N° 2624

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023
visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Caroline YADAN et M. Frédéric FALCON

Députés.

 


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Partie I (articles 1er à 8) : Des dispositions répressives désormais effectives

I. les dispositions pénales du chapitre Ier ONT FAIT L’OBJET D’UNE CIRCULAIRE du ministère de la justice

A. LA LOI durcit LA RÉPRESSION DES SQUATS LORSQU’IL S’AGIT DU DOMICILE D’UNE PERSONNE

1. La loi précise la notion de « domicile » utilisée pour sanctionner les squats couverts au titre de l’article 226-4 du code pénal

2. Le quantum des peines encourues en cas de squat est alourdi par l’article 3

B. LA LOI crée DEUX NOUVEAUX DéLITS POUR mieux PROTéGER LA PROPRIéTé PRIVéE IMMOBILIèRE des squats

1. La création d’un délit de squat d’une propriété immobilière autre qu’un domicile

2. La création d’un délit de maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice

C. LA LOI RENFORCE LES DISPOSITIONS à l’encontre dES TIERS QUI ENCOURAGENT LES SQUATS

1. Les sanctions encourues du chef de sous-location illicite sont aggravées

2. Un nouveau délit de propagande ou de publicité visant à faciliter les squats est créé

II. LA LOI DU 27 JUILLET 2023 FACILITE LES PROCéDURES D’EXPULSION EN CAS DE SQUAT

A. LA LOI AMéLIORE LA PROCéDURE ADMINISTRATIVE SPéCIALE PRéVUE POUR éVACUER RAPIDEMENT LES OCCUPANTS D’UN SQUAT

1. L’article 6 étend le champ d’application de la procédure administrative spéciale

2. La procédure administrative spéciale souffre encore de plusieurs faiblesses

B. LA LOI SUPPRIME L’ENSEMBLE DES DÉLAIS DONT POUvAIT BéNéFICIER UN SQUATTEUR

1. La loi supprime la possibilité de bénéficier de délais de grâce ou de procédure

2. Ces nouvelles dispositions ont été appliquées sans difficultés notables

C. La loi PéRENNISE et sécurise LE DISPOSITIF DE MISE à DISPOSITION TEMPORAIRE DE LOCAUX VACANTS à DES FINS SOCIALES

1. La loi du 27 juillet 2023 pérennise le dispositif de mise à disposition de logements vacants prévu par la loi Molle

2. La loi sécurise le dispositif pour les propriétaires

Partie II (Articles 9 à 13) : Les dispositions visant à sécuriser les rapports locatifs (chapitre II) et renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté (chapitre III) ne sont pas encore pleinement mises en œuvre

I. Le RENFORCEment de L’EFFECTIVITé DE LA CLAUSE RéSOLUTOIRE DANS LES CONTRATS DE BAIL est partiellement mise en œuvre

A. LA LOI SYSTéMATISE LA PRéSENCE D’UNE CLAUSE RéSOLUTOIRE DANS LES CONTRATS DE BAIL POUR FACILITER LA RéSILIATION DU CONTRAT EN CAS D’IMPAyéS LOCATIFS

1. L’article 9 rend obligatoire la présence d’une clause résolutoire dans tous les contrats de bail

2. L’obligation de clause résolutoire est d’application immédiate, mais sa rétroactivité fait débat

B. L’ARTICLE 9 RENFORCE L’automaticité de la clause résolutoire

1. La suspension de la clause résolutoire est désormais décorrélée de l’octroi de délais de paiement

2. En l’état, ces deux critères pourraient augmenter le nombre d’expulsions fermes

II. L’ARTICLE 10 RéDUIT PLUSIEURS DéLAIS PRéVUS DANS LA PROCéDURE CONTENTIEUSE

A. LA LOI RéDUIT certains DÉLAIS PROCéDURAUX PRéALABLES à L’AUDIENCE

1. La loi réduit le délai requis pour que la clause résolutoire produise effet ainsi que le délai entre l’assignation et l’audience

2. Ces nouveaux délais ne sont pas appliqués aux contrats en cours en l’absence de disposition transitoire

B. LES DéLAIS DE GRâCE susceptibles d’ÊTRE ACCORDéS ONT également éTé réDUITS PAR LA LOI

C. LES PROCéDURES d’expulsion demeurent longues en raison des délais d’audiencement ET DES DIFFICULTéS à OBTENIR LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE

1. Des délais d’audiencement particulièrement longs

2. Les difficultés à obtenir le concours de la force publique

III. le RENFORCEment de L’ACCOMPAGNEMENT DES LOCATAIRES DéFAILLANTS nécessite des décrets d’application

A. L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL EST RENFORCé PAR LA SYSTéMATISATION DU SIGNALEMENT à LA Ccapex DèS LE COMMANDEMENT DE PAYER (ARTICLE 10)

1. Le signalement des commandements de payer est uniformisé sur l’ensemble du territoire

2. La transmission d’informations par les commissaires de justice

3. La réalisation anticipée du diagnostic social et financier

B. LA REFONTE DU FONCTIONNEMENT DES Ccapex ET le RENFORCEment de LEURS PRéROGATIVES nécessitent la publication de textes d’application

1. Les prérogatives des Ccapex sont renforcées

a. La suspension des aides personnelles au logement

b. La répartition des signalements d’impayés locatifs

2. La loi entend assurer l’information complète des Ccapex aux différents stades de la procédure

C. LES PRéFETS SONT déSORMAIS TENUS D’INFORMER LE LOCATAIRE DE SON DROIT DE DEMANDER DES déLAIS DE PAIEMENT AU JUGE (ARTICLE 9)

IV. LA LOI a ENTENDu MIEUX INDEMNISER LES PROPRIéTAIRES DONT LE BIEN EST OCCUPé PAR UN LOCATAIRE DÉFAILLANT

A. LA POSSIBILITé d’un VERSEMENT DIRECT AU BAILLEUR DES PRESTATIONS SOCIALES DU LOCATAIRE DéFAILLANT

B. L’harmonisation des RèGLES D’INDEMNISATION DES PROPRIéTAIRES EN CAS DE REFUS DE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe 1 : état de l’application de la loi au 5 mai 2024

annexe 2 : Liste des personnes auditionnées

ANNEXE 3 : liste des contributions écrites reÇues

 

 


   Introduction

 

La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite constitue une loi importante permettant de sécuriser les propriétaires bailleurs et de protéger la propriété privée. Portée par l’ancien président de la commission des affaires économiques de notre Assemblée, aujourd’hui ministre délégué chargé du logement, M. Guillaume Kasbarian, la loi comprend trois chapitres :

– le premier est consacré au renforcement des dispositifs de répression pénale des squats ;

– le deuxième vise à accélérer les procédures en cas d’impayés de loyer ou de squat ;

– le troisième vise à renforcer la prévention des impayés de loyers en améliorant l’accompagnement social des locataires en difficulté.

Si les mesures d’ordre pénal permettant de lutter contre les squats, qui composent l’essentiel du chapitre Ier, sont d’application directe, il n’est pas encore possible, faute de recul, d’analyser la manière dont le juge s’est emparé des nouveaux quanta de peine et nouvelles peines prévues par le droit. Aucune difficulté particulière n’est aujourd’hui à relever. La loi a d’ores et déjà le mérite d’afficher une attitude beaucoup plus ferme face à une pratique tout simplement inacceptable. L’efficacité des nouvelles mesures, dont l’évaluation ne constitue pas l’objet du présent rapport, risque néanmoins d’être limitée tant il demeure difficile de prouver et justifier une situation de « squat » devant l’autorité judiciaire comme l’autorité administrative.

Une partie importante des dispositions des chapitres II et III ne sont pas appliquées :

– en l’absence de mesures transitoires prévues par la loi, les professionnels du droit continuent à appliquer le droit contractuel en vigueur au moment de la promulgation de la loi en ce qui concerne la clause résolutoire. Il faudra scruter l’avis de la 2e chambre civile de la Cour de cassation qui sera rendu à la mi-juin. (voir infra). La réduction des délais de procédure et des délais de grâce, quant à elle, est d’ores et déjà mise en œuvre,

– la refonte du rôle et du fonctionnement des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives nécessite plusieurs décrets et arrêtés d’application, attendus d’ici la fin de l’année 2024.

In fine, sur les six décrets nécessaires pour pleinement appliquer la loi, un seul a aujourd’hui été publié.

Comme l’ont exprimé les représentants des propriétaires comme des locataires, vos rapporteurs souhaitent que la communication au sujet de cette loi importante soit renforcée, pour que chacun soit conscient de ses droits et de ses devoirs.

 


Partie I (articles 1er à 8) :
Des dispositions répressives désormais effectives

Les mesures de la loi visant à lutter contre les squats sont essentiellement d’application immédiate.

I.   les dispositions pénales du chapitre Ier ONT FAIT L’OBJET D’UNE CIRCULAIRE du ministère de la justice

La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite comprend un volet pénal dont les dispositions ont fait l’objet d’une présentation dans une circulaire ([1]) de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), adressée aux magistrats du parquet et du siège. La loi renforce les sanctions punissant les violations de domicile (A), crée deux nouveaux délits pour punir plus généralement les atteintes à la propriété immobilière (B) et renforce les dispositions à l’encontre de tiers qui encourageraient la survenue de squats (C). Il convient ici de rappeler que le « squat » se définit, en termes juridiques, comme l’entrée et l’occupation illégale d’un local à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ([2]).

Au regard de l’entrée en vigueur récente de la loi, la direction des affaires criminelles et des grâces n’a pas été en mesure de dresser le bilan de l’application par le juge des nouvelles peines et amendes prononcées en cas de squat. Aucune difficulté particulière dans l’application du droit par le juge n’est aujourd’hui remontée à la Chancellerie. Si les cas de squat sont tout à fait marginaux sur le territoire, un tel renforcement des dispositions pénales a semblé bienvenu à la plupart des acteurs auditionnés : il permet d’afficher une volonté politique nouvelle dans la lutte contre ces phénomènes.

Cependant, il ressort des auditions conduites que les difficultés les plus importantes, préexistant à l’entrée en vigueur de la loi, demeurent : la qualification de « voie de fait » ou de « manœuvres » demeure très difficile à obtenir pour les propriétaires d’un local. Faute de preuve tangible, le juge requalifiera un squat en occupation sans droit ni titre, empêchant l’application de l’arsenal pénal prévu par le législateur ([3]).

A.   LA LOI durcit LA RÉPRESSION DES SQUATS LORSQU’IL S’AGIT DU DOMICILE D’UNE PERSONNE

Si le droit pénal protège, depuis la loi du 22 juillet 1992 ([4]), les atteintes au domicile en tant qu’émanation du respect à la vie privée, la loi du 27 juillet 2023 modifie l’article 226-4 du code pénal pour renforcer cette protection et la rendre plus effective.

1.   La loi précise la notion de « domicile » utilisée pour sanctionner les squats couverts au titre de l’article 226-4 du code pénal

L’article 6 de la loi du 27 juillet 2023 complète en ces termes l’article 226‑4 du code pénal : « constitue notamment le domicile d’une personne, au sens cet article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. ». Cette précision vise à rappeler qu’un domicile non habité ou encore une résidence secondaire demeurent protégés par le délit de violation de domicile. Cette définition de la notion de domicile est non exhaustive et limitative, comme l’indique la présence de l’adverbe « notamment ».  Dès lors, il revient aux juridictions du fond de préciser in concreto les contours de cette notion. En revanche,  le Conseil constitutionnel ([5]) a précisé, par une réserve d’interprétation, que la présence de meubles ne saurait permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile.

Il est à noter que l’article 6 codifie ainsi, selon la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces, la définition déjà dégagée par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation ([6]) et selon laquelle constitue un domicile le « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux, ce texte n’ayant pas pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation ».

Dispositions de l’article 226-4 du code pénal

L’article 226-4 du code pénal, tel que modifié par la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, est rédigé en ces termes :

« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »

Outre la condition tenant à l’introduction dans le domicile, la caractérisation de la violation de domicile suppose de rapporter la preuve que les faits ont été commis à l’aide de manœuvres, menaces, voie de fait ou violence.

2.   Le quantum des peines encourues en cas de squat est alourdi par l’article 3

L’article 3 de la loi a porté les peines prévues à l’article 226-4 du code pénal d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Vos rapporteurs n’ont pas encore connaissance de l’application de ces nouveaux quanta de peine, étant rappelé que les poursuites pénales du chef de squat sont très rares.

La direction des affaires criminelles et des grâces a précisé que l’augmentation du quantum de la peine d’emprisonnement encourue emporte des conséquences procédurales, l’application du principe de proportionnalité subordonnant les moyens de l’enquête à la peine encourue. À titre d’exemple, le recours à la comparution immédiate dans le cadre d’une enquête préliminaire est possible uniquement lorsque la peine encourue est au moins égale à deux ans conformément à l’article 395 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, l’alourdissement du niveau de l’amende pouvant être prononcée suscite certaines interrogations au regard de l’insolvabilité fréquente des ménages concernés.

