N° 2626

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2024.

            RAPPORT D’INFORMATION

            dÉposÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])

 

sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation
d’un parcours
résidentiel durable

            et prÉsentÉ par

            M. StÉphane PEU, Président,

            et

            M. MickaËl COSSON, Rapporteur,

            Députés

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TOME I  RAPPORT

 

La mission d’information, créée par la Conférence des président, sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable est composée de : M. Stéphane Peu, président ; M. Mickaël Cosson, rapporteur ; MM. Thibault Bazin et Dominique Da Silva, vice-présidents ; Mmes Martine Étienne et Anaïs Sabatini, vice-présidentes, Mmes Anne Brugnera, Véronique Louwagie, Marjolaine Meynier-Millefert, M. François Piquemal, secrétaires ; M. Julien Bayou, Mme Véronique Besse, M. Lionel Causse, M. Iñaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. François Jolivet, Mme Annaïg Le Meur, M. Philippe Lottiaux, Mme Jacqueline Maquet, M. William Martinet, M. Jean-Paul Mattei, M. Paul Molac, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Alexandre Vincendet, M. Guillaume Vuilletet, membres.


SOMMAIRE

 

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Pages

Avant-propos du président

PROPOSITIONS de la mission d’information

Introduction

Partie I – Le logement en France : un secteur en crise profonde

A. Une demande insatisfaite et évolutive

1. Des parcours résidentiels compromis, voire bloqués

a. L’augmentation des dépenses liées au logement pèse durablement sur leur budget

b. La hausse du coût du logement s’accompagne d’une amélioration de la qualité des logements

c. La hausse continue des prix et des loyers accentue les inégalités et conduit à une demande croissante de logements sociaux

2. Un parc existant partiellement inadapté aux nouveaux besoins

a. Une diminution préoccupante de la part des résidences principales au bénéfice des résidences secondaires et du locatif de court séjour

b. La hausse continue de la part des logements vacants témoigne d’une inadaptation partielle du parc de logement

c. Des souhaits de changement de logement durablement insatisfaits et la persistance du mal-logement

3. Des besoins en logements croissants et évolutifs

a. Les besoins réels en logement doivent être objectifs et affinés au niveau territorial

b. L’offre de logements doit être adaptée aux différentes étapes du cycle de la vie et au parcours résidentiel

c. La carence de logements crée des difficultés de recrutement, qui pèsent sur l’emploi et la croissance

B. Une offre de logement fragilisÉe par un environnement dÉfavorable et des Évolutions structurelles

1. Le financement de la construction fragilisé par un environnement défavorable

a. Un modèle de financement de l’offre de logement dépendant de mécanismes fiscaux anciens progressivement mis en extinction et d’une politique monétaire longtemps accommodante.

b. Des facteurs conjoncturels exacerbent les difficultés structurelles inhérentes au secteur de la construction

2. Des défis structurels majeurs à affronter

a. Les objectifs de rénovation énergétique et d’adaptation du parc existant s’ajoutent à ceux de construction de l’immobilier neuf à haute performance qui constituent des contraintes sur l’offre immobilière

b. L’objectif de zéro artificialisation nette accroît les difficultés d’accès au foncier et oblige à construire « la ville sur la ville »

3. Les atouts du modèle français d’aide au logement doivent être confortés

a. Le rôle essentiel du financement de la construction sociale par la Caisse des dépôts et consignations

b. Un temps fragilisé, Action Logement a su accroître sa contribution à l’offre de logement pour les salariés, et son modèle doit désormais être conforté.

Partie II – Propositions pour des parcours résidentiels durables

A. Territorialiser la politique du logement afin d’optimiser les parcours résidentiels

1. La politique du logement doit s’inscrire dans une approche d’ensemble sur son territoire

2. La territorialisation de la politique du logement : une réalité déjà existante qu’il convient d’approfondir

B. Conforter le logement social et abordable pour en faire un ÉlÉment du parcours rÉsidentiel

1. Redonner aux secteur social les moyens financiers de produire du logement abordable

2. Optimiser l’utilisation du parc social

a. Renforcer l’adéquation entre les structures de l’offre et de la demande de logement social

b. Faire contribuer le logement intermédiaire à la diversification de l’offre sans affaiblir les objectifs de production de logements sociaux

c. Encourager l’accession sociale à la propriété

3. Mobiliser les employeurs privés et publics

a. Permettre aux employeurs d’offrir à leurs salariés un accès à un logement abordable à proximité de leur lieu de travail

b. Permettre l’accès à un logement abordable pour les agents publics

C. Agir sur tous les leviers qui améliorent le marchÉ du logement afin d’accroître la mise à disposition de résidences principales

1. Sécuriser les propriétaires et les locataires

a. Aux garanties nouvelles pour les propriétaires…

b. … doivent répondre des protections supplémentaires pour les locataires

2. Pour une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace

a. Alléger massivement la fiscalité pour les primo-accédants

b. Rendre la fiscalité des revenus locatifs plus juste et plus incitative

c. La fiscalité doit frapper plus lourdement les situations de rétention immobilière afin d’inciter les propriétaires à louer ou mettre en vente des logements

d. Faire bénéficier les collectivité d’un « choc de trésorerie » résultant d’une nouvelle fiscalité sur les plus-values foncières issues de l’enrichissement consécutif au ZAN

e. À plus long terme, engager des réformes conduisant à faire peser plus fortement la fiscalité sur la détention des logements plutôt que sur la construction, la location ou les mutations immobilières

EXAMEN du rapport

contributions ÉCRITES DES groupes

Contribution DU groupe Rassemblement National

Contribution DU groupe LA France Insoumise

Contribution DU groupe socialiste

Liste des personnes auditionnées

 


    

   Avant-propos du président

Notre pays traverse une crise du logement inédite, la plus importante depuis l’après-guerre : un million de personnes sont privées de logement, plus de quatre millions sont mal logées, plus de douze millions sont en situation de fragilité et 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement HLM.

Depuis des mois, les acteurs du logement (fédérations du bâtiment, promoteurs immobiliers, organismes HLM, associations, élus locaux, …) tirent la sonnette d’alarme. Et après avoir longtemps alerté sur le risque d’une bombe sociale à retardement, nombreux disent désormais qu’elle a explosé.

Le premier facteur de cette crise profonde, source d’une immense souffrance sociale, est le manque criant de construction de logements. Le choc d’offre promis n’a toujours pas eu lieu. En 2023, nous comptons seulement 280 000 mises en chantier tous types de logements confondus, soit à peine au-dessus du point bas historique de 1992-1993.

Un autre facteur de cette crise est la raréfaction de l’offre de logement dans le parc locatif privé. Elle est en particulier due à la mode des locations de meublés de tourisme. Leur nombre a quasiment triplé depuis 2016 pour s’établir à plus de huit cent mille, avec pour corollaire un renchérissement des coûts du foncier, et pour conséquence l’éviction des résidents permanents. Il a fallu des années de combats pour obtenir une première loi et des décrets d’applications afin de limiter le nombre de jours de locations, gageons que la dernière et très récente initiative parlementaire visant à remédier aux déséquilibre du marché en zone tendue porte rapidement ses fruits.

Cette extrême tension à laquelle s’ajoute un contexte économique particulièrement défavorable – inflation, durcissement des conditions de crédit, hausse des taux d’intérêts, flambée des prix de l’énergie… – nécessite des actions gouvernementales fortes avec un objectif clair celui de renouer avec notre histoire singulière sur le sujet, mêlant initiative privée et logement public.

Cette mission d’information parlementaire que j’ai présidée s’est donc donné pour objectif de dégager des consensus afin de bâtir des propositions transpartisanes sur toutes les composantes du logement (privé, public, locatif, aide à la primo‑accession, aux maires bâtisseurs, à la pierre …) et d’agir sur le parcours résidentiel durable.

Après plusieurs mois d’auditions, cette mission s’achève par la publication de ce rapport. Je souhaite remercier le rapporteur et l’ensemble de nos collègues qui ont alimenté la réflexion de la mission par leurs interventions et leurs questions aux personnalités auditionnées.

Pour conclure cet avant-propos, je souhaite insister sur la nécessité évidemment de préserver le logement HLM, et par là même la loi SRU souvent, et très injustement, décriée. Car un chiffre témoigne à lui-même de son efficacité : depuis 2001, 50 % des logements HLM construits l’ont été dans les villes soumises à la SRU. Sans cette loi, on peut légitimement penser qu’une grande partie de ces logements ne serait pas sortie de terre. Il s’agit donc d’un puissant levier de production de logements et de solidarité entre les territoires, qu’il faut conserver et non détricoter.

 


  PROPOSITIONS de la mission d’information

Une approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels

Recommandation n° 01 : Territorialiser les objectifs en matière de construction de logements.

Recommandation n° 02 :  Définir des objectifs de logement en fonction de la typologie des publics bénéficiaires (étudiants, jeunes actifs, jeunes ménages seniors…).

Recommandation n° 03: Élaborer des approches stratégiques qui incorporent l’aménagement du logement au sein des politiques industrielles.

Recommandation n° 04 : Développer une boîte à outils à disposition des territoires afin de favoriser une meilleure différenciation des politiques du logement.

Recommandation n° 05 : Permettre une prise en compte des dynamiques territoriales, et de leurs besoins en logements, dans la mise en œuvre du ZAN.

Recommandation n° 06 : Prioriser la construction de logements lors de la mise en œuvre du ZAN.

Recommandation n° 07 :  Favoriser un meilleur parcours résidentiel à chaque étape de la vie.

Recommandation n° 08 : Prendre en compte les difficultés particulières des territoires ultramarins.

Recommandation n° 09 : Confier davantage de responsabilités aux intercommunalités, au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

Recommandation n° 10 : À l’exemple du « Pinel Breton », expérimenter des versions régionalisées de dispositifs nationaux d’incitation à la construction de logements.

Recommandation n° 11 : Rétablir l’aide aux maires bâtisseurs contribuant à l’effort de production de nouveaux logements par le versement d’une aide forfaitaire.

Recommandation n° 12 : Pour le calcul des dotations financières des collectivités territoriales, mieux tenir compte du surcroît de charges occasionnées pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale conduisant des politiques de logement et de rénovation énergétique volontaristes.

Recommandation n° 13 : Améliorer le soutien à l’ingénierie publique locale en matière d’urbanisme.

Pour un choc d’offre en faveur du logement social et abordable

Recommandation n° 14 (président Stéphane Peu) : Revenir sur les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de restituer aux organismes HLM une capacité d’investissement supplémentaire annuelle de l’ordre de 1,3 Md€.

Recommandation n° 15 : Étendre le taux de TVA de 5,5 % à l’ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés.

Recommandation n° 16 : Augmenter les contributions de l’État au fonds national d’aide à la pierre (Fnap).

Recommandation n° 17: Maintenir dans la durée les financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires et y préserver la part consacrée à la rénovation thermique des logements.

Recommandation n° 18: Assortir la hausse du financement du logement social de garanties tenant à l’organisation des parcours résidentiels, à la mobilité des locataires et à la gestion du parc existant.

Recommandation n° 19 : Mieux organiser les mutations au sein du parc social, en incitant les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit grâce à des contreparties financières (garantie d’absence de hausse du loyer, prise en charge sous conditions de ressources de certains frais liés au déménagement).

Recommandation n° 20 : Mieux organiser les mutations au sein du parc social en favorisant l’accession sociale à la propriété.

Recommandation n° 21 : Rapprocher l’offre de services d’Action Logement des besoins des petites et moyennes entreprises (PME).

Recommandation n° 22 : Assujettir à la participation de l’employeur à l’effort de construction (Peec) l’ensemble des entreprises de plus de dix salariés afin d’établir un lien financier entre Action logement et l’ensemble des PME.

Recommandation n° 23 : Mobiliser les branches professionnelles pour faciliter l’accompagnement des salariés.

Recommandation n° 24 : Développer, pour les agents publics, une offre de services comparable à celle d’Action Logement, financée le cas échéant par une cotisation assise sur la rémunération des agents.

Recommandation n° 25 : Promouvoir les mécanismes d’intermédiation locative et conforter les acteurs territoriaux de l’information sur le logement.

Recommandation n° 26 : Soutenir la montée en charge du dispositif Visale.

Recommandation n° 27 (président Stéphane Peu) : Engager une réflexion visant à la mise en place d’une garantie universelle des loyers (GUL).

Pour une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace 

Recommandation n° 28 : Consacrer prioritairement les marges de manœuvres résultant de réformes de la fiscalité immobilière à des mesures encourageant la primo-accession à la propriété d’une résidence principale : TVA à 5,5 % dans le neuf, droits de mutation à titre onéreux à taux de faveur, élargissement du prêt à taux zéro, réduction du taux de TVA pour les travaux d’amélioration assortie, le cas échéant, d’une exonération temporaire de taxe foncière.

Recommandation n° 29 : Mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée.

Recommandation n° 30 : Faire aboutir la réflexion sur les conditions de suppression progressive de la distinction fiscale entre location meublée et location non meublée.

Recommandation n° 31 : Établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique.

Recommandation n°32: Poursuivre la modernisation de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires, en généralisant la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) à l’ensemble du territoire, en en excluant seulement les territoires en déprise. Concomitamment, augmenter le taux de la TLV et le plafond de majoration de la THRS.

Recommandation n° 33 : Afin de décourager les comportements de rétention immobilière visant à éviter l’impôt sur les plus-values immobilières, remplacer les abattements pour durée de détention par l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction d’un indice statistique (inflation, coût de la construction) pour déterminer la plus-value imposable.

Recommandation n° 34 : Faire bénéficier les collectivités d’un « choc de trésorerie » en taxant les plus-values foncières résultant du ZAN en fusionnant les deux taxes existantes applicables aux plus-values de cession de terrain rendu constructible, en accroissant leurs assiettes et leurs taux, et en attribuant le rendement principal au bloc communal pour des dépenses d’aménagement et d’aide à la construction de logement.

Recommandation n° 35 : Mettre à profit la révision des valeurs locatives à l’échéance de 2028 pour procéder à la bascule d’une partie de la fiscalité du logement vers l’impôt foncier, afin de réduire à due concurrence les impôts pesant sur les transactions ou les locations immobilières.

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   Introduction

Créée le 20 juin 2023 à la demande du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), la présente mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable est née du constat que la France, en matière de logement, est confrontée à une crise profonde et complexe qui ébranle les fondations mêmes du droit à un logement décent pour tous.

Cette crise du secteur se traduit par un accroissement significatif de la demande de logements insatisfaite, un phénomène qui se trouve amplifié par une progression soutenue des coûts d’accès à la propriété ou à la location, ainsi que par une exacerbation des inégalités socio-économiques au sein de la population.

Face à cette situation, de nombreux rapports ont été publiés au cours de la période récente sur ce sujet. S’ils sont divers dans leurs approches et leurs conclusions, ces rapports partagent néanmoins un point commun : tous mettent en lumière l’urgence d’agir et la nécessité d’un dialogue constructif pour forger des solutions durables. Parmi ces publications, le 29e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mallogement ([2]), le document d’analyse et de proposition présenté par l’Association des maires de France ([3]) ainsi que plusieurs travaux parlementaires – notamment, le rapport de nos collègues Daniel Labaronne et Charles de Courson au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété ([4]) et les réflexions en cours au sein de la mission d’information sénatoriale relative à la crise du logement ([5]) – dressent un tableau alarmant, mais nécessaire, de la situation du logement en France.

La présente mission d’information a donc conduit ses travaux dans un climat de volonté forte d’expression et de débat, portée par l’espoir d’une meilleure compréhension des enjeux et des défis pour assurer une politique du logement rénovée et plus efficace.

À cet égard, la mission salue la démarche de concertation impulsée par le Conseil national de la refondation (CNR Logement), lancée en novembre 2022 par les ministres Christophe Béchu et Olivier Klein et dont les travaux ont été présentés le 5 juin 2023 à la Première ministre Elisabeth Borne et au Haut-Commissaire au plan François Bayrou.

Cette démarche a su fédérer une pluralité d’intervenants du domaine du logement, parmi lesquels figurent experts, élus, représentants de la société civile et acteurs économiques.

Le CNR Logement a ainsi pu élaborer un diagnostic commun et consensuel sur l’état du logement en France, jetant ainsi les bases d’une politique rénovée apte à affronter les défis préalablement identifiés.

La présente mission d’information partage les conclusions consensuelles issues des concertations du CNR Logement, mettant en avant une série de recommandations stratégiques qui s’articulent autour de trois axes majeurs.

Ces axes visent à redynamiser l’accès au logement pour tous, notamment en renforçant l’accès à la propriété à travers des mesures comme le prêt à taux zéro amélioré et le bail réel solidaire, et à promouvoir un marché plus équitable, permettant à chaque citoyen de trouver un logement adapté à ses besoins et à ses moyens.

La mission partage également le constat du CNR de stimuler la production de nouveaux logements pour répondre à une demande sans cesse croissante, en simplifiant les procédures administratives pour la délivrance des permis de construire et en incitant les investissements dans la construction résidentielle, notamment par la collaboration avec les élus locaux pour initier un renouvellement urbain et traiter les friches urbaines.

Enfin, l’accent est mis sur l’intégration de la durabilité environnementale dans la stratégie de logement, en encourageant la rénovation énergétique des bâtiments existants et la promotion des normes d’écoconstruction pour les nouveaux projets, afin de réduire l’empreinte écologique du secteur du logement.

Parallèlement, l’activité législative dans le secteur du logement s’intensifie, témoignant de la volonté politique remédier à la crise. La promulgation récente de la loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ([6]), ainsi que les examens en cours de textes visant à encadrer la location touristique ([7]) ou à favoriser la transformation de bureaux en logements ([8]), ouvrent de nouvelles perspectives pour augmenter l’offre de logements. De plus, l’annonce imminente de simplifications procédurales promet de faciliter encore la construction et la rénovation des bâtiments.

À cela nous pouvons abonder les différentes mesures initiées ou qui restent à initier par le gouvernement et les parlementaires tels que Loc’Avantages, l’appel à projet lancé par le gouvernement qui a retenu 74 zones commerciales pour rénover ces zones en instaurant du logement, la sélection de 22 territoires engagés pour le logement.

Le rapporteur considère aussi que s’impose des réflexions sur de nouveaux outils : par exemple, l’exonération des droits de donation favorisant la solidarité intergénérationnelle pour l’acquisition de résidences principales. La discussion prochaine du projet de loi sur le logement abordable donnera également l’occasion de mener une réflexion sur le périmètre de la loi SRU, notamment pour le cas des communes situées dans les intercommunalités soumises SRU mais qui ne sont pas elles-mêmes concernées car elles n’atteignent pas le seuil de population.

Bref, une action du gouvernement pour multiplier les dispositifs afin de favoriser l’accès au logement mais aussi un travail en parallèle pour sécuriser les propriétaires confrontés à des loyers impayés par un dispositif innovant prenant le relais en cas de défaillance du locataire.

Au-delà des mesures immédiates et des actions en cours, la mission d’information s’inscrit dans une perspective plus large, celle de préparer le terrain pour un débat autour d’un futur projet de loi majeur sur l’avenir du logement en France qui s’annonce comme un moment décisif pour la définition et l’orientation des politiques du logement pour les années à venir.

Dans cette optique, la présente mission d’information formule des préconisations d’ordre administratif, législatif et fiscal, dont l’objectif est double : répondre de manière urgente et efficace aux défis actuels, et poser les bases d’une politique du logement durable.

Les travaux et analyses de la mission d’information confirment l’urgence d’une intervention d’ensemble du législateur, pour répondre aux difficultés croissantes des Français à accéder à un logement adapté à leurs besoins et abordable, surtout dans les zones tendues.

La mission d’information doit en effet faire état de l’inadaptation du parc existant aux besoins résidentiels de la population comme le montre la réduction des résidences principales au profit des logements secondaires ou des meublés de tourisme ainsi que la hausse du nombre de logements vacants. De ce fait, la mobilité dans le parc locatif en France est limitée : les désirs de changement de logement restent largement insatisfaits. La mission d’information insiste sur la nécessité de définir les besoins réels en logement de manière objective et affinée au niveau territorial. La carence de logements a un impact négatif sur l’emploi et la croissance, tandis que l’offre doit être pensée pour s’adapter aux différentes étapes de la vie des citoyens.

Dans ce contexte, le financement de la construction apparaît fragilisé, pâtissant d’un environnement fiscal et monétaire défavorable qui entrave la capacité du secteur à répondre efficacement aux besoins de logements, tant dans les domaines du logement social et abordable que de la promotion immobilière dans son ensemble. La mission d’information souligne la nécessiter de redonner des marges financières au secteur afin de permettre de continuer à produire des logements neufs et performants tout en assumant les charges de la rénovation énergétique et de l’adaptation du parc existant.

La mission d’information souligne la nécessité impérieuse de renforcer la logique de durabilité environnementale dans le secteur du logement via la rénovation énergétique et la limitation de l’extension urbaine.

