette proposition qui nous permet de reprendre le pouvoir par rapport au Gouvernement – alors que vous savez très bien qu’en réalité ce sont des hauts fonctionnaires qui vont rédiger les décrets. Il n’est pas sain que les représentants du peuple soient dépossédés de la souveraineté nationale. Ce n’est pas comme ça que devrait fonctionner la démocratie.
N’oubliez jamais que seulement 38 % des chômeurs sont indemnisés et qu’ils perçoivent en moyenne de 1 100 euros. Il ne faut donc pas exagérer : cela ne pèse pas sur les comptes publics.
Dans ma région, le taux de chômage est compris entre 5 et 6 %. Je crains beaucoup votre réforme, car qui se retrouve au chômage ? Les personnes âgées – qui ont quelquefois besoin de souffler –, ceux qui ont obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) – et dont certains ont été cassés par le travail dans une région d’industrie agroalimentaire – et les personnes qui souffrent de problèmes psychologiques. Vous proposez de rendre leur situation encore plus précaire. Je rencontre nombre de ces personnes dans ma permanence et je ne peux pas être d’accord avec vous.
Cette proposition de loi a au moins le grand mérite de nous redonner le pouvoir de décider ensemble. Il me semble que c’est un minimum par rapport à ce que nous devons faire pour les Français.
M. Didier Martin (RE). J’aimerais beaucoup savoir ce que la rapporteure, ainsi que les responsables du nouveau groupe révolutionnaire LIOT, pensent de la rupture conventionnelle, en particulier pour les cadres moyens et supérieurs. Lorsqu’ils font valoir ce droit, la solidarité nationale leur permet le plus souvent de partir en douceur de l’entreprise, selon les modalités que l’on connaît.
Mme la rapporteure. Je vous invite solennellement à réfléchir aux conséquences de la nouvelle réforme de l’assurance chômage, sur les dangers de laquelle alertent tous les économistes que le Gouvernement avait mandatés pour évaluer les précédentes. Quant à ceux qui les ont conçues, ils estiment que la période est trop incertaine pour prévoir de durcir de nouveau les conditions d’accès à l’indemnisation du chômage.
Je sais que le texte que nous proposons n’est pas parfait. Mais de quel autre moyen disposons‑nous pour envoyer un message fort ? Nous demandons ainsi que l’on travaille rapidement à un plan qui permette d’éviter que se paupérisent encore davantage les demandeurs d’emploi les plus fragiles, c’est‑à‑dire les jeunes de moins de 25 ans, les saisonniers, les intérimaires et les seniors.
Je souhaite rappeler que la moitié des allocataires ne bénéficient pas de la durée maximale d’indemnisation. Seulement 40 % des chômeurs sont indemnisés et ils perçoivent une allocation moyenne d’un peu plus de 1 000 euros.
Les demandeurs d’emploi se sentent stigmatisés par cette nouvelle réforme. La réalité est pourtant bien éloignée de l’image du chômeur profiteur ou fraudeur.
La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Prévoir une durée d’indemnisation, égale à la durée d’affiliation, d’au moins six mois et dont la durée maximale ne peut être inférieure à dix‑huit mois
Amendement AS43 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement de précision prévoit d’indiquer qu’une personne doit pouvoir être indemnisée plusieurs fois au cours de sa vie professionnelle. Pour ce faire, il rétablit la rédaction de l’article L. 5422-2 du code du travail.
Mme la rapporteure. Par convention, le code du travail évoque à plusieurs reprises les périodes indemnisation au singulier, et l’article L. 5422-2-1 du code du travail prévoit bien la possibilité d’ouverture « d’une nouvelle période d’indemnisation », ce qui devrait vous rassurer.
L’amendement étant superflu, j’en demande le retrait.
M. Marc Ferracci (RE). Je comprends assez mal vos arguments. La rédaction que je propose lèverait toutes les ambiguïtés.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). Notre groupe votera contre cet amendement. Je souhaiterais que M. Ferracci, qui est manifestement le porte‑parole de la majorité pour ce texte, apporte des réponses à un certain nombre de questions plutôt que de pinailler sur des singuliers ou des pluriels, car nous ne disposons pas d’une étude d’impact ou de simulations de l’Unédic.
Quels seront les effets de la réforme sur les seniors et sur l’égalité entre les hommes et les femmes ? Combien de personnes vont basculer au RSA ? Compte tenu des réformes successives, depuis 2010 le nombre de seniors allocataires du RSA a été multiplié par quatre.
En outre, on a entendu des annonces au sujet de la réforme de l’allocation de solidarité spécifique. Mais signifient‑elles que la réforme est enterrée définitivement ou simplement qu’elle est différée, le temps de faire passer celle de l’indemnisation du chômage ?
Ces questions méritent des réponses de la part de la majorité et que celle‑ci se fasse la voix du Gouvernement, afin que l’on comprenne quels seront les effets pratiques de cette réforme que vous n’osez pas poser sur la table. Merci, encore une fois, aux collègues du groupe LIOT, car sans eux il n’y aurait pas de discussion sur cette réforme au sein de notre assemblée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS34 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). L’amendement, qui vise à réintroduire le principe de contracyclicité dans la période d’indemnisation, précise que « la durée des droits à l’allocation d’assurance peut être modulée en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail ».
Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer que ce principe de contracyclicité était de bon sens, et il est d’ailleurs assez bien compris par nos concitoyens. Lorsque la situation du marché du travail s’améliore, on prend moins de temps pour trouver un emploi. C’est ce qu’indiquent toutes les études, qui montrent que la durée d’indemnisation et surtout celle du chômage dépendent de la situation du marché du travail. L’amendement vise simplement à rétablir ce principe de contracyclicité.
Mme la rapporteure. Je suis bien entendu défavorable à la réintroduction du mécanisme de contracyclicité, aussi bien pour la période d’indemnisation que pour les conditions d’accès à cette dernière.
La contracyclicité a conduit à diminuer les droits des demandeurs d’emploi au nom d’une logique comptable visant à réduire de 5 milliards d’euros les dépenses d’assurance chômage. En outre, l’application de ce principe aboutit seulement au maintien du statu quo en cas de dégradation de la conjoncture.
Je suis favorable à ce que la durée d’indemnisation soit égale à celle d’affiliation. C’est un principe de justice, qui garantit le caractère assurantiel de notre système. Par ailleurs, l’ajustement automatique des règles de l’assurance chômage est contraire au dialogue social.
M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Madame la présidente, vous m’aviez repris lorsque j’ai utilisé le mot « abject ». J’en lis la définition : « Qui inspire le mépris par sa bassesse morale ». Cela me semble particulièrement adapté à la situation, puisque M. Ferracci nous avait dit, en 2022, que la contracyclicité consistait à sanctionner lorsque l’économie allait bien et à aider lorsqu’elle allait mal. Or vous présentez désormais une réforme de l’assurance chômage alors même que ce dernier est en train d’augmenter. Hypocrites !
Il faut que vous nous disiez si vous vous êtes gourés sur la contracyclicité ou si vous avez menti en 2022. Mais vous ne pouvez pas changer les règles au dernier moment alors que cela va plus mal.
Nous sommes donc opposés à cet amendement hypocrite et attendons une réponse de M. Ferracci. C’était bien la peine de nous bassiner avec la contracyclicité en 2022 si c’était pour se défiler dans l’épreuve.
M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur Ferracci, constatons-nous une augmentation du taux de chômage ? Réponse : oui sur les six derniers mois. Et c’est le moment que choisit le gouvernement que vous soutenez pour faire de la contra-contracyclicité... Vous nous aviez pourtant expliqué que l’on améliorerait l’indemnisation du chômage lorsqu’il remonterait. Or vous faites exactement l’inverse.
Je crains que vous ne soyez atteint d’un dédoublement de la personnalité, monsieur Ferracci.
M. Philippe Vigier (Dem). On a connu Charles de Courson plus élégant !
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Depuis cinq ans, le Gouvernement a fait de l’assurance chômage son joujou. Il essaie de détourner l’attention de ses propres difficultés et d’en faire porter la responsabilité aux chômeurs.
Il accrédite au fond l’idée qu’il faudrait transformer le chômage en une épreuve terrible pour dissuader les gens d’y être ou les contraindre à accepter un travail dont ils ne voudraient pas. Cette vision des choses pose un problème : qui peut croire, en effet, qu’il est désirable d’être privé d’emploi ? Tout indique qu’il s’agit au contraire d’une expérience difficile pour ceux qui la vivent.
J’avais déjà combattu la contracyclicité lorsque vous l’aviez proposée et je vais continuer à le faire. Il faut que les règles soient claires pour les salariés : lorsqu’ils versent des cotisations, cela doit leur ouvrir des droits qui ne sont pas fonction d’une conjoncture économique qu’ils ne maîtrisent pas – surtout si vous modifiez en permanence les règles, comme cela a été annoncé pour l’assurance chômage.
M. Boris Vallaud (SOC). Nous nous opposerons évidemment à cet amendement, en nous appuyant sur les études publiées par l’Unédic et par un certain nombre d’économistes et de spécialistes du travail.
Aucune étude sérieuse n’a conclu à une quelconque efficacité de la deuxième réforme de l’assurance chômage, qui a introduit la contracyclicité. Les seules études dont on dispose sur les effets de cette dernière portent sur des marchés du travail étrangers qui n’ont rien à voir avec le nôtre. Il n’est établi nulle part que les réformes de l’assurance chômage ont permis de créer 2 millions d’emplois, comme cela a pu être dit. On évoque d’ailleurs la création de 90 000 emplois grâce à la nouvelle réforme qui est proposée, ce qui est absolument dérisoire par rapport à la violence sociale occasionnée.
En réalité, il est tout d’abord établi par l’Unédic que la contracyclicité a un impact négatif sur la qualité de l’emploi retrouvé. Ensuite, retrouver plus vite un emploi sous la pression ne garantit en rien que celui‑ci sera durable. Tout cela ne marche pas et a un coût humain et social absolument considérable.
J’observe enfin que, si le niveau des indemnités fluctue en fonction de la conjoncture, celui des cotisations, en revanche, reste inchangé.
Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous nous opposerons avec force à cet amendement et au principe de contracyclicité.
Monsieur Ferracci, vous nous assénez une espèce d’argument d’autorité selon lequel ce principe relèverait du bon sens et que tout le monde le comprendrait. Mais comment expliquez-vous alors que tous les syndicats y sont opposés ? Comme lors de la réforme des retraites, vous voulez passer en force alors que personne n’est d’accord avec vous. Vos arguments vont bien pendant cinq minutes, mais ils ne font pas une politique publique.
Comme l’a dit notre collègue Vallaud, il n’y a pas de preuve que ce que vous avez instauré fonctionne. Bien au contraire, puisque tous les voyants sont au rouge.
En outre, la contracyclicité revient à nier le droit intrinsèque à l’assurance chômage, ce dernier n’étant pas une variable d’ajustement de vos politiques économiques. Percevoir l’assurance chômage, ce n’est pas faire la manche. C’est un droit. Les gens cotisent pour cela ; ils doivent être protégés et ne pas être soumis aux aléas de la bonne volonté de la majorité présidentielle.
M. Victor Catteau (RN). Nous nous opposerons évidemment à cet amendement qui vise à réintroduire la contracyclicité, dont nous savons qu’elle peut précipiter de nombreux foyers dans la précarité. Avec ce dispositif, un allocataire peut voir ses droits à indemnisation être ramenés de douze mois à neuf.
Selon la majorité, on peut réduire les droits des allocataires parce que la situation économique globale est bonne. Pourtant, cela ne veut pas dire que l’ensemble des secteurs d’activité recrutent et permettent à tous de retrouver un emploi. Votre volonté est claire : contraindre les demandeurs d’emploi à accepter n’importe quel travail, même plus précaire et moins bien payé. Vous leur faites supporter votre incapacité à créer des emplois et à atteindre le plein emploi, alors que tel était l’objectif que vous vous étiez fixé lors de votre arrivée au pouvoir en 2017. Mais ce n’est pas ainsi que vous y arriverez.
Si vous voulez créer des emplois, vous pouvez faire ce que nous vous proposons depuis notre arrivée à l’Assemblée : baisser les charges et les cotisations sociales. Vous rendrez ainsi le travail plus attractif en augmentant considérablement le salaire net de personnes dont la situation demeure très compliquée en raison d’une inflation assez forte. Il convient aussi de réindustrialiser notre pays, qui a été fortement touché par votre politique néfaste pour l’emploi.
M. Nicolas Turquois (Dem). Charles de Courson a dit que le chômage augmente. On peut être d’accord avec lui si l’on regarde à la virgule près. Mais, au vu de la situation internationale et de l’histoire de l’évolution du taux de chômage en France, celui‑ci est particulièrement stable. Le taux d’emploi a pour sa part augmenté depuis des années, et singulièrement ces derniers mois. Il faut quand même le souligner.
D’un autre côté, de très nombreuses entreprises nous indiquent qu’elles rencontrent des difficultés pour recruter. C’est une réalité.
M. Saint-Huile a indiqué, à juste titre, que plus l’on se rapprochait du plein emploi, plus les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen et des siens progressaient. Je constate en effet dans ma circonscription que beaucoup de personnes qui votaient auparavant à gauche et en faveur de la protection sociale se tournent désormais plutôt vers l’extrême droite, car elles estiment que les cotisations versées sont trop importantes et servent à payer des personnes qui restent inactives. Il faut entendre ce discours.