B.   LA LOI crée DEUX NOUVEAUX DéLITS POUR mieux PROTéGER LA PROPRIéTé PRIVéE IMMOBILIèRE des squats

Jusqu’à présent, le droit pénal protégeait le domicile en tant qu’émanation du droit à la vie privée. L’article 1er de la loi du 27 juillet 2023 crée deux nouveaux délits protégeant la propriété immobilière en tant que telle et réprime ainsi plus largement les atteintes aux biens.

1.   La création d’un délit de squat d’une propriété immobilière autre qu’un domicile

L’article 1er de la loi du 27 juillet crée un nouvel article 315-1 dans le code pénal qui punit de deux ans d’emprisonnement et trente mille euros d’amende « l’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet » ainsi que le maintien dans ce local ([7]).

Concrètement, un propriétaire non occupant qui ne pourrait se prétendre victime d’une violation de domicile (couverte par le champ de l’article 226-4 du code pénal) peut, en revanche, être désormais reconnu victime de l’occupation frauduleuse des locaux qui lui appartiennent. Comme le rappelle la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces précitée, dans le cas où la victime d’un squat serait un propriétaire occupant, les principes généraux du droit commandent de retenir la qualification la plus sévèrement punie, à savoir la violation de domicile (article 226-4 du code pénal) plutôt que l’occupation frauduleuse (article 315-1 du même code) ([8]). Dans le cas où serait investi un local d’habitation constituant le domicile d’une personne autre que le propriétaire du bien (par exemple, le locataire du bien), les deux infractions pourront être retenues concomitamment.

2.   La création d’un délit de maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice

L’article 1er crée également un nouvel article 315-2 dans le code pénal, qui punit de 7 500 euros d’amende « le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois ». Ce nouveau délit cible donc moins les squatteurs que les locataires défaillants dont l’expulsion a été ordonnée par une décision de justice, mais qui refusent de quitter les lieux. La répression au titre de l’article 315-2 du code pénal est exclue lorsque l’occupant bénéficie de la trêve hivernale, lorsque le juge de l’exécution est saisi d’une demande de délais pour quitter les lieux ou lorsque le logement appartient à un bailleur social (ou à une personne morale de droit public).

La direction des affaires criminelles et des grâces, auditionnée par vos rapporteurs, précise par ailleurs que pour déterminer le montant de la peine d’amende qu’elle prononcera en répression du délit créé à l’art. 315-2 du code pénal, la juridiction saisie se détermine en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale (art. 132-1 du même code). En particulier, il pourra être tenu compte des éventuelles dettes locatives et indemnités pour occupation sans droit ni titre devant être payées au propriétaire. Les avocats comme les propriétaires craignent qu’une amende soit de nature à aggraver durablement la situation financière du mis en cause, au détriment de la résorption de sa dette locative.

C.   LA LOI RENFORCE LES DISPOSITIONS à l’encontre dES TIERS QUI ENCOURAGENT LES SQUATS

1.   Les sanctions encourues du chef de sous-location illicite sont aggravées

En cohérence avec l’article 3, l’article 5 augmente le quantum des peines prévu à l’article 313-6-1 du code pénal réprimant le délit de sous-location illicite. Initialement puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, « le fait de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien » est désormais passible d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Comme pour l’aggravation des peines prévue à l’article 3, le renforcement des sanctions en cas de sous-location illicite emporte des conséquences procédurales et renforce les moyens à disposition des juges pendant l’enquête. Ce dernier point s’avère particulièrement utile, les acteurs auditionnés par vos rapporteurs faisant état de plusieurs pratiques de mise à disposition d’un local de façon illicite par des tiers, aggravant les difficultés à prouver la voie de fait devant le juge. Ainsi, une analyse rapide de jurisprudence réalisée par vos rapporteurs, confirmée en audition par la Chambre nationale des commissaires de justice, fait état d’une pratique qui revient, pour les personnes mises en cause, à prétendre qu’un tiers se présentant comme le propriétaire leur aurait donné les clés à leur entrée dans le logement ([9]), afin de faire requalifier le squat en occupation illicite. Une autre pratique courante, dont fait état l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) mais qui ne constitue pas une sous-location à proprement parler, consiste pour des locataires quittant définitivement leur logement à en donner les clés à des proches sans domicile fixe plutôt que de les restituer au propriétaire, favorisant ainsi l’installation d’un squat.

2.   Un nouveau délit de propagande ou de publicité visant à faciliter les squats est créé

L’article 4 de la loi du 27 juillet 2023 crée un nouveau délit de « propagande ou publicité en faveur de la violation de domicile, de l’introduction ou du maintien frauduleux dans un local », puni de 3 750 euros d’amende et introduit à l’article 226‑4-2-1 du code pénal. Ce nouveau délit vise à réprimer la diffusion de toute information faisant la promotion de procédés permettant de faciliter l’installation de squats ou incitant à ces installations (il en va, à titre d’exemple, des conseils pour forcer une serrure). Il entend répondre à un phénomène croissant d’incitation au squat par des collectifs ou groupes de personnes qui, avant la loi, avaient pour pratique de distribuer ou de publier des « guides pratiques » à destination des squatteurs.

Dans sa décision du 26 juillet 2023 ([10]), le Conseil constitutionnel a déclaré cet article conforme à la Constitution et précisé que le nouveau délit n’avait ni pour objet ni pour effet, en particulier lorsque cette diffusion est effectuée par une association ayant pour objet d’apporter son aide aux personnes en situation de précarité, d’incriminer la diffusion d’un message ou d’une information qui ne ferait pas directement ou indirectement la promotion des méthodes favorisant les squats.

Au vu du caractère récent de la loi, aucun cas d’application du nouveau délit prévu à l’article 226-4-2-1 du code pénal n’a pour l’instant été porté à la connaissance de vos rapporteurs : cet article a principalement vocation à jouer un rôle dissuasif.

II.   LA LOI DU 27 JUILLET 2023 FACILITE LES PROCéDURES D’EXPULSION EN CAS DE SQUAT

Outre les modifications apportées au code pénal pour renforcer la politique de répression des squats, la loi du 27 juillet 2023 comprend une série de dispositions pour faciliter les expulsions. Ainsi, la loi améliore la procédure administrative spéciale (A) et supprime l’ensemble des délais dont pouvaient jusqu’ici bénéficier les squatteurs (B).

A.   LA LOI AMéLIORE LA PROCéDURE ADMINISTRATIVE SPéCIALE PRéVUE POUR éVACUER RAPIDEMENT LES OCCUPANTS D’UN SQUAT

L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi « Dalo » ([11]), prévoit une procédure administrative spéciale pour expulser rapidement les squatteurs sans passer devant le juge. Les modifications apportées par l’article 6 de la loi du 27 juillet 2023 à cette procédure visent à en améliorer l’efficacité, dans la continuité des modifications déjà apportées par la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi  « Asap » ([12]).

1.   L’article 6 étend le champ d’application de la procédure administrative spéciale

La procédure administrative spéciale est une procédure pouvant être employée depuis 2007 pour faire évacuer un squat plus rapidement que dans le cadre d’une procédure judiciaire.

La procédure administrative d’évacuation des squats

L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 prévoit une procédure administrative d’expulsion et la possibilité pour le propriétaire ou locataire d’un domicile occupé à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte de saisir les services préfectoraux d’une demande d’expulsion. Pour cela, la personne dont le domicile est squatté, doit :

– déposer plainte ;

– apporter la preuve que le logement squatté constitue son domicile ;

– faire constater l’occupation illicite.

Une fois la demande d’expulsion déposée, le préfet dispose de 48 heures pour décider de la mise en demeure de l’occupant frauduleux. Cette mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à 24 heures, est notifiée aux occupants et à l’auteur de la demande et est publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. En cas de refus de quitter les lieux de la part du squatteur, le préfet est tenu de procéder à l’évacuation forcée du logement.

Seule la méconnaissance de la procédure précitée ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure des squatteurs. Dans ce cas, les motifs de la décision doivent être communiqués sans délai au demandeur.

Cette procédure permet au préfet d’évacuer des personnes s’étant introduites et maintenues dans le domicile d’autrui, sans recours préalable au juge, et est donc dérogatoire au droit commun. Cette dérogation est justifiée par la volonté du législateur de permettre à un propriétaire ou un locataire victime d’un squat de pouvoir récupérer son domicile dans des délais plus brefs que dans le cas d’un impayé de loyer.

L’article 6 améliore l’efficience de la procédure administrative au travers de trois dispositions :

– le champ d’application de la procédure, jusqu’alors réservée aux domiciles, est étendu à « tout local à usage d’habitation » afin de couvrir l’ensemble des situations de squats – à titre d’exemple, avant la loi du 27 juillet 2023, les cas relativement courants de squats entre deux locations n’étaient pas couverts par la procédure administrative. Selon les informations du ministère de l’intérieur, l’élargissement de cette procédure à tout local à usage d’habitation a logiquement entraîné une augmentation des demandes, étant donné que les situations de squat concernent majoritairement des logements non occupés ou vacants, même si la jurisprudence récente en a partiellement limité l’étendue ([13]) ;

– le constat d’occupation illicite d’un logement, jusqu’ici réservé aux officiers de police judiciaire (OPJ), peut désormais également être réalisé par les commissaires de justice. Si les maires, en leurs qualité d’OPJ, disposaient déjà de cette compétence, l’article 6 l’inscrit explicitement dans la loi. Cette mesure est saluée par l’UNPI, auditionnée par vos rapporteurs, qui estime que les propriétaires avaient dans certains territoires des difficultés à accéder à un OPJ. La Chambre nationale des huissiers de justices estime également que cette mesure est une avancée, en ce qu’elle permet notamment de prendre le relais des OPJ lorsque les commissariats sont fermés. Elle suggère, à cet égard, que soit procédé à l’affichage systématique dans les commissariats des informations relatives aux permanences de commissaires de justice ;

– lorsque le propriétaire ne peut pas apporter la preuve de son droit en raison du squat (par exemple, si les documents prouvant que le bien constitue son domicile se trouvent à l’intérieur du bien squatté), il revient désormais au préfet de saisir l’administration fiscale dans un délai de 72 heures pour que ce droit soit établi. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a indiqué à vos rapporteurs qu’un projet de circulaire interministérielle à destination des préfets était en cours de rédaction. Elle indiquera notamment que le délai d’instruction de la demande d’expulsion par le préfet, limité à 48 heures, ne commencera à courir qu’à compter du retour de l’administration fiscale saisie d’une demande en ce sens.

Dans le même mouvement, le législateur a introduit plusieurs dispositions à l’article 6 afin d’assurer l’équilibre de la procédure administrative spéciale telle que modifiée par la loi du 27 juillet 2023 :

– le préfet doit désormais prendre en compte la situation personnelle et familiale de l’occupant avant de lui adresser une mise en demeure, dans le délai de 48 heures qui lui est imparti à compter de la réception de la demande, tirant ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 14 mars 2023 ([14]) ;

– lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur (cas du propriétaire non-occupant), le délai d’exécution de la décision d’expulsion du préfet est porté à sept jours (il est « d’au moins 24 heures » lorsque le logement constitue le domicile du demandeur). Par ailleurs, l’introduction d’une requête en référé suspend l’exécution de la décision d’expulsion.

2.   La procédure administrative spéciale souffre encore de plusieurs faiblesses

Si les modifications introduites par la loi du 27 juillet 2023 constituent une avancée reconnue par la plupart des acteurs auditionnés par vos rapporteurs, la procédure administrative souffre encore de plusieurs faiblesses qui en amoindrissent sa portée pour les victimes de squat et ce, alors même que cette alternative à la voie judiciaire contribuerait au désengorgement des tribunaux.

La première, antérieure à la loi du 27 juillet 2023, demeure la faible connaissance par les propriétaires et les locataires de cette procédure, qui a été confirmée tant par les représentants des propriétaires que par le couple, victime de squat, auditionné par vos rapporteurs. Pour la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), il pourrait être envisagé de sensibiliser davantage les services de police afin qu’ils puissent orienter les victimes, dès le stade du dépôt de plainte, vers l’utilisation de cette procédure administrative.