Pour répondre à ces enjeux, la mission d’information transpartisane formule des recommandations ciblées : elle prône une territorialisation de la politique du logement pour ancrer les décisions dans les réalités locales, propose des mesures visant à un « choc d’offre » au bénéfice du logement social et abordable, et suggère des ajustements fiscaux pour stimuler le marché, tout particulièrement au bénéfice de la primo-accession, et pour que la fiscalité du foncier, dans le contexte du zéro artificialisation nette (ZAN), apporte aux communes concernées un « choc de trésorerie » permettant de financer leurs politiques d’aménagement et de logement.

Ces propositions visent à sécuriser à la fois les propriétaires et les locataires, à encourager l’investissement dans le logement social, et à promouvoir une offre locative plus attractive.

Il revient désormais à l’ensemble de la représentation nationale, et au Gouvernement, de se saisir de ces propositions pour que le débat autour du grand projet de loi sur le logement à venir permette de répondre aux aspirations nombreuses et convergentes exprimées par des pans entiers de la société française.

 Certaines des propositions présentes dans le rapport, telles que celles de revenir sur la réduction de loyer de solidarité ou la garantie universelle des loyers, sont issues des différentes auditions du monde du logement social et à ce stade ne doivent être considérées que comme des recommandations.

Cependant, chacun s’accorde sur la nécessité de chercher à redonner de la capacité d’investissement pour produire les logements sociaux suffisants ou redonner confiance aux propriétaires.

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   Partie I – Le logement en France : un secteur en crise profonde

La crise profonde que traverse aujourd’hui le secteur du logement en France est le produit de tensions structurelles, accumulées au fil des ans et que des éléments conjoncturels ont exacerbées plus récemment.

La hausse du coût du logement, en locatif ou en accession à la propriété, pèse lourdement sur le budget des ménages et tend à figer les situations acquises. Par ailleurs, au regard de réalités démographiques et de besoins évolutifs, il apparaît que le parc existant n’apporte que des réponses imparfaites.

Du côté de l’offre, le financement de la construction, dépendant de mécanismes fiscaux anciens et d’une politique monétaire changeante, est mis à l’épreuve par divers facteurs conjoncturels. Concomitamment, le secteur doit relever des défis structurels majeurs, notamment les exigences de rénovation énergétique et l’adaptation des parcs existants. L’objectif de zéro artificialisation nette impose un réaménagement urbain intelligent, mais complexifie l’accès au foncier.

A.   Une demande insatisfaite et évolutive

La capacité des ménages à concrétiser leurs parcours résidentiels est aujourd’hui compromise par l’augmentation significative des dépenses liées au logement. Cette hausse a une incidence durable sur leur budget, malgré une amélioration notable de la qualité des logements. Parallèlement, cette hausse des coûts aggrave les disparités sociales et alimente une demande croissante en logements sociaux, révélant des inégalités profondément enracinées dans le secteur du logement.

1.   Des parcours résidentiels compromis, voire bloqués

a.   L’augmentation des dépenses liées au logement pèse durablement sur leur budget

La hausse des prix et celle des loyers alimentent une dynamique défavorable, qui explique les difficultés actuelles du secteur du logement pour les ménages.

Depuis la fin des années quatre-vingt, les loyers ont en effet connu une hausse presque ininterrompue. Cette hausse a été un peu plus élevée, surtout en début de période, dans le secteur libre que dans le secteur social.

Évolution de l’indice des loyers d’habitation (1966-2022)

Source : Insee (France hors Mayotte)

Cette hausse globale des loyers est la résultante d’une double évolution, une hausse de la qualité des logements (cf. infra) et une hausse des loyers à qualité constante.

Cette tendance est plus régulière que l’évolution des prix d’achat, dont la hausse est plus nette mais ne prémunit pas contre certaines baisses significatives, comme pendant la crise de 2008. Dans la décennie 2000, une hausse marquée des prix des logements a été enregistrée. Cette augmentation a été suivie par une période de baisse modérée, entrecoupée de fluctuations. Depuis 2016, les prix ont à nouveau augmenté, mais depuis les trois derniers trimestres, une diminution des prix des logements, à qualité constante, a été observée en raison de la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne. Cette tendance est plus accentuée en Île-de-France.

Les variations des loyers sont moindres que celles des prix de l’immobilier, les prix ont augmenté nettement plus vite que les revenus. Alors qu’en moyenne la hausse des loyers entre 2000 et 2022 est d’environ 40 %, les prix de l’immobilier ont été multipliés entre 2,5 et 3 entre 2000 et 2022.

Évolution des prix, des loyers et des revenus (1996-2022)

Source : Contribution écrite de l’Insee.

L’écart croissant entre l’évolution des loyers et celle des prix immobiliers peut être partiellement attribué au plafonnement des loyers qui modère la hausse des coûts locatifs (cf. encadré).

Les politiques d’encadrement des loyers en France

La politique d’encadrement des loyers, alors appelée « Taxation des loyers », remonte à la Révolution française et à l’interdiction, imposée par l’État aux propriétaires, de dépasser un certain seuil de prix pour la location de leur bien ([9]).

Pendant la Première guerre mondiale, les pouvoirs publics instaurent un gel des loyers destiné à « soulager les familles dont un des membres était sous les drapeaux et à favoriser ainsi une acceptation des sacrifices consentis pour la défense de la patrie » ([10]). Ce blocage des loyers, lancé en 1914, ne fut partiellement levé qu’à partir de 1926.

En 1945 et face au manque criant de logements, les pouvoirs publics estimèrent nécessaire d’introduire plus de flexibilité. La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 autorise ainsi une augmentation substantielle des loyers pour les contrats établis avant 1947, tout en assurant une protection pour les locataires à faible revenu. Cette loi a entraîné une augmentation de l’indice des loyers et des prix des logements jusqu’en 1965. Après une période de libéralisation des loyers dans la seconde moitié du XXe siècle, de nouvelles réglementations ont été introduites dans les années 2010, notamment la limitation de la hausse des loyers dans les grandes villes.

D’une part, l’évolution des loyers est plafonnée par la variation d’un indice de référence des loyers (IRL), créé dans sa version actuelle en 2008 et défini à l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Cet indice, publié chaque trimestre par l’Institut national de la statistique et des études économiques, correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC), hors tabac et hors loyers

D’autre part, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », a instauré un dispositif de plafonnement des loyers dans les « zones tendues », où un loyer ne peut pas dépasser de 20 % un loyer médian fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Cependant, la mise en œuvre effective de cette mesure a été retardée par la nécessité de mettre en place des observatoires des loyers adéquats.

Ce plafonnement est initialement limité aux deux seules agglomérations de Paris (août 2016) et de Lille (janvier 2017). Le mécanisme est consolidé et généralisé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique et s’appliquait dans vingt-quatre villes en 2023.

Afin de limiter l’impact de l’inflation sur le budget des ménages, la loi n° 222-1158 du 1er août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a plafonné temporairement à + 3,5 % la variation annuelle de l’indice de référence des loyers (IRL), un dispositif prolongé par la loi n° 2023-568 du 7 juillet 2023 maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

 

Enfin, l’augmentation des prix dans le marché immobilier se révèle être plus prononcée pour l’acquisition de biens anciens comparativement à celle des biens neufs. En vingt ans, les prix dans le neuf ont été multipliés par 2,4 et les prix dans l’ancien par 2,8 (3 en Île-de-France).

Évolution des indices de prix des logements

Source : Contribution écrite de l’Insee à la mission.

Toutefois, la hausse des prix de l’immobilier est moins marquée en France que dans certains pays européens. Depuis 2010, les marchés immobiliers européens ont connu des évolutions de prix très variées, mais dans l’ensemble, une tendance haussière a prévalu. Cette augmentation généralisée des prix immobiliers est principalement attribuable à la baisse significative des taux d’intérêt pour les crédits immobiliers. Une augmentation des revenus des ménages a également contribué à cette tendance, bien que dans une moindre mesure. La crise sanitaire liée à la covid-19 n’a pas entraîné de baisse des prix immobiliers. Sur une période de dix ans, l’Irlande a enregistré la plus forte hausse de prix de l’immobilier, avec une augmentation de 119,4 % entre fin septembre 2012 et fin septembre 2022 ([11]). Le Portugal a également connu une augmentation significative des prix immobiliers sur la même période, tandis que la France a connu une hausse plus modérée (+ 27,2 %). À l’inverse, l’Italie a enregistré une baisse des prix sur dix ans.

Évolution du prix des logements dans les principaux pays européens

Source : FNAIM, Le logement en France et en Europe, 2022

Les dépenses relatives au service de logement, incluant les loyers ainsi que les coûts en énergie, eau et entretien, représentent une part croissante de la consommation finale des ménages en France. Cette part a connu une augmentation notable depuis les années soixante, dépassant ainsi la plupart des autres catégories de dépenses.

Évolution des principaux postes de dépense des ménages (1971-2021)

Source : Insee, comptabilité nationale.

Du fait de la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, le taux d’effort des ménages, défini comme la part de revenu disponible consacrée au logement, a nettement augmenté. En 2017, les ménages en France allouaient en moyenne 19,7 % ([12]) de leur revenu au logement. De 2001 à 2013, ce taux a connu une hausse généralisée pour tous les ménages, s’élevant à une augmentation de 2,1 points.

Ce taux d’effort varie selon le statut d’occupation des ménages : les locataires du marché privé y consacrent 28,6 % de leur revenu, les accédants à la propriété 27,5 %, tandis que les locataires du secteur social, bénéficiant de loyers régulés, y consacrent 24,1 % ([13]). Les propriétaires sans charges de remboursement de prêt immobilier ne consacrent, quant à eux, que 10 % de leur revenu au logement.

Taux d’effort des ménages pour le logement selon le statut de l’occupant

Source : Loïc Chapeaux d’après les données de l’Insee.

Le taux d’effort consacré au logement est nettement plus élevé pour les ménages les plus modestes, soulignant ainsi une disparité significative dans les charges de logement en fonction des niveaux de revenu. La proportion du revenu alloué au logement est plus élevée pour les 25 % des ménages aux revenus les plus modestes, avec 32,0 %, contre 14,1 % pour les ménages les plus aisés ([14]).

Sur le plan européen, le logement demeure la principale dépense de consommation finale des ménages au sein de l’Union européenne, avec une dépense moyenne de 23,7 % en 2021 ([15]). La France se positionne légèrement au-dessus de cette moyenne avec 24 %, se rapprochant des niveaux observés en Irlande, Danemark, Autriche et Allemagne.

b.   La hausse du coût du logement s’accompagne d’une amélioration de la qualité des logements

Selon l’enquête sur le logement menée par le SDES en 2020 ([16]), il apparaît une amélioration globale du confort et de la satisfaction des conditions de logement en France. Cette enquête révèle qu’en 2020, parmi les 29,5 millions de ménages résidant en France métropolitaine, 79,0 % estiment leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes ; cette proportion s’accroît de 2,4 points par rapport à 2013.

Cette satisfaction varie toutefois considérablement selon le statut d’occupation des logements. Les propriétaires sont nettement plus satisfaits de leur situation de logement, avec un taux de satisfaction atteignant 90 %. En revanche, pour les locataires, le taux de satisfaction est sensiblement inférieur : en moyenne, 63 % des locataires expriment une satisfaction envers leur logement. Cette proportion diminue encore plus au sein du parc social collectif, où seulement 56 % des locataires se disent satisfaits de leurs conditions de logement.

Part des ménages estimant leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes en 2020

Source : Sdes, Enquête logement 2020

La qualité des conditions de logement en France a connu une amélioration notable, caractérisée par plusieurs aspects :

 L’augmentation de la taille des logements : Selon Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l’Insee, auditionnée par la mission : « Sur longue période, depuis les années 1970, la taille des logements a nettement augmenté, qu’elle soit calculée en surface globale, en nombre de mètres carrés par occupant ou en nombre de pièces. ». La surface moyenne des logements occupés a connu une légère hausse, particulièrement dans les maisons individuelles et le parc ancien. Cependant, les logements collectifs demeurent généralement plus petits que les logements individuels, et la surface disponible varie en fonction de l’âge des occupants, allant de 35 mètres carrés pour les personnes de 30 à 39 ans à plus de 70 mètres carrés pour les 75 ans et plus ([17]).

Surface moyenne disponible par occupant en 2013 et 2020
selon l’âge de la personne de référence

Source : Sdes, Enquêtes logement 2020.

 La diminution des défauts majeurs de confort : D’après l’enquête du SDES ([18]), une baisse a été observée dans la proportion de logements présentant des défauts majeurs de confort. Ces défauts incluent des problèmes d’isolation des fenêtres, des vis-à-vis trop proches, un manque d’aération, des problèmes d’isolation du toit ou des murs, des traces d’humidité ou des difficultés à chauffer le logement. Les propriétaires signalent moins fréquemment de tels défauts que les locataires. Le taux de locataires se plaignant de ces défauts varie selon qu’ils résident dans le parc social ou privé, et selon le type de défaut.

Part des ménages occupant un logement présentant au moins un défaut grave de confort, selon l’année de construction du logement.

Source : Sdes, Enquête logement 2020

DÉfauts de confort de logement selon le statut de l’occupant

Source : Infographie Sdes, enquête logement 2020.

 Le progrès en matière d’équipements sanitaires : en 2018, presque toutes les résidences principales en France étaient équipées d’une douche ou d’une baignoire, ce qui marque un progrès notable par rapport à il y a cinquante ans, où seulement la moitié des logements en étaient pourvus ([19]).

Ces diverses améliorations reflètent un progrès significatif dans les conditions de logement en France au cours des dernières décennies, qui peut en partie expliquer la hausse des prix et des loyers.

c.   La hausse continue des prix et des loyers accentue les inégalités et conduit à une demande croissante de logements sociaux

L’accès à un logement abordable dans le secteur privé, tant pour l’acquisition que pour la location, est devenu progressivement plus complexe et inégalitaire, un phénomène exacerbé par la hausse des prix et les disparités géographiques. Cette situation a engendré une demande croissante en matière de logements sociaux et une hausse des inégalités.

L’augmentation continue et significative des prix de l’immobilier induit, d’abord, des inégalités dans l’accès à la propriété, en particulier pour les primo‑accédants. Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l’Insee résume ainsi la situation : « Depuis 2000, les prix des logements neufs et anciens augmentent beaucoup plus vite que les loyers d’habitation et, surtout, que le revenu disponible moyen des ménages : alors que ce dernier a été multiplié par 1,5, le prix des logements à l’achat l’a été par 2,7 environ. Du fait de ces évolutions très différenciées, ceux qui détiennent un patrimoine bénéficient d’une forte valorisation de celui-ci tandis que ceux qui n’en possèdent pas encore se heurtent à une importante barrière à l’entrée. ».

Sur la période récente, l’accès à la propriété est limité par plusieurs facteurs structurels. On observe une concentration des ménages non-propriétaires parmi les tranches les plus basses de revenus par unité de consommation. Ces ménages, qui tendent à vieillir, sont confrontés à des prix de l’immobilier élevés dans les zones où ils résident. En conséquence, les inégalités d’accès à la propriété se sont accentuées ([20]).

La hausse des prix de l’immobilier, couplée au vieillissement démographique, a conduit à une concentration notable du capital immobilier. En 2018, 62 % des inégalités de patrimoine, mesurées selon l’indice de Gini, étaient attribuables au patrimoine immobilier, une augmentation par rapport aux 55 % enregistrés en 1998 ([21]). Cette augmentation est principalement due à la hausse de la part du patrimoine immobilier dans le patrimoine total des ménages situés dans les tranches moyenne et supérieure de distribution des revenus.

L’augmentation des inégalités de patrimoine entre 1998 et 2018 est principalement attribuable à l’accroissement du patrimoine immobilier. Le patrimoine immobilier moyen a crû de 141 % sur cette période, principalement entre 1998 et 2010 ([22]). La masse totale du patrimoine immobilier a, quant à elle, augmenté de 201 %, avec une contribution majeure de la valorisation des logements anciens, suivie par la construction de nouveaux logements et enfin la hausse des prix des logements neufs. Cette période favorable a bénéficié principalement aux 70 % des ménages les plus aisés en termes de patrimoine brut, tandis que les ménages les moins fortunés, peu détenteurs de biens immobiliers, n’ont pas profité de cette évolution.

La concentration du capital immobilier en France est exacerbée par le fait qu’un quart des ménages français possèdent plusieurs logements, ces multipropriétaires détenant les deux tiers des logements privés. Cette situation révèle une concentration marquée de la propriété immobilière. Plus précisément, 34 % des ménages possèdent un seul logement, tandis que 13 % en possèdent deux, ce qui représente un quart de l’ensemble du parc immobilier. De plus, 11 % des ménages détiennent trois logements ou plus, constituant près de la moitié du parc immobilier. Parmi les ménages multipropriétaires, la moitié loue au moins un de leurs logements, et la propriété de ces biens locatifs est elle-même fortement concentrée, avec seulement 3,5 % des ménages possédant la moitié de ces logements en location.

Répartition des ménages et des logements
selon le nombre de logements possédés

Source : Insee, Fidéli/Fidélimmo 2017.

Le vieillissement démographique a influencé la structure de la propriété immobilière. Une proportion significative de propriétaires plus âgés n’a plus de charges de remboursement de prêt immobilier. En 2018, 37 % des ménages propriétaires n’avaient plus de charges de remboursement, tandis que 20 % étaient encore en phase d’acquisition de leur propriété ([23]). La part des propriétaires sans charges de remboursement a augmenté entre 1983 et 2003, mais a peu évolué depuis. À l’inverse, la part des accédants à la propriété a diminué pendant cette période avant de se stabiliser ces vingt dernières années.

Comparaison du statut d’occupation du logement entre 1983 et 2023

Source : Insee, estimations annuelles du parc de logements

La dynamique de décohabitation influence également l’accès à la propriété. Il est observé que les individus en couple ont tendance à être plus fréquemment propriétaires, alors que les personnes seules et les familles monoparentales sont plus souvent locataires. En particulier, il est notable que plus de 60 % des familles monoparentales se trouvent dans la catégorie des locataires.

Statut de l’occupant du logement selon sa situation familiale

Source : SDES, Enquête Logement 2020

Bien que l’on observe une augmentation des inégalités d’accès à la propriété et une concentration accrue du capital immobilier, ces phénomènes doivent être nuancés :

 D’une part, la concentration du patrimoine immobilier a en réalité légèrement diminué entre 1998 et 2018. Cela est illustré par l’indice de Gini du patrimoine immobilier qui est passé de 0,644 à 0,636 au cours de cette période, indiquant une répartition légèrement plus équilibrée du patrimoine immobilier ([24]).

 D’autre part, la proportion de ménages propriétaires de leur résidence principale est restée stable depuis quelques années. Début 2023, 57 % des ménages étaient propriétaires, comparativement à 40 % de locataires (dont 18 % dans le parc public et 22 % dans le parc privé), et 3 % étaient logés à titre gratuit ([25]). Ce taux de propriété est resté relativement stable, soulignant une certaine stabilité dans la répartition de la propriété résidentielle.

L’augmentation des prix et des loyers dans le secteur immobilier entraîne une hausse de la demande d’attribution de logements sociaux en France. Cette tendance s’est manifestée dans toutes les régions, y compris dans celles considérées auparavant comme moins tendues. En 2022, le nombre de demandes pour des logements sociaux a augmenté en moyenne de 7 %, avec des variations régionales allant de 5 % à 11 % ([26]).

Source : ANCOLS, Tableau de bord 2022, Attribution de logements sociaux, janvier 2024

Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), a ainsi résumé la situation en matière d’attribution de logements sociaux : « Le nombre de demandeurs de logement social n’a jamais été aussi élevé : 2,4 millions de ménages demandeurs. (….) Le problème est que nous avons très peu de logements disponibles et que 1,65 million de ménages attend un logement social. Ce nombre n’a jamais été aussi élevé, il est en augmentation constante depuis trois ans et il s’est accru de 20 % au cours des huit à dix dernières années. »

Les chiffres-clés du logement social

Un logement social, également connu sous le nom de HLM (Habitation à Loyer Modéré), est une habitation érigée avec le soutien financier de l’État. Ce type de logement est soumis à des normes strictes en termes de construction, de gestion et d’attribution. Les loyers dans le secteur social sont régulés, et l’accès à ces logements est conditionné par des plafonds de ressources, assurant ainsi leur disponibilité pour les ménages aux revenus limités.

En 2016, en France, 10,7 millions de personnes sont locataires d’un logement social ([27]). Le parc social comprend 4,7 millions de logements, soit 16 % de l’ensemble du parc de logements occupés ([28]). Les logements sociaux sont relativement plus présents dans les grandes unités urbaines de plus de deux cent mille habitants, qui concentrent 57 % du parc social.

