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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
portant observations sur le projet de loi d'orientation
pour la souveraineté en matière agricole
et le renouvellement des générations en agriculture
(n° 2436),
ET PRÉSENTÉ
PAR Mme AurÉlie TROUVÉ,
Députée
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La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice‑présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. David AMIEL, Fabien Di FILIPO, Grégoire de FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mme Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mmes Brigitte KLINKERT, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, MM. Christophe PLASSARD, Jean-Pierre PONT, Richard RAMOS, Alexandre SABATOU, Mme Sabrina SEBAIHI, MM. Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Aurélie TROUVÉ, Estelle YOUSSOUFFA.
SOMMAIRE
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Pages
1. La politique agricole commune est l’une des politiques communautaires les plus intégrées
2. Corréler à un renforcement de la conditionnalité environnementale des aides
3. Un cadre pluriannuel dont la conditionnalité des aides est renforcée
A. la crise ukrainienne avait dÉjÀ permis des dÉrogations aux conditionnalitÉs environnementales
1. Des dérogations temporaires à la conditionnalité des aides environnementales
2. La France a mis en œuvre ces deux dérogations
1. La Commission a souhaité donner des gages politiques en réponse à la crise européenne agricole
2. L’assouplissement des règles relatives à la conditionnalité environnementale
3. Un recul environnemental à surveiller
1. Affirmer le caractère fondamental de la souveraineté alimentaire et agricole de la France
2. Transmettre pour assurer le renouvellement des générations
3. Simplifier les contraintes environnementales concernant le maintien des haies
B. un projet de loi d’orientation agricole insuffisamment ambitieux
1. La souveraineté alimentaire, un concept ambigu non défini
2. Des modalités de transmission à améliorer
3. Simplifier sans renoncer à la biodiversité
II. Toutefois, ce projet de loi d’orientation agricole appelle certains pointS de vigilance
A. DÉfinir le concept de souverainetÉ alimentaire
3. La souveraineté alimentaire et agricole doit être définie à l’échelle de l’Union européenne
B. Transmettre en renforçant les aides À l’installation
1. Apporter des garanties à la financiarisation de la transmission
2. Renforcer les aides à la transmission pour assurer le renouvellement des générations
annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PJLOA), déposé, au bureau de l’Assemblée nationale, le 3 avril 2024, a été longtemps attendu. ([1])
Même si son inscription à l’agenda de travail de l’Assemblée nationale a été, en partie, retardée pour répondre à la crise agricole française, pour votre rapporteure, les incertitudes relatives au calendrier de présentation du texte ont nui à la qualité des travaux du groupe de travail transpartisan de suivi du texte. ([2])
Loi d’orientation, le projet de loi pour la souveraineté et le renouvellement des générations en agriculture pose les grands principes, en matière de souveraineté et de renouvellement des générations, que viendront préciser le législateur et le pouvoir réglementaire. Ces grands principes se déclinent ainsi en trois axes principaux : assurer la souveraineté agricole française et européenne, permettre le renouvellement des générations, simplifier les contraintes environnementales.
Ces trois axes principaux ne sont pas sans résonance européenne tant la politique agricole française est corrélée à la politique agricole commune (PAC) : la France est l’un des grands États membres agricoles pour lequel le taux de retour, 18, 2 % pour le premier pilier, 12 % pour le second, demeure le plus élevé. ([3])
Pour votre rapporteure, à l’instar du rejet de l’étude d’impact en conférence des présidents par l’ensemble des groupes d’opposition ([4])pour manque de précision et incomplétude, même si le Conseil constitutionnel ne l’a pas jugé ainsi ([5]) le projet de loi d’orientation agricole manque d’ambition au regard de cette question fondamentale que représente la souveraineté alimentaire et agricole. Il évite, en premier lieu, la difficulté de donner une définition de la souveraineté alimentaire au risque d’entretenir une confusion dangereuse. Puis, il affirme un manque d’ambition programmatique pour assurer le renouvellement des générations. Enfin, il reste ambigu sur la simplification au risque d’une diminution de la protection de l’environnement, alors que le maintien de la biodiversité est l’un des facteurs essentiels à la conservation d’une souveraineté alimentaire et agricole française et européenne.
Au regard de l’enjeu que représente l’agriculture pour la France, votre rapporteure appelle à davantage d’ambition et à lever les ambiguïtés qui demeurent.
PREMIÈRE PARTIE : le projet de loi d’orientation agricole s’inscrit dans les grands principes de la politique agricole commune
Parmi les premières réalisations communes à être mises en œuvre à l’échelle européenne, la politique agricole commune s’inscrit comme l’une des politiques les plus emblématiques de l’Union européenne, tant en termes d’ambition, de succès que de budget.
En effet, la PAC est une réussite majeure du projet européen : elle a permis à un continent ruiné par la Seconde Guerre mondiale d’accéder non seulement à l’autosuffisance alimentaire mais également à faire de l’Europe la première puissance exportatrice de produits agricoles et alimentaires ([6]). La PAC représente également une enveloppe financière conséquente, un tiers du budget de l’Union européenne, bien qu’en diminution au regard des 65 % des années quatre-vingt. ([7])
Toutefois, cette réussite n’est pas sans vulnérabilités qu’il s’agisse du renouvellement des générations ou de la résilience de l’agriculture au changement climatique ainsi qu’à l’usure des sols. En effet le modèle productiviste des débuts de la PAC n’est plus adapté à cette double contrainte : le document de travail de la Commission européenne, Drivers of Food Security, le confirme, s’il en était besoin ([8]).
Si la PAC n’est plus une compétence exclusive de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la politique agricole française reste en grande partie une déclinaison de cette politique, tant du point de vue de la déclinaison des objectifs contenus dans le traité et les règlements européens que de son financement.
Le projet de loi d’orientation agricole entre ainsi en résonance avec les objectifs de la politique agricole commune. En particulier, le titre I (principe de souveraineté agricole), le titre III (transmission et renouvellement des générations) et le titre IV (simplifications des mesures environnementales) du PJLOA répondent tant aux principes de la PAC inscrits dans le traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) que dans le règlement relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC, dit règlement « PSN »([9]).
I. la politique agricole française s’inscrit dans le droit europÉen issu de la politique agricole commune
La politique agricole commune est pour la France d’une importance indéniable. Puissance agricole s’il en est, les terres agricoles françaises représentent environ 28 millions d’hectares, soit 17 % de surface agricole utile (SAU) au sein de l’Union européenne ([10]).
Avec 88,2 milliards d’euros de productions animale et végétale en 2022, soit 18 % de la production de l’Union européenne, la France est le premier producteur européen de produits agricoles bruts, devant l’Allemagne (14 %), l’Espagne et l’Italie (12 %) ([11]). Les secteurs dont la valeur productive est la plus élevée sont le vin (13,2 %), le lait (13,1 %), les céréales (13 %) et le bétail (9,9 %) ([12]).
La France compte environ 456 000 exploitations, d’une surface moyenne de 69 hectares, pour 708 170 agriculteurs ([13]).
A. LA politique agricole commune s’inscrit dans le droit europÉen dans le respect du principe de subsidiaritÉ
Décidée à la conférence de Stresa, en 1958, mise en œuvre en 1962, la politique agricole commune est l’une des premières politiques communes. Introduits dès le traité de Rome, les objectifs de la PAC se déclinent tant dans les traités de l’Union européenne que dans les règlements d’application.
Toutefois, la PAC reste aujourd’hui l’une des politiques communes les plus intégrées même si depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, elle ne relève plus d’une compétence exclusive de l’Union européenne, mais d’une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres en vertu de l’article 4 du traité de l’Union européenne (TUE).
1. La politique agricole commune est l’une des politiques communautaires les plus intégrées
La Conférence de Stresa (3 au 12 juillet 1958) pose le principe d’une politique agricole commune qui sera mise en œuvre en 1962. L’objectif premier de cette politique agricole commune, aujourd’hui inscrit à l’article 39 du traité de fonctionnement de l’Union européenne, est double : assurer la sécurité des approvisionnements et améliorer le revenu des agriculteurs. Pour ce faire, cette politique repose sur une solidarité financière entre les États membres, que le Royaume-Uni, encore membre de l’Union européenne, n’a jamais cessé de contester, au regard d’une puissance agricole moindre de celle de la France ([14]).
D’aucuns considèrent que cet objectif de sécurité alimentaire peut s’entendre comme un objectif d’autosuffisance. Toutefois, aujourd’hui il se trouve clairement corrélé à un objectif de bon fonctionnement du marché commun.
Si le budget de l’Union européenne consacré à la PAC a diminué au cours des dernières années passant de 65 % en 1981 ([15]) à 31 % aujourd’hui ([16]) celle-ci demeure l’une des premières politiques européennes financées. À ce titre, la négociation de chaque cadre financier pluriannuel, et la dernière relative à l’exercice 2023-2027, n’y a pas échappé, pose la question de la diminution du budget de la PAC.
Cette pression est d’autant plus forte que le Conseil de l’Union européenne ne dispose plus d’un droit de veto sur les dépenses obligatoires parmi lesquelles les crédits relatifs à la PAC figuraient, et que cette politique relève, depuis le traité de Lisbonne, pour l’adoption des actes de base de la procédure législative dite ordinaire (le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne se trouvent en situation d’égalité en tant que co-législateurs).
L’enjeu environnemental est donc devenu, dès lors, un moyen de négociation auprès des États membres souhaitant une diminution des ressources financières de la PAC. Les dernières négociations se sont également inscrites dans ce cadre.
Toutefois, si la PAC se trouve être l’une des politiques communautaires les plus intégrées qu’il s’agisse du financement, de l’adoption du cadre législatif et financier, du contrôle par la Commission des aides distribuées, la nouvelle PAC a introduit davantage de flexibilité avec l’adoption de plans stratégiques nationaux en matière agricole (PSN).
2. L’article 39 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise les cinq principaux objectifs de la PAC
L’article 39 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise les objectifs de la PAC qui se trouvent au nombre de cinq :
B. Le rÈglement relatif aux plans stratÉgiques nationaux en matiÈre agricole (PSN) renforce le principe de subsidiaritÉ ainsi que la conditionnalitÉ environnementale des aides
Sans pour autant transformer l’architecture de la PAC qui repose toujours sur deux piliers (le premier relatif aux aides directes, le second regroupant les aides au développement rural), le 1er juin 2018, la Commission européenne a proposé trois règlements instaurant une nouvelle PAC pour les années 2023-2027 qui ont été adoptés depuis par les co-législateurs :
- le règlement (UE) n° 2021/2115 relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC, dit règlement « PSN » ([17]),
- le règlement (UE) n° 2021/2117, modifiant les règlements portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, relatifs aux systèmes de qualité et relatifs aux mesures de soutien aux régions éloignées ([18]) ,
- le règlement (UE) horizontal n° 2021/2116, relatif au financement à la gestion et au suivi de la PAC ([19]).
Ces règlements reposent tant sur un renforcement du principe de subsidiarité en matière agricole que de la conditionnalité des aides en matière environnementale.
1. Un renforcement du principe de subsidiarité : le règlement relatif aux plans stratégiques nationaux (PSN)
La négociation douloureuse du cadre financier applicable à la nouvelle PAC a conduit à reconnaître davantage de flexibilité au niveau des États membres, et donc à une plus grande subsidiarité.
Sous la coordination en France des services du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, chaque État membre a l’obligation d’élaborer un plan stratégique national (PSN) qui définisse les modalités de mises en œuvre des aides européennes des deux piliers à l’échelle nationale, en vertu de l’article 124 du règlement (UE) 2021/2115.
Toutefois, selon le considérant 27 du même règlement, « le modèle de mise en œuvre ne devrait pas donner lieu à vingt-sept politiques agricoles nationales différentes, ce qui mettrait en péril le caractère commun de la PAC et le marché intérieur. Il devrait néanmoins laisser aux États membres un certain degré de flexibilité dans un cadre réglementaire commun solide. Le présent règlement devrait dès lors fixer les objectifs de l’Union et établir les types d’intervention ainsi que les exigences communes de l’Union applicables aux États membres, garantissant ainsi le caractère commun de la PAC ».