Si l’on veut protéger notre système de protection sociale, il faut faciliter le retour à l’emploi et adopter des mesures contracycliques qui me semblent tout à fait nécessaires. Nous sommes favorables à l’amendement de M. Ferracci.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). « Une nouvelle réforme pourrait conduire à une dégradation des emplois retrouvés en l’absence d’études et de recul, ce qui conduirait à détériorer le fonctionnement du marché du travail. » Qui a tenu ces propos ? Alexandra Roulet, lauréate en 2024 du prix du meilleur jeune économiste, qui a été conseillère à l’Élysée et qui a conduit les réformes antérieures.
Je le dis à tous les députés de la majorité et pas seulement à M. Ferracci : j’ai du respect pour le travail des parlementaires lorsqu’il s’appuie sur des éléments statistiques et des études. En l’occurrence, alors que certains se sont toujours présentés comme étant du côté de la science et de la rationalité, on ne dispose ni de ces dernières ni du recul nécessaire. Même ceux qui vous ont accompagnés lors des réformes précédentes vous disent de faire une pause et d’attendre de disposer de leurs premiers résultats.
Mais, pour des raisons qui nous échappent, vous ne jugez pas utile de prendre en compte ces avertissements et vous continuez d’avancer vers une réforme de l’assurance chômage dont rien ne démontre qu’elle portera ses fruits. Et vous le faites encore une fois d’une manière qui accuse les plus précaires et qui va plonger dans une situation difficile les seniors, les jeunes et les personnes titulaires d’un contrat court.
Nous avons donc déposé ce texte pour vous dire d’arrêter, car cette réforme n’a pas de sens et n’aura pas de résultats économiques.
M. Paul Molac (LIOT). J’entends moi aussi souvent le discours consistant à dire que les personnes qui touchent les aides sociales ne font rien.
Tout d’abord, il émane souvent de ceux qui travaillent dur pour des salaires faibles. Il faudrait donc commencer par les augmenter.
Ensuite, je rencontre les personnes qui sont au chômage, ce que ne peuvent pas faire ceux qui travaillent et ne connaissent pas leur situation. Si elles n’ont pas d’emploi, c’est parce qu’elles se sont vu octroyer une RQTH et parce qu’elles souffrent de problèmes physiques ou psychologiques. Et l’on voudrait que les plus faibles d’entre nous aient la même rentabilité que ceux qui n’ont pas de problèmes physiques ou mentaux ! Mais c’est précisément pour eux que doit jouer la solidarité nationale. C’est cela qu’il faut expliquer à nos concitoyens, en citant les exemples de personnes qui sont incapables de se prendre en charge elles‑mêmes et qui sont soutenues par leur entourage. Avec un tel effort de pédagogie, chacun comprendrait mieux pourquoi certains sont aidés.
M. Bertrand Pancher (LIOT). Notre proposition de loi est soutenue par toutes les organisations syndicales, lesquelles sont venues à notre conférence de presse – et pas seulement celles classées à gauche. La Confédération générale des cadres, plus modérée, a estimé que la réforme à venir serait particulièrement brutale pour les seniors. Ceux qui ont entre 53 et 57 ans vont perdre un an d’indemnisation, alors même que l’on augmente l’âge de départ à la retraite. C’est dingue !
J’ai interrogé les organisations patronales, dont vous aurez d’ailleurs peut‑être remarqué que le discours est très prudent. Elles ont indiqué que la réforme de l’assurance chômage n’était pas vraiment leur priorité et qu’elles sont bien plus attachées au maintien du dialogue social.
J’ai interrogé les grandes organisations de la société civile – telles que le Secours populaire et le Secours catholique – qui œuvrent pour aider les personnes les plus en difficulté. Elles nous disent que cela va être terrible et que la situation de beaucoup de personnes va s’aggraver.
Qui vous soutient pour faire cette réforme ? Personne ! Ne vous étonnez donc pas si vous êtes sanctionnés lors des élections dimanche prochain. Ce n’est pas en gouvernant ainsi et en n’écoutant jamais nos concitoyens que l’on peut réussir de belles réformes pour notre pays. Franchement, c’est la réforme de trop sur le plan social.
M. Didier Martin (RE). Quelles sont les priorités des organisations patronales, si ce n’est d’alléger les charges des employeurs ? Je les entends tout le temps me dire qu’il faut alléger leurs cotisations.
Qui est le premier employeur de France, monsieur Saint‑Huile ? Ce sont les PME. C’est à elles qu’il faut penser. Mais nous devons en même temps garantir la solidarité nationale quand le marché du travail évolue. La contracyclicité est donc solidaire, et ceux qui votent contre cela ne le sont pas.
Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Notre désaccord porte sur ce que signifie un droit. Un droit ne peut pas dépendre de l’état de l’économie ou d’indicateurs conjoncturels. Si l’on ouvre cette brèche, le montant des allocations familiales ou celui du loyer dans un logement social pourraient eux aussi varier en fonction de la conjoncture. C’est absolument contraire à l’idée que nous nous faisons de l’accès à un droit.
Les droits des chômeurs doivent reposer sur une certaine idée de la solidarité et du travail, mais aussi de la manière d’accompagner les personnes lorsqu’elles sont au chômage. À défaut, cela revient à considérer que les chômeurs sont responsables de la situation économique, alors que c’est l’inverse.
Cette dernière pèse non seulement sur les chômeurs, mais aussi sur tous ceux qui ont un emploi, car on sait depuis Marx que le chômage est l’armée de réserve de travailleurs. Celle‑ci permet d’exercer une pression sur les salaires et sur les conditions de travail de ceux qui sont employés.
Dans un contexte où l’on sait très bien que la loi du profit et le pouvoir du capital écrasent les salariés, il faut inverser le rapport de force pour protéger ces derniers et consolider leurs droits. Je vous sais sensibles à la question de la mobilité. Si vous voulez qu’il y en ait dans les entreprises, alors il faut que les gens n’aient pas peur du chômage et qu’ils soient sereins parce qu’ils savent qu’ils seront en sécurité entre deux emplois.
Ce que vous faites a pour effet de précariser les gens et d’accroître la peur, pour au bout du compte appauvrir les citoyennes et les citoyens.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il n’y a pas de charges sociales, il y a seulement des cotisations sociales. La seule charge dans cette pièce, c’est la Macronie.
Comprenons bien ce que propose M. Ferracci : l’indemnisation du chômage dépendra de la conjoncture économique, et donc de vos prévisions. On ne sait pas trop comment ces dernières seront faites – peut‑être en lisant dans les entrailles d’un poulet, ou alors en s’en remettant à un conseil d’orientation que vous aurez mis à votre botte en changeant son président parce que l’ancien ne vous convenait pas...
C’est une logique absurde et injuste, car cela signifie tout d’abord que vous créez une société où chacun a intérêt au malheur des autres, puisque votre allocation augmente quand votre voisin est licencié. Est‑ce vraiment ce que l’on doit souhaiter comme principe moral pour faire fonctionner l’assurance chômage ? Non !
Ensuite, ce que vous appelez contracyclicité aboutit à la situation suivante : si je travaille dans l’agriculture et que je suis licencié, mais que les recrutements dans le BTP sont à l’origine d’une embellie, mon allocation baissera. C’est un problème moral autant qu’économique.
Vous infligez un châtiment collectif à des personnes qui n’ont aucune prise sur les cycles économiques. On vous entend dire que le chômage augmente, mais que cela pourrait être pire. Certes, mais cela pourrait être mieux. Je propose que l’on essaye sans vous. Alors qu’il faudrait des accords de Matignon, vous faites des accords de maquignon.
M. Marc Ferracci (RE). Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, le contenu de cette proposition préoccupe la majorité parce qu’il remet en cause des réformes déjà entrées en vigueur.
Premièrement, je ne me livrerai pas à un concours de commentaires sur ce qui a été annoncé par le Gouvernement, dont nous ne connaissons pas la traduction réglementaire et qui ne fait actuellement pas partie de notre droit.
Deuxièmement, plusieurs intervenants se sont légitimement interrogés au sujet de l’impact de la durée d’indemnisation – qui peut varier du fait de la contracyclicité – sur la qualité de l’emploi retrouvé.
Monsieur Saint-Huile, je connais bien Alexandra Roulet. Et si vous aviez discuté avec elle autant que je l’ai fait, vous sauriez que la durée d’indemnisation joue bien sur la qualité de l’emploi retrouvé, mais que cette dernière résulte de deux mécanismes qui jouent dans des sens opposés. L’un est positif : en allongeant la durée d’indemnisation, on laisse plus de temps aux gens pour chercher un emploi et en trouver un qui correspond à leurs compétences, leur productivité et leur niveau de salaire. Mais les études mettent également en évidence que plus vous restez au chômage, plus vous dégradez votre employabilité. Il y a un trou sur votre curriculum vitæ et les employeurs le perçoivent comme un élément négatif.
Quel est le résultat de ces deux mouvements opposés ? Les études ne sont pas toutes conclusives. Je vais vous les résumer, ce que Mme Roulet aurait fait si vous aviez pris le temps de l’entendre.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je viens de la citer !
M. Marc Ferracci (RE). Vous l’avez citée de manière assez partielle.
Allons au bout de ce débat. En pratique, les comparaisons internationales montrent que lorsque la durée de l’indemnisation du chômage est relativement longue, l’allonger fait plutôt jouer le second effet, en défaveur donc des chômeurs. Quand cette indemnisation est courte et qu’on la raccourcit encore, c’est davantage le premier effet qui se manifeste, c’est‑à‑dire que la qualité de l’emploi retrouvé se dégrade.
Cela étant dit, il faut être honnête : les études sur ce sujet ne sont pas très nombreuses. Beaucoup de choses fausses ont été dites et je ne vais pas répondre à l’ensemble des intervenants. Mais lorsque l’on fait référence à des travaux scientifiques, il faut le faire de manière complète.
D’autre part, pour qu’il y ait un dialogue social, il faut être deux. Je n’ai pas d’actions dans le patronat et j’ai élaboré et mené des réformes qui lui déplaisent très fortement – nous aurons l’occasion de reparler du bonus-malus lors de l’examen des amendements suivants. Mais il n’est pas honnête de dire que toutes les organisations syndicales sont contre cette réforme sans mentionner la position de l’autre partie prenante au dialogue social.
Enfin, je remercie M. de Courson pour l’élégance dont il est devenu coutumier. Rassurez‑vous, je vais très bien et ne souffre pas d’un dédoublement de personnalité. Grâce à vous, j’ai appris que l’assurance chômage faisait partie de la sécurité sociale, que nous en discutions lors de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous définissions ses règles à cette occasion... Je suis obligé de vous dire qu’il est assez pathétique que vous rabaissiez le débat à ce niveau, cher collègue.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS30 et AS33 de M. Marc Ferracci (discussion commune)
M. Marc Ferracci (RE). Ces deux amendements visent à revenir sur le principe, inscrit à l’alinéa 3, selon lequel « la durée d’indemnisation est égale à la durée d’affiliation ». Une telle disposition constituerait une entaille sur ce que les partenaires sociaux ont négocié au fil des décennies lors des différentes conventions d’assurance chômage. Je rappelle à cet égard que jusqu’en 2009, la durée d’indemnisation était inférieure à la durée d’affiliation. J’y insiste : ce que vous proposez empêcherait les partenaires sociaux de librement en décider ainsi. Le dialogue social requiert les organisations syndicales, mais aussi les organisations patronales.
J’ajoute que l’égalité entre les durées d’indemnisation et d’affiliation interdirait d’appliquer la réforme du mode de calcul de l’allocation, introduite en 2019 et en vigueur depuis 2021 – réforme qui permet que la durée d’indemnisation soit supérieure au temps travaillé. C’est ce dont bénéficient les personnes qui enchaînent des contrats courts, entrecoupés d’épisodes de chômage. La durée d’indemnisation est plus longue, mais pour un montant plus faible, le capital en droits étant inchangé. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, la dernière réforme de l’assurance chômage est fondamentale pour limiter la multiplication des contrats courts voire très courts, parfois de deux ou trois jours, au sein d’une même entreprise, car les gagnants d’un tel système, au sein duquel les conditions de rémunération et de travail sont dégradées, sont les employeurs.
Mme la rapporteure. Je comprends votre position, car l’inscription dans la loi du principe d’égalité des durées d’indemnisation et d’affiliation ferait échec à la réforme de la contracyclicité. Il ne serait en effet plus possible de prévoir une période de référence de vingt‑quatre mois pour une période d’indemnisation de seulement dix-huit mois. Je me féliciterais de la fin de cette injustice.
Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Messieurs Ferracci et Martin, je rappelle les déclarations du secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises : « Diminuer l’indemnisation, nous n’y sommes pas favorables. Les gens qui sont au chômage ne l’ont pas demandé. Il faut qu’ils puissent continuer à vivre. » Quant à Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), voici ce qu’il a indiqué : « Oui, il faut aller plus loin sur l’assurance chômage, mais je ne sais pas si cette réforme a un degré d’urgence. La réforme la plus urgente, c’est la dynamique économique. »
À quel moment les organisations patronales ont‑elles changé d’avis ? Après avoir vu le Gouvernement et obtenu des perspectives sur les cotisations et les charges lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2025. Voilà la réalité ! Au départ, ainsi que le Gouvernement et les médias ont pu le vérifier en les interrogeant, elles ne considéraient pas que la réforme était urgente. Il faut dire les choses jusqu’au bout.