Le revenu médian des occupants de ces logements sociaux était de 15 100 euros en 2016 ([29]), ce qui est inférieur au revenu médian de la population générale. En 2016, le taux de pauvreté est plus élevé chez les locataires du parc social que pour les autres catégories d’occupants : il atteint 35 %, contre 23 % pour les locataires du secteur libre et 7 % chez les propriétaires occupants ([30]). En 2021, l’Union sociale pour l’habitat estime qu’un peu plus du tiers des locataires HLM ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté national (contre 14 % pour l’ensemble des ménages) ([31]).

La population des locataires sociaux a vieilli plus rapidement que la moyenne nationale ([32]), en raison de l’afflux important de locataires durant l’expansion du parc social dans les années soixante et soixante-dix. Ce vieillissement a entraîné une rétention des logements sociaux par les locataires actuels, limitant ainsi l’accès pour les nouvelles générations et contribuant au ralentissement du renouvellement des locataires. Les ménages aux revenus les plus élevés, qui résident principalement dans les mêmes zones géographiques, restent plus longtemps dans le secteur social que dans le secteur libre, contribuant à une polarisation spatiale au sein du parc social.

Dans un contexte de ralentissement de la production locative sociale, la faible mobilité au sein du parc a abouti à une baisse du flux annuel d’attributions et à un allongement des délais d’attente pour l’obtention d’un logement social. Après une période de rattrapage post-covid en 2021, une tendance à la baisse dans les attributions de logements sociaux a été observée en 2022 (420 000 attributions), avec une diminution de 4 % par rapport à l’année précédente et une baisse de 7 % par rapport aux attributions de 2019, s’inscrivant ainsi dans la tendance de longue période d’une baisse graduelle et progressive des attributions. L’Union sociale pour l’habitat ([33]) projette une diminution plus forte des attributions, en 2023, aux alentours de 350 000 attributions.

Cette situation a entraîné une diminution du taux d’attribution et une augmentation du délai moyen d’attente pour l’obtention d’un logement. Conjuguée à la baisse des attributions, la hausse du volume de demandes (+ 3 %) a conduit à une baisse du taux d’attribution, ce dernier passant de 12,3 % en 2021 à 11,4 % en 2022, soit - 0,9 point en un an ([34]).

Évolution des attributions de logement social (2016-2022)

Source : ANCOLS, Tableau de bord 2022, Attribution de logements sociaux, janvier 2024

2.   Un parc existant partiellement inadapté aux nouveaux besoins

a.   Une diminution préoccupante de la part des résidences principales au bénéfice des résidences secondaires et du locatif de court séjour

En France, le rythme de construction de logements demeure élevé, et le parc immobilier est largement bien fourni comparé à celui de nos partenaires européens. En janvier 2023, le pays comptait 37,8 millions de logements ordinaires, hors logements communautaires, répartis entre 56 % de logements individuels et 44 % de logements collectifs. Jusqu’en 2007, le taux de croissance annuel de ce parc se maintenait autour de 1,2 %, puis a légèrement diminué, se situant entre 1 % et 1,1 % de 2008 à 2017 et réduisant encore depuis, pour avoisiner les 0,9 % ([35]). La croissance du nombre de logements individuels a notamment ralenti depuis la fin des années 2000.

Évolution de la production de logements en France (2000-2023)

 

Source : Insee, estimations annuelles du parc de logements

Comparativement à d’autres pays, le parc français se distingue par sa densité et son rythme de construction. Avec 590 logements pour mille habitants, la France se place au-dessus de la majorité des pays de l’OCDE, à l’exception de la Grèce ([36]). Depuis 2005, le nombre de résidences principales a augmenté de 13,5 %, une croissance significativement plus rapide que celle de la population, qui a crû de 6 % ([37]).

nombre total de logements pour mille habitants
en 2011 et 2020 au sein de l’OCDE

Source : OCDE, « Questionnaire on Affordable and Social Housing », 2021.

Bien que la France bénéficie d’un parc immobilier relativement dense, elle se distingue également par une proportion élevée de résidences secondaires et de logements destinés à la location de courte durée. Cette situation suggère une distribution des logements qui ne favorise pas nécessairement la population résidente permanente. En effet, le rythme actuel de construction contribue à une légère réduction de la part des résidences principales au sein du parc total de logements, au profit des résidences secondaires et des logements à usage locatif temporaire.

Sur le plan de la distribution des logements en 2023, en France hors Mayotte comme en métropole, 82 logements sur cent sont des résidences principales, 10 sont des résidences secondaires (ou des logements occasionnels) et 8 demeurent vacants ([38]).

La part des résidences secondaires et des logements occasionnels augmente légèrement depuis le début des années 2010 en France métropolitaine, passant de 9,5 % en 2011 à 9,9 % en 2023, ainsi que, plus fortement encore, depuis la fin des années 2000 dans les DOM, passant de 3,6 % en 2007 à 6,3 % en 2023 ([39]). Toutefois, Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Insee invite à relativiser cette affirmation : « Cette répartition a assez peu évolué en quarante ans – vous pourrez le constater en comparant les graphiques de 1983 et de 2023 –, même si la part des logements vacants et des résidences secondaires a légèrement augmenté. »

Comparaison de la part des catégories de logements dans le parc de logements entre 1983 et 2023

Source : Insee, estimations annuelles du parc de logements

Par ailleurs, les résidences secondaires sont très inégalement réparties sur le territoire et sont principalement concentrées sur les littoraux et les zones montagneuses. Seuls treize départements de France métropolitaine ont un taux de résidence secondaire supérieur à 20 %. Par ailleurs, en France métropolitaine, 10 % des résidences secondaires sont détenues par un résident étranger ([40]).

Répartition des résidences secondaires en France

Source : FNAIM, Le logement en France et en Europe, 2022

Enfin, la croissance de l’immobilier touristique peut entraîner une attrition de l’offre de logement, en particulier dans les zones tendues (littoraux et métropoles). Nos collègues Iñaki Echaniz et Annaïg Le Meur, rapporteurs sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ([41]), constatent ainsi que l’intensification de l’activité de meublés de tourisme « contribue, de l’avis de l’ensemble des observateurs du marché, à l’augmentation des prix de la location et de l’achat dans les zones tendues et génère des externalités négatives, notamment en termes de raréfaction de l’offre résidentielle, d’augmentation des loyers, de nuisances sonores, de congestion des services publics locaux, de dévitalisation des centres-villes et de gentrification. ».

Cette dynamique semble en partie propre à la France, puisque l’Insee ([42]) constate que : « Un cinquième des nuitées de l’Union européenne dans des hébergements loués par des particuliers via internet ont lieu en France. (….) Trois pays concentrent à eux seuls 55 % de ces nuitées : l’Espagne et la France, avec chacune 20 % de l’ensemble des nuitées européennes, devant l’Italie (15 %). »

  1. La hausse continue de la part des logements vacants témoigne d’une inadaptation partielle du parc de logement

Depuis 1990, la France, hors Mayotte, a connu une augmentation notable du nombre de logements vacants, avec une croissance de près de 1,2 million d’unités, correspondant à une hausse de 60 %. L’évolution de la vacance immobilière n’a pas été constante ni régulière sur cette période. En 2023, le pays comptait 3,1 millions de logements vacants, représentant 8,2 % de l’ensemble du parc immobilier ([43]). L’essentiel de cette augmentation a commencé à partir de 2005, avec une croissance moyenne annuelle de 2,5 % depuis cette date. Ainsi, le taux d’augmentation des logements vacants a été 2,3 fois plus rapide que celui de l’ensemble du parc immobilier entre 2005 et 2023 ([44]). Cette tendance à la hausse de la vacance s’observe dans la quasi-totalité des départements, à l’exception notable de la Corse et de l’Hérault. De plus, l’augmentation de la vacance s’est avérée plus rapide dans les départements où le taux de vacance était déjà élevé auparavant.

Évolution de la population et du nombre de logements
par catégorie (1990-2023)

Source : Insee, « 1,2 million de logements vacants supplémentaires en France depuis 1990, surtout dans les zones en déprise démographique », Insee Première, 1979, janvier 2024

La proportion de logements vacants est plus élevée dans les zones à faible densité de population, notamment en dehors des zones d’attraction urbaines et dans les régions comptant moins de 200 000 habitants. Cette situation indique une adéquation insuffisante entre l’offre et la demande de logements dans ces secteurs.

Par contraste, le taux de vacance des logements est généralement plus bas dans les zones urbaines densément peuplées, les territoires en croissance démographique et les régions prisées pour leur attrait touristique. Dans l’aire de Paris et les autres grandes zones urbaines de plus de sept cent mille habitants, le taux de vacance des logements se situe habituellement autour de 7,0 %. Cependant, en 2020, ce taux variait de 5,2 % dans l’aire de Nantes à 8,1 % dans celle de Grenoble ([45]). L’augmentation de ce taux a été modérée au cours des années 2010.

Dans toutes les zones d’attraction urbaine, indépendamment de leur taille, le taux de vacance est en moyenne plus élevé dans les communes-centres par rapport aux autres communes du pôle urbain ou celles en périphérie. Cette différence souligne une dynamique immobilière distincte entre les centres-villes et les zones périurbaines.

Taux de vacance selon la taille des aires d’attraction des villes
et la catégorie de commune (2020)

Source : Insee, 1,2 million de logements vacants supplémentaires en France depuis 1990, surtout dans les zones en déprise démographique, 2024

La France se positionne dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec un pourcentage de logements vacants inférieur à des pays comme Malte et le Japon qui présentent les taux les plus élevés, et supérieur à l’Islande ou au Royaume-Uni.

Pourcentage de logements vacants selon les pays de l’OCDE en 2020

Source : OECD Questionnaire on Affordable and Social Housing (2021), RESH – Structural Housing Indicators – ECB Statistical Data Warehouse (europa.eu) for Italy and Malta.

La vacance des logements en France, un phénomène complexe et multifactoriel, s’explique par divers facteurs interdépendants.

L’étude récente du Service de la donnée et des études statistiques (Sdes) ([46]) souligne que l’ancienneté et le manque de confort des logements sont des facteurs prépondérants de la vacance. En effet, les logements anciens, souvent moins confortables, sont davantage susceptibles d’être vacants, particulièrement en dehors des zones soumises à des tensions territoriales, comme les régions touristiques.

Certaines caractéristiques des logements, telles que la petite superficie, l’ancienneté du bâti, ou encore les appartements dans de petits immeubles, sont plus susceptibles d’être vacants. Ces caractéristiques reflètent partiellement les préférences actuelles des ménages en termes d’habitat. Par exemple, selon le Sdes ([47]), s’agissant de l’ancienneté du bâti, le taux de vacance est 5,6 fois plus élevé pour les logements construits avant 1900 que pour ceux après 1990.

Le phénomène de vacance résidentielle est également influencé par le vieillissement de la population. Le départ des personnes âgées vers des structures spécialisées comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ([48]), surtout dans les villes-centres où la population est généralement plus âgée, contribue à l’augmentation des logements vacants. Ces logements ne sont pas toujours remis sur le marché, ce qui renforce la vacance.

La situation économique des propriétaires influence également la vacance. Les propriétaires aux moyens financiers limités, ou ceux résidant en structures collectives comme les Ehpad, tendent à avoir une proportion plus élevée de logements vacants.

Le taux de vacance est étroitement lié à la tension du marché local ([49]) du logement. Les régions avec des prix immobiliers bas présentent un taux de vacance élevé. Ainsi le SDES indique, dans sa dernière étude relative à la vacance : « Ainsi, le taux de vacance est 3,3 fois plus élevé au sein des bassins de vie dont les prix immobiliers sont les plus bas, par rapport aux localisations les plus chères. À une échelle plus fine, la vacance se concentre dans les cœurs des villes et des bourgs (la probabilité de vacance est multipliée par 1,8 par rapport aux villes de banlieue) et en milieu rural (× 2,3). ». La vacance est plus marquée dans les cœurs des villes et des bourgs, en milieu rural, ainsi qu’à proximité des centralités commerciales ou des grands axes routiers.

Les déterminants structurels de la vacance

Source : Sdes, Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques, décembre 2023

  1. Des souhaits de changement de logement durablement insatisfaits et la persistance du mal-logement

En France, l’évolution du secteur du logement a connu une amélioration notable en termes de confort et de qualité. Cependant, cette progression ne parvient pas à satisfaire pleinement les attentes de nombreux ménages. En effet, malgré les avancées, le mal-logement persiste et les souhaits de changement de domicile restent souvent insatisfaits. Cette situation suggère que des améliorations supplémentaires sont nécessaires, notamment pour répondre aux exigences croissantes des résidents en termes de confort et d’adéquation des logements avec leurs besoins.

L’aspect du mal-logement, bien que proche de la moyenne européenne, reste une préoccupation majeure en France. En 2020, environ 3,8 % des personnes vivaient dans des conditions de logement jugées inconfortables ([50]), un chiffre qui, bien que conforme à la moyenne européenne, souligne la nécessité de poursuivre les efforts pour améliorer les conditions de vie des citoyens. Cette statistique révèle que, malgré les avancées, un segment non négligeable de la population doit encore faire face à des défis importants en matière de qualité de logement.

La question du mal-logement se manifeste avec une acuité particulière dans les départements d’outre-mer français. D’après les données fournies par le ministère des Outre-mer, l’habitat insalubre concerne près de 110 000 logements, soit environ 12 % du parc immobilier total de ces territoires, qui s’élève à près de 900 000 logements ([51]). Cette situation alarmante dans les départements d’outre-mer met en lumière des défis spécifiques en matière de qualité de logement, nécessitant des actions ciblées et adaptées à ces contextes particuliers.

Source : Fondation Abbé Pierre, L’état du mal-logement en France, 2023

Par ailleurs, la volonté croissante de changement de logement en France met en lumière un désajustement entre l’offre et la demande dans le secteur immobilier. D’après l’enquête du Sdes ([52]), 18 % des ménages expriment le souhait de changer de logement, indépendamment de toute nécessité liée à une mobilité professionnelle. Cette proportion est particulièrement élevée parmi les jeunes adultes, où elle atteint un tiers, marquant une légère augmentation depuis 2013 (+ 0,7 point).

ParT des mÉnages dÉsirant changer de logement sans Être contraints
de dÉmÉnager

Source : Sdes, Enquête logement 2020

Ce désir de changement est souvent motivé par l’aspiration à devenir propriétaire pour les locataires, ou par la volonté d’améliorer les conditions de logement ([53]) existantes. La mobilité résidentielle se manifeste davantage chez les locataires, généralement plus jeunes et aspirant à la propriété, ainsi que chez ceux vivant en habitat collectif.

L’âge et le statut d’occupation influencent fortement ce souhait de changement de logement. Près d’un tiers des personnes de moins de 40 ans désire changer de logement, contre moins de 5 % pour les personnes de 75 ans et plus. Parmi les moins de 40 ans, la moitié des locataires souhaitant déménager envisagent l’accès à la propriété, tandis que 69 % des propriétaires de logements collectifs aspirent à s’installer dans une maison.

L’accès à la propriété est également un facteur clé de mobilité. En effet, 12 % des adultes n’étant pas propriétaires en 2014 sont devenus propriétaires entre 2014 et 2017 ([54]). Par ailleurs, l’amélioration des conditions de logement est une autre motivation importante pour déménager. Ponctuellement, au moins une année en 2014 ou en 2017, près de 30 % des personnes ont été confrontées à des difficultés de logement liées à l’inconfort ou au surpeuplement.

3. Des besoins en logements croissants et évolutifs

a.   Les besoins réels en logement doivent être objectifs et affinés au niveau territorial

La politique du logement en France fait face à un défi majeur : l’évaluation des besoins réels en logements neufs à l’échelle nationale et leur adaptation aux spécificités territoriales. Le rapport de nos collègues Daniel Labaronne et Charles de Courson ([55]) met en lumière un manque de consensus sur l’évaluation de la politique du logement, révélant un écart important entre les perceptions nationales et les réalités locales. Les chiffres globaux, bien que fournissant un aperçu général, ne parviennent pas à capturer la diversité des territoires, oscillant entre des zones en tension, des régions stables et des zones en déprise démographique ou économique.

Ce rapport met en évidence que les estimations de la filière du logement, qui suggèrent la construction de quatre cent mille à cinq cent mille logements par an, ne concordent pas avec celles des pouvoirs publics. Ces derniers, s’appuyant sur les analyses du secrétariat général à la planification écologique, estiment les besoins liés à la démographie et à la résorption du mal-logement à environ 302 000 à 360 000 logements par an. Cette divergence souligne la complexité de l’évaluation des besoins en logements et l’importance d’une approche plus nuancée.

L’estimation couramment citée de la nécessité de construire 500 000 logements par an en France trouve apparemment son origine dans une étude réalisée en 2006 par l’université Paris-Dauphine, à la demande du Crédit foncier. La méthodologie utilisée a consisté à réviser à la hausse les divers éléments d’une estimation précédente de l’Insee, à l’exception de la pyramide des âges. L’étude arrivait ainsi, sur la période 2005-2010, à un besoin estimé de 498 000 logements par an. Pour la décennie suivante (2010-2020), l’estimation était ajustée à 469 000 logements par an.

Auditionné par la présente mission d’information, M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages regrette une polarisation, excessive à ses yeux, sur l’atteinte d’un objectif purement quantitatif : « On parle depuis des décennies de cinq cent mille logements à construire, un objectif qui n’a jamais été véritablement atteint. Les discours qui brandissent ce chiffre comme un totem ont pour inconvénient de ne pas se pencher suffisamment sur les besoins réels de chaque territoire. »

En toute hypothèse, le rapporteur de la mission d’information considère que les besoins en logement ne peuvent être efficacement évalués à l’échelle nationale sans tenir compte des particularités locales. Un logement construit dans une région peut rester vacant ou être utilisé comme résidence secondaire, sans pour autant répondre aux besoins d’autres territoires.

Cette réalité plaide en faveur d’une approche décentralisée et plus ciblée. En ce sens, il est essentiel d’embrasser la complexité des 1 700 bassins de vie en France pour réaliser un diagnostic précis et élaborer des stratégies adaptées à chaque contexte territorial.

Cette approche est également celle privilégiée par le Conseil national de la refondation, dont le rapport s’interroge sur l’abandon d’un objectif chiffré annuel national de construction de logements « qui n’est par ailleurs jamais atteint » ([56]). L’objectif national devrait plutôt se décliner en termes de qualité et d’adéquation des logements avec les besoins locaux, avec un accent mis sur la rénovation des logements existants et la remise sur le marché de logements vacants ou insalubres. Cette approche serait plus conforme à l’objectif ultime d’assurer un logement décent pour tous.

À ce titre, concernant l’offre de logements, un outil statistique nommé Otelo ([57]), élaboré par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), joue un rôle crucial. Cet outil est conçu pour estimer les besoins en logements dans différents bassins d’habitat et au sein de chaque EPCI, en se basant sur divers scenarii politiques établis par les collectivités. Ces scénarios peuvent concerner diverses initiatives, telles que la lutte contre la vacance immobilière, la fourniture de logements étudiants, l’augmentation du taux SRU, ou encore la lutte contre le mal-logement. En tenant compte du parc immobilier existant, Otelo aide à prédire le nombre de nouveaux logements à construire sur une période déterminée. Il est important de souligner que cet outil ne remplace pas la nécessité d’un projet politique clair et explicite, indispensable pour gagner en acceptabilité. À l’heure actuelle, seulement une centaine de collectivités utilisent Otelo. Le rapporteur de la mission d’information suggère donc de le développer davantage et de le promouvoir auprès des services de l’habitat des collectivités ainsi qu’auprès des opérateurs, encourageant ces derniers à étendre leur champ d’action au-delà de leurs zones habituelles pour explorer de nouvelles zones territoriales.

Le rapporteur de la mission d’information préconise donc de redéfinir les objectifs de la politique du logement, passant d’un objectif chiffré national à des objectifs territorialisés, qui tiennent compte de la diversité des besoins locaux. Cette approche permettrait une utilisation plus judicieuse des ressources, une meilleure adéquation des logements avec les besoins réels des citoyens et contribuerait à une politique du logement plus inclusive et efficace.

Recommandation : Territorialiser les objectifs en matière de construction de logements.

b.   L’offre de logements doit être adaptée aux différentes étapes du cycle de la vie et au parcours résidentiel

L’adaptation de l’offre de logements aux différentes étapes du cycle de vie et au parcours résidentiel est un enjeu crucial pour répondre efficacement aux besoins diversifiés de la population française. Cette nécessité se reflète dans plusieurs dynamiques démographiques et sociales.

Premièrement, le vieillissement de la population, notamment dû à l’avancée en âge des générations du baby-boom et à l’allongement de l’espérance de vie, exige une attention particulière. En janvier 2023, la France comptait 14,5 millions d’habitants de plus de 65 ans ([58]), représentant un Français sur cinq.

L’approche biomédicale de la vieillesse et les problèmes de santé liés à l’âge influencent fortement les besoins en logement des seniors. La dépendance, la maladie et le handicap sont des aspects centraux de cette représentation, souvent renommés « perte d’autonomie » dans les politiques publiques.