Le PSN est un document de planification stratégique pour cinq ans.
Une fois élaboré, le PSN est soumis pour validation à la Commission européenne. Le PSN français a été approuvé par la Commission dans sa version envoyée le 15 juillet 2022, la France ayant dû tenir compte des observations faites par la Commission sur la première version. Chaque PSN peut être annuellement modifié. La version actuellement en vigueur, est la version modifiée, approuvée par la Commission européenne, le 13 décembre 2023.
La Commission évalue également chaque année la mise en œuvre des PSN concernant les objectifs de la PAC. Le 23 novembre 2023, la Commission a publié une première évaluation de l’ensemble des PSN ([20]).
2. Corréler à un renforcement de la conditionnalité environnementale des aides
Outre une déclinaison nationale de la PAC par l’obligation d’élaborer un PSN, la nouvelle politique agricole commune a mis en œuvre une ambition environnementale renforcée, à défaut d’être nouvelle.
Déclinaison partielle de l’ambition du Pacte vert (« Green Deal »), et de la stratégie de la Ferme à la Fourchette (« Farm to Fork »), la nouvelle PAC a ainsi renforcé l’éco-conditionnalité avec la mise en place des « éco-régimes » ([21]) qui représentent 25 % des aides relatives au premier pilier.
En effet, le nouveau règlement relatif à la PAC n’a pas modifié l’architecture de la PAC qui repose toujours sur deux piliers. Le premier pilier concerne les aides directes au revenu, dont l’éco conditionnalité a été renforcée avec l’instauration des éco-régimes. Il est financé par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA). Le second pilier, créé en 1999, a, quant à lui, eu dès sa mise en œuvre une dimension environnementale liée au développement rural, raison pour laquelle il se trouve financé par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Les éco-régimes : une novation de la nouvelle politique agricole commune (PAC)
L’article 31 du règlement « PSN » donne la définition suivante des éco-régimes : « Les États membres établissent et prévoient une aide au revenu en faveur des programmes volontaires pour le climat, l’environnement et le bien-être animal (ci-après dénommés « éco-régimes ») selon les conditions établies dans le présent article et comme précisé dans leurs plans stratégiques relevant de la PAC.
L'éco-régime constitue donc un paiement direct aux agriculteurs qui s'engagent à mettre en œuvre des pratiques agronomiques respectueuses du climat et de l'environnement. Les critères du paiement vert (ratio minimal d’éléments favorables à la biodiversité, maintien des prairies permanentes, protection des prairies sensibles), en vigueur lors de la précédente PAC, sont aujourd’hui pris en compte par les BCAE. L’éco-régime prend la forme d'un paiement versé sur tous les hectares éligibles de l’exploitation, qui tient compte des pratiques mises en œuvre.
L’objectif de ce paiement direct est d’améliorer les performances environnementales de l’agriculture en termes de biodiversité, de protection de la ressource en eau et de lutte contre le changement climatique. Ainsi, par la mise en place des éco-régimes, l’Union européenne cherche à accompagner les agriculteurs dans leur transition vers des pratiques agro-écologiques.
Trois voies, non cumulables, permettent d’accéder aux paiements de l’éco-régime. On distingue la voie des « pratiques », la voie de la « certification environnementale », et la voie des « éléments favorables à la biodiversité ».
Dans le cadre de la nouvelle PAC (2023-2027), les États membres sont tenus d’accorder au moins 25 % des aides du premier pilier à ces éco-régimes.
En France, environ 90 % des agriculteurs éligibles aux aides relatives à la PAC sont éligibles à un éco-régime.
Source : Site internet du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Ainsi la nouvelle conditionnalité subordonne « la perception intégrale des aides de la PAC au respect, par les agriculteurs, de normes de base en matière d’environnement, de changement climatique, de santé publique, de santé végétale et de bien-être animal. Les normes de base comprennent une liste d’exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) et des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres (« normes relatives aux BCAE ») » ([22]).
Les 9 thèmes traités par les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE)
BCAE 1 : Obligation du maintien des prairies permanentes.
BCAE 2 : Protection des zones humides et des tourbières.
BCAE 3 : Interdiction de brûlage.
BCAE 4 : Bandes tampons le long des cours d’eau.
BCAE 5 : Gestion du labour réduisant les risques de dégradation des sols.
BCAE 6 : Interdiction de sols nus durant les périodes sensibles.
BCAE 7 : Rotation des cultures.
BCAE 8 : Maintien des éléments du paysage, dont les haies.
BCAE 9 : Interdiction de convertir ou de labourer les prairies permanentes dans les sites Natura 2000 ([23]).
Le non-respect par les États membres de ces conditions peut être financièrement sanctionné par une perte de revenu pouvant aller généralement jusqu’à 3 % des aides PAC du premier pilier, voire plus en fonction du degré de gravité, de l’étendue ainsi que de la répétition du manquement, ce qui peut s’avérer conséquent ([24]).
3. Un cadre pluriannuel dont la conditionnalité des aides est renforcée
Pour la période 2021-2027, un financement de 387 milliards est alloué à la PAC. Le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), doté d’une enveloppe de 291,1 milliards d’euros ([25]) finance notamment les aides directes aux agriculteurs qui font preuve de « bonnes pratiques agricoles et environnementales » ainsi que des mesures de soutien au marché agricole, dont l’objectif est de répondre aux perturbations du marché. Il s’agit des aides dites du « premier pilier ».
Quant au Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) destiné, quant à lui, au développement rural, il représente 95,5 milliards d’euros pour la même période. Il sert six objectifs, dont l’innovation dans le secteur agricole, la viabilité et compétitivité de l’agriculture ou encore l’inclusion sociale. Il s’agit des aides dites du « second pilier », qui sont couplées à des aides en provenance des États membres.
Les aides de la PAC représentent pour la France, donc une somme d’environ 9 milliards d’euros par an, sans compter les aides apportées par les régions en complément de la PAC dans le cadre du second pilier ([26]). En effet, les aides du second pilier sont couplées à des aides attribuées par les régions. Du fait de la flexibilité autorisée, en termes d’autorité de gestion, par le règlement « PSN » ([27]), les régions sont, en France, depuis le nouvel exercice de la PAC, seules habilitées à gérer les aides non-surfaciques du second pilier dont les aides à l’installation ([28]).
II. La crise agricole europÉenne a ouvert la voie À des dÉrogations en matiÈre de conditionnalitÉ environnementale
Dès la mise en œuvre de la nouvelle PAC, la conditionnalité environnementale des aides, et plus largement la mise en œuvre du Pacte vert, est décriée, notamment par le principal syndicat agricole, la FNSEA, et son correspondant européen, le COPA-GOGECA.
En effet, selon plusieurs études d’impact, dont l’une produite par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, qui se trouve être l’une des directions de la Commission, la mise en œuvre du Pacte vert, et de ses déclinaisons, la stratégie « de la Ferme à la table », (« Farm to Fork ») ainsi que la stratégie « Biodiversité » (« Biodiversity »), aurait pour conséquence une baisse de la production, et mettrait dès lors en danger la souveraineté alimentaire. Pour cette raison, la crise ukrainienne a ouvert la voie à des dérogations aux conditionnalités environnementales justifiées par les risques de déstabilisation des marchés, en particulier de céréales, conséquence de l’ouverture des « corridors de solidarité ».
Toutefois, selon les conclusions du rapport sur La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, de MM. Rodrigo Arenas et Charles Sitzensthul, une baisse de la production agricole du fait de la mise en œuvre du Pacte vert et de ses déclinaisons ne serait pas avérée ([29]).
La crise agricole européenne, qui s’est manifesté dans l’ensemble des États membres en janvier 2024, a également eu pour conséquences un maintien des dérogations temporaires autorisées du fait de la crise ukrainienne, ainsi qu’une réouverture de l’acte de base de la PAC, le règlement « PSN ». En effet, parmi les revendications portées par les agriculteurs européens, figuraient outre une amélioration des revenus, un assouplissement de la conditionnalité environnementale.
A. la crise ukrainienne avait dÉjÀ permis des dÉrogations aux conditionnalitÉs environnementales
1. Des dérogations temporaires à la conditionnalité des aides environnementales
Dès la mise en œuvre de la « nouvelle PAC », la crise en Ukraine a permis de revenir, de manière temporaire, sur certaines conditions environnementales afin de répondre à un enjeu de souveraineté alimentaire, comme l’a souligné le rapport de MM. Rodrigo Arenas et Charles Sitzensthul ([30]).
Ces dérogations temporaires, décidées par la Commission, concernaient deux BCAE, la BCAE 7 ainsi que la BCAE 8.
La BCAE 7 obligeait les agriculteurs à mettre en place une rotation des cultures. Quant à la BCAE 8, intitulée « maintien des éléments du paysage », elle imposait aux agriculteurs, un taux de 4 % de jachère, ainsi que le maintien d’infrastructures agro-écologiques telles que des haies, murets, bosquets, bordures enherbées.
2. La France a mis en œuvre ces deux dérogations
La France a mis en œuvre ces deux dérogations environnementales autorisées par la Commission. La France avait également demandé la reconduction de ces deux dérogations pour 2024 avant que ne s’ouvre la crise agricole européenne.
La Commission a proposé de maintenir ces deux dérogations, et pour répondre plus largement au volet environnemental de la crise agricole européenne, a proposé une réouverture de l’acte de base, le règlement « PSN », afin de permettre des dérogations plus importantes que les deux dérogations précitées.
B. En rÉponse À la crise agricole europÉenne, le rÈglement relatif À la pac a ÉtÉ rÉouvert pour assouplir certaines conditionnalitÉs environnementales
Le Conseil de l’Union du 26 mars dernier a entériné la possibilité de rouvrir le règlement « PSN » et de permettre également à la Commission de prendre des actes délégués pour la mise en œuvre des dérogations à la BCAE 1 (maintien des prairies permanentes).
Le 24 avril 2024, le Parlement européen a accepté la réouverture tant du règlement « PSN » que de la possibilité pour la Commission d’agir par actes délégués, du fait de la suspension des travaux législatifs pour cause d’élections européennes.
Le 13 mai 2024, le Conseil de l’Union devrait adopter ces modifications et continuer la discussion sur d’autres points de la conditionnalité.
1. La Commission a souhaité donner des gages politiques en réponse à la crise européenne agricole
Votre rapporteure a souhaité auditionner la Commission européenne, la direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) chef de file de la mise en œuvre de la PAC même dans le domaine environnemental, ainsi que la direction générale de l’environnement (DG ENVI) pour mieux comprendre la philosophie qui sous-tend les réponses de la Commission à la crise agricole européenne.
Comme l’a souligné Mme Geslain-Laneelle, lors de son audition ([31]), l’une des revendications majeures des agriculteurs européens est une demande de simplification des procédures liées à la mise en œuvre des mesures environnementales. En effet, la mise en oeuvre des BCAE exigeait, pour la plupart des organisations professionnelles agricoles, un niveau de détail trop élevé, générateur de bureaucratie et de complexité. Un des exemples les plus parlants est celui de la mise en œuvre de la BCAE 8 relative à la gestion des haies qui a nécessité l’adoption en France de 14 règlementations.
Plus généralement, la Commission a souhaité redonner de la flexibilité aux États membres, dans l’application des règles environnementales, en particulier concernant la BCAE 6, concernant la pratique de couvert des sols, qui est entièrement laissée à la gestion des États membres ([32]).
2. L’assouplissement des règles relatives à la conditionnalité environnementale
Le 12 février 2024, la Commission avait déjà adopté un acte délégué modificatif supprimant l’obligation pour les agriculteurs de détenir un pourcentage minimal d’éléments non productifs (dont les jachères) sur leur exploitation, au titre de la norme BCAE 8 de la conditionnalité de la PAC.