Nous ne demandons pas de nouveaux droits. Nous affirmons qu’il faut cesser de rogner les droits des chômeurs, car ce que vous faites est contre-productif pour l’emploi et pour la qualité des emplois, sans compter l’impact électoral indéniable qu’une telle politique emporte.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur Ferracci, le dialogue social se fait à deux. Mais, outre qu’il a actuellement lieu entre Emmanuel Macron et le Medef – si bien que nous ne souhaitons pas nécessairement qu’il se poursuive –, cela n’exclut pas de se doter de normes et de règles protectrices. En quoi disposer d’un cadre de protection empêcherait de négocier ? C’est même l’inverse : un cadre permet d’éviter que le plus faible puisse se faire totalement avoir !
La question centrale est celle la durée d’indemnisation. Elle a été réduite de 25 % en moyenne en février 2023, et ce sera de nouveau le cas avec votre nouvelle réforme, sur laquelle personne n’aura le plaisir – ou pas ! – de se prononcer. Tout ce que nous faisons, c’est dénoncer les méthodes scandaleuses du Gouvernement et sa lettre de cadrage rétrograde, qui ne correspond à aucune demande des partenaires sociaux et dont l’élaboration accélérée vise à faire échouer les négociations. Vous profitez de cette lettre pour reprendre la main sur les discussions. Cela s’appelle un hold‑up et nous ne comptons pas le laisser passer.
M. Marc Ferracci (RE). Monsieur Saint-Huile, vous avez des informations sur les échanges entre le Gouvernement et les organisations patronales dont je ne dispose pas. Ce que je sais, c’est que la principale organisation patronale, dans un écrit officiel adressé au Gouvernement il y a quelques jours, affirme soutenir la réforme de l’assurance chômage. Pas plus que tout à l’heure je ne souhaite discuter des annonces du Premier ministre, mais je tenais à faire ce rappel.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’alinéa 3 de l’article 1er dispose que « la durée d’indemnisation est égale à la durée d’affiliation prise en compte pour l’ouverture des droits » et qu’elle « ne peut être inférieure à cent quatre‑vingt‑deux jours calendaires ». Vous souhaitez donc, madame la rapporteure, que six mois d’activité donnent droit à six mois d’indemnités chômage. Mais dans la mesure où le taux de cotisation chômage s’élève à 4 %, c’est‑à‑dire à un vingt‑cinquième du salaire à reconstituer, une telle mesure ne ferait, une fois de plus, que reporter l’effort sur ceux qui travaillent – les autres –, et ce au risque de déséquilibrer totalement le système et de l’envoyer dans le mur. C’est ce qui est en train de se produire, sachant que le rejet de notre système de protection sociale est de plus en plus fort chez nos compatriotes, car le rapport entre cotisations et prestations est complètement à leur désavantage. Je soutiendrai donc ces amendements.
M. Stéphane Viry (LR). Il est évident que les modalités d’accès à l’assurance chômage, aux revenus de remplacement et aux indemnisations constituent une question importante. L’objet de nos discussions est de définir où nous plaçons la borne et, en creux, comment nous incitons au retour à l’emploi. Or nous parlons ici de femmes et d’hommes qui en sont très éloignés. En l’absence de la seconde jambe, celle de l’accompagnement, de la formation, tout simplement de la considération humaine, des parcours d’insertion et de l’innovation sociale, personne ne réussira. Je me félicite donc que ces amendements aient été déposés, car la quête du plein emploi n’aboutira – c’est le message politique que je souhaitais formuler – que si nous fixons les bornes en tenant compte du volet complémentaire que je viens d’évoquer et qui est totalement absent de nos discussions du jour.
M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur Turquois, vos propos sont contraires au principe même de solidarité, sur lequel la sécurité sociale a été fondée. Les cotisations ne servent pas à accumuler des droits ; ce n’est pas une épargne. Les travailleurs cotisent en fonction de leurs moyens et reçoivent en fonction de leurs besoins. Il n’est pas possible d’envisager une adéquation entre le montant de la cotisation et celui de la prestation. Ou alors c’est que vous êtes contre la sécurité sociale, auquel cas il faut le dire !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS31 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle la durée d’indemnisation ne peut être inférieure à cent quatre‑vingt‑deux jours calendaires, c’est‑à‑dire à six mois, car une telle contrainte serait très lourde pour les partenaires sociaux dans le cadre de leurs négociations. Je rappelle d’ailleurs qu’avant 2014, alors que les durées d’affiliation et d’indemnisation étaient égales, on obtenait une indemnité chômage dès quatre mois de travail.
Ainsi, votre proposition de loi, madame la rapporteure, reviendrait à dire aux partenaires sociaux que, dorénavant, c’est nous qui décidons et qu’ils n’auront jamais la possibilité de fixer une durée d’indemnisation inférieure à six mois – étant rappelé que vous voulez que cette dernière soit équivalente à la durée d’affiliation. J’y insiste : une telle contrainte nierait le principe du dialogue social et obligerait les partenaires sociaux à faire des choses qu’ils n’ont pas souhaité faire lors des précédentes conventions d’assurance chômage. Il y a une grande hypocrisie à se faire le chantre du dialogue social tout en l’enserrant dans des contraintes qui empêchent de négocier.
Mme la rapporteure. Comme je l’ai dit, nous assumons de vouloir inscrire dans la loi un socle de droits pour les salariés. Vous devriez d’ailleurs vous en réjouir dans la mesure où ce socle correspond en grande partie aux paramètres fixés par la réforme de 2019, voire par celle de 2023. N’arguez donc pas que notre proposition de loi empêcherait les partenaires sociaux de s’entendre sur un mécanisme plus généreux d’indemnisation après quatre mois de travail. C’est vrai, mais vos règles prévoient quant à elles une réduction de six mois de l’indemnisation lorsque la conjoncture s’améliore et un allongement à huit mois de la durée minimale d’affiliation lorsqu’elle se dégrade.
Je suis défavorable à cet amendement qui vous permettrait de poursuivre dans votre logique toujours perdante pour les demandeurs d’emploi.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). Monsieur Ferracci, c’est avec un grand sens de l’humour – ou une immense hypocrisie – que vous vous planquez derrière les partenaires sociaux ! Ils ont conclu, dans le cadre de la réforme à venir, un accord au sujet des seniors sur lequel le Gouvernement et votre majorité s’assoient !
Je vous redemande les études sur lesquelles vous vous fondez pour établir les dispositions relatives aux seniors. Que répondez‑vous quand nous vous disons que le nombre de seniors touchant le RSA a été multiplié par quatre au cours des dix dernières années ? Ou quand nous vous disons que les 50‑64 ans dans cette situation sont avant tout des ouvriers du bâtiment, de l’agroalimentaire, de l’alimentation, ou encore des aides à domicile ? Vous n’avez aucune étude à fournir !
En l’absence de réponse à ces questions, je vous en poserai une autre. Pourquoi réformez‑vous l’assurance chômage ? Comme vous n’y répondrez pas davantage, je le ferai à votre place. Le premier motif est la réalisation d’économies budgétaires. Vous aspirez le budget de la protection sociale au profit du budget de l’État, que MM. Macron et Le Maire ruinent tous les jours. Ensuite, vous procédez de la sorte car, dans la durée, vous transformez des métiers auxquels sont associés un statut et un revenu par des bouts de boulot.
Vous agissez au détriment de la protection et de la stabilité, alors que c’est ce à quoi les Français aspirent.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur Ferracci, j’adore vous entendre défendre le dialogue social ! Même si j’ai du mal à y croire, je trouve cela magnifique. Quand je repense à ces dernières années, je ne trouve que peu de traces concrètes de cette intention tout à fait louable, mais je serais très heureux qu’elle se concrétise dans les temps qui viennent.
Je rappelle que la réforme des retraites n’a pas été un exemple de dialogue social ; que l’accord conclu au sein de la SNCF a valu à son président les foudres du Gouvernement et d’être mis dehors ; ou encore que les dernières réformes de l’assurance chômage n’ont jamais été réclamées par les partenaires sociaux, à qui le cadre a été imposé. Chaque fois, vous avez pris la main ! Vous avez voulu décider directement, à la place de l’Unédic, du devenir de l’assurance chômage. J’y reviens donc : je trouve magnifique que vous veniez désormais expliquer que vous êtes favorables au dialogue social ! Le contraste est chatoyant, mais je ne crois pas que votre argumentation corresponde à une réalité politique.
De plus, monsieur Ferracci, vous avez dit que vous ne prendrez pas position sur les projets annoncés par le Gouvernement. C’est dommage, car ce devrait être au cœur de nos débats. De deux choses l’une : soit vous y êtes favorable et vous estimez qu’il vaut mieux ne pas en discuter, car le débat serait trop compliqué, soit vous êtes en désaccord – cela vous arrive d’avoir des divergences – et cela devrait être évoqué également dans des lieux comme celui‑ci.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Chose rare, j’ai noté une incohérence dans les propos de Marc Ferracci. Vous avez plaidé en faveur d’un dialogue social de qualité, mais vous avez été de ceux qui ont inspiré la réforme de 2018 et l’instauration de la lettre de cadrage – laquelle a été décrite par toutes les organisations syndicales comme un frein à la conclusion d’un accord. Je dis bien « toutes les organisations », car même le président du Medef, en avril, a déclaré que les syndicats ont « négocié de bonne foi, de part et d’autre », mais qu’ils avaient été « très encadrés par la lettre de cadrage du Gouvernement qui [leur] interdisait toute marge de manœuvre financière ». Pierre Dharréville dit que le contraste est chatoyant ; j’estime pour ma part que c’est incohérent. Avec la lettre de cadrage – tout le monde le dit –, vous avez restreint au maximum le dialogue social que vous défendez aujourd’hui.
Vous arguez aussi du fait que notre proposition de loi est mal écrite, car elle vise à la fois à donner la main aux syndicats et à encadrer leurs négociations. Mais nous ne sommes pas au Gouvernement et nous défendons notre position avec les armes qui sont les nôtres. Peut‑être est‑ce difficile à comprendre, mais nous cherchons à repousser votre nouvelle réforme de l’assurance chômage, à redonner la main aux syndicats et, dans l’attente que vous inversiez votre logique, à prévoir des règles protectrices pour les personnes en situation de précarité. Il suffirait que le Gouvernement prolonge le décret de jointure qui maintient les droits actuels.
M. Marc Ferracci (RE). Monsieur Saint-Huile, vous me prêtez une influence assez démesurée sur la réforme de 2018. À l’époque, je n’étais que conseiller de la ministre du travail et sachez que le document de cadrage ainsi que le point d’atterrissage de cette loi ne correspondaient pas à ce que je défendais – je n’en dirai pas plus.
Ensuite, sachez que le décret de jointure est pour le moins limite sur le plan légal : le Conseil d’État nous le rappelle régulièrement. Celui-ci court du 1er janvier au 1er juillet 2024, ce qui est très long pour un tel acte qui, je le rappelle, vise à prolonger l’application de mesures hors de toute base législative. En l’occurrence, les règles dont il est ici question devaient expirer au 31 décembre 2023. Faisons donc attention à cette question.
Par ailleurs, monsieur Ruffin, à qui je répondrai peut-être de manière moins argumentée, pour la qualité de nos débats, veuillez arrêter le festival des fake news ! Vous dites que nous prenons la main alors que les partenaires sociaux ont trouvé un accord sur l’emploi des seniors. Mais lisez-vous les journaux ? Ils n’y sont pas parvenus à l’automne, renvoyant ce point à des négociations ultérieures, lesquelles se sont achevées il y a quelques semaines, toujours sans accord. Arrêtez donc de mentir, monsieur Ruffin ! On ne peut fonder nos débats sur des mensonges.
M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur Monnet, qui m’avez interpellé lors de l’amendement précédent, il est évident qu’il ne doit pas y avoir de droit individuel au chômage. Mais si nous entérinons le fait qu’une journée travaillée donne droit à une journée d’indemnisation, ainsi que le prévoit l’alinéa 3, le système sera totalement déséquilibré et l’esprit de notre protection sociale sera complètement dévoyé.
Quant à la SNCF, monsieur Dharréville, si le dialogue social est financé par l’argent public, alors ce n’est pas un vrai dialogue social !
M. Paul Christophe (HOR). Mme la rapporteure sourit, mais nous ne cherchons qu’à examiner la proposition de loi ; c’est notre exercice du jour.
Cela étant, pourquoi les amendements de Marc Ferracci sont‑ils pertinents ? Comme cela a été dit lors des débats liminaires, alors que nous cherchons à redonner du sens au dialogue social et à l’élargir, la proposition de loi tend à contrarier cette démarche et à lui redonner des bornes. Je comprends votre volonté, madame la rapporteure, de sécuriser un minimum de six mois d’indemnités, mais il est vrai que des durées d’affiliation moins longues ont été instaurées par le passé.
