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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
sur la sécurité énergétique et la réforme du marché de l’énergie,
ET PRÉSENTÉ
PAR Mme Pascale BOYER ET Mme Nathalie OZIOL,
Députées
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La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, MM. Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
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SOMMAIRE
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Pages
2. Cette politique de l’Union a eu un effet contrasté sur le modèle énergétique français
b. La politique de l’Union a toutefois fragilisé le modèle énergétique français
2. La situation énergétique de l’Union en 2022 est devenue critique avec la guerre en Ukraine
A. Le paquet « Fit for 55 » contribue À adapter l’Union europÉenne au nouveau contexte ÉNERGÉtique
a. L’Union européenne a d’abord agi promptement pour éviter toute rupture d’approvisionnement
b. L’Union a également adopté des mesures d’urgence sur les prix
a. La réduction de la dépendance au charbon, au pétrole et au gaz répond à un objectif climatique
2. La sobriété énergétique est le premier levier à mobiliser pour atteindre ces objectifs
a. La sobriété par la réduction de la consommation d’énergie
b. La réduction de la consommation par l’amélioration de l’efficacité énergétique
a. Le manque de débat en séance plénière du Parlement européen
b. La redistribution des recettes issues des contrats pour la différence
d. La détermination d’une période de crise permettant de rétablir des tarifs réglementés de vente
e. La limitation des pouvoirs de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie
annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteures
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Mesdames, Messieurs,
La politique de transition énergétique est au cœur de l’action européenne depuis 2019, et la mise en œuvre du Pacte Vert pour l’Europe. L’enjeu de départ était simple : diminuer le recours aux énergies fossiles et prôner une certaine forme de sobriété énergétique, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Les objectifs de la politique énergétique ont cependant évolué et se sont diversifiés depuis cinq ans : la crise sanitaire a rappelé à l’ensemble des États membres la nécessité de disposer d’une autonomie stratégique européenne dans de nombreux domaines, dont l’énergie. La guerre en Ukraine a ainsi renforcé la nécessité pour les États membres de limiter leur dépendance gazière vis-à-vis de la Russie. L’Union est ainsi contrainte de sortir d’une forme de naïveté, en limitant toute dépendance aux hydrocarbures des pays tiers peu fiables, ou des régimes autoritaires. Les importations de gaz russe dans l’Union européenne ont ainsi chuté de 40 % à 9 % du total des importations de gaz au cours de l’année 2022.
Enfin, l’envolée des prix de l’énergie lors la reprise économique en sortie de crise sanitaire, exacerbée par l’agression russe en Ukraine, nous rappelle avec force la nécessite de disposer d’instruments de protection des consommateurs face à la hausse des factures. La politique énergétique doit nécessairement comporter un volet social, afin de permettre aux ménages les plus précaires et aux entreprises de subvenir à leurs besoins énergétiques. Les situations déchirantes de l’hiver 2022-2023, avec un triplement des factures d’énergie et une forte hausse des impayés, ne doivent plus se reproduire.
Vos rapporteures ont ainsi dégagé plusieurs pistes communes, marquant une forme de consensus politique français à l’heure des grandes réformes européennes. Pour atteindre l’objectif de décarbonation du mix énergétique, vos rapporteures encouragent l’électrification des usages, le développement de l’hydrogène, et l’adoption d’une véritable stratégie européenne de réduction de la consommation d’énergie. Pour atteindre l’objectif de d’indépendance et d’autonomie stratégique européenne, vos rapporteures exhortent l’Union à prendre en compte les risques de dépendance géostratégique à des régimes autoritaires dans le cadre des partenariats énergétiques européens. L’objectif de limitation des prix doit enfin être atteint par la décorrélation du prix de vente de l’électricité des prix des énergies fossiles, qui peuvent servir à sa production lors des pics de consommation.
Ce rapport expose également les désaccords politiques entre vos rapporteures, qui permettent de retracer les grandes options énergétiques du pays sur deux questions majeures.
D’une part, vos rapporteures s’opposent sur la composition du mix électrique à l’horizon 2050. Mme Pascale Boyer plaide pour un mix équilibré entre les énergies renouvelables, l’hydraulique et le nucléaire, afin de préserver une capacité de pilotage de la production d’électricité. Mme Nathalie Oziol plaide en revanche pour un mix fondé à 100 % sur les énergies renouvelables, avec un effort conséquent sur les capacités de stockage et l’hydraulique pour compenser l’intermittence de la production.
D’autre part, vos rapporteures ont un désaccord sur la réforme européenne en cours du marché de l’électricité. Mme Pascale Boyer est satisfaite de la réforme en cours de négociation, qui promeut les contrats de long terme pour décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz. Cette réforme permettra à l’ensemble des États membres de sécuriser leurs approvisionnements par le jeu des interconnexions, tout en assurant une stabilité des prix pour le consommateur. Le périmètre de ces contrats doit toutefois être précisément défini, de manière à englober l’ensemble des installations de production décarbonées, notamment le nucléaire existant.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol prône en revanche la sortie du marché européen de l’électricité, dans un but de protection des consommateurs. Sans pour autant mobiliser les interconnexions nécessaires à l’approvisionnement énergétique français, la sortie du marché de l’électricité permettrait en effet de revenir à un tarif réglementé de vente unique pour l’ensemble des consommateurs. Le retour à un système public de production, de transport et de distribution sous forme de monopole présenterait en outre des garanties en termes de pilotabilité et d’accès pour tous au bien public qu’est l’électricité. La sortie du marché européen serait ainsi un palliatif à la libéralisation sauvage du secteur de l’électricité, qui a profondément déstabilisé un modèle français stable et sûr pour le consommateur, incarné par l’entreprise EDF,
Bien qu’elle déplore que la solution de sortie du marché ne soit pas débattue au sein des institutions européennes ni sérieusement envisagée par les autorités françaises, Mme Nathalie Oziol admet néanmoins que, dans le cadre de la réforme, le principe du recours aux contrats pour la différence, qui font intervenir l’État, peut se révéler utile en ce qu’il permet de fixer un prix plafond pour la vente d’électricité.
PREMIÈRE PARTIE : les TENSIONS SUR L’APPROVISIONNEMENT ONT PROVOQUÉ L’EMBALLEMENT DES PRIX SUR LE MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ À PARTIR DU PRINTEMPS 2021, APPELANT DES ÉVOLUTIONS RAPIDES DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE L’UNION
I. LE MARCHÉ EUROPÉEN DE L’ÉNERGIE EST SOUMIS À DE FORTES PERTURBATIONS, ACCENTUÉES PAR LA REPRISE ÉCONOMIQUE DE 2021 ET LA CRISE UKRAINIENNE DEPUIS 2022
A. Si le rÉseau interconnecté de l’Union favorise la sÉCURITÉ ÉNERGÉtique des États membres, le marchÉ europÉen de l’ÉLECTRICITÉ a modifiÉ en profondeur le modÈle ÉNERGÉtique français
1. La politique européenne de l’énergie a conduit à une libéralisation du marché de l’électricité et du gaz
Fondement historique de la construction européenne, le marché intérieur implique une ouverture à la concurrence des marchés nationaux des États membres, de manière à rendre effective les quatre libertés de circulation prévues par les traités, soit la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux, et la libre prestation de services. Conformément à la théorie économique libérale, l’ouverture des monopoles et les échanges internationaux ([1]) devaient ainsi provoquer une baisse des prix et une stimulation du progrès technique.
L’achèvement du marché intérieur européen implique à partir de 1996, la progressive libéralisation du marché de l’énergie, de manière à supprimer les entraves aux échanges d’électricité et de gaz entre les États membres. Après une première série de textes en 1996, le deuxième paquet énergie de 2003 ([2]) a permis l’ouverture à la concurrence de l’activité de fourniture d’électricité et de gaz, soit de l’achat sur le marché de gros pour la revente aux différents points de consommation. Les consommateurs ont ainsi le libre choix de leur fournisseur d’électricité et de gaz depuis 2004 pour les professionnels et depuis 2007 pour les particuliers.
Le droit européen impose également une séparation des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture d’électricité. Deux directives européennes de 2009 ([3]) imposent ainsi aux États de mettre en place des gestionnaires de réseau indépendants, chargés de garantir une égalité de traitement à l’ensemble des producteurs et des fournisseurs dans l’accès au réseau. Les entreprises françaises EDF et GDF (devenue Engie), qui étaient en situation de monopole sur chacun de ces segments respectivement pour l’électricité et pour le gaz, ont ainsi dû filialiser leurs activités de transport et de distribution.
Si les activités de transport et de distribution sont encore quasi monopolistiques, les activités de production et de fourniture d’énergie sont désormais ouvertes à la concurrence sur les marchés du gaz et de l’électricité.
Les différents segments du marché de l’énergie : de la production à la fourniture
La production d’électricité est l’un des déterminants importants de la composition du mix énergétique d’un État. En France, la production d’électricité est en grande partie décarbonée en raison de la part importante du nucléaire et du développement actuel des énergies renouvelables.
Le transport d’énergie représente l’acheminement de l’électricité produite sur les réseaux à haute tension. En France, le transport d’électricité est assuré par l’entreprise RTE (Réseau de transport d’électricité), et les gestionnaires de réseaux de transport de gaz est l’entreprise GRTgaz, filiale d’Engie.
La distribution d’énergie représente l’acheminement de l’électricité depuis le réseau haute tension jusqu’au consommateur, sur les réseaux basse tension. En France, la distribution d’électricité est assurée par l’entreprise Enedis, tandis que GRDF est en charge de la distribution de gaz.
La fourniture d’énergie est l’activité d’achat d’électricité en gros pour la revente aux différents points de consommation. Plusieurs entreprises opèrent sur ce segment de marché ouvert à la concurrence, parmi lesquelles les opérateurs historiques EDF pour l’électricité et Engie pour le gaz.
La libéralisation a ainsi conduit à la création d’un véritable marché intérieur de l’électricité. L’objectif était ainsi double :
- favoriser l’émergence de différents producteurs et fournisseurs d’une part ;
- intensifier les échanges entre les États membres avec l’ouverture des marchés nationaux aux opérateurs étrangers de façon à d’harmoniser le prix de gros de l’électricité sur le marché de l’Union.
À un instant donné, les fournisseurs de l’ensemble des États membres achètent ainsi l’électricité au même prix sur un marché spot de court terme de l’Union. Seule la prime de risque payée par les acteurs de marché pour assurer leur couverture peut varier. Ce prix varie de la même manière au fil du temps dans l’ensemble de l’Union.
Le fonctionnement du marché européen de l’électricité
Le marché européen de l’électricité vise à garantir l’équilibre entre l’offre d’électricité, déterminée par les producteurs et la demande d’électricité adressée par les fournisseurs à l’échelle de l’Union.
Le marché européen de l’électricité se décompose entre le marché infrajournalier, le marché spot de court terme (du jour pour le lendemain) et le marché de long terme (entre 1 jour et 3 ans).
Le prix du marché spot payé par les fournisseurs, c’est-à-dire le prix de gros de l’électricité, est fixé par la dernière centrale électrique nécessaire pour répondre à la demande. La dernière centrale appelée fixe donc le prix de vente de toutes les unités production. Plus précisément, le prix de gros de l’électricité est fixé selon le principe de la tarification au coût marginal, théorisé dans les années 1960 par Marcel Boiteux, qui correspond au coût de production du dernier mégawattheure produit. Ainsi, les centrales électriques sont appelées pour répondre à la demande selon un « ordre de mérite », principe selon lequel les différentes sources de production d’électricité sont appelées dans l’ordre des coûts marginaux croissants. Les producteurs utilisent les technologies ayant les coûts de fonctionnement les plus faibles en premier (les énergies renouvelables et le nucléaire). Si la demande augmente, le recours aux centrales thermiques (gaz, charbon) est alors nécessaire, ce qui augmente le prix de gros car leur coût de production est plus élevé. La dernière centrale mobilisée étant souvent une centrale à gaz lors des pics de demande, les prix de l’électricité sont ainsi corrélés à ceux du gaz.
Source : Phuc-Vinh Nguyen et Institut Jacques Delors
Le marché à terme permet aux fournisseurs d’acheter une quantité donnée d’électricité plusieurs mois ou années à l’avance, de manière à garantir un prix fixe pour les clients, entreprises ou ménages. Ce prix correspond à l’anticipation du coût marginal de production de l’électricité sur la période donnée.
2. Cette politique de l’Union a eu un effet contrasté sur le modèle énergétique français
a. La politique énergétique de l’Union a renforcé les interconnexions énergétiques entre les États membres et avec les pays tiers
Les interconnexions sont des lignes de transport qui traversent une frontière et qui relient les réseaux de transport nationaux de deux États membres, ou d’un État membre avec un État tiers. Dès 1955, la résolution de Messine mentionne que « toutes dispositions devront être prises pour développer les échanges de gaz et de courant électrique propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire le coût des fournitures ». Les interconnexions précèdent ainsi le marché.
Comme l’a relevé la commission de régulation de l’énergie (CRE) lors de son audition par vos rapporteures, les réseaux d’interconnexions jouent un rôle majeur d’optimisation économique et de solidarité, notamment en matière d’électricité :
- les interconnexions permettent d’appeler, à chaque instant, la centrale la moins coûteuse en Europe (énergies renouvelables, nucléaire), puis celles plus coûteuses (charbon et gaz) jusqu’à ce que l’ensemble de la demande soit couvert. Par ailleurs, les conditions météorologiques hétérogènes sur le continent assurent une production d’énergies renouvelables minimale en Europe et les variations de production sont plus maîtrisables dans un système de cette dimension, avec de larges interconnexions ;
- les interconnexions sont par ailleurs un instrument essentiel pour garantir la sécurité d’approvisionnement et favorisent ainsi la solidarité entre les États membres, mais aussi avec les États tiers. La France bénéficie ainsi de ce marché, à la fois par l’importation pour passer ses pointes de consommation, et par l’exportation lorsqu’elle produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme. En moyenne, la France est exportatrice nette d’environ 60 TWh d’électricité chaque année. Mais en 2022, compte-tenu des difficultés sur le parc nucléaire et hydraulique national, la France a été pour la première fois importatrice nette d’électricité sur l’année, à hauteur de 16,5 TWh. Le réseau européen des interconnexions a dès lors permis une solidarité entre les États membres, évitant des ruptures d’approvisionnement. À ce stade, l’année 2023 présente une balance positive de 27 TWh pour la France, correspondant à la différence entre des importations de 46,4 TWh et des exportations de 19,4 TWh.
Les interconnexions électriques et gazières européennes
Source : CRE, rapport sur les interconnexions électriques et gazières en France, 2018
L’Union européenne agit pour l’entretien et la construction de nouvelles infrastructures de connexions énergétiques entre les États membres. Un règlement de 2018 ([4]) fixe ainsi un objectif d’interconnexion électrique d’au moins 15 % d’ici à 2030. Pour atteindre cet objectif, le mécanisme pour les interconnexions en Europe (MIE), est doté de 5,8 milliards d’euros pour la période 2021-2027, avec un volet spécifique dédié aux projets transfrontières dans le domaine des énergies renouvelables. L’Union participe ainsi au financement du « projet du golfe de Gascogne », soit une interconnexion électrique reliant le poste de Cubnezais, proche de Bordeaux, au poste de Gatika, à côté de Bilbao. Cette ligne portera les capacités d’échanges d’électricité entre la France et l’Espagne à 5000 MW.
Comme le relève le rapport d’enquête de l’Assemblée nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France de mars 2023, la position géographique de la France favorise le développement d’interconnexions. La France en possède aujourd’hui 50, avec 6 États limitrophes : la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. RTE a pour objectif d’ici 2035 de doubler ces capacités, avec de nouvelles infrastructures en développement, notamment avec l’Espagne, l’Irlande et l’Italie.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol souligne l’augmentation importante du nombre d’évènements significatifs système (ESS)
Selon les bilans sûreté publiés annuellement par RTE, les évènements significatifs système (ESS), qui reflètent la survenue d’incidents sur le réseau dont les origines peuvent être multiples, mais dont certains sont directement imputables au marché. En 2019, deux évènements significatifs système sont ainsi liés à la gestion par le marché des interconnexions. Ainsi, entre 2006 et 2016, la moyenne était de 37 ESS par an (à l’exception des années 2009 et 2010 avec 63 ESS), tandis que depuis 2017, le nombre moyen d’ESS a augmenté à 123 par an : une partie de cette augmentation est imputable au marché.
b. La politique de l’Union a toutefois fragilisé le modèle énergétique français
La politique de l’Union de libéralisation a conduit à l’instauration en France de l’accès réglementé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), de façon à favoriser la concurrence sur le segment de marché dédié à la fourniture d’électricité. En application de la directive de 2009 qui impose la séparation des activités de production, de transport et de distribution d’électricité ([5]) , la loi dite « NOME » de 2010 ([6]) a prévu l’obligation pour l’opérateur historique EDF de vendre l’énergie nucléaire qu’elle produit à ses concurrents, à un tarif déterminé, fixé à 42 € par MWh depuis le 1er janvier 2012. Le plafond de l’ARENH, soit la quantité qu’EDF est contrainte de vendre à ce prix régulé, est de 100 TWh en 2023, après une augmentation temporaire à 120 MWh pour l’année 2022.
L’objectif recherché est alors d’offrir aux fournisseurs alternatifs de s’appuyer sur le parc nucléaire d’EDF pour se développer et permettre aux consommateurs de bénéficier durablement de prix reflétant la compétitivité des moyens de production nationaux détenus par l’opérateur historique, quel que soit leur choix de fournisseur ([7]) .
Le fonctionnement asymétrique de l’ARENH
Le mécanisme de l’ARENH est optionnel pour les fournisseurs alternatifs, ce qui conduit à lui donner en pratique un caractère asymétrique.
Lorsque les prix du marché sont plus faibles que le tarif de référence fixé par l’ARENH, soit les fournisseurs n’achètent pas l’électricité à EDF, soit l’entreprise EDF est contrainte de vendre son électricité à un prix plus faible que le tarif fixé, actuellement à 42 € par MWh.
À l’inverse, lorsque le prix du marché est élevé, les fournisseurs alternatifs achètent l’électricité à EDF, qui est ainsi contraint ainsi de vendre à un faible coût. L’ARENH fixe ainsi un prix plafond, mais aucun prix plancher.
Le prix de 42 €/MWh depuis 2012 ne tient par ailleurs compte ni de l’évolution des coûts de production et de maintenance pour EDF, ni de l’inflation.
Outre l’ARENH et l’énergie nucléaire, la libéralisation ([8]) implique également la publicité et la mise en concurrence pour l’attribution des contrats de concessions de barrages hydroélectriques, jusqu’ici exploités par EDF. La Commission européenne a, à plusieurs reprises, mis la France en demeure d’ouvrir à la concurrence ses concessions. L’incertitude sur l’avenir de l’exploitation de ces concessions amène leurs exploitants à minimiser leurs investissements. Le rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale de 2023 sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France estime que cette situation a « fragilisé durablement le parc hydroélectrique et ses investissements sur lesquels pesaient une épée de Damoclès, qui n’a fait que s’accentuer avec le temps et les mises en demeure de la Commission européenne ».
L’ouverture du marché de l’électricité n’a ainsi pas tenu toutes ses promesses :
- les consommateurs n’ont pas tiré le bénéfice attendu de la libéralisation. Les prix ont faiblement diminué pour le consommateur : selon la CLCV (Consommation logement cadre de vie) ([9]), la compétition tarifaire entre les opérateurs est décevante et propose une réduction de 6 à 7 % de la facture finale. En outre, les consommateurs sont exposés à des pratiques commerciales agressives, même si leur nombre est en forte diminution dans un contexte de hausse des prix ([10]) ;
- l’innovation est restée limitée sur le marché de la production d’électricité. Selon la CLCV, l’électricité est en effet distribuée par un réseau unique et centralisé : le fournisseur ne peut donc pas proposer une électricité spécifique au consommateur qui le souhaiterait, ce qui constitue un frein important au développement d’offres vertes. De plus, les investissements des fournisseurs alternatifs dans les moyens de production de base sont inexistants ([11]) ;
- la situation de l’entreprise EDF s’est détériorée. En 2022, l’entreprise a ainsi enregistré une perte record de 17,9 Md€, dont une partie importante doit être attribuée à l’ARENH. La dette d’EDF atteint ainsi 64,5 Md€ au 31 décembre 2022 ;
- Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol relève également que très peu d’acteurs sont réellement intéressés pour investir dans le secteur de la production d’électricité. Selon la même logique libérale, peu d’acteurs ont en effet intérêt à avancer de très gros investissements pour financer de nouvelles installations (ou filières), puisque les revenus sont rendus incertains par le fonctionnement même des marchés.
Votre rapporteure Mme Oziol insiste sur le bilan décevant de la participation de la France au marché européen de l’électricité.
Le mécanisme de marché, avec le principe de l’ordre de mérite, a pour effet d’instaurer un prix de marché européen déconnecté des coûts de production français. Le prix sur le marché spot est en effet très volatil et incontrôlable, car dépendant fortement du cours du gaz. À l’inverse, les moyens de production français sont en effet pour l’essentiel le nucléaire et les énergies renouvelables, permettant de produire une énergie peu chère : lors des pics de consommation, les prix de ces producteurs dits « inframarginaux » s’alignent sur les prix de la dernière centrale mobilisée, qui est le plus souvent une centrale à gaz. Le marché européen prive ainsi les consommateurs français de l’avantage concurrentiel d’une électricité produite à un coût inférieur à d’autres États membres.