Lors du vote du 24 avril 2024, le Parlement européen a entériné la proposition de la Commission, déjà validée par le Conseil le 26 mars 2024, de rouvrir l’acte de base, le règlement « PSN », afin de simplifier et ainsi d’assouplir en partie la conditionnalité environnementale. La France soutenait l’adoption de ces mesures.
En conséquence, des dérogations pourront plus facilement être accordées lors d’événements climatiques extrêmes imprévus.
Concernant la réforme de la BCAE 1, maintien des prairies permanentes, la Commission pourra prendre un acte délégué pour préciser la prise en compte de la déprise d’élevage dans le calcul des rations de référence et assouplir les obligations de réimplantation.
Concernant la BCAE 7, l’obligation de rotation peut être remplacée par une obligation de diversification des cultures.
Quant à la BCAE 8, elle est profondément réformée. Si l’obligation de mise en jachère de 4 % des terres est supprimée, les États membres sont tenus de proposer aux agriculteurs des options d’éco-régime pour ceux d’entre eux choisissant le maintien ou la création d’éléments non productifs sur les terres arables. L’obligation réglementaire est ainsi remplacée par une incitation volontaire sous la forme d’un éco-régime. Pour la Commission européenne, la présence de haies améliore la productivité agricole ([33]).
Concernant la BCAE 9, à savoir l’interdiction de convertir ou de labourer les prairies permanentes dans les sites Natura 2000, des exemptions à l’application de cette norme sont possibles telles que dans le cas d’infestations de rats taupiers ou suite à des épisodes de sécheresses ou pour tenir compte de certains types d’exploitations particulièrement impactées par cette norme.
Quant aux petites exploitations de moins de 10 hectares, elles seront exonérées de contrôles et de sanctions liées au respect de la conditionnalité de la PAC.
Le PSN pourra être révisé deux fois par an au lieu d’une fois, afin de tenir compte notamment des contraintes et des épisodes climatiques imprévus.
La Commission européenne a également publié une feuille de route pour le suivi des autres chantiers relatifs à la simplification.
3. Un recul environnemental à surveiller
Le 13 mai 2024, le Conseil de l’Union européenne devrait entériner ces modifications. Toutefois, les États membres font encore des demandes d’ajustement concernant les BCAE. La France a évoqué la BCAE 2 (protections des zones humides ou des tourbières) soutenue par la Lettonie et l’Irlande, ainsi que la BCAE 4 (obligation de bandes tampons le long des cours d'eau, canaux et fossés). La Suède souhaite également de nouveaux ajustements concernant la BCAE 7 ([34]).
Par ailleurs, le risque de voir apparaître une forme de « dumping environnemental » entre États membres n’est pas à exclure. En effet, sur les 27 États membres, seuls 4 d’entre eux ont choisi de ne pas accepter les nouvelles règles imposées par la Commission européenne en matière de dérogation à la BCAE 8, règles que la France, en revanche, a acceptées ([35]).
En effet, au regard du document de travail de la Commission, publié le 4 janvier 2023, Drivers of Food Security ([36]), l’érosion des sols de la surface agricole utile de l’Union européenne rend ces mesures environnementales indispensables à moyen et long terme afin de ne pas conduire à une baisse de production telle qu’elle remette en cause l’impératif de sécurité alimentaire, à savoir la garantie des approvisionnements ([37]).
L’exigence environnementale est un impératif pour préserver la capacité de production agricole et lutter contre le réchauffement climatique.
DEUXIÈME PARTIE : le projet loi d’orientation agricole s’inscrit dans le cadre europÉen dÉfini par la pac mais appelle À une certaine vigilance
I. Le projet de loi d’orientation agricole s’inscrit dans le cadre europÉen de la politique agricole commune
Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PJLOA), en tant que projet d’orientation, entend proposer une direction pour l’avenir de l’agriculture française.
Même si la nouvelle PAC offre davantage de flexibilité aux États membres avec le règlement PSN, les dispositions du PJLOA s’inscrivent nécessairement dans le cadre européen de la PAC.
A. Les principaux axes du projet de loi, souverainetÉ, transmission et simplification, entrent en rÉsonance avec les objectifs de la pac
Composé de 4 titres et de 19 articles, le PJLOA a été récemment complété pour répondre à la crise agricole majeure de janvier dernier, déclinaison de la crise agricole européenne.
Le titre I du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, consacré à la souveraineté agricole et alimentaire, répond à l’un des objectifs de la PAC défini à l’article 39 du TFUE, de « garantir la sécurité des approvisionnements », dans la mesure où il implique une forme de sécurité alimentaire, incluse dans le concept mal défini de « souveraineté alimentaire ».
Le titre II relatif à la formation et à l’innovation pour le renouvellement des générations présente des objectifs d’éducation, de formation et d’amélioration de l’attractivité de la profession d’agricultrice ou d’agriculteur au niveau national.
Le titre III est relatif à l’installation et à la transmission des exploitations. S’il ne traite pas directement de la question du revenu agricole, il entre indirectement en résonance avec l’article 39 du TFUE, relatif à la garantie du revenu des agriculteurs, dans la mesure où il pose la question de l’outil productif.
Enfin le titre IV propose une simplification des règles environnementales, et dès lors fait davantage écho au droit dérivé, à savoir au règlement « PSN » ainsi qu’aux règles d’éco-conditionnalité qu’il instaure.
Toutefois, votre rapporteure déplore l’absence dans le projet de loi de certains enjeux majeurs relatifs à l’avenir de l’agriculture tels que la stabilité et la pérennité des revenus, l’accès à la terre ou le traitement des questions relatives à la transition agro-écologique.
Sur quatre titres, deux d’entre eux entrent directement en résonance avec les objectifs de la PAC, définis à l’article 39 du TFUE, ainsi qu’avec les règles d’éco‑conditionnalités présentes dans le règlement « PSN ».
Le présent rapport pour observations s’intéressera aux trois axes majeurs du PJLOA que sont la souveraineté, la transmission ainsi que la simplification des contraintes environnementales, au regard de leurs implications européennes.
En effet, ces trois axes entrent clairement en résonance avec le droit primaire de la PAC, pour la souveraineté alimentaire, mais également avec la réforme du règlement PSN concernant la simplification des normes environnementales.
1. Affirmer le caractère fondamental de la souveraineté alimentaire et agricole de la France
Le titre I du PJLOA relatif à la souveraineté agricole et alimentaire, comporte un seul article programmatique unique qui dispose que l’ensemble des politiques publiques devront s’inscrire dans l’objectif de souveraineté alimentaire et agricole.
L’article 1er affirme notamment le « caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux » ([38]).
La souveraineté alimentaire devra structurer l’ensemble des politiques publiques relatives à l’agriculture et au renouvellement des générations. Le Gouvernement devra notamment remettre au Parlement chaque année un rapport sur « la situation de la souveraineté alimentaire », ce qui implique également de définir des indicateurs de souveraineté agricole et alimentaire.
Le terme de souveraineté alimentaire ne figure pas dans les dispositions normatives européennes, certaines notions, comme la « sécurité alimentaire » ou « la garantie des approvisionnements » s’en approchent sans pour autant recouper entièrement la notion de souveraineté alimentaire, plus complexe, et moins bien définie.
Ainsi si l’article 39 du TFUE précise que l’un des objectifs de la PAC consiste à « garantir la sécurité des approvisionnements », le règlement « PSN » précise que « la PAC devrait continuer à assurer la sécurité alimentaire, c’est-à-dire l’accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive à tout moment » ([39]).
La question de la souveraineté appellerait une définition, actuellement absente du présent projet de loi, définition qu’il conviendra, pour votre rapporteure, d’interroger, voire de préciser.
2. Transmettre pour assurer le renouvellement des générations
Le titre II du projet du PJLOA, former et innover pour le renouvellement des générations et les transitions en agriculture, n’appelle pas d’observations particulières de votre rapporteure.
Les articles deux, trois, quatre et cinq du projet de loi d’orientation relatifs au développement de la formation initiale et professionnelle, à la création d’un « Bachelor Agro » ont une fonction programmatique essentielle au niveau national : développer la formation pour rendre les métiers agricoles les plus attractifs possible et ainsi enrayer le déclin du non renouvellement des générations.
Votre rapporteur a soutenu l’amendement adopté en commission des Affaires économiques, proposant de changer la dénomination « Bachelor » en « Licence ».
Votre rapporteure soutient également la proposition contenue dans le rapport de MM. Rodrigo Arenas et Charles Sitzensthul, concernant l’instauration d’un « Erasmus agricole » ([40]), dans la mesure où la question de non renouvellement générationnel dépasse le cadre national.
Les articles 6, soutenir le développement agricole, et 7, donner compétence à des professionnels non vétérinaires pour accomplir des tâches actuellement dévolues à la fonction vétérinaire, n’appellent pas non plus d’observations particulières de la part de votre rapporteure.
En revanche, le titre III relatif à la transmission et à l’installation des agriculteurs a une résonance clairement européenne.
L’article 8 prévoit une programmation des politiques publiques mises en œuvre au service du renouvellement des générations pour les dix prochaines années, L’article 9 instaure la mise en place d’un diagnostic modulaire des exploitations pour faciliter la transmission au regard de l’évaluation des exploitations notamment au stress climatique. L’article 10 créé un réseau « France service agriculture », guichet unique pour faciliter la mise en relation entre les cédants et les candidats potentiels à la reprise. L’article 11 accorde les privilèges d’un groupement d’employeurs en cas de défaillance d’un utilisateur de ce groupement, quant à l’article 12 qui revêt toute l’attention de votre rapporteure fixe les conditions dans lesquelles peuvent être créés des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) ainsi que leur régime juridique.
En lien avec la question de la souveraineté, qui n’est pas définie dans le projet de loi mais indirectement comprise comme une représentation de notre capacité à mesurer notre taux d’auto-suffisance productive (cf.infra), la situation démographique de l’agriculture française est des plus critiques.
En effet, en 2030, 50 % des agriculteurs auront atteint l’âge de la retraite et le taux actuel d’installation est insuffisant pour compenser ces départs (13 000 installations agricoles par an contre 21 000 arrêts annuels d’activité), selon la communication du groupe de suivi de la loi d’orientation d’agricole ([41]) dont votre rapporteure était membre.
En conséquence, la taille des exploitations augmente ce qui a pour corollaire un problème de contrôle des structures d’exploitation et de partage du foncier. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ([42]), la SAU moyenne croît dans tous les territoires et dépasse presque partout les 40 ha. En 2020, seuls les territoires viticoles et arboricoles (vignobles champenois, alsacien et bordelais ; vallée du Rhône ; pourtour méditerranéen) font exception et présentent une SAU moyenne inférieure à 40 ha.
Cette augmentation de la SAU se traduit également par une érosion des agricultures familiales.
Cette situation n’est pas propre à l’agriculture française mais a également une résonance européenne. En effet, si en 2020, l’Union européenne regroupait 9 millions d’exploitations, en dix ans, ce sont 3 millions d’exploitations qui ont disparu, principalement dans les pays de l’Est ([43]).
Tous les 10 ans, l’Union européenne perd 25 % de ses exploitations, en particulier dans les pays de l’Est, ce qui se traduit par une augmentation de la surface moyenne de celles-ci. La baisse de la production induite ne se trouve pas pour autant entièrement compensée par la productivité supérieure des exploitations situées dans les pays de l’Ouest ([44]).
Ainsi, la France comprend 4 % des exploitations européennes ([45]), et se situe ainsi au 6ème rang du classement, mais réalise 18 % de la production brute standard (PBS), devant l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne ([46]).
Ainsi la question de la transmission et du renouvellement des générations demeure un enjeu crucial en termes de souveraineté tant européenne que française, pour éviter un accroissement de la dépendance aux importations en provenance des pays tiers et à d’autres systèmes de production.