Par ailleurs, on critique notre non-respect du dialogue social, mais je note que certains sont très heureux de partager les fruits de certaines des mesures que nous avons défendues. C’est le cas de l’Agirc-Arrco qui, grâce à ses excédents de plusieurs milliards d’euros, a aboli la pénalité, instaurée en catimini, qui s’appliquait aux personnes partant à la retraite avant l’âge de 63 ans. Ce sont 600 millions d’euros qui sont injectés à cet effet et c’est une trajectoire nettement plus positive que celle antérieure à la réforme qui se dégage. De la même manière, le déficit de l’Unédic tend à se résorber grâce au retour des excédents. Je ne défendrai pas l’intégralité des réformes qui ont été menées, mais les exemples que je viens de donner me semblent à mettre au crédit des mesures que nous avons prises.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS32 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). L’article 1er prévoit que le plafond – et non plus le plancher – de la durée d’indemnisation, qui est déterminé dans le cadre des accords négociés par les partenaires sociaux, ne puisse être inférieur à dix‑huit mois, soit 548 jours calendaires – ce qui correspond à la durée d’indemnisation maximale actuelle.
Je répète qu’une telle disposition empêcherait les négociateurs des conventions d’assurance chômage d’adapter les règles en fonction des conditions économiques, qui sont changeantes. La durée d’indemnisation a évolué au cours de notre histoire sociale. Et je rappelle que dix‑huit mois constituent une durée longue, pour ne pas dire très longue, en comparaison avec ce que pratiquent la plupart de nos voisins européens.
Contraindre les partenaires sociaux est en désaccord avec l’esprit dans lequel nous nous inscrivons. La majorité souhaite orienter les négociations – c’est le sens de ce qui a été voté en 2018 –, mais pas les contraindre avec des critères extrêmement rigides, comme le propose le texte.
Mme la rapporteure. La durée d’indemnisation minimale que nous proposons correspond au plafond actuel. Cette disposition laisserait donc une marge de manœuvre importante aux partenaires sociaux, qui pourront s’en tenir aux règles actuelles, prévues pour des conditions économiques favorables, ou fixer un plafond plus haut, en cas de dégradation de la conjoncture et de hausse du chômage. Dans le respect des garanties légales que nous voulons apporter aux salariés, nous laissons bien aux partenaires sociaux le soin d’ajuster les règles de l’assurance chômage en fonction de la conjoncture.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1er.
Lors de sa seconde réunion du 5 juin 2024, la commission a poursuivi l’examen de la proposition de loi visant à protéger le modèle d’assurance chômage et soutenir l’emploi des séniors (n° 2550) (Mme Martine Froger, rapporteure) ([73]).
Article 1er bis (nouveau) : Rapport évaluant les effets économiques et sociaux et mesurant l’efficacité des réformes de l’assurance chômage menées depuis 2018
Amendement AS24 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le groupe Écologiste souhaite un rapport mesurant l’efficacité et les effets économiques et sociaux des réformes successives de l’assurance chômage. Les décrets et les mesures prises contre l’avis des syndicats donnent en effet l’impression que le Gouvernement agit par dogmatisme puisque la dernière réforme n’a produit aucun effet prouvé. L’année dernière, vous nous aviez fait avaler la pilule en généralisant des expérimentations encore en cours. On ne peut pas légiférer de cette manière, sans mesurer l’impact de nos politiques publiques. Vous voulez faire des économies, mais que faites‑vous du non‑recours, des personnes qui ne perçoivent pas les indemnités auxquelles elles ont droit ? Rappelons que seulement quatre chômeurs sur dix sont indemnisés.
Mme Martine Froger, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement, qui vise à mieux évaluer les conséquences économiques de l’ensemble des réformes de l’assurance chômage. Au cours de nos auditions, nous avons acquis la conviction qu’une nouvelle réforme était nécessairement précipitée au regard des maigres enseignements qu’il est possible de tirer des changements intervenus en 2021 et en 2023, qui ne vont pas tous dans le sens d’un durcissement, loin de là.
M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous voterons pour ce rapport, qui s’inscrit dans la continuité des débats que nous avons eus ce matin. À chaque proposition, vous invoquez un dialogue social que vous empêchez à coups de lettres de cadrage. À la fois dans les journaux et en auditions, les partenaires sociaux expliquent que le Gouvernement a constamment repris la main. En la matière, vous n’êtes pas les mieux placés pour nous donner des leçons.
Et nous ne devrions pas parler des annonces faites par le Premier ministre ? Eh bien si, nous allons en parler ! En tant que parlementaires, nous devons contrôler le Gouvernement et mettre en évidence une contradiction : en 2022, vous nous avez bassinés avec la contracyclicité pour justifier un système qui aide ou punit en fonction de l’évolution du chômage ; à présent que le chômage remonte, vous allez lancer une réforme qui va attaquer les chômeurs. Nous n’obtenons aucune réponse sur le sujet. Vous l’évitez, les macronistes, ce qui signifie une chose : soit vous vous trompez, soit vous mentez. Ce rapport constituerait un élément de réponse à cette question à laquelle vous devez répondre. Pourquoi vous contredisez‑vous sur la contracyclicité ? Si vous assumez de vous tromper, la réforme annoncée par M. Attal n’a pas lieu d’être et nous avons raison de voter pour cette proposition de loi.
M. Victor Catteau (RN). Même si les demandes de rapport sont inhabituelles dans le cadre de propositions de loi examinées lors de niches parlementaires, je pense que celle‑ci est intéressante. Alors que le Gouvernement s’apprête à prendre un décret, nous n’avons aucune visibilité concernant les précédentes réformes. Représentants du peuple, nous sommes élus pour légiférer en connaissance de cause. À un moment où le Gouvernement s’apprête à appliquer des mesures assez dures pour nos compatriotes, il est normal que nous voulions avoir accès à des informations qui seront au cœur de décisions que nous aurons à prendre au cours des prochaines années.
M. Stéphane Viry (LR). Cet amendement va dans la bonne direction, car les réformes s’enchaînent sans que nous puissions en mesurer la portée. Or légiférer consiste aussi à contrôler l’application des textes adoptés et à en apprécier les effets. Tel que rédigé, l’amendement permet d’objectiver les choses : il précise quelles seront les entités publiques de confiance qui auront à estimer si les réformes passées ont été efficientes et si elles ont produit des effets de bord. Avant de prendre d’autres décisions, nous pourrons être ainsi éclairés par un rapport impartial. C’est de bon aloi. Le groupe Les Républicains soutiendra cet amendement.
M. Marc Ferracci (RE). Pour ma part, je suis toujours favorable à ce que l’on objective et documente les débats, mais pourquoi ne pas faire nous‑mêmes ces rapports ? Pourquoi ne pas laisser au sein du Parlement cette prérogative de contrôle du Gouvernement ? Pourquoi demander à des organismes comme le Conseil d’analyse économique, placé sous la tutelle du Premier ministre, de faire les rapports ? C’est un peu fatigant, je vous le concède. Cette commission a pourtant produit des rapports – j’en ai réalisé un moi‑même avec Jérôme Guedj, par exemple – qui ont donné lieu à des changements législatifs significatifs. Pourquoi ne pas vous saisir de ce sujet, monsieur Boyard, et proposer vous‑même une démarche d’évaluation qui soit parfaitement indépendante en tant qu’elle émane du Parlement ?
La commission adopte l’amendement.
Article 2 : Supprimer le principe de contracyclicité et instituer une durée maximale d’affiliation fixée à six mois au cours d’une période de vingt‑quatre mois ou, pour les salariés d’au moins 53 ans, de trente‑six mois
Amendements AS35 et AS36 de M. Marc Ferracci (discussion commune)
M. Marc Ferracci (RE). L’amendement AS35 s’inscrit dans la même logique que celui qui a été déposé sur l’article 1er. Il vise à rétablir le principe de contracyclicité, cette fois pour les conditions d’affiliation. Il serait dommage de se priver d’une souplesse supplémentaire pour s’adapter au marché du travail.
Quant à l’amendement AS36, il vise à lever la contrainte liée à la réécriture totale de l’article L. 5422‑2‑2 du code du travail et à la suppression du principe de contracyclicité. En effet, prévoir que la durée d’affiliation ne peut être supérieure à six mois contraint les partenaires sociaux et le dialogue social – une contrainte similaire à celle concernant la durée d’indemnisation, qui n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur l’affiliation. La durée d’affiliation ouvrant droit à l’assurance chômage est supérieure dans d’autres pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne et la Suède où elle est de douze mois au cours des trente derniers mois. Dans le souci de donner des marges de manœuvre aux négociateurs, nous proposons de faire en sorte que la durée de six mois ne soit plus un plafond mais un plancher.
Mme la rapporteure. Je ne reviendrai pas sur la question de la contracyclicité, à laquelle nous nous opposons.
S’agissant des seniors, je tiens à rappeler que, sous l’effet de vos réformes successives, un demandeur d’emploi de 55 ans qui bénéficiait de trente-six mois d’indemnisation au 31 janvier 2023, ne bénéficiera plus que de quinze mois au 1er décembre 2024. Il s’agit donc d’une baisse de 60 % de la durée d’indemnisation des 53 à 57 ans, bien supérieure à la baisse qui affecte les moins de 55 ans, par exemple.
Quel est le résultat attendu de cette pression maximale sur les personnes âgées de 53 à 57 ans ? Quelles études démontrent que cette population est la moins vertueuse en matière de retour à l’emploi ? Pas plus que les administrations et les économistes interrogés, je n’ai connaissance de telles études.
L’amendement AS36 prévoit une durée d’affiliation minimale de six mois. C’est pour le moins contradictoire avec l’amendement où vous sembliez regretter la rigidité de notre proposition de loi qui empêcherait un retour à une durée d’affiliation de quatre mois, ce qui traduit votre intention réelle : faire en sorte que la loi empêche les partenaires sociaux d’établir un mécanisme qui soutienne réellement les demandeurs d’emploi lorsqu’ils en ont le plus besoin.
Avis défavorable aux deux amendements.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). En tant que député et en tant que reporter, je suis attaché à la fiabilité des informations. Quand je commets une erreur, je préfère la reconnaître. J’en ai commis une lorsque j’ai dit qu’il y avait eu un accord sur les seniors. Or il n’y en a pas eu, car le Mouvement des entreprises de France et la Confédération des petites et moyennes entreprises ne l’ont pas signé.
Des informations fiables, nous en avons apporté d’autres : la multiplication par quatre du nombre de seniors au revenu de solidarité active (RSA) depuis 2014 ; un ouvrier du bâtiment sur deux n’est ni retraité ni au RSA. En revanche, nous n’avons aucune information fiable, étude d’impact, évaluation ou objectivation concernant les effets de cette énième réforme de l’assurance chômage. Nous ne disposons que d’un chiffre : 3,2 milliards d’euros d’économies – peu importe ce que la réforme va produire sur l’humain, seules comptent les économies.
Comment ces économies vont-elles être réalisées ? Éric Heyer, directeur des études sur le marché du travail à l’Observatoire français des conjonctures économiques, dit ceci : « On observe une substitution entre chômeurs qualifiés et moins qualifiés. Les plus qualifiés acceptent de prendre des emplois moins qualifiés ; et ceux qui coûtent moins cher, les peu qualifiés ou qui ne sont pas indemnisés, restent au chômage. C’est ça, les économies escomptées, même sans baisse du chômage. » Ce n’est pas le nombre de chômeurs qui baisse mais le montant des indemnités versées. Si vous avez la moindre étude ou évaluation montrant le contraire, dites-le nous. Pour l’instant, rien ne vient contredire les propos d’Éric Heyer. Même l’économiste Alexandra Roulet, qui a travaillé comme conseillère à Matignon, met en avant les effets négatifs de cette réforme.
M. Paul Molac (LIOT). Nombre de travailleurs du secteur du bâtiment et travaux publics ou de l’agroalimentaire sont atteints de troubles musculo-squelettiques lorsqu’ils arrivent en fin de carrière. À 50 ans, certains d’entre eux n’arrivent plus à lever les bras plus haut que leurs épaules. On est parfois bien content de trouver des dispositifs qui les amènent à la retraite quand ils arrivent à 55 ou 56 ans, pour leur éviter un passage par le RSA qui va réduire encore une retraite avoisinant souvent les 1 000 euros. Si l’on estime que c’est un abus, je trouve que la solidarité nationale ne joue pas son rôle à l’égard de gens qui se sont cassés au travail.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS37 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). C’est un peu à titre heuristique que je présente cet amendement visant, comme les précédents, à lever les contraintes que ferait peser cette proposition de loi sur les partenaires sociaux. Pour aller au bout de la logique consistant à rendre plus incitatives les règles de l’assurance chômage au maintien dans l’emploi, il est proposé ici de réduire la période de référence d’affiliation, en la faisant passer de vingt-quatre à vingt mois.