En plus de la dégradation de la mobilité et des troubles cognitifs, l’isolement et la baisse des ressources sont des vulnérabilités liées aux changements majeurs de la vie au troisième âge. Ces changements peuvent rendre le logement inadéquat avant même l’apparition de problèmes de santé, à cause de coûts élevés, de l’éloignement des services ou d’un accès difficile aux transports.

Les dispositifs actuels de maintien à domicile ciblent principalement les propriétaires et les locataires du parc social, mais les locataires du secteur privé rencontrent des difficultés spécifiques en raison d’un logement inadapté. Il y a un enjeu de prévention du mal-logement chez ces seniors, nécessitant un accompagnement vers un logement de qualité et accessible financièrement. L’étude souligne que le « Bien vivre chez soi » s’étend à différents niveaux : le domicile, l’immeuble, le quartier, la ville ou la commune, chacun avec ses propres défis.

Une approche globale est nécessaire, combinant diverses politiques sectorielles et échelles de mise en œuvre pour offrir aux seniors un ensemble de services et d’aménagements urbains adaptés, surtout dans les zones urbaines où résideront la majorité des seniors. La coordination des compétences à l’échelle de l’intercommunalité est essentielle pour cette intégration.

Deuxièmement, les tendances démographiques révèlent une diminution du nombre moyen de personnes par ménage, passant de 3,1 en 1968 à 2,2 en 2018 ([59]). Cette réduction de taille des ménages est due à des facteurs tels que l’augmentation des personnes vivant seules et la hausse des séparations. Ce phénomène de décohabitation indique un besoin croissant de logements de plus petite taille pour les familles monoparentales et les personnes isolées mais s’accompagne également d’une forte demande de logements de plus grande taille pour répondre aux besoins des familles recomposées.

Il est essentiel de souligner l’importance du logement comme principale dépense pour les étudiants et les jeunes actifs. Face à une population estudiantine croissante, qui s’élevait à près de 3 millions en 2022 ([60]), la création de nouveaux logements étudiants à finalité sociale devient une priorité. Cela est d’autant plus pressant que les générations nées entre 1993 et 2013 sont nombreuses, et un pourcentage accru de ces jeunes accède au baccalauréat et poursuit des études supérieures.

Actuellement, seulement 12 % des étudiants bénéficient de logements en résidences, y compris privées, à loyers non encadrés, tandis que l’offre de logements sociaux, destinée principalement aux étudiants sous plafond de ressources et prioritairement boursiers, ne couvre que 8 % de cette population ([61]).

Face à cette situation, il devient impératif de développer de nouveaux programmes de logements étudiants sociaux. La recherche active de terrains constructibles représente un défi majeur pour la réalisation de ces programmes immobiliers. La disponibilité du foncier est donc une étape cruciale et préalable à la mise en œuvre de projets de logement spécifiquement destinés aux étudiants.

Chiffres clÉs du logement étudiant

Source : Ministère de la transition écologique

Enfin, il est important de tenir compte des enjeux de surpeuplement et de sous-occupation des logements. Bien que le surpeuplement concerne une minorité de ménages (8 % en moyenne), il est plus fréquent parmi les 30-39 ans (16 %) ([62]) et plus courant en habitat collectif (28 %). En revanche, chez les personnes de 75 ans et plus, ce taux est le plus faible, à seulement 1,1 %. Avec un taux de 9,4 % en 2021, la France a un taux de surpeuplement modéré par rapport aux pays de l’Union européenne ([63]).

De 2013 à 2020, on observe une légère augmentation du taux de surpeuplement, passant de 8,4 % à 8,7 %, selon les données du tableau A dans l’annexe de la publication du SDES ([64]). Cette hausse est principalement observée chez les ménages dont la personne de référence est âgée de 40 à 64 ans, avec une augmentation de 1,2 point pour la tranche d’âge 40-49 ans et de 1,3 point pour celle des 50-64 ans.

Par contraste, les logements occupés par des personnes plus âgées sont souvent sous-peuplés. Cette situation appelle à une réflexion sur l’équilibre entre la taille des logements et les besoins réels des occupants à différentes étapes de leur vie.

Tenir compte des enjeux de sous-occupation et d’inadaptation des logements

Source : SDES, Enquêtes Logement 2020

Pour répondre efficacement à ces divers besoins, une approche globale et flexible est nécessaire. Cela implique de combiner diverses politiques sectorielles et des échelles de mise en œuvre variées pour offrir un ensemble de logements et de services adaptés aux besoins de chaque tranche d’âge et de chaque type de ménage, tout en favorisant le bien-être et l’inclusion dans l’ensemble de la communauté.

Recommandation : Définir des objectifs de logement en fonction de la typologie des publics bénéficiaires (étudiants, jeunes actifs, jeunes ménages, seniors…).

c.   La carence de logements crée des difficultés de recrutement, qui pèsent sur l’emploi et la croissance

La problématique du logement en France, en particulier l’accès aux logements abordables, joue un rôle crucial dans la dynamique économique et sociale du pays. Selon une étude de l’Insee ([65]), la difficulté d’accès au logement, marquée notamment par une concentration de propriétaires, contribue significativement à une augmentation du taux de chômage. Cette situation révèle une interaction complexe entre le marché du logement et celui de l’emploi.

Le logement, en tant que composante essentielle du triptyque logementtravailtransport, influence fortement l’attractivité de l’emploi. Les coûts élevés du logement et les phénomènes de gentrification dans les grandes villes ont entraîné un déplacement des ménages modestes vers les périphéries urbaines. Ce déplacement a pour conséquence l’allongement des temps de trajet domiciletravail ([66]), un facteur qui devient de plus en plus déterminant dans la prise de décision relative aux offres d’emploi. Les travailleurs précaires ou ceux considérés comme de « deuxième ligne » se trouvent particulièrement affectés par cette difficulté d’accès au logement, ce qui constitue un obstacle majeur à leur mobilité professionnelle et géographique et complique la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

En outre, la question du logement est centrale dans la dynamique de l’emploi en France, surtout dans les zones où le manque de logements abordables constitue un défi majeur. Bien que le taux de chômage ait connu une baisse notable depuis 2017, les difficultés liées au logement persistent et affectent l’attractivité des entreprises ainsi que leur capacité à recruter. Les zones particulièrement touchées sont les grandes métropoles comme Bordeaux, Lyon, Lille et Paris, où l’immobilier privé est devenu inabordable, affectant principalement le secteur tertiaire, fortement concentré dans ces villes.

Face à ces enjeux, il est impératif d’adopter une approche plus de la politique du logement, qui tienne compte non seulement des besoins en logements neufs, mais aussi de la qualité et de l’accessibilité des logements existants. Cette approche devrait également intégrer une meilleure coordination entre les politiques du logement, de l’emploi et des transports pour une gestion optimisée de l’espace urbain et une meilleure qualité de vie pour les citoyens.

L’objectif de réindustrialisation du gouvernement, avec notamment la création de quarante mille emplois industriels nets d’ici 2030 dans le cadre du projet de loi sur l’industrie verte ([67]), soulève une question cruciale : la capacité d’héberger les futurs employés près de leur lieu de travail. Cette préoccupation est particulièrement pertinente étant donné l’importance de la proximité du logement pour les travailleurs, ce qui peut influencer à la fois leur bien-être et leur efficacité professionnelle.

Il est essentiel de reconnaître que le succès de la réindustrialisation ne repose pas seulement sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité à offrir aux travailleurs des conditions de vie adéquates, notamment en termes de logement.

Pour répondre à cet enjeu, il convient de développer des stratégies qui intègrent la planification du logement dans les politiques industrielles. Cela pourrait inclure la construction de logements abordables à proximité des sites industriels, la rénovation de bâtiments existants pour en faire des logements adaptés aux besoins des travailleurs, et l’élaboration de politiques de transport et d’aménagement du territoire favorisant l’accès aisé et durable aux lieux de travail.

Recommandation : Élaborer des approches stratégiques qui incorporent l’aménagement du logement au sein des politiques industrielles.

Il apparaît également important de considérer les aspects environnementaux et de développement durable dans cette démarche, en alignant les objectifs de logement avec ceux de l’industrie verte. Cela signifie privilégier des solutions de logement écoresponsables, utilisant des matériaux durables et des technologies énergétiquement efficaces, en adéquation avec les objectifs de réindustrialisation verte du gouvernement.

B.   Une offre de logement fragilisÉe par un environnement dÉfavorable et des Évolutions structurelles

L’offre de logement en France est aujourd’hui confrontée à un double défi : un environnement économique et financier défavorable, et des évolutions structurelles qui exigent une redéfinition des stratégies de construction et de rénovation. Le modèle de financement de l’offre de logement, fortement dépendant de mécanismes fiscaux vieillissants et d’une politique monétaire longtemps accommodante, se trouve fragilisé. Ce système est désormais mis à l’épreuve par des facteurs conjoncturels qui exacerbent les difficultés inhérentes au secteur de la construction, remettant en question la viabilité à long terme des modèles de financement traditionnels.

Par ailleurs, les défis structurels auxquels le secteur du logement doit faire face sont de plus en plus complexes. Les objectifs ambitieux de rénovation énergétique et d’adaptation des parcs existants, tout en construisant de nouveaux logements à haute performance énergétique, constituent des contraintes supplémentaires sur l’offre immobilière. En outre, l’objectif de zéro artificialisation nette, visant à limiter l’étalement urbain, rend l’accès au foncier plus difficile et oblige à repenser l’urbanisme en termes de densification et de rénovation, incarné par le concept de « construire la ville sur la ville ». Ces défis imposent une réévaluation des stratégies de développement du logement pour assurer une offre adaptée et durable.

1.   Le financement de la construction fragilisé par un environnement défavorable

a.   Un modèle de financement de l’offre de logement dépendant de mécanismes fiscaux anciens progressivement mis en extinction et d’une politique monétaire longtemps accommodante.

Auditionné par la présente mission d’information, le professeur Jean‑Claude Drian, a résumé ainsi la situation : « Faut-il d’ailleurs employer le mot « crise » ? Je l’ai moi-même beaucoup fait, notamment dans le livre que j’ai coécrit avec l’économiste Pierre Madec et intitulé Les crises du logement (2018). En réalité, la situation actuelle résulte d’abord d’un problème structurel qui s’est développé au cours des vingt-cinq dernières années, dès lors que les prix du logement ont commencé à augmenter plus vite que les revenus et l’indice des prix à la consommation. ».

L’offre de logements a été en partie influencée par des politiques monétaires accommodantes durables (soit une politique de taux directeurs faibles par les banques centrales).

Entre 1998 et 2008, les prix de l’immobilier ancien ont connu un doublement significatif sur l’ensemble du territoire français. Cette hausse s’est produite dans des contextes de marché très variés, allant des métropoles dynamiques comme Paris aux marchés plus détendus comme Saint-Étienne ou Nevers. Ce phénomène a été en partie rendu possible grâce à des conditions de crédit favorables, reflétant une politique monétaire accommodante.

Après la crise financière de 2008, malgré un choc sur le marché immobilier, la France a réagi par des mesures budgétaires contracycliques puissantes, incluant notamment l’élargissement du prêt à taux zéro et la mise en place du dispositif Scellier, couplées à une politique de taux directeurs très accommodante. Ces interventions ont contribué à maintenir la dynamique du marché immobilier. Le marché immobilier a ainsi continué de croître, soutenu par ces politiques monétaires et fiscales favorables, période qualifiée d’« euphorie immobilière » par le professeur Driant.

Inversement, la rapide augmentation des taux d’intérêt depuis 2000 a, tout à la fois, augmenté les coûts de la production de logements neufs, et pesé sur la solvabilité des acheteurs, tant dans le neuf que dans l’ancien, sans pour autant, à ce stade, se traduire par un ajustement significatif des prix à la baisse.

Taux historiques de la BCE

Source : Banque centrale européen, Euribor rates

En 2019, le secteur de la construction en France a vu l’achèvement de 375 000 logements, marquant une tendance à la baisse après une période de croissance régulière entre 2002 et 2008, où l’on observait une augmentation annuelle moyenne de 4 % ([68]). Cette diminution est notable puisqu’en 2019, le nombre de logements construits était inférieur de 100 000 par rapport à 2008. La construction d’appartements est restée relativement stable depuis 2008, tandis que la construction de maisons a significativement diminué, avec une baisse moyenne annuelle de 0,4 % entre 2008 et 2019, contre une baisse de 3,9 % précédemment. En conséquence, la part des maisons dans le total des constructions est passée de 61 % en 2000 à 43 % en 2019.

Évolution des mises en chantier de Logements (2000-2022)

Source : SDES, estimations sur données arrêtées à fin avril 2023.

Pour ce qui est des logements sociaux (logements appartenant aux bailleurs sociaux, hors ceux détenus par les collectivités territoriales), leur construction a notablement augmenté entre 2008 et 2010. Leur nombre annuel moyen est passé de 40 000 entre 2000 et 2007 à plus de 80 000 entre 2011 et 2017. Cependant, cette moyenne a légèrement diminué pour atteindre 75 000 en 2018 et 2019. La proportion de logements sociaux parmi l’ensemble des constructions a suivi une trajectoire similaire, représentant en moyenne 11 % des logements construits entre 2000 et 2007, montant à 20 % entre 2010 et 2013, atteignant 25 % entre 2014 et 2016, et se stabilisant autour de 20 % entre 2017 et 2019. Le reste des constructions appartient au parc privé, les autres types de logements constituant moins de 1 % du total annuel, quelle que soit l’année.

Évolution de la production de logements sociaux par typologie
entre 2011 et 2021

Source : Cour des comptes, Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis, juillet 2023.

Cependant, cette croissance a masqué des disparités régionales croissantes et une exclusion progressive de segments de la population, en particulier de la classe moyenne. L’accessibilité au logement est devenue de plus en plus difficile pour certains groupes, malgré la disponibilité de crédits bon marché, soulignant ainsi une dépendance de l’offre de logement aux politiques monétaires.

L’offre de logements en France est fortement soutenue par un ensemble d’aides publiques dédiées, notamment fiscales, qui ont joué un rôle historique dans la stimulation de la construction et de l’investissement dans le secteur.

Globalement, la France se distingue en Europe par l’ampleur de ses dépenses publiques orientées vers le logement, représentant une part conséquente des dépenses fiscales totales du pays. En 2021, ces dépenses fiscales s’élevaient à 13,7 Md€, démontrant une « ingéniosité fiscale propre à la France » ([69]). En outre, les subventions d’exploitation et d’investissement, totalisant 3,55 Md€ en 2021, attestent d’un soutien stratégique au secteur, appelé à s’intensifier avec les défis de la rénovation énergétique.

Les subventions d’investissement, en particulier, sont essentielles pour appuyer la politique du logement. Elles se composent principalement de subventions issues du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) (voir infra), et de celles des collectivités locales, qui se traduisent par des prêts pour le logement social et la rénovation des bâtiments existants. De plus, l’Agence nationale pour l’habitat (Anah) joue un rôle significatif à travers des programmes tels que MaPrimeRénov’, avec des budgets conséquents dédiés à ces initiatives.

Les dépenses fiscales propres au secteur du logement visent un ensemble d’objectifs : amélioration de la qualité de l’habitat, développement de l’offre de logements et soutien au logement social. Ces dépenses encouragent la rénovation des propriétés pour améliorer leur performance énergétique, cherchent à équilibrer l’offre et la demande en renforçant la solvabilité des ménages et soutiennent la production et la rénovation du parc social existant.

La dépendance de longue date de l’offre de logements aux mécanismes fiscaux soulève des questions quant à la viabilité à long terme de cette stratégie. Bien qu’efficaces pour stimuler à court terme l’investissement dans le secteur du logement, ces dispositifs ont un effet différé sur les finances publiques et nécessitent une planification minutieuse pour assurer la pérennité du soutien au logement en France.

L’évolution du cadre fiscal en France, notamment par la réduction progressive de certains dispositifs de soutien, influence directement la dynamique de l’offre de logements privés et sociaux. Ces mesures de suppression interrogent également sur la nécessité de sortir des sentiers de dépendance aux financements publics pour le secteur de la construction.

En ce qui concerne le logement privé, l’extinction programmée d’incitations fiscales comme le dispositif « Pinel » pourrait impacter la construction de logements neufs. Bien que ce dispositif soit amené à disparaître fin 2024, ses répercussions budgétaires perdureront significativement jusqu’en 2038, soulignant ainsi l’importance de ces mesures dans le soutien à l’investissement locatif.

Pour le logement social, les ajustements des taux de TVA ont également un effet considérable. Comme l’a exprimé Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, lors de son audition : « Il fut un temps où le taux de TVA était de 5,5 % pour tous les « produits » du logement social. Le taux est ensuite passé à 20 %, puis retombé à 10 % dans certains cas. Actuellement, le logement très social bénéficie d’un taux de TVA réduit à 5,5 %, tandis que les autres produits sont taxés à 10 %. Je ne comprends pas pourquoi le taux unique n’est plus de 5,5 % pour l’ensemble du logement social, ce qui permettait de réduire le coût du logement. ». Cette différenciation des taux pourrait potentiellement ralentir le développement de l’offre de logements sociaux, en augmentant le coût et en complexifiant les projets de construction et de rénovation dans ce secteur crucial pour l’équilibre social.

Coût des principales dépenses fiscales en faveur du logement par objectifs

Source : Daniel Labaronne et Charles de Courson, Rapport d’information n° 1536 sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, juillet 2023

b.   Des facteurs conjoncturels exacerbent les difficultés structurelles inhérentes au secteur de la construction

La construction de logements en France, tant dans le secteur privé que social, est confrontée à une crise exacerbée par divers facteurs conjoncturels. Le resserrement des conditions financières et l’augmentation des coûts des matières premières freinent l’essor du secteur de la construction. Ces éléments contribuent à une diminution notable de la construction de logements neufs, avec un déclin marqué de 500 000 unités amorcées en 2006 à seulement 310 000 en 2023 ([70]).

Nombre de logements cumulés sur douze mois

Source : SDES Construction de logements – Résultats à fin mars 2023.

La politique monétaire restrictive menée par la Banque centrale européenne, traduite en une hausse des taux d’intérêt, qui passent de 0 % au printemps 2022 à 4,75 % en septembre 2023, met fin à une période d’« euphorie immobilière » selon Jean-Claude Driant, permise par l’extension de la durée des emprunts et la diminution des taux pendant les années 1990 et 2000. En raison de la hausse des taux directeurs pour faire face à l’inflation, cette facilité d’accès au crédit s’est contractée, menant à une exclusion de 60 % des citoyens français du marché du crédit selon la Fédération française du bâtiment (FFB) auditionné par la mission.

Le phénomène de blocage des parcours résidentiels est aggravé par ce rationnement du crédit, comme l’explique M. Loïc Cantin, président de la FNAIM : « Le premier détonateur a été la hausse subite et violente des taux d’intérêt qui ont été multipliés par quatre en dix-huit mois et par cinq prochainement. Ils compromettent largement la capacité d’emprunt des ménages qui ne peuvent accéder à la propriété et les forcent à rester locataires. Au final, le bien locatif n’est pas libéré alors qu’il pourrait être proposé à d’autres classes de la société, notamment à de jeunes cadres, de jeunes étudiants et à une catégorie de population qui rencontre des difficultés à se loger. »

En outre, l’inflation des prix des matériaux de construction a provoqué une hausse des coûts, limitant d’autant plus la capacité des promoteurs à lancer de nouveaux projets. Selon la FFB auditionnée par la mission, la pandémie a provoqué une perturbation majeure des chaînes d’approvisionnement globales, entraînant une flambée des prix dès le début de 2021, exacerbée par la crise énergétique automnale et le conflit en Ukraine : « Ainsi, début 2022, les prix des logements avaient connu une hausse significative, de l’ordre de 10 à 15 %. Les prix des maisons individuelles avaient déjà connu une augmentation de 7 à 8 % avec la mise en application de la RE2020. »

Ces tensions ont entraîné une chute des commandes de logements neufs et un ralentissement des mises en chantier, affectant gravement le secteur du bâtiment. La FFB alerte sur les conséquences d’une baisse des commandes de 30 %, représentant une perte potentielle de 16 à 20 Md€ pour l’industrie dès la fin de l’année 2024.

En ce qui concerne le secteur privé, la tendance est à la baisse pour les autorisations de logements. En mars 2023 ([71]), on observe une diminution de 7 % des autorisations par rapport à février, avec un total de 31 700 autorisations. Cette baisse est encore plus marquée lorsqu’on la compare à la période prépandémique, avec une réduction de 18 % par rapport au niveau moyen des douze mois précédant le premier confinement. Entre avril 2022 et mars 2023, le nombre de logements autorisés à la construction s’est élevé à 441 400, ce qui représente une baisse de 57 700 unités, soit 11,5 % par rapport à l’année précédente, et 4,1 % de moins que les douze mois avant la crise sanitaire de 2019-2020.