Les producteurs et les consommateurs sont ainsi soumis à des prix très volatils. D’une part, ces prix, déconnectés des coûts, ont conduit à une succession de crises depuis la mise en place des marchés, dont celle démarrée en 2021 est la plus sévère. Elle a ébranlé l’ensemble de l’économie, alimenté l’inflation, mis dans la difficulté les collectivités comme les ménages, y compris les plus précaires. D’autre part, les producteurs sont exposés à des revenus très incertains, entravant les investissements de long terme, en les rendant bien plus coûteux. Ces investissements sont pourtant nécessaires à la transition écologique.
La libéralisation a enfin eu pour effet de faire disparaître l’égalité de traitement entre usagers sur le bien de première nécessité qu’est l’électricité, avec la possibilité de choisir librement son fournisseur.
B. le marché de l’ÉLECTRICITÉ a connu une premiÈre sÉrie de tensions dÈs la sortie de la crise sanitaire, exacerbÉes par la crise ukrainienne
1. La hausse des prix de l’énergie s’explique par la reprise économique de 2021, amplifiée par les mécanismes du marché
La crise débute en 2021, avec une reprise économique beaucoup plus forte qu’anticipée. Entre décembre 2020 et décembre 2021, le prix à l’importation de l’énergie dans la zone euro a augmenté de 115 %. Les prix intérieurs à la production ont augmenté de 73 %. Cette évolution contraste avec la relative stabilité des prix à l’importation entre 2010 et 2019 et l’augmentation relativement faible des prix intérieurs à la production d’énergie de 0,9 % entre 2010 et 2019.
Plusieurs facteurs ont contribué à la hausse des prix depuis 2021 :
- la hausse sans précédent des prix du gaz sur les marchés mondiaux (170 % d’augmentation en 2021), avec des répercussions sur le marché européen (plus de 150 % d’augmentation entre juillet 2021 et juillet 2022). L’augmentation des prix concerne notamment le gaz naturel liquéfié, qui fait l’objet d’une forte hausse de la demande mondiale, notamment chinoise ;
- les conditions climatiques extrêmes, y compris les vagues de chaleur dans toute l’Union, qui provoquent une augmentation de la demande d’énergie pour la climatisation et le refroidissement ;
- la pénurie de production d’électricité d’origine nucléaire française en 2022 et d’énergie hydroélectrique, en partie liée aux conditions climatiques.
2. La situation énergétique de l’Union en 2022 est devenue critique avec la guerre en Ukraine
L’agression militaire de la Russie en Ukraine, lancée le 25 février 2022, a contribué à aggraver les tensions sur le marché européen, provoquant une véritable crise de l’énergie. Au cours de l’année 2022, la Russie a en effet utilisé l’arme énergétique pour exercer une pression sur les États membres de l’Union européenne. En créant une forte incertitude sur l’approvisionnement, le contexte de guerre a ainsi provoqué une flambée des prix du gaz, induisant une hausse des prix de l’électricité en raison du fonctionnement actuel du marché de l’énergie de l’Union.
En 2022, les livraisons de gaz russe ont ainsi diminué de 55 % par rapport à leur niveau de 2021, avec un pic à 80 % en fin de période. Outre les flux de livraisons, la difficulté provient également des stockages insuffisamment remplis, GazProm ayant acquis ou réservé des capacités importantes de stockage de gaz en Europe (Allemagne, Pays-Bas, Autriche notamment) sans les remplir ([12]) .
Or en 2021, l’énergie représentait 62 % des importations totales de l’Union en provenance de Russie, pour un coût de 99 milliards d’euros. Avant la guerre, la Russie représentait 45 % des importations de gaz, 27 % des importations de pétrole et 46 % des importations de charbon dans l’Union européenne.
La dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes est toutefois variable selon les États membres. La France est par exemple moins dépendante au gaz russe que l’Allemagne ou la Finlande, où les importations de gaz étaient à 98 % d’origine russe en 2021.
Source : Eurostat
La conséquence de ces tensions sur le marché est la hausse record des prix de l’énergie à laquelle l’Union européenne a été confrontée au début de l’année 2022. Le prix de gros de l’électricité est passé d’un seuil inférieur à 150 €/MWh en août 2021, à un niveau oscillant entre 400 € et 800 €/MWh en août 2022. Le prix du gaz a également fortement augmenté, de 29 €/MWh au mois de juin 2021 à 300 €/MWh en août 2022, avant de progressivement diminuer à partir de la fin du mois de septembre 2022.
En France, en 2022, le prix moyen du MWh dans l’industrie a augmenté de 45 % par rapport à 2021 et celui du MWh de gaz de 107 % ([13]). Il en ressort une perte potentielle de 117 000 emplois en France du fait d’un doublement durable des prix de l’énergie ([14]) .
Les tensions supplémentaires sur le marché de l’électricité liées aux problèmes de corrosion sous contrainte du parc nucléaire français et à la faiblesse de la production hydroélectrique
Le parc nucléaire français d’EDF a connu une moindre disponibilité, résultant notamment de recherches préventives liées à la corrosion sous contrainte. Ainsi, 27 réacteurs sur 56 étaient à l’arrêt en octobre 2022. La production électrique d’origine nucléaire a dès lors atteint un plafond historiquement bas en 2022, avec 279 TWh produits, contre 361 TWh en 2021. À la date du 25 septembre 2023, 37 réacteurs sont disponibles, 18 sont arrêtés pour procéder à des opérations de maintenance et seul un réacteur (Belleville 1) est arrêté en raison de travaux de réparation liés au problème de corrosion sous contrainte, son retour étant prévu le 30 novembre prochain. À la date du 1er décembre 2023, il est ainsi prévu que 47 réacteurs soient disponibles, 9 devant être arrêtés dans le cadre d’actions planifiées de maintenance ou de rechargement de combustible ([15]) .
Lors de son audition par vos rapporteures, l’entreprise EDF a toutefois indiqué que sa stratégie de contrôle des installations nucléaires, en concertation avec l’autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette stratégie consiste en un programme de réparations préventives, complété par un plan de contrôle ciblé sur certaines soudures, notamment celles qui avaient été réparées au moment de la construction des réacteurs.
Par ailleurs, la production hydroélectrique française a également diminué en 2022 à 49,6 TWh, après une première baisse de 2021, en raison de faibles précipitations. La production en 2023 semble néanmoins repartir à la hausse.
Source : EDF
Ces deux phénomènes ont contribué aux tensions sur le marché de l’électricité français : au lieu d’exporter largement sa production d’électricité décarbonée, la France a été contrainte d’importer massivement de l’électricité.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol souhaite relever le risque de pérennisation des problèmes conjoncturels rencontrés en 2022 en matière de production d’électricité. Le parc nucléaire français fait en effet face à une série de trois problèmes. Premièrement, le vieillissement des installations existantes peut mener à des problèmes de plus en plus fréquents jusqu’à la construction de nouveaux réacteurs prévus d’ici à 2035. Deuxièmement, le circuit de refroidissement des centrales nucléaires nécessite une alimentation en eau : le réchauffement climatique induit un réchauffement général de l’eau des rivières, qui pourrait limiter l’efficacité des circuits de refroidissement dans leur fonctionnement actuel. À l’inverse, les centrales nucléaires contribuent au réchauffement des eaux des rivières : l’élévation de la température du cours d’eau en aval est ainsi supérieure de 1 à 2 °C par rapport à température en amont. Troisièmement, la grève contre la réforme des retraites en 2019 et 2020 a provoqué une désorganisation du parc nucléaire français : cet effet sur production et la programmation des travaux d’entretien ne doit pas être négligé, et pourrait se répéter à l’occasion de mouvements sociaux ultérieurs.
Votre rapporteure Madame Pascale Boyer relève toutefois que la question de l’approvisionnement en eau doit être relativisée. Concernant le nucléaire existant, une partie de la production électrique peut tout d’abord être consacrée au refroidissement de l’eau avant le relâchement en aval. Par ailleurs, plusieurs fleuves existants, à l’image du Rhône, ont un débit suffisant et ne posent pas de difficultés pour l’approvisionnement en eau des circuits de refroidissement des réacteurs. Enfin, le nouveau nucléaire, avec le projet de construction des 6 nouveaux réacteurs EPR, sera localisé en bord de mer, à Gravelines et à Penly, permettant d’éviter les risques de sécheresse et les écueils liés au réchauffement des cours d’eau.
II. L’adoption des textes du paquet « Fit for 55 » et des mesures d’urgence pour faire face À la crise à l’automne 2022 permettent de jeter les fondements d’une nouvelle « Europe de l’Énergie », sans pour autant rÉsoudre la question des prix de l’ÉLECTRICITÉ
A. Le paquet « Fit for 55 » contribue À adapter l’Union europÉenne au nouveau contexte ÉNERGÉtique
Dans le cadre du programme écologique et climatique de la Commission von der Leyen, le Pacte Vert pour l’Europe, le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 2021 la « loi européenne sur le climat » ([16]), dont l’objectif est l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Un point d’étape a été fixé en 2030, avec un objectif de diminution des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à leurs niveaux de 1990.
Le 14 juillet 2021, la Commission a dévoilé le paquet « Fit for 55 » ou « Ajustement à l’objectif 55 », qui décline les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif à atteindre à l’horizon 2030. Le paquet se compose de treize règlements et directives, dont plusieurs visent à réglementer le secteur de l’énergie :
- la directive sur les énergies renouvelables (RED III) a été définitivement adoptée en juillet 2023 par le Conseil et en septembre 2023 par le Parlement européen. Sa publication au Journal officiel de l’Union européenne doit intervenir d’ici la fin de l’année 2023 ([17]) . Ce texte prévoit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie de l’Union à 42,5 % d’ici 2030. L’objectif précédent, fixé par la directive RED II de 2018, prévoyait une part de 32 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030 ;
- la directive relative à l’efficacité énergétique ([18]) , qui a été définitivement adoptée par le Parlement européen et le Conseil au mois de juillet 2023, fixe à 11,7 % d’ici 2030 l’objectif européen de réduction de la consommation d’énergie ;
- la refonte du système d’échange de quotas carbone de l’Union européenne (SEQE-UE), qui concerne notamment les producteurs d’électricité. La réforme du SEQE-UE adoptée en mai 2023, applicable à partir du 1er janvier 2024, prévoit une réduction de 62 % des émissions d’ici 2030 dans les secteurs couverts par le SEQE d’ici 2030 par rapport à leurs niveaux de 2005 ([19]) ;
- la directive sur la taxation de l’énergie ([20]), en cours d’examen au Conseil, propose également plusieurs mesures comme la taxation des carburants en fonction de leur contenu énergétique et de leur performance environnementale : selon ce classement, les combustibles fossiles conventionnels seront taxés au taux le plus élevé et l’électricité au taux le plus bas ;
- la proposition de directive sur la performance énergétique des bâtiments ([21]) prévoit, dans sa version initiale, que tous les nouveaux bâtiments de l’Union devront être des bâtiments à zéro émission à partir de 2030, et à partir de 2027 pour les bâtiments publics. La directive complète également les dispositions en matière de rénovation, par l’introduction de normes minimales pour augmenter le taux de rénovation des bâtiments les moins performants du point de vue énergétique. Les trilogues entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, sont en cours sur ce texte.
L’ensemble de ces textes contribue donc à décarboner le mix énergétique par l’augmentation de la part des énergies renouvelables, à réduire la consommation d’énergie des entreprises et des ménages, et à mettre en place de fortes incitations économiques et fiscales en faveur de la sobriété et de l’utilisation d’énergies dites « propres ».
Ces règlements et directives sont un outil précieux pour adapter l’Union européenne au nouveau contexte caractérisé par un accès restreint aux énergies fossiles russes et un dérèglement climatique de plus en plus inquiétant. Si, dans l’Union européenne, les émissions de CO2 de production d’électricité ont baissé de 54 % depuis 1990, ce secteur demeure le principal émetteur de CO2 (29 %). En France, le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat rappelle que la production d’énergie est responsable de 11 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et que la production d’électricité représente 22 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit un niveau inférieur à la moyenne européenne. Pour être en ligne avec une trajectoire permettant de limiter le réchauffement nettement sous 2 °C, il est nécessaire de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 21 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2019 ([22]) .
B. Les mesures d’urgence pour faire face À la crise de 2022 ont permis un approfondissement de la politique ÉNERGÉtique de l’union
Outre les mesures structurelles prévues par les institutions européennes avant le début de la crise énergétique avec le Pacte Vert pour l’Europe, l’Union européenne a également su réagir rapidement pour adopter des mesures d’urgence, exigées par la situation de tensions sur le marché induites par la guerre en Ukraine.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer relève que la réponse de la Commission européenne s’est adaptée dans les meilleurs délais à la situation inédite subie pendant cette période. Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol relève toutefois que la réponse européenne a nécessairement été moins rapide que les variations journalières des prix sur les marchés, ce qui faisait fluctuer les enjeux au cours des négociations.
1. Le plan RePowerEU et les mesures d’urgence prises par l’Union ont permis de garantir la sécurité d’approvisionnement et de limiter l’envolée des prix
a. L’Union européenne a d’abord agi promptement pour éviter toute rupture d’approvisionnement
Dès le mois d’octobre 2021, avec les tensions sur le marché de l’électricité dues à la reprise économique post-Covid, la Commission européenne a présenté une première réponse sous forme de boîte à outils ([23]) . Cet instrument présente un arsenal de mesures temporaires à disposition des États membres, pour limiter l’impact de la hausse des prix sur les consommateurs, tout en respectant la législation européenne en matière de concurrence. Les États peuvent ainsi moduler les taxes sur l’énergie, insérer une taxation des revenus des producteurs, recevoir des subventions financées par les recettes du marché carbone européen, ou faciliter les contrats d’électricité à long terme.
L’aggravation de la crise énergétique au mois de février 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine a conduit l’Union européenne à adopter le plan RePowerEU de mai 2022 ([24]), pour accélérer le rythme des réformes structurelles et notamment du Pacte Vert pour l’Europe. Ce plan prévoit quatre séries de mesures :
- la diversification de l’approvisionnement en gaz, par l’augmentation des importations de gaz naturel liquéfié en provenance d’autres fournisseurs que la Russie, comme l’Azerbaïdjan, le Qatar, l’Égypte, la Norvège et l’Algérie ;
- l’approvisionnement énergétique à un coût abordable, par la création d’un mécanisme d’achats groupés de gaz, effectif depuis le début de l’année 2023. Ce mécanisme ne concernera qu’un petit volume des importations de gaz dans l’Union européenne. Selon les réponses écrites de la CRE fournies à vos rapporteures, le premier appel d’offres réalisé au printemps 2023 a récolté les réponses de vingt-cinq fournisseurs, avec des propositions totalisant 13,4 milliards de m3 de gaz naturel (pour une consommation totale d’environ 400 milliards de m3 de gaz en 2021 dans l’Union). À l’été 2023, Le deuxième appel d’offres a permis d’obtenir une proposition de fourniture d’un volume de 15,19 milliards de m3 ;
- la réduction de l’utilisation des combustibles fossiles, en renforçant les économies d’énergies : la Commission a ainsi proposé de relever l’objectif contraignant de réduction de la demande d’énergie de 9 % à 13 %. La directive sur l’efficacité énergétique adoptée par le Parlement européen et le Conseil fixe un objectif final de réduction de 11,7 % de la consommation finale d’énergie ;
- la promotion des énergies renouvelables : dans le cadre des négociations de la directive RED III sur les énergies renouvelables, la Commission a ainsi proposé de relever l’objectif pour 2030 de la part d’énergies renouvelables dans le mix électrique. Le texte final de la directive prévoit ainsi un objectif de 42,5 %.
Pour faire face au risque de rupture d’approvisionnement envisagé pour l’hiver 2022-2023, l’Union européenne a également adopté une série de mesures d’urgences. Plusieurs de ces mesures concernent l’approvisionnement en gaz :
- le règlement sur le stockage de gaz de juillet 2022 ([25]) acte l’obligation de remplissage des stocks de gaz à 80 % au 1er novembre 2022, puis à 90 % les années suivantes. Une obligation similaire était déjà effective en France en 2018. Au 4 octobre 2023, les stocks européens sont remplis à 96 %, soit environ 10 points de plus que la moyenne des années 2017 à 2023. ;
- le règlement relatif à la réduction de la demande de gaz ([26]) a été adopté en août 2022 : les États membres se sont entendus sur un objectif indicatif de réduction de leur demande de gaz de 15 % par rapport à leur consommation moyenne au cours des cinq dernières années, entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023. En mars 2023, le Conseil a adopté la prolongation d’un an, jusqu’au 31 mars 2024, de cet objectif volontaire de réduction de la demande de gaz ([27]) ;
Les mesures d’urgence concernent également le marché de l’électricité ([28]) , avec l’adoption du règlement relatif à la réduction de la demande d’électricité, avec un objectif de réduction de la demande globale d’électricité d’au moins 10 % jusqu’au 31 mars 2023, et une réduction obligatoire de la consommation d’électricité de 5 % pendant au moins 10 % des heures de pointe chaque semaine, soit environ 4 heures par semaine. L’objectif était ainsi de réduire 3,8 % du gaz consommé pour produire de l’électricité pendant l’hiver 2022-2023.
Le rôle limité du Parlement européen dans l’édiction des mesures d’urgence
Pour l’édiction de la plupart des mesures d’urgence, la Commission européenne a recouru à l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : aux termes de cet article, le Conseil peut se prononcer seul, sans que le Parlement européen ne soit saisi, en raison de « graves difficultés survenant dans l’approvisionnement ».
Si les conditions de déclenchement de cette procédure sont remplies et que la nécessité d’agir rapidement pouvait justifier un rôle prépondérant du Conseil, vos rapporteures soulignent que le contournement du Parlement européen, composé des représentants des citoyens de l’Union, ne doit pas être un réflexe en période de crise.
L’ensemble de ces mesures a permis d’assurer la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne pendant un hiver 2022-2023 plutôt clément en termes de températures, évitant tout scénario de délestage électrique ou de rupture des stocks de gaz. Vos rapporteures souhaitent relever la rapidité avec laquelle l’Union européenne a été capable d’agir pour faire face au contexte de crise. La rapidité d’exécution du plan RePowerEU a ainsi permis d’approfondir en un temps record les politiques énergétiques communes, même si le rôle limité du Parlement européen dans l’édiction de ces mesures doit être souligné.
b. L’Union a également adopté des mesures d’urgence sur les prix
L’Union européenne a adopté plusieurs mesures pour protéger les consommateurs face à l’envolée des prix sur le marché européen, applicables jusqu’à la fin du mois de décembre 2023.
Au début de l’automne 2022, le Conseil de l’Union européenne a ainsi plafonné les recettes issues du marché à 180 euros par MWh pour les producteurs d’électricité qui utilisent les technologies inframarginales. Les producteurs inframarginaux sont ceux dont les coûts de production sont inférieurs à ceux des centrales à gaz et à charbon : il s’agit ainsi des énergies renouvelables, du nucléaire et du lignite. Lors des pics de consommation, les prix de l’électricité sont en effet déterminés par le prix de production de la dernière centrale mobilisée, fonctionnant au gaz ou au charbon, alors même que les coûts de production des centrales nucléaires ou des énergies renouvelables ne varient pas. Le niveau du plafond est ainsi conçu à la fois d’une part pour limiter l’ampleur des gains financiers des producteurs inframarginaux, et d’autre part pour préserver la rentabilité des opérateurs ou protéger les investissements. Les États membres doivent utiliser les recettes résultant de l’application du plafond sur les recettes pour financer des mesures de soutien aux consommateurs.
Les recettes générées ne sont pas encore précisément déterminées selon la Commission européenne, même si ce mécanisme s’est appliqué à plusieurs reprises sur le marché européen depuis sa création ([29]). L’évaluation du plafonnement des recettes ne peut donc pas être pleinement réalisée à ce stade.
Le Conseil a également fixé une contribution de solidarité temporaire obligatoire sur les bénéfices des entreprises actives dans les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage. Cette contribution est calculée sur les bénéfices imposables au cours des exercices fiscaux 2022 et 2023 excédant de plus de 20 % la moyenne des bénéfices imposables sur la période 2018-2021. Le taux de la contribution est de 33 %.
Vos rapporteures ont un point de vue divergent sur l’application de cette contribution de solidarité temporaire à l’enterprise Total Energies
Mme Nathalie Oziol relève qu’avec une augmentation de 41 % des profits de l’entreprise Total Energies en 2022 pour atteindre 20,5 milliards d’euros, cette contribution est un minimum, notamment pour protéger les consommateurs les plus durement touchés.