Par ailleurs et s’agissant du constat d’occupation illicite, le Conseil d’État a jugé ([15]) que le refus d’un maire de constater une occupation illicite ne remplissait pas le critère d’urgence pour agir en référé (contrairement à la procédure de mise en demeure préfectorale). La présumée occupation illicite ne pouvait être attaquée si le requérant n’avait pas fait appel à un commissaire de justice ou à un OPJ, également compétents pour constater l’occupation illicite. Or, selon l’UNPI, de nombreux OPJ seraient encore peu familiers avec la procédure de l’article 38 de la loi Dalo, voire rechigneraient à se déplacer pour constater l’occupation illicite. Les propriétaires seraient alors contraints, afin d’épuiser les moyens à leur disposition et pouvoir ainsi effectuer un recours contre les refus de venir constater l’occupation illicite (conformément à la décision du Conseil d’État précitée), de faire appel à un commissaire de justice. Cette action représente un coût non négligeable (250 euros en moyenne selon la Chambre nationale des commissaires de justice, majorée en cas d’intervention en soirée ou le week-end), d’autant plus désincitatif que les propriétaires ou locataires doivent déjà faire face à une situation de squat injuste et souvent très mal vécue. Par ailleurs, la réponse des maires et des OPJ n’est pas enserrée dans un délai contraint (comme que cela est le cas pour les réponses des préfets aux demandes d’expulsion), ce qui place le demandeur dans une situation d’incertitude.

Deux difficultés apparaissent ensuite lors de l’examen de la demande par le préfet :

– la première tient à la possibilité, déjà mentionnée, de prouver la voie de fait ;

– la seconde résulte de l’existence fréquente d’un motif impérieux d’intérêt général justifiant le refus, par le préfet, d’engager la mise en demeure. Ce refus peut être justifié par la situation personnelle et familiale de l’occupant : en l’absence de prise en considération de cette situation personnelle et familiale dans le délai de 48 heures susmentionné, l’arrêté mettant l’occupant en demeure de quitter les lieux présente une fragilité juridique pouvant conduire à son annulation ou à sa suspension dans le cadre de procédure de référé ([16]).

Le préfet doit par ailleurs disposer de solutions pour reloger les occupants dont la précarité l’exige, avant de donner suite à la demande d’évacuation. Or le contexte de pression sur le parc d’hébergement d’urgence conduit fréquemment le préfet à ne pas être en mesure de reloger les occupants et donc de procéder à l’évacuation du squat.

Un dernier élément identifié par vos rapporteurs lors de l’audition de la Chambre nationale des commissaires de justice tient au déroulé de la procédure d’évacuation forcée ordonnée par le préfet, les commissaires de justice étant fréquemment contactés par les services de police pour l’organisation matérielle de la procédure (pour, à titre d’exemple, assurer la présence d’un serrurier ou encore la sécurisation des lieux). Or l’intervention des commissaires de justice n’est prévue par aucune disposition, l’évacuation forcée de l’article 38 de la loi Dalo relevant d’un régime différent de l’expulsion prévue par les articles L. 411-1 à L. 451-1 et L. 411-1 à 412-4 du code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Il en résulte, selon la Chambre nationale des commissaires de justice, un « flou » quant aux conditions de réalisation et de mise en œuvre de la procédure d’évacuation, s’agissant notamment des meubles éventuellement laissés sur place.

Enfin, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages a indiqué que la circulaire interministérielle précitée demandera aux préfets de faire remonter à un rythme mensuel, via un questionnaire, un certain nombre de données relatives à la procédure administrative d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi Dalo (par exemple, le nombre de sollicitations reçues au titre de l’article 38 ou encore le taux de réponses positives), afin d’en mesurer l’efficacité. Lors de la première remontée d’information, il sera demandé aux préfets de renseigner les indicateurs rétroactivement depuis le 1er septembre 2023, avec ensuite une remontée mensuelle. Ces éléments quantitatifs seront par la suite utiles pour évaluer les progrès réalisés grâce à la loi du 27 juillet 2023.

B.   LA LOI SUPPRIME L’ENSEMBLE DES DÉLAIS DONT POUvAIT BéNéFICIER UN SQUATTEUR

La loi supprime la possibilité, pour les squatteurs, de bénéficier de l’ensemble des délais prévus par la procédure (1) et les auditions réalisées par vos rapporteurs révèlent que cette évolution a été appliquée sans difficulté par les juges (2).

1.   La loi supprime la possibilité de bénéficier de délais de grâce ou de procédure

La loi a supprimé l’ensemble des délais dont pouvaient auparavant bénéficier les squatteurs dans le cadre de la procédure judiciaire d’expulsion indépendante de la procédure pénale, au même titre que les locataires défaillants. Ainsi, les personnes entrées dans des locaux « à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte » ne peuvent plus bénéficier :

– des délais de grâce prévus par article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, aux termes duquel le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement (voir infra), chaque fois que leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales ;

– de la période dite « de trêve hivernale » (article L. 412-6 du même code) – il est en principe sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée entre le 1er novembre de chaque année et le 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement soit assuré. Si ce sursis ne s’appliquait déjà pas en cas d’introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par « voies de fait », la loi du 27 juillet 2023 étend le champ de cette dérogation aux personnes entrées par « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » ;

– du délai d’exécution de deux mois (article L. 412-1 du même code) – en principe, l’expulsion prononcée judiciairement ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois (voir infra) suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux (souvent émis par le propriétaire dans la foulée de la décision de justice). Ce délai, qui s’appliquait jusqu’ici de façon indifférenciée aux locataires défaillants et aux squatteurs, est supprimé pour les squatteurs.

2.   Ces nouvelles dispositions ont été appliquées sans difficultés notables

Les nouvelles dispositions de la loi relatives aux délais d’exécution et de grâce, d’application immédiate, ont été mises en œuvre immédiatement par les juges des contentieux de la protection.

Les auditions font apparaître la même faiblesse que celle identifiée pour la procédure administrative spéciale, à savoir la difficulté à apporter la preuve d’une entrée par voie de fait, qui peut alors conduire le juge à requalifier le squat en « occupation sans droit ni titre » et donc à laisser le bénéfice du délai d’exécution de deux mois.

Ce point a d’ailleurs été confirmé par l’analyse de la jurisprudence réalisée par vos rapporteurs sur le mois de janvier 2024 : sur les douze cas de squats présumés selon les dires du propriétaire, le juge a estimé que dans près de la moitié des cas, la voie de fait n’était pas suffisamment établie par des éléments matériels et a ainsi laissé au squatteur le bénéfice du délai d’exécution de deux mois ([17]). En revanche, le juge semble plus fréquemment refuser d’accorder des délais de grâce même en l’absence d’une caractérisation objective du squat, étant rappelé qu’en la matière, le juge dispose d’une liberté d’appréciation plus importante ([18]).

C.   La loi PéRENNISE et sécurise LE DISPOSITIF DE MISE à DISPOSITION TEMPORAIRE DE LOCAUX VACANTS à DES FINS SOCIALES

1.   La loi du 27 juillet 2023 pérennise le dispositif de mise à disposition de logements vacants prévu par la loi Molle

La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi « Molle » a introduit un dispositif expérimental permettant à des organismes publics ou privés agréées par l’État de bénéficier de la mise à disposition de locaux vacants via la signature d’une convention avec un propriétaire, dans laquelle ils s’engagent à entretenir les locaux et à les rendre au propriétaire à la date convenue dans la convention. Il est ensuite possible aux organismes de loger des résidents temporaires dans ces locaux, en échange du versement d’une redevance et de la signature d’un contrat de résidence temporaire.

Le dispositif de mise à disposition de logements vacants

La procédure prévue par la loi « Molle » est la suivante :

i) Le préfet du département où se situe une des opérations d’occupation temporaire délivre un agrément à l’organisme ou l’association qui en fait la demande. Cet agrément est national et valable sur l’ensemble du territoire ;

ii) L’organisme ou l’association agréée conclut une convention avec les propriétaires de locaux vacants en vue de leur occupation par des résidents temporaires. Cette convention est reconductible par période d’un an mais ne peut excéder une durée maximale de trois ans ;

iii) L’organisme ou l’association conclut ensuite un contrat de résidence temporaire avec les personnes accueillies, chacun des contrats ne pouvant excéder 18 mois. L’occupation temporaire donne lieu au versement d’une redevance dont le montant est fixé par décret. Les locaux concernés doivent être aménagés de façon à ne présenter aucun risque manifeste pour la sécurité et la santé des résidents.

Pour rappel, le dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales, initialement introduit pour une expérimentation de quatre ans, a été prolongé à deux reprises :

– la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », a prolongé le dispositif jusqu’au 21 décembre 2018 et autorisé les organismes occupants temporaires à y mener des travaux d’aménagement. Les conventions d’occupation ont été limitées à une période de trois ans, prorogeable par période d’un an ;

– La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan », prolonge jusqu’au 31 décembre 2023 le dispositif et précise son champ d’application, désormais circonscrit à « des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social ».

L’article 8 de la loi du 27 juillet 2023 pérennise le dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants à des fins sociales créé par la loi Molle et le sécurise, en prévoyant que « l’État vérifie régulièrement la conformité de sa mise en œuvre aux dispositions légales et réglementaires applicables » lorsque le bénéficiaire du dispositif est un organisme de droit privé.

Un décret d’application a été publié en ce sens le 22 mars 2024 ([19]). Il modifie le décret préexistant du 22 mai 2019 afin de supprimer le caractère expérimental du dispositif et prévoit une disposition transitoire permettant aux organismes et associations agréés pendant la période d’expérimentation d’obtenir un agrément provisoire valable jusqu’au 31 décembre 2024, leur laissant ainsi la possibilité de poursuivre leur activité le temps qu’ils présentent une demande de renouvellement selon les nouvelles dispositions fixées par le décret. Enfin, le contrôle accru de l’État sur les organismes se traduit par l’obligation de transmettre chaque année, un rapport à l’autorité qui a délivré l’agrément, précisant les opérations menées, en cours ou achevées dans l’année, leur localisation, leurs caractéristiques.

Deux arrêtés sont encore en cours de rédaction : un arrêté fixant la composition du rapport annuel précité ([20]) et un arrêté modifiant l’arrêté du 5 novembre 2019 fixant la composition du dossier de demande d’agrément ([21]).

2.   La loi sécurise le dispositif pour les propriétaires

La loi du 27 juillet 2023 a entendu accroître l’ampleur du dispositif de mise à disposition de locaux vacants, le nombre de logements temporaires proposés dans ce cadre étant actuellement limité. Si cette situation s’explique en partie par le faible nombre d’organismes agréés – seuls quatre organismes ont été agréés depuis 2020 selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, dont deux sont inactifs – , elle est surtout due à la méfiance des propriétaires à l’égard du dispositif, étant apparu lors des travaux de préfiguration de la loi que de nombreux propriétaires de logements vacants intéressés y renonçaient, faute de garantie sur le caractère temporaire de l’occupation. Le législateur a donc entendu y remédier.

En premier lieu, le caractère temporaire de l’occupation est garanti juridiquement : les contrats d’occupation temporaire sont désormais expressément exclus du champ d’application de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre bailleurs et locataires afin de les prémunir contre tout risque de requalification en baux d’habitation.

En second lieu, la procédure d’expulsion des résidents temporaires logés par les organismes bénéficiaires du dispositif mais qui se maintiendraient dans les lieux au terme de leur contrat de résidence est simplifiée. L’article 29 de la loi Elan est modifié pour créer une procédure d’expulsion spécifique : auparavant, la procédure d’expulsion des résidents temporaires n’était couverte ni par la procédure prévue pour l’expulsion des locataires défaillants (article 24 de la loi du 6 juillet 1989), ni par la procédure administrative spéciale (article 38 de la loi Dalo, alors réservé aux domiciles) ; elle relevait donc de la procédure du droit commun prévue aux articles L. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, qui requérait une décision de justice ou un procès-verbal de conciliation avant de pouvoir procéder à l’expulsion, ce qui impliquait des délais importants en contradiction avec l’objectif de contrats de résidence temporaire très courts. La loi du 27 juillet 2023 prévoit donc que l’organisme peut désormais faire constater l’occupation sans droit ni titre par le juge via une ordonnance sur requête, qui permet un traitement rapide et non contradictoire. L’article L. 412-1 du même code  est modifié pour permettre au juge saisi d’une demande d’expulsion de réduire ou supprimer le délai d’exécution de deux mois normalement prévu pour les décisions d’expulsion.

Par ces deux mesures, le législateur a entendu accorder de la souplesse à une occupation par nature temporaire et dérogatoire au droit commun, afin de simplifier la procédure et donc d’encourager les propriétaires de logements vacants à avoir davantage recours au dispositif.

Il est à noter qu’une mission de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable a été lancée en décembre 2023 par le ministre en charge du logement, afin d’évaluer le dispositif de mise à disposition des locaux vacants. Ses conclusions, attendues dans le courant de l’année 2024, devraient permettre d’évaluer les premières avancées introduites par la loi du 27 juillet 2023.