En parallèle, le secteur du logement social subit également une diminution de sa production, comme le rapporte Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat : « La production n’a jamais été aussi faible. [...] Si cette prévision était confirmée, ce serait la plus mauvaise année en termes de production depuis 2005. ».

Dans le secteur du logement social français, une baisse significative de la production de nouveaux logements est constatée, ce qui soulève des préoccupations quant à la capacité du secteur à répondre aux besoins en logement abordable. Mme Emmanuelle Cosse indique que la production pourrait tomber à environ 85 000 logements en 2023, un niveau bien en deçà des attentes et le plus bas depuis 2005. Historiquement, la production de logements sociaux variait entre 100 000 et 120 000 unités par an, mais elle a connu un net ralentissement durant l’année de la pandémie de covid-19, avant de légèrement remonter l’année suivante. Cependant, les mises en chantier, qui sont un indicateur clé de la production, ont diminué de manière significative, tombant à 66 000 en 2022.

Plusieurs facteurs conjoncturels expliquent cette crise. Tout d’abord, la réduction de loyer de solidarité (RLS), mise en place par l’article 126 de la loi de finances initiale pour 2018 ([72]), a consisté en une diminution simultanée du loyer dans les logements sociaux, accompagnée d’une réduction des aides personnelles au logement pour les locataires qui en bénéficient.

Cette mesure a eu un impact considérable sur le modèle de financement des bailleurs sociaux en affectant leur capacité d’autofinancement, avec une réduction estimée à environ 7 % de leur chiffre d’affaires ([73]). Cela a entraîné une diminution de leurs investissements dans de nouveaux projets de logement social.

En parallèle, l’accord initial prévoyant un taux fixe pour le livret A, un instrument clé de financement du logement social, a été modifié, aboutissant à une augmentation du taux pour faire face à l’inflation récente. Ce changement a entraîné des difficultés supplémentaires pour les bailleurs sociaux, dont les capacités d’investissement ont été davantage contraintes. Le maintien du taux du livret A à 3 % jusqu’en 2025 exerce une pression financière supplémentaire sur le secteur.

Ces contraintes conjoncturelles mènent à un resserrement de l’offre sur tous les fronts, exigeant une réévaluation des stratégies de financement et de soutien pour relancer la construction de logements neufs en France.

2.   Des défis structurels majeurs à affronter

a.   Les objectifs de rénovation énergétique et d’adaptation du parc existant s’ajoutent à ceux de construction de l’immobilier neuf à haute performance qui constituent des contraintes sur l’offre immobilière

La rénovation du parc immobilier émerge comme un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. Le secteur résidentiel, responsable de 11 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit environ 47 MtCO2 eq. par an ([74]), souligne l’importance de la rénovation énergétique. En effet, le nombre de logements nécessitant une rénovation énergétique globale chaque année est presque équivalent au nombre de logements construits annuellement. Pour répondre aux objectifs de la France, il est prévu de rénover 370 000 logements privés par an jusqu’en 2030 ([75]). Les défis de la rénovation vont au-delà de l’amélioration thermique, incluant la remise en état de logements insalubres, la rénovation des copropriétés dégradées, et l’adaptation des logements au vieillissement de la population.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) représente un défi significatif pour le secteur immobilier. Ce diagnostic, reposant sur la consommation d’énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre, classe les logements de A (très performant) à G (très énergivore). Selon la législation actuelle, les logements classés « G » sont considérés comme indécents énergétiquement et interdits à la location dès 2025, suivi par les logements « F » en 2028 et les « E » en 2034. La majorité des logements neufs affichent un DPE de classe A, B ou C, tandis que les logements anciens se situent principalement entre les classes C et E. Cependant, une proportion notable de logements anciens reste classée comme énergivores, avec 16,1 % des logements anciens classés F ou G au quatrième trimestre 2022 ([76]).

RÉpartition des Étiquettes des DPE des logements existants

Source : FNAIM, Le logement en France et en Europe, mars 2023

Instaurées par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 les obligations relatives au DPE ont été considérablement renforcées par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ». Cette dernière a intégré les classes de performance énergétique dans le cadre légal, rendu obligatoire les audits énergétiques pour les ventes de logements considérés comme énergivores et prévu une interdiction progressive de mise en location de ces logements pour protéger les locataires contre la précarité énergétique.

Cependant, cette réglementation pose de nombreux défis. D’une part, l’augmentation des coûts des matériaux et l’inflation, exacerbées par les restrictions monétaires, renchérissent le coût de production de logements neufs et de rénovation du bâti existant. D’autre part, cette réglementation pourrait pénaliser les petits propriétaires qui n’ont pas les moyens financiers de mettre leurs logements aux normes, risquant ainsi de retirer ces logements du marché locatif, particulièrement dans les zones tendues.

Plus globalement, la situation actuelle du parc immobilier en France, en termes de performance énergétique, est préoccupante, surtout à l’approche de l’échéance réglementaire fixée pour l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements. Au 1er janvier 2022, près de 20 % du parc privé en location est classé comme énergivore, avec 8,5 % des logements en catégorie G et 11,4 % en catégorie F, selon les critères du Service de la donnée et des études statistiques (Sdes) ([77]). Ces logements, souvent qualifiés de « passoires thermiques », représentent un défi majeur dans le contexte de la transition énergétique. Dans le parc social, la situation est également préoccupante, avec environ 10 % ([78]) des logements classés dans ces catégories.

Ce panorama soulève des inquiétudes imminentes car les logements classés « G » seront jugés indécents énergétiquement et interdits à la location dès 2025, suivis par les logements « F » en 2028. Cette échéance rapprochée risque d’exercer une pression supplémentaire sur l’offre locative, déjà tendue, notamment dans les zones urbaines denses comme Paris. Cette dernière, caractérisée par son parc immobilier ancien, illustre parfaitement ce défi. En effet, l’ancienneté des bâtiments à Paris contribue significativement à la forte proportion de passoires thermiques ([79]). Plus un logement est ancien, plus il est susceptible d’avoir un DPE défavorable, c’est-à-dire classé F ou G.

Ainsi, ces statistiques mettent en évidence la nécessité urgente d’intensifier les efforts de rénovation énergétique, en particulier dans les zones à forte tension immobilière.

Face à ces difficultés, les pouvoirs publics ont déployé des mesures spécifiques pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique et d’adaptation des parcs immobiliers existants. Ces mesures comprennent des subventions de l’État, notamment via le Fonds national des aides à la pierre (Fnap), ainsi que celles des collectivités locales, complétées par des prêts locatifs pour le logement social. Cette aide financière, qui a atteint 1,3 Md€ en 2021 ([80]), vise à soutenir la construction de logements neufs, l’acquisition et la rénovation de logements existants.

En parallèle, l’Agence nationale pour l’habitat (Anah) joue un rôle crucial dans ce domaine, en proposant notamment le programme MaPrimeRénov’, qui a bénéficié d’un financement de 1,8 Md€. Historiquement concentrée sur la lutte contre l’insalubrité dans les années soixante-dix, l’Anah a progressivement élargi son champ d’action pour inclure la rénovation énergétique, la gestion des copropriétés, et l’adaptation des logements à la perte d’autonomie. Cette évolution a permis de répondre aux fractures sociales et territoriales, avec une extension des bénéficiaires depuis le lancement de MaPrimeRénov’ en 2020 : depuis 2021, tous les ménages, quelles que soient leurs ressources, peuvent demander des aides auprès de l’Anah.

Le spectre d’intervention de l’Anah s’est considérablement élargi ces trois dernières années, avec un accent particulier mis sur la rénovation énergétique. Cette dernière est souvent associée à d’autres problématiques, comme l’habitat indigne. L’Agence poursuit sa collaboration avec les collectivités locales à travers des opérations programmées d’amélioration de l’habitat ou des programmes d’intérêt général. Cette collaboration a évolué avec la création du service public de la rénovation de l’habitat et la centralisation des conseils en rénovation énergétique, une initiative initialement partagée entre l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Anah.

S’agissant des enjeux d’adaptation du logement, une réforme majeure intervient en janvier 2024 avec le lancement de MaPrimeAdapt’, qui regroupe plusieurs aides destinées à l’adaptation des logements à la perte d’autonomie, dans une optique de simplification pour les citoyens.

Le budget de l’Anah, qui était de 800 M€ en 2018, a été considérablement augmenté pour atteindre plus de 6 Md€ en 2024 ([81]). Cette augmentation significative reflète l’expansion des activités de l’Agence : environ 720 000 logements ont bénéficié d’une aide en 2022, contre environ 70 000 en 2017-2018. En matière de rénovation énergétique, plus de 600 000 logements sont traités annuellement, avec 718 555 logements rénovés en 2022, dont 669 190 pour des questions énergétiques et 65 938 pour des rénovations globales.

L’enveloppe dédiée à MaPrimeRénov’ a connu une augmentation significative lors du plan de relance passant de 575 M€ en 2020 à plus de 2 Md€ dans la loi de finances pour 2024 ([82]).

Le dispositif MaPrimeRénov’

MaPrimeRénov’ est une aide financière mise en place pour encourager les ménages à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Cette prime vise à soutenir les propriétaires occupants à revenus modestes ou très modestes, ainsi que les copropriétés, dans leurs projets de rénovation. Elle est destinée à financer des travaux de rénovation énergétique globale, avec des plafonds de travaux revalorisés et des primes individuelles complémentaires pour les ménages résidant dans la copropriété.

MaPrimeRénov’ a évolué en 2024 afin de mieux s’adapter aux besoins des ménages (situation financière, projet de travaux, caractéristiques du logement) et aux enjeux de la transition écologique. L’aide est désormais déclinée en trois volets : MaPrimeRénov’, MaPrimeRénov’ Parcours accompagné et MaPrimeRénov’ Copropriété.

MaPrimeRénov’ est cumulable avec d’autres aides à la rénovation énergétique, telles que les certificats d’économie d’énergie (CEE) et l’éco-prêt à taux zéro, et, dans une moindre mesure, le chèque énergie. Les montants de la prime varient en fonction du type de travaux et du profil du bénéficiaire et cette prime est versée après la transmission de la facture sur le site officiel dédié.

b.   L’objectif de zéro artificialisation nette accroît les difficultés d’accès au foncier et oblige à construire « la ville sur la ville »

La France fait face à un défi environnemental majeur avec l’artificialisation croissante de ses sols, un processus qui transforme des terres naturelles, agricoles ou forestières en espaces urbanisés ou de transport. Entre 1936 et 2020, la proportion de la population française vivant en ville est passée de 53 % à 81 % ([83]), entraînant une augmentation significative de la consommation des terres. L’urbanisation s’est accompagnée d’un étalement urbain, particulièrement en périphérie des villes, avec une croissance des aires urbaines couvrant désormais 22 % du territoire national. Ce phénomène a des conséquences environnementales notables, notamment l’amplification des risques d’inondations, la perte de biodiversité, le réchauffement climatique, la pollution et la réduction de la capacité des terres agricoles.

Malgré la baisse observée de la consommation foncière depuis 2009, la France continue d’être au nombre des pays européens qui artificialisent le plus par rapport à son nombre d’habitants ([84]).

Pour lutter contre cette tendance, la loi Climat et résilience a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050. Cet objectif vise à équilibrer l’artificialisation des sols avec la renaturation, dans une démarche qui n’implique pas l’arrêt total de l’artificialisation mais sa compensation par la restauration écologique d’espaces équivalents. La loi introduit également des mesures pour renforcer les règles d’urbanisme commercial et les critères d’implantation des entrepôts, en tenant compte des besoins des territoires et des objectifs de réduction de l’artificialisation. Parallèlement, des aides financières sont disponibles pour encourager la construction durable et la réutilisation des friches, visant à favoriser la densification urbaine et l’utilisation des espaces déjà urbanisés.

Cependant, l’application de ces mesures reste un défi pour les collectivités locales, qui doivent concilier les objectifs de ZAN avec les besoins en logements et infrastructures. La complexité de la notion d’artificialisation, qui combine des aspects quantitatifs et qualitatifs, et la nécessité d’une planification urbaine adaptée aux spécificités de chaque territoire, rendent la mise en œuvre de la loi particulièrement exigeante.

La politique visant à réduire l’artificialisation des terres est essentielle d’un point de vue environnemental. Toutefois, cette démarche a pour conséquence de réduire la disponibilité du foncier. Elle incite également à des pratiques de conservation du foncier existant et contribue à l’augmentation de son coût ([85]).

Auditionnée par la mission d’information, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) semble optimiste quant à la possibilité de concilier les objectifs du ZAN avec le développement du logement, estimant que ces deux objectifs ne doivent pas être considérés comme contradictoires, mais au contraire comme des volets complémentaires d’une stratégie globale de développement durable.

La DHUP estime possible de maintenir un volume important de constructions neuves en France entre 2020 et 2031, tout en réduisant de moitié l’utilisation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2031. Cette première phase du ZAN serait réalisable en combinant la construction avec le recyclage foncier et l’exploitation des « dents creuses » (terrains non utilisés dans les zones urbanisées).

Pour la période courant de 2031 à 2050, la DHUP insiste sur l’importance d’une approche basée sur des projets de territoire. Cette phase implique une adaptation des schémas régionaux d’aménagement (Sraddet) et des plans locaux d’urbanisme pour intégrer ces nouveaux objectifs de développement durable à l’échelle locale. Ces changements exigent une révision des pratiques habituelles en matière de construction et d’aménagement, notamment concernant l’extension de l’artificialisation.

Cette politique pose des défis aux élus locaux, notamment en termes de gestion de l’urbanisation tout en accueillant de nouveaux habitants et en protégeant les ressources foncières. La densification, bien que controversée dans certains territoires, apparaît comme une solution viable pour accueillir de nouveaux résidents tout en limitant l’usage de nouvelles terres. La densification doit être pensée de manière transversale et qualitative pour être socialement acceptable et répondre aux besoins des territoires. Cependant, trouver suffisamment de foncier aménageable pour la construction de logements reste un défi, nécessitant le développement d’outils financiers pour encourager le renouvellement urbain et la réhabilitation des cœurs de ville.

3.   Les atouts du modèle français d’aide au logement doivent être confortés

● Dans un contexte général moins favorable à la production de logements, la France bénéficie néanmoins d’un atout considérable avec le secteur du logement social, modèle relativement singulier en Europe, dont la solidité repose, depuis plus de cent ans, sur des fondamentaux qu’il convient de préserver : la capacité de mobiliser l’épargne des citoyens et des contributions publiques afin de financer les bailleurs sociaux, acteurs d’intérêt général quel que soit leur statut, placés au service des territoires, et qui entretiennent et développent aujourd’hui un patrimoine de plus de 5,2 millions de logements sociaux.

En dépit des évolutions de structure résultant de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan » et de la diminution de ressources propres résultant du dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS), M. Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Banque des territoires, estime que les 550 acteurs du mouvement HLM, pris dans leur ensemble, disposent d’une structure saine et qu’ils ont su maîtriser les ratios de leur équilibre financier.

Ces opérateurs disposent ainsi d’une capacité d’investissement à hauteur de 20 Md€ par an, et avant le choc inflationniste récent, les comptes de l’ensemble des bailleurs sociaux indiquaient une progression de la capacité d’autofinancement du secteur passant de 14 % en 2020 à 19 % en 2021

Face aux difficultés actuelles, le secteur HLM doit pouvoir continuer de bénéficier des mécanismes sur lesquels est assise sa capacité d’investissement.

Les financements du logement social

Les sources de financement du logement social sont multiples. Il peut s’agir de l’État et des collectivités territoriales, mais également de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), d’Action Logement ou du bailleur lui-même.

Les moyens affectés par l’État peuvent prendre des formes variées, comme des subventions budgétaires, des aides fiscales et des aides de circuit. Les subventions budgétaires représentent une partie minoritaire de ces aides, dont la part la plus importante réside dans des exonérations et des réductions d’impôt. À côté de l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour les organismes HLM et les offices publics d’aménagement et de construction, se trouvent une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et l’application d’un taux de TVA réduit à 5,5 % pour le logement très social.

L’État peut également mobiliser du foncier public, c’est-à-dire mettre en vente des terrains de son domaine ou de certains établissements publics pour la construction de logements sociaux.

D’après le bilan 2021 des logements aidés, ce sont 94 775 logements qui ont été financés de droit commun dans le parc public, dont 31 058 en PLAI, 39 058 en Plus et 24 659 en PLS.

Dans le même temps, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) octroie des financements pour la construction de logements sociaux par l’intermédiaire de prêts à long terme à des taux subventionnés, dont elle détient le monopole de la distribution. En transformant les dépôts collectés sur des produits d’épargne réglementés en prêts de longue durée, elle joue un rôle majeur dans le financement du parc social.

L’État peut déléguer ses compétences aux collectivités territoriales volontaires en matière d’aides à la pierre, tandis que les opérations de logement social reçoivent des subventions des collectivités territoriales, tenues par les dispositions de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU », d’accueillir une part de 20 à 25 % de logements sociaux.

Action Logement, au travers de la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec), joue également un rôle dans le développement du parc locatif social.

Créé en 2016, le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) centralise la gestion des aides à la pierre, tandis que la loi Elan a imposé un regroupement aux organismes HLM de moins de 12 000 logements.

a.   Le rôle essentiel du financement de la construction sociale par la Caisse des dépôts et consignations

● Les organismes du logement social empruntent à long terme : sur quarante ou cinquante ans lorsqu’ils investissent dans un logement, voire sur quatre-vingts ans lorsqu’ils investissent dans le foncier en territoire tendu.

Ce financement provient en premier lieu de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de financer des investissements d’intérêt général, au premier rang desquels figurent la construction, l’acquisition et la réhabilitation des logements sociaux, relevant aujourd’hui de la direction des prêts de la Banque des territoires.

L’obtention par les maîtres d’ouvrage de la décision favorable portant octroi de subvention de l’État en Plus ou PLAI leur permet d’obtenir des prêts de la CDC d’une durée plafonnée à 40 ans, mais de 50 ans pour la partie correspondant à la charge foncière, pouvant être portée à 60 ans en zone tendue, et indexés sur le taux de rémunération du livret A.

Le taux des prêts PLS est également indexé sur le taux de rémunération du livret A. Il est fixé chaque année dans le cadre de la procédure de refinancement auprès de la Caisse des dépôts. La durée maximale est de 40 ans portée à 50 ans pour la partie du prêt correspondant à la charge foncière (voire 80 ans en zone tendue).

À fin 2022, la Banque des territoires gérait un encours de 170 Md€ de prêts au secteur du logement social et de la politique de la ville, dont 4,9 Md€ financés par des ressources de marché, mais à 97 % grâce à la transformation en prêts de longue durée des fonds d’épargne dont elle assure la gestion à partir des dépôts collectés sur des produits d’épargne réglementés : livret A, livret de développement durable et solidaire et livret d’épargne populaire.

Les montants financés par le fonds d’épargne au titre du logement social et de la politique de la ville atteignent ainsi aujourd’hui environ 11 Md€ par an, afin de soutenir l’effort de construction de logements ainsi que les travaux de rénovation thermique du parc social.

Signature et versement des prêts financés par le fonds d’épargne en matière de logement social et de politique de la ville (LSPV)

Source : Caisse des dépôts et consignations, rapport d’activité 2022

À l’occasion du congrès HLM, la Caisse des dépôts a annoncé des mesures de soutien à la construction de logements sociaux, notamment en diminuant les marges sur ses financements.

Depuis début novembre 2023, la marge sur les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), qui financent les logements les plus sociaux du parc HLM, a été réduite, au moyen d’une enveloppe de 6 Md€, permettant aux bailleurs sociaux de couvrir durant deux à trois ans ces prêts, associés aux loyers les plus bas et qui sont les plus difficiles à équilibrer.

En outre, la Caisse des dépôts a augmenté le montant de l’enveloppe dédiée au financement de l’éco-prêt logement social (éco-PLS), dont le taux est celui du livret A diminué de 75 points de base : il s’établit donc actuellement à 2,25 %, bien en dessous aux autres taux monétaires. Ce financement attractif doit donc faciliter l’atteinte par les bailleurs sociaux de leurs objectifs de financement des travaux de rénovation thermique.

La Caisse des dépôts a également créé des prêts « verts » sur les prêts locatifs à usage social (Plus), correspondant au milieu de l’échelle des logements sociaux, afin d’aider les bailleurs à atteindre les objectifs de la nouvelle réglementation environnementale 2020 (RE2020), parmi les plus exigeantes d’Europe. Cette mesure permet de réduire de 600 M€ les charges d’intérêts des bailleurs, ce qui fournit de nouvelles marges de manœuvre pour financer la construction de logements sociaux ou la rénovation énergétique.