Mme Pascale Boyer rappelle qu’à la suite des négociations avec le gouvernement français, depuis février 2023, Total Energies a plafonné les prix dans ses 3 400 stations-service de l’hexagone à 1,99 euro pour protéger le pouvoir d’achat des Français. Cette mesure a été rendue possible grâce aux résultats des activités de production pétrolière réalisée hors de France, non pas grâce aux résultats provenant des activités de raffinage. Total Energies, fleuron de l’industrie française, a son siège situé en France et a décidé de protéger les Français par son attachement au pays en considérant que cette méthode faisait profiter directement le consommateur, sans utiliser de levier fiscal. Total Energies n’applique cette mesure qu’en France. Par ailleurs, son président-directeur général a soutenu l’idée d’une taxation flottante qui bloquerait les taxes en fonction du niveau de prix, considérant qu’un prix supérieur à 2 euros par litre n’est pas acceptable pour les Français
En décembre 2022, le Conseil a également établi un mécanisme de correction du marché ([30]) , visant à limiter les épisodes de prix excessifs du gaz dans l’Union. Lorsque le prix « TTF » ([31]) à un mois dépasse 180 euros par MWh pendant trois jours ouvrables et que ce prix est supérieur de 35 euros au prix de référence du GNL sur les marchés mondiaux, un mécanisme de correction du marché est automatiquement activé. Le mécanisme applique alors un plafond sur les prix du gaz.
Ce mécanisme, qui a été créé à la suite du pic des prix de septembre 2022, n’a toutefois pas trouvé d’application depuis son édiction, les prix du gaz n’ayant pas atteint le seuil de 180 € par MWh depuis.
Source : ICE Index et Conseil de l’Union européenne
Le mécanisme ibérique, une exception sur le marché européen justifiée par l’enclavement de l’Espagne et du Portugal
L’Espagne et le Portugal ont obtenu une dérogation de la Commission européenne, les autorisant à plafonner le prix du gaz utilisé pour la production d’électricité, en raison de l’enclavement de la péninsule ibérique.
D’après les réponses écrites fournies par la CRE à vos rapporteures, ce dispositif a entraîné une plus grande consommation de gaz pour la production électrique dans la péninsule ibérique, alors que la sécurité d’approvisionnement était tendue en gaz, et une hausse des exportations d’électricité. Cette situation a provoqué à un accroissement des tensions et à un renchérissement des prix du gaz pour l’ensemble des consommateurs ([32]) .
Ce « mécanisme ibérique » a été pensé par une partie des États membres, notamment la France, comme une solution à généraliser au niveau de l’Union pour lutter contre la flambée des prix de l’électricité. La Commission européenne a toutefois refusé cette solution, qui revenait à une subvention directe à une énergie fossile. La création du mécanisme de correction du marché a ainsi été privilégiée à l’extension du mécanisme ibérique pour limiter l’envolée des prix sur le marché européen. Ce mécanisme s’applique en outre à tous les volumes de gaz, quel que soit leur usage, destiné ou non à la production l’électricité.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer relève que le gouvernement espagnol a ainsi soutenu les producteurs d’énergies renouvelables et les producteurs de gaz à hauteur de 50 milliards d’euros, alors que les producteurs ont, pendant cette période, acheté à des pays tiers du gaz à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur le marché européen. La France a, quant à elle, préféré soutenir directement les consommateurs les plus exposés, avec le bouclier tarifaire qui a permis de diminuer de plus de 30 milliards d’euros les factures de gaz et d’électricité.
Là encore, la plupart des textes ayant permis de limiter l’envolée des prix sont des règlements du Conseil, sans que le Parlement européen ne puisse se prononcer. Sans contester la nécessité de prendre des décisions dans un délai rapide, vos rapporteures s’inquiètent toutefois de la systématisation du recours à l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Recommandation 1 : Veiller à l’association du Parlement européen dans l’édiction des mesures d’urgence en cas de crise énergétique, par l’application la plus large possible du processus de codécision et en ne réservant la procédure de l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’aux cas d’extrême urgence relative à l’approvisionnement en énergie.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol appelle également à meilleur respect du principe de subsidiarité : il est en effet nécessaire de laisser la possibilité aux États membres de mettre en place des mesures pour protéger les consommateurs et les producteurs d’énergie.
2. Au-delà des mesures d’urgence, la Commission a également proposé une réforme structurelle du marché européen de l’électricité
Le 14 mars 2023, la Commission européenne a adopté une proposition de règlement pour améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union ([33]). Ce texte a trois objectifs : protéger les consommateurs en cas de hausse des prix ; garantir la sécurité d’approvisionnement et accélérer la transition énergétique en favorisant les investissements dans les technologies propres.
Ce texte a d’abord comme objectif de donner davantage de profondeur au marché européen, par le développement de contrats de long terme. Ce type de contrat doit en effet permettre aux fournisseurs des États membres de se protéger face aux hausses de prix soudaines sur le marché de court terme en période de crise. La Commission souhaite ainsi développer deux types de contrats :
- les contrats PPA (Power Purchase Agreement), qui sont des contrats privés de long terme de gré à gré concernant les énergies renouvelables. Ils permettent aux producteurs et aux consommateurs de disposer d’un prix fixe pour une période. Ces contrats doivent également permettre de donner de la visibilité aux producteurs pour leurs investissements futurs. La Commission propose ainsi de lever les restrictions visant les contrats bilatéraux de long terme ;
- les contrats pour la différence (ou CfD), qui concernent toutes les technologies bas carbone, donc les énergies renouvelables et le nucléaire. Ces contrats fixent un prix garanti par l’État entre le producteur et le consommateur : si, par exemple, le prix fixé par le contrat est de 70 euros par MWh et que le prix journalier est de 100 euros, les producteurs doivent reverser 30 euros à l’État pour chaque MWh produit pendant cette heure. À l’inverse, lorsque le prix journalier est moins élevé que le prix fixé par le contrat, l’État reverse la différence au producteur. Les recettes issues de ces contrats seraient obligatoirement redistribuées aux consommateurs. Les débats sont très fournis, notamment au Conseil, sur le périmètre des contrats pour la différence et sur l’utilisation de leurs recettes.
La réforme propose également la pérennisation de plusieurs mesures d’urgence adoptées en 2022, comme l’incitation à la réduction de la demande d’électricité pendant les heures de pointe et la possibilité de proposer sous conditions des prix réglementés aux ménages et aux PME en cas de crise. La Commission propose également, pour encourager la réduction de la demande d’électricité, d’obliger les États membres à consigner une cible de maîtrise de la demande dans les plans nationaux en matière d’énergie et de climat.
La Commission a enfin publié, le même jour, une proposition de règlement pour renforcer la surveillance et les contrôles du marché de gros de l’électricité ([34]). L’objectif est de donner aux régulateurs de l’énergie, en liaison avec les régulateurs financiers, un pouvoir de surveillance sur les transactions sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz.
DeuxiÈme partie : quelles réformes mener sur le marchÉ de l’Énergie pour atteindre les objectifs d’indÉpendance, de dÉCARBONATIONS et de protection des consommateurs ?
A. Vos rapporteures s’accordent pour Ériger la sobriÉTÉ en pilier de la stratÉgie ÉNERGÉtique nationale et europÉenne de rÉduction de la dÉpendance au charbon, au gaz et au pÉtrole
1. La sortie de la dépendance aux combustibles fossiles est un levier pour atteindre les objectifs d’indépendance et de décarbonation du mix énergétique à l’échelle du continent
a. La réduction de la dépendance au charbon, au pétrole et au gaz répond à un objectif climatique
Les industries de l’énergie sont responsables de 23,3 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne en 2020, alors que la loi européenne pour le climat vise un objectif de neutralité carbone à horizon 2050.
Les émissions de gaz à effet de serre pour la production d’énergie dépendent des moyens de production. Pour l’électricité, les émissions médianes de CO2 par KWh sur l’ensemble du cycle de vie sont ainsi très variables selon la technologie utilisée. Les émissions sur l’ensemble du cycle de vie représentent non seulement les émissions directes, mais aussi les émissions liées à l’infrastructure et la chaîne d’approvisionnement, les émissions de CO2 biogénique et les émissions de méthane.
Émissions des technologies d’approvisionnement en électricité ([35])
|
Émissions directes de CO2 par KWh (valeur médiane) |
Émissions de CO2 par KWh sur l’ensemble du cycle de vie (valeur médiane) |
Énergies renouvelables (éolien et solaire) |
0 |
26,5 |
Hydraulique |
0 |
24 |
Nucléaire |
0 |
12 |
Gaz |
370 |
490 |
Charbon |
760 |
820 |
Le charbon, le pétrole et le gaz, c’est-à-dire les énergies fossiles les plus polluantes, sont également les principales sources d’énergie hors électricité, représentant environ 60 % du mix énergétique total en 2020.
Vos rapporteures soutiennent une transition énergétique pour sortir des énergies fossiles et développer de nouveaux moyens de production, notamment renouvelables. En France, cette stratégie est notamment inscrite dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Outre la réduction de la demande d’énergie chiffrée à 40 % entre 2021 et 2050, la SNBC prévoit une augmentation de la production d’électricité décarbonée et la biomasse produite sur le territoire.
Source : Rapport Futurs énergétiques 2050, RTE, octobre 2021
Cet effort d’électrification du mix doit être promu au niveau européen : l’augmentation de la production électrique dans le mix énergétique total doit permettre en effet d’atteindre plus rapidement la neutralité carbone, à condition que les moyens de production électrique soient décarbonés. Au-delà de l’Union, la Norvège a par exemple annoncé un plan de quasi-doublement de la production d’électricité d’ici à 2040, avec un passage de 148 TWh actuellement à 250 TWh, principalement grâce au déploiement de l’éolien off-shore.
En France, la consommation électrique devrait atteindre 580 TWh en 2035, contre 459 en 2022. Selon RTE ([36]) , la France est en capacité de répondre à cette forte hausse de la demande en électricité, à la condition d’un investissement massif et rapide dans les énergies renouvelables, alors que le nouveau nucléaire n’apportera sa contribution qu’à l’horizon 2035.
Recommandation 2 : Promouvoir et accélérer l’électrification des usages au niveau européen, pour la sortie de la dépendance aux combustibles fossiles.
L’électrification aura par ailleurs des conséquences dans de nombreux secteurs consommateurs d’énergie, comme le transport ou l’industrie. Des investissements importants doivent être entrepris dans ces secteurs, qui participeront à la transition énergétique et à l’atteinte de la neutralité carbone. Tant par l’augmentation des moyens de production électriques que par l’adaptation des usages, l’électrification est donc un levier essentiel pour favoriser la décarbonation du mix énergétique.
L’électrification permettra en outre une importante réduction de la facture énergétique et du déficit commercial français : la France consacre en effet chaque année entre 1 % et 5 % de son PIB à l’import de combustible. Selon RTE, l’électrification permettrait une économie d’environ 190 milliards d’euros de dépenses consacrées aux énergies fossiles d’ici à 2035 ([37]) .
Vos rapporteures s’opposent sur la place du gaz dans la transition énergétique
Mme Pascale Boyer relève néanmoins le rôle important du gaz dans la transition. Parmi les combustibles fossiles, le gaz est en effet l’énergie la moins émettrice de gaz à effet de serre. Les équipements sont également de plus en plus perfectionnés en intégrant les contraintes environnementales : les chaudières à très haute performance énergétique (THPE) ont une efficacité énergétique saisonnière au moins égale à 92 %. Par ailleurs, avec la sortie progressive du gaz naturel, le biogaz peut également être une solution ayant un impact climatique plus limité. Même si l’électrification doit être priorisée, le maintien d’une filière gaz performante en Europe doit permettre d’alimenter en énergie les endroits les plus enclavés, où les réseaux de distribution sont moins étendus.
Mme Nathalie Oziol tient toutefois à souligner que la plupart du gaz importé en provenance des États-Unis, est issu du gaz de schiste, extrêmement polluant et dangereux pour la santé. Le gaz de schiste entraîne en effet l’érosion des côtes, tandis que l’industrie du GNL de Louisiane pourrait émettre à lui seul près de 55 millions de tonnes de gaz à effet de serre ([38]).
Le processus d’extraction du gaz de schiste entraîne également une forme « d’injustice environnementale » : le taux de cancer à Freeport au Texas est par exemple deux fois plus élevé que dans le reste de l’État tandis que les cas d’asthme pédiatriques augmentent de façon alarmante ([39]). La création du nouveau terminal méthanier en France au port du Havre marque l’indifférence du gouvernement français vis-à-vis de la situation sociale et sanitaire aux États-Unis.
b. La sortie des combustibles fossiles permet également de garantir l’indépendance énergétique du continent
En 2021, l’Union européenne importait pour 55,5 % de sa consommation d’énergie, et 83 % de son gaz naturel. Les importations sont à la fois nécessaires pour subvenir aux besoins énergétiques du continent, mais créent également une dépendance vis-à-vis d’États et d’entreprises tiers.
La dépendance au gaz russe, bien que différenciée selon les États de l’Union européenne en fonction de la composition des mix nationaux et des partenaires choisis, est ainsi à la source de la vulnérabilité énergétique de l’Union européenne. La Fédération de Russie a ainsi utilisé l’arme énergétique, par le biais de l’entreprise GazProm qui a réduit les volumes d’exportation, pour obliger les différents pays à assouplir les sanctions financières.
Vos rapporteures soutiennent la diversification des sources d’approvisionnement, prévue par le plan RePowerEU. Cette diversification, qui intervient tardivement et met fin à une forme de naïveté européenne en matière énergétique, porte d’ores et déjà ses premiers résultats. Les importations de gaz russe ont en effet chuté de 52 % du total des importations de gaz dans l’Union en 2021, à environ 9 % au début de l’année 2023. L’Union européenne a dès lors renforcé son partenariat avec d’autres pays tiers : la Norvège, les États-Unis et l’Algérie.
- La Norvège est devenue le premier partenaire énergétique de l’Union européenne, couvrant environ 35 % des importations de gaz du continent, notamment par les exportations provenant du champ Troll, au large de la côte ouest de la Norvège, représentant environ 1 TWh de gaz par jour. La Norvège est ainsi envisagée comme le partenaire privilégié de l’Union européenne pour le gaz, y compris sous forme de GNL ;
- Entre janvier et novembre 2022, les importations de GNL en provenance des États-Unis ont représenté plus de 50 milliards de m3, soit plus du double de la quantité importée sur l’ensemble de l’année 2021 ([40]) ;
Évolution de la provenance des exportations de gaz de l’Union européenne entre janvier 2019 et décembre 2022
Source : Commission européenne et Conseil
Vos rapporteures tiennent néanmoins à souligner que la réduction de la dépendance énergétique à la Russie ne doit pas plonger l’Union européenne dans une nouvelle situation de dépendance vis-à-vis d’États tiers. Si la Norvège apparaît comme un pays fiable, appartenant à l’Espace économique européen, la possible dépendance au gaz de schiste des États-Unis pose également de profondes questions écologiques et géopolitiques.
Par ailleurs, le protocole d’accord signé par l’Union européenne avec l’Azerbaïdjan à l’été 2022, qui vise à fournir chaque année au moins 20 milliards de m3 de gaz d’ici 2027 aux États membres, est difficilement compatible avec l’objectif de souveraineté énergétique du continent. Le régime illibéral de Bakou, qui vient d’annexer le Haut-Karabagh et de provoquer un exode de la population arménienne locale, ne peut être envisagé comme un partenaire fiable et de long terme pour l’Union européenne.
Vos rapporteures appellent ainsi l’Union européenne à arrêter toute importation de gaz provenant de l’Azerbaïdjan.
Recommandation 3 : Prendre en compte les risques de dépendance géostratégique à des régimes autoritaires dans le cadre des partenariats énergétiques européens, notamment par l’arrêt d’importations de gaz depuis l’Azerbaïdjan.
Vos rapporteures relèvent toutefois qu’une souveraineté énergétique fermée, sans importation, paraît hors d’atteinte à court terme. Les importations en matière énergétique sont en effet nécessaires : par exemple, l’uranium pour produire les centrales nucléaires est importé. En 2021, les principaux fournisseurs d’uranium dans l’Union européenne sont le Niger (2 905 tonnes), le Kazakhstan (2 753 tonnes) et la Russie (2 358 tonnes), l’Australie (1 860 tonnes) et le Canada (1 714 tonnes) : ces cinq pays représentent ainsi 96 % des importations d’uranium dans l’Union européenne ([41]). De même, les chaînes de valeur pour la production d’installations d’énergies renouvelables ne sont pas européennes : la fabrication de panneaux photovoltaïques nécessite notamment l’emploi de terres rares, qui font l’objet d’un quasi-monopole de la Chine.
Vos rapporteures souhaitent ainsi une recherche de sources d’approvisionnement de ces métaux rares et terres rares dans l’Union européenne ou avec des tiers de confiance.
2. La sobriété énergétique est le premier levier à mobiliser pour atteindre ces objectifs
a. La sobriété par la réduction de la consommation d’énergie
L’élaboration d’une stratégie européenne pour promouvoir la sobriété énergétique fait consensus entre vos rapporteures.
Sur la période entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023, l’Union européenne a proposé deux objectifs volontaires de réduction de la demande de gaz de 15 % et d’électricité de 10 %, avec un objectif contraignant portant sur les heures de pointe. Ces deux mesures ont démontré leur efficacité, puisque la consommation de gaz naturelle a diminué de 19,3 % sur la période août 2022-janvier 2023, par rapport aux mêmes mois des années 2017 à 2022, avec toutefois une différence significative selon les États. Vos rapporteures relèvent toutefois qu’une part importante de la diminution de consommation est liée à une baisse conjoncturelle de l’activité industrielle.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer salue la participation de l’ensemble des ménages et entreprises à la réduction de la consommation énergétique pendant la période de crise de l’automne 2022. Elle considère que cette situation a accéléré la prise de conscience collective et a permis le lancement d’un plan de décarbonation des 50 sites industriels français les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol considère à l’inverse que la baisse de l’activité industrielle aura un impact potentiellement dommageable sur le tissu économique français et européen.
Si la consommation de gaz a en effet diminué de 57,3 % en Finlande, elle a en revanche augmenté dans certains États comme Malte et la Slovaquie. La France se situe légèrement en deçà de la moyenne européenne, avec une réduction de la consommation d’environ 17 %.
Source : Eurostat
La réduction de la consommation d’électricité a également diminué de 0,5 % à 15 % selon les États membres, au mois de décembre 2022 par rapport aux années précédentes. Les volumes de réduction de la consommation d’électricité aux heures de pointe ont également fortement diminué :
- 10 États membres à savoir l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal ont déclaré des volumes de réduction allant entre 4 et 7 % ;
- 8 États membres, à savoir la Belgique, la République tchèque, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, la Lettonie, la Lettonie, la Slovénie, la Suède et la Tchéquie ont déclaré des volumes réduits compris entre 7 % et 10 % ;
- 5 États membres, à savoir la France, la Grèce, la Lituanie, la Slovaquie et l'Espagne, ont déclaré des volumes réduits supérieurs à 10 % des volumes réduits supérieurs à 10 % ([42]).
En France, sur la période s’étendant d’août 2022 à juin 2023, la consommation cumulée d’électricité a diminué de 8 %. Cette baisse concerne tous les secteurs d’activité, et le recul de la consommation se poursuit malgré la sortie de la période de froid ([43]).
Même si la hausse des prix sur les marchés constitue une forte incitation au respect des cibles de réduction ([44]), ces mesures d’urgence ont démontré toute leur efficacité pour votre rapporteure Mme Pascale Boyer.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol relève toutefois un manque flagrant et persistant de planification à l’échelle européenne. L’Europe saute ainsi de crise en crise en improvisant des solutions immédiates mais ne se dote toujours pas d’un outil capable de planifier les stratégies à long terme.
Pourtant, la Commission européenne semble avoir écarté la prolongation des mesures de réduction d’électricité et de gaz. La réduction de la consommation d’énergie doit pourtant être un axe central de la stratégie de décarbonation de l’Europe et de la transition énergétique. Pour atteindre la neutralité climatique, la consommation d’énergie doit diminuer en France de 1 600 TWh à 930 TWh, selon la stratégie nationale bas carbone.
Pour parvenir à ces objectifs, la directive européenne sur l’efficacité énergétique ([45]) fixe à 11,7 % d’ici 2030 l’objectif européen de réduction de la consommation d’énergie, par rapport aux prévisions établies en 2020. Les États membres contribueront à la réalisation de cet objectif par des trajectoires nationales indicatives pour atteindre l’objectif dans leurs plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat. La Commission calculera si toutes les contributions permettent d’atteindre l’objectif de 11,7 %, et dans la négative, demandera des corrections aux contributions nationales.
Vos rapporteures se félicitent donc de l’élaboration d’une stratégie européenne de la sobriété énergétique, qui doit permettre de favoriser une cohérence des mesures entre les États membres et la répartition équitable des efforts. Cette stratégie européenne pourra ainsi encadrer les plans nationaux, comme le plan national de sobriété énergétique de la France, qui promeut une série d’écogestes ([46]). Selon RTE, la poursuite des gestes simples engagés par les Français à l’hiver 2022-2023 permettrait d’économiser jusqu’à 25 TWh en 2035 ([47]).
Les réserves de votre rapporteure Mme Nathalie Oziol sur
la stratégie nationale et européenne de sobriété
La stratégie nationale et européenne de sobriété se contente de fixer des objectifs insuffisamment ambitieux au regard de l’ampleur des enjeux. Il ne suffit pas de fixer des objectifs, mais il est nécessaire de les décliner précisément et de les accompagner de moyens suffisant pour permettre leur atteinte.