Mme la rapporteure. Je suis, bien entendu, opposée à cette modification, qui constitue un recul pour les demandeurs d’emploi dont une partie des droits ne serait plus prise en compte dans le calcul de leur indemnité. Vous anticipez la réforme, en proposant de diminuer la prise en compte de la période durant laquelle le chômage était plus faible pour concentrer le calcul de l’indemnité sur la période récente de remontée du chômage, ce qui se traduira par des pertes de revenus voire des exclusions du bénéfice de l’assurance chômage.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Avant la pause, M. Ferracci nous a dit qu’il ne souhaitait pas commenter les éléments de la réforme en préparation, le décret n’étant pas écrit. En même temps, il veut inscrire dans la loi la réduction de la période de référence d’affiliation, mesure qui fait partie des annonces structurantes faites par le Premier ministre. Soit vous avez une boule de cristal ou des informations que nous n’avons pas, soit vous avez fait une petite pirouette entre ce matin cet après-midi. Quoi qu’il en soit, nous refusons la réforme en gestation par décret et nous voterons contre cet amendement.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le groupe La France insoumise votera évidemment contre cet amendement qui vise à prolonger la politique actuelle consistant à réduire sans cesse le calendrier à partir duquel est calculée l’indemnisation des chômeuses et des chômeurs : quatre mois au cours des vingt-quatre derniers mois, puis six mois au cours des vingt-quatre derniers mois. Vous voulez passer à huit mois au cours des vingt derniers mois. À ce rythme, à la fin de votre mandat, il faudra avoir travaillé treize mois au cours de l’année écoulée ! Il n’est pas raisonnable de relever toujours le niveau d’exigence, ce qui conduit à éroder les droits de centaines de milliers de gens qui ont bossé, accepté des contrats à durée déterminée (CDD) et réduit leurs prétentions au minimum, après avoir eu le malheur de vous écouter. Résultat, ils ne sont plus admis à l’assurance chômage. C’est une raison de ne surtout pas accepter ce que vous nous proposez aujourd’hui.
M. Marc Ferracci (RE). Le passage de vingt-quatre à vingt mois ne dit pas ce qu’est la réelle contrainte si l’on ne mentionne pas le nombre de mois de travail pris en compte. Pour ma part, je ne me suis pas prononcé sur la durée d’affiliation. J’ai fait varier la durée de la période de référence d’affiliation, ce qui ne correspond pas aux annonces du Gouvernement. Il faut concevoir les dispositions dans leur globalité.
M. Victor Catteau (RN). Quel est l’intérêt des amendements de M. Ferracci ? Il prétend lever des contraintes imposées aux partenaires sociaux lors des négociations. Or, pour ne parler que du présent amendement, il impose une durée de vingt mois à la place de celle de vingt-quatre mois qui est en vigueur. Pour atteindre votre objectif, il aurait été plus utile de proposer un amendement de suppression. Votre proposition va à l’encontre de ce vous prônez depuis le début de nos débats.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS44 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). L’article 2 prévoit de graver dans la loi le principe selon lequel les salariés âgés de moins de 53 ans doivent travailler au maximum six mois au cours d’une période de vingt-quatre mois, sans tenir compte du report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, prévu par la dernière réforme des retraites.
Cet amendement étant centré sur la filière senior de l’assurance chômage, j’en profite pour réagir à certaines remarques sur le sujet. Pour tous les demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge, la probabilité de retrouver un emploi diminue avec le temps passé au chômage. C’est un fait incontestable que les économistes appellent la dépendance de durée. Ce phénomène est encore plus marqué pour les seniors. Plus vous restez longtemps au chômage quand vous avez plus de 55-57 ans, plus la probabilité de retrouver un emploi devient faible pour diverses raisons, notamment parce que les employeurs jugent de manière très négative un senior qui est resté longtemps au chômage.
Il faut donc aménager le dispositif d’allocation chômage pour les seniors pour deux raisons : le report de l’âge légal de départ à la retraite ; les caractéristiques spécifiques du retour à l’emploi de personnes de cette tranche d’âge. Les récentes réformes ont ignoré cette problématique. Nous devons réfléchir à la manière de mettre l’accent sur le début d’épisodes de chômage, en particulier pour les seniors. C’est le sens de cet amendement.
Mme la rapporteure. J’ai déjà évoqué votre volonté, reprise dans cet amendement, de décaler de 53 ans à 57 ans l’entrée dans la filière senior. Votre réforme vise tous les demandeurs d’emploi mais fait preuve d’une sévérité particulière pour cette tranche d’âge. Je n’ai toujours pas de réponse concernant le ciblage particulier de ce groupe, dont la durée d’indemnisation est réduite de 60 % en dix-huit mois.
Avis défavorable.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette mesure me semble correspondre à ce que je connais de la réforme que le Gouvernement veut appliquer à partir de décembre prochain : décaler de 53 à 57 ans l’entrée dans la filière senior. C’est un effet gigogne du recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, dont on s’était bien gardé de nous parler à l’époque de la réforme. La durée de la vie professionnelle s’allongeant, un nombre plus élevé de personnes risquent de se retrouver sans emploi. Or, en deux décrets, la durée d’indemnisation des personnes licenciée à 56 ans, par exemple, passerait de trente-six à dix-huit mois. Vont‑elles, grâce à cela, retrouver plus facilement un emploi, comme par miracle ? Non. En revanche, elles vont être beaucoup plus longtemps dans de très grandes difficultés. Voilà l’effet de votre réforme. Vous pouvez raconter, y compris à vous-même, que ces mesures vont produire des effets magnifiques sur l’emploi. En réalité, elles vont avoir des effets sur la situation concrète des gens.
Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Soyons concrets sur les effets du décalage de l’entrée dans la filière senior et de l’éventuelle suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) sur laquelle nous attendons toujours la réponse de M. Ferracci. Pour cela, prenons deux situations, l’une avant et l’autre après vos réformes des retraites et de l’indemnisation chômage. Matthieu, né en 1960, a été licencié à 56 ans en 2016. Il était couvert par trois années de chômage puis trois années d’ASS, en validant des semestres de retraite dans les deux cas. Il prend sa retraite à 62 ans à taux plein. Qu’en est-il pour Matthias, né en 1968 et licencié également à 56 ans, mais en décembre 2024. Si la réforme s’applique, il n’est couvert que par un an et trois mois de chômage avant de basculer dans les minima sociaux pendant six ans et neuf mois, s’il ne retrouve pas d’emploi. Il prendra sa retraite à 64 ans avec une décote, puisque le RSA ne permet pas systématiquement de valider des trimestres de retraite, contrairement à l’indemnisation chômage et l’ASS.
Ces deux cas montrent à quel point certains vont dévaler la pente vers la pauvreté et la précarité. Or nous devrions protéger ces personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui, à un âge avancé, vont avoir de grandes difficultés à retrouver un emploi. Elles mériteraient de pouvoir s’arrêter et de profiter de la vie au lieu d’être contraintes à des situations de plus en plus dégradées. Au-delà de ses obsessions et de ses dogmes, que pense M. Ferracci de la situation de Matthias et de tous ceux qui vivront cette dégradation ?
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Moi qui viens de l’université, qui ai enseigné à des étudiants en économie pendant près de vingt ans, je peux vous dire que cette affaire de chômage volontaire était vue en première année. Dès la deuxième année d’économie, les étudiants apprenaient que cette théorie était très surfaite : ce n’est pas l’indemnité chômage qui crée le taux de chômage.
Pour une fois que M. Ferracci fait entendre une voix dissonante du Gouvernement, je m’étonne de le voir s’emparer de ces théories dont on connaît les effets sociaux puisqu’elles ont été appliquées dans différents pays en produisant toujours le même résultat : précarisation des plus vulnérables ; aucune amélioration de la qualité de l’emploi ; pas d’augmentation significative du volume des emplois, mais création d’emplois de mauvaise qualité, précaires, en miettes.
Quand on applique la théorie libérale du travail, on fait en sorte que la baisse des indemnités chômage entraîne une baisse générale des salaires. Moins vos indemnités sont élevées, plus vous êtes poussé à accepter n’importe quel emploi, dans n’importe quelles conditions de pénibilité et autres. L’idée est de mettre au travail des personnes en dégradant tellement leur situation qu’elles sont obligées d’accepter ces emplois. Nous sommes profondément contre ce projet de société. Nous voterons évidemment contre tous les amendements de M. Ferracci.
M. Victor Catteau (RN). Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, nous avons assisté à un durcissement progressif des règles de l’assurance chômage pour les seniors. L’âge d’entrée dans la filière senior est ainsi passé de 50 à 53 ans, et il est proposé de le relever à 57 ans. Ces décisions sont-elles prises par incompétence ou méconnaissance de la situation de personnes qui, passé 50 ans, sont sorties du marché du travail après un licenciement, une démission ou une invalidité, et qui ne parviennent plus à y retourner ? Il faut accompagner ces personnes éloignées du marché de l’emploi, au lieu de les cibler comme vous le faites. La mesure que vous proposez conduirait à mettre de côté nombre de personnes âgées de 53 à 57 ans, à les pousser vers le RSA et la précarité. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour nos seniors en France.
M. Marc Ferracci (RE). La richesse du débat nous conduit même à refaire les programmes universitaires en économie. Pour étudier les analyses sur lesquelles se fondent nos débats, madame Rousseau, il faut avoir dépassé le niveau des première et deuxième années d’économie. Je regrette que vous vous soyez arrêtée en deuxième année.
Chers collègues de la NUPES, il me semble que nous pouvons tous admettre qu’il existe une forme de discrimination à l’égard des seniors dans notre société, attestée par un certain nombre de travaux scientifiques. Lorsque notre assemblée a eu l’occasion de lutter plus efficacement contre les discriminations, en prévoyant notamment la systématisation des testings pour l’accès à l’emploi des seniors, comment a voté la NUPES ? Le groupe socialiste, monsieur Vallaud, a voté avec le Rassemblement National contre cette loi visant à généraliser les testings, notamment pour l’accès à l’emploi des seniors. Le groupe GDR, messieurs Monnet et Dharréville, a voté contre cette loi. La France insoumise, je n’en parle même pas. Vous assumez de joindre vos voix à celles de l’extrême droite pour limiter l’utilisation d’outils qui permettent de lutter contre la discrimination. Assumez vos incohérences jusqu’au bout !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS38 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). Comme le précédent, cet amendement vise à décaler à 57 ans l’âge d’accès à l’allocation chômage pour les seniors.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour le précédent.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). Vous ne cessez de fragiliser le filet de sécurité. Depuis sept ans que nous subissons la Macronie, la part des emplois stables dans le pays a diminué de 5 points. Au contraire, le nombre de CDD, de missions d’intérim et de contrats d’apprentissage augmente. Les autoentrepreneurs, dont le nombre explose, constituent un idéal de la start‑up nation, puisqu’ils n’ont droit à rien. Ils n’ont pas droit à l’assurance chômage, et n’ont qu’un droit très limité, voire nul, à la retraite et à l’assurance maladie.
Vous voulez des emplois fluides, flexibles, mobiles, dans un idéal de vie liquide, mais cela déstabilise nos concitoyens. Les Français attendent de la stabilité, or vous remplacez les métiers bénéficiant d’un statut – soit ce qui permet de tenir debout – par des bouts de boulots. Vous constaterez le résultat dans les urnes dimanche soir.
Vous vous asseyez sur les partenaires sociaux, la société et l’Assemblée nationale. Il ne fait ainsi pas de doute que le Gouvernement passera outre l’opposition à la réforme de l’assurance chômage que l’Assemblée manifeste avec le présent texte. Nos concitoyens s’interrogent : « Si c’est cela la démocratie, à quoi bon ? » Votre traitement du mouvement des « gilets jaunes » et du mouvement de défense des retraites l’an dernier le montre, vous passez sur la société comme un bulldozer, comme si elle ne comptait pas. C’est un facteur majeur du vote en faveur de l’extrême droite. Vous en êtes responsables.
Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. M. Ruffin a raison d’évoquer les élections de dimanche. J’espère qu’elles protégeront notre Europe, lui permettront de poursuivre son progrès.
Cette proposition de loi vise à détricoter les dernières réformes de l’assurance chômage, alors que leurs résultats sont clairement établis : le taux d’emploi est historiquement élevé, le taux de chômage est au plus bas, le taux de chômage des jeunes descend notamment à des niveaux qui n’avaient pas été constatés depuis longtemps.
Comme vous tous, je tracte pour les élections de dimanche. Nos concitoyens ne nous demandent pas de mettre un coup d’arrêt à la diminution du chômage. Quand la gauche était au pouvoir, le chômage était leur premier sujet de préoccupation. Ce n’est plus le cas, grâce à nos réformes. Il est important de dresser ce bilan politique.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Deux conceptions de la société s’opposent. Madame Rist, vous attribuez de trop grands mérites à la politique de la majorité. Ses effets ne sont pas démontrés et l’état actuel de la société ne vous permet pas de vous gargariser. En outre, pensez-vous vraiment que nos concitoyens veulent affaiblir l’assurance chômage ? Ils souhaitent plutôt être protégés, voir leurs droits garantis. Pour ma part, c’est ce pour quoi je me suis engagé et je me bats.
Vous forcez nos concitoyens, qui sont pris à la gorge, à accepter des emplois qui ne leur conviennent pas et en même temps, vous prétendez vous soucier de la santé au travail. Or, pour se sentir bien au travail, il faut bénéficier de bonnes conditions de travail, d’un bon statut, d’un bon salaire ; il faut que le travail ait un sens.
Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous attendons toujours qu’une étude prouve le lien entre le taux de chômage actuel et vos réformes. Les demandes de rapport sur l’impact de vos réformes sont d’ailleurs soutenues sur de très nombreux bancs, en dehors de ceux de la majorité. Interrogez-vous.