 

 


Partie II (Articles 9 à 13) :
Les dispositions visant à sécuriser les rapports locatifs (chapitre II) et renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté (chapitre III) ne sont pas encore pleinement mises en œuvre

Les deuxième et troisième volets de la loi (articles 9 à 13) entendent, d’une part, sécuriser les rapports locatifs principalement en accélérant le traitement judiciaire des impayés de loyers et l’expulsion en cas d’occupation sans droit ni titre et, d’autre part, renforcer le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). En l’absence de textes d’application, dont aucun n’a été pris à ce jour, et de dispositions transitoires prévoyant les modalités d’application de la loi aux contrats de baux existants, le chapitre 2 demeure encore inappliqué pour une large part, à l’exception de deux dispositions importantes : la suppression du pouvoir du juge d’accorder d’office au locataire le maintien dans son logement et la réduction des délais de grâce.

mise en œuvre des dispositions des articles 9 à 13

Articles

Dispositions d’application immédiate

Disposition nécessitant un décret d’application pour entrer en vigueur

Article 9

– Suppression du pouvoir du juge d’accorder d’office le maintien dans son logement au locataire qui a repris le paiement du loyer et est en mesure de rembourser sa dette

 

Article 10

– Réduction du délai du stade contentieux de l’assignation de deux mois à six semaines

– Réalisation anticipée du diagnostic social et financier (DSF) à partir du commandement de payer ;

– Transmission à la Ccapex par le commissaire de justice des coordonnées téléphoniques et électroniques ainsi que de la situation socioéconomique des occupants au stade du commandement de payer ;

– Signalement de tous les commandements de payer à la Ccapex à partir de deux mois d’ancienneté ou de montant de dette locative

Article 12

– Transmission à la Ccapex par les commissaires de justice des décisions judiciaires, des procès-verbaux d’expulsions réalisées ;

– Information de la Ccapex par le préfet de l’octroi du concours de la force public ;

– Possibilité de saisine directe du fonds de solidarité pour le logement (FSL) par la Ccapex afin de permettre le maintien ou le relogement de la personne ;

– Saisine systématique du service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) en cas d’octroi du CFP par le préfet ;

– Établissement de liaisons obligatoires entre le système informatique Exploc et le FSL, les services sociaux du département, la CAF, les MSA, les commissions de surendettement, les SIAO ;

– Extension de la couverture du secret professionnel aux échanges sortant de la Ccapex pour la réalisation du DSF

– Transfert de la compétence de maintien ou suspension de l’allocation logement de la CAF à la Ccapex ;

– Pouvoir d’orientation et de répartition entre ses membres des signalements de personnes menacées d’expulsion reçus de la part des commissaires de justice afin d’assurer leur accompagnement sociobudgétaire, l’apurement de la dette et/ou leur relogement ;

– Mise en place d’un accompagnement sociobudgétaire obligatoire des allocataires en situation d’impayé locatif par les CAF

Article 13

Extension de la possibilité de saisine des MASP de niveau 3 aux préfets et aux Ccapex

 

Source : Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.

  1.   Le RENFORCEment de L’EFFECTIVITé DE LA CLAUSE RéSOLUTOIRE DANS LES CONTRATS DE BAIL est partiellement mise en œuvre

La clause résolutoire est un mécanisme juridique qui permet la résiliation de plein droit du contrat en cas d’impayés du dépôt de garantie, de loyer ou de charges aux termes convenus. La loi du 27 juillet 2023 renforce son effectivité en la rendant obligatoire (A) et en renforçant son automaticité (B). En l’absence de mesure transitoire, ces nouvelles dispositions ont un effet limité.

A.    LA LOI SYSTéMATISE LA PRéSENCE D’UNE CLAUSE RéSOLUTOIRE DANS LES CONTRATS DE BAIL POUR FACILITER LA RéSILIATION DU CONTRAT EN CAS D’IMPAyéS LOCATIFS

1.   L’article 9 rend obligatoire la présence d’une clause résolutoire dans tous les contrats de bail

La clause résolutoire est un mécanisme juridique qui permet la résiliation de plein droit du contrat en cas d’impayés du dépôt de garantie, de loyer ou de charges aux termes convenus.

La procédure judiciaire d’expulsion locative
par l’acquisition de la clause résolutoire

La procédure d’expulsion judiciaire, en cas de présence d’une clause résolutoire, est la suivante :

i) Un commissaire de justice signifie au locataire défaillant un commandement de payer visant la clause résolutoire et ouvrant un délai de six semaines (deux mois avant la loi) laissé au locataire pour reprendre le paiement du loyer ;

ii) Si le locataire ne reprend pas le paiement du loyer, le commissaire de justice délivre au locataire une assignation devant le juge des contentieux et de la protection en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire. L’audience ne peut pas avoir lieu avant un second délai de six semaines (deux mois avant la loi) et l’assignation doit être notifiée au préfet par voie électronique par le commissaire de justice via la plateforme informatique Exploc ;

iii) Le juge des contentieux constate l’acquisition de la clause résolutoire et donc la résiliation du bail locatif. Si le juge ne prononce pas la suspension de la clause résolutoire, il ordonne alors l’expulsion du locataire. Des délais de paiement peuvent être prononcés pour permettre au locataire défaillant d’apurer progressivement sa dette grâce à un échéancier de paiement ;

iv) Le commissaire de justice procède à la mise en œuvre de l’expulsion : il doit signifier le jugement au locataire (art. L. 503 du code des procédures civiles d’exécution) ainsi qu’un commandement de quitter les lieux. Ce commandement de quitter les lieux ouvre un délai de deux mois (art. L. 412-1 du même code). Après signification du commandement de quitter les lieux, le locataire défaillant a la possibilité de saisir le juge de l’exécution pour solliciter des délais de grâce, pendant le délai de deux mois prévu à l’article L.412-1 du même code. Chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, le juge de l’exécution peut accorder des délais compris entre un mois et un an (art. L. 412-4 du même code) ;

v) À l’issue du délai de deux mois et en l’absence de délais de grâce, si le locataire défaillant, désormais considéré comme un occupant sans droit ni titre, n’a pas volontairement quitté les lieux, le commissaire de justice peut solliciter du préfet le concours de la force publique.

La loi du 27 juillet 2023 systématise la présence d’une clause résolutoire dans les contrats de bail. Le premier alinéa du I de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 est ainsi rédigé : « Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. ». Si, dans les faits, la quasi-totalité des contrats de bail contiennent déjà une clause résolutoire (99 % des contrats de bail selon l’Association nationale des juges des contentieux de la protection), la loi du 27 juillet 2023 rend désormais cette clause obligatoire. Cette systématicité permet au propriétaire d’éviter de demander la résiliation judiciaire du contrat de bail en lieu et place de l’activation de la clause résolutoire, cette première option constituant une procédure beaucoup moins sûre pour le propriétaire en raison de l’existence d’un pouvoir d’appréciation du juge concernant la gravité des manquements aux obligations contractuelles.

2.   L’obligation de clause résolutoire est d’application immédiate, mais sa rétroactivité fait débat

La généralisation de la clause résolutoire nécessite une modification du décret du 29 mai 2015 ([22]) dont les annexes présentent les contrats types de location et de colocation pour les logements nus (annexe 1) ou meublés (annexe 2). Si les clauses résolutoires étaient déjà mentionnées au VIII de chacune de ces annexes, l’obligation de clause résolutoire introduite par l’article 9 de la loi du 27 juillet 2023 impose de modifier la rédaction actuelle pour tenir compte de ce caractère obligatoire. À ce jour, le décret modifiant le décret du 29 mai 2015 n’a pas encore été publié, mais il a été indiqué à vos rapporteurs par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages que sa rédaction était en cours de finalisation. Par ailleurs, selon la même source, la rédaction de l’article 9 est suffisamment claire et précise pour être d’application immédiate pour les nouveaux baux et les baux renouvelés après le 27 juillet 2023.

En revanche, la question de son application aux contrats en cours à la date du 27 juillet 2023 et ne contenant pas de clause résolutoire se pose, la loi ne prévoyant pas de dispositions transitoires. Or, en matière de droit des contrats, le principe qui s’impose est normalement celui de la survie de la loi ancienne, la survenance d’une nouvelle règle au cours de l’exécution du contrat venant perturber la stabilité de relations déjà établies. Toutefois, ce principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle connaît des exceptions prétoriennes lorsque la loi ne prévoit pas de dispositions transitoires, parmi lesquelles :

– l’ordre public, étant précisé qu’en matière de bail d’habitation, la loi du 6 juillet 1989 dispose en son article 2 que les articles 1 à 25-2 de la loi sont d’ordre public ;

– les « effets légaux » du contrat – cette notion est une construction doctrinale permettant de qualifier certaines situations à la frontière du contrat et de la loi, lorsque le rapport contractuel existe bien mais qu’il s’avère tellement limité par les contraintes légales que les cocontractants perdent une grande partie de leur autonomie. Les effets du contrat résultant alors de la loi et non de la volonté des parties, la jurisprudence tranche en faveur de l’application immédiate de la loi aux contrats en cours. La Cour de cassation a ainsi pu considérer que les dispositions de la loi Alur modifiant les délais de paiement pouvant être accordés par le juge s’appliquaient aux contrats en cours ([23]).

Selon la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), l’article 9 rendant obligatoire la clause résolutoire s’appliquerait aux contrats en cours, soit sur le fondement de l’ordre public, soit sur le fondement de l’effet légal du contrat, l’existence d’une clause résolutoire constituant un effet légal du contrat de bail d’habitation. Concrètement, cela signifie qu’un bailleur pourrait se prévaloir de la clause résolutoire et diligenter une procédure en constatation de l’acquisition de cette clause, même si le contrat de bail n’en fait pas mention expresse.

B.   L’ARTICLE 9 RENFORCE L’automaticité de la clause résolutoire

L’automaticité de la clause résolutoire est accrue par la décorrélation de la suspension de ses effets et de l’octroi de délais de paiement (1). En l’état, les auditions menées suggèrent que ces deux critères pourraient augmenter le nombre d’expulsions « sèches » (2).

1.   La suspension de la clause résolutoire est désormais décorrélée de l’octroi de délais de paiement

Si le juge « constatait » l’acquisition de la clause résolutoire – son office demeurait contraint en la matière –, il pouvait néanmoins en suspendre les effets s’il le jugeait utile et estimait vraisemblable le remboursement de la dette locative. Cette suspension permettait au locataire de se maintenir dans le logement pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Un échéancier était alors mis en place, qui permettait au locataire d’apurer progressivement sa dette locative en sus du paiement du loyer courant. À la fin de la période de suspension de la clause résolutoire, si le locataire avait respecté son échéancier de paiement, la clause résolutoire était réputée n’avoir jamais joué et le bail reprenait effet normalement.

L’article 9 de la loi du 27 juillet 2023 vise à renforcer l’automaticité de la clause résolutoire afin d’en améliorer l’efficacité. Deux modifications sont introduites concernant l’octroi de délais de paiement par le juge :

– l’octroi des délais de paiement est fait « à la demande du locataire, du bailleur ou d’office » et non plus uniquement « d’office » ;

– il est ajouté à la condition déjà existante que le locataire soit en situation de régler sa dette locative une seconde condition, à savoir que le locataire « ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».

En parallèle, si auparavant l’octroi de délais de paiement par le juge entraînait automatiquement la suspension des effets de la clause résolutoire, les effets de la clause ne peuvent dorénavant être suspendus pendant le cours des délais de paiement accordés par le juge qu’à deux conditions :

– que le juge soit saisi d’une demande en ce sens par le bailleur ou par le locataire. Contrairement à ce qui a lieu pour les délais de paiement, le juge ne peut plus suspendre d’office les effets de la clause résolutoire ;

– que le locataire ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience. La suspension des effets de la clause résolutoire « prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans les conditions prévues par le plan d’apurement judiciaire ».

Par conséquent, la loi du 27 juillet 2023 décorrèle l’octroi de délais de paiement de la suspension des effets de la clause résolutoire (qui était auparavant automatique dès lors que des délais étaient accordés). L’automaticité de la clause résolutoire est ainsi renforcée : si le juge peut toujours tenir compte de la situation financière du locataire défaillant pour lui accorder des délais de paiement, ce locataire ne peut plus suspendre les effets de la clause résolutoire – et donc se maintenir dans le logement – si aucune demande n’a été portée au juge en ce sens. Cette disposition, ainsi que celle instituant la fin de la suspension de la clause résolutoire « dès le premier impayé », renforce l’efficacité de la procédure, en permettant au bailleur d’émettre un commandement de quitter les lieux – et éventuellement de procéder à l’expulsion – sans avoir à repasser devant le juge.

2.   En l’état, ces deux critères pourraient augmenter le nombre d’expulsions fermes

À ce jour, les statistiques fournies par la direction des affaires civiles et du sceau font état d’un taux d’expulsions fermes (c’est-à-dire sans délais accordés par le juge) stable depuis 2020 et qui avoisine systématiquement 60 % de l’ensemble des décisions rendues en matière d’impayés locatifs : les données pour l’année 2023 ne reflètent ainsi pas encore les effets de la nouvelle loi. Or les nouvelles dispositions relatives à la suspension de la clause résolutoire et relevant de règles de procédure sont d’application immédiate et donc susceptibles d’augmenter le nombre d’expulsions fermes.