La sobriété énergétique n’est par ailleurs envisagée par l’Union européenne qu’à un stade très embryonnaire. Les associations, organisations non gouvernementales et le GIEC sont également beaucoup plus ambitieux dans la stratégie de sobriété, avec l’idée d’une diminution de la trajectoire de production. Or cette question de la diminution de production est battue en brèche par les institutions françaises et européennes.
b. La réduction de la consommation par l’amélioration de l’efficacité énergétique
Au-delà de la réduction de la consommation brute, la sobriété exige également l’amélioration de l’efficacité énergétique. Ce sont les objectifs promus par la proposition de directive sur la performance énergétique des bâtiments ([48]), en cours de discussions entre le Parlement européen et le Conseil. Vos rapporteures insistent sur la nécessité de parvenir rapidement à un compromis sur ce texte.
Vos rapporteures insistent toutefois sur la nécessité d’augmenter le soutien financier à la transition énergétique des bâtiments et d’organiser la filière, pour permettre le respect des objectifs relatifs à la proposition de directive en cours de négociation. Les investissements dans les bâtiments sont « loin d’atteindre les niveaux requis » ([49]). Selon RTE, en complément de la performance des équipements, le volume et l’efficacité des rénovations thermiques dans les bâtiments doivent d’ailleurs augmenter, permettant d’économiser entre 75 et 100 TWh par an ([50]).
Un soutien public, national et européen, doit en effet intervenir pour accompagner les particuliers et les ménages vers la transition énergétique. Le Fonds social pour le Climat, pouvant regrouper jusqu’à 86,7 milliards d’euros afin de lutter contre la pauvreté en matière d’énergie et d’investir dans l’efficacité énergétique, doit être mobilisé dans ce but.
Recommandation 4 : Garantir une adoption et une transposition rapide des textes sur l’efficacité énergétique et la performance énergétique des bâtiments, avec un budget d’aide à la transition des particuliers et des entreprises.
B. Vos rapporteures ont un dÉsaccord politique sur la composition du mix Électrique national et europÉen pour atteindre les objectifs d’indÉpendance et de décarbonation
L’augmentation de la production électrique pour répondre à l’électrification des usages dans les années à venir pose la question de la composition du mix. La diminution du recours aux énergies fossiles implique en effet une production électrique restante composée à parts variables d’énergies renouvelables, de nucléaire et de thermique décarboné.
Source : Rapport Futurs énergétiques 2050, RTE, octobre 2021
Plusieurs études envisagent ainsi ce que pourrait être le mix énergétique à l’horizon 2050 :
- l’étude Futurs énergétiques 2050 de RTE propose ainsi deux familles de scénarios, qui représentent des tendances de la société française aujourd’hui, selon que les nouveaux investissements dans le parc de production se portent exclusivement sur les énergies renouvelables, ou sur un mix plus diversifié technologiquement, c’est-à-dire une combinaison d’énergies renouvelables et de nouveaux réacteurs nucléaires ([51]) ;
- l’association Négawatt propose un scénario fondé sur un mix composé à 100 % d’énergies renouvelables. Pour sécuriser le système électrique et faire face à l’intermittence du solaire et de l’éolien, le scénario propose de recourir à l’utilisation de l’électricité excédentaire pour produire de l’hydrogène dont une partie sera stockée sous forme de biométhane, qui a le mérite d’être stockable et transportable dans les installations existantes du système gazier. Le besoin est estimé à 2 TWh en 2050 ([52]). Votre rapporteure Mme Pascale Boyer porte un point d’attention sur l’équilibre du modèle économique du stockage de l’hydrogène sous forme de biométhane.
1. La place du nucléaire dans le mix énergétique fait l’objet d’un désaccord entre vos rapporteures reflétant les débats nationaux et européens
a. Votre rapporteure Mme Pascale Boyer revendique le nucléaire comme pilier de la stratégie énergétique nationale et européenne
À l’heure où les institutions européennes s’interrogent sur la composition du futur mix énergétique du continent, le nucléaire est un outil indispensable pour atteindre la sécurité énergétique du continent.
À la suite d’une absence totale des stratégies énergétiques dessinées par la Commission européenne depuis les années 2000, l’atome présente pourtant plusieurs atouts majeurs dans le triple contexte de guerre en Ukraine, d’inflation et de réchauffement climatique. Comme le relevait le député Henri Alfandari dans sa proposition de résolution européenne de 2023 ([53]), la technologie nucléaire permet en effet de produire une énergie décarbonée, à faible coût, permettant d’atteindre les objectifs d’indépendance énergétique, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’amélioration de la compétitivité européenne. Même le Japon, pourtant durement frappé par la catastrophe de Fukushima, relance des projets de construction de centrales nucléaires afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone que le pays s’est fixés pour 2050.
Par ailleurs, la question des déchets devrait avancer avec la généralisation à venir des réacteurs de 4e génération. Cette nouvelle technologie permettra en effet de refermer le cycle du combustible et donc réduire considérablement la production de déchets.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer insiste donc sur la nécessité de déploiement d’une véritable stratégie européenne du nucléaire, alors que cette source de production d’énergie est la seule à ne pas faire l’objet d’un texte dédié dans le paquet européen « Fit for 55 ». Malgré les obstacles non négligeables dans les négociations européennes, cette vision politique, déjà portée à Bruxelles par le président de la République, Emmanuel Macron, et par la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, doit poursuivre sa progression, afin de permettre à l’Union de mieux se préparer face aux défis énergétiques et climatiques à venir. Votre rapporteure Mme Pascale Boyer accorde ainsi tout son soutien politique à la nouvelle « Alliance du nucléaire », qui regroupe 14 États membres au Conseil.
L’orientation donnée par le Président de la République lors du discours de Belfort du 10 février 2023 de relancer la filière nucléaire française par la construction de six nouveaux réacteurs, doit ainsi permettre à la France d’atteindre la sécurité énergétique, de manière décarbonée. Il faut saluer la montée en expertise et toutes les recherches effectuées pour la mise en place de nouvelles technologies dans le domaine du nucléaire.
Les technologies nucléaires sont complémentaires avec les énergies renouvelables qui en grande partie sont soumises aux aléas climatiques.
b. Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol plaide en faveur d’une sortie progressive du nucléaire et d’un mix fondé sur les énergies renouvelables
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol relève l’importance qu’a eue le nucléaire pour les consommateurs et la politique industrielle française, en fournissant une énergie peu chère. Votre rapporteure salue d’ailleurs l’expertise de l’entreprise EDF en matière de nucléaire, véritable fleuron de l’industrie et de la technologie française.
L’exploitation du nucléaire, bien que décarboné, n’est cependant pas sans risques pour la société :
- l’Histoire présente plusieurs accidents nucléaires, dont les plus récents à Tchernobyl en 1986 et à Fukushima en 2011 ont durablement heurté les mémoires collectives, et provoqué des champs de radioactivité pendant plusieurs dizaines de milliers d’années ;
- la question des déchets nucléaires n’est toujours pas réglée. Les déchets nucléaires sont en effet stockés sous terre, notamment à Bure. Ce stockage présente des risques futurs, en particulier humains, notamment en cas de remontée des déchets à la surface de la terre, par exemple à la suite d’un forage ;
- le refroidissement des installations nucléaires nécessite une consommation d’eau importante, qu’il est de plus en plus difficile d’assurer en période de réchauffement climatique. Avec les risques d’assèchement des rivières et des fleuves, l’approvisionnement en eau des centrales nucléaires est en effet compromis. De plus, le système de refroidissement des réacteurs implique des rejets de l’eau dans son cours à une température supérieure. La température de l’eau en aval de la centrale est ainsi en moyenne de 2 degrés supérieure à la température de l’eau en amont.
Pour l’ensemble de ces raisons, le nucléaire ressemble davantage à une solution du passé qu’à une véritable technologie d’avenir.
Les énergies renouvelables, avec l’éolien, le solaire, et l’hydraulique, présentent en effet les mêmes avantages que le nucléaire, en permettant la production d’une énergie décarbonée et peu chère. Si le solaire et l’éolien sont réputés intermittents, l’hydraulique est une énergie pilotable. Les énergies renouvelables, tout en présentant les mêmes avantages que le nucléaire, n’en présentent néanmoins pas les risques. Or, l’investissement public dans les technologies nucléaires limite les possibilités de financement des énergies renouvelables.
Si une sortie du nucléaire apparaît totalement inenvisageable de façon brutale et à court terme, une décision politique de programmer l’arrêt des centrales et d’abandonner les programmes de construction de nouveaux réacteurs est souhaitable. Cette décision permettrait par ailleurs de réorienter les financements publics du nucléaire vers le déploiement des énergies renouvelables.
2. Vos rapporteures se félicitent de la fixation d’un objectif élevé de part des énergies renouvelables dans le mix européen, même si leurs avis divergent sur les modalités de déploiement
a. Vos rapporteures se félicitent de l’adoption de l’objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, qui implique toutefois un effort supplémentaire de la France pour atteindre cette cible
La directive dite RED III ([54]) du Parlement européen et du Conseil, définitivement adoptée en septembre 2023, rehausse l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie à 42,5 % d’ici à 2030. Les États membres doivent s’efforcer de compléter cet objectif par un supplément indicatif de 2,5 % qui permettrait d’atteindre 45 %. La législation accélère en outre les procédures d’octroi de permis pour les nouvelles installations renouvelables, et fixe des objectifs par secteur d’activité, notamment dans le secteur des transports.
Vos rapporteures se félicitent de l’adoption de cette cible ambitieuse de 42,5 %, réhaussée par rapport au compromis trouvé par le Conseil à 40 %. En outre, il s’agit d’un relèvement notable par rapport à l’objectif actuel de l’Union pour 2030, fixé à 32 %. Pour votre rapporteure Mme Pascale Boyer, l’accord sur la directive européenne RED III qui vise à moderniser les politiques climatiques de l’Union et à atteindre la cible de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 est la preuve de la volonté européenne d’accélérer sa décarbonation.
Ce texte est l’un des piliers permettant de décarboner le mix énergétique européen, mais aussi d’augmenter la production d’électricité sur le sol européen, de manière à faire gagner l’Union en autonomie stratégique. L’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix européen doit en effet permettre la réduction de la dépendance à l’égard des importations de gaz et de pétrole.
La mise en œuvre de la directive RED III implique un effort important de la France, qui connaît un déploiement des énergies renouvelables en moyenne moins important que chez ses partenaires : la France avait ainsi une part de 19,1 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2020, alors que son objectif européen était de 23 %. La moyenne européenne est de 22,09 %, soit 3 points supérieurs au score français.
Source : INSEE, sur la base des données fournies par Eurostat
Selon l’analyse de la députée Liliana Tanguy ([55]), ce retard français en matière d’énergies renouvelables s’explique par trois facteurs : l’acceptabilité des citoyens aux projets d’éoliennes terrestres ; les délais des procédures d’octroi de permis que la loi « ENR » de 2023 doit permettre de lever ; l’absence de champion industriel français dans le domaine de la construction d’énergies renouvelables.
À la suite de l’adoption de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables de 2023, vos rapporteures appellent donc à une mise en œuvre rapide de la directive RED III, de manière à atteindre les objectifs européens à l’horizon 2030.
Les investissements dans les réseaux énergétiques
Le déploiement d’énergies renouvelables implique des raccordements importants des nouvelles installations. La Commission européenne estime qu’il faudra investir 584 milliards d’euros pour atteindre les objectifs de l’Union européenne en matière de déploiement d’énergies renouvelables. À l’échelle mondiale, les investissements dans les réseaux électriques doivent presque doubler d’ici 2030 pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
En France, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité RTE prévoit d’investir environ 2,1 milliards d’euros par an sur la période 2021-2024, dont 1,88 milliard d’euros en 2023, soit une hausse de près de 10 % par rapport au montant de 2022.
Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe consacre 5,8 Md€ aux investissements dans les réseaux, pour renforcer l’intégration du marché intérieur de l’énergie. De même, la banque européenne d’investissement propose une gamme de produits de financements à des conditions favorables.
Outre les réseaux électriques, votre rapporteure Madame Boyer relève toutefois que les réseaux de gaz ne doivent pas être oubliés, notamment pour l’adaptation de ce réseau au biométhane. De même, les réseaux de gaz peuvent être utilisés, avec quelques adaptations, pour le transport d’hydrogène, renforçant l’opportunité de l’investissement dans ces réseaux.
b. Les modalités de déploiement des énergies renouvelables sur le territoire national font toutefois l’objet d’un désaccord entre vos rapporteures
Vos rapporteures ont un désaccord sur l’encadrement du déploiement des énergies renouvelables, ainsi que sur leur place dans le mix énergétique au-delà de la limite fixée en 2030.
i. Votre rapporteure Madame Pascale Boyer réfute l’idée d’un mix 100 % énergies renouvelables d’ici 2050
Votre rapporteure Madame Pascale Boyer apporte son soutien politique au niveau national à la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables ([56]), qui prévoit une planification territoriale nécessaire des énergies renouvelables et une simplification des procédures d’installation. Comme l’a démontré la députée Liliana Tanguy, cette loi doit permettre de lever les freins qui existent en matière de production d’énergies renouvelables et faire de la France un pays moteur en Europe ([57]).
Pour autant, les ENR ne peuvent représenter 100 % du mix énergétique français, en raison de l’intermittence de la production : le mix doit donc être équilibré, entre nucléaire et énergies renouvelables. L’intermittence des énergies renouvelables pourrait toutefois, en l’absence de compensation par un moyen de production d’électricité pilotable comme le nucléaire, amplifier les variations de prix sur le marché de gros. Les prix seraient très faibles lorsque les éoliennes et panneaux solaires tourneraient à plein régime, et très élevés en période d’absence de vent ou de soleil.
L’éolien, le solaire et l’hydroélectrique ont néanmoins un rôle important à jouer pour décarboner le mix français et européen dans l’attente du nouveau nucléaire, avec les 6 nouveaux EPR, qui seront opérationnels à partir de 2035.
Votre rapporteure Pascale Boyer insiste également sur le rôle du biogaz dans la transition énergétique, qui est également un instrument de compensation de l’intermittence des renouvelables.
ii. Votre rapporteure Madame Nathalie Oziol plaide pour une planification écologique permettant l’atteinte de la cible de 100 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique
Votre rapporteure Madame Nathalie Oziol considère que la bifurcation écologique et énergétique nécessaire pour résoudre la crise climatique implique une cible de 100 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. Le texte de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables est à ce titre très décevant, en ne proposant aucun objectif de production, et en n’accordant aucun moyen supplémentaire aux collectivités territoriales. Il est nécessaire de prévoir une véritable planification écologique au niveau national et pas seulement à l’échelle des territoires : la planification est le garant de la prise en compte des enjeux de long terme.
La France doit par ailleurs tirer profit de sa situation géographique, avec différentes côtes sur la Manche, l’Océan Atlantique et la mer Méditerranée : cette situation favorise le développement de l’éolien off-shore, qui ne doit pas être négligé dans la stratégie énergétique française et européenne.
II. L’Union europÉenne doit par ailleurs réformer son marché de l’ÉLECTRICITÉ, de maniÈre à garantir un niveau suffisant de production et un approvisionnement à un coÛt raisonnable pour les citoyens et les entreprises
Au-delà de la question des moyens à mobiliser pour obtenir un mix énergétique décarboné et souverain, il est indispensable de trouver rapidement des solutions pour permettre à l’ensemble des citoyens et entreprises, français et européens, de bénéficier de coûts de l’électricité raisonnables.
A. Mme Pascale Boyer salue la proposition de rÉglement de la Commission comme moyen de protÉger les consommateurs face aux hausses de prix, tandis que Mme Nathalie Oziol appelle À une réforme plus systÉmique du marchÉ
1. Vos rapporteures ont un désaccord politique sur l’ampleur de la réforme à mener sur le marché de l’électricité.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer se félicite de la proposition de règlement sur la réforme du marché de l’électricité ([58]). L’objectif de cette proposition, partagée par votre rapporteure, est de protéger les citoyens et les entreprises européennes contre la hausse des prix de l’électricité, de manière à soutenir les ménages les plus précaires et à garantir la compétitivité de nos entreprises. Cette réforme permettra également de garantir notre approvisionnement énergétique.
Si le marché a continué de fonctionner correctement dans le sens où il a assuré une allocation optimale des ressources durant la crise, les prix sur le marché de court terme sont volatils et restent encore, à l’automne 2023 à un niveau élevé. L’organisation actuelle des marchés pose ainsi plusieurs difficultés devant être corrigées, tout en préservant son rôle d’allocation optimale des moyens, selon le principe de l’ordre de mérite qui consiste à mobiliser en premier lieu les sources d’énergies inframarginales (soit principalement les renouvelables et le nucléaire).
La promotion de contrats de long terme, Power Purchase Agreement (PPA) entre acteurs privés ou contrats pour la différence (CfD), doit en effet permettre de limiter l’impact d’une hausse soudaine des prix sur le consommateur. Les consommateurs pourront en effet négocier des contrats pour une électricité à un prix fixé sur plusieurs années, de manière à se protéger contre une augmentation des prix.
Les contrats pour la différence permettent, pour les énergies décarbonées, de fixer à la fois un prix plafond et un prix plancher pour le producteur. La proposition de règlement fixe un nouveau principe selon lequel lorsqu’un État membre apporte une garantie de prix à un producteur d’électricité, alors ce producteur doit s’engager à avoir un plafond de revenus. Ce principe, qui permet à la fois de soutenir les producteurs et de protéger les consommateurs, doit être promu.
Votre rapporteure tient toutefois à se positionner sur les débats en cours au Conseil, concernant le périmètre des contrats pour la différence. Ces contrats ne doivent évidemment concerner que les moyens de production décarbonés, de manière à ne pas offrir de garantie de revenus aux énergies fossiles. Cependant, ces contrats doivent pouvoir concerner les installations existantes qui ont fait l’objet d’investissements permettant d’accroître leur capacité de production. Ainsi, l’électricité issue d’une centrale nucléaire existante, qui a fait l’objet d’importants travaux de maintenance et de rénovation de manière à renforcer sa capacité de production, doit pouvoir être éligible aux contrats pour la différence, sur l’ensemble de sa production. Ce point, inscrit à l’article 19 (b) de la proposition de règlement est au cœur du débat au Conseil de l’Union.
Le compromis du Parlement européen prévoit que le contrat sur la différence ne pourra porter que sur la part d’électricité proportionnelle au montant de l’investissement. Cette lecture restrictive, quasi-dogmatique quant à l’exclusion du nucléaire, est difficilement compréhensible à l’heure où l’atome est un des moyens privilégiés pour atteindre la neutralité carbone et acquérir une autonomie stratégique.
Votre rapporteure s’interroge également sur une possibilité de mettre en place des mesures de protection pour les producteurs engagés sur les contrats PPA : en cas de nouvelles crises majeures, ces producteurs pourraient en effet ne plus avoir la capacité d’investir du fait de leurs engagements contractuels.
La sortie du marché européen de l’électricité : une solution impensable et dangereuse pour votre rapporteure Madame Pascale Boyer
Selon votre rapporteure Mme Pascale Boyer, la réforme qui consiste à insuffler du long terme sur le marché de l’électricité est donc le meilleur moyen de protéger les particuliers, les entreprises et les collectivités locales, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement, en Européens. Toute sortie du marché de l’électricité apparaît totalement illusoire : comment penser que la France, qui ne jouerait plus selon les règles communes de l’Union, puisse par ailleurs bénéficier des interconnexions du marché pour assurer son approvisionnement électrique à des prix réalistes ?
Par ailleurs, il est complètement utopique de vouloir en même temps sortir du nucléaire et sortir du marché européen. La sécurité énergétique de la France serait gravement mise en péril.
La France est un des pays fondateurs de l’Union européenne, qui ne peut céder aux tendances eurosceptiques sur un sujet aussi essentiel que la protection de nos concitoyens pour l’accès à l’électricité et la préservation de leur pouvoir d’achat. Le risque des ruptures d’approvisionnement et de délestage, un temps évoqué durant l’hiver 2022-2023, doit être écarté à tout prix : seul le marché européen nous permettra de bénéficier des capacités de production des autres États membres.
Votre rapporteure Mme Pascale Boyer tient par ailleurs à souligner que durant la crise énergétique de l’automne 2022, l’État français a contraint les producteurs inframarginaux à redistribuer leurs profits. La France a été l’un des pays les plus protecteurs des consommateurs au sein de l’Union, grâce à la mise en place des différentes mesures d’amortissements de prix, dont le bouclier tarifaire.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol prend acte de la proposition de réforme de la Commission européenne, mais regrette sons manque d’ambition. Alors que le gouvernement français plaidait à l’automne 2022 pour un véritable découplage des prix de l’électricité de ceux du gaz, la réforme actuelle n’opère pas ce changement radical. Tandis que les négociations sur le sujet de la réforme du marché se prolongent à Bruxelles, la condition des citoyens français et européens se complique, avec un triplement constaté des factures. Cette situation économique difficile mène à des drames humains, auxquels nous ne pouvons pas rester indifférents. Au-delà de la gestion technocratique des dossiers bruxellois, votre rapporteure a tenté de faire entendre la voix des consommateurs, des familles, des artisans, des TPE, des PME, des industries, des collectivités, pour l’accès à l’électricité, qui est un bien public.