Vous passez systématiquement en force, contre l’avis des représentants syndicaux. Pensez-vous donc qu’ils sont stupides, à côté de la plaque, qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent ? Votre prétention à avoir raison seuls contre tous est insupportable. Tout le monde en a ras le bol.
Le 9 juin, nos concitoyens voteront pour une Europe qui protège, qui garantit des emplois décents, pour vieillir dans le travail et bénéficier ensuite du droit au repos. Ils refusent cette course à l’échalote pour des emplois de mauvaise qualité.
M. François Gernigon (HOR). Monsieur Ruffin, les contrats de travail en CDD et les missions d’intérim ne sont plus des contrats précaires. Chacun d’entre nous visite des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), connaît des structures de maintien à domicile, dont les responsables se plaignent que leurs salariés veuillent rester en CDD. Ceux dont le contrat s’est achevé au début du mois refusent par exemple de convertir leur contrat en contrat à durée indéterminée (CDI), ou de reprendre un CDD avant le 1er septembre, afin de ne pas travailler pendant les mois de juillet et d’août. Il faut donc revoir le cadre légal des CDD.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Desserrer l’encadrement de la négociation des accords relatifs à l’assurance chômage
Amendement AS39 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). L’idée de l’article 3 est de remplacer la lettre de cadrage prévue par la loi « avenir professionnel » de 2018 et adressée aux partenaires sociaux en amont des négociations par un simple document d’orientation, au sens de l’article L. 1 du code du travail. Or, contrairement à une lettre de cadrage, ce dernier document ne précise pas nécessairement d’objectifs d’évolution des règles d’indemnisation et la trajectoire financière du régime d’assurance chômage.
Rappelons pourtant que la dette de l’assurance chômage est comptabilisée dans la dette des administrations publiques – c’est-à-dire dans le périmètre « APU ». Puisque l’exécutif et le Parlement seraient responsables en cas de dérapage de cette dette, il serait donc légitime que la trajectoire financière de l’Unédic fasse l’objet d’un cadrage et que des objectifs soient fixés. Le présent amendement vise ainsi à supprimer l’alinéa 2 de l’article.
Mme la rapporteure. Nous aurions pu débattre de la suppression de l’article dans son ensemble mais, puisque vous avez déposé des amendements de suppression pour chacun de ses alinéas, reprenons point par point.
Nous souhaitons supprimer l’agrément du Gouvernement. Alors que les partenaires sociaux sont parvenus à un accord en novembre 2023 et ont donc déjoué tous les pronostics en respectant le carcan qu’impose le document de cadrage, le Gouvernement a décidé de subordonner son agrément à la conclusion d’un avenant sur l’indemnisation des seniors. L’échec de la négociation sur le nouveau pacte de la vie au travail a empêché la conclusion d’un avenant et, par effet de ricochet, a justifié le refus d’agréer la nouvelle convention d’assurance chômage et l’annonce d’un décret de carence.
Ce dispositif d’agrément bafoue donc la démocratie sociale et témoigne de la volonté de l’État de reprendre en main les règles de l’assurance chômage. Nous nous y opposons fermement. Il faut donc maintenir l’alinéa 2.
Avis défavorable.
M. François Ruffin (LFI - NUPES). Entendre que les CDD ne sont pas des contrats précaires me met en colère. Les députés gagnent 7 500 euros par mois, ce qui leur permet un rapport, disons, détendu à la précarité.
La semaine dernière à Grigny, j’ai rencontré des jeunes qui suivent une formation dans le domaine de la fibre optique. Alors qu’ils ont 24 ou 25 ans, ils sont condamnés à habiter chez leurs parents, parce qu’ils enchaînent les contrats précaires. Ils espèrent cumuler plusieurs boulots pour pouvoir un jour s’installer dans la vie.
Il y a trois jours, à Amiens, une animatrice m’a confié souhaiter avoir des enfants, mais que ce n’était pas envisageable, ni elle ni son conjoint ne bénéficiant d’un contrat stable. Comment se construire et construire sa vie dans ces conditions ?
La précarité est une souffrance. Personne ne s’installe avec joie dans des bouts de boulot. Nous serons cuits, si vous ne comprenez pas qu’en forçant nos concitoyens à construire leur travail sur du sable, vous déstabilisez la société.
Si les salariés des Ehpad refusent de s’installer dans leur travail, c’est parce qu’ils ont le sentiment de ne pas pouvoir le faire correctement. Il y a quinze jours, une aide‑soignante m’a fait part de son impression de travailler à l’usine. Elle n’a même pas le temps de s’asseoir sur un lit pour prendre la main d’une mamie. Pour sortir de cette situation, il faudrait réglementer pour améliorer la qualité de vie au travail.
Tout à l’heure, j’ai retiré un propos, après avoir convenu que je m’étais trompé. Je vous demande de faire de même.
M. Marc Ferracci (RE). Madame la rapporteure, le principe d’un agrément des conventions d’assurance chômage existait bien avant 2018. Au début des années 2000, par exemple, la ministre Martine Aubry, appartenant à un gouvernement socialiste, a refusé d’agréer une convention d’assurance chômage. La loi « avenir professionnel » de 2018 a simplement précisé que le document de cadrage devait être respecté pour obtenir l’agrément. Cet article n’a pas lieu d’être.
M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Monsieur Ruffin, vous n’avez pas compris le propos de M. Gernigon. Celui-ci a simplement mentionné que certains salariés, après six mois de CDD, préfèrent partir en vacances pendant les mois d’été et ne signer un nouveau contrat qu’en septembre. Alors que certains d’entre nous considèrent que les CDD sont nécessairement des contrats précaires, il a ainsi eu le mérite d’évoquer d’autres rapports au travail – que je conteste en tout point.
Pour revenir au texte, nous considérons qu’il faut laisser la main aux partenaires sociaux et que, s’ils sont parvenus à un accord, celui-ci doit être agréé. Actuellement, ce n’est pas le cas. Le Gouvernement refuse l’agrément alors que les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, sauf sur l’emploi des seniors – mais la lettre de cadrage était si contraignante que c’était impossible.
Le Gouvernement aurait pu agréer l’accord et renvoyer la discussion sur les seniors à un travail ultérieur. L’article 4 notre texte concerne d’ailleurs l’emploi des seniors car, tout le monde en convient, en France, nous sommes mauvais en la matière et nous avons pris du retard.
Je suis en tout cas défavorable à cet amendement. La discussion avec les partenaires sociaux est fondamentale pour réussir ce genre de réformes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS17 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mesdames et messieurs de la majorité, votre projet de durcir les conditions d’accès à l’assurance chômage et de réduire les modes d’indemnisation crée un climat social détestable. Dans nos circonscriptions, nos concitoyens expriment de la peur, de l’angoisse face à l’avenir.
Par ailleurs, dans tout débat sur la lutte contre le chômage, vous n’évoquez jamais la création d’emplois, qui constitue pourtant la solution. On ne lutte pas contre le chômage en appauvrissant ceux qui sont privés d’emploi ou les salariés susceptibles de l’être bientôt. Le nombre de créations d’emplois industriels baisse depuis plusieurs années dans notre pays, et les demandeurs d’emploi sont huit fois plus nombreux que les emplois disponibles – ce chiffre est implacable.
Pour notre part, nous souhaitons supprimer et la lettre de cadrage et l’agrément. La première limite le périmètre et la durée des négociations. Quant au second, il offre au Gouvernement un prétexte pour reprendre la main, ce qu’il fait depuis cinq ans. Il fixe des règles très strictes aux partenaires, puis leur reproche de ne pas réussir à s’accorder et prend un décret.
Certains dans vos rangs prônent le dialogue social. Faites donc confiance aux partenaires sociaux et laissez-les discuter librement, en supprimant la lettre de cadrage.
Mme la rapporteure. De l’avis unanime des représentants d’organisations syndicales et patronales que nous avons auditionnés, le document de cadrage est devenu un carcan utilisé par la majorité pour faire échouer les négociations et permettre à l’État de reprendre la main sur l’assurance chômage.
Toutefois, plutôt que de simplement supprimer ce document, je préfère lui substituer le document d’orientation prévu à l’article L. 1 du code du travail. Il ne semble pas illégitime que l’exécutif transmette des éléments de diagnostic, des objectifs et des pistes. Je refuse, en revanche, que ce document soit tellement contraignant qu’il empêche la conclusion d’un accord. En outre, quand les partenaires sociaux ont conclu un accord, le Gouvernement doit perdre la faculté de refuser de l’agréer et de reprendre la main – ce qui s’est produit en novembre dernier.
Au bénéfice de cette solution équilibrée, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Même si je félicite le groupe LIOT pour ce très beau texte, nous ne pouvons laisser le Gouvernement cadrer les discussions dans un document. Le caractère contraignant ou non d’un texte dépend de son auteur. Laissons les partenaires sociaux totalement libres. Ils sont pleins de bon sens et capables de dialoguer. Si les politiques s’ingèrent, en revanche, c’est la catastrophe, comme on le constate aujourd’hui.
M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Il y a quelque hypocrisie à parler de dialogue social alors que le Gouvernement ne laisse jamais la main aux partenaires sociaux et reprend toujours le contrôle, grâce aux lettres de cadrage. Le dialogue social n’existe pas parce que vous l’avez tué.
Et il y a une forme de lâcheté de la part des macronistes à propos de la contracyclicité : alors que vous vous étiez engagés à améliorer les conditions d’indemnisation lors des périodes plus difficiles, vous vous défilez finalement et profitez d’une telle période pour lancer une attaque dévastatrice contre les personnes au chômage.
Les chômeurs sont dix fois plus nombreux que les emplois disponibles. Même en enchaînant les chômeurs aux chaînes de production, vous ne parviendriez pas à trouver suffisamment d’emplois. Ce n’est pas en affamant nos concitoyens que vous leur trouverez un emploi. Quant au turnover important sur certains postes, il s’explique par leur caractère pénible ou leur mauvaise rémunération.
Enfin, arrêtez de vous vanter : les emplois créés renvoient pour 700 000 d’entre eux à des emplois d’autoentrepreneur, pour 250 000 à des contrats d’apprentissage.
Au lieu d’évoquer l’intérêt d’être au chômage, vous devriez vous interroger sur celui d’être en emploi. Vous prétendez que les salariés en CDD mènent la grande vie, alors que ces contrats les empêchent de trouver un appartement, voire de se nourrir. Voilà le quotidien des Françaises et des Français dans un contexte d’inflation.
Vous vous défilez sur le dialogue social ; vous vous défilez après vos promesses de mesures contracycliques ; vous continuez de taper sur les chômeurs ; vous ne créez pas d’emplois qui permettent de vivre et vous nous reprochez ensuite de ne pas être favorables à l’emploi. L’hypocrisie et la lâcheté de la Macronie ne sont pas à la hauteur de ce débat.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). J’entends que ces mots choquent, mais enfin, ce sont les libéraux qui mènent une politique extrême.
Depuis le début, particulièrement dans cette commission, vous enchaînez les réformes les plus libérales et modifiez irréversiblement notre modèle social. Pourtant, celui-ci nous a permis de traverser toutes les crises en évitant une explosion de la pauvreté, à la différence des autres pays d’Europe et du monde. C’est un filet de sécurité dont nous avons besoin, d’où la conviction avec laquelle nous défendons le présent texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS40, AS41 et AS42 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). Ces amendements visent à maintenir la logique actuelle du code du travail.
Un document de cadrage est nécessaire, car il faut fixer une trajectoire financière. Certains indiquent que l’Unédic est excédentaire. N’oubliez pas qu’elle est également endettée à hauteur de 53 milliards d’euros. Cette situation financière pèse sur tous nos choix collectifs, sur les comptes publics et donc sur le budget de la sécurité sociale, des collectivités locales, car nous devons respecter nos engagements en matière de réduction des déficits.
En outre, le document de cadrage permet de fixer des objectifs d’évolution des règles. Ceux-ci sont nécessaires. Sans eux, le bonus-malus sur les contrats courts n’aurait jamais vu le jour, car le patronat n’en voulait pas, alors que les évaluations montrent qu’il a réduit la précarité de l’emploi et le nombre de contrats courts. Oui, monsieur Ruffin, comme vous, je considère que les contrats très courts constituent un élément de précarité.
Enfin, l’idée selon laquelle il y aurait dix fois plus de chômeurs que d’emplois vacants est une affabulation. Elle procède d’une lecture partielle d’un rapport produit par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) à partir des données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, lequel indique simplement qu’à un instant T, 350 000 emplois sont vacants en France. D’une semaine à l’autre, ce ne sont plus les mêmes 350 000 : certains emplois ont été pourvus, d’autres sont apparus. Les chômeurs bénéficient en fait d’un grand nombre d’opportunités au cours d’une année, avec autour de 12 millions d’offres d’emploi. Au troisième trimestre de 2023, 2,8 millions d’offres d’emploi nouvelles ont été déposées à Pôle emploi.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Le document de cadrage est un carcan qui vise à provoquer l’échec du dialogue social et à permettre à l’État de prendre la main sur la gouvernance de l’assurance chômage. Pour alléger la contrainte qui pèse sur les partenaires sociaux, nous voulons le supprimer.