Assignations et expulsions fermes (2019-2023)

 

Nombre d’assignations
à comparaître

Nombre d’expulsions fermes

Pourcentage des expulsions fermes prononcées

2019

146 786

77 663

58,7 %

2020

114 097

45 863

60,2 %

2021

121 879

64 044

60 %

2022

129 035

59 062

59,3 %

2023 (provisoire)

135 214

62 616

60,9 %

Source : Ministère de la justice (direction des affaires civiles et du sceau)

Le fait de conditionner la suspension des effets de la clause résolutoire à la demande du bailleur ou du locataire, exprimée oralement le jour de l’audience, a pour effet de rendre impossible cette suspension en l’absence du locataire à l’audience, les bailleurs étant naturellement peu enclins à demander la suspension de la clause résolutoire. Or le taux de locataires défaillants et ne se présentant pas à l’audience est de 48 % selon les chiffres de la direction des affaires civiles et du sceau pour 2023, soit près d’un locataire sur deux. Lorsque les locataires se présentent effectivement à l’audience, ils demandent la suspension de la clause résolutoire dans 90 % à 95 % des cas, selon les estimations de l’Association nationale des juges des contentieux de la protection. Dans les faits, cette dernière observe déjà une chute des décisions de suspension de la clause résolutoire et donc une augmentation des expulsions « sèches ». Cette évaluation est confirmée par l’unité départementale de l’hébergement et du logement de Paris (UDHL 75), auditionnée au titre de sa participation à la Ccapex de Paris.

Par ailleurs, l’article 9 durcit les conditions de fond pour l’obtention de délais de paiement ainsi que pour la suspension de la clause résolutoire, en ajoutant dans les deux cas un critère de reprise du versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience. Plusieurs questions ont été soulevées lors des auditions quant à l’interprétation de ce critère :

– la principale interrogation tient au cas des locataires qui sont bénéficiaires d’une aide personnelle au logement. En cas d’impayés locatifs, le versement de l’aide peut être suspendu par la caisse d’allocations familiales (CAF). La question se pose alors de savoir comme le « versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience » doit être compris, en l’absence de reprise du versement des aides par la CAF, notamment si la quote-part restant due après versement habituel de l’aide au logement est bien acquittée par le locataire ;

– une autre interrogation tient au périmètre du « loyer courant », incluant ou non les charges locatives. Selon la chancellerie, le loyer doit être entendu au sens strict, sans charges ni accessoire ;

– la question s’est posée de savoir depuis combien de temps le paiement du loyer devait avoir repris : il semblerait qu’une reprise du loyer jusqu’au jour de l’audience puisse convenir.

Enfin, il a été rapporté lors des auditions que des accords pouvaient être trouvés avant le jugement entre certains bailleurs, notamment dans le secteur social, et les locataires qui s’engagent à une reprise du paiement du loyer postérieurement à l’audience. À cet égard, la loi ne prévoit pas l’hypothèse d’un accord possible entre propriétaire et locataire, même en l’absence de reprise du loyer courant.

II.   L’ARTICLE 10 RéDUIT PLUSIEURS DéLAIS PRéVUS DANS LA PROCéDURE CONTENTIEUSE

L’article 10 de la loi du 27 juillet 2023 réduit plusieurs délais afin d’accélérer la procédure prévue en cas d’impayés de loyer : les deux délais procéduraux en amont de l’audience sont réduits (A), de même que les délais de grâce pouvant être accordés par le juge de l’exécution au titre de l’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution (B). Dans les faits, les procédures demeurent rallongées par des délais d’audiencement trop longs et les difficultés rencontrées pour obtenir le concours de la force publique afin de faire exécuter la décision d’expulsion (C).

A.   LA LOI RéDUIT certains DÉLAIS PROCéDURAUX PRéALABLES à L’AUDIENCE

La loi réduit le délai au bout duquel la clause résolutoire produit effet, ainsi que celui entre l’assignation et l’audience (1), mais des difficultés existent à ce jour quant à l’application de ces deux nouvelles dispositions (2).

1.   La loi réduit le délai requis pour que la clause résolutoire produise effet ainsi que le délai entre l’assignation et l’audience

L’article 10 modifie l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs afin de réduire deux délais procéduraux, à savoir :

– le délai nécessaire pour que la clause résolutoire prévue au contrat produise ses effets après la signification d’un commandement de payer demeuré infructueux. Ce délai permet au locataire d’organiser le remboursement de sa dette et de ne pas enclencher une procédure contentieuse en cas d’impayé de loyer accidentel ;

– le délai minimal entre l’assignation du locataire notifié par le commissaire de justice et la tenue de l’audience, lorsque le commandement de payer est resté infructueux.

Ces deux délais, initialement de deux mois, ont été réduit à six semaines ([24]) par l’article 10. Ainsi, là où la procédure fixait un délai minimum de quatre mois entre le commandement de payer (pouvant être délivré dès le premier impayé de loyer) et l’audience, l’article 10 a permis de ramener ce délai minimum théorique à trois mois. Les mentions obligatoires des commandements de payer doivent tenir compte de ces nouveaux délais.

2.   Ces nouveaux délais ne sont pas appliqués aux contrats en cours en l’absence de disposition transitoire

Les deux nouveaux délais de six semaines sont d’application immédiate. Si cette application immédiate ne pose pas de difficulté juridique, particulièrement s’agissant du délai d’audiencement, l’absence de dispositions transitoires prévues par la loi du 27 juillet 2023 pose des difficultés concernant le premier délai séparant le commandement de payer de l’assignation.

Le problème posé est le même que celui soulevé à propos de la généralisation de la clause résolutoire, à savoir qu’en matière de droit des contrats, le principe qui s’impose est normalement celui de la loi ancienne. Dès lors, il existe actuellement une incertitude majeure sur le délai applicable aux contrats en cours à la date de publication de la loi.

La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages considère que les nouveaux délais ne s’appliquent pas aux baux en cours lorsqu’ils comportent des dispositions expressément contraires et sont donc limités aux nouveaux contrats (ou aux contrats reconduits après le 27 juillet 2023). Dans le cas de baux verbaux ou pour lesquels il n’est pas précisé de durée et en cas de contestation, il appartiendrait au requérant d’apporter les éléments de preuve attestant de la date de début du contrat et de son renouvellement pour l’application des nouveaux délais.

Dans les faits, par précaution, les commissaires de justice et les avocats auditionnés par vos rapporteurs continuent d’appliquer l’ancien délai de deux mois entre le commandement de payer et l’assignation. De même, l’UNPI conseille à ses adhérents bailleurs de continuer à appliquer l’ancien délai par mesure de précaution. La Cour de cassation, saisie d’une demande sur ce sujet transmise à la 2e chambre civile, devrait rendre son avis à la mi-juin. Par ailleurs, le Conseil d’État devait bientôt être saisi d’une question relative à l’application des nouvelles dispositions de la loi aux contrats à durée indéterminée ayant cours dans certaines habitations à loyer modéré (HLM).

B.   LES DéLAIS DE GRâCE susceptibles d’ÊTRE ACCORDéS ONT également éTé réDUITS PAR LA LOI

Le code des procédures civiles d’exécution prévoit que le juge de l’exécution, une fois l’expulsion prononcée par le juge du contentieux et des protections et le commandement de quitter les lieux délivré par le commissaire de justice, peut accorder des délais renouvelables, dits « de grâce », aux occupants d’un logement chaque fois que leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Ces délais de grâce ne peuvent pas être octroyés si :

– le propriétaire exerce son droit de reprise (article 19 de la loi du 1er septembre 1948) pour que lui-même ou un membre de sa famille habite le logement ;

– la procédure de relogement n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ;

– le locataire est de mauvaise foi ou l’occupant est entré dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes depuis la loi du 27 juillet 2023.

L’article 10 modifie l’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution et réduit les délais de grâce pouvant être octroyés par le juge : ils ne peuvent être inférieurs à un mois (contre trois mois auparavant) et ne peuvent excéder un an (contre trois ans auparavant). Le législateur a ainsi entendu tenir compte des délais de procédure déjà longs afin de mieux concilier le droit au logement des locataires défaillants et le droit de propriété des bailleurs. Ces nouveaux délais sont appliqués par le juge et ne posent pas de difficulté particulière. Les avocats spécialisés dans le contentieux immobilier indiquent que la réduction des délais de grâce constitue la principale avancée de la loi pour accélérer les procédures d’expulsion locative.

C.   LES PROCéDURES d’expulsion demeurent longues en raison des délais d’audiencement ET DES DIFFICULTéS à OBTENIR LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE

1.   Des délais d’audiencement particulièrement longs

La plupart des acteurs rencontrés estiment que les mesures d’accélération de la procédure produisent peu d’effets au vu de la longueur des délais d’audiencement, en raison de l’engorgement des tribunaux dans certains départements. À cet égard, il est à noter qu’il existe de grandes disparités sur le territoire national : si les statistiques fournies par le ministère de la justice font état d’un délai moyen séparant la saisine de la juridiction du rendu de la décision ([25]) de 5,3 mois au fond et de 4,5 mois en référé ([26]), ces statistiques contredisent le ressenti des différents acteurs sur le terrain. Ainsi, l’Association nationale des juges des contentieux de la protection fait état de délais d’audiencement pouvant atteindre 10 à 11 mois, en particulier en région parisienne, tandis que la Chambre nationale des commissaires de justice a confirmé que, si les délais avaient été réduits récemment en région parisienne, ils pouvaient s’étendre jusqu’à 18 mois dans certaines métropoles comme Lyon. D’après les avocats auditionnés ainsi que les représentants des propriétaires, il arrive même que les délais d’audiencement soient plus longs en référé qu’au fond. Un avocat auditionné par vos rapporteurs dresse le constat suivant : « Quand vous avez une date d’audience dans 1 an, passer de 2 mois à 6 semaines [le délai minimum séparant l’assignation de l’audience] ne change rien, ceci d’autant qu’en pratique, par précaution, compte tenu de l’absence de dispositions transitoires, il vaut mieux conserver un délai de 2 mois si le bail contient une clause résolutoire d’une durée de 2 mois par exemple ». L’UNPI juge que « toute procédure d’expulsion demeure un véritable calvaire » et que « la principale difficulté tient à l’engorgement des tribunaux ».

2.   Les difficultés à obtenir le concours de la force publique

La seconde faiblesse, unanimement dénoncée par les personnes auditionnées, tient aux difficultés rencontrées pour obtenir le concours de la force publique une fois la décision d’expulsion rendue, dans l’hypothèse où le locataire se maintiendrait dans les lieux après le délai de deux mois prévu à l’article 412-1 du code des procédures civiles d’exécution.

La procédure d’octroi du concours de la force publique

Après, le cas échéant, l’expiration des délais de grâce accordés par le juge de l’exécution, le bailleur, qui dispose d’une décision de justice définitive d’expulsion et dont le locataire défaillant se serait maintenu dans les lieux au-delà du délai de deux mois courant à partir de la délivrance du commandement à quitter les lieux, comme prévu par l’article 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, peut saisir un commissaire de justice sur le fondement de l’occupation sans droit ni titre pour que la décision d’expulsion soit exécutée.

Le commissaire de justice saisit alors le préfet pour requérir le concours de la force publique par procès-verbal, l’État étant tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements. Le préfet dispose de deux mois pour répondre à la demande, étant entendu que, passé ce délai, la décision vaut refus (article R. 153-1 du même code).

Pendant ces délais, le préfet demande une brève enquête sociale et un rapport au commissaire de police, qui convoque l’occupant sans droit ni titre pour l’entendre. L’enquête sert à déterminer la composition du ménage et sa situation économique et sociale, une situation de précarité ou de fragilité entraînant un refus d’octroi de la force publique en l’absence d’une possibilité de relogement.

Si la décision d’octroi de la force publique est prise, le préfet dispose de quinze jours pour l’exécuter. En cas de refus ou d’absence de réponse passé le délai de deux mois, la responsabilité de l’État peut être engagée et donne alors lieu à une indemnisation (article L. 153-1 du même code).

Dans une décision du 30 juin 2010 ([27]), le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler et préciser qu’en matière de concours de la force publique en exécution d’une décision de justice, le refus du préfet n’est légal que si la décision est justifiée par la sauvegarde de l’ordre public ou en cas de survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d’expulsion telles que l’exécution de celle-ci serait susceptible d’attenter à la dignité de la personne humaine.

Pour ces raisons, les préfets sont dans près de 40 % des cas dans l’obligation de refuser le concours de la force public : la tension observée sur le parc d’hébergement d’urgence rend très souvent impossible un relogement des occupants sans droit ni titre.