Votre rapporteure plaide donc pour une réforme systémique, consistant à sortir du marché européen de l’électricité. La question de la sortie du marché doit être décorrélée de la question des interconnexions : il est faux d’affirmer que le marché a permis à la France de garantir sa sécurité d’approvisionnement. Même en dehors du marché européen de l’électricité, la France pourra continuer d’échanger avec les autres États européens : l’exemple du Royaume-Uni est à ce titre édifiant, puisque la France continue d’échanger de l’électricité avec ce pays malgré le Brexit. La France ne peut pas être exclue du mécanisme d’échange : l’ensemble des États de l’Union y perdrait.
La sortie du marché européen doit permettre d’aboutir à la solution la plus protectrice pour l’ensemble des consommateurs et pour le producteur, qui deviendrait l’unique fournisseur ([59]) :
- Du côté des consommateurs, la protection passe nécessairement par un retour global des tarifs réglementés de vente, calculés selon les coûts de production, avec une marge raisonnable. Le coût de production en France étant faible en raison d’un mix décarboné assis sur le nucléaire et les énergies renouvelables, les consommateurs français paieront ainsi leur électricité à un prix raisonnable, et seront protégés de toute hausse des coûts par le principe des tarifs réglementés. La réforme proposée par la Commission européenne va à l’inverse, en réduisant encore davantage l’accès aux tarifs réglementés de vente ;
- Du côté du producteur, il est nécessaire de revenir à la solution de l’opérateur public unique, soit l’entreprise EDF. Le retour à un système public en France, avec un opérateur qui détient tous les moyens de production et d’exploitation, serait la garantie d’avoir un modèle pilotable, plutôt que d’avoir des moyens de production décentralisés. La fin de la concurrence sur le marché de la fourniture d’électricité est également l’assurance pour le consommateur de ne plus être exposé à des pratiques commerciales agressives, voire frauduleuses.
En prenant acte du choix du Gouvernement français de rester dans le marché européen de l’électricité, votre rapporteure Madame Nathalie Oziol regrette toutefois que la proposition de règlement de la Commission ne prévoie pas la possibilité pérenne pour les États membres de taxer les profits des producteurs. Cette mesure, appliquée en période d’urgence durant l’hiver 2022-2023, permettait notamment de protéger les consommateurs en finançant des dispositifs d’aides aux ménages les plus précaires.
Votre rapporteure Madame Oziol relève les problèmes posés par la réforme avec la généralisation des contrats pour la différence et des PPA
Plutôt que de mutualiser tous les coûts de production entre l’ensemble des consommateurs, les PPA, soit les contrats de gré à gré entre acteurs privés (un producteur et un consommateur), vont réserver la production d’une centrale et la donner à un groupe de consommateurs. Or, les coûts sont très variables d’une centrale à l’autre. Certains consommateurs auront néanmoins conclu des contrats avec des centrales qui vendent leur électricité à un prix beaucoup plus élevé : ce système marque l’iniquité ente les consommateurs.
Les contrats pour la différence sont sans doute le moins mauvais instrument pour rémunérer des producteurs dans le cadre du marché, selon votre rapporteure Madame Nathalie Oziol. En effet, seuls des contrats de long terme publics peuvent garantir aux producteurs des revenus sur une durée suffisamment longue sans risque de contrepartie. Par ailleurs, seul ce type de contrat peut garantir une redistribution équitable à tous les consommateurs de ces prix négociés. Néanmoins, même ces contrats de long terme publics ne peuvent éviter tous les écueils inhérents au marché : les CfD ne garantissent pas les volumes vendus par les producteurs, les exposant à un risque qui augmente les coûts de financement, notamment le coût du capital, enjeu essentiel pour un secteur aussi capitalistique que la production électrique. Par ailleurs, ils doivent comporter une part de rémunération incitant les producteurs à participer à l’optimisation de court terme (ordre de mérite), ce qui se traduit par une surrémunération à la charge du consommateur.
Les conditions de redistribution des prix des contrats pour la différence continuent à faire l’objet de débats, tandis que ces CfD ne sont réservés qu’aux filières décarbonées et aux nouvelles centrales, laissant une part conséquente de la production exposée aux prix de marché.
Enfin, dans un contexte de marché, rien ne garantit que les producteurs consentiront à négocier des CfD sur la base de leurs coûts de production, en intégrant une marge raisonnable, alors qu’ils peuvent arbitrer avec un prix de marché. Finalement, ce mécanisme, bien que meilleur que les autres, reste largement insuffisant pour garantir aux consommateurs un prix basé sur les coûts de production. Les CfD existent d’ailleurs déjà pour une partie de la production, ce qui n’a pas empêché la flambée des prix.
2. Vos rapporteures s’accordent néanmoins sur plusieurs points relatifs à la réforme en cours du marché de l’électricité.
Malgré leurs différences sur l’ampleur de la réforme à mener, vos rapporteures partagent cependant le même point de vue sur plusieurs points de la proposition de la Commission. Si votre rapporteure Madame Oziol tient néanmoins à souligner que la réforme n’est qu’une solution de second rang par rapport à la proposition de sortie du marché de l’électricité, elle peut néanmoins reconnaître l’utilité de la promotion des contrats pour la différence sur le marché existant.
D’un point de vue procédural, vos rapporteures regrettent que la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement européen ait adopté une motion de renvoi en trilogue. La séance plénière du Parlement européen n’a ainsi pas pu amender le texte. Les représentants des citoyens européens n’ont ainsi pas pu se prononcer en séance plénière sur ce sujet d’importance majeure.
Lorsque les prix de marché sont en effet supérieurs au prix plafond conclu avec le producteur, l’État perçoit des recettes. L’utilisation de ces recettes fait également l’objet d’un débat au sein du Conseil, certains États membres craignant une distorsion de concurrence issue de la distribution des recettes. La crainte tient notamment à ce que la France puisse faire bénéficier ses entreprises de subventions qui rompraient l’équilibre concurrentiel. Vos rappporteures défendent une redistribution des recettes issues des contrats pour la différence à tous les consommateurs, proportionnellement à leur consommation. Le règlement ne doit ainsi pas cibler davantage l’utilisation des recettes, laissant chaque État déterminer l’utilisation qu’il souhaite en faire.
Recommandation 5 : Laisser la possibilité aux États membres de déterminer librement l’utilisation de recettes issues des contrats pour la différence.
Vos rapporteures ont également été alertées sur le fait qu’au moment de la crise à l’automne 2022, plusieurs producteurs ont dénoncé les contrats de long terme PPA, n’ayant plus intérêt à vendre leur électricité au prix négocié, mais préférant vendre leur électricité sur le marché. Ce phénomène, profondément contraire à l’esprit de la réforme et à l’objectif de protéger les consommateurs, doit être empêché. Il est ainsi indispensable d’accompagner la mise en œuvre de la réforme de pénalités importantes pour la rupture des contrats PPA, de manière à désinciter les producteurs à s’en désengager. Au niveau français, la commission de régulation de l’énergie (CRE), doit faire preuve de vigilance sur ce sujet.
Recommandation 6 : Prévoir des pénalités suffisantes pour les producteurs en cas de rupture de leurs contrats de long terme, pour éviter les effets d’aubaine en période de hausse des prix.
Vos rapporteures se félicitent cependant de l’obligation créée par la réforme pour les fournisseurs de couvrir les risques induits contrats avec leurs clients en prévoyant un approvisionnement suffisant auprès du producteur. Ainsi, si un fournisseur conclut un contrat avec un particulier, il doit acheter une quantité suffisante d’électricité auprès du producteur, de façon à ne pas faire défaut en cas de hausse imprévue et brutale des prix. Cette situation permet de renforcer la stabilité du marché en évitant les défaillances des fournisseurs insuffisamment couverts.
Les réserves de votre rapporteure Mme Nathalie Oziol concernant le mécanisme de couverture des fournisseurs d’électricité sur le marché
Une telle couverture serait inopérante en cas de flambée des prix de marché à terme. Les prix ne correspondent en effet pas au coût de production, mais à l’anticipation du coût marginal à l’échéance concernée.
Par ailleurs, le risque lié aux prévisions de volume de production reste à la charge du producteur, qui doit d’une manière ou d’une autre le faire financer par les consommateurs ou le contribuable.
Plus généralement, le marché de l’électricité est reconnu comme incomplet, c’est-à-dire n’offrant pas de produits de couverture contre tous les risques, et ce quel que soit son design.
Enfin, imposer à un fournisseur sa politique de couverture revient à lui retirer l’essentiel de son activité : il serait plus efficace et clair d’admettre que le marché et la mise en concurrence des fournisseurs sont incompatibles avec la protection des consommateurs et qu’il convient de revenir à des tarifs réglementés pour tous, et plus généralement à un système public français intégré dans les mécanismes d’échange européens.
Si l’attention est principalement portée sur le paramétrage des contrats de long terme, la réforme du marché de l’électricité prévoit toutefois d’autres dispositions d’importance.
La proposition de règlement prévoit ainsi la possibilité de proposer des prix réglementés aux ménages et aux PME en cas de crise provoquant une hausse des prix sur le marché. Dans la proposition initiale, seule la Commission pourrait déclencher ce régime de crise au niveau d’une partie ou de l’ensemble de l’Union. Ces mesures seraient déclenchées pour une durée temporaire ne devant pas dépasser un an.
Vos rapporteures relèvent l’importance pour les États membres de pouvoir déclencher ce régime de crise, afin de pouvoir protéger les consommateurs nationaux. La crise peut en effet intervenir dans un État de l’Union, sans concerner toute l’Union, et les autorités nationales sont les plus à même d’analyser un contexte de tensions sur les prix.
Recommandation 7 : Élargir aux États membres de l’Union la possibilité de déclarer une période de crise permettant de proposer des prix réglementés aux ménages et aux petites et moyennes entreprises.
e. La limitation des pouvoirs de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie
La réforme du marché de l’électricité s’accompagne de la refonte du règlement dit REMIT, pour renforcer la surveillance et les contrôles du marché de gros de l’électricité. L’objectif est de donner aux régulateurs de l’énergie, en liaison avec les régulateurs financiers, un pouvoir de surveillance sur les transactions sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz, afin d’éviter toute manipulation du marché ([60]). Ce règlement vise notamment à harmoniser le modèle de régulation sur le marché de l’électricité par rapport au modèle de régulation sur les marchés financiers, avec un rapprochement des incriminations et de la répression des abus de marché ([61]).
Vos rapporteures ont une analyse différente de l’opportunité de cette proposition de la Commission. Pour votre rapporteure Mme Pascale Boyer, la révision d’ampleur du règlement REMIT est étonnante, alors même qu’aucun régulateur n’a relevé de comportement suspect des producteurs et des fournisseurs sur le marché de l’électricité. Pour votre rapporteure Mme Nathalie Oziol, l’initiative de la Commission est une des preuves de la spéculation sur le marché au moment de la crise, à l’origine de l’envolée des prix.
Néanmoins, vos rapporteures s’accordent pour relever que la proposition de la Commission donne à l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) des pouvoirs qui interfèrent avec les missions des régulateurs nationaux :
- les lignes directrices de l’ACER deviendraient contraignantes pour les acteurs du marché, remettant en cause le principe de subsidiarité ;
- L’ACER disposerait de nouvelles compétences pour mener les enquêtes sur les manquements du règlement REMIT et notamment réaliser des opérations de visite et de saisie. Ce pouvoir de l’ACER peut intervenir sans l’assentiment du régulateur national concerné.
Vos rapporteures sont très attentives au respect du principe de subsidiarité et souhaitent un respect des prérogatives des autorités nationales de régulation.
Recommandation 8 : Prévoir dans le règlement REMIT que l’ACER ne peut pas mener d’enquêtes dans la juridiction d’un État membre dans des situations où l’autorité de régulation nationale mène déjà de telles enquêtes ou a l’intention de le faire.
B. La réforme du marchÉ de l’ÉLECTRICITÉ doit faciliter les investissements dans les technologies d’avenir permettant d’atteindre la sÉCURITÉ ÉNERGÉtique
1. Le prix de vente de l’électricité doit correspondre au coût de production, en intégrant une marge raisonnable nécessaire aux investissements dans la transition écologique
Du côté de l’offre, le développement des contrats de long terme prévu par la réforme du marché de l’électricité présente également des avantages pour les producteurs. Les contrats pour la différence, tout comme les contrats PPA, offrent en effet une visibilité suffisante, sur plusieurs années, pour garantir leurs investissements. Cette prévisibilité des revenus permet également de faciliter l’obtention de financements bancaires ou sur les marchés financiers, pour la réalisation des différents projets et la construction de nouvelles infrastructures énergétiques.
Vos rapporteures tiennent également à souligner que plusieurs acteurs du secteur de l’énergie, en France et dans l’Union européenne, ont relevé lors des auditions que la programmation énergétique en France, encadrée par la loi de programmation énergie-climat et la programmation pluriannuelle de l’énergie, procure une visibilité de moyen terme favorable aux investissements dans les moyens de production. La promotion des contrats pour la différence et des contrats PPA permettra d’offrir encore davantage de visibilité aux investisseurs.
L’enjeu repose, en particulier pour les contrats pour la différence impliquant l’État, sur l’équilibre entre la recherche de prix le plus faibles possibles pour protéger les consommateurs, et le maintien d’une capacité d’investissement des producteurs dans de nouvelles installations. Les investissements pour l’électrification des usages, limitant la consommation de pétrole et de gaz, représentent environ 25 à 35 milliards d’euros par an, pour la production et les capacités de flexibilité ([62]). Ces investissements sont nécessaires dans un double objectif de décarbonation du mix et d’atteinte de l’autonomie stratégique en matière énergétique.
Les prix planchers et plafond des contrats pour la différence devront ainsi représenter les coûts de production, de manière à protéger les consommateurs, et inclure une marge suffisante pour permettre les investissements importants dans les années à venir. Il est néanmoins absolument nécessaire de définir les coûts complets des capacités de production française : en septembre 2023, la CRE estime ainsi à 60,70 € par MWh le coût de la production nucléaire sur la période 2026-2030. Cette estimation est cependant nettement en deçà des chiffres d’EDF, qui a communiqué des coûts de 74,80 € par MWh sur la même période ([63]).
Recommandation 9 : Définir les prix au mégawattheure des contrats pour la différence et des contrats PPA sur la base des coûts de production d’électricité, en incluant une marge raisonnable pour les investissements dans la transition énergétique.
2. La recherche, le développement et l’investissement dans des solutions de stockage de l’énergie doivent être fortement promus
L’augmentation de la part des énergies renouvelables, en particulier du solaire et de l’éolien, implique une intermittence plus importante de la production électrique sur le sol européen. Certaines technologies sont en effet particulièrement sensibles aux conditions météorologiques, ce qui conduit à une certaine imprévisibilité de la production. Le développement des énergies renouvelables doit donc être accompagné d’un effort de recherche, de développement et d’innovation en matière de stockage d’électricité.
Dans le contexte actuel, plusieurs domaines méritent une attention particulière ([64]) :
- les batteries des véhicules électriques constituent une opportunité pour renforcer la robustesse du système électrique français. Il apparaît toutefois indispensable que les recharges effectuées sur les lieux d’habitation ou de travail soient programmées au moment où l’électricité est la moins chère à produire. Les batteries font l’objet d’un projet important d’intérêt économique commun (PIIEC), autorisé en 2019 par la Commission européenne. Ce PIIEC, qui regroupe 7 États membres et 16 entreprises a pour objectif un déploiement industriel sur la chaîne de valeur stratégique des batteries ;
- les installations hydroélectriques : les barrages sont une solution de flexibilité très performante en particulier ceux qui sont associés à des stations de transfert d’énergie par pompage, et la capacité des installations existantes pourrait être améliorée. En complément des 5 GWh produits actuellement en France, EDF considère que 1,5 GW supplémentaires pourrait être développé. La mise en œuvre de ces projets n’est toutefois envisageable qu’à condition d’avoir résolu les problèmes posés par le régime français des concessions hydroélectriques, pour lesquelles la Commission européenne exige une mise en concurrence. Votre rapporteure Mme Pascale Boyer souhaite porter une attention particulière à la petite hydroélectricité qui doit prendre toute sa part dans la production des énergies renouvelables.
Vos rapporteures appellent de leurs vœux le renforcement de l’accompagnement humain, technique et financier des acteurs dans le domaine du stockage d’électricité au niveau national et européen, en particulier dans le domaine des batteries et de l’hydroélectricité.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol appelle également de ses vœux la création d’une structure 100 % publique en quasi-régie qui se verrait confier la totalité des concessions d’ouvrages hydroélectriques en France, actuellement gérés par l’entreprise EDF, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydroélectrique du Midi (SEHM).
L’hydrogène est un moyen de stockage de l’énergie dont les usages dans le futur pourraient s’avérer particulièrement utiles. Le domaine des mobilités est par exemple concerné au premier chef : à titre d’exemple, la généralisation du remplacement des trains à moteur Diesel par des trains roulant à l’hydrogène, permettra la massification de la fabrication des locomotives et en réduisant de ce fait les coûts de fabrication.
L’hydrogène, son fonctionnement et sa chromatologie
La molécule ne se trouve quasiment pas isolée au naturel, et doit donc être produite ou isolée d’autres molécules. Un électrolyseur permet ainsi de séparer dans l’eau (H2O) la molécule d’eau de la molécule d’hydrogène, en relâchant de l’oxygène. À l’inverse, la pile à combustible permet de transformer l’hydrogène gazeux en électricité. L’hydrogène est ainsi un moyen de stockage d’énergie.
Toutefois, l’électrolyseur nécessaire pour produire l’hydrogène doit être alimenté par le système électrique. Il s’ensuit une chromatologie de l’hydrogène : l’hydrogène vert est issu d’un processus d’électrolyse de l’eau réalisé à partir d’énergies renouvelables, soit principalement l’énergie éolienne, solaire et hydraulique. L’hydrogène bas carbone, également appelé hydrogène jaune, est issu d’un processus d’électrolyse de l’eau réalisé à partir de l’énergie nucléaire. L’hydrogène gris, est issu du reformage d’une énergie fossile (principalement le pétrole et le gaz naturel).
Des recherches de gisements d’hydrogène naturel sur le sol de l’Union européenne sont menées actuellement. L’extraction peut paraître marginale mais elle participera tout de même à la souveraineté énergétique de l’Europe.
Cependant, l’hydrogène pose plusieurs défis techniques :
- sa production doit être décarbonée pour remplir son objectif de verdissement du mix énergétique : la production d’un kilogramme d’hydrogène nécessite en effet l’émission de 9 kg de CO2. Or, à l’heure actuelle, l’hydrogène gris représente 95 % de la production totale d’hydrogène.
- l’hydrogène pose également des défis en termes de stockage, par refroidissement, condensation, solidification, ou dans des cavités salines ;
- le transport et la distribution d’hydrogène : les réseaux existants de gaz pourront notamment être mobilisés pour le transport et la distribution d’hydrogène, sous conditions d’adaptation.
L’Union européenne a pour objectif de bâtir une véritable stratégie européenne en matière d’hydrogène, de manière à renforcer sa souveraineté énergétique. La Commission européenne a ainsi présenté une stratégie hydrogène, dont les ambitions ont été revues à la hausse à la faveur du plan RePowerEU, avec un objectif de 10 Mt d’hydrogène renouvelable à l’horizon 2030, auquel s’ajoute l’équivalent en importation ([65]).
La Commission européenne a également créé une Banque européenne de l’hydrogène, dont l’objectif est de débloquer les investissements privés dans les chaînes de valeur de l’hydrogène dans l’Union. La mission de cette banque est notamment de réduire l’écart de coûts entre l’hydrogène renouvelable et les combustibles fossiles. La banque organisera un premier appel d’offres pilote au mois de novembre, avec un budget de 800 millions d’euros provenant du fond « Innovation ».
Au niveau national, le gouvernement français a également présenté une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France. Ce plan prévoit un financement total de 7 milliards d’euros de soutien public prévu jusqu’en 2030. Les stratégies nationales et européennes doivent toutefois faire l’objet d’une coordination, de manière à permettre aux acteurs du secteur de déployer des plans de production ou d’importation cohérents.
Recommandation 10 : S’assurer de l’articulation de la nouvelle stratégie française ambitieuse avec les orientations européennes, de manière à favoriser la participation des entreprises françaises aux enchères de la nouvelle banque européenne de l’hydrogène.
Vos rapporteures apportent leur soutien politique au développement de l’hydrogène, comme levier de transition énergétique. Vos rapporteures plaident toutefois pour une attention accrue et une concentration des financements européens sur la production d’hydrogène sur le sol de l’Union, de manière à simplifier les problématiques de transport et dans un objectif d’autonomie énergétique. La stratégie de la Commission prévoit en effet la construction de 40 GW d’électrolyseurs dans l’Union et 40 GW dans les pays voisins à des fins d’exportation vers l’Union.
Recommandation 11 : Prioriser les financements européens sur la production d’hydrogène sur le sol de l’Union, par rapport à la production par électrolyseurs dans les pays tiers.
Vos rapporteures ont toutefois un désaccord sur la place de l’hydrogène issu du nucléaire.