Enfin, la décision du ministre Bruno Le Maire de geler le taux du livret A jusqu’en janvier 2025 a eu trois effets très bénéfiques sur les modalités de financement du monde HLM : elle a mis un terme à une hausse très rapide des taux, elle offre de la visibilité aux bailleurs sociaux et elle leur donne accès à une ressource liquide et compétitive, à l’heure où le taux directeur de la BCE atteint 4 %.

b.   Un temps fragilisé, Action Logement a su accroître sa contribution à l’offre de logement pour les salariés, et son modèle doit désormais être conforté.

● En 1953, le législateur a généralisé la démarche volontaire de certains employeurs en faveur du logement de leurs salariés, en instituant une « participation des employeurs à l’effort de construction » (Peec), contribution obligatoire des entreprises qui les libère de l’obligation de financer directement le logement des salariés. Elle représentait alors 1 % de la masse salariale, d’où l’expression de « 1 % Logement » encore couramment usitée.

Depuis 1991, le prélèvement est de 0,45 % des rémunérations. Le seuil d’assujettissement a été relevé de 20 à 50 salariés par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte ».

La collecte nette a atteint 1,5 Md€ en 2022. Les ressources de la Peec comprennent également les remboursements du principal des prêts antérieurement consentis à l’aide de cette même ressource, pour 1,1 Md€ en 2022.

● Le groupe Action Logement, dans sa forme actuelle, résulte d’une réforme de la gouvernance et de la gestion de la Peec, initiée par les partenaires sociaux. Cette réforme a été mise en œuvre par une ordonnance de 2017 et ratifiée par la loi Elan de 2018, qui a fusionné une vingtaine d’organismes collecteurs.

La structure du groupe Action Logement

Outre la structure faîtière de statut associatif, gérée par les partenaires sociaux, le groupe comprend :

– la société Action Logement Services (ALS) qui collecte la Peec et distribue les financements ;

– la société Action Logement Immobilier (ALI) qui dispose, par l’intermédiaire de plus de 50 filiales, d’un patrimoine immobilier de plus d’un million de logements, issu de près de 70 années de gestion de la Peec, ce qui en fait le plus gros bailleur social de France. S’y ajoutent près de 70 000 logements intermédiaires.

S’y ajoutent une structure en charge des garanties locatives (APGL) et une société foncière pour la construction en zones de rénovation urbaine (AFL).

Des conventions quinquennales entre l’État et Action Logement régissent la collecte et les emplois de la Peec. Outre les aides diverses en faveur du logement des salariés, la Peec a ainsi pu contribuer à des politiques publiques.

La convention 2018-2022 avait prévu le financement d’aides aux organismes de logement social (dotations en fonds propres, prêts, subventions), des aides aux salariés (prêts accession, prêts travaux, aides à la mobilité, aides à la location) et la contribution aux politiques nationales de l’Anru (2 Md€ en cinq ans) et du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) (250 M€ en cinq ans).

La convention 2023-2027, dont le contenu est détaillé dans l’encadré ci‑dessous, prévoit un montant total de 14,4 Md€ de financements.

Principales dispositions de la convention quinquennale 2023-2027
entre l’État et Action Logement

Conclue le 16 juin 2023, cette convention prévoit trois principaux domaines d’emploi :

– Le financement des bailleurs sociaux et intermédiaires (5,5 Md€), soit :

• 4,7 Md€ en prêts et dotations pour le financement du logement social et intermédiaire ;

• 700 M€ au profit de l’Association Foncière Logement (AFL) pour ses interventions dans divers programmes de rénovation urbaine et de lutte contre l’habitat indigne.

– Le financement des politiques et programmes nationaux (5,3 Md€), soit :

• 3,8 Md€ au bénéfice de l’Anru en prêts et en subventions ;

• 450 M€ au profit du Fnap pour les années 2023 et 2024 ;

• 1 Md€ pour le programme « Action cœur de ville », dont 350 M€ en subventions et 650 M€ en prêts ;

• 9 M€ par an pour les ANIL-ADIL (voir infra).

– Les prêts, aides et services aux personnes physiques (3,7 Md€), soit :

• 520 M€ pour le dispositif Visale, dont l’objectif est d’atteindre 2 millions de contrats ;

• 2 Md€ pour les prêts accession et travaux pour les salariés ;

• des aides à la mobilité et aux salariés en difficulté pour, respectivement, 850 M€ et 300 M€.

Entre 2018 et 2021, les relations entre Action Logement et l’État ont été conflictuelles puis se sont améliorées

La centralisation des anciens organismes collecteurs de la Peec ayant rendu plus visible le niveau élevé de trésorerie du nouveau groupe, qui dépassait 8 Md€ en 2018, cette situation a conduit l’État à opérer, par les lois de finances, des prélèvements sur la trésorerie d’Action logement :

 300 M€ chaque année entre 2020 et 2023, Action Logement étant contraint de compenser par un versement au Fnap, une diminution des cotisations des bailleurs sociaux destinées à financer les aides à la pierre ;

 1,5 Md€ de versements au Fonds national d’aide au logement (FNAL), qui finance les APL : 500 M€ dans la loi de finances pour 2020 et 1 Md€ dans la loi de finances pour 2021, procurant une économie budgétaire pour l’État, principal financeur du FNAL ;

– enfin, la loi de finances pour 2021 a supprimé le principe, posé par la loi Pacte, de compensation à Action Logement des effets du relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises à la Peec : il en résulte une perte annuelle d’environ 300 M€ de cotisations des petites entreprises (l’État n’ayant versé, au total, que 238 M€ de compensations en 2020).

Inversement, ce contexte a conduit Action Logement à s’engager à accroître et accélérer ses financements :

– un avenant à la convention 2018-2022 a prévu de redéployer 1,5 milliard d’euros pour contribuer au plan de relance ;

 un Plan d’investissement volontaire (PIV) 2019-2022 a mobilisé plus de 9 Md€ de ressources supplémentaires, provenant aux deux tiers d’un programme d’émissions obligataires.

La situation financière de 2018 ainsi que des difficultés dans la gouvernance du nouveau groupe avaient en outre fait resurgir des critiques tenant aux principes même de la Peec et de sa gestion paritaire.

Dans un rapport non rendu public, une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) avait ainsi proposé de supprimer ce prélèvement ou de le budgétiser, reprenant des travaux de la commission pour la libération de la croissance française, dite commission « Attali » (2010), et du comité Action publique 2022.

Ceci aurait pu conduire à transformer la filiale Action logement immobilier en groupe immobilier autonome et à supprimer la filiale Action logement service en réintégrant dans le budget de l’État le financement des politiques nationales qu’elle assume aujourd’hui. Le Gouvernement avait même envisagé de présenter un amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 qui l’aurait autorisé à légiférer par ordonnance pour engager une nouvelle réforme de la Peec et d’Action Logement.

Le Gouvernement a cependant été dissuadé par l’opposition des partenaires sociaux au nom du paritarisme, notamment des organisations patronales qui sont à l’origine de la création de la Peec.

Par ailleurs, la commission des affaires économiques du Sénat a présenté en novembre 2020, sous le timbre de nos collègues Valérie Létard, Dominique Estrosi Sassone, Viviane Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann, un rapport transpartisan (n° 132) intitulé « Non au démantèlement d’un pilier du logement social ». Dénonçant une campagne de déstabilisation du groupe Action Logement, la commission considérait les critiques portées comme « largement dépassées » mais concédait que la réforme du groupe était inachevée. Elle fixait trois « lignes rouges » que la présente mission d’information continue de faire siennes aujourd’hui :

– préserver la Peec comme ressource dédiée au logement, et permettant de financer des programmes de long terme ;

– maintenir une gouvernance paritaire, au nom du lien entre logement des salariés et activité économique ;

– enfin sécuriser le capital immobilier d’Action Logement, fruit de 70 années de cotisations, loin de tout démantèlement du groupe ou « essorage » des résultats, des retours de prêts ou de la trésorerie.

● La mission d’information considère en outre qu’Action Logement doit aujourd’hui être évalué au regard des objectifs de la réforme de 2016 qui avait les objectifs suivants :

– réduire durablement les frais de fonctionnement du réseau ;

– garantir un traitement équitable aux entreprises assujetties et favoriser une plus grande transparence dans les critères de distribution des financements issus de la Peec, notamment afin que les financements d’ALS ne bénéficient pas disproportionnellement aux bailleurs détenus par le groupe ;

– mobiliser les filiales de logement social pour produire une offre de logements abordables, ce qui nécessite d’apprécier les volumes de productions financées et leurs coûts ;

– articuler la gouvernance paritaire nationale et un dialogue social territorial.

À cette aune, la Cour des comptes a présenté, en juin 2021 ([86]), un premier bilan de la réforme d’Action Logement, portant sur les exercices 2017-2020 et qui fait état d’importantes améliorations.

La mission d’information relève enfin que la convention 2023-2027 liant Action logement à l’État définit de nouveaux indicateurs de suivi des frais de fonctionnement et prévoit en particulier le suivi du respect du principe de nondiscrimination, qui doit garantir l’attribution équitable du produit de la Peec entre l’ensemble des organismes HLM, indépendamment de leur lien capitalistique avec Action Logement.

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   Partie II – Propositions pour des parcours résidentiels durables

À l’issue de l’ensemble des auditions réalisées, il apparait au président et au rapporteur de la mission d’information que trois axes sont à privilégier afin de permettre la réalisation de parcours résidentiels durables :  territorialiser la politique du logement afin d’optimiser les parcours résidentiels ;  conforter le logement social et abordable pour en faire un élément de ce parcours résidentiel, et agir sur tous les leviers disponibles, en particulier au plan fiscal, afin d’accroître la mise à disposition de logements en tant que résidences principales.

À cet égard, le nécessaire « choc d’offre » invoqué par le Premier ministre Gabriel Attal, ne saurait se cantonner à des mesures de simplification des règles d’urbanisme permettant de construire plus vite dans certaines zones prioritaires : il doit s’accompagner d’un « choc de financement». En premier lieu en faveur de l’offre, soutenant ainsi le développement de logements neufs, particulièrement dans les secteurs du logement social et abordable, et en octroyant aux collectivités territoriales les moyens nécessaires pour déployer efficacement leurs politiques de logement. Parallèlement, il est essentiel d’encourager la demande à travers des mesures fiscales ciblées, bénéficiant avant tout aux primo-accédants à la propriété.

A.   Territorialiser la politique du logement afin d’optimiser les parcours résidentiels

1.   La politique du logement doit s’inscrire dans une approche d’ensemble sur son territoire

Les auditions de la mission d’information ont permis de mettre en lumière la nécessité d’un renforcement de la territorialisation de la politique du logement. Certains acteurs, dont la Fédération des élus des entreprises publiques locales, considèrent que cette approche est perçue comme étant trop déconnectée des réalités territoriales, ne tenant pas suffisamment compte des particularités et de la diversité des territoires.

La politique du logement intègre des défis d’ampleur nationale, particulièrement en ce qui concerne le financement des politiques publiques associées. De ce fait, elle a été principalement élaborée selon une approche verticale. Toutefois, la diversité croissante et les spécificités propres à chaque réalité locale nécessitent l’adaptation des politiques de logement aux particularités et exigences de chaque territoire.

Lors de son audition, l’ancien ministre du logement Patrice Vergriete soulignait que « dans un nouveau modèle, l’intervention de l’État ne doit pas être la même à Paris, à Vesoul ou dans le Pays basque » ajoutant que « la différenciation de l’action de l’État doit être plus précise. ». La majorité des intervenants consultés lors de la mission ont exprimé leur soutien à l’idée de renforcer la dimension territoriale de la politique du logement.

Ainsi, sans remettre en cause le rôle de l’État en tant que garant de la cohésion territoriale de la politique du logement, et capable, à ce titre, de fixer des objectifs globaux de production, le rapporteur souligne la nécessité d’accentuer la différenciation territoriale dans l’approche adoptée.

Afin de garantir une meilleure territorialisation de la politique du logement, le rapporteur de la mission d’information promeut la conception d’une « boîte à outils » à disposition des territoires au regard des enjeux auxquels ils sont confrontés.

En effet, les territoires se caractérisent par leur singularité et leurs spécificités. Cela implique une différenciation en termes de besoins de logement. Il apparaît aujourd’hui nécessaire de prendre en compte les caractéristiques démographiques, économiques, sociales mais également environnementales des territoires lors de l’élaboration des politiques du logement. C’est tout particulièrement un enjeu pour ajuster l’offre de logements sociaux aux nombres de demandeurs de logements HLM et à leurs typologies.

Ainsi, si les besoins en construction sont croissants, les nouveaux choix de production doivent être adaptés aux besoins et aux spécificités des territoires.

Recommandation : Développer une « boîte à outils » à disposition des territoires afin de favoriser la territorialisation des politiques du logement.

Le rapporteur considère également qu’il est essentiel d’intégrer la dimension touristique lors de l’élaboration des politiques de logement à l’échelle territoriale. Les zones à forte attractivité touristique observent une augmentation soutenue des hébergements touristiques meublés, entraînant une diminution de l’offre de logements résidentiels. Cette situation est particulièrement notable dans les régions côtières et les grandes métropoles, où l’activité touristique est plus prononcée ([87]). En la matière, l’Assemblée nationale a franchi une première étape en adoptant, en première lecture, la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ([88]), dont le rapporteur et le président de la mission d’information saluent l’approche transpartisane (voir infra).

La mission considère qu’il est nécessaire de déployer des efforts pour améliorer l’accès au logement pour les travailleurs du secteur touristique, en particulier les saisonniers.

En effet, il est observé que peu d’employeurs proposent des logements pour leurs employés saisonniers, lesquels doivent ainsi trouver un hébergement par eux-mêmes dans des zones où la tension sur le marché du logement est déjà forte.

● Outre les problématiques touristiques, la politique du logement pourrait davantage prendre en compte les exigences de la transition écologique et énergétique.

Les préoccupations environnementales ont d’ores et déjà pris de l’importance au sein des politiques du logement, comme en témoignent la mise en œuvre progressive de l’objectif « zéro artificialisation nette » et la massification des aides à la rénovation énergétique.

Cet objectif du ZAN a été consacré dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 ([89]), qui prévoit deux échéances :

– d’ici 2030, le rythme d’artificialisation des sols devra être divisé par deux ;

– d’ici 2050, l’artificialisation nette devra être égale à zéro.

La loi impose donc aux territoires d’intégrer des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans leurs documents de planification et d’urbanisme. La gestion de ce dispositif est déléguée à l’échelon régional. En effet, les régions doivent fixer un objectif de réduction d’artificialisation d’au moins 50 % d’ici 2031. Cet objectif est territorialisé puisque la région répartit les efforts de réduction de l’artificialisation entre les différents territoires.

Ce dispositif restreint les possibilités de construction aux périmètres déjà urbanisés et certains acteurs de la construction, auditionnés par la mission regrettent  que cette mesure de sobriété foncière tende à renforcer les inégalités entre communes : une commune urbaine déjà développée pourrait rencontrer des difficultés limitées pour faire des aménagements sur son périmètre déjà urbanisé ; en revanche, pour les communes rurales et les petites communes, le ZAN limite fortement leur capacité de développement et de construction de logements.

Le Sénat a élaboré des propositions visant à mieux prendre en compte les spécificités territoriales dans la mise en place du ZAN, qui ont trouvé un point d’aboutissement dans la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ([90]). Une mission de contrôle conjointe de ses commissions des affaires économiques, de l’aménagement du territoire et du développement durable, des finances et des lois avait ainsi recommandé d’instaurer un « plancher » de droits selon lequel aucune commune ne pourrait disposer d’une enveloppe inférieure à un hectare à l’issue de la territorialisation opérée par la région. La mission suggérait également de réserver, au sein des SCoT et des PLUi, une enveloppe pour les projets d’intérêt territorial afin d’inciter les petites communes à porter des projets d’intérêt commun sans que cela consomme la totalité de leur enveloppe d’artificialisation.

Sans remettre en cause le principe même du ZAN et les objectifs qu’il se fixe, la mission d’information invite donc à une meilleure prise en compte des dynamiques territoriales et des besoins en logements dans la mise en œuvre de cet objectif.

Recommandation : Permettre une prise en compte des dynamiques territoriales, et de leurs besoins en logements, dans la mise en œuvre du « ZAN ».

L’objectif de cesser toute artificialisation nette d’ici 2050 suscite néanmoins des réticences, voire des oppositions. Selon l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), le ZAN « empêche le développement économique et l’accueil de nouveaux habitants en rendant le foncier plus cher ».

À ce titre, la mission d’information alerte sur le risque induit par le ZAN d’une augmentation des prix du foncier, en raison de la raréfaction de celui-ci.

La mise en œuvre du ZAN, qui répond à des nécessités en termes de biodiversité, ne doit pas pour servir de justification pour limiter le niveau de production de logement et la capacité à fournir une offre de logements abordables.

En ce sens, lors de son audition, l’économiste Pierre Madec préconisait de donner la priorité aux logements plutôt qu’à d’autres types d’occupation des sols. Le rapporteur et le président de la mission d’information partagent cette nécessité de prioriser le logement lors de la mise en œuvre du ZAN.

Aussi, pour pallier la rareté du foncier engendré par le ZAN, l’État devrait être en appui des collectivités en mettant du foncier à disposition. Des terrains disponibles pourraient ainsi être mis à disposition afin de soutenir la construction de logements.

Recommandation : Prioriser la construction de logements lors de la mise en œuvre du ZAN.

Tout en reconnaissant la nécessité de construire davantage, la mission considère également essentiel d’accentuer les efforts de rénovation. Pour ce qui est du foncier déjà artificialisé, le ZAN doit inciter à repenser la conception du renouvellement urbain, notamment par des programmes de densification ou de surélévation. En effet, selon le sondage de l’institut Kantar Public, 79 % des Français sondés préféreraient dans l’idéal vivre dans une maison individuelle. Cependant, avec la mise en œuvre du ZAN, il apparaît « difficile de concilier la lutte contre l’artificialisation des sols avec le plébiscite de l’idéal de la maison individuelle ([91])». Pour la CNATP, l’organisation professionnelle des artisans des Travaux Publics et du Paysage, il est « nécessaire de trouver des solutions pour traduire de façon opérationnelle des formes urbaines individuelles compatibles avec les objectifs de protection des sols et de les concilier avec les attentes des Français ».

Le ZAN devrait ainsi inciter à l’utilisation du foncier déjà artificialisé. Selon le même sondage, pour permettre un meilleur compromis, 78 % des Français seraient favorables à ce que la rénovation du parc existant soit encouragée ([92]).

La rénovation des bâtiments inclut également l’amélioration de leur performance énergétique. À ce titre, les besoins en termes de rénovation énergétique des logements sont croissants. Dans un tel contexte, le rôle des intercommunalités dans l’accompagnement des ménages pour leurs démarches de rénovation doit être renforcé.

Les intercommunalités sont déjà impliquées dans la politique de rénovation des logements. En effet, la quasi-totalité des intercommunalités disposent de la compétence habitat ([93]). De plus, les intercommunalités sont en charge des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et de leur suivi. L’échelon intercommunal permettrait par ailleurs un meilleur accompagnement des ménages, adapté aux nécessités locales.

Dans son rapport sur la décentralisation de la politique du logement, notre collègue David Valence invitait à accélérer la rénovation du parc de logements en laissant les collectivités se saisir de la gestion des dispositifs de soutien à l’amélioration de l’habitat ([94]). Pour Intercommunalités de France, cela nécessite aussi une « massification des aides en faveur de la rénovation des logements ([95] ».

Enfin, attaché à la question du parcours résidentiel, le rapporteur de la mission d’information souhaiterait également que soient développés des outils permettant d’adapter les logements à chaque étape de la vie.

Les besoins en termes de logement évoluent. Un étudiant n’a pas les mêmes besoins qu’un actif, qu’une jeune famille ou bien qu’un senior. Il convient d’offrir l’accès à des logements adaptés à chaque profil. Ces adaptations doivent se faire au regard des caractéristiques sociodémographiques des territoires.

Par conséquent, dans les villes universitaires qui étoffent leur offre de formations, il est crucial de fournir les logements étudiants appropriés. Cette mesure devient d’autant plus essentielle face aux difficultés récurrentes exprimées par les étudiants non seulement pour trouver un logement, mais surtout pour en trouver un qui réponde à des conditions de vie convenables. De nos jours, l’attrait d’une filière éducative est également déterminé par la qualité et l’accessibilité des logements étudiants disponibles dans la région.

S’agissant des actifs, le lien emploi-logement est indispensable. Lors de son audition, le président de la Fédération française du bâtiment Olivier Salleron recommandait une approche axée sur des bassins de vie et d’emploi définis par région. Il souhaitait notamment que ce projet soit porté par les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ou les schémas de cohérence territoriale (SCoT), qui devraient « définir des aménagements nécessaires en fonction de caractéristiques locales comme le bâti, la démographie, l’industrialisation ou le développement de l’artisanat ».

Face au vieillissement de la population, il est essentiel d’adapter et de développer les options de logement pour les seniors. Le vieillissement de la population entraîne souvent une augmentation de la demande de logements, mais également des modifications de la demande tant en termes de localisation que de taille de logement.