Le règlement « PSN » ([47]) dispose que parmi les aides du premier pilier, une aide complémentaire au revenu, peut être apportée aux jeunes agriculteurs. Le règlement donne une définition du « jeune agriculteur », il laisse aux États membres préciser le niveau minimum de formation requis pour percevoir cette aide dans le PSN français ([48]).
Mais le levier le plus important en termes de renouvellement des générations, demeure les aides à l’installation du second pilier, qui depuis le nouvel exercice de la PAC sont directement gérées par les régions.
Les dispositifs de soutien européen dans le cadre de la PAC, notamment la « dotation jeunes agriculteurs » (DJA), relèvent ainsi intégralement, depuis le 1er janvier 2023, de la responsabilité des régions.
Les régions peuvent également mobiliser des investissements productifs agricoles dédiés aux jeunes agriculteurs, afin de les accompagner lors du démarrage de leur activité, lorsque le besoin d’investissement peut s’avérer important, notamment pour la reprise et la modernisation de certaines exploitations.
L’enjeu de la transmission et du renouvellement des générations dépasse donc le cadre national.
Toutefois, ce traitement régional a introduit une certaine fragmentation dans le choix des critères, des montants ainsi que des procédures d’attribution des aides. Pour votre rapporteure, il importe de s’assurer que cela ne crée pas davantage de complexité ou de retard dans le paiement des aides.
3. Simplifier les contraintes environnementales concernant le maintien des haies
Le titre IV, sécuriser, simplifier et libérer l’exercice des activités agricoles, comprend 7 articles, relativement disparates dont la portée diffère en termes de résonance avec le droit de l’Union européenne. Un certain nombre renvoit à des dispositions relatives à la PAC ou la protection de l’environnement garantie à l’article 11 du Traité de l’Union européenne, où des Directives Habitat ([49]) et Oiseaux ([50]).
L’article 13 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure permettant d’adapter la répression de certaines atteintes portées à la conservation des espèces et des habitats.
L’article 14 simplifie le régime de protection des haies.
L’article 15 prévoit d’accélérer les décisions de contentieux dans certaines matières agricoles. L’article 16 prévoit notamment d’habiliter le Gouvernement à adapter les règles applicables aux détenteurs de chiens de protection de troupeaux. L’article 17 comprend des dispositions relatives aux activités de valorisation des sous-produits lainiers et aux activités aquacoles, qui visent à faciliter leurs conditions d’exercice. L’article 18 étend la capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine. Quant à l’article 19, il traite des règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, en créant un nouveau régime de représentativité propre au secteur agricole.
La rapporteure a souhaité porter son attention sur les articles 13 et 14 dans la mesure où la simplification peut avoir des conséquences en termes de respect de la biodiversité. L’article 13 habilite le Gouvernement à adapter par ordonnances l’échelle des sanctions réprimant les dommages causés à l’environnement en substituant, éventuellement, à des sanctions pénales des sanctions administratives. La sévérité des peines ne serait pas en adéquation avec la réalité des dommages provoqués ([51]).
Quant à l’article 14, il a retenu toute l’attention de votre rapporteure puisqu’il concerne très directement l’une des mesures d’éco-conditionnalité des aides du premier pilier de la PAC, la BCAE 8. La complexité du régime a été mise en avant, tant par la Commission ([52]) que par le Gouvernement ([53]), pas moins de 14 règlementations différentes définissent le régime juridique des haies, ce qui, pour le moins, est contre productif. L’objectif de cet article, tel que l’a présenté le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire à votre rapporteure, n’est pas de supprimer les règlementations existantes, mais de simplifier leur application pour l’agriculteur.
Ainsi l’article prévoit d’instaurer un simple régime de déclaration pour la destruction des haies. Si la haie présente un intérêt écologique majeur, il appartiendra à l’administration de délivrer une autorisation de destruction. L’objectif de l’article 14 vise à instaurer un guichet unique pour l’agriculteur, il reviendra dès lors à l’administration de vérifier que les 14 règlementations sont bien respectées, la complexité de la règlementation restera invisible pour l’administré.
Avec cette clarification du droit en vigueur, le Gouvernement espère inciter les agriculteurs à planter et conserver des haies, car en l’état de la législation, le « bonus haies », présent dans le PSN français, n’a quasiment pas été utilisé.
Or les haies présentent un intérêt écologique majeur (nidification des oiseaux, préservation de la biodiversité, lutte contre l’érosion des sols, …). Outre l’éco-conditionnalité au titre de la BCAE 8 et du fait de cette insécurité juridique, plus de 20 000 kilomètres de haies disparaissent chaque année (un quart en raison de l’arrachage, trois quarts en raison de la mauvaise gestion) ([54]).
La France a ainsi perdu 11 500 kilomètres de haies de 2006 à 2014 et 23 500 kilomètres de 2017 à 2022, pour un linéaire estimé aujourd’hui à 750 000 km ([55]).
Le Gouvernement a présenté un Pacte en faveur des haies, le 2 mars 2024. Doté de 110 millions d’euros pour l’année 2024, le Pacte a pour objectif d’ériger 50 000 kilomètres de haies entre 2020 et 2030, la création d’un observatoire de la haie pour créer un référentiel cartographique national ([56]).
Ce nouveau dispositif ne contrevient pas à l’évolution de l’éco-conditionnalité votée par le Parlement européen, le 24 avril dernier qui prévoit concernant la BCAE 8 la suppression de la condition de jachère mais pas celle de l’exigence de maintien des éléments topographiques, dont les haies, qui demeure ([57]).
Quant à l’article 16, il est en cohérence avec la PAC. En effet, l’utilisation des chiens de protection est soutenue pour protéger les élevages contre la prédation. Elle est également financée par deux interventions du Plan stratégique national (PSN). Il s’agit de l’achat, de l’entretien ainsi que de la stérilisation et des tests de comportement des chiens de protection financés par le FEADER ([58]).
B. un projet de loi d’orientation agricole insuffisamment ambitieux
Par définition une loi d’orientation reste programmatique puisque sa fonction même consiste à proposer des orientations.
Toutefois, il paraît difficile de proposer des directions si les termes mêmes des politiques publiques que l’on entend promouvoir ne sont pas définis, tel le concept de souveraineté alimentaire. En outre, la question de la transmission des exploitations demeure cruciale au regard de l’impératif de renouvellement des générations sans que le projet de loi ne fixe de véritables objectifs, notamment en termes d’aides à l’installation.
Quant à la question de la simplification, elle est légitime et tous les efforts doivent être entrepris à droit constant, mais elle ne saurait conduire à une diminution des exigences environnementales.
1. La souveraineté alimentaire, un concept ambigu non défini
L’absence de définition du concept de souveraineté alimentaire ne manque pas d’interroger d’autant que le document joint en annexe au présent projet de loi, intitulé Mieux se nourrir, Indicateurs de souveraineté alimentaire, en apporte indirectement une ([59]).
En effet, l’utilisation d’indicateurs pour calculer le taux d’auto‑approvisionnement voire le taux de dépendance aux intrants et aux importations renvoie à une définition de la souveraineté proche de la notion d’auto‑suffisance qui concerne davantage la notion de sécurité alimentaire. Dès lors, l’absence de définition peut conduire à une certaine confusion qu’il s’agit de lever ([60]).
Le Gouvernement devra présenter chaque année au Parlement un rapport sur la souveraineté alimentaire, sans définition préalable, sur quels indicateurs pourra-t-il s’appuyer.
Pour votre rapporteure, il ne saurait faire l’économie d’inclure la question de la structuration des filières et de la protection des marchés internes pour que l’objectif de souveraineté alimentaire soit véritablement atteignable.
2. Des modalités de transmission à améliorer
Le titre III vise à simplifier la transmission sans pour autant proposer de mesures nouvelles, notamment dans le cadre défini par la PAC, des aides à l’installation.
Au regard des enjeux, et du titre du projet de loi lui-même, le renouvellement des générations, le PJLOA aurait mérité d’être plus ambitieux sur ce point crucial. Concernant les aides et leurs montants, votre rapporteure n’identifie pas de déclinaisons programmatiques du PJLOA. En effet, la délégation de la gestion des principales aides aux régions, pour des raisons de subsidiarité bien identifiées, a pour conséquence une possible inégalité dans la répartition des aides.
Les seules exigences du PSN français concernent le diplôme, l’âge, le plan d’entreprise et le montant maximal.
En outre, l’État ne peut pas contraindre les régions à des modifications, sur ce qui relève de leurs compétences. Les régions gèrent la dotation jeunes agriculteurs, les aides à l’investissement, la formation, et toutes les aides non surfaciques en général, le gouvernement n’a donc aucun pouvoir direct sur l’attribution des aides en ce qui concerne ces prérogatives ([61]).
Par ailleurs, la question du revenu agricole en général, qui se trouve être l’une des revendications majeures de la crise agricole, n’est pas directement abordée dans le PJLOA.
3. Simplifier sans renoncer à la biodiversité
La simplification de la conditionnalité environnementale ne laisse pas d’interroger votre rapporteure, en particulier l’alinéa 14 de l’article 14. En effet, l’autorisation de détruire une haie peut être compensée par l’érection d’une autre haie.
Même si ce déplacement n’est pas contraire aux règles d’éco‑conditionnalité relatives à la PAC ([62]), il peut se trouver en contradiction avec la protection de l’environnement au titre de la protection relative aux directives Habitat et Oiseaux.
Si le principe de simplification a bien pour objectif de rendre plus facile la cohérence entre les différentes règlementations, le principe de compensation paraît mal aisé à mettre en œuvre en termes de biodiversité. Un écosystème présent dans une haie depuis plusieurs décennies ne paraît pas pouvoir être reproduit à l’identique dans une haie érigée à quelques mètres, voire à quelques kilomètres plus loin de la haie initiale.
Aussi les modalités de compensation de l’autorisation de détruire des haies devraient-elles être précisées pour éviter toute forme d’atteintes à la biodiversité.
En outre, votre rapporteure s’interroge sur la portée de l’habilitation législative donnée au Gouvernement concernant l’échelle des sanctions réprimant les dommages causés à l’environnement et ouvrant éventuellement la possibilité de substituer aux sanctions pénales des sanctions administratives.
En effet, selon l’étude d’impact du PJLOA, cette simplification concerne notamment les sanctions liées à la transposition des directives Oiseaux et Habitat, qui peuvent s’élever à trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ([63]).
Si votre rapporteure comprend bien l’objectif qui s’attache à diminuer le quantum de peines car il est rarement prononcé, l’absence de caractère dissuasif qui peut également être attaché à une sanction peu élevée doit être levée. Si votre rapporteure a conscience de la nécessité de rassurer les agriculteurs et d’éviter des sanctions infondées, des gages doivent être absolument donnés par le Gouvernement pour éviter une protection moindre de l’environnement.
II. Toutefois, ce projet de loi d’orientation agricole appelle certains pointS de vigilance
A. DÉfinir le concept de souverainetÉ alimentaire
L’Union européenne ne reconnaît pas le concept de souveraineté alimentaire mais la seule notion de sécurité alimentaire, qu’il s’agisse de l’article 39 du TFUE ou du considérant 17 du règlement « PSN ».
Le concept de souveraineté alimentaire et agricole est un « concept nouveau », selon l’avis donné par le Conseil économique, social et environnemental sur le PJLOA ([64]).
Pour autant, le concept de souveraineté alimentaire ne comporte pas de véritable définition juridique. En droit, la souveraineté représente la capacité pour l’État à disposer de « la compétence de sa compétence » selon le juriste allemand Georg Jellinek ([65]). De manière tautologique, l’État est donc l’essence même de sa propre autorité. Cette définition permet une première approche de la notion de souveraineté, sans toutefois être suffisante pour définir la souveraineté alimentaire.
Le terme de souveraineté, compris comme réaffirmation de l’autorité et de la légitimité de l’État, est récemment revenu dans le débat public. Le Conseil d’État, en vue de l’adoption de son prochain rapport public annuel, y consacre un cycle de conférences, cette année. Depuis 2022, le ministère de l’Économie est également celui de la Souveraineté industrielle, celui de l’Agriculture de la Souveraineté alimentaire en écho au discours, de 2017, en Sorbonne, du Président de la République.