- Selon votre rapporteure Madame Pascale Boyer, la feuille de route de l’Union européenne est très ambitieuse, et la mobilisation de l’hydrogène « jaune », soit de l’hydrogène issu du nucléaire, sera nécessaire. La reconnaissance par les actes délégués complétant une directive 2018 de l’hydrogène « bas carbone », va dans le bon sens. Ces textes prévoient un traitement favorable pour les États ayant un mix énergétique axé sur le nucléaire dans le cadre de sa politique relative à l’hydrogène ;
- Selon votre rapporteure Madame Nathalie Oziol, et en cohérence avec les orientations énergétiques prônées plus haut dans le rapport, l’hydrogène renouvelable doit être issu uniquement d’énergies renouvelables, la part du nucléaire devant décliner dans le mix électrique.
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Le travail et les auditions de vos rapporteures ont permis de dégager plusieurs grands objectifs de politique énergétiques consensuels dans le débat français et européen :
- la décarbonation du mix énergétique et de la sortie de la dépendance aux énergies fossiles produites dans les pays tiers. La décarbonation passe notamment par une hausse de la production et de la consommation d’électricité dans les années à venir ;
- le développement d’une autonomie stratégique européenne, impliquant une maîtrise des sources de production d’électricité sur le sol de l’Union ;
- la protection des consommateurs face aux hausses des prix de l’énergie.
Les modalités de composition du mix électrique font toutefois l’objet d’un premier désaccord entre vos rapporteures, qui ont eu un débat fourni et constructif tout au long de la rédaction du rapport sur la place du nucléaire.
Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol envisage également la sortie du marché européen de l’électricité comme la meilleure solution pour protéger les consommateurs contre une hausse soudaine et importante des prix de l’électricité, tandis que Mme Pascale Boyer croit dans la capacité du marché de stabiliser les prix à un niveau reflétant les coûts de production. Là encore, vos rapporteures ont néanmoins eu un dialogue fourni au fil des auditions, leur permettant de formuler plusieurs observations en commun sur la réforme en cours.
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La Commission s’est réunie le 11 octobre 2023, sous la présidence de M. Pieyre‑Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport d’information.
Mme Pascale Boyer, rapporteure. Je sors de ces neuf mois de travail sur le rapport d’information avec un sentiment de fierté de l’UE d’avoir su abolir ses mantras et agir rapidement pour la protection des consommateurs. Même si beaucoup reste à faire en matière de sécurité énergétique face à la volatilité des prix de l’énergie, l’Europe a en effet su jouer un rôle protecteur pour les citoyens et les entreprises durant l’année écoulée. Remémorons-nous un instant le mois d’octobre 2022. Il y a un an, à l’approche de l’hiver nous craignions des périodes de black-out, avec des possibles périodes de délestage lors des pics de consommation d’électricité. Souvenons-nous aussi de notre crainte de financer l’effort de guerre russe par l’achat de quantités massives de gaz à Gazprom. Souvenons-nous enfin des efforts demandés aux consommateurs qui malgré l’instauration d‘un bouclier tarifaire efficace au niveau national, ont vu leur facture d’énergie augmenter. Un an après, tout n’est pas résolu, mais l’Union, tout comme la France ont agi. Des mesures d’urgence ont permis à l’Union, de diviser par cinq les importations de gaz russe dans l’UE, de remplir les stocks de gaz en prévision de l’hiver prochain et de financer les dispositifs de protection des consommateurs par l’instauration d’une taxe sur les producteurs inframarginaux d’électricité ou une contribution exceptionnelle de solidarité sur les producteurs d’énergie fossile. Au-delà de ces mesures d’urgence, les objectifs de la politique énergétique ont évolué, se sont renforcés et ne sont plus contestés. Ma co-rapporteure et moi-même les partageons d’ailleurs, ce qui nous a permis de vous soumettre avec ce rapport une dizaine de recommandations consensuelles.
Ce sont toutefois les moyens à mobiliser pour atteindre ces objectifs qui font l’objet d’un désaccord entre nous, dessinant ainsi deux projets, deux trajectoires de ce que doit être la politique de l’énergie au niveau national et européen.
Le premier objectif est le verdissement du mix énergétique. L’Europe que nous avons bâtie est le continent le plus ambitieux pour la décarbonation du mix énergétique. Ces sujets me tiennent particulièrement à cœur, notamment en tant que présidente du groupe d’étude Énergie durable et hydrogène à l’Assemblée Nationale. Pour y parvenir, l’Union déploie une série de textes dans le cadre du pacte vert pour l’Europe et le paquet Fit for 55. La directive Red III, récemment adoptée relève ainsi la part d’énergies renouvelables à 42.5 % dans le mix énergétique de l’Union à l’horizon 2030, au lieu de 32 % précédemment. Je crois toutefois que l’atteinte de l’objectif de décarbonation du mix ne peut reposer uniquement sur les énergies renouvelables ; naturellement, l’hydrogène est un vecteur formidable d’espoir pour décarboner plusieurs secteurs comme les mobilités lourdes.
Mais pour la production d’électricité, nous ne pouvons pas envisager un mix sans une part de nucléaire qui est une technologie décarbonée pilotable et peu chère. Je suis toujours étonnée de voir que durant les quinze dernières années aucun texte relatif au nucléaire n’a été adopté au niveau européen, et que le pacte vert pour l’Europe ne mentionne quasiment pas ces technologies d’avenir. Aux opposants du nucléaire je pose une question simple : pourquoi se priver du moyen de production le plus sûr et pilotable, à l’heure où nous avons des efforts considérables à déployer pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 ? Le mix énergétique européen a besoin du nucléaire pour atteindre ses objectifs. C’est un des axes forts de ma contribution au rapport.
Le second objectif de la politique énergétique est l’indépendance du mix. Nous ne pouvons en tant qu’Européens pactiser avec des pays tiers peu fiables pour l’importation de notre énergie. Nous avons ainsi réussi à réduire fortement notre dépendance vis-à-vis de la Russie. Pourtant, les récents évènements avec le Haut Karabakh nous rappellent tristement que l’Azerbaïdjan, avec laquelle l’Union a pourtant signé un partenariat énergétique à l’été 2022, ne peut être un associé fiable pour l’importation de gaz. Les régimes illibéraux ou autoritaires doivent ainsi être bannis de toute conclusion de partenariats avec l’UE. Le plan Repower EU prévoit une diversification des approvisionnements et sa mise en œuvre a permis de trouver des partenaires crédibles. Je tiens à souligner que la Norvège, où je me suis rendue dans le cadre de ce rapport présente toutes les garanties de fiabilité nécessaire.
Le troisième objectif est celui au cœur de notre actualité européenne depuis le début de l’année 2023 : la réforme du marché de l’électricité. Depuis sa création, ce marché a joué son rôle de marché permettant une allocation optimale des ressources. Mais, la volatilité des prix à court terme a provoqué des situations inacceptables qui doivent aujourd’hui être corrigées. Nous devons absolument rapprocher les prix des coûts de production, notamment en France où les coûts de fonctionnement du nucléaire et des énergies renouvelables sont faibles. Pour cela, la Commission Européenne propose une solution : le développement d’un marché de long terme européen. La logique est la suivante : si les prix sur le marché de court terme sont imprévisibles et sujets à des envolées soudaines, il est alors nécessaire de protéger les consommateurs en leur procurant un prix fixe sur le moyen terme.
C’est tout l’objectif des deux types de contrats promus par la Commission européenne. Le premier type de contrats est les « PPA », qui sont des contrats de gré à gré entre particuliers. Une usine d’acier pourra ainsi traiter directement avec un producteur d’électricité décarbonée pour s’assurer pendant 4 ou 5 ans une fourniture d’électricité à un prix fixe et négocié. Le second type de contrat est des contrats pour la différence qui fixent un prix plancher et un prix plafond, garantis par l’État, entre le producteur et le consommateur. Par exemple, si le prix plafond fixé par le contrat est de 70 euros par MWh et que le prix journalier de marché est de 100 euros, les producteurs devront reverser 30 euros à l’État pour chaque MWh produit pendant cette heure. C’est ce second type de contrat qui est au cœur des négociations bruxelloises en ce moment. Ce rapport est également un moyen de soutenir pleinement, en mon nom propre et au nom du groupe renaissance, la position française qui souhaite inclure l’ensemble des installations existantes dans ces contrats, notamment notre nucléaire ancien. Je souhaite également que la redistribution des recettes issues des contrats pour la différence puisse se faire librement, et que chaque État puisse décider de leur utilisation pour protéger les consommateurs. Je le répète : le marché n’est pas le problème, il a fonctionné correctement pendant la crise. Toute solution de sortie du marché serait non seulement un signal profondément antieuropéen envoyé par la France, mais aussi une solution simpliste, irréalisable, qui nous priverait sans doute d’un mécanisme performant d’échanges avec nos voisins.
Il serait complètement utopique, même dangereux pour notre sécurité d’approvisionnement, de vouloir en même temps sortir du nucléaire et sortir du marché européen. Simplement, le fonctionnement normal du marché doit être complété pour protéger nos consommateurs, et je soutiens ainsi le principe de la réforme portée par la Commission européenne. Simplement, cette réforme doit inclure l’ensemble des technologies décarbonées, y compris les installations nucléaires existantes, pour atteindre le triple objectif de décarbonation, d’autonomie stratégique et de protection des consommateurs. Et j’ai confiance dans notre Union européenne pour atteindre ces objectifs et poursuivre le travail ambitieux engagé depuis plus d’un an maintenant.
Mme Nathalie Oziol, rapporteure. Vous l’aurez compris, nous défendons deux projets différents, qui reposent sur deux aspects principaux. Le premier est celui des prix de l’énergie (de l’électricité en particulier) qui pose, par conséquent, la question de rester ou non dans le cadre du marché européen. Le deuxième aspect est celui de la composition du mix énergétique français et européen à horizon 2050. Sur ces deux questions majeures, ma vision et celle de ma co-rapporteure sont opposées. Nous regrettons toutefois toutes les deux le refus de débat sur ces sujets en plénière du Parlement européen.
La première question fondamentale est la méthode de fixation des prix.
Depuis plus de trente ans, l’Union européenne applique une doctrine libérale qui a conduit à l’ouverture à la concurrence nationale et européenne de la production et de la commercialisation de l’électricité, tandis que le transport et la distribution relèvent de monopoles régulés. Cette politique a conduit EDF à céder des parts de marché à des fournisseurs alternatifs sur l’activité de commercialisation et à faire une place aux producteurs privés. La promesse initiale était une baisse des prix pour les consommateurs et des investissements massifs d’acteurs privés pour la promotion de nouveaux moyens de production.
Quel est le bilan aujourd’hui ? On a compté jusqu’à 80 fournisseurs alternatifs en France, mais leur nombre a chuté avec la crise. À ce jour, 44 % du volume d’électricité est vendu par ces fournisseurs et 15 % du parc de production est exploité par des acteurs privés. La mise en place du marché de gros à l’échelle européenne a conduit à ce que le prix de l’électricité soit déterminé par le coût marginal de la dernière unité appelée (c’est-à-dire la plus chère) ; c’est donc le plus souvent corrélé au coût du gaz dont les prix sont extrêmement volatils, incontrôlables et sans lien avec le coût réel de production de l’électricité.
Les écarts entre les prix de marché et le coût de l’électricité ont provoqué une succession de crises depuis l’ouverture des marchés, si bien que tantôt c’est l’équilibre économique des producteurs qui s’est retrouvé en danger lorsque le prix était inférieur aux coûts, tantôt c’est le porte-monnaie des consommateurs qui l’a été lorsque le prix était supérieur. Et, depuis l’été 2021, les prix du gaz se sont envolés, entraînant aussi celle des prix de l’électricité tandis que les coûts de production, eux, n'étaient pas impactés dans les mêmes proportions. Ainsi, tandis que le coût de production moyen d’un mégawattheure reste inférieur à 100 euros en France, les prix de marché ont dépassé les 1 000 euros à l’été 2022. Les familles, artisans, TPE, PME, collectivités, industries, ont vu leurs factures d’électricité multipliées par 3, par 4, jusqu’à 10. Du côté de l’offre, très peu d’acteurs privés sont réellement intéressés pour investir dans le secteur de la production d’électricité, puisque les revenus sont rendus incertains par le fonctionnement même des marchés.
Au-delà du marché de l’électricité d’ailleurs, les seuls à avoir tiré profit des règles libérales et de la très timide taxation des superprofits sont les grandes entreprises comme Total qui a vu ses profits augmenter de 41 % en 2022, par l’exploitation de ressources fossiles et par les bénéfices tirés de la guerre en Ukraine.
Lorsque nous avons auditionné la Commission européenne durant notre déplacement à Bruxelles au mois de septembre, l’unique solution envisagée était le renforcement du marché, sans jamais de bilan des échecs du marché. Or, le marché est incapable de proposer des prix de l’électricité qui assurent une stabilité de la rémunération pour les producteurs et de la tarification pour les consommateurs. La triple contrainte pour une lecture transparente des prix, pour un recouvrement des coûts de production et pour une équité de traitement dans l’accès à un bien essentiel ne peut être respectée que par la mise en place de tarifs réglementés pour tous les consommateurs. Or, la fixation des tarifs est un outil de politique publique qui doit répondre à des attentes politiques, écologiques et sociales. Évidemment, la mise en place d’une grille tarifaire basée sur les coûts de production implique de se passer des fournisseurs, qui pratiquent l’achat et la revente d’électricité, souvent au détriment des consommateurs.
C’est pourquoi je porte dans ce rapport la position d’une sortie du marché et de la concurrence pour confier l’exploitation du système électrique français à un acteur public centralisé. En fait, l’exploitation du système électrique nécessite de définir le niveau de production de chaque centrale à chaque heure, de manière à minimiser les coûts d’exploitation de l’ensemble du parc européen, dans la logique de l’élaboration du programme d’appel. En effet, il est indispensable de donner aux investisseurs une visibilité sur la rémunération des centrales sur l’ensemble de leur durée de vie. Cela nécessite la mise en place de contrats de long terme garantissant une rémunération qui couvre l’ensemble des coûts de production de chaque centrale, indépendamment des prix de marché. Cela se fait en France pour le photovoltaïque ou l’éolien par exemple. Mais alors il est impossible d’inciter financièrement les producteurs à produire au meilleur moment pour le système électrique, sauf à accepter que cette incitation financière s’ajoute à la rémunération garantie par un contrat long terme. Nous nous retrouvons alors face à l’impasse théorique du marché puisqu’un même prix ne peut pas à la fois rémunérer les installations et inciter à produire au meilleur moment. Cette inadaptation du marché a des conséquences sociales, économiques et en termes de capacité à mener la nécessaire transition énergétique.
Dès lors, l’exploitation du parc par un acteur centralisé à l’échelle européenne disposant des informations complètes sur le parc permettrait d’optimiser l’utilisation du réseau et la coordination des centrales. En réalité, sa mise en place à l’échelle française permettrait déjà d’améliorer cette optimisation sans pour autant remettre en cause ni la solidarité européenne ni les choix des autres États membres contrairement aux arguments qui sont souvent avancés pour dissuader d’une sortie du marché. Et pour cause, les interconnexions existaient déjà avant la mise en place des marchés : EDF les utilisait par exemple pour échanger avec les autres pays européens. Et j’ajouterai que la France n’a pas connu d’évolution majeure des volumes exportés depuis l’ouverture des marchés. Enfin, cette solution peut être mise en œuvre immédiatement à la condition de déroger aux règles européennes, ce que plusieurs pays de l’Union européenne font déjà face aux dysfonctionnements du marché. La France ne ferait donc pas tant que cela figure d’exception parmi les États membres.
Sortir du marché n’est donc non seulement pas synonyme d’autarcie, c’est la solution la plus protectrice pour l’ensemble des consommateurs, avec la possibilité de rétablir des tarifs réglementés de vente, calculés selon les coûts de production et de réseau. Et, du point de vue des producteurs, c’est la garantie d’avoir un modèle pilotable avec une visibilité sur l’ensemble des moyens de production. L’avantage est également énorme pour les investissements : un opérateur public est la condition d’existence d’une véritable planification de la construction de nouveaux moyens de production décarbonés.
Au contraire, la solution prônée par la Commission européenne et en cours de discussion va à l’inverse de cette solution et libéralise encore un peu plus le marché, en restreignant davantage encore le recours aux tarifs réglementés de vente, et en encourageant la décentralisation de la production pour affaiblir encore un peu plus l’opérateur historique.
La deuxième question de la composition du mix énergétique n’est pas nouvelle, elle a fait l’objet de plusieurs débats à l’Assemblée et dans plusieurs commissions. À La France Insoumise, nous souhaitons sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles. Je défends dans le rapport l’idée d’un mix énergétique basé à 100 % sur les énergies renouvelables. Plusieurs scénarios envisagent la faisabilité de ce mix (NegaWatt, RTE, ADEME). Le recarénage et la construction de nouvelles centrales représentent des milliards d’euros qui pourraient être investis dans la recherche et la construction de nouvelles sources de production d’électricité : l’éolien onshore et offshore, le solaire, mais aussi la géothermie par exemple, les énergies marémotrices également. Autant de pistes qui sont écartées systématiquement par le gouvernement notamment. Pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables, nous pouvons compter sur l’hydraulique, mais aussi sur les avancées en matière de stockage d’électricité, ou sur le développement de l’hydrogène vert.
Je porte un regard plus critique que ma co-rapporteure sur le rôle du gaz dans la transition énergétique. Le gaz est une énergie fossile, donc par définition polluante. Le gaz n’est pas non plus produit sur le sol de l’Union européenne, et les quantités de biogaz sont bien insuffisantes pour jouer un rôle quelconque dans la transition. Je tiens également à signaler qu’outre la Norvège, les États-Unis sont un partenaire privilégié pour l’importation de gaz dans l’Union européenne. Je me suis rendue à Washington dans le cadre de mes travaux personnels sur cette mission : la plupart du gaz importé des États-Unis est issu du gaz de schiste, extrêmement polluant et dangereux pour la santé de ceux qui l’extraient. Le taux de cancer à Freeport au Texas est par exemple deux fois plus élevé que dans le reste de l’État. L’Europe ne peut pas prétendre lutter contre le changement climatique et la protection des droits, se tourner vers de nouvelles formes d’énergies vertes et ignorer les problématiques que pose l’extraction du gaz de schiste.
En conclusion, sortir le système électrique français de la concurrence est possible et nécessaire pour protéger l’économie européenne, l’économie française et enclencher les investissements à la transition énergétique entravés par la logique du marché. On peut et il faut apporter une réponse claire aux dysfonctionnements du marché, refonder un pôle public de l’électricité, seul capable de répondre aux enjeux économiques, écologiques et sociaux.
L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.
Mme Nicole Le Peih (RE). Le groupe Renaissance souhaite féliciter les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux qui vont nous éclairer sur les améliorations nécessaires pour élaborer une politique de l’énergie correspondant à valeurs et à nos objectifs. Le changement climatique et la dégradation de l’environnement constituent une menace existentielle tant pour l’Europe que pour le monde. Pour relever ces défis, l’Union européenne a vocation à favoriser l’émergence d’une économie efficace et compétitive dans l’utilisation de ces ressources.
L’une des propositions que vous avancez dans votre rapport pour atteindre une décarbonation du mix énergétique est l’adoption d’une véritable stratégie européenne de réduction intelligente et rationnelle de la consommation d’énergie. Pourriez-vous apporter des précisions sur l’adoption de cette stratégie et en préciser le calendrier ?
M. Thomas Menagé (RN). Permettez-moi, Monsieur le président, au nom du groupe Rassemblement national, de m’associer à vos mots de soutien au peuple israélien qui a été victime, ces derniers jours, d’attaques terroristes ignobles.
Pour revenir à la réforme du marché européen de l’électricité : il s’agit d’un engagement de Marine Le Pen depuis de nombreuses années et nous sommes contraints de discuter d’un système qui s’avère défaillant, tout le monde le sait.
Mme Boyer, vous affirmez dans le rapport que ce système aurait bien fonctionné durant la crise et aurait préservé le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Mes chers collègues de la majorité, je vous invite à ouvrir les yeux.
Où se trouve la protection de nos concitoyens quand leurs factures ont augmenté deux fois, de 15 % puis de 10 % en moins d’un an et que d’autres hausses sont déjà annoncées ? Où se trouve la protection de nos artisans, de nos boulangers, de nos bouchers, lorsqu’ils ont vu leur facture exploser, parfois multipliées par dix ? En plus d’accepter des hausses tarifaires complètement folles, l’État a dû débourser plus de 85 milliards d’euros pour limiter l’impact d’un mode de fixation des prix complètement dépassé.
À la fin qui paie ? Ce sont toujours les Français qui paient, ceux qui « bossent ».
Tous le savent, la France est un pays puissant, qui produit de l’électricité à bas prix, grâce à une filière nucléaire solide, même si celle-ci a connu des difficultés, filière qui contribue grandement à la sécurité énergétique du continent. Malgré un coût de production d’environ 60 euros du MWh selon les chiffres de la CRE que vous reprenez dans votre rapport, la France est l’otage d’un système qui l’oblige à racheter cette électricité deux à trois fois plus cher autour de 120 euros le MWh actuellement.