M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Certes, les comptes de l’Unédic sont déficitaires, mais cet organisme finance de plus en plus largement le service public de l’emploi, alors que celui-ci devrait être financé par l’État. En outre, par nature, le budget de l’Unédic est cyclique : quand l’activité est importante, les pensions sont moins nombreuses, ce qui permet à cet organisme de reconstituer ses stocks ; quand le chômage est important, en revanche, pour jouer son rôle d’amortisseur, l’Unédic doit dépenser davantage et peut s’endetter. C’est l’ordre des choses et le coût est réparti sur plusieurs années.
Quant aux 12 millions d’emplois disponibles chaque année pour 6 millions de chômeurs, il m’éblouirait s’il ne s’agissait pas d’un tour de passe-passe. À un instant T, s’il n’y a que 350 000 offres d’emploi, il y a en revanche 6 millions de chômeurs.
Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Selon M. Ferracci, les chômeurs sont au chômage parce qu’ils refusent les offres d’emploi. Mais les 12 millions d’offres qu’il évoque ne sont pas nécessairement prises par les chômeurs, elles peuvent l’être également par ceux qui changent d’emploi. Le ratio nombre de chômeurs sur emplois vacants est peut‑être de 1 pour 10, de 1 pour 7 ou de 1 pour 8, selon les mois ; en tout cas, il est certain qu’il n’y a pas autant d’emplois que de personnes souhaitant travailler.
Il faut un filet de sécurité. Mais la Macronie, le bloc central, passe son temps à le détruire, en faisant basculer certains de nos concitoyens dans la pauvreté, sans créer d’emploi. En réduisant l’indemnisation du chômage, vous permettez en outre aux employeurs de faire pression sur les salariés, pour les contraindre à accepter des postes toujours moins bien rémunérés et des conditions de travail détériorées.
Vous reconnaissez que les contrats courts sont des éléments de précarité. À la bonne heure ! Pourquoi alors soutenez-vous tous les textes qui visent à faciliter le recours à des CDD ou à l’intérim, et à détruire le CDI comme norme du monde du travail ? La contradiction est totale. Mais peut-être vous fichez-vous de la précarité.
M. Victor Catteau (RN). Nous voterons évidemment contre l’amendement AS40, car nous considérons que le document d’orientation prévu par la proposition est une bonne chose. Il n’enferme pas les négociations dans un carcan et offre beaucoup plus de flexibilité aux partenaires sociaux, tout en leur redonnant confiance lorsqu’ils négocient avec le Gouvernement.
A contrario, on voit bien depuis désormais quelque temps que le document de cadrage bride beaucoup trop les négociations entre partenaires sociaux. De ce fait, leurs discussions n’aboutissent plus, et c’est notamment pour cette raison que nous sommes amenés à discuter de cette proposition. Le document de cadrage a été mis en place par le Gouvernement pour pouvoir imposer ses idées par la voie réglementaire.
M. Marc Ferracci (RE). Madame Autain, si je suis votre raisonnement, les 350 000 emplois vacants dont nous fait part la Dares – et je persiste à dire qu’ils sont le résultat d’une photographie à l’instant T et ne sont pas vacants toute l’année – sont également accessibles aux gens qui cherchent un nouveau travail tout en étant employés. Rapporter ce nombre d’emplois vacants à celui des chômeurs n’a alors pas de sens.
La réalité, c’est que le marché du travail est constitué par des flux. Des emplois et des opportunités sont créés en permanence et chaque jour des gens deviennent chômeurs ou trouvent un travail. Raisonner à partir d’une photographie ne permet pas de mesurer avec lucidité le fonctionnement du marché du travail.
La gouvernance qui prévalait avant 2018 traduisait peut-être une forme de génie français. Le problème est que la France est le seul pays qui confiait – et confie encore – aux partenaires sociaux un rôle décisionnel dans la fixation des règles de l’assurance chômage. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’analyse économique – ce même conseil auquel vous avez tout à l’heure demandé un rapport pour évaluer les réformes. Il a publié en 2021 une note sur la gouvernance de l’assurance chômage montrant que nous sommes le seul pays, après 2018 – c’est-à-dire même avec la procédure du document de cadrage –, qui donne autant de latitude aux partenaires sociaux pour définir les règles de l’assurance chômage Voilà la réalité des choses si on veut bien l’évaluer de manière rigoureuse.
Discourir sur la gouvernance sans prendre en compte cette réalité ne fait pas honneur à nos débats.
M. Boris Vallaud (SOC). Les comparaisons internationales ont assez peu de valeur s’agissant de la gouvernance. Le fait d’avoir une démocratie sociale bien plus aboutie que celle des autres ne nous disqualifie pas. D’ailleurs, au vu de la gestion de l’Unédic je fais davantage confiance aux partenaires sociaux qu’à Bruno Le Maire – même s’il a sauvé la France, ce dont chacun peut le remercier...
M. Ferracci a parlé de 12 millions d’offres d’emploi par an, ce qui ferait 120 millions en dix ans, soit deux fois la population française. C’est vertigineux, car on se dit qu’il va falloir faire travailler même les enfants. En réalité, les chiffres avancés ne signifient pas grand-chose et ne démontrent rien.
Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le rôle crucial des partenaires sociaux dans notre système social fait précisément notre fierté. C’est ainsi que ce dernier a été conçu après la guerre : les partenaires sociaux en gèrent une partie. C’est profondément français et c’est la France que nous aimons. Cela fait partie de notre identité.
Vous vous y attaquez sans raison, car ce système n’a pas dysfonctionné. Au contraire, il a protégé les personnes pendant les périodes de crise.
Vous voulez que nous nous alignions sur de supposés critères internationaux. En réalité, il n’y a pas deux pays avec le même système social. Vous imaginez surtout nous faire suivre une doctrine libérale.
Il faut que vous compreniez que notre modèle est différent et que nous y sommes attachés parce qu’il nous protège.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 3 non modifié.
Article 3 bis (nouveau) : Interdire l’utilisation des recettes de l’Unédic pour le financement de l’opérateur France Travail
Amendements AS14 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’Unédic est désormais obligée de contribuer à un ensemble de dépenses qui n’ont rien à voir avec l’assurance chômage. De l’argent mis en commun pour protéger les personnes qui sont licenciées – comme c’est le cas actuellement chez Yves Rocher, Continental, Thales, Brico Privé et bien d’autres – est progressivement détourné de sa fonction. Soit il sert à financer d’autres politiques sociales en évitant d’augmenter les cotisations – c’est-à-dire à faire des cadeaux à ceux qui devraient contribuer davantage –, soit il est récupéré par l’État pour mener des politiques qui n’ont rien à voir avec la protection des chômeurs. Ainsi, l’Unédic est désormais censée cofinancer le fonctionnement de France Travail, après avoir contribué à celui de Pôle emploi.
Notre collègue Ferracci a indiqué qu’il existe un nombre important d’offres d’emploi dans le pays. Je l’invite à consulter le site de France Travail pour voir combien d’offres pour deux heures de travail par jour sont publiées. Il y en a 3 600. Est-ce ce type d’offre que l’on veut contraindre les gens à accepter ?
Mme la rapporteure. Cet amendement s’éloigne un peu de l’objet de la proposition de loi. Néanmoins j’y suis favorable, car l’assurance chômage a pour vocation première d’assurer un revenu de remplacement aux personnes privées d’emploi. Les ressources de l’Unédic ne doivent pas servir de variable d’ajustement au Gouvernement pour mener sa politique économique.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS15 de M. Louis Boyard tombe.
Article 3 ter (nouveau) : Débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’assurance chômage
Amendement AS21 de M. Stéphane Viry et sous-amendement AS59 de M. Laurent Jacobelli
M. Stéphane Viry (LR). D’un point de vue démocratique, il est temps d’étudier de quelle manière associer les parlementaires au dialogue entre les partenaires sociaux et le Gouvernement – dialogue qui est parfois malmené.
C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit que soit organisé chaque année un débat sur les orientations, la conduite, les perspectives et les modifications relatives au régime de l’assurance chômage. En tant que représentants de la nation, nous avons aussi des choses à dire et il faut organiser le cadre qui nous permettra de le faire.
La solution que je propose est perfectible, mais cet amendement est l’occasion de formuler cette idée politique majeure.
M. Victor Catteau (RN). Notre sous-amendement tend à compléter cet amendement extrêmement pertinent en prévoyant que le Parlement peut rendre un avis sur toute modification relative au régime de l’assurance chômage. C’est essentiel pour redonner au Parlement la place qu’il devrait avoir.
Mme la rapporteure. Je soutiens tout à fait l’amendement de M. Viry pour au moins deux raisons.
D’une part, nous avons constaté, lors des travaux préparatoires, à quel point le manque de données et d’études rendait difficile l’évaluation des effets économiques et sociaux des précédentes réformes sur les demandeurs d’emploi. Le Gouvernement prévoit néanmoins un nouveau tour de vis à compter du 1er décembre 2024 sans avoir la moindre évaluation de sa précédente réforme instaurant la contracyclicité.
D’autre part, le décret de carence que s’apprête à prendre le Gouvernement s’appliquera jusqu’en 2027. Cela signifie que nous n’aurons plus aucune occasion de débattre de l’opportunité des réformes du Gouvernement sous cette législature. Dans ces conditions, instaurer un rendez-vous annuel est plus que bienvenu.
L’amendement de M. Viry me paraissant suffisamment complet pour assurer la bonne information du Parlement, demande de retrait pour le sous-amendement.
M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Le Parlement demande en effet à être saisi de ces questions.
Je ne vais d’ailleurs pas vous lâcher s’agissant de l’une d’entre elles, monsieur Ferracci. Comment pouvez-vous à la fois défendre la contracyclicité et, alors que la situation s’aggrave, soutenir une réforme de l’assurance chômage qui va empirer la situation des chômeurs ? C’est la douzième fois que l’on vous pose la question et nous pourrions espérer avoir une réponse. Avez-vous menti précédemment ou bien êtes-vous hypocrite aujourd’hui ?
Le débat proposé par l’amendement de M. Viry – en faveur duquel nous voterons – permettra peut-être au Parlement d’obtenir enfin une réponse de M. Ferracci, voire du Gouvernement.
La commission rejette le sous-amendement puis adopte l’amendement.
Après l’article 3
Amendement AS28 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Afin de soutenir le paritarisme, cet amendement prévoit que les recours déposés par les partenaires sociaux contre les actes du Gouvernement qui méconnaîtraient la légalité du cadre de la négociation collective portant sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi soient traités en urgence par la juridiction compétente.
Mme la rapporteure. En novembre 2020, le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de suspendre l’application d’un décret. Il a jugé en l’espèce que le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence entraînait des différences de traitement entre allocataires qui n’étaient pas proportionnées au motif d’intérêt général poursuivi.
Le Conseil d’État a également déjà eu l’opportunité de statuer en référé – comme le prévoit votre amendement – lorsque, par une ordonnance du 22 juin 2021, il a suspendu sans limitation de durée les nouvelles règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet.
Notre arsenal juridique est déjà suffisamment solide et je préfère laisser à la justice administrative toute latitude pour apprécier si les critères du référé-suspension sont réunis plutôt que d’en préjuger dans la loi.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Article 3 quater (nouveau) : Création d’un conseil d’orientation de l’assurance chômage
Amendement AS5 de M. Arthur Delaporte
M. Joël Aviragnet (SOC). Cet amendement a pour objet de créer un Conseil d’orientation de l’assurance chômage.
Le débat sur la réforme qui fait l’objet de la présente proposition de loi est excessivement biaisé par le manque de données publiques sur l’assurance chômage. Cela conduit à considérer des propositions pourtant infirmées par la recherche économique comme efficaces pour inciter les demandeurs d’emploi à en trouver un.
Ce conseil serait indépendant du pouvoir exécutif et pourrait prendre pour modèle le Conseil d’orientation des retraites.
Mme la rapporteure. Cette initiative est tout à fait pertinente, tant le manque de données et d’évaluation est criant et ne permet pas aux parlementaires d’être éclairés sur les effets concrets des réformes menées par l’exécutif.
Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 4 : Intégrer une négociation sur le maintien en emploi des seniors pour les entreprises de trois cents salariés et plus
Amendement AS7 de M. Arthur Delaporte
M. Joël Aviragnet (SOC). Il s’agit d’intégrer à la négociation sur l’emploi des seniors intervenant au moins tous les quatre ans un point sur la prévention et la réduction de la pénibilité des postes de travail occupés par les salariés seniors. Ces derniers sont en effet particulièrement sujets aux arrêts de travail, aux incapacités et aux départs anticipés à la retraite. Il est nécessaire que l’employeur prenne sa part dans leur maintien dans l’emploi.
Mme la rapporteure. L’ajout de ces points de négociation me semble tout à fait pertinent pour maintenir l’emploi des salariés âgés. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS8 de M. Arthur Delaporte
M. Joël Aviragnet (SOC). Afin d’améliorer l’efficacité de cet article, l’amendement propose de faire valider par l’administration le plan d’action en faveur de l’emploi des seniors que devront établir les entreprises en cas d’absence d’accord avec les syndicats.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.