Éléments statistiques sur le concours de la force publique (2015-2023)

Source : Ministère de l’intérieur (direction des libertés publiques et des affaires juridiques)

III.   le RENFORCEment de L’ACCOMPAGNEMENT DES LOCATAIRES DéFAILLANTS nécessite des décrets d’application

En parallèle à l’accélération de la procédure contentieuse, la loi du 27 juillet 2023 renforce l’accompagnement des locataires défaillants afin de prévenir l’aggravation de leur dette locative. Le signalement des impayés de loyers est systématisé à la Ccapex dès le commandement de payer (A), tandis que l’article 12 étend les prérogatives de ces Ccapex et procède à leur refonte (B). Enfin, l’information des locataires est renforcée par l’introduction d’une obligation, pour les préfets, de tenir informés les locataires de leur droit de demander des délais de paiement au juge (C).

Ce renforcement de l’accompagnement préventif paraît nécessaire et attendu de la part des acteurs. À titre d’exemple, la Ccapex de Paris estime être saisie dans 70 % des cas au stade ultime de l’expulsion, lorsque le commissaire de justice sollicite l’octroi du concours de la force publique : son intervention est alors trop tardive. Cette situation est d’autant plus regrettable que 36 % des ménages expulsés ont une dette locative inférieure à dix mille euros, qui aurait donc pu potentiellement être résorbée si un accompagnement social avait été mis en place.

Plusieurs décrets d’application sont néanmoins attendus pour rendre pleinement effectifs cette refonte des Ccapex et le renforcement de l’accompagnement social des locataires en situation d’impayés :

– le décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, qui règle la composition  et le fonctionnement des Ccapex, est inchangé depuis dix ans et sa révision en Conseil d’État est attendue. Dans cette perspective, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) a organisé, de septembre à décembre 2023, une concertation, sous la forme de quatre groupe de travail mensuels auxquels ont participé de 70 à 80 directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) en moyenne, ainsi qu’un « diagnostic flash », entre novembre 2023 et février 2024, auprès de l’ensemble d’entre elles. Sur la base des réponses obtenues fin février, la Dihal a procédé à l’exploitation de ces données en mars et prévoit une finalisation du décret à la fin du mois d’avril 2024 pour une publication au second semestre 2024 ;

– la révision en Conseil d’État du décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement, qui aménage notamment les modalités de maintien et de suspension de ces aides au logement, est presque finalisée ;

 la révision simple du décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 relatif au contenu et aux modalités de réalisation du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail, devrait déboucher sur une publication au début du mois d’octobre 2024.

Divers arrêtés devront également être publiés, concernant respectivement le formulaire type de saisine du fonds de solidarité pour le logement par la Ccapex, le formulaire type de saisine du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) par la Ccapex, et le nouveau fonctionnement du système informatique Exploc.

A.   L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL EST RENFORCé PAR LA SYSTéMATISATION DU SIGNALEMENT à LA Ccapex DèS LE COMMANDEMENT DE PAYER (ARTICLE 10)

1.   Le signalement des commandements de payer est uniformisé sur l’ensemble du territoire

L’article 10 prévoit d’harmoniser sur l’ensemble du territoire le seuil de signalement des commandements de payer par le commissaire de justice à la Ccapex. Ce signalement devra être effectué dès lors que l’un de ces deux critères est satisfait :

– l’existence d’impayés (de loyer ou de charges) sans interruption depuis une durée de deux mois ;

– lorsque la dette est égale à deux fois le montant du loyer mensuel, hors charges.

Actuellement, un arrêté préfectoral fixe dans chaque département les conditions de signalement à la Ccapex et les pratiques sont très hétérogènes. À titre d’exemple, le seuil de signalement à la Ccapex du Lot est fixé à trois mois d’impayés de loyer sans interruption ou lorsque le montant de la dette de loyer ou de charges locatives est équivalente à trois fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives. S’agissant de la Ccapex de Paris, la totalité des commandements de payer étaient transmis avant la loi du 27 juillet 2023, les commissaires de justice de Paris ayant refusé la mise en place d’un seuil – et ce, alors même que la Ccapex parisienne enregistre un surplus d’activité par rapport au reste du territoire national – de sorte que près de dix mille commandements de payer sont transmis chaque année.

Le décret d’application précisera les modalités de l’harmonisation du seuil de signalement des commandements de payer par le commissaire de justice à la Ccapex.

Par ailleurs, il ressort des auditions réalisées par vos rapporteurs qu’un signalement le plus en amont possible est particulièrement efficace pour traiter les situations d’impayés : à titre d’exemple, la sous-préfecture de Figeac, dans le Lot, a mis en place une « pré-Ccapex » qui intervient avant le signalement à la Ccapex et qui réunit les ménages concernés, les services sociaux du département, la caisse d’allocations familiales et les maires afin d’accompagner les locataires dans la réalisation de leur plan d’apurement. Il ressort des statistiques pour l’année 2023 que 82 % des personnes sortent alors de la procédure avant d’atteindre le stade de l’expulsion et que les expulsions effectives ne représentent que 6 % des dossiers. S’il n’est pas forcément possible de généraliser le fonctionnement de la Ccapex du Lot, département rural où le faible nombre de procédures d’expulsion locative permet de faire du « cousu main », il n’en demeure pas moins un exemple à mettre en valeur.

2.   La transmission d’informations par les commissaires de justice

La loi du 27 juillet 2023 impose au commissaire de justice de préciser, lors du signalement du commandement de payer, les coordonnées téléphoniques et électroniques ainsi que les informations relatives à la situation socio-économique des locataires dont il a connaissance. Si, dans la pratique, il arrivait déjà que les commissaires de justice transmettent ces informations aux services sociaux, l’inscription explicite dans la loi lève l’obligation de secret professionnel. Cette disposition nécessite la révision du décret du 30 octobre 2015 relatif à la Ccapex pour permettre sa mise en œuvre uniforme sur l’ensemble du territoire. En l’absence de réalisation systématique des diagnostics sociaux et financiers, le rôle des commissaires de justice est très important.

Le rôle des commissaires de justice en matière de diagnostic social et financier

À ce jour, les Ccapex et les services de l’État ne peuvent effectuer un traitement approprié et efficient des signalements qu’ils reçoivent de la part des commissaires de justice par l’intermédiaire du système informatique Exploc, en raison du manque de données à leur disposition – en particulier, de l’absence de données relatives à la situation budgétaire et à la composition des ménages signalés. Ces données sont cruciales pour déterminer la capacité de maintien du locataire dans son logement à travers le calcul d’indicateurs synthétiques tels que le taux d’effort ou le reste pour vivre. Elles sont également décisives pour déterminer le degré de criticité des situations signalées et permettre de discriminer dans l’ensemble l’urgence et le type d’intervention adapté à chaque situation individuelle.

Le faible taux de réalisation des diagnostics sociaux et financiers ainsi que de ménages connus des services sociaux ne permettent de remédier que très partiellement à l’absence initiale de données et ce, pour moins de 40 % des ménages avant l’audience, ce qui est trop faible pour assurer l’efficience de l’action publique en la matière.

Si la feuille de route du système Exploc prévoit l’interconnexion, à terme, avec les caisses d’allocations familiales (CAF), ce développement ne permettra de disposer de ces données que pour les allocataires CAF et non pour l’ensemble des ménages en situation d’impayé locatif. Seule l’interconnexion d’Exploc avec les directions départementales des finances publiques permettrait de disposer de ces données pour l’ensemble des allocataires. Cette liaison nécessiterait toutefois, au préalable, une levée du secret fiscal par voie législative à destination des services de l’État en charge des Ccapex. Les commissaires de justice constituent un acteur clé pour permettre aux Ccapex de disposer sans attendre de ces données pour une partie des ménages. Les commissaires sont en effet, à ce jour, les seuls à devoir se déplacer systématiquement au domicile de la personne afin de lui remettre les actes de procédures tout au long de celle-ci, là où les services sociaux ne sont pas en mesure de le faire. En l’absence de financement suffisant des services sociaux de secteur pour réaliser ce type de visite à domicile, les commissaires de justice constituent ainsi un moyen alternatif majeur pour obtenir ces informations clés directement auprès des locataires.

Source : délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.

Les commissaires de justice soulignent le besoin de temps pour collecter ces données socio-économiques (idéalement, un délai de six semaines), étant rappelé que la remise d’un commandement de payer n’est pas le moyen le plus aisé de recueillir des informations privées de la part d’un locataire en difficulté.

3.   La réalisation anticipée du diagnostic social et financier

Le signalement à la Ccapex doit désormais donner lieu à la réalisation du diagnostic social et financier (DSF) du locataire par l’organisme désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) dès le commandement de payer, alors qu’auparavant ce diagnostic n’était rédigé que trois à six mois en moyenne après l’apparition des premières difficultés, entre l’assignation et l’audience. Ainsi, la rédaction du DSF au stade du commandement de payer revêt un intérêt déterminant en matière de prévention des expulsions locatives : en situant en amont de la phase contentieuse la réalisation du DSF, les pouvoirs publics sont mieux armés pour accompagner les locataires en difficulté – par exemple, en permettant une prise en charge de la dette locative par un dispositif d’apurement (aide du fonds de solidarité pour le logement ou déclenchement d’une procédure de surendettement), à un moment où cette dette est encore résorbable.

Par ailleurs, l’existence d’un diagnostic disponible à la date de l’audience est jugée particulièrement utile par l’Association nationale des juges des contentieux de la protection, puisqu’il fournit plusieurs informations cruciales telle que la reprise du paiement des loyers, l’existence d’un dossier de surendettement en cours ou encore les aides mobilisables par le locataire défaillant. Il était fréquent, avant la loi du 27 juillet 2023, que le diagnostic ne soit pas rédigé à la date de l’audience.

L’obligation de réaliser le diagnostic dès le stade du commandement de payer sera néanmoins difficile à respecter :

– cette mesure augmente significativement le nombre de DSF à réaliser par les organismes compétents, à effectifs constants, ce qui est source d’inquiétude pour les Ccapex. Certaines Ccapex seront contraintes d’opérer un tri parmi les signalements d’impayés et de prioriser les dossiers les plus complexes pour être en mesure de produire des DSF d’une qualité suffisante. L’augmentation des DSF à réaliser se fait à moyens constants pour les départements, alors même que ces derniers font souvent appel à des opérateurs extérieurs pour les réaliser ;

– il est fréquent que la situation du locataire évolue entre le stade du commandement de payer et la tenue de l’audience : le DSF n’est alors plus d’actualité. À cet égard, il a été indiqué par la Dihal que la révision du décret du 5 janvier 2021 prévoirait une mise à jour du DSF dix jours ouvrés avant la tenue de l’audience.

Enfin, les nouvelles dispositions modifient l’articulation entre le diagnostic transmis à la Ccapex et celui réalisé par la caisse d’allocations familiales au titre de l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation : la caisse réalisera les diagnostics des locataires du parc privé et des bénéficiaires d’une allocation au logement familial, conformément à la répartition du traitement des situations signalées par le commissaire de justice au représentant de l’État dans le département par la Ccapex prévue par la loi du 27 juillet 2023. Les DSF réalisés par les caisses seront transmis aux Ccapex en parallèle de leur transmission aux juridictions concernées.

La réalisation du diagnostic au stade du commandement de payer nécessite une modification du décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 relatif au contenu et aux modalités de réalisation du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail, dont la publication est prévue au début du mois d’octobre 2024.

B.   LA REFONTE DU FONCTIONNEMENT DES Ccapex ET le RENFORCEment de LEURS PRéROGATIVES nécessitent la publication de textes d’application

L’article 12 de la loi du 27 avril 2023 procède à la refonte complète des Ccapex. Au-delà de la transformation de la composition des Ccapex – la co‑présidence de la Ccapex assurée par le président du conseil départemental et le préfet est élargie au président de la métropole, lorsque ce dernier assure la gestion d’un fonds de solidarité pour le logement (FSL) intercommunal –, les prérogatives des Ccapex sont renforcées (1) et une information complète doit être assurée aux différents stades de la procédure (2). Cette refonte ne sera effective qu’une fois l’ensemble des textes d’application publiés, d’ici la fin de l’année 2024.

1.   Les prérogatives des Ccapex sont renforcées

L’article 12 renforce les prérogatives de la Ccapex en lui confiant de nouvelles compétences. Outre la mission d’émettre des avis et des recommandations en matière d’attribution des aides financières en fonction de la répartition prévue par la charte de prévention de l’expulsion, les Ccapex pourront suspendre le bénéfice des aides personnelles au logement (APL) en cas d’impayés de loyer et répartir les signalements des impayés locatifs.

a.   La suspension des aides personnelles au logement

En premier lieu, la Ccapex décidera désormais du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas son loyer (article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation). Pour mémoire, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », avait posé le principe selon lequel, lorsque le bénéficiaire des APL ne règle pas la dépense du logement, l’organisme payeur maintient par principe le versement des aides au bénéficiaire de bonne foi. Si ce bénéficiaire est de mauvaise foi, la CAF peut décider du maintien ou non du versement (articles R. 824-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation).