Toutefois, le concept de souveraineté alimentaire n’est pas véritablement nouveau. En effet, cette notion a été définie, pour la première fois, par le mouvement paysan altermondialiste, Via Campesina. La déclaration faite lors du Sommet mondial de l’alimentation à Rome, au siège de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), en 1996, indique que : « la souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole. Nous avons le droit de produire notre propre alimentation sur notre propre territoire. La souveraineté alimentaire est une condition préalable d’une véritable sécurité alimentaire. »
Cette définition, même si elle était prononcée dans un contexte particulier, celle dans laquelle les pays du Sud appelaient à redevenir maîtres de leurs propres productions, mérite d’être analysée au plus près.
Le rapport précité de MM. Rodrigo Arenas et Charles Siztensthul sur La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, s’appuie sur cette définition même pour mesurer la souveraineté alimentaire en termes de taux d’auto-approvisionnement, et de dépendance externe vis-à-vis des pays tiers pour conclure à une souveraineté alimentaire européenne préservée, non exempte de certaines vulnérabilités, en particulier dans trois secteurs bien identifiés, la pêche, les produits de la mer, ainsi que les protéines végétales (tourteaux de soja) destinés à l’alimentation animale ([66]).
L’agriculture française, au regard du document joint en annexe au présent projet de loi, intitulé Mieux se nourrir, Indicateurs de souveraineté alimentaire, présente les mêmes vulnérabilités ([67]).
Le terme de souveraineté renvoie à la notion d’autonomie juridique donnée par Georg Jellinek, en théorie du droit. Non défini juridiquement, le terme peut dès lors évoquer une forme de retour à l’autonomie, à l’auto-suffisance, voire à l’autarcie ou à une vision protectionniste, qui n’est pas sans dangers, même à l’échelle de l’Union européenne car elle n’est en elle-même pas atteignable.
Le choix de recourir à des indicateurs pour mesurer notre souveraineté, ou plus exactement notre absence de souveraineté sur certains secteurs au regard des dépendances externes aux importations, notamment en termes d’engrais azotés, de protéines animales et de phosphate, renvoie implicitement à la possibilité de devenir indépendant et autosuffisant ([68]).
En ce sens, le concept de souveraineté est dangereux pour une double raison. D’une part, dans des économies largement mondialisées et interdépendantes, aucun pays, États-Unis inclus, ne peut accéder à une véritable autosuffisance alimentaire et agricole, ne serait-ce que du fait de la contrainte climatique, qui par définition est sans frontières. D’autre part, d’un point de vue idéologique, ce concept renvoie aux notions d’autarcie et de puissance qui ne sont pas sans dangers.
Or, la définition que le mouvement Via Campesina donne de la souveraineté alimentaire échappe à ce double écueil car elle définit et reconnaît un droit pour « chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole ».
Un rapport de France Agrimer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, Souveraineté alimentaire : un éclairage par les indicateurs de bilan, propose une définition proche de celle donnée par Via Campesina, en établissant que la souveraineté alimentaire est « la capacité d’autodétermination d’un État sur les systèmes alimentaires qui se déploient sur son territoire » ([69]).
La souveraineté alimentaire selon le rapport de France Agrimer :
Souveraineté alimentaire : un éclairage par les indicateurs de bilan, 2023
1. au niveau national
- maîtrise du cadre politique, réglementaire et normatif et de la gouvernance des systèmes alimentaires,
- capacité à connaître et répondre aux attentes des citoyens en matière alimentaire (alimentation saine, durable et accessible à tous) et mesure des comportements réels
- marges de manœuvre réelles pour orienter les modes de production, de transformation, de transport et de mise à disposition, etc.
2. au plan international
- indépendance relative vis-à-vis d’autres États souverains (ou en général de puissances non soumises à l’autorité nationale), de leurs intérêts, de leurs choix et éventuellement de leurs difficultés.
Plus précisément, selon le rapport précité « Penser la souveraineté alimentaire, ce n’est pas nécessairement tendre à l’indépendance absolue mais s’assurer d’une maîtrise considérée comme suffisante des dépendances externes, jugées pertinentes, nécessaires ou indispensables. » ([70])
Pour cela le rapport choisit 4 indicateurs pour évaluer la souveraineté alimentaire de la France. Ces quatre indicateurs sont :
- le taux d’auto-approvisionnement,
- le taux de couverture de la consommation par la production nationale,
- la capacité d’exportations,
- la dépendance aux importations
Cette définition sans être identique à celle de Via Campesina s’en rapproche. Elle rappelle dans un autre contexte que celui du Sommet de Rome, où il s’agissait d’éviter la prédation agricole par les pays du Nord sur les pays du Sud, la nécessité pour chaque État de maîtriser les chaînes de production sur son territoire, et en quelque sorte de contrôler ses dépendances, donc ses importations.
Toutefois, pour votre rapporteure cette définition demeure incomplète en ce qu’elle ne met pas assez l’accent sur le droit des peuples à disposer de leurs systèmes de production dans leur entièreté, en effet, il ne s’agit pas uniquement de pouvoir disposer des produits agricoles en quantité mais également en qualité suffisante. Elle n’inclut pas non plus la notion de durabilité, à savoir une agriculture respectueuse de son environnement. À ce titre, votre rapporteure accorde une préférence à la définition donnée par Via Campesina.
2. Qui n’englobe que partiellement la notion de sécurité alimentaire telle que définie par les Nations Unies
L’Union européenne reconnaît la notion de sécurité alimentaire, telle que définie par les organismes internationaux, dont l’ONU. Ainsi, le Parlement européen dispose-t-il d’une « commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire ».
La Commission européenne a également mis en place, en 2021, un mécanisme européen de préparation et de réponse aux crises de sécurité alimentaire (EFSCM) qui a pour fonction à la fois d’évaluer les moyens d’améliorer la coopération entre les secteurs public et privé et les risques en cas de crise ([71]).
Le document de travail de la Commission, Drivers of Food Security, Les facteurs de sécurité alimentaire ([72]) publié le 4 janvier 2023, propose une feuille de route pour assurer la sécurité alimentaire européenne qui prend en compte la transition agro-écologique.
Quant aux Nations Unies, outre l’adoption de l’objectif n° 2 de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable (ODD n° 2), en 2015, qui implique d’éliminer la faim, d’assurer la sécurité alimentaire, d’améliorer la nutrition et de promouvoir l’agriculture durable, chaque année la FAO publie un rapport sur L'état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde.
Selon le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) ([73]), « une personne est en situation de sécurité alimentaire lorsqu’elle a la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive lui permettant de satisfaire ses besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».
La sécurité alimentaire inclut donc l’accès à la nourriture (capacité de produire et pouvoir d’achat suffisant pour acheter), la disponibilité (en quantités suffisantes), la qualité (nutritionnelle, sanitaire et préférences alimentaires) ainsi que la stabilité (la permanence dans le temps de ces trois dimensions). Les quatre piliers de la sécurité alimentaire, disponibilité, accès, utilisation, stabilité ont également été définis, par consensus, lors du Sommet mondial de l’alimentation, organisé par la FAO, en 1996.
La sécurité alimentaire diffère également de la notion d’autosuffisance qui implique une indépendance vis-à-vis des pays tiers. En effet, un pays peut se trouver en situation de sécurité alimentaire et importer une partie de son alimentation, raison pour laquelle l’Union européenne préfère la définition de sécurité alimentaire à celle de souveraineté alimentaire moins ambigüe dans le rapport à la notion d’autosuffisance ([74]).
Pour votre rapporteure, la notion de sécurité alimentaire est incomplète car elle n’implique pas la notion de droit et de liberté des peuples à choisir un modèle de production à la différence de la notion de souveraineté telle que définie par Via Campesina. Aussi, pour votre rapporteure inscrire une définition de la souveraineté alimentaire dans le PJLOA serait à même de faire évoluer la notion de sécurité alimentaire consacrée par les traités, voire de faire adopter une définition de la souveraineté alimentaire à l’échelle européenne.
3. La souveraineté alimentaire et agricole doit être définie à l’échelle de l’Union européenne
Pour éviter toute ambiguïté et renforcer le droit des peuples, en l’occurrence des États membres, à disposer entièrement de leurs systèmes de production, une définition de la souveraineté européenne devrait être donnée à l’échelle de l’Union européenne.
Si une inscription dans le droit primaire semblerait, sur le plan juridique et symbolique, préférable, le processus institutionnel de modification des traités étant plus difficile à mettre en œuvre, une inscription dans le règlement « PSN » permettrait dans un premier temps de clarifier cette notion essentielle.
B. Transmettre en renforçant les aides À l’installation
La question du revenu agricole n’est pas abordée par le PJLOA alors qu’elle se trouve au cœur de la crise agricole française et européenne.
Le PJLOA aborde indirectement la question avec la création d’une nouvelle forme juridique d’installation, le groupement foncier agricole d’investissement (GFAI) qui a pour objet de faciliter l’acquisition du foncier agricole dans le cadre du renouvellement des générations.
La question des aides à l’installation n’est pas non plus abordée dans le PJLOA alors que le règlement « PSN » demande aux États membres de leur consacrer 3 % de leur budget, que le PSN français en fait une priorité stratégique et que le titre du PJLOA porte sur « le renouvellement des générations ».
Pour votre rapporteur, le rapport que le Gouvernement devra transmettre chaque année au Parlement devrait inclure parmi les indicateurs de la souveraineté un suivi des aides à l’installation car aucune souveraineté alimentaire n’est possible sans renouvellement des générations.
1. Apporter des garanties à la financiarisation de la transmission
La règlementation européenne ([75]) laisse les États membres libres de choisir la forme juridique des installations agricoles. La seule exigence en termes de contrôle des aides relatives à la PAC, incluse dans le règlement « PSN », se situe dans la définition de l’« agriculteur actif » ([76]).
Toutefois, si l’objectif de faciliter l’acquisition des terres notamment pour de nouveaux investisseurs, dans un cadre autre que familial est bien identifié, pour votre rapporteure, il ne faudrait pas que les GFAI deviennent des coquilles vides aux mains de fonds financiers prédateurs au risque de mettre en jeu la souveraineté nationale et européenne en termes d’accaparement des terres.
Même si cet article vient d’être rejeté, lors de l’examen du texte en commission des Affaires économique, votre rapporteure souhaite que des garanties soient apportées quant à la mise en œuvre d’une forme de financiarisation de la transmission des terres agricoles, dans l’hypothèse où cet article serait réintroduit en séance par voie d’amendement.
Par ailleurs, votre rapporteure soutient une réforme d’ampleur de la redistribution des aides directes de la PAC au titre du premier pilier. En France, les 20 % plus gros bénéficiaires touchent 51 % des aides directes ([77]). En effet, les aides directes au revenu sont attribuées en fonction de la surface de l’exploitation. Pour votre rapporteure, cela revient à subventionner indirectement le capital foncier. Une redistribution des aides non plus en fonction de la surface de l’exploitation mais en fonction des actifs, à savoir des personnes travaillant sur l’exploitation, permettrait de soutenir l’emploi plutôt que le capital, et d’avantager les exploitations familiales, plutôt que les gros producteurs, notamment les céréaliers de la Beauce.
2. Renforcer les aides à la transmission pour assurer le renouvellement des générations
Absente de l’aspect programmatique du PJLOA, les aides relatives à la transmission sont essentielles pour assurer le renouvellement des générations, tant au niveau national qu’européen.
La programmation 2023-2027 de la PAC a retenu comme l’une des neuf priorités qui doivent structurer les plans stratégiques nationaux des États membres « l’objectif spécifique G : Attirer et soutenir les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement durable des entreprises dans les zones rurales ».
À ce titre, chaque État membre doit consacrer au moins 3 % de leur budget consacré aux paiements directs, sous la forme d’aides au revenu ou à l’investissement ou d’aides à l’installation (article 30 et 75 du règlement « PSN »).