Les Français ont déjà payé pour des infrastructures efficaces, ils n’ont pas à payer pour les centrales à gaz allemandes ou pour les erreurs stratégiques de nos voisins d’outre-Rhin. Aucun pays au monde, aucun peuple au monde n’accepterait une telle situation. L’exception ibérique, en Espagne ou au Portugal, prouve qu’avec de la volonté politique, il est possible de reprendre le contrôle des prix afin de protéger le pouvoir d’achat de ces compatriotes sans mettre fin aux interconnexions. Dans votre rapport, vous proposez un mécanisme similaire de dérogation provisoire aux règles du marché européen de l’électricité, avec je cite, « la possibilité de recourir à un régime de crise ». Quelles sont les modalités d’application concrètes de ce régime de crise ? Plus globalement tant le président de la République que le Gouvernement ont réitéré dernièrement leur proposition de réformer ce marché européen de l’électricité en reprenant une proposition du Rassemblement national formulée depuis plusieurs années : que de temps et d’argent perdus !
À quelle échéance pourrons-nous obtenir une réforme du marché de l’électricité ? Pouvez-vous expliquer pourquoi le président de la République, M. Emmanuel Macron, n’a pas été capable, alors que la France présidait le Conseil de l’Union européenne, de mettre ce sujet à l’agenda de la présidence française ? Les réticences de l’Allemagne, qui tire grand profit de ce marché européen, en sont-elles les causes ?
M. Gabriel Amard (LFI - NUPES). Le marché européen de l’énergie est incapable d’assurer une stabilité des prix de l’électricité pour les entreprises comme pour les particuliers. Selon l’INSEE, le prix annuel moyen du MWh a augmenté de 45 % en 2022, pour atteindre 113 euros, après une hausse de 21 % l’année précédente. Le prix du MWh a ainsi presque doublé depuis 2020, où il atteignait 64 euros. De telles hausses des prix ont des conséquences majeures sur notre économie et sur le niveau de vie de nos concitoyens. Ces hausses des prix se répercutent sur les biens et services et contribuent à alimenter la spirale inflationniste qui ne nous lâche plus depuis deux ans. Nos concitoyens sont confrontés, dans ma circonscription comme dans le reste de la France, à des factures d’électricité exorbitantes. Les témoignages d’artisans, de commerçants, en particulier de boulangers pris à la gorge, se multiplient depuis plusieurs mois. L’Association des maires de France et l’ensemble des collectivités territoriales appellent à un retour des tarifs réglementés. Comme le rappelle la Cour des Comptes, dans son rapport de 2022 sur l’organisation des marchés de l’électricité, ceux qui ont mis en œuvre la libéralisation du marché de l’électricité pensaient que le libre jeu de la concurrence serait le plus à même de satisfaire la demande énergétique au moindre coût. Force est de constater, près de trente ans après, que soit ils avaient tort, soit ils mentaient. En définissant le prix de l’électricité par rapport à celui de la centrale la plus chère en Europe, nous nous condamnons à nous aligner sur le coût du gaz dont les prix sont très volatils et éloignés du coût de production de l’électricité.
Se référer à ce prix du marché n’a aucun intérêt, ni pour la rémunération des producteurs, ni pour la tarification des consommateurs. Il est plus qu’urgent de revenir à des tarifs réglementés, calculés en fonction du coût de production, avec une part réservée à l’investissement dans la planification écologique. Le coût de production de l’électricité en France étant bien inférieur à celui du marché européen, nous soulagerions ainsi le porte-monnaie de millions de consommateurs, de petites entreprises ainsi que le budget des collectivités territoriales. En même temps le producteur bénéficiera d’une visibilité à long terme et d’une stabilité des prix. Telle est la position que le groupe La France insoumise défend.
M. Frédéric Petit (Dem). Je vous remercie pour votre rapport, intéressant parce que contradictoire, qui met en évidence les différences que chacun porte, au nom du peuple français. Plus que l’aspect prix de l’électricité, ce qui m’intéresse est la question relative à la souveraineté énergétique, qui ne répond pas à la même temporalité. Au préalable, je souhaiterais apporter quelques précisions. Concernant la géothermie, source inépuisable d’énergie, elle ne fait pas d’électricité toute seule : une turbine est nécessaire. Toutefois, la géothermie permet d’économiser de l’énergie, notamment celle que nous gaspillons dans les locaux avec des réseaux de chaleur. J’ai senti une légère confusion entre électricité et énergie qu’il m’importait de rectifier.
Par ailleurs, le CO2 n’est pas un polluant, l’extraction de gaz de schiste l’est. Produire du CO2 n’est pas polluant, cela crée un effet de serre qu’il faut contrôler. Toutefois heureusement que nous produisons un peu de CO2 pour que les arbres puissent vivre ! Je m’attache à ce que l’on utilise les mots exacts lorsque nous sommes regardés par nos concitoyens.
Pour revenir au rapport, vous avez présenté une approche plutôt consensuelle sur la centralisation de la gestion des réseaux. Je suis assez surpris parce qu’une telle centralisation existe en France ! En effet, tous les réseaux sont gérés de manière centralisée, en France, excepté dans certains pays tel que l’Allemagne. En revanche, je sens une imprécision sur la notion d’interconnexion qui n’est pas une gestion centralisée des réseaux. À l’inverse, la gestion des interconnexions crée plutôt la pagaille.
Je suis en faveur d’une avancée à l’échelle européenne sur la gestion des réseaux, ce qui nécessitera des investissements car aujourd’hui le réseau allemand ne peut pas aider le réseau européen à travailler. Autre précision ce n’est pas le contribuable français qui paie l’électricité mais le consommateur. Soyons précis ! Je ne partage pas non plus votre analyse sur l’ensemble des scénarii à 100 % d’énergies renouvelables, présentés pour 2050 : ces scénarii ne sont pas complets car ils imposent un effort de recherche dont nous attendons encore les résultats !
Mme Marietta Karamanli (SOC). S’agissant des recommandations faites et des perspectives envisagées, le rapport présente deux versions différentes, ce qui apparaît adapté à la situation actuelle.
La directive RED III approuvée par le Parlement européen et le Conseil relève considérablement les objectifs de l’Union européenne initialement prévus en matière d’énergies renouvelables, en exigeant que 42,5 % de l’énergie de l’Union européenne soit d’origine renouvelable d’ici 2030. La part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l’Union européenne s’élevant actuellement à 22,1 %, cela signifie qu’il faudra pratiquement doubler cette part d’ici 2030, principalement en augmentant la capacité de production d’énergies éoliennes et solaires.
La France bénéficie d’une dérogation permettant aux pays disposant d’un bouquet d’électricité décarbonée, notamment grâce au nucléaire, de satisfaire à des exigences moindres en matière d’hydrogène renouvelable. Plusieurs États ont fait valoir que cela amoindrirait le développement des énergies renouvelables solaires et éoliennes. Il y a donc une difficulté à débrancher le système énergétique actuel dans une optique de transition, et les avantages longtemps donnés à la supériorité du système français par son nucléaire ont été mis à mal ces dernières années.
De façon constructive, je pense que nous pourrions soutenir trois éléments. D’abord, la création d’une communauté d’experts européens sur le coût de la décarbonation et la prise en compte des effets et des coûts du nucléaire sur la biodiversité et la santé. Ensuite, la détermination consensuelle de ressources énergétiques durables permettant de mieux articuler décarbonisation et énergies réellement renouvelables. Enfin, faire en sorte que l’enjeu du traitement des filières industrielles des énergies puisse être un élément de réflexion et d’évaluation pris en compte dans les analyses.
S’agissant du prix de l’énergie et de la sécurité de l’approvisionnement, comment nos principaux voisins européens voient-ils l’évolution pour leurs consommateurs et leur souveraineté ? Cela nous permettrait d’avoir un point de positionnement des autres États.
Mme Félicie Gérard (HOR). Comme vous l’avez rappelé et comme l’indique la nouvelle directive sur les énergies renouvelables, ainsi que le plan « Repower EU », il s’agit de développer massivement les énergies renouvelables pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % à l’horizon 2030. Cela ne peut se faire aux dépens des installations nucléaires existantes, qui garantissent une énergie décarbonée et pilotable, tout aussi essentielle pour préserver notre souveraineté énergétique.
Vous l’avez souligné dans votre rapport, la position de la Commission européenne sur le sujet ne va pas dans le sens de l’intégration du nucléaire dans le mix, puisqu’il est le grand absent du plan Fit for 55, paquet de 13 propositions législatives publié par la Commission européenne en juillet 2021 et proposant des actions concrètes pour accomplir les objectifs de l’Union européenne de réduction des gaz à effet de serre de 55 % au moins en 2030 par rapport à 1990.
Pensez-vous que l’énergie nucléaire est essentielle à l’autonomie stratégique de l’Europe en matière énergétique ? Si oui, comment convaincre nos homologues, et particulièrement nos amis allemands, d’aller dans ce sens ?
M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’aurais quatre remarques. D’abord, la réforme du marché européen de l’électricité conduit par la Commission européenne ne constitue qu’un approfondissement des outils de marché pour essayer de pallier les défaillances du marché, si cher aux adeptes du néolibéralisme. Les nouvelles règles ne s’attaquent pas au fond du problème, qui est l’indispensable décorrélation des prix de l’électricité de celui des combustibles fossiles et du gaz. Aucune garantie sérieuse n’est apportée sur ce point. Ce doit être la première ligne rouge de la France dans cette réforme.
Deuxième remarque. Il n’est pas acceptable que cette réforme se transforme en outil déguisé pour couvrir des choix d’investissement passés qui ont contribué à accroître notre dépendance aux fossiles. Les Européens et les Français n’ont pas à compenser les errements énergétiques et géopolitiques de l’Allemagne comme d’autres partenaires européens, qui se sont littéralement vautrés dans la frénésie gazière. C’est une deuxième ligne rouge.
Troisième remarque. La priorité en termes d’investissement doit être donnée au renforcement des capacités des États à sécuriser, maîtriser et décarboner leurs propres systèmes électriques. À ce titre, l’incontournable énergie nucléaire doit impérativement pouvoir bénéficier des mêmes mesures de soutien que les énergies renouvelables, en particulier pour les outils de financement de long terme qui pourraient être mis en place pour favoriser la transition énergétique et la neutralité carbone. Nous avons impérativement besoin de sécuriser les outils de production décarbonés et, surtout, pilotables. C’est une troisième ligne rouge, sur laquelle la France ne peut transiger.
Quatrième remarque. La France doit définir elle-même, au plus vite, les modalités les plus efficaces pour répondre aux enjeux de sa propre souveraineté énergétique, sans attendre que la Commission européenne ou que les pressions d’autres États et des requins de la rente électrique ne dictent leurs conditions. Le travail d’analyse et de proposition parlementaire n’a jamais été aussi fourni : commission d’enquête parlementaire sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, mission d’information sénatoriale sur les conditions d’utilisation de l’ARENH (accès régulé à l’énergie nucléaire historique), le rapport d’information qui nous est présenté aujourd’hui, etc. Il est temps de sortir du scandale d’État de l’ARENH avec une sécurisation des investissements durables d’EDF, un renforcement des sanctions, voire l’interdiction d’activités des opérateurs opportunistes sans foi ni loi.
La priorité doit-elle être de maintenir artificiellement des opérateurs commerciaux qui spéculent sur le dos des usagers et d’EDF ou de reconstruire un vrai service public unifié de l’électricité autour d’EDF désormais renationalisé ? La priorité doit-elle être d’entretenir une concurrence factice et la spéculation sur la rente électrique, ou d’assurer des prix réglementés pour tous couvrant des vrais coûts de production d’EDF ?
Mme Pascale Boyer, rapporteure. Pour répondre à Mme Le Peih, la directive relative à l’efficacité énergétique a objectif de diminuer de 11,7 % la consommation finale d’énergie à l’horizon 2030. Chaque État pourra devra soumettre un plan de réduction de la consommation à la Commission, qui rendra un avis sur ce document.
En ce qui concerne la question de M. Ménagé, l’aide aux consommateurs pour 2022 en ce qui concerne le gaz a été de 6,7 milliards d’euros, et, s’agissant de l’électricité, de 18,2 milliards d’euros. Pour l’année 2023, l’aide en ce qui concerne le gaz a été de 2,3 milliards d’euros et, pour l’électricité, de 29,3 milliards d’euros. Au total, en 2022, les mesures de protection nous ont coûté environ 43 milliards d’euros, et, en 2023, 45 milliards d’euros. Effectivement, cela se rapproche de 85 milliards d’euros.
Néanmoins, le choix du gouvernement a été de protéger tous les Français. Si l’on avait appliqué une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), nous n’aurions pas protégé tous les Français, mais nous aurions protégé les fournisseurs. Je pense qu’il était tout de même plus important, plus intéressant et plus judicieux de protéger tous les Français, sans condition de baisse de consommation, et de protéger davantage les personnes les plus précaires avec le chèque énergie. Je pense qu’il est difficile de dire que le gouvernement français, à l’époque, n’a pas protégé les Français et qu’il a permis la multiplication par dix des factures. Nous sommes l’État membre qui a été quasiment le plus protecteur pour le pouvoir d’achat des Français. Il est donc difficile d’admettre qu’aucune mesure sur les prix n’a été adoptée. Il y a justement eu une moindre augmentation de l’inflation grâce à toutes les mesures gouvernementales qui ont été prises, non seulement sur l’énergie mais aussi sur tous les produits hors énergie. Nous avons préservé le pouvoir d’achat des Français et nous continuons à le préserver.
En ce qui concerne le futur de la protection des consommateurs, nous souhaitons que les contrats à long terme Power Purchase Agreement (PPA) et contrats pour la différence (CFD) puissent garantir les prix sur plusieurs années. Le gouvernement, et en premier lieu la Ministre de la transition énergétique, travaille actuellement au Conseil pour définir le périmètre de ces contrats à long terme.
Pour répondre à la question sur le calendrier, un Conseil aura lieu le 17 octobre. En cas d’accord, un trilogue débutera dès le 19 octobre au matin. Tout le monde partage la volonté d’aller vite pour mettre en œuvre des mesures qui permettront de protéger les consommateurs et de garantir l’approvisionnement de notre énergie. Cela nous permettrait dans le même temps de ne pas avoir à ajuster en dernière minute les budgets des États membres.
Concernant les contrats pour la différence, la France veut que la redistribution des contrats soit uniforme et concerne autant les particuliers que les industries. Il y a là un désaccord avec d’autres États membres, dont l’Allemagne, qui souhaiterait avoir le choix de la redistribution des recettes liées à ces contrats. Cela mettrait en danger l’économie française du fait d’une distorsion de la concurrence. La ministre de la transition énergétique s’implique dans les négociations européennes pour préserver les intérêts de la France.
Sur le régime de crise, en cas d’envolée des prix, la proposition de règlement permet de recourir à des tarifs réglementés. Notre recommandation, formulée par Mme Oziol et moi-même, est de permettre à chaque État membre de déclencher ce régime de crise. Le déclenchement du régime de crise ne serait alors pas laissé aux seules mains de la Commission européenne.
En ce qui concerne la question de M. Frédéric Petit relative à la géothermie, un rapport d’initiative parlementaire est en cours d’élaboration au Parlement européen. Concernant les réseaux et les investissements, il nous faut investir massivement dans les réseaux et promouvoir l’interconnexion. Il nous faut rester dans le cadre européen, et pour cela, il nous faut prendre part aux négociations concernant les réformes du marché énergétique et renforcer dans le même temps notre réseau de transport de l’électricité. L’enjeu de l’interconnexion et du renforcement des réseaux est fréquemment ressorti dans les auditions que nous avons menées. C’est un enjeu perceptible au niveau national, notamment dans les territoires ruraux, mais aussi au niveau européen. Ce réseau interconnecté a d’ailleurs permis pendant la crise énergétique de garantir l’approvisionnement de tous les États membres en énergie.
Pour répondre à Mme Karamanli, on peut distinguer deux groupes d’États membres au sein de l’Union. Le premier groupe comporte des États membres favorables à l’énergie nucléaire. Le deuxième comporte les États membres favorables aux énergies renouvelables. La France fait partie de ces deux groupes. Il y a de fortes divergences entre l’Allemagne et la France sur le sujet, et il y a ici un enjeu de compétitivité de l’économie française. En effet, comme dit précédemment, l’Allemagne souhaite conserver le choix de la redistribution des recettes liées notamment aux contrats à long terme pour éventuellement ne redistribuer que sur son économie, là où la France défend la possibilité de redistribuer les recettes à tous les consommateurs, qu’ils soient des particuliers, des entreprises ou des collectivités territoriales.
Concernant la question de Mme Gérard, nous souhaitons, dans notre mix énergétique et pour atteindre les objectifs que l’Union s’est fixé, avoir un moyen de production qui permette un mix énergétique stable, avec une garantie d’approvisionnement en électricité. Le nucléaire permet cela, même si nous reconnaissons les soucis relatifs à la corrosion sous contrainte rencontrés en octobre 2022 sur certains réacteurs. Le nucléaire est une énergie bas carbone, peu coûteuse, et qui permet une production stable, notamment par rapport aux renouvelables soumis à des conditions climatiques. Je remarque par ailleurs que l’hydroélectricité est la seule énergie renouvelable à permettre un stockage de l’électricité de grande ampleur.
On peut regretter que le nucléaire n’ait pas fait l’objet d’un texte spécifique dans le cadre du paquet Fit for 55. Au niveau du Conseil, des discussions concernant les possibilités de financement des opérations d’augmentation de la production des centrales existantes.
Finalement, pour répondre à M. Chassaigne, je pense que sortir du marché européen nous limiterait dans notre capacité à faire face à une crise comme celle de 2022. Les temps ont changé et le marché de l’électricité ne fonctionne plus de la même manière qu’il y a plusieurs décennies. Il ressort des discussions avec nos partenaires et de l’actualité malheureusement désastreuse, que rester uni sur des politiques régaliennes comme l’énergie nous coûterait certainement plus cher que ce que cela nous rapporterait. Sortir du marché européen pourrait satisfaire certains d’entre nous, mais ne protégerait pas les Français, ne protégerait pas l’approvisionnement énergétique du pays.
Mme Nathalie Oziol, rapporteure. Mes éléments de réponse seront souvent différents de ceux qui viennent d’être donnés par ma co-rapporteure.
Concernant la trajectoire de réduction de la consommation d’énergie, on peut estimer que l’on pourrait être plus ambitieux que l’objectif de réduction de 11,7 % de la consommation d’ici à 2030 prévue par les textes. Les différents débats que l’on a eus à l’Assemblée nationale ont exploré des voies de réduction de la consommation d’énergie, par exemple, par la rénovation énergétique des bâtiments, chiffrée à 12 milliards d’euros : un amendement au projet de loi de finances 2023 avait été adopté pour ce financement. De même, notre proposition d’amendement sur la politique de transport, que je trouve insuffisante, avait été adoptée pour un montant de 3 milliards d’euros. Ces deux mesures ont finalement été exclues du fait des modalités d’adoption du projet de loi de finances de l’an passé.
Par ailleurs, les investissements des industriels pour électrifier les usages nécessitent une incitation permise par une visibilité sur les prix. La capacité de tous les consommateurs comme des producteurs à investir en faveur de la réduction de la consommation, en faveur de la décarbonation, passe par une meilleure visibilité sur les prix.
Plusieurs allusions ont été faites à la nécessité de revenir à un tarif réglementé. J’appuie notamment la remarque de M. Amard sur le sujet. Le retour à un tarif réglementé est une nécessité pour atteindre les trois objectifs que j’ai mentionnés précédemment, à savoir le recouvrement des coûts de production, la visibilité sur les prix, et l’équité de traitement entre les consommateurs. Je ne pense pas que les mécanismes de protection qui ont été mis en place en France soient suffisants ou satisfaisants, dans la mesure où des commerces mettent encore la clef sous la porte, des industries se délocalisent encore, et des consommateurs continuent à alerter, notamment des députés, sur la hausse de leurs factures d’électricité. Mais pour faire mieux, il nous faut faire des arbitrages, qui sont économiques, écologiques et sociaux. Il y a des questions à se poser, notamment sur le financement des mesures, et ces questions doivent être tranchées par un débat public.
Pour répondre à M. Petit, Mme. Marina Mesure est en charge d’un travail sur la géothermie au Parlement européen, puisqu’elle a été nommée rapporteure sur le déploiement de la géothermie en Europe pour le groupe The Left. Ce secteur a manqué d’investissement, puisqu’il n’a pas été jugé assez rentable par les acteurs privés notamment. Si l’on veut pouvoir connaître la faisabilité et la rentabilité de la géothermie, il nous faut investir dans le domaine, ce qui nécessite un choix politique.
Il y a eu plusieurs questions sur la manière de coordonner l’action de la France avec les autres États membres, et notamment l’Allemagne. Il est clair que les avis et les choix divergent entre les différents États membres. La critique du marché s’étend à un nombre croissant d’États, et la défense de ce dernier se resserre de plus en plus autour de l’Allemagne, du gouvernement français et de certains autres pays.
Par ailleurs, les interconnexions entre réseaux existaient avant la naissance du marché européen. Il est tout à fait envisageable que la France, par exemple, choisisse un autre système que le marché, puisqu’EDF fonctionnait déjà en interconnexion avec d’autres pays européens avant la libéralisation. L’exploitant public français interviendrait alors comme n’importe quel acteur dans ce système européen. Les volumes d’échange d’électricité continueraient à être payés au prix de marché, mais l’impact d’une solution avec un pilotage public serait une amélioration du programme d’appel français et européen par le regroupement de producteurs multiples au sein d’un même acteur public. Cela permettrait une meilleure coordination à l’échelle française et à l’échelle européenne.