Désormais, cette compétence reviendra aux Ccapex, une sous-commission thématique étant créée dans chacune des Ccapex afin de statuer sur les demandes de suspension des APL dans un délai d’un mois. Trois motifs entraîneront la suspension automatique du versement de l’allocation logement par la Ccapex :

– une décision judiciaire d’expulsion passée en force de chose jugée, statuant sur la mauvaise foi de l’allocataire ;

– une décision d’irrecevabilité de la demande déposée par l’allocataire auprès de la commission de surendettement, sur le fondement de sa mauvaise foi ;

– une fin de prise en charge des mesures de surendettement prononcée par la commission de surendettement, sur le fondement de la mauvaise foi de l’allocataire.

La révision du décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévoira les modalités de la procédure de suspension des APL par les souscommissions des Ccapex.

En outre, un autre décret d’application en Conseil d’État modifiant le décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement doit préciser le rôle de la Ccapex et de la CAF en la matière. Il a fait l’objet d’une concertation, à partir de septembre 2023, entre la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement et la Caisse nationale des allocations familiales, qui s’est achevée en février 2024. Sa rédaction est sur le point d’être finalisée d’ici à la fin du mois de mai 2024, pour un dépôt au Conseil d’État en août 2024 et une publication au mois de novembre 2024.

b.   La répartition des signalements d’impayés locatifs

En second lieu, la Ccapex sera chargée d’orienter et répartir entre ses membres le traitement des signalements d’impayés locatifs notifiés par les commissaires de justice afin d’assurer l’accompagnement des locataires défaillants, l’apurement de leur dette et, le cas échéant, leur relogement. Elle orientera ces locataires vers les services sociaux des conseils départementaux, les fonds de solidarité pour le logement (FSL) et les commissions de surendettement via le système informatique Exploc. Par ailleurs, les Ccapex sont désormais tenues de saisir systématiquement les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) lorsque le concours de la force publique a été octroyé pour procéder à une expulsion, afin de prévenir une mise à la rue et de prévoir une prise en charge par un dispositif d’hébergement.

La révision du décret du 30 octobre 2015 prévoira une saisine dématérialisée du FSL par la Ccapex, via le système Exploc. Dans cette perspective, le calendrier prévisionnel communiqué par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement  prévoit une interconnexion avec les conseils départementaux en 2026 et avec les métropoles en 2027. Dans l’intervalle, un formulaire type de saisine du FSL par la Ccapex sera établi au niveau national par arrêté ministériel et publié parallèlement au nouveau décret.

De même, la saisine du SIAO sera opérée via Exploc et une interconnexion avec le système informatique des SIAO doit être réalisée. Dans l’intervalle, un formulaire type de saisine du SIAO par la Ccapex sera établi au niveau national par arrêté ministériel et publié parallèlement au nouveau décret.

2.   La loi entend assurer l’information complète des Ccapex aux différents stades de la procédure

Afin de permettre aux Ccapex d’exercer pleinement leurs nouvelles prérogatives, l’article 12 renforce leur information aux différents stades de la procédure.

En premier lieu, la Ccapex est informée par le préfet du département des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux lui ayant été signalées (article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution), ainsi que de toute demande et octroi du concours de la force publique en vue de procéder à l’expulsion d’un lieu habité.

En second lieu, la Ccapex est informée par le commissaire de justice en charge du dossier, via Exploc :

– des commandements de payer (voir supra) ;

– de toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée ou accordant des délais de paiement. Le délai qui s’impose au commissaire pour informer la Ccapex sera précisé dans le décret d’application à paraître. Si la transmission des décisions judiciaires par les commissaires de justice était déjà possible avant la loi du 27 juillet 2023, cette pratique était très minoritaire ;

– des opérations d’expulsion d’un lieu habité réalisées (commandement de quitter les lieux, réquisition de la force publique, etc.). Le procès-verbal d’expulsion doit être transmis au préfet du département ainsi qu’à la Ccapex.

– des décisions prises à la suite de ses avis.

Par conséquent, la loi du 27 juillet 2023 prévoit que les membres de la Ccapex ainsi que les personnes chargées de l’instruction des saisines soient soumises au secret professionnel. Par dérogation au délit pénal d’atteinte au secret professionnel (article 226-13 du code pénal), les services instructeurs de la Ccapex sont donc autorisés à :

– se voir transmettre par les professionnels de l’action sociale et médico‑sociale (article L. 116-1 du code de l’action sociale et des familles) les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage; 

– transmettre des informations confidentielles à l’opérateur désigné par le PDALHPD pour réaliser les diagnostics sociaux et financiers.

Le signalement à la Ccapex devra être effectué, comme c’était déjà le cas auparavant, par voie électronique via le système informatique Exploc, coordonné par le ministère de l’intérieur et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. Le système informatique Exploc est actuellement en cours de refonte.

La nécessaire refonte du système Exploc

L’ensemble des acteurs auditionnés ont souligné à vos rapporteurs la faible opérationnalité du système informatique Exploc, dont les faiblesses sont connues de longue date et la refonte d’Exploc étant annoncée depuis 2019. A titre d’exemple, les interfaces annoncées depuis de nombreuses années avec les caisses d’allocations familiales et les conseils départementaux ne sont toujours pas effectives, tandis que la refonte du module statistique est prévue par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement  (Dihal) pour 2025 : il est aujourd’hui impossible de réaliser des extractions statistiques sur Exploc ou d’identifier les situations appelant une action prioritaire. De même, l’ensemble des acteurs rencontrés pointent l’absence de données essentielles au traitement des dossiers, telles que les procédures de surendettement administrées par la Banque de France.

Outre l’élargissement des informations pouvant être renseignées sur Exploc, l’enjeu du développement de ce système informatique est de permettre à terme un traitement systématique et automatisé de la totalité des impayés locatifs qu’il enregistre déjà, à travers la coordination de l’ensemble des dispositifs départementaux de prévention des expulsions et la priorisation de l’intervention sociale suivant le degré de précarité des ménages. La Dihal a précisé que trois interfaces étaient en cours de réalisation (avec les CAF, les bailleurs et les conseils départementaux) et annonce des interfaces à court et moyen termes avec les autres systèmes d’information en rapport avec la politique de l’hébergement et du logement (SNE pour le logement social, Syplo, ComDalo, SI-SIAO, Orthi).

Un nouvel arrêté prévoyant le fonctionnement du système Exploc est prévu : il a été rédigé et transmis la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) fin 2023. La CNIL a demandé une saisine complémentaire du Conseil d’État afin de valider l’usage de certaines données personnelles par les forces de l’ordre dans le cadre de l’octroi du concours de la force publique au regard des normes européennes de protection des données. L’arrêté devrait paraître au début du second semestre 2024.

C.   LES PRéFETS SONT déSORMAIS TENUS D’INFORMER LE LOCATAIRE DE SON DROIT DE DEMANDER DES déLAIS DE PAIEMENT AU JUGE (ARTICLE 9)

L’article 9 modifie l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et dispose que le préfet de département est dans l’obligation d’informer le locataire de son droit de demander au juge des délais de paiement.

Selon la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, cette disposition sera mise en œuvre par l’intermédiaire du courrier type transmis depuis 2017 lors de l’assignation sous pli banalisé par le commissaire de justice dans le cadre de l’application du décret n° 2017-923 du 9 mai 2017 relatif au document d’information en vue de l’audience délivré aux locataires assignés aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation du contrat de bail. La mise à jour du document, qui n’empêche d’ores et déjà pas l’envoi de ce courrier, ne nécessite pas de modification du décret du 9 mai 2017.

IV.   LA LOI a ENTENDu MIEUX INDEMNISER LES PROPRIéTAIRES DONT LE BIEN EST OCCUPé PAR UN LOCATAIRE DÉFAILLANT

La loi du 27 juillet 2023 a entendu mieux prendre en compte les droits des propriétaires confrontés à un locataire défaillant en leur ouvrant la possibilité de percevoir directement les prestations sociales du locataire (A) et en harmonisant les règles de l’indemnisation à laquelle ils ont droit en cas de refus du concours de la force publique (B).

Ces deux dispositions doivent encore faire l’objet de décrets d’application : la première est subordonnée à la modification du décret en Conseil d’État du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement, tandis que l’article 11 de la loi du 27 juillet 2023 prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État pour que l’harmonisation des règles d’indemnisation soit effective.

A.   LA POSSIBILITé d’un VERSEMENT DIRECT AU BAILLEUR DES PRESTATIONS SOCIALES DU LOCATAIRE DéFAILLANT

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a créé des mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP), dont le fonctionnement est régi par les articles L. 271-1 à L. 271-8 du code de l’action sociale et des familles. Les MASP sont des mesures administratives initialement mises en œuvre par les services sociaux départementaux pour accompagner les personnes majeures en difficulté, en particulier lorsqu’il existe un risque pour leur sécurité ou leur santé. Il s’agit principalement de les accompagner dans la gestion de leurs ressources et de leurs allocations.

La loi contient ainsi, de longue date, une MASP de niveau 3 qui prévoit qu’en cas de refus par un locataire défaillant de souscrire au contrat d’accompagnement social personnalisé ou du non-respect de ses clauses, le président du conseil départemental peut demander au juge judiciaire que soit procédé au versement mensuel direct au bailleur des prestations sociales dont le locataire est bénéficiaire à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable (article L. 271-5 du même code). Cette mesure ne peut être mise en œuvre que si le locataire ne s’est pas acquitté de ses obligations locatives depuis au moins deux mois et « ne peut avoir pour effet de priver ce dernier des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle des personnes dont il assume la charge effective et permanente ». Le juge saisi de cette demande fixe la durée du prélèvement, dans la limite de deux ans renouvelables et sans que la durée totale ne puisse excéder quatre ans.

L’article 13 de la loi du 27 juillet 2023 modifie l’article L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles afin d’étendre ce pouvoir initialement réservé au président du conseil départemental au préfet et à la Ccapex. Le président du conseil départemental, le préfet ou la Ccapex pourront saisir le juge à tout moment pour mettre fin à la mesure. La loi a ainsi entendu corriger le faible recours à cette mesure par les travailleurs sociaux, du fait d’un manque d’information et de sa lourdeur administrative. Par ailleurs, un travail de sensibilisation des Ccapex à cette mesure via ses groupes de travail mensuel en lien avec les services déconcentrés a été mis en œuvre par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement . Un projet de module de formation en ligne ainsi que de webinaire dédié est également en cours de construction et devrait être disponible à l’automne 2024.

Si l’ensemble des personnes rencontrées ont indiqué que cette nouvelle mesure n’était pas encore mise en œuvre, l’Association du corps préfectoral a également soulevé deux points d’attention :

– le recours par le préfet aux dispositions de l’article L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles se heurte à l’absence de moyens supplémentaires dédiés, les effectifs des services déconcentrés fonctionnant déjà à flux tendu ;

– des difficultés d’articulation avec le conseil départemental risquent d’émerger, celui-ci n’informant pas les préfectures et les Ccapex des cas de refus de souscription aux contrats d’accompagnement social personnalisé ou du non-respect de ses clauses nécessaires au déclenchement des MASP. Dans l’hypothèse où le partage des informations serait amélioré, l’enjeu de la capacité des services de l’État ou des Ccapex à traiter les dossiers et effectuer les demandes au juge demeure.

B.   L’harmonisation des RèGLES D’INDEMNISATION DES PROPRIéTAIRES EN CAS DE REFUS DE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE

En cas de refus par le préfet de l’octroi du concours de la force publique pour faire évacuer un locataire défaillant qui se maintiendrait dans les lieux, la responsabilité sans faute de l’État peut être engagée, ce qui ouvre alors droit à une indemnisation (article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution) visant à compenser le préjudice locatif subi ([28]). Dans la plupart des cas, le montant de l’indemnité est fixé selon le principe du « juste loyer », entendu comme la somme du loyer et des charges pour la période pour laquelle le refus d’intervention de l’État fait grief.

Cependant, cette pratique n’est pas harmonisée sur le territoire national : ainsi, l’Association du corps préfectoral fait état de plusieurs préfectures fixant le montant de l’indemnisation sur la base de l’indemnité d’occupation fixée par le juge, qui elle-même fait déjà l’objet de pratiques très différenciées selon les tribunaux. Par ailleurs, l’ensemble des préjudices pouvant être indemnisés par l’État est plus large que la simple perte des revenus locatifs. Il peut s’agir :

– de la perte des loyers, à partir du moment où le bénéficiaire de la décision de justice démontre que l’immeuble occupé est voué à la location et qu’il établit sa volonté de louer l’immeuble ([29]) ;

– de la perte des charges locatives récupérables sur l’occupant ([30]) ;

– de la perte de la valeur vénale du bien liée, par exemple, à une vente désavantageuse ;

– des frais liés à l’impossibilité de vendre le bien ;

– des frais de remise en état ;

– des frais de commissaire de justice ;

– de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ([31]).