Pour votre rapporteure, il paraît essentiel de renforcer les aides à l’installation et de mettre également en place un système de péréquation pour permettre une égalité sur le territoire, les régions étant devenues autorités de gestion déléguées depuis le nouvel exercice de la PAC.
C. construire des indicateurs de souverainetÉ alimentaire fondÉs sur la protection de la biodiversitÉ et les effets du changement climatique
Le document de travail de la Commission ([78])Drivers of Food Security, Les facteurs de sécurité alimentaire ([79]), publié le 4 janvier 2023, fait de la transition agro-écologique un préalable pour assurer la sécurité alimentaire.
En effet, l’analyse conclut qu’à court terme l’accessibilité des produits alimentaires n’est pas en jeu, même si la question du prix des denrées agricoles du fait de la guerre en Ukraine, et l’accroissement des marges dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la grande distribution n’est pas sans conséquences sur l’accessibilité pour un nombre croissant de citoyens européens.
En revanche, la production agricole est menacée à long terme par deux facteurs, le changement climatique et la diminution de la biodiversité ainsi que la baisse de la population agricole.
L'analyse confirme, en effet, que le secteur agricole est confronté à une pression croissante sur les ressources naturelles (pénurie d'eau, pollution, baisse de la fertilité des sols et pollution de l'air) ainsi qu’au déclin des pollinisateurs. L’agriculture se trouve de plus en plus exposée à la menace des ravageurs, aux maladies, à la réduction de la biodiversité ainsi qu'aux effets non maîtrisés et non prévisibles du changement climatique.
Ne pas prendre en compte ces questions limitera la production nécessaire pour nourrir une population mondiale croissante.
En effet, l’exposition croissante aux maladies ainsi qu’aux ravageurs entraîne un recours à une utilisation accrue des produits phytopharmaceutiques, qui elle-même conduit à des actions irréversibles sur la biodiversité, à une résistance aux agents pathogènes, à un appauvrissement des sols ainsi qu’à une diminution de la biodiversité.
De même la réduction des éléments paysagers qui participent à la une haute diversité biologique (jachères, étangs, bandes intercalaires, haies, arbres) augmente l'exposition des cultures et du bétail aux vagues de chaleur, au gel, aux inondations, à la prolifération des parasites, à l'érosion du sol et à l'épuisement de l'eau dans le sol.
Ainsi la mise en jachère des coins de champs et des zones marginales ne diminue généralement pas les rendements, mais peut les augmenter à moyen et à court terme. De même le maintien de zones protégées, y compris les sites Natura 2000, est essentiel pour conserver la biodiversité et, à long terme soutenir la production agricole.
Votre rapporteure tient à rappeler l’intérêt des propositions présentées dans le rapport de Mme Manon Meunier et de M. Hubert Ott sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées, pour préserver la biodiversité, le 24 janvier dernier ([80]).
Si l’assouplissement des contraintes environnementales dans leur complexité s’entend parfaitement, à long terme cela pourrait conduire à des effets délétères, tant ces contraintes sont une garantie de la nécessaire transition agro‑écologique pour conserver le capital productif des agriculteurs, la terre.
Pour votre rapporteure, la définition d’indicateurs de souveraineté alimentaire, qu’elle appelle de ses vœux, devra donc nécessairement prendre en compte des indicateurs incluant les effets du changement climatique et de la diminution de la biodiversité, seuls à même, de garantir un maintien de l’appareil de production des agriculteurs, en état de produire, les terres arables. Ces indicateurs devraient être définis, non seulement au niveau national dans le prochain PJLOA, mais également au niveau européen afin de permettre une harmonisation des pratiques entre États membres.
Pour votre rapporteure le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture demeure une occasion manquée de donner une définition ambitieuse de la souveraineté alimentaire.
Cette définition reste à construire, avec des indicateurs solides, permettant de mesurer au plus près l’évolution de nos fragilités au sein de l’ensemble de la chaîne alimentaire, et en particulier celles, en amont, relatives à l’outil productif en lui-même.
Cette définition ne peut être qu’européenne, mais la France, premier bénéficiaire de la PAC, et second contributeur, aurait pu être le fer de lance de cette initiative.
En outre, votre rapporteure regrette le manque d’ambition du projet de loi concernant le renforcement des aides à la transmission ainsi qu’aux jeunes agriculteurs, qui ne répond pas à l’attente et à la nécessité de construire une transition agro-écologique d’ampleur avec le soutien des nouvelles générations.
La Commission s’est réunie le mardi 7 mai 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport d’information.
M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen du rapport portant observations sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations présentées par notre collègue Aurélie Trouvé. Ce projet de loi sera présenté en séance à partir du 14 mai.
Mme Aurélie Trouvé, rapporteure (LFI). Je vous remercie de m’accueillir à nouveau dans votre commission pour débattre des questions agricoles et plus précisément de la politique agricole commune (PAC), sujet auquel j’ai consacré une grande partie de mes recherches en tant qu’enseignante chercheuse.
J’évoquerai les articles du projet de lois qui entrent le plus directement en résonance avec les politiques de l’Union européenne. Trois sujets ont retenu plus particulièrement mon attention : la souveraineté alimentaire, l’aide aux candidats à l’installation ainsi que la question des infrastructures agroécologiques, dont les haies.
En propos liminaires, je me dois de rappeler que le PJLOA a suscité beaucoup d’attentes et d’espoirs dans le monde agricole. À mon sens, le texte présenté reste très insuffisant pour répondre au défi de la souveraineté alimentaire et du renouvellement des générations en agriculture. Il ne permet pas non plus de répondre à la revendication principale des agriculteurs, exprimée lors de la mobilisation des dernières semaines : disposer d’un revenu digne.
Concernant la souveraineté alimentaire, la définition retenue par le texte reste malheureusement dans la même ligne que la conception et l’orientation des politiques européennes qui réaffirment l’importance du marché intérieur et des engagements internationaux. Cette conception se trouve être à l’opposé de la définition proposée, pour la première fois, en 1996, par le syndicat agricole, Via Campesina, dans le cadre du Sommet mondial de l’alimentation des Nations Unies. En effet, cette conception reconnaît un droit pour chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité à produire son alimentation de base.
Or, les politiques européennes se trouvent en contradiction avec cette conception de la souveraineté alimentaire.
Il n’y a presque pas de moyens ciblés sur les secteurs les plus importateurs nets qu’ils soient français ou européens. En France, depuis 2013, pour ces secteurs, la balance commerciale s’effondre.
De manière plus générale, le nombre important d’accords de libre-échange mis en œuvre a eu de graves effets cumulés sur la souveraineté alimentaire. Le maintien de dérogations temporaires décidées dans le cadre de la crise ukrainienne, avec ouverture totale des frontières commerciales agricoles, fragilise certaines grandes productions européennes telles que les volailles et les céréales.
S’agissant plus précisément de la PAC et des dispositions du projet de loi qui la concernent, je tiens à rappeler le rôle absolument crucial de cette politique pour l’agriculture française. La PAC représente environ dix milliards d’euros d’aides par an soit vingt-cinq mille euros par bénéficiaire. Ce montant correspond parfois à la totalité du revenu agricole d’une exploitation. Sans la PAC, beaucoup d’agriculteurs ne survivraient pas.
Concernant l’installation des nouveaux agriculteurs, le dispositif mis en œuvre dans le cadre du plan stratégique national de la PAC est-il efficace ? Les aides à l’installation, qui relèvent du second pilier de la PAC, sont depuis le 1er janvier 2023, entièrement décentralisées, avec les régions comme autorité de gestion. Or, selon les acteurs, sur le terrain, de nombreuses inégalités existent entre régions car ces dernières sont autonomes pour compléter les conditions d'éligibilité ainsi que les montants versés. En conséquence, l’égalité d’accès aux aides entre agriculteurs est remise en cause. Il me paraît absolument essentiel de renforcer les aides à l’installation mais également de mettre en place, a minima, un système de péréquation pour rendre la distribution des aides sur le territoire égalitaire.
Concernant la question des infrastructures agroécologiques, je tiens à rappeler que la transition agroécologique pour une adaptation de nos systèmes agricoles aux dérèglements climatiques est incontournable. L’agriculture doit prendre sa part pour répondre aux crises liées au changement climatique, à la diminution de la biodiversité ainsi qu’à la pollution des milieux naturels. J’ajoute que les infrastructures agroécologiques jouent un rôle positif dans les systèmes de production tels que la protection du vent, le maintien de l’hygrométrie et des températures ainsi que la lutte biologique contre les nuisibles.
Depuis les années quatre-vingts, le volet environnemental de la PAC s’est beaucoup développé. Ce texte arrive à un moment de rupture puisqu’un certain nombre d’États membres, dont la France, ont été à l’initiative pour remettre en cause certaines avancées environnementales à l’échelle européenne. En effet, les bonnes conditions agroenvironnementales (BCAE), qui sont des conditions environnementales de base pour percevoir les aides du premier pilier, font l’objet d’un certain nombre de remises en cause inquiétantes. L’obligation d’avoir au moins 4 % de la surface agricole utilisée (SAU) avec des éléments d’infrastructures agroécologiques tels que les haies, les bosquets ou les jachères, par exemple, a été à nouveau interrogée.
En conséquence, une minorité d’agriculteurs ne respectant pas ces règles, tels les grands céréaliers du plateau de la Beauce, sont favorisés par rapport aux agriculteurs qui les respectent et qui devront continuer à maintenir les infrastructures agroécologiques existantes dont les haies. Ce phénomène est particulièrement grave lorsque l’on sait que vingt-cinq mille kilomètres de haies disparaissent chaque année et que soixante-dix pour cent ont déjà disparu.
Enfin, le projet de loi présente sous la forme d’une simplification administrative ce qui relève en réalité d’un torpillage du droit de l’environnement. L’évolution de l’échelle des peines à l’article 13 s’apparente davantage à de la dépénalisation et de la déjudiciarisation d’une partie des délits alors même que la magistrature s’inquiète d’une insuffisance présence du droit pénal dans le domaine de l’environnement.
De même, le principe de compensation posé à l’article 14, qui facilite la destruction des haies, n’apporte pas de garanties suffisantes. En effet, en déplaçant une haie ancienne, de cinquante ans d’existence, cent mètres plus loin, on porte préjudice aux écosystèmes.
Ainsi, ce texte comporte trop de lacunes pour pouvoir répondre aux défis contemporains que sont la rémunération des agriculteurs, l’aide à l’installation pour faciliter le renouvellement des générations et la transition agroécologique.
L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.
Mme Constance Le Grip (RE). J’ai lu votre rapport avec attention. Il soulève des questions essentielles dans le contexte de crise agricole que nous vivons en France et en Europe. Le chef de l’État et le chef de Gouvernement ont agi de concert pour porter une action tant au niveau national qu’au niveau européen. Le président de la République a ainsi, lors du dernier Conseil européen, incité la Commission à adopter une réforme ciblée et urgente de la PAC, à travers un effort de simplification des bonnes conditions agroécologiques et environnementales (BCAE), dont la BCAE 9. Cette simplification a été votée par le Parlement européen au mois d’avril. Au niveau national, c’est le projet de loi d’orientation agricole qui nous occupe et qui a été présenté par le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire autour d’un objectif principal : préserver notre souveraineté agricole et alimentaire et relever le défi du renouvellement des générations et des transitions climatiques. Votre rapport se concentre sur l’avenir de l’agriculture européenne et de la PAC. Je me réjouis de la mise en avant par une députée du groupe de la France Insoumise de la dimension européenne de notre agriculture. Vous identifiez trois sujets de préoccupation dans votre rapport. Permettez-moi de vous rassurer.