Les comportements de mobilité des retraités contribuent à dynamiser le marché du logement, que ce soit par la vente, l’achat, ou la location de propriétés dont ils sont détenteurs. Parallèlement, un segment des seniors opte pour la stabilité en choisissant de ne pas déménager, préférant ainsi rester dans des habitations d’une superficie supérieure à la moyenne. Cette tendance contribue toutefois au phénomène de « sous-occupation » observé dans le parc immobilier. Selon l’enquête nationale pour le logement (2020), 84 % des 65 à 74 ans et 85 % des 75 ans et plus sont en situation de sous-occupation ([96]). Afin de fluidifier le parc, une réflexion doit être portée sur l’équilibre entre la taille des logements et les besoins réels des occupants.

Recommandation : Favoriser un meilleur parcours résidentiel à chaque étape de la vie.

2.   La territorialisation de la politique du logement : une réalité déjà existante qu’il convient d’approfondir

En France, la gestion de la politique du logement relève de la compétence de l’État, suivant une approche cohérente à l’échelle nationale. De plus, la France est reconnue comme l’un des pays où la centralisation de la politique du logement est la plus marquée ([97]).

Pour autant, au gré des grandes lois de décentralisation, les collectivités territoriales ont acquis de nouvelles compétences en matière de logement et d’urbanisme, permettant une plus forte décentralisation de la politique du logement.

La territorialisation de la politique du logement ne peut se penser sans une décentralisation. Pour que la politique soit au plus proche des attentes locales, la main doit être donnée aux échelons locaux.

Les grandes étapes de la décentralisation de la politique du logement

Les premières étapes de décentralisation de la politique du logement résident dans les lois de décentralisation de 1982. Celles-ci ont permis d’importants transferts de compétences aux échelons locaux. En effet, les lois de 1982 transfèrent les compétences relatives à l’aménagement du territoire aux régions, tandis que les communes se voient confier les compétences relatives à l’urbanisme. À ce titre, les communes sont en charge de l’élaboration des documents d’urbanisme, il leur appartient alors de délivrer les permis de construire.

La loi Chevènement de 1999 a permis de renforcer le rôle des intercommunalités ([98]). Elles se verront par la suite confier l’élaboration des plans locaux de l’habitat (PLH) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) ([99]). Les intercommunalités obtiennent également des responsabilités dans le domaine de la programmation du logement social, via la création en 2005 de la délégation des aides à la pierre. L’importance des intercommunalités a par la suite été renforcée en 2022 par la création du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

En 2004, les conseils départementaux se voient transférer les fonds de solidarités pour le logement (FSL).

Les compétences en matière de logement sont aujourd’hui largement décentralisées et la mission d’information estime nécessaire de poursuivre en ce sens.

Auditionné par la mission d’information, Patrice Vergriete, alors ministre délégué en charge du logement, confirmait « penser la différenciation de l’État », donnant en exemple « les « territoires engagés pour le logement », action qui vise à accélérer la production de logements dans un certain nombre de sites où la pénurie rend nécessaire d’agir plus vite ».

Lors de son audition, le président du Groupe Action logement a cependant fait part de sa réticence sur le fait de « transférer les responsabilités vers des structures qui n’ont peut-être ni les moyens financiers ni les moyens en ingénierie ».

Ainsi, si une plus forte décentralisation et territorialisation de la politique de logement sont souhaitées, elle n’est envisageable que si elle s’accompagne de moyens financiers significatifs ([100]). En effet, un tel transfert de responsabilités n’aurait guère de sens sans transfert de ressources.

En l’absence d’intérêt fiscal et financier, les acteurs locaux hésitent parfois à mobiliser toutes leurs compétences en matière de logement.

Le nombre de permis de construire accordés entre mai 2022 et avril 2023 a chuté de 14,3 % selon les chiffres du ministère de la Transition écologique. Outre le manque de moyens financiers, cette baisse significative est également due à la réticence de certains maires à délivrer de nouveaux permis. Il est parfois difficile pour les maires de porter des projets immobiliers et de les assumer vis-à-vis de leurs administrés. Ces projets impliquent parfois des coûts politiques élevés comme en témoigne l’adage « maire bâtisseur, maire battu » qui a souvent été rappelé à l’occasion des auditions.

En conséquence, la production de logements poursuit sa baisse. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, de décembre 2022 à novembre 2023, 372 500 logements ont été autorisés à la construction, soit une diminution de 25,5 % par rapport à l’année précédente.

Pour pallier ces tendances, le législateur est intervenu en établissant, dans la loi de finances pour 2015, une aide aux maires bâtisseurs.

Celle-ci prévoyait de verser aux communes situées en zone tendue une aide forfaitaire pour chaque logement construit au-delà d’un seuil de construction supérieur à 1 % du parc existant. Dès la première année de sa mise en œuvre, cette aide avait permis de soutenir la production de près de 80 000 logements ([101]).

Ce dispositif a toutefois été supprimé en 2017, à quoi s’est ajoutée la suppression de la taxe d’habitation, conduisant les communes à être privées de principales incitations fiscales à construire davantage.

Il convient ainsi d’inciter les collectivités territoriales à se saisir pleinement de leurs compétences en termes de logement, et notamment les encourager à la construction.

Pour ce faire, le rapporteur et le président de la mission d’information proposent de réinstaurer une incitation financière, à travers un retour du « bonus » pour les maires bâtisseurs.

Le retour d’une telle mesure permettrait de récompenser, par le versement d’une prime, les communes qui bâtissent des logements au-delà d’un certain seuil de densité par commune. Le montant de l’aide serait fixé en fonction du nombre de permis de construire délivrés mais également au regard des spécificités de chaque commune, de leur nécessité en logement et de leurs moyens financiers.

Cette proposition figure au demeurant en bonne place dans les conclusions du CNR- Logement qui propose d’instaurer un « bonus aux maires engagés » sous la forme d’une aide forfaitaire d’un montant calculé sur une moyenne de logements construits ou transformés (à condition qu’ils aient été vides auparavant et que ces travaux les remettent sur le marché) au cours des années précédentes, le montant de l’aide s’accroissant avec le caractère social du logement produit, sauf dans les communes ne respectant pas leur obligations au titre de la loi SRU.

Recommandation : Rétablir l’aide aux maires bâtisseurs contribuant à l’effort de production de nouveaux logements par le versement d’une aide forfaitaire.

De façon plus générale, il importe que les ressources fiscales de communes soient plus fortement corrélées à l’acte de construire des logements : à défaut de rétablir un impôt tel que la taxe d’habitation, qui présentait l’avantage de faire directement bénéficier la commune de supplémentes de ressources liées à l’accroissement de son parc de logements occupés, la question du logement doit devenir une composante des relations financières entre l’État et les collectivités locales, afin que le calcul des dotations financières des communes tienne mieux compte des charges supplémentaires liées à une politique de logement dynamique.

Recommandation : Pour le calcul des dotations financières des collectivités territoriales, mieux tenir compte du surcroît de charges occasionnées pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale conduisant des politiques de logement et de rénovation énergétique volontaristes.

La mission d’information souligne en outre qu’une décentralisation des politiques du logement au plus près des territoires devra prendre en considération les difficultés particulières rencontrées par les territoires ultramarins.

L’audition de l’Association des communes et collectivités d’Outre-Mer (ACCD’OM) a permis de mettre en lumière les problématiques inhérentes aux territoires ultramarins, et plus spécifiquement leurs attentes en matière de décentralisation des politiques du logement et de l’habitat, comme le détaille l’encadré suivant.

La mission d’information souhaite donc que la situation des territoires d’Outre-Mer soit davantage prise en compte dans les futurs textes inscrits à l’agenda législatif.

Les territoires ultramarins, un cas spécifique à prendre en compte dans la territorialisation des politiques de logement

La montée en compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en termes de politiques locales de l’habitat produit un bilan contrasté dans les territoires ultramarins.

Elle s’est montrée efficace dans les territoires au sein desquels le dialogue social en matière d’habitat est une tradition. Pour les autres, elle ne s’est pas traduite par de réelles avancées, en raison d’oppositions vives et d’un manque de cohérence.

Pour l’Association des communes et collectivités d’Outre-Mer (ACCD’OM), la réussite de la territorialisation des politiques du logement réside dans la maturation du dialogue social entre les collectivités et l’ensemble des acteurs du secteur de l’habitat.

Quoi qu’il en soit, l’association plaide en faveur d’un pilotage des politiques locales de l’habitat par l’échelon intercommunal, les plans locaux de l’habitat (PLH) étant obligatoires à ce niveau. Les EPCI possèdent la compétence aménagement du territoire, eaux et assainissement et œuvrent à la collaboration entre les différentes entités locales.

Il n’en demeure pas moins indispensable d’adapter les politiques de logement aux réalités contrastées que connaissent les territoires et d’assurer l’équité entre les communes d’un même EPCI.

Pour faire face aux difficultés fortes que rencontrent les collectivités d’outre-mer, l’ACCD’OM a soumis plusieurs propositions à la mission d’information :

– Rendre aux élus ultramarins le pouvoir de gestion de leur urbanisme en remplaçant l’avis conforme de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) par un avis simple, comme c’est le cas en métropole ;

– Renforcer le rôle des conseils départementaux de l’habitat et de l’hébergement (CDHH) et/ou des conseils territoriaux de l’habitat et de l’hébergement (CTHH) afin qu’un interlocuteur en matière d’habitat soit clairement identifiable par l’ensemble des acteurs ;

– Permettre une montée en compétence des chefs de file locaux (transfert de compétences, moyens adéquates, orientations générales assorties de garde-fous).

 

Recommandation : Prendre en compte les difficultés particulières des territoires ultramarins.

● La territorialisation de la politique du logement a eu des effets positifs.

Il convient aujourd’hui de les amplifier. À ce titre, le rapporteur et le président de la mission d’information souhaiteraient que les intercommunalités se voient confier davantage de responsabilités, au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

Le statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH)

Le statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) est issu de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS ».

Le bénéfice de ce statut est accordé sur demande de l’intercommunalité, après avis du préfet de région et du comité régional de l’hébergement et de l’habitat (CRHH). Les intercommunalités qui aspirent à y être éligibles doivent remplir plusieurs conditions cumulatives ([102]) :

– Disposer d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) ;

– Disposer d’un plan local de l’habitat (PLH) exécutoire ;

– Avoir signé une convention intercommunale d’attribution (CIA) ;

– Être délégataire des aides à la pierre.

Le statut d’AOH permet l’attribution de droits ou compétences supplémentaires, à savoir :

– Être consultée sur les zonages de l’investissement locatif ;

– Être signataire des conventions d’utilité sociale (CUS) des organismes (bailleurs privés) possédant au moins 5 % du parc de logements sociaux ;

– Orienter la reconstitution de l’offre Anru sur les communes déficitaires SRU et qui se situent en dehors de l’unité urbaine (mais sont membres de l’intercommunalité).

Lors de son audition, Intercommunalités de France a affirmé que « la mise en place du statut « autorités organisatrices de l’habitat » (AOH) a été l’occasion d’engager une première étape de reconnaissance du rôle des intercommunalités dans ce domaine. Il importe d’aller plus loin ». La fédération considère notamment que « les intercommunalités sont tout à fait en mesure de devenir le cadre de référence des politiques de l’habitat ».

Pour ce faire, il convient dans un premier temps d’assouplir les conditions d’accès au statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) afin que davantage d’intercommunalités puissent en bénéficier. En effet, au regard des critères d’accès restrictifs, seules quelques intercommunalités ont sollicité le statut d’AOH depuis sa création par la loi 3DS ([103]). Le rapporteur et le président de la mission d’information appellent donc, au même titre que la fédération Intercommunalités de France, à une facilitation de l’accès au statut d’AOH.

Les compétences attribuées aux AOH devraient également être élargies. Au cours de son audition, le professeur Jean-Claude Driant affirmait : « Le potentiel de l’action locale, si elle était un peu plus libre qu’elle ne l’est aujourd’hui, me semble intéressant. » À ce titre, il ajoutait au sujet du statut d’AOH qu’« il doit être possible d’agir au niveau local sans demander l’autorisation du préfet. C’est là que le statut d’AOH aurait un sens ». Le rapporteur et le président de la mission d’information partagent la nécessité d’une plus grande responsabilité des AOH. L’élargissement des compétences attribuées aux AOH devra bien évidemment s’accompagner de moyens financiers dédiés.

Intercommunalités de France appelle à octroyer aux AOH le « pilotage de la rénovation énergétique ([104])», en leur confiant notamment la responsabilité des dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements « pour jouer le rôle de « guichet unique : animation, conseil, instruction, paiement ([105]). »

Enfin, Intercommunalités de France souhaiterait « donner la possibilité aux intercommunalités d’harmoniser les zonages souvent établis à l’échelle communale pour définir des périmètres infra communaux, voire des zones de non-application, ou encore la définition de périmètres d’application prioritaire » afin de « jouer sur la complémentarité des parcs selon les besoins locaux » ([106]).

Recommandation : Confier davantage de responsabilités aux intercommunalités, au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

La territorialisation de la politique du logement fait désormais l’objet d’un large consensus.

La Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) a notamment loué les avantages de cette territorialisation en mobilisant l’exemple du « Pinel breton ».

Le « Pinel Breton » ou la régionalisation expérimentale d’une politique nationale

Le « Pinel breton » est un dispositif issu de l’article 164 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 portant loi de finances pour 2020. Cette mesure visait expérimenter une solution de régionalisation du dispositif de défiscalisation Pinel jusqu’au 31 décembre 2024.

Au 1er janvier 2019, le recentrage du dispositif d’investissement Pinel sur les zones immobilières tendues est entré en vigueur. Les communes situées en zone B2 étaient alors exclues du dispositif, malgré les fortes tensions locatives qui touchent ces zones.

Le marché immobilier breton connaît alors de fortes tensions. Pour adapter le dispositif Pinel aux besoins locaux, l’expérimentation prévoit que le périmètre soit étendu à certaines communes de zone B2 faisant l’objet de fortes tensions locatives. Il s’agit d’un périmètre beaucoup plus ciblé que le dispositif général. Des conditions d’éligibilité spécifiques sont également prévues (performance énergétique, durée de la location, etc.).

Le Pinel Breton permet aussi la modulation des plafonds de loyers par commune.

Bien que le Pinel breton ne soit qu’une expérimentation, ce dispositif est souvent salué par les acteurs locaux comme ayant permis de maintenir la production de logements neufs sur le territoire. Ainsi il conviendrait de mettre en place et de pérenniser davantage de dispositifs régionalisés afin d’apporter des solutions adaptées aux besoins du marché local.

Recommandation : À l’exemple du « Pinel Breton », expérimenter des versions régionalisées de dispositifs nationaux d’incitation à la construction de logements.

Enfin, la territorialisation de la politique du logement ne peut s’envisager sans un soutien à l’ingénierie publique locale en matière d’urbanisme. En effet, au même titre que pour les moyens financiers, le transfert de nouvelles compétences ne peut s’envisager sans les moyens en ingénierie qui sont nécessaires. L’ingénierie publique locale est indispensable pour permettre un accompagnement des territoires dans leurs projets urbains, au plus près de leurs besoins. Les élus locaux rencontrent parfois des difficultés pour mobiliser cette ingénierie, particulièrement dans les territoires ruraux puisque les moyens financiers et humains en ingénierie y sont souvent insuffisants.

Recommandation : Améliorer le soutien à l’ingénierie publique locale en matière d’urbanisme.

 

B.   Conforter le logement social et abordable pour en faire un ÉlÉment du parcours rÉsidentiel

Fluidifier le parcours résidentiel de tous les ménages impose de porter le regard sur le parc locatif social qui représente, début 2023, 15,9 % des résidences principales en France, soit 5,3 millions de logements, soit 17,6 % des ménages ([107]).

Comme établi dans la première partie du rapport de la mission d’information, alors que l’accès au parc social constitue, pour de nombreux locataires, l’unique opportunité de se loger décemment ([108]), le nombre de demandes de logement social est plus de quatre fois supérieur au nombre de logements disponibles à la location au cours de l’année et la demande de logements sociaux a augmenté dans toutes les régions, y compris celles considérées comme détendues([109]).

Aucune relance de la politique du logement ne pourra faire l’impasse d’un soutien renouvelé au secteur du logement social et conventionné, sous ses différents aspects : les ressources financières des organismes en charge de l’entretien, de la rénovation et du développement du parc, les mécanismes permettant d’optimiser l’utilisation du parc, et l’ensemble des mécanismes permettant de soutenir les salariés et les agents publics dans l’accès à des logements conventionnés abordables.

1.   Redonner aux secteur social les moyens financiers de produire du logement abordable

L’essentiel du parc locatif social est détenu par des bailleurs HLM, avec 4,4 millions de logements loués, ce qui représente près de 82 % du parc. L’analyse financière rétrospective sur les années 2016-2021 conduite dans la dernière édition de l’étude sur le logement social de la Banque des territoires atteste de la progressive fragilisation financière du secteur ([110]) : par exemple, en 2021, alors que les revenus locatifs ont progressé de 2 % en valeur, les charges d’exploitation des bailleurs sociaux ont augmenté de 4,8 %.

De même, on observe que la part des subventions directes apportées par l’État et les collectivités locales dans les plans de financement a baissé, comme le montre le graphique suivant.

Cette baisse n’a pas pu être compensée que par une augmentation du recours à l’emprunt et la mise de fonds propres par les organismes de logement social ([111]).

évolution des plans de financement moyens par logement

Source : Banque des territoires, Perspectives, l’étude sur le logement social, Édition 2023

Dans un contexte de hausse du taux du livret A qui est passé de 0,5 % à 1 % puis à 3 %, qui alourdit les charges financières des bailleurs à hauteur de 1,4 Md€ pour chaque point supplémentaire, la poursuite de « l’autofinancement » de l’investissement dans la production de logements sociaux est donc lourdement hypothéquée.

En effet, faute d’un soutien public à la hauteur des enjeux, la production de nouveaux logements risque de devenir une variable d’ajustement, la capacité d’investissement des organismes HLM étant entièrement absorbée par leurs obligations tenant à l’entretien du parc existant et à sa rénovation thermique.

Dès lors, la mission d’information appelle à la mise en place d’un véritable « choc de financement » des organismes HLM afin de permettre un « choc d’offre » dans la production de logements conventionnés et abordables.

Dans ce but, la mission d’information recommande trois mesures fortes.

Le président Stéphane Peu estime qu’il convient de corriger les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS) en vigueur depuis la loi de finances pour 2018 qui a consisté en une diminution simultanée du loyer dans les logements sociaux, accompagnée d’une réduction des aides personnelles au logement pour les locataires qui en bénéficient. Il en résulte une économie budgétaire annuelle de 1,3 Md€ pour l’État qui se traduit désormais par un déficit d’investissement de niveau équivalent dans la production de logements sociaux.

Sans se prononcer sur la pertinence initiale de la RLS, à une période où les taux d’intérêts étaient très faibles et dans le contexte des différentes réformes du secteur du logement social résultant de la loi Elan, le président considère que cette mesure a, désormais, des effets très majoritairement préjudiciables à une relance du secteur du logement.

Recommandation (président Stéphane Peu) : Revenir sur les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de restituer aux organismes HLM une capacité d’investissement supplémentaire annuelle de l’ordre de 1,3 Md€.

Ensuite, la mission d’information relève que l’ensemble des opérations de construction de logements sociaux ne bénéficie pas du taux réduit de TVA à 5,5 % aujourd’hui restreint principalement aux logements très sociaux financés en PLAI, aux acquisitions et améliorations des logements PLUS et aux opérations menées dans le cadre du NPNRU.

En revanche, les autres logements sociaux et le logement intermédiaire se voient appliquer un taux de TVA de 10 %.

Un taux unique de TVA de 5,5 % pour l’ensemble du logement social permettrait de réduire significativement les coûts de construction et constituerait une mesure de simplification, à rebours des approches trop segmentées du secteur.

Si l’incidence budgétaire de la mesure fiscale a pu être objectée à la mission d’information, celle-ci doit être mise en regard d’une part avec l’importance qui s’attache au logement, qui peut à bien des égards être qualifiée de « bien de première nécessité », et, d’autre part, avec les pertes des recettes budgétaires résultant de l’insuffisance actuelle de la production de logement : mieux vaut en effet une production élevée de logements auxquels est appliquée une TVA à taux réduit plutôt qu’une production faible supportant une TVA à taux plus élevé.

Recommandation : Étendre le taux de TVA de 5,5 % à l’ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés.

Enfin, l’État doit continuer à assumer pleinement son rôle majeur dans le financement du parc social en mettant un terme à son désengagement du financement du Fonds national d’aide à la pierre (Fnap), qui contribue aux opérations de développement, d’amélioration et de démolition du parc de logements locatifs sociaux.