Certains voudraient persuader d’autres pays d’utiliser le nucléaire. Même en France, le débat de l’usage du nucléaire n’est pas tranché. On ne peut pas ignorer les voix qui s’élèvent pour dire qu’il est temps de passer à une autre énergie. Reconnaître cela ne nous empêche pas de souligner que le nucléaire a permis à la France d’atteindre une certaine souveraineté, et qu’il a été une force de production essentielle pour le développement de l’économie française. Mais si nous avons été capables d’entrer dans une force aussi dynamique, nous devons être capables aussi d’inventer autre chose. Par ailleurs, on ne peut pas balayer d’un revers de main les débats qui existent sur la façon dont on traite les déchets nucléaires. Personne ne sait traiter ces déchets, et personne ne souhaite vivre avec des déchets nucléaires sous son sol, comme le montrent les protestations à Bure. Il nous faut savoir proposer d’autres solutions, et nous ne sommes pas obligés de rester enfermés dans un unique modèle, qui a certes été puissant, mais qui suscite des critiques. Même si l’insécurité nucléaire est rare, cette rareté ne doit pas justifier la fin du débat sur la nécessité de passer à autre chose.
Pour conclure, sur la sortie du marché, je voudrais souligner que La France Insoumise est la seule à proposer des scénarios alternatifs, à donner des pistes et à émettre des critiques. Dans toutes les auditions que nous avons faites et dans les éléments mis en avant dans cette commission, il n’y a jamais d’argumentation sur les raisons d’un maintien dans le marché. Il n’y a pas d’argument solide montrant que cela permet d’apporter des solutions. On ne peut pas rester face au constat de dysfonctionnement du marché comme si de rien n’était, puisqu’il en va de la vie de nos concitoyens. Nous avons l’impression de faire face à une idéologie aveugle, dans le déni de ce qui se passe. Nous proposons un autre modèle, mais il n’y a jamais d’autres solutions concrètes où de contre-arguments solides apportés à ce que nous développons.
Mme. Yaël Menache (RN). Ce rapport ressemble à un timide commencement de prise de conscience que le marché de l’électricité, tel qu’il est conçu par l’Union européenne, est incohérent, et s’adosse principalement aux capacités de production de la France tout en lui nuisant et en nuisant aux Français. Je partage nombre de réserves que Mesdames les rapporteures apportent vis-à-vis de l’ARENH. Cependant, les perspectives envisagées par l’Union européenne sont frappées par une politique obsessionnelle du recours à l’accélération du développement de l’énergie produite par les énergies renouvelables. Ma question est donc double : quels sont les engagements qui peuvent être pris pour stopper le mécanisme actuel de l’ARENH et le réorienter vers l’intérêt de la France et des Français ? Par ailleurs, avez-vous l’intention d’amender cette obsession pour le recours aux installations d’éoliennes intermittentes et nuisibles à une distribution stable de l’électricité ?
M. Frédéric Petit (Dem). Au sujet de l’arrivée du marché sur les réseaux, cela a causé de nombreux problèmes. Aujourd’hui, on ne peut pas à la fois appeler à une gestion européenne centralisée des réseaux, et à la fois demander dans chaque endroit de ces réseaux un mécanisme de prix qui sera complètement indépendant et autonome. Le fait de demander plus d’interconnexions et une gestion du réseau intelligente au niveau européen, nécessite que nous ayons des mécanismes de prix communs.
Mme France Jamet, membre du Parlement européen (ID). Les failles du marché européen de l’énergie n’ont pas été révélées par la crise russo-ukrainienne. En une décennie, les prix de l’électricité avaient déjà augmenté de 50 %. Dans cette réforme, rien n’est fait pour remettre en cause le mécanisme de fixation des prix, puisque Berlin s’y oppose. Aucune piste non plus pour mettre fin à la concurrence totalement artificielle et faussée, car la Commission de Bruxelles s’y oppose. Je voudrais rappeler plusieurs points. Premièrement, la réforme du marché et l’intégration électrique n’ont absolument pas rien à voir : l’une est politique et l’autre est logistique. Deuxièmement, il faut réviser le mécanisme de fixation des prix car les Français ne paient pas le vrai prix de l’électricité. Troisièmement, je vous rappelle que pour défendre réellement nos intérêts, ceux de la France et ceux des Français, il faudrait déjà commencer par les défendre au niveau européen. Tous les partis politiques à Bruxelles ont voté pour les textes qui excluaient le nucléaire. Je vous appelle à faire des actions positives pour défendre le nucléaire, notre souveraineté, les Français et la France d’abord.
Mme Nathalie Oziol, rapporteure. Sur la question de l’ARENH, le retour à un tarif réglementé résoudrait le problème et les constats qui ont été faits sur l’ARENH. Notre engagement c’est de revenir à un tarif réglementé pour tous et par une production publique. Autrement dit, revenir à la propriété publique des moyens de production. Par ailleurs, dans les scénarios envisagés par RTE, comme la bifurcation vers du 100 % renouvelables, on se passe du nucléaire, ce qui prouve que c’est réalisable. Ce scénario permet notamment d’avoir en une visibilité sur les prix.
Mme Pascale Boyer, rapporteure. En ce qui concerne la question de l’ARENH, il y a des négociations pour réévaluer l’ARENH, ce qui correspondrait à l’équivalent de contrats à long terme. Cet ARENH serait réévalué entre 60 et 70 euros le mégawatt, ce qui permettrait d’avoir un réajustement pour l’entreprise EDF.
En ce qui concerne l’implantation des éoliennes, nous avons voté une loi sur l’accélération des énergies renouvelables qui permet aussi de définir des zones d’accélération avec des concertations avec la population, avec une implication des élus locaux dans le lieu choix des implantations des énergies renouvelables, en parallèle de la participation citoyenne. Je vous amène à vous référer à la loi d’accélération des énergies renouvelables en ce qui concerne l’implantation des éoliennes sur notre territoire.
Effectivement, Monsieur Petit, on ne peut pas dire d’un côté qu’on veut développer l’interconnection des réseaux et rester connecter au réseau et de l’autre vouloir faire ce qui nous plaît avec les prix du marché. À un moment donné il faut trancher et c’est ce que l’État français à fait : on reste connectés au réseau et on reste en même temps, connectés au marché.
En ce qui concerne le prix que les Français doivent payer, ils payeront le vrai prix avec les contrats pour la différence puisqu’il y aura un prix plafond qui permettra une redistribution aux consommateurs si le prix de marché est plus élevé. À l’inverse, si le prix de marché est plus faible que le prix plancher, l’État reversera la différence au producteur. On ne peut donc pas trouver un moyen plus protecteur pour les consommateurs français que ce type de contrats.
En ce qui concerne les PPA, ce sont des contrats de gré à gré entre une entreprise et un producteur. Ce dont besoin les entreprises ont besoin, c’est de la prévisibilité sur du long terme. Donc avec des contrats d’une durée de 5 ans, les entreprises connaîtront à l’avance le prix de leur énergie, et ne seront pas soumises à ces fluctuations que nous avons connues, notamment à l’automne dernier.
Concernant le nucléaire, nous allons avoir une augmentation des besoins en électrification. Nous avons dans ce mix énergétique une grande part d’énergies renouvelables, mais on le sait tous, les énergies renouvelables ne pourront pas assumer tous les besoins en électrification que nous aurons. Avec le nucléaire, nous avons un moyen décarboné et qui a un coût de production raisonnable. Oui il y a des déchets, mais en même temps je pense que les déchets nucléaires sont les déchets les mieux traités, et les nouvelles technologies vont permettre de les valoriser.
Quand on voit le Japon qui revient sur sa décision de fermer ses centrales et qui est en cours de réflexion pour relancer le nucléaire sur son territoire, il y a des questions à se poser quand on ne dit qu’il ne faut pas de nucléaire dans notre mix énergétique.
En ce qui concerne le biogaz, il servira dans la transition énergétique de notre pays, et je pense que l’hydrogène aura également toute sa place dans cette transition énergétique.
Enfin, je tiens à souligner qu’au Parlement européen, les eurodéputés du groupe ID n’ont pas voté la directive sur les énergies renouvelables RED III, n’ont pas voté la directive sur l’organisation du marché de l’électricité de l’Union ou se sont abstenus, n’ont pas voté la directive sur les carburants durables pour l’aviation, n’ont pas voté la directive sur l’utilisation des carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime, n’ont pas voté ou se sont abstenus sur le déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs. Ils n’ont pas voté pour la directive sur l’efficacité énergétique, ils n’ont pas voté pour la refonte de la directive performance énergétique des bâtiments, ils n’ont pas voté pour la réduction des émissions de méthane dans le secteur de l’énergie, ils n’ont pas voté pour certains chapitres du plan RePowerEU, des plans pour la reprise et la résilience. Et je vous passe le volet sur les industries. Donc nous n’avons pas de leçons à recevoir.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je regrette de devoir quitter la réunion de la commission car se déroule au même moment un débat et un vote important en séance publique sur l’article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique. Je demande donc une suspension de la réunion de commission, le temps du débat en séance.
M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Je vous rappelle que la commission des affaires européennes est une commission non permanente qui se réunit lorsque cela est possible. Je ne peux malheureusement pas suspendre la réunion compte tenu des contraintes des rapporteurs.
Mme France Jamet (ID). Je tenais simplement à rappeler que dans le contexte inflationniste actuel, nous votons contre tout ce qui remet en question notre filière nucléaire et qui fragilise le pouvoir d’achat.
La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
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annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteures
En France
Administrations
Ministère de la transition énergétique :
M. Pierre Jeremie, directeur adjoint du cabinet de la ministre ;
M. Quentin Tardiveau, conseiller réforme des marchés de l’électricité et filière nucléaire ;
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France
M. Pierre Janiszewski, conseiller énergie et sobriété du ministre délégué chargé de l’industrie ;
Mme Agathe Bonnin, conseillère parlementaire du ministre délégué chargé de l’industrie ;
Conseil économique, social et environnemental :
M. Sylvain Boucherand, président de la commission environnement ;
Mme Claire Bordenave, membre de la commission environnement ;
Mme Claire Tutenuit, membre de la commission environnement ;
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
M. Ludovic Butel, secrétaire général adjoint ;
M. Aodren Munoz, chargé de relations institutionnelles ;
Secrétariat général aux affaires européennes :
M. Ludovic Butel, secrétaire général adjoint ;
M. François Gibelli, chef du pôle environnement-énergie ;
M. David Michel, adjoint à la cheffe du bureau Parlements ;
Entreprises
Electricité de France (EDF)
M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques ;
M. Florent Jourde, conseiller marchés de l’énergie à la direction des affaires européennes ;
Réseau de transport d’électricité (RTE)
M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation ;
Mme Coline Assaiante, conseillère du directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation ;
Engie
Mme Claire Waysand, secrétaire générale ;
M. Guillaume Gillet, responsable des affaires publiques ;
Gaz réseau distribution France (GRDF)
Mme Catherine Leboul-Proust, directrice de la stratégie ;
M. Jean-François Béligon, chef de projet stratégie et relations parlementaires ;
Total Energies :
Mme Gabrielle Gauthey, directrice des affaires publiques européennes ;
M. Laurent-René Wolffsheim, vice-président en charge de la stratégie dans le département gaz et renouvelables ;
Associations
UFC Que Choisir ? :
Mme Lucile Buisson, chargée de mission énergie, transports et environnement ;
Mme Mélissa Chevillard, chargée de mission relations institutionnelles ;
M. Benjamin Recher, chargé de mission relations institutionnelles France ;
Négawatt :
Mme Hélène Gassin, présidente ;
Think-tanks :
Institut d’économie pour le climat (I4CE) :
M. Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe ;
Institut du développement durable et des relations internationales
M. Andreas Rüdinger, coordinateur Transition énergétique France ;
Institut Jacques Delors
M. Phuc-Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques de l’énergie européenne et française au Centre énergie ;
The Shift Project
M. Matthieu Auzanneau, directeur général ;
Syndicats :
Mme Sandrine Lhenry, administratrice-salariée du syndicat FNEM FO ;
M. Christophe Béguinet, chargé de mission énergie CFDT ;
M. Julien Lambert, porte-parole de la fédération syndicale SUD-Energie
Experts :
M. Xavier Jaravel, professeur associé d’économie à la London School of Economics et membre du Conseil d’analyse économique ;
M. Cédric Tellenne, professeur de géopolitique ;
M. Marc Endeweld, journaliste indépendant ;
Mme Anne Debrégeas, ingénieure de recherche chez EDF, porte-parole de la fédération syndicale SUD-Energie
Déplacement à Bruxelles
Parlement européen :
M. Nicolás González Casares, rapporteur (S&D) de la proposition de règlement sur la réforme du marché de l’électricité ;
Mme Marina Mesure, rapporteure fictive (La Gauche) de la proposition de règlement sur la réforme du marché de l’électricité ;
M. Christophe Grudler, rapporteur fictif (Renew) de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) ;
Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne :
Mme Léa Boudinet, conseillère chargée de la politique de l’énergie ;
Cabinet de la commissaire à l’énergie :
M. Thor-Sten Vertmann, conseiller au cabinet de la commissaire à l’énergie, en charge de la réforme du marché de l’électricité ;
M. Ruud Kempener, conseiller au cabinet de la commissaire à l’énergie, en charge des marchés du gaz et de l’hydrogène ;
Direction générale de l’énergie de la Commission européenne :
Mme Catharina Sikow-Magny, directrice chargée de la coordination de la transition juste et de l’énergie verte ;
Mme Anne Radermecker, unité chargée du marché intérieur de l’énergie ;
Mme Mathilde Lallemand Dupuy, unité chargée du marché intérieur de l’énergie ;
M. Matthieu Ballu, unité chargée de la politique d’intégration des énergies renouvelables et des systèmes énergétiques ;
M. Rémi Mayet, unité chargée de la sûreté énergétique et de la sécurité ;
M. Miguel Gil Tertre, unité chargée de la politique énergétique (stratégie et coordination) ;
M. Andreas Zucker, unité chargée de la politique énergétique (stratégie et coodination) ;
Direction générale de l’action climatique de la Commission européenne
M. Alexandre Paquot, directeur chargé des innovations pour une économie résiliente et à faibles émissions de carbone ;
Climate Action Network
Mme Marta Anczewska, unité politique énergétique ;
Mme Esther Bollendorff, unité politique énergétique
Fédération des énergies renouvelables (EDORA)
Mme Eric Monami, conseiller énergie
Déplacement à Oslo
Parlement norvégien, Storting :
M. Wilfred Nordlund, président de la commission du commerce et de l’industrie ;
Equinor :
Mme Hélène Pierrelée ;
Mme Natalja Altermark ;
M. Benoît Courtes ;
M. Alexis Darquin ;
Experts :
Mme Catherine Banet, professeure, cheffe du Département juridique Energie et Ressources ;
([1]) Votre rapporteure Mme Nathalie Oziol tient néanmoins à rappeler que les échanges physiques internationaux avaient déjà lieu avant l’ouverture à la concurrence.
([2]) Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE et directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE
([3]) Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE et directive 2003/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE
([4]) Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat
([5]) Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE
([6]) Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité
([7]) Rapport pour avis n° 3360 sur le projet de loi de finances pour 2021, Tome VII, Écologie, développement et mobilité durables – Énergie de Mme Marie-Noëlle Battistel
([8]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession
([9]) Plaidoyer de la CLCV pour un retour au monopole, publié le 10 mars 2021
([10]) Rapport 2022 du médiateur national de l’énergie, publié le 30 mai 2023
([11]) Cour des comptes, référé, L’évaluation de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, 2017
([12]) Réponses écrites de la commission de régulation de l’énergie au questionnaire de vos rapporteures
([13]) Insee Première, n° 1952, juin 2023
([14]) Working Paper de La Fabrique de l’industrie en collaboration avec le cabinet Olivier Wyman, Emplois industriels menacés par la crise énergétique, le MACF et l’IRA : une estimation
([15]) Réponses fournies par EDF au questionnaire de vos rapporteures
([16]) Règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »)
([17]) Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables
([18]) Directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE)2023/955 (refonte)
([19]) Directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023, modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union
([20]) Proposition de directive du Conseil restructurant le cadre de l’Union de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (refonte) COM(2021)563 final
([21]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments COM(2021)802 final
([22]) Haut Conseil pour le Climat, rapport annuel 2023 « Acter l’urgence, engager les moyens)
([23]) Communication de la Commission européenne du 13 octobre 2021 sur les prix de l’énergie
([24]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen et au Comité des régions du 18 mai 2023 sur le plan RePowerEU, COM(2022)230 final
([25]) Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) n° 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz
([26]) Règlement (UE) 2022/1369 du Conseil du 5 août 2022 relatif à des mesures coordonnées de réduction de la demande de gaz
([27]) Règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2022/1369 en ce qui concerne la prolongation de la période de réduction de la demande pour les mesures de réduction de la demande de gaz et le renforcement de l’établissement de rapports sur la mise en œuvre de ces mesures et du suivi de cette mise en œuvre
([28]) Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie
([29]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation des mesures d’urgence face à la crise de l’énergie, 5 juin 2023
([30]) Règlement (UE) 2022/2578 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un mécanisme de correction du marché afin de protéger les citoyens de l’Union et l’économie contre des prix excessivement élevés
([31]) L’indice TTF ou « Title Transfer Facility » fait référence à un marché virtuel basé aux Pays-Bas sur lequel des producteurs nationaux et internationaux, des sociétés de stockage et des distributeurs s’échangent du gaz.
([32]) Conseil d’analyse économique, note n° 76, Le triple défi de la réforme du marché européen de l’énergie, mars 2023
([33]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union – COM(2023)148 final
([34]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE)1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d’améliorer la protection de l’Union contre la manipulation du marché de gros de l’électricité – COM (2023)147 final
([35]) Schlömer S., T. Bruckner, L. Fulton, E. Hertwich, A. McKinnon, D. Perczyk, J. Roy, R. Schaeffer, R. Sims, P. Smith, and R. Wiser, 2014 : Annex III : Technology-specific cost and performance parameters. In: Climate Change 2014 : Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Edenhofer, O., R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, E. Farahani, S. Kadner, K. Seyboth, A. Adler, I. Baum, S. Brunner, P. Eickemeier, B. Kriemann, J. Savolainen, S. Schlömer, C. von Stechow, T. Zwickel and J.C. Minx (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.
([36]) Bilan prévisionnel 2023 : point d’étape - Enseignements de la consultation publique et des travaux préliminaire, RTE, juin 203
([37]) Bilan prévisionnel 2023-2035 : RTE éclaire les défis de la grande bascule vers une société décarbonée – 19 septembre 2023
([38]) Louisiana 2021, Green Gas Inventory, LSU Center for energy Studies, octobre 2021
([39]) Enquête Libération-Disclose, Le scandale du gaz de schiste américain que Total importe en France, 26 septembre 2023
([40]) Infographie – D’où provient le gaz de l’UE ? – Site internet du Conseil
([41]) Rapport annuel 2021 de l’agence européenne d’approvisionnement Euratom
([42]) Rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur la révision des interventions d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, en application du règlement du Conseil (UE) 2022/1854
([43]) Plan de sobriété énergétique – acte II, 20 juin 2023
([44]) Conseil d’analyse économique, note n°76, Le triple défi de la réforme du marché européen de l’énergie, mars 2023
([45]) Directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE)2023/955 (refonte)
([46]) Plan de sobriété énergétique – acte II, 20 juin 2023
([47]) Bilan prévisionnel 2023-2035 : RTE éclaire les défis de la grande bascule vers une société décarbonée – 19 septembre 2023
([48]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments COM(2021)802 final
([49]) Note IEA-ECBE-EIB – High Level International Conference – Ensuring an Orderly Energy transition – 29 septembre 2023
([50]) Bilan prévisionnel 2023-2035 : RTE éclaire les défis de la grande bascule vers une société décarbonée – 19 septembre 2023
([51]) Rapport Futurs énergétiques 2050, RTE, octobre 2021
([52]) Réponses écrites de Négawatt au questionnaire de vos rapporteures
([53]) Assemblée nationale, résolution européenne n° 120 relative à l’énergie nucléaire comme enjeu pour la décarbonation du mix énergétique européen
([54]) Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables
([55]) Assemblée nationale – Rapport n°443 portant observations sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
([56]) Loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
([57]) Assemblée nationale – Rapport n°443 portant observations sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
([58]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union – COM(2023)148 final
([59]) Audition de Mme Anne Debrégeas, ingénieure de recherche EDF
([60]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE)1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d’améliorer la protection de l’Union contre la manipulation du marché de gros de l’électricité – COM (2023)147 final
([61]) Jean-Philippe Pons-Henry, Emma George Weber, Quentin Vreulx, Révision du règlement REMIT : quel droit commun des abus de marché ? Bulletin Joly Bourse n°05 du 30 septembre 2023
([62]) Bilan prévisionnel 2023-2035 : RTE éclaire les défis de la grande bascule vers une société décarbonée – 19 septembre 2023
([63]) Synthèse du rapport de la CRE sur le coût de production du parc nucléaire existant d’EDF
([64]) Contribution écrite adressée à vos rapporteures par EDF
([65]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Une stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre – COM (2020) 301 final