Vous déplorez en premier lieu l’absence d’une définition du concept de souveraineté alimentaire. La France est aujourd’hui la sixième puissance exportatrice de produits agricoles et de produits agro‑alimentaires au monde. Cela permet à notre pays mais aussi à l’Union européenne d’être souverains sur le plan agricole. Nous devons bien sûr le rester. Notre agriculture est un élément essentiel de notre puissance économique, de notre rayonnement international ainsi que de notre identité. Cela explique pourquoi nous faisons de notre souveraineté alimentaire un élément structurant de nos politiques publiques. Parmi vos recommandations, celle relative à l’institution d’indicateurs de suivi pour mesurer notre souveraineté alimentaire va être comblée par l’article 1er du projet de loi.
Vous croyez ensuite percevoir un manque d’ambition concernant le renouvellement des générations : je ne peux pas être en accord avec vous. Ce projet de loi pose les bases d’un renouvellement générationnel, au sein d’une profession affectée par une crise démographique sans précédent, avec un certain nombre de mesures visant à renforcer l’attractivité du secteur et l’accompagnement.
Enfin, vous soulevez une ambiguïté concernant le processus de simplification. Pour moi, aucune ambiguïté subsiste dans ce projet de loi qui vise à sécuriser, simplifier et libérer l’exercice de l’activité agricole. Il s’agit d’une demande fondamentale de nos agriculteurs auquel ce projet de loi répond.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je tiens, au nom de mon groupe, à exprimer notre plus vive préoccupation concernant le projet de loi d’orientation agricole sur la souveraineté agricole et sur le renouvellement des générations en agriculture. De la même manière, les conclusions du rapport sur lequel nous nous sommes fondés pour intervenir aujourd’hui n’ouvrent pas, ou si peu, de perspectives pour nos paysans et l’avenir de l’agriculture française.
Tout d’abord, nous partageons avec vous cette nécessité de bien définir le concept de souveraineté alimentaire. Sous l’impulsion confuse du « macronisme » qui, depuis sept ans, cherche toujours à trouver une boussole, nous nous voyons proposer une définition opposée à notre objectif qui est de tendre vers une souveraineté alimentaire incluant les produits transformés, la plus locale possible tout en garantissant un revenu correct à nos agriculteurs. Parfois même, cette définition de la souveraineté alimentaire est contradictoire lorsqu’elle se confond avec les accords de libre‑échange et les lois du marché. Il est clair que pour ce rapport la souveraineté ne peut être qu’européenne, alors que pour nous, elle ne peut être que nationale, définie au niveau de chaque État membre.
Cette ambiguïté rend difficile l’élaboration de politiques concrètes et mesurables. Comment, en effet, garantir une souveraineté alimentaire durable si le concept n’est pas clairement défini ? Nous avons besoin d’indicateurs solides pour mesurer efficacement notre indépendance agricole et adopter des politiques qui renforcent réellement notre autonomie.
Concernant le soutien aux agriculteurs, je dois souligner la timidité du rapport qui n’interroge même pas la question de la répartition plus juste des aides de la PAC.
Pour beaucoup, le projet de loi ne répond pas aux préoccupations réelles des agriculteurs. La question du renouvellement des générations, essentielle, est posée avec le départ de nombreux exploitants à la retraite sans assurance que leur exploitation ne soit reprise. Pour soutenir les jeunes agriculteurs, notre mouvement, le Rassemblement national, propose notamment l’abrogation des lois de succession pour un agriculteur qui reprend une exploitation pour une durée minimale de dix ans.
Sur la simplification des règles environnementales, j’aurais envie de vous dire qu’il aurait suffi de ne pas les complexifier pour n’avoir pas aujourd’hui à les simplifier. Pour autant, je crains que les mesures proposées ne soient pas suffisamment ambitieuses pour soulager les agriculteurs des lourdeurs bureaucratiques tout en garantissant la protection des haies et de la biodiversité. La simplification doit demeurer une priorité sans compromettre nos engagements environnementaux.
Tant le Gouvernement que l’Union européenne doivent renouer avec des aides incitatives et rémunératrices au lieu de matraquer et sanctionner nos agriculteurs. Les agricultures nationales ont un rôle majeur à jouer sans nier que la PAC est essentielle. La France doit prendre ses propres mesures et défendre ses intérêts. Nous devons donc être proactifs et proposer un projet de loi bien plus ambitieux.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Au moins cette réunion de commission aura eu le mérite de montrer à notre collègue Constance Le Grip, je dis cela en toute amitié, que la France insoumise n’est pas opposée à l’Europe, bien au contraire, mais pour une Europe qui protège ceux qui y habitent et non pas ceux qui spéculent.
La situation d’urgence dans laquelle se trouve aujourd’hui le monde agricole est une évidence sur laquelle nous nous accordons tous. Concurrence des produits ukrainiens, fiscalité du gazole non routier, renchérissement des intrants : les origines de la colère paysanne sont nombreuses, celles de nos concitoyens également. L’exigence est partout la même : nos agriculteurs veulent vivre dignement de leur activité. Malheureusement une majorité écrasante d’entre eux ne le peut pas. Les économies permanentes accentuent la profonde crise sociale qui touche le monde rural. Le manque de renouvellement des générations se nourrit d’un double mouvement : d’une part, des spéculations foncières artificialisant les sols à coups de projets immobiliers ; d’autre part, une concentration accrue des terres dans les mains toujours moins nombreuses de grands groupes industriels aux pratiques agro-intensives dangereuses tant pour les hommes que pour la terre.
Troisième aspect de la véritable menace qui pèse sur le monde agricole : au dérèglement climatique qui menace la viabilité des agricultures, l’industrialisation de notre agriculture productiviste est venue ajouter l’épuisement des sols et la destruction de la nature. Or, sans nature, pas d’agriculture. Le rapport de notre collègue Aurélie Trouvé permet de souligner les failles du projet de loi d’orientation agricole examiné ces jours-ci par la représentation nationale. Plutôt que d’assainir les fondements économiques, sociaux et agronomiques de nos modèles agricoles, ce texte ira au mieux rejoindre le cimetière des actes manqués. Car sans le dire explicitement, le texte continue de nourrir l’opposition entre agriculture et environnement. Ce gouvernement a toujours préféré ménager les intérêts établis pour leur sacrifier l’intérêt général, en l’occurrence la santé de nos sols et de nos agriculteurs et à terme la souveraineté alimentaire de notre pays. Les faux-semblants du « en même temps » ne sont qu’un renoncement illustré par les paradoxes du plan Ecophyto. L’abrogation du plan de réduction de l’utilisation des pesticides est un scandale économique, écologique et sanitaire. Comme le fait remarquer le professeur Marc-André Selosse du Muséum d’Histoire naturelle, le changement d’indicateurs de notre consommation de produits phytosanitaires qui abandonne l’indice français – plus exigeant – pour un indice européen dont les scientifiques dénoncent l’inadéquation équivaut à une simple réduction des contraintes conforme à certaines attentes syndicales. Pourtant, le ministre déclare ouvrir en même temps la possibilité de mettre en œuvre et de financer un mécanisme d’indemnisation des riverains ayant contracté une maladie en lien avec l’exposition prolongée et répétée à des produits phytopharmaceutiques. Une façon discrète, convenons-en, et implicite, de reconnaître qu’un danger existe tant pour les riverains que pour les agriculteurs qui manipulent ces substances en masse. Ce n’est qu’un exemple mais il illustre comment ce projet de loi continue à creuser le même sillon, celui d’un modèle condamné par ses propres excès ainsi que par le déni permanent de la science écologique. Ce modèle oublie que la base de l’agriculture, c’est la science et les hommes. C’est là que réside la véritable menace sur notre souveraineté alimentaire nationale et européenne.
M. Fabien Di Filippo (LR). La rapporteure et moi-même avons une conception de l’agriculture éminemment différente. Toutefois, je pourrais tout à fait me retrouver dans le début du propos de notre collègue Rodrigo Arenas tant sur le constat qu’il dresse que sur les causes de la crise agricole majeure que nous traversons. Pour le reste, je pense que nos agriculteurs sont avant tout des chefs d’entreprise avec des contraintes qui s’exercent sur eux et qu’il faut considérer comme telles.
Je fais également le constat que ce projet de loi ne permet pas d’aborder les principaux sujets que sont les charges et les questions fiscales. Il manque tout un volet financier à propos duquel nous aurions aussi une approche très différente. Je ne vois pas demain nos agriculteurs vivre décemment, être compétitifs, développer leur entreprise, tout en recréant des kolkhozes, en les fonctionnarisant, ou en les enfermant dans de trop petites fermes. Je vous prie de ne pas prendre mal cette caricature. Mon propos consiste seulement à rappeler que faire de la politique, c’est opérer des choix. Ces derniers temps, des efforts ont été chiffrés à quelques centaines de millions d’euros par le Gouvernement. Toutefois, lorsque le RSA est revalorisé de 4,6 %, au 1er avril, cela représente 700 millions d’euros, soit le double de l’effort financier en faveur des agriculteurs en réponse à la crise du début de l’année.
Beaucoup d’aspects du projet de loi vont permettre de traiter les questions de manière trop superficielle, notamment concernant le renouvellement des générations. La question de l’accès à la terre, la taille des fermes, et la manière dont il est possible d’accompagner les nouveaux agriculteurs qui n’ont pas de racines agricoles est tout aussi fondamentale.
Enfin, la notion de souveraineté alimentaire est essentielle. Je rejoins les propos de mes collègues estimant que le concept de souveraineté alimentaire est mal défini dans le PJLOA. Cependant, aujourd’hui, dès que des contraintes sont ajoutées ou que le niveau de production recule en France, les produits sont remplacés par des importations dont nous ne maîtrisons pas le processus de production, ce qui s’avère très inquiétant pour la santé de la population. Vous avez évoqué les produits étrangers, les accords de libre-échange ainsi que les produits ukrainiens arrivés en masse depuis deux ans sur notre sol, questions qui se traitent au niveau européen, et ont un impact majeur sur la compétitivité de l’agriculture française. Il faut le garder en mémoire sans pour autant l’aborder ainsi.
M. Charles Sitzenstuhl (RE). L’agriculture française doit être définie dans un cadre européen. Elle est au fondement de la construction européenne puisque la PAC était prévue dès le traité de Rome. La PAC a atteint son objectif de produire suffisamment pour nourrir les Européens, alors que le continent connaissait encore des crises alimentaires et des famines dans les années 1950. Nous devions alors importer de nombreuses productions du sud de la Méditerranée ou d’autres continents. L’Europe a maintenant atteint un niveau d’autosuffisance et la souveraineté sur les principales productions alimentaires.
Il est nécessaire de répondre aux craintes des agriculteurs français, tout en gardant en mémoire que la PAC a permis à l’agriculture française d’acquérir les capacités d’exportations qui sont les siennes.
Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Mme Constance Le Grip, vous indiquez que la France est la sixième puissance exportatrice agricole du monde. Certes, mais elle a jadis occupé la deuxième place du classement. Je ne crois pas que l’on puisse se féliciter de cette baisse. La balance agricole française est en diminution constante depuis 2013. Sans le vin, la France est importatrice nette. Elle est par ailleurs devenue importatrice nette, vin inclus, vis-à-vis des autres pays de l’Union européenne et de l’Europe depuis plusieurs années, alors même qu’elle était présentée comme le grenier de l’Europe.
M. Charles Sitzenstuhl, vous soulignez les succès de l’Europe en matière d’autosuffisance. Cependant, la France l’est de moins en moins concernant les secteurs en situation d’importation nette. La situation semble évoluer dans le même sens dans l’Union européenne, comme le montre l’exemple des protéines végétales.
La PAC a connu un succès considérable jusqu’en 1992. Je m’appuie sur les travaux d’Edgar Pisani, qui a travaillé en France à la mise en place de cette politique et qui indique que nous devrions faire évoluer la PAC pour affronter les nouveaux enjeux.