Amendement AS27 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme la rapporteure. Je comprends votre volonté d’avoir un dispositif ambitieux. Lors des discussions sur le Pacte de la vie au travail, les organisations syndicales plaidaient en faveur d’un abaissement du seuil de négociation obligatoire sur l’emploi aux entreprises de 50 salariés. Bien que le projet d’accord final sur ce pacte n’ait pas abouti, les organisations patronales et syndicales se sont néanmoins entendues pour fixer ce seuil à 300 salariés. Cette négociation obligatoire représentera donc un progrès, le thème de l’emploi des salariés seniors n’étant actuellement abordé que dans le cadre de la négociation relative à la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et ne concernant que les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Dans une logique de respect du dialogue social, nous avons souhaité reprendre le seuil consensuel de 300 salariés et il ne serait pas opportun de l’abaisser.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement AS48, AS49, AS46, AS47 et AS45 de M. Marc Ferracci
M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement ainsi que les quatre suivants participent tous de la même logique : ils visent à réintroduire l’index senior, qui avait été adopté lors de la réforme des retraites.
La philosophie de cet index consiste à établir des indicateurs sur les entreprises qui embauchent et forment des seniors et à fournir ces informations à ceux qui cherchent un emploi. C’est un élément très important parce que, lorsque vous êtes au chômage au-delà de 50 ou 55 ans, vous recevez souvent des lettres de refus. Il est donc pertinent de donner une information sur les entreprises qui jouent le jeu de l’emploi des seniors.
C’est aussi un élément de responsabilisation des entreprises, fondé sur le dialogue social.
L’ensemble de ces amendements remet donc en place le dispositif qui avait été adopté dans le cadre de la réforme des retraites mais qui avait ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel. Ils font obligation aux entreprises dont l’index ne progresserait pas suffisamment sur une période donnée de négocier au sujet de l’emploi des seniors. Ce dispositif se substituerait avantageusement à l’article 4.
Mme la rapporteure. Du point de vue de la procédure, alors que nous voulons intégrer un volet sur l’emploi des seniors dans la négociation obligatoire – comme l’ont souhaité les partenaires sociaux lors des discussions sur le Pacte sur la vie au travail –, vous souhaitez qu’il concerne seulement la négociation sur la GEPP, ce qui est moins ambitieux.
Sur le fond, vous proposez simplement que l’employeur prenne en compte un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des salariés âgés, sans faire aucune référence au dialogue social ni à une quelconque pénalité financière en cas de non-respect de cet objectif. L’index senior n’impose aucune obligation aux entreprises, hormis celle de le publier. Autrement dit, une entreprise pourra avoir une note de 2 sur 20 et pour autant n’être absolument pas pénalisée.
Une telle proposition n’est pas à la hauteur de l’enjeu du maintien en emploi des salariés seniors.
Avis défavorable à ces amendements.
M. Victor Catteau (RN). Lors de l’examen de la réforme des retraites, il y a plus d’un an, nous avons passé plus de vingt-cinq heures à débattre en commission de l’index senior. Tout ça pour que cette disposition soit finalement retoquée par le Conseil constitutionnel. Et c’est ce gadget inutile que vous nous proposez de nouveau.
Lors des débats, nous avions donné l’exemple d’index similaires, dont celui pour l’égalité femmes-hommes institué en 2018. L’expérience montre qu’on continue à observer une différence de salaire de 24 % entre les hommes et les femmes, tandis que ces dernières sont 26 % de moins à occuper un poste de cadre.
M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous voterons également contre ces amendements, qui sont une nouvelle fois destinés à faire diversion. On sait déjà que les seniors souffrent de discriminations à l’embauche et l’on connaît les résultats de toutes les précédentes réformes de l’assurance vieillesse.
On sait qu’un tiers des seniors ne sont ni en emploi, ni en formation, ni à la retraite et qu’ils vivent sous le seuil de pauvreté ou en sont très proches. À chacune de vos réformes, le chômage augmente chez les plus de 55 ans – vous voulez arrêter de les protéger. Leur taux de pauvreté augmente – vous leur retirez les protections spécifiques dont ils bénéficiaient au titre de l’assurance chômage.
Bref, le bilan est connu ; les solutions aussi : il faut refuser votre réforme de l’assurance chômage, et c’est ce que nous sommes en train de faire.
M. Marc Ferracci (RE). Vous versez des larmes de crocodile sur la situation des seniors. Je partage l’analyse selon laquelle ils souffrent de discrimination à l’embauche parce qu’elle est bien documentée. Je repose donc la même question aux collègues de La France insoumise, de GDR et du parti socialiste – pas aux écologistes, car ils avaient voté différemment. Pourquoi avez-vous mêlé vos voix à celles de l’extrême droite pour refuser de mettre en place un outil qui aurait permis de tester la discrimination à l’embauche des seniors et de sanctionner les entreprises, y compris pécuniairement ? Je me permets de souligner votre incohérence sur ce sujet.
M. Boris Vallaud (SOC). Nous avons voté contre la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques parce qu’un certain nombre de nos amendements ont été refusés. Le rapporteur de ce texte était ouvert au dialogue à condition que l’on soit d’accord avec ses idées. Voilà la réalité.
Par ailleurs, quand on a mêlé ses voix à celles du Front national sur la loi « immigration », franchement on se fait tout petit.
Nous défendons la proposition de loi de la rapporteure parce que c’est notre projet.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 5 : Gage de recevabilité financière
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/2g6OpS
–Texte comparatif : https://assnat.fr/pHjGLm
ANNEXE n° 1 :
Liste des personnes ENTENDUEs par LA rapporteurE
(par ordre chronologique)
Unédic – M. Jean-Eudes Tesson, président, Mme Patricia Ferrand, vice‑présidente, Mme Lara Muller, directrice des études, et Mme Clémence Taillan, directrice de cabinet
Table ronde réunissant des économistes :
– M. Michaël Zemmour, maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
– M. François Fontaine, professeur à l’École d’économie de Paris (PSE) et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – M. Jérôme Marchand-Arvier, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle, et Mme Stéphanie Le Blanc, sous‑directrice en charge des mutations économiques et sécurisation de l’emploi
Table ronde réunissant les organisations professionnelles d’employeurs :
– Mouvement des entreprises de France (Medef)* – M. Hubert Mongon, président de la commission dynamique du marché du travail et de l’emploi, Mme France Henry-Labordère, directrice générale adjointe et responsable du pôle social, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations sociales et de la politique de l’emploi, et M. Adrien Chouguiat, directeur adjoint du pôle affaires publiques
– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* – M. Éric Chevée, vice-président, chargé des affaires sociales, et Mme Gwendoline Delamare-Deboutteville, directrice des affaires sociales
Table ronde réunissant les organisations syndicales :
– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Olivier Guivarch, secrétaire national responsable de la politique de l’emploi, et Mme Chantal Richard, secrétaire confédérale
– Confédération générale du travail (CGT) – M. Denis Gravouil, secrétaire confédéral
– Force Ouvrière (FO) – M. Frédéric Souillot, secrétaire général, et Mme Patricia Drevon, secrétaire confédérale en charge de l’organisation
– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels, et M. Johaquim Assedo, chargé d’études emploi
– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Frédéric Belouze, chargé du dossier assurance chômage
Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) – M. Michel Houdebine, directeur, M. Michaël Orand, chef de la mission analyse économique, et M. Raphaël Lardeux, chargé d’études au département suivi et indemnisation des demandeurs d’emploi
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
1er |
Code du travail |
L. 5422‑2 |
2 |
Code du travail |
L. 5422‑2‑2 |
3 |
Code du travail |
L. 5422‑20, L. 5422‑20‑1, L. 5422‑20‑2, L. 5422‑22 et L. 5422‑25 |
3 bis |
Code du travail |
L. 5422‑24 [abrogé] |
3 ter |
Code du travail |
L. 5422‑26 [nouveau] |
4 |
Code du travail |
L. 2242‑1 et L. 2242‑3‑1 [nouveau] |
([1]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
([2]) Par la convention nationale du 31 décembre 1958 créant un régime national interprofessionnel d’allocations spéciales aux travailleurs sans emploi de l’industrie et du commerce.
([3]) L’Unédic a le statut d’association chargée par délégation de service public de la gestion de l’assurance chômage.
([4]) Ordonnance n° 84-198 du 21 mars 1984 relative au revenu de remplacement des travailleurs involontairement privés d’emploi et portant modification du code du travail.
([5]) Article L. 5422-23 du code du travail.
([6]) Article L. 5422-22 du code du travail.
([7]) Étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, p. 276.
([8]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
([9]) Article 56 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
([10]) Article L. 5422-20-2 du code du travail.
([11]) Article L. 5422-22 du code du travail.
([12]) Décrets n° 2019-796 et n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatifs au régime d’assurance chômage.
([13]) Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.
([14]) Sur le fond de la réforme, voir développement infra.
([15]) Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
([16]) Décret n° 2022-1374 du 29 octobre 2022 prorogeant temporairement les règles du régime d’assurance chômage.
([17]) Décret n° 2023-33 du 26 janvier 2023 relatif au régime d’assurance chômage.
([18]) Convention du 27 novembre 2023 relative à l’assurance chômage.
([19]) Décret n° 2023-1230 du 21 décembre 2023 prorogeant temporairement les règles du régime d’assurance chômage.
([20]) Arrêté du 10 mai 2024 portant refus d’agrément de la convention du 27 novembre 2023 relative à l’assurance chômage, de la convention du 27 novembre 2023 relative à l’assurance chômage à Mayotte et de leurs textes associés.
([21]) Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.
([22]) Comité d’évaluation de la réforme de l’assurance chômage initiée en 2019, Rapport intermédiaire, 27 février 2024, p. 46.
([23]) On notera que la réforme de 2019 introduit également un mécanisme de bonus-malus appliqué au taux de contribution patronale d’assurance chômage en fonction du taux de séparation de chaque entreprise, qui a fait l’objet d’une mise en œuvre très progressive et qui n’est pas modifié par la présente proposition de loi.
([24]) La prise en compte des jours non travaillés est plafonnée à 75 %.
([25]) Décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d’assurance chômage.
([26]) Décret n° 2020-1716 du 28 décembre 2020 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage.
([27]) Conseil d’État, décision n° 434920 du 25 novembre 2020.
([28]) Conseil d’État, ordonnance n° 452210 du 22 juin 2021.
([29]) Ibid, considérant n° 32.
([30]) Comité d’évaluation de la réforme de l’assurance chômage engagée en 2019, Ibid., p. 5.
([31]) Comité d’évaluation de la réforme de l’assurance chômage initiée en 2019, Ibid., p. 58.
([32]) Ibid., p. 74.
([33]) Comité d’évaluation de la réforme de l’assurance chômage initiée en 2019, Ibid., p. 74.
([34]) Id.
([35]) Ibid., p. 56.
([36]) Article 2 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
([37]) Article L. 5422-2-2 du code du travail.
([38]) Décret n° 2023-33 du 26 janvier 2023 relatif au régime d’assurance chômage.
([39]) Article 9 bis du règlement d’assurance chômage.
([40]) Dans son entretien au journal La Tribune du 26 mai 2024, le Premier ministre a indiqué qu’un décret serait pris le 1er juillet 2024, instaurant de nouvelles règles à compter du 1er décembre suivant.
([41]) La Tribune, 26 mai 2024.
([42]) Insee.
([43]) Banque de France, Projections macroéconomiques intermédiaires, mars 2024.
([44]) Dares Résultats, « Les seniors sur le marché du travail en 2022. Un taux d’emploi toujours en hausse mais qui reste en deçà de la moyenne européenne », n° 47, septembre 2023.
([45]) Unédic, « Articulation entre assurance chômage et retraites », mars 2023.
([46]) Le demandeur d’emploi de plus de 50 ans peut choisir l’allocation de solidarité spécifique (ASS) plutôt que l’allocation d’aide au retour à l’emploi si elle lui est plus favorable.
([47]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([48]) Article 2 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 précitée.
([49]) Article 3, introduit par le Sénat, de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 précitée.
([50]) Décision du Conseil constitutionnel n° 2023-849 DC du 14 avril 2023, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([51]) Ordonnance n° 59-129 du 7 janvier 1959 relative à l’action en faveur des travailleurs sans emploi.
([52]) Article 3 de l’ordonnance n° 59-129 du 7 janvier 1959 précitée.
([53]) Article L. 5422-1 du code du travail.
([54]) Article L. 5422-2 du code du travail.
([55]) Article L. 5422-2-1 du code du travail.
([56]) Article L. 5422‑3 du code du travail.
([57]) Article L. 5422-20 du code du travail.
([58]) Article L. 5422‑3 du code du travail.
([59]) Article R. 5422‑1 du code du travail.
([60]) Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
([61]) Décret n° 2023-33 du 26 janvier 2023 relatif au régime d’assurance chômage.
([62]) Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage.
([63]) Cette minoration de 25 % n’est pas applicable aux demandeurs d’emploi résidant, à la date d’ouverture des droits, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
([64]) La Tribune, 26 mai 2024.
([65]) Ou l’augmentation sur un trimestre de 0,8 point ou plus du taux de chômage.
([66]) Dares Résultats, « Les seniors sur le marché du travail en 2022. Un taux d’emploi toujours en hausse mais qui reste en deçà de la moyenne européenne », n° 47, septembre 2023.
([67]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
([68]) Version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2019.
([69]) Loi n° 2001-937 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
([70]) Loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([71]) Document d’orientation du 21 novembre 2023 en vue de la négociation interprofessionnelle sur le pacte de la vie au travail.