L’article 11 modifie donc l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution et prévoit d’harmoniser les règles d’indemnisation en cas de refus de concours de la force publique par la publication d’un décret en Conseil d’État qui précisera les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire. À ce jour, ce décret d’application n’a pas encore été publié, mais la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) a indiqué à vos rapporteurs qu’il était en cours d’élaboration et faisait l’objet d’une concertation avec les préfectures. Celle-ci précise « qu’il ne peut être attendu du décret qu’il fixe un barème d’indemnisation indépendant de chaque cas d’espèce, ni qu’il prévoie le principe d’une proposition d’indemnisation forfaitaire, déconnectée de toute demande du propriétaire, dûment justifiée. »

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 15 mai 2024, la commission a examiné le rapport de la mission d’application de la loi n° 2023668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (Mme Caroline Yadan et M. Frédéric Falcon, rapporteurs).

 

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

 

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/oCGtYB.

 

 

 

 


   Annexe 1 : état de l’application de la loi au 5 mai 2024

Article

Dispositif

Mesures réglementaires d’application et rapports prévus

Mesures publiées

1 à 6

Mesures pénales visant à lutter contre les squats

 

Circulaire du 23 novembre 2023 de présentation de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

6

Élargissement et renforcement de la procédure administrative spéciale d’évacuation des squats (procédure dite « Dalo »)

Projet de circulaire interministérielle à destination des préfets en cours de rédaction.

 

8

Pérennisation du dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants à des fins sociales créé par la loi Molle

 

Création du dispositif de contrôle régulier de sa mise en œuvre par l’Etat lorsque l’organnisme de droit privé.

 

Décret n° 2024-260 du 22 mars 2024 modifie le décret n° 2019-497 du 22 mai 2019

Projet d’arrêté fixant le contenu du rapport annuel devant être transmis par les organismes et associations aggrées  à l’autorité qui leur a transmis cet agrément.

 

Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 5 novembre 2019 fixant la composition du dossier de demande d’agrément

 

9

Généralisation de la clause résolutoire

Projet de décret modifiant le décret du 29 mai 2015 dont les annexes présentent les contrats types de locations et de colocations pour les logements nus (annexe 1) ou meublés (annexe 2)

 

10

Définition des modalités de l’harmonisation du seuil de signalement des commandements de payer par le commissaire de justice à la Ccapex.

 

 

 

 

Définition des modalités de transmission des informations des commissaires de justice vers la Ccapex.

 

Précision sur la nouvelle répartition des compétences entre CAF et Ccapex

 

Élargissement des compétences de la Ccapex en matière de maintien des APL

Projet de décret en Conseil d’État modifiant le décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement (publication prévue en octobre 2024).

 

Réalisation du DSF au stade du commandement de payer

Projet de décret modifiant le décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 relatif au contenu et aux modalités de réalisation du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail (publication prévue en octobre 2024)

 

11

Harmonisation des règles d’indemnisation des propriétaires en cas de refus de l’octroi du concours de la force publique par le préfet pour procéder à l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre.

Projet de décret en Conseil d’État (en cours d’élaboration et ayant fait l’objet d’une concertation avec les préfectures)

 

12

Définition des modalités de suspension des APL par les sous-commissions des Ccapex

 

Définition du délai qui s’imposera aux commissaires de justice pour informer la Ccapex de toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée ou accordant des délais de paiement

Pouvoir d’orientation et de répartition entre ses membres des signalements de personnes menacées d’expulsion reçus de la par des commissaires de justice afin d’assurer leur accompagnement sociobudgétaire, l’apurement de la dette et/ou leur relogement

Projet de décret modifiant le décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (publication prévue au printemps 2024)

 

Projets d’arrêtés concernant le formulaire de saisine type du FSL, le formulaire de saisine type du SIAO et le nouveau fonctionnement du SI EXLOC.

 

 


annexe 2 : Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

Audition commune des représentants des propriétaires :

 UNIS *

Mme Danielle Dubrac, présidente

M. Géraud Delvolve, délégué général

 Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) *

M. Sylvain Grataloup, président

 Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) *

Mme Nathalie Ezerzer, directrice juridique

Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ)

Mme Béatrice Duquerroy, membre du bureau national

M. Cédric Kieffer, directeur du département juridique

Mme Myléne Aressy, membre du département juridique

M. Jérôme Fastier - directeur des affaires publiques

Direction des affaires criminelles et des grâces – ministère de la justice

Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe au directeur

Association du corps préfectoral

M. Christophe Mirmand préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Table-ronde d’avocats :

 Cabinet Cherqui & Richemond

M. Raphaël Richemond, avocat aux barreaux de Paris et de New York

 DZ Avocats-AARPI

M. Samuel Zeitoun, avocat au barreau de Paris

 Cabinet NovLaw

M. Laurent Bidault, avocat au barreau de Paris

M. Baptiste Robelin, avocat au barreau de Paris

 Cabinet Naudin

Mme Anne-Cécile Naudin, avocat au barreau de Marseille

Audition commune :

 Association nationale des juges des contentieux de la protection (ANJCP)

M. Christophe Bouvot, président

 Direction des affaires civiles et du sceau – ministère de la justice

Mme Charlotte Gevaert-Delhaye, rédactrice

Mme Marion Vandevelde, cheffe de bureau

Mairie de Paris

M. Jacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris en charge de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l’espace public et de la transition écologique du bâti

Mme Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion

Mme Géraldine Duverneuil, sous-directrice de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion (SDILE)

M. Jérémy Drouet, responsable adjoint du service de l’insertion par le logement (SIL) – (SDILE)

Mme Elodie Gilabert, responsable du bureau interventions sociales et prévention des expulsions (SIL) – (SDILE)

Audition commune :

 Département du Lot

Mme Nelly Ginestet, première vice-présidente du département du Lot en charge de l’action sociale, de la lutte contre les exclusions et de la protection de l’enfance

 Préfecture du Lot

Mme Anne-Cécile Vialle, sous-préfète de Figeac

M. Jean-Marc Toullieu, directeur de la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations (DDETSPP)

Mme Marlène Fraysse, cheffe de service adjointe en charge du logement

M. Franck Mortet et Mme Estelle Mortet, propriétaires d’un logement ayant été squatté à Port-la-Nouvelle

Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL)

M. Patrick Guionneau, directeur

Mme Rosaline Fouquereau, adjointe au directeur

Audition commune des représentants des locataires :

 Union nationale des locataires indépendants (UNLI)*

Michel Veneau, président national

Alexandre Guillemaud, chargé de mission

Dinah Lehmann, trésorière nationale

 Confédération nationale du logement (CNL)

M. Eddie Jacquemart, président

M. Alexandre Scheuer, chargé de mission Logement et consommation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


   ANNEXE 3 : liste des contributions écrites reÇues

Par ordre alphabétique

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL)

Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL)

 


([1]) Circulaire du 23 novembre 2023 de présentation de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Publication au Bulletin officiel du ministère de la justice le 27 novembre 2023.

([2]) Les « manœuvres » recouvrent tout procédé astucieux ou toute ruse mis en œuvre pour favoriser l’introduction illicite. Les « menaces » peuvent être caractérisées par des comportements inquiétants ou des paroles d’une personne prête à accomplir des actes de violence. La « voie de fait » recouvre tout acte de violence à l’encontre des biens ou des personnes. Constituent une voie de fait le fait d’enlever une partie de la toiture, de défoncer au moyen d’une masse la porte d’entrée, de passer par une fenêtre laissée ouverte, le forçage d’une serrure, le bris d’un carreau ou le descellement des barreaux d’une fenêtre. La violence contre les choses peut consister dans l’escalade d’un mur ou d’un portail bas en mauvais état, le forçage d’une serrure, le bris d’un carreau ou d’une vitre ou le descellement des barreaux d’une fenêtre.

([3]) Un procédé connu des squatteurs consiste à entrer dans des locaux au moyen d’une location de courte durée, comme le témoigne d’un couple auditionné par les rapporteurs l’a montré, puis de refuser de quitter les lieux à l’expiration du délai contractuel. La caractérisation en « manœuvres » pour entrer dans les lieux (qui permet de définir la situation comme un squat et non un impayé de loyer) est reconnue de façon très hétérogène par les juges sur le territoire.

([4]) Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes.

([5]) Décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023, Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, paragraphes 44 à 53.

([6]) Cass., Crim., 22 janvier 1997, n° 95-81.186, Bull. crim. 1997 n° 31 ; Cass., Crim., 28 février 2001, n° 00‑83.686 ; Cass., Crim., 26 juin 2002, n° 01-88.474 ; Cass., Crim., 30 octobre 2006, n° 06-80.680, Bull. crim. 2006 n° 261.

([7]) La notion de « local à usage d’habitation » doit être distinguée de celle de domicile et recouvre l’ensemble des locaux dont la finalité est l’habitation, qu’ils constituent ou non un domicile (elle peut s’appliquer, à titre d’exemple, à un logement vacant). Les notions de « local à usage commercial, agricole ou professionnel » figurent déjà au code du commerce et au code rural et de la pêche maritime.

([8]) Le principe « non bis in idem », règle de procédure pénale, dispose qu’une personne ne peut être poursuivie deux fois pour les mêmes faits. Elle suppose donc, lorsque deux qualifications sont applicables, de retenir celle qui est la plus sévèrement punie.

([9]) À titre d’exemple : jugement du tribunal judiciaire, Bobigny, 8 Janvier 2024 – n° 23/00913.

([10]) Décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023, Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

([11]) Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

([12]) Cf. Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([13]) Tribunal administratif de Toulon, ord. 16 janvier 2024, n° 2304003 : « Cette modification législative ne peut être interprétée comme incluant dans son champ d’application les locaux de longue date inhabités ou abandonnés et pour lesquels le propriétaire ne manifeste aucune intention de réhabilitation ou de rénovation visant à permettre, à brève ou moyenne échéance, sa mise en vente ou son occupation, par lui-même ou un locataire titré ».

([14]) Décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023 relative au dispositif prévu à l’article 38 de la loi Dalo.

([15]) Conseil d’État, Juge des référés, 11/10/2023, 488783.

([16]) T de Dijon, ord. 17 novembre 2023, n° 2303088).

([17]) À titre d’exemple : Douai, 18 janvier 2024, RG n° 22/05921, Paris, 19 janvier 2024 RG n° 23/10226 ou encore Bobigny, 23 janvier 2024, RG n° 23/01045.

([18]) L’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales ».

([19]) Décret n° 2024-260 du 22 mars 2024 modifiant le décret n° 2019-497 du 22 mai 2019 relatif à l’occupation par des résidents temporaires de locaux vacants en vue de leur protection et préservation en application de l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([20]) Arrêté prévu à l’article 1er du décret n° 2019-497 du 22 mai 2019 relatif à l’occupation par des résidents temporaires de locaux en vue de leur protection et préservation en application de l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([21]) Arrêté modifiant l’arrêté du 5 novembre 2019 fixant la composition du dossier de demande d’agrément prévu par l’article 1er du décret n° 2019-497 du 22 mai 2019 relatif à l’occupation par des résidents temporaires de locaux en vue de leur protection et préservation en application de l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([22]) Décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale.

([23]) Avis du 16 février 2015 (n° 14-70.011) de la Cour de cassation.

([24]) À cet égard, il est à noter que le décompte en semaines est inédit, le code des procédures civiles d’exécution raisonnant systématiquement en jours, mois ou années. Ce décompte en semaines pose plusieurs interrogations pratiques (raisonnement en jours ouvrés ou en jours calendaires par exemple) soulevés lors des auditions.

([25]) Ce délai inclut donc le délai d’audiencement : il faut compter plusieurs semaines après l’audience pour que le juge rende sa décision.

([26]) Chiffres provisoires transmis par la direction des affaires criminelles et du sceau pour l’année 2023.

([27]) Arrêt du Conseil d’État, 30 juin 2010, n° 332259.

([28]) Il est à noter que, dans près de 97 % des cas, les procédures d’indemnisation sont diligentées par les bailleurs sous forme de procédure amiable (Cour des comptes, La prévention des expulsions locatives, décembre 2022). Ce taux est de 96,3% pour 2023 selon une enquête flash réalisé par la DLPAJ auprès des préfectures pour le compte de la mission d’application.

([29]) Conseil d’État, 7 juillet 1989, n° 74912.

([30]) Conseil d’État, 24 avril 2012, n° 338777.

([31]) Conseil d’État, 19 décembre 2007, n° 296453.