Le groupe parlementaire de la France insoumise fait partie d’un groupe parlementaire qui a voté contre la réforme de la PAC car son budget est en constante baisse. La politique agricole est de plus en plus « à la carte » et concurrentielle et il existe de moins en moins d’outils communs à l’échelle européenne. Nous souhaitons une politique agricole réellement commune grâce à laquelle la France et les États membres pourraient retrouver une forme de souveraineté alimentaire nationale, ce qui était l’un des objectifs originels de la PAC.
Mme Joëlle Mélin, il existe effectivement un problème du point de vue des logiques de distribution des aides directes de la PAC aux agriculteurs, qui se font par hectare. Il s’agit de subventions indirectes au capital foncier, là où l’emploi agricole pourrait être favorisé si le versement des aides directes était assis sur les actifs et non sur les surfaces agricoles. Au niveau national, les PSN peuvent prévoir un plafonnement par actifs agricoles. Il ne s’agit pas uniquement de la responsabilité de l’Europe.
Les aides européennes perdent de plus en plus leur légitimité car elles ne sont plus des aides aux revenus, des aides selon l’état des prix agricoles, des aides à l’actif et à l’emploi, des aides en fonction des services environnementaux ou des aides qui ciblent des productions en danger, mais des aides au capital foncier.
M. Fabien Di Filippo, je considère également les agriculteurs comme des chefs d’entreprise. Nous ne sommes ni pour les fonctionnariser ni pour instaurer des kolkhozes. Pour rappel, ce qui s’apparente le plus, par leurs tailles, à des kolkhozes, ce sont les agrifirmes. Nous souhaitons une agriculture familiale dont les facteurs de production seraient la propriété des agriculteurs et des personnes travaillant sur les exploitations agricoles. Ce projet de loi d’orientation agricole fragilisera cette agriculture. Nous avons voté ensemble pour rejeter l’article 12 qui ouvre à la finance l’accaparement du foncier agricole.
Enfin, la question des importations a également une portée nationale puisqu’un État membre peut demander d’activer la clause de sauvegarde pour des raisons sanitaires, ce que la France a demandé à propos du diméthoate, un pesticide avec lequel étaient traitées des cerises importées. Je considère que nous n’activons pas suffisamment cette clause de sauvegarde tant à l’échelle nationale qu’européenne. C’était l’objet d’une proposition de résolution européenne que j’ai présenté devant votre commission.
La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure
– Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI)
Mme Catherine GESLAIN-LANEELLE, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique
– Direction générale de l’Environnement (DG ENVI)
M. Humberto DELGADO ROSA, Director D – “Biodiversity”
M. Ion CODESCU, Head of Unit D1 – “Land use and Management” unit
M. José Alegre SEOANE, Team leader agriculture, Unit D1 - “Land use and Management”
Mme Anne MARÉCHAL, Policy officer Unit D1 - “Land use and Management”
Mme Saskia ONNINK, Policy officer Unit C1 – Sustainable Freshwater Management unit
Mme Caroline ARIAS VAN OORDT, Policy officer Unit A1 – Inter- Institutional Relations and Briefings unit
– M. Yves AUFFRET, directeur adjoint de cabinet
– Mme Mylène TESTUT-NEVES, directrice de cabinet adjointe
– Mme Jeanne LANQUETOT-MORENO, conseillère politique agricole commune et simplification
– M. Louis de REDON, conseiller forêt bois, agroforesterie
– Mme Marie-Christine LE GAL, conseillère enseignement agricole, renouvellement des générations, compétences et emploi
– Mme Marina MAURES, conseillère territoires, foncier, investissements et finance carbone
– Mme Claire THOLANCE, conseillère parlementaire
– Mme Aurélie CATALLO, directrice agriculture France
([1]) Communication du groupe de travail de suivi du groupe de travail de suivi du projet de loi d’orientation agricole (PJLOA), Mme Aurélie Trouvé et M. Pascal Lavergne, 6 décembre 2023.
([2]) Idem.
([3]) Taux de retour en 2022, jaune budgétaire pour 2024.
([4]) La Conférence des présidents, réunie le mardi 9 avril 2024, a rejeté l’étude d’impact du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, en vertu de l’article 39 de la Constitution.
([5]) Décision n° 2024-14 FNR du 22 avril 2024, Présentation du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture [Non méconnaissance de la loi organique].
([6]) https://agriculture.ec.europa.eu/news/eu-agri-food-trade-achieved-record-surplus-2023-2024-04-05_en?prefLang=fr&etrans=fr
([7]) 31 % du budget total à partir du 1er janvier 2021, chiffres actualisés en décembre 2023. https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/106/le-financement-de-la-pac
([8]) Commission européenne, document de travail, Drivers of Food Security (Les Facteurs de sécurité alimentaire), 4 janvier 2023.
([9]) Règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013.
([10]) Selon le dernier recensement de l’Agreste, l’organisme de statistiques, d’évaluation et de prospective du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en 2020. L’union européenne comprend une surface agricole utile de 157, 4 millions d’hectares.
([11]) Chiffres Eurostat, 2023.
([12]) Site de la Commission européenne. Plan stratégique national en matière agricole de la France. https://agriculture.ec.europa.eu/cap-my-country/cap-strategic-plans/france_fr
([13]) Site de la Commission européenne. Plan stratégique national en matière agricole de la France. https://agriculture.ec.europa.eu/cap-my-country/cap-strategic-plans/france_fr
([14]) Pour rappel, les propos de la Première ministre Margareth Thatcher au sommet des chefs d’États à Dublin, le 30 novembre 1979, « I want my money back », qui donner lors du Conseil européen de Fontainebleau, en 1984, au début des négociations relatives au « chèque britannique » pour les futurs cadres financiers pluriannuels européens.
([15]) https://agriculture.ec.europa.eu/data-and-analysis/financing/cap-expenditure_en.
([16]) 31 % du budget total à partir du 1er janvier 2021, chiffres actualisés en décembre 2023. https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/106/le-financement-de-la-pac.
([17]) Règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013, dit règlement « PSN ».
([18]) Règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 modifiant les règlements (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) n° 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) n° 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et (UE) n° 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32021R2117.
([19]) Règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) n° 1306/2013. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32021R2116.
([20]) https://agriculture.ec.europa.eu/cap-my-country/cap-strategic-plans_fr
([21]) Traduction du terme anglais « ecoscheme ».
([22]) Considérant 21 du règlement « PSN ».
([23]) Site du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la conditionnalité des aides PAC, 24 février 2023.
([24]) Site du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la conditionnalité des aides PAC, 24 février 2023.
([26]) Site du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Plan financier indicatif détaillé, 24 février 2023.
([27]) Article 123 du règlement « PSN ».
([28]) Site du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le Plan stratégique national français, 24 février 2023.
([29]) Rodrigo Arenas et Charles Sitzenstuhl, La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, n° 2215, 14 février 2024.
([30]) Rodrigo Arenas et Charles Sitzenstuhl, La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, n° 2215, 14 février 2024.
([31]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([32]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([33]) Audition du 24 avril 2024 de M. Humberto Delgado Rosa, directeur d’unité au sein de direction générale de l’Environnement à la Commission européenne.
([34]) Bulletin Quotidien Europe du 30 avril 2024.
([35]) Document de travail de la Commission européenne, Facteurs de sécurité alimentaire, publié le 4 janvier 2023 par le secrétariat général de la Commission.
([36]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([37]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([38]) Exposé des motifs du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, enregistré à l’Assemblée nationale le 3 avril 2024.
([39]) Considérant 17 du règlement PSN.
([40]) Rodrigo Arenas et Charles Sitzenstuhl, La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, n° 2215, 14 février 2024. Proposition n° 19.
([41]) Communication du groupe de suivi de la loi d’orientation agricole, auditions de la FNSEA, 6 décembre 2023.
([42]) Transformation de l’agriculture et des consommations alimentaires, Insee Références, édition 2024, p. 99.
([43]) Transformation de l’agriculture et des consommations alimentaires, Insee Références, édition 2024, p. 99.
([44]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([45]) Idem. La Roumanie concentre 32 % des exploitations, suivie par la Pologne (14 %), l’Italie (12 %), puis l’Espagne (10 %).
([46]) Idem. La production brute standard est respectivement pour l’Italie de 16 %, pour l’Allemagne de 13 % et pour l’Espagne de 12 %.
([47]) Article 4 & 6 du règlement PSN. Par jeune agriculteur, il entend a) une limite d’âge supérieure située entre 35 et 40 ans ; b) les conditions à remplir pour être "chef d’exploitation"; c) la formation appropriée ou les compétences requises, telles qu’elles sont déterminées par les États membres.
([48]) Dans le PSN français, il faut être titulaire d’un diplôme agricole de niveau 4 ou supérieur, être titulaire d’un diplôme de niveau 3 ou supérieur, quelle que soit la spécialité et prouver l’exercice d’une activité professionnelle dans le secteur de la production agricole d’au minimum 24 mois au cours des trois dernières années ; prouver l’exercice d’une activité professionnelle dans le secteur de la production agricole d’au minimum 40 mois au cours des cinq dernières années.
([49]) Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31992L0043
([50]) Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32009L0147
([51]) Audition du 24 avril 2024 du cabinet du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
([52]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([53]) Audition du 24 avril du cabinet du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
([54]) Audition du 24 avril du cabinet du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
([55]) Étude d’impact relative au projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, p. 180.
([57]) Audition du 24 avril du cabinet du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
([58]) Étude d’impact relative au projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
([59]) Mieux se nourrir, Indicateurs de souveraineté alimentaire, publication conjointe du Secrétariat général à la planification écologique, de l’Agreste, et de FranceAgrimer, du 3 avril 2024.
([60]) Audition du 24 avril 2024 de Mme Aurélie Cattalo, directrice agriculture France, au sein de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
([61]) Audition du 24 avril 2024 de Mme Aurélie Cattalo, directrice agriculture France, au sein de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
([62]) Étude d’impact, p. 191.
([63]) Étude d’impact relative au projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, p. 169.
([64]) F. Tivierge et C. Grison, Avis n° 2024-04 sur le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, Conseil économique, social et environnemental, 20 mars 2024, p. 7 (https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_04_PLOSA.pdf).
([65]) Georg Jellinek, L'État moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, II.
([66]) Rodrigo Arenas et Charles Sitzenstuhl, La souveraineté alimentaire européenne : une stratégie de résilience à (re)définir, n° 2215, 14 février 2024, tableaux I et II pp.31-32.
([67]) Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France, rapport du Gouvernement, mars 2024.
([68]) Évaluation de la souveraineté agricole et alimentaire de la France, rapport du Gouvernement, mars 2024.
([69]) Paru le 1er mars 2023, https://www.franceagrimer.fr/Actualite/International/2023/Souverainete-alimentaire-un-eclairage-par-les-indicateurs-de-bilan
([70]) Paru le 1er mars 2023, https://www.franceagrimer.fr/Actualite/International/2023/Souverainete-alimentaire-un-eclairage-par-les-indicateurs-de-bilan
([71]) https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/agri-food-supply-chain/ensuring-global-food-supply-and-food-security_en
([72]) Commission européenne, document de travail, Drivers of Food Security (Les Facteurs de sécurité alimentaire), 4 janvier 2023.
([73]) Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) est un organisme intergouvernemental qui joue un rôle de forum dans le système des Nations Unies, chargé d’examiner et de faire un suivi des politiques relatives à la sécurité alimentaire mondiale, y compris la production et l’accès économique à l’alimentation.
([74]) Audition du 24 avril 2024 de Mme Aurélie Cattalo, directrice agriculture France, au sein de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
([75]) Audition du 23 avril de Mme Catherine Geslain-Laneelle, directrice de la Stratégie et de l’Analyse politique, à la Direction générale de l’Agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne.
([76]) Considérant 19 du règlement « PSN ».
([77]) Plan stratégique national de la PAC 2023*2027- France
([78]) Commission européenne, document de travail, Drivers of Food Security (Les Facteurs de sécurité alimentaire), 4 janvier 2023.
([79]) Commission européenne, document de travail, Drivers of Food Security (Les Facteurs de sécurité alimentaire), 4 janvier 2023.