Le Fonds national d’aide à la pierre (Fnap)

Créé le 1er juillet 2016, le Fnap est chargé de définir la programmation des aides à la pierre et, plus spécifiquement, leur montant par territoire et par catégorie de logement. Cogéré par l’État, les collectivités locales et le mouvement HLM, il a trois missions principales :

– simplifier et clarifier la programmation des aides à la pierre ;

– sécuriser et pérenniser le financement des aides à la pierre par la mutualisation des ressources ;

– associer plus étroitement les bailleurs sociaux et les collectivités locales à la définition de la politique de production de logements sociaux et à une meilleure répartition sur le territoire en fonction des besoins.

Instance de discussion, de réflexion et de décision sur les crédits consacrés aux aides à la pierre, le conseil d’administration du Fnap est chargé de fixer le montant des crédits attribués pour financer les opérations engagées, de déterminer le montant des nouvelles opérations à engager et de définir la programmation du montant de ces nouveaux engagements qui seront mis en œuvre localement par les services de l’État.

Alors qu’aux termes de l’article L. 435-1 du code de la construction et de l’habitation, les subventions et contributions de l’État figurent au nombre des ressources du Fnap ([112]), la mission d’information déplore que, depuis 2019, l’État n’ait plus apporté aucune contribution à ce fonds, comme le montre le tableau suivant.

Recettes du FNAP de 2018 à 2023

(en millions d’euros)

Recettes

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

375

375

75

75

75

75

Action Logement

50

50

350

350

350

300

État

38,8

0

0

8

0

0

Prélèvements Solidarité et renouvellement urbain 

0,38

0,43

0,5

1

0,4

0,5

Majoration Solidarité et renouvellement urbain 

28,35

27,6

25

35,5

27

35

Remboursement des fonds de concours

0

0

79,5

40,1

243,9

0

Fonds d’aménagement urbain

0

5,7

2,9

2,2

0,3

0

Total

492,6

458,9

533

503,8

696,6

410,5

Source : Assemblée nationale. Commission des finances, Rapport de M. François Jolivet, annexe 7 au rapport n° 1680 sur le projet de loi de finances pour 2024 : Cohésion des territoires, Logement et hébergement. p. 43.

La grande majorité des ressources du Fnap proviennent ainsi du secteur du logement social lui-même, au travers de la cotisation des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ou de versements d’Action logement, l’État ayant contraint ce dernier, chaque année depuis 2020, à se substituer à la CGLLS, à hauteur de 300 M€.

Ainsi que l’a indiqué à la mission d’information, M. Alain Gaulon, secrétaire confédéral de la Confédération nationale du logement (CNL) « de facto les aides à la pierre n’existent plus, ce qui signifie que le Gouvernement n’alloue plus de moyens pour la construction de logements sociaux et que le financement est assuré par Action Logement ou par les loyers des locataires ».

Ce constat est partagé par la première vice-présidente d’Intercommunalités de France pour qui, « la diminution des aides à la construction de logements à loyer réglementé du Fnap induit une diminution de l’offre de construction, même si elle est anticipée par les bailleurs ».

Si les aides du Fnap n’ont pas entièrement disparu, leur niveau est désormais très insuffisant et surtout, n’apporte pas de ressources supplémentaires aux bailleurs sociaux qui les autofinancent très largement.

Pour cette raison, le président et le rapporteur de la mission d’information s’accordent sur la nécessité d’augmenter les financements consacrés à la construction de logements et de garantir, sur le long terme, les ressources du Fonds national d’aide à la pierre.

Recommandation : Augmenter les contributions de l’État au fonds national d’aide à la pierre (Fnap).

Enfin, alors que la hausse des taux d’intérêts a accru la part que les bailleurs sociaux doivent consacrer à leurs charges financières, la mission d’information salue les efforts consentis par la Banque des territoires pour développer les offres de prêts à taux très préférentiels, déjà mentionnées (voir supra) visant non seulement à financer la construction de nouveaux logements sociaux ou très sociaux mais également à aider les bailleurs à atteindre les objectifs de performance thermique et environnementale. La mission d’information appelle donc à maintenir ces bonifications de taux dans la durée.

Recommandation : Maintenir dans la durée les financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires et y préserver la part consacrée à la rénovation thermique des logements.

 

2.   Optimiser l’utilisation du parc social

Le « choc d’offre » indispensable au sein du parc social doit être accompagné par des mesures permettant d’agir directement sur le déroulement du parcours résidentiel social, afin d’optimiser l’utilisation du parc.

a.   Renforcer l’adéquation entre les structures de l’offre et de la demande de logement social

Le rapporteur et le président de la mission d’information estiment indispensable de poursuivre activement l’aide apportée au logement social. Toutefois, si une augmentation du financement du logement social est nécessaire et pertinente, elle doit s’accompagner de garanties qui permettront de pallier les difficultés actuelles rencontrées par le parc.

La rotation du parc paraît aujourd’hui insuffisante et ce facteur de rigidité contribue, selon l’Ancols, à priver chaque année entre 200 000 et 250 000 demandeurs d’un logement social adapté à leurs besoins ([113]).

La mobilité au sein du parc social est en effet passée de 3,2 % à 2,7 % entre 2015 et 2018 ([114]). L’ancienneté d’occupation y est élevée, représentant presque le double de celle qui est observée dans le parc locatif privé ([115]). Contrairement au parc privé, le parc locatif social reste peu concerné par le phénomène de la vacance. Au 1er janvier 2021, 2,9 % des logements sont vacants, contre 8,9 % en 2018.

D’après l’ancien ministre délégué au logement Patrice Vergriete, « sur les quelque 2,4 millions de demandeurs d’un logement social, huit cent mille personnes sont déjà au sein du parc social : un tiers du problème concerne donc la mobilité au sein de ce même parc ».

● Une inadéquation entre la taille du ménage et la taille du logement occupé

Outre l’aspect quantitatif, la variable qualitative doit être prise en compte. En effet, les demandes de logement social non pourvues concernent en grande majorité des petites typologies.

Quelle que soit la méthode utilisée pour évaluer la typologie correspondant aux ménages dont les demandes ne sont pas pourvues, il ressort que la majorité des demandes non pourvues concernent des ménages qui ont besoin de logements T1 ou T2, c’est-à-dire des studios et des deux pièces. Ce sont entre 63 % et 72 % du total de la demande non pourvue qui seraient concernés.

Pour l’Ancols, il ressort de cette analyse que plus de sept logements nouvellement mis en service sur dix à l’échelle nationale devraient être des T1 ou des T2.

Si la taille des ménages dans le parc social est plus grande que dans le parc locatif privé – 21 % sont constitués de quatre personnes ou plus, contre 13 % dans le parc locatif privé – la physionomie des logements n’est plus adaptée à celle des demandeurs. Les deux tiers des logements locatifs sociaux sont composés de trois ou quatre pièces tandis que ce type de logement ne représente que 46 % des résidences principales.

Répartition des logements sociaux selon le nombre de pièces

Source : SDES, RPLS au 1er janvier 2021

Cette répartition du parc de logements sociaux est à mettre en regard des demandes qui émanent des ménages. En effet, près de 42 % des demandeurs auraient besoin d’un T1 tandis que 31 % des ménages demandent un T2. Cette problématique a été maintes fois soulignée à l’occasion des auditions de la mission d’information.

Le parc locatif social n’a pas su s’adapter à l’évolution des besoins et du profil des demandeurs. Il est donc nécessaire d’adapter la production de nouveaux logements sociaux eu égard à ce constat mais également de conduire des opérations de réaménagement des ensembles, nonobstant le coût élevé des travaux.

L’Union sociale pour l’habitat (USH) considère que le problème ne se situe pas au niveau des bailleurs puisque ces derniers sont volontaires pour transformer des T5 en T2 ou T3 mais dans le fait qu’ils n’ont pas le droit de procéder à ces modifications. De nombreuses collectivités territoriales seraient en effet réfractaires à de telles opérations qui ont pour effet d’augmenter le nombre de logements sociaux.

Le rapporteur et le président de la mission d’information plaident donc pour qu’un nouveau pacte financier entre l’État et le secteur du logement social comporte de nouvelles garanties tenant à l’organisation des parcours résidentiels. Pour cela, un véritable travail d’accompagnement doit être conduit auprès des bailleurs sociaux mais également auprès des locataires.

Recommandation : Assortir la hausse du financement du logement social de garanties tenant à l’organisation des parcours résidentiels, à la mobilité des locataires et à la gestion du parc existant.

L’amélioration de la gestion du parc social passe, inévitablement, par une facilitation des mutations et une mise en adéquation des besoins avec le logement occupé. Au cours des auditions conduites par la mission, de nombreux cas d’inadéquation entre la structure du ménage et la typologie du logement ont été évoqués.

On constate tout à la fois des situations de sur-occupation et des cas de sous-occupation, c’est-à-dire lorsque le nombre de pièces dans le logement est soit inférieur soit supérieur au nombre de personnes dans le ménage.

Pour l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), 20 % des logements sociaux sont actuellement sous-occupés à l’échelle de la métropole du Grand Paris. Cela s’explique par de nombreux cas dans lesquels le logement compte deux pièces de plus que le nombre d’occupants. Dans 5 % des cas, le décalage s’élève à trois pièces.

Pour la première vice-présidente d’Intercommunalités de France, le problème réside dans le desserrement des familles. Elle constate sur son territoire que de nombreux logements à loyers réglementés de grande taille ne sont plus occupés que par les parents. Elle juge nécessaire d’inciter les personnes concernées par cette sous-occupation à trouver un logement plus petit.

Le principal problème réside dans l’indisponibilité des logements de petite surface qui ne sont pas déjà disponibles. Aux termes de la fédération, « il faut donc se départir de l’idée selon laquelle si on résolvait l’équation de la sousoccupation des logements sociaux, davantage de personnes pourraient y accéder ».

La problématique de mauvaise allocation des logements sociaux ne se pose toutefois pas avec autant d’acuité sur tout le territoire et, comme le souligne le professeur Jean-Claude Driant, c’est naturellement là où le marché est très tendu qu’il faut s’en préoccuper par priorité. Pour autant, « il ne faut pas non plus penser qu’une veuve seule dans un T4 va déménager dans un studio : elle a des meubles, elle veut recevoir ses petits-enfants et c’est légitime ».

L’Association Force ouvrière Consommateurs (Afoc) souligne qu’il est fréquent qu’un locataire refuse l’offre qui lui est faite par un bailleur pour un logement plus petit – car plus adapté à la typologie de son ménage – mais dont le loyer est plus élevé au mètre carré.

S’y ajoutent les coûts liés au déménagement ou aux ouvertures de compteurs : autant d’éléments de blocage, en particulier pour les locataires les plus modestes, alors que le gain collectif d’un déménagement dans une surface adaptée serait important.

Ancien vice-président de la fédération nationale des offices HLM et membre du comité exécutif de l’Union sociale pour l’habitat, le président de la mission d’information est particulièrement sensible à cet enjeu. Il n’est pas envisageable que les occupants se voient proposer un logement plus petit au même prix voire à un prix plus élevé, sans compter les frais induits par un déménagement ou l’ouverture des compteurs du nouveau logement. L’incitation au changement de logement doit donc être accompagnée de contreparties offertes par le bailleur.

Recommandation : Mieux organiser les mutations au sein du parc social, en incitant les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit grâce à des contreparties financières (garantie d’absence de hausse du loyer, prise en charge sous conditions de ressources de certains frais liés au déménagement).

● La question de l’adéquation entre les plafonds de revenus réglementaires et les revenus des locataires

Outre la composition du ménage, le revenu est un enjeu fort. De nombreux ménages sont entrés dans le parc locatif social à un moment où leurs revenus leur permettaient d’y être éligibles, sans qu’ils ne l’aient quitté dès lors que leurs revenus dépassaient les plafonds établis.

Le revenu du ménage est la principale condition pour obtenir un logement social. Ce montant maximum varie selon le nombre de personnes à loger et la localisation du logement demandé.

Montant maximal pour l’obtention d’un logement social : exemples

Pour un ménage qui cherche à obtenir un logement à Paris et dans les communes limitrophes, qui ne présente pas de caractéristique spécifique – absence d’une personne à mobilité réduite – et qui se compose de trois personnes, le montant total maximal des revenus annuels de 2022 est fixé à 66 333 euros. Ce montant est de 79 197 euros s’il s’agit d’un ménage composé d’une personne seule avec deux personnes à charge.

Pour un ménage qui cherche à obtenir un logement dans le reste de l’Île-de-France et qui se compose d’une seule personne, le montant total des revenus 2022 ne doit pas excéder 33 857 euros.

Les montants maximums d’entrée dans le parc social sont donc clairement définis. Il devient plus difficile de les faire respecter dès lors que les occupants du parc social connaissent une évolution de leurs revenus.

 

Cependant, à des fins de mixité sociale et pour garantir la sécurité du locataire du parc social, une hausse des revenus ne saurait se traduire mécaniquement par une privation du droit d’occuper le logement, a fortiori lorsque cette modification résulte du changement de la composition du ménage, par exemple au moment du départ des enfants.

Le supplément de loyer de solidarité (SLS)

Codifié aux articles L. 441-3 et suivants du code de la construction et de l’habitation, un supplément de loyer de solidarité (SLS), appelé surloyer, peut être demandé au locataire lorsque les revenus de celui-ci dépassent d’au moins 20 % les revenus maximums à respecter pour l’attribution d’un logement social.

Sont dispensés du paiement du surloyer les logements qui se trouvent dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans une zone classée quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ou si le logement est de type prêt locatif intermédiaire (PLI). Le calcul du surloyer prend en compte trois paramètres : la surface habitable du logement en m2 (SH) ; le coefficient de dépassement du plafond de ressources d’attribution d’un logement locatif social (CDPR) ; e montant en euros au m2 de surface habitable, appelé supplément de loyer de référence (SLR), fixé par zone géographique d’implantation du logement.

Le calcul du montant mensuel du surloyer repose sur la formule suivante :

Surloyer = SH × CDPR × SLR

Le montant annuel du loyer (hors charges) augmenté du montant annuel du surloyer ne peut pas dépasser 30 % du total des revenus annuels des personnes logées.

Valeur du coefficient de dépassement du plafond de ressources (CDPR)

Dépassement des revenus maximums pour l’attribution du logement

Valeur du coefficient de dépassement à appliquer

De 20 %

0,27

De 21 % à 59 %

0,06 pour chaque nombre entier de l’intervalle

De 60 % à 149 %

0,08 pour chaque nombre entier de l’intervalle

À partir de 150 %

0,1 pour chaque nombre entier de l’intervalle

Valeur du supplément de loyer de référence (SLR)

Zone géographique

Montant mensuel par m2 habitable

Ile-de-France

Paris, commune limitrophe

3,01 euros

Autre commune de l’agglomération parisienne

Zone d’urbanisation,  Ville nouvelle

2,41 euros

Autres territoires en Île-de-France

1,21 euro

Province

Agglomération ou communauté urbaine de plus de 100 000 habitants

Commune rattachée à un EPCI

Zone d’urbanisation,  Ville nouvelle

1,21 euro

Autre territoire en province

0,30 euro

La règlementation des loyers au regard des revenus des locataires doit viser le double objectif d’une part de réserver le parc social aux ménages remplissant les conditions et étant en attente d’un logement, et, d’autre part, de contribuer à la diversité sociale dans les résidences et les quartiers.

À cet égard, le mission d’information a écarté la piste d’un abaissement du seuil d’application des surloyers, tout en relevant la diversité des situations selon les territoires : lors de son audition, la fédération Intercommunalités de France a en effet considéré que, dans les situations où un trop grand nombre de locataires du parc social sont redevables d’un surloyer, « on s’éloigne de la logique de baux à caractère social » et le bailleur devrait pouvoir être en mesure de contractualiser avec les locataires afin qu’ils ne relèvent plus du logement social.

Pour qu’elle remplisse pleinement l’objectif qui lui est assigné – le rapporteur de la mission d’information propose cependant que l’application du surloyer, régie aujourd’hui par des règles nationales uniformes sur l’ensemble du territoire, puisse être mieux adaptée aux territoires en fonction des besoins.  Ainsi, les différents paramètre (taux de déclenchement ou modalités de calcul du supplément) pourraient être mieux ajustés en fonction des conditions locales effectives de rotation du parc social.

b.   Faire contribuer le logement intermédiaire à la diversification de l’offre sans affaiblir les objectifs de production de logements sociaux

À l’occasion de son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a fait état de la volonté du Gouvernement d’intégrer le logement intermédiaire (LLI) dans les objectifs fixés aux communes par la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) pour satisfaire leurs obligations en matière de logement social et abordable, dont l’objectif de 25 % de logements sociaux en 2025.

Le président de la mission d’information attire l’attention sur les risques que présente cette approche alors que seuls 3% des 2,6 millions de ménages en attente de logement social ont des revenus permettant d’accéder au logement intermédiaire.

Comme l’avait relevé l’USH lors de son audition par la mission d’information, les bailleurs sociaux ont certes la capacité de produire des logements intermédiaires et ce type de produit est de nature à améliorer l’équilibre économique des opérations et à favoriser la mixité sociale au sein de l’ensemble du parc qu’ils gèrent mais l’approche doit être prudente, car le logement intermédiaire n’est pas la solution adaptée à la plus grande majorité des demandeurs de logements sociaux.

Selon les termes des représentants de l’Association Force ouvrière Consommateurs (Afoc) auditionnés par la mission d’information, il est aujourd’hui nécessaire de « construire une majorité de logements sociaux et très sociaux et arrêter de penser que les logements intermédiaires seraient l’avenir de la production ».

Si le développement du logement intermédiaire peut être opportunité de diversification de l’activité des bailleurs et permet d’offrir de nouveaux produits à des ménages de la classe moyenne, notamment au début de leur vie professionnelle, la mission appelle à ce que le développement de ce segment ne se fasse pas au détriment de celui du logement social.

c.   Encourager l’accession sociale à la propriété

L’optimisation du parc social suppose également d’encourager l’accession sociale à la propriété, qui permet à des ménages modestes d’accéder à la propriété, et donc les locataires ou demandeurs de logements sociaux peuvent être les bénéficiaires.

À cet égard, la mission déplore la faible utilisation des différents dispositifs en valeur de l’accession sociale à la propriété :

– Les prêts conventionnés (PC) et le prêt à l’accession sociale (PAS), en fort recul de plus de 40 % depuis 2017, en particulier en raison de la disparition de l’APL accession, qui était cumulable avec le PAS, ce qui a fait perdre de son attrait à ce dispositif ;

– le prêt social location-accession (PSLA), créé en 2004, qui facilite l’accès à la propriété d’un ménage modeste sans apport initial, au moyen d’un prêt conventionné consenti par un établissement de crédit à un opérateur agréé par l’État, afin de financer la construction ou l’acquisition de logements neufs qui feront l’objet d’un contrat de location-accession. Or on constate une baisse des nombres de nouveaux logements agréés pour le PSLA, passé de 8 080 en 2016 à 5 648 en 2022.

Malgré les traitements fiscaux avantageux de ces différents dispositifs, la baisse de leur attractivité provient des effets du coût du foncier.

À cet égard, une piste prometteuse réside cependant dans le bail réel solidaire (BRS), créé en 2015 ([116]) qui repose sur une dissociation de très longue durée entre le foncier et le bâti. En effet, les prix immobiliers dans les zones tendues sont souvent portés par le prix très élevé des terrains. Dissocier la valeur de ces derniers et de la construction est un moyen de réduire considérablement le prix des logements.

En signant un BRS d’une durée comprise entre 18 et 99 ans, l’acquéreur achète uniquement le logement et loue le terrain à un organisme foncier solidaire (OFS) agréé par le préfet de région, dont la mission est d’acquérir et de gérer des terrains en vue de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété et à la location pour les ménages les plus modestes.

L’éligibilité au BRS dépend de la typologie du logement et la composition du ménage, de la proximité avec le lieu de travail et du fait d’être locataire dans le parc social, et enfin des revenus du ménage qui ne doivent pas dépasser certains plafonds.

Plafonds de ressources 2023

Source : Action Logement

Le ménage preneur doit acquitter une redevance auprès de l’OFS, au titre du foncier dont ce dernier reste propriétaire. En cas de revente, le prix de vente est limité aux fins de permettre à un nouveau ménage modeste, répondant aux conditions de ressources susmentionnées, d’accéder à la propriété. Les acquéreurs bénéficient d’une garantie de rachat du logement par l’OFS ainsi que d’une TVA réduite à 5,5 %. Certaines collectivités prévoient également la possibilité d’un abattement de taxe foncière, de 30 % à 100 %.

Cependant, le nombre de BRS livrés reste trop faible : seulement 690 BRS livrés au 20 juin 2023 depuis le lancement du dispositif. Lors de leur audition par la mission d’information, les représentants de la Banque des territoires ont ainsi qualifié le BRS d’initiative intéressante mais qui reste « de niche », tout comme la fédération Intercommunalités de France.  La majorité des ménages acquéreurs de BRS sont issus du parc locatif, parmi lesquels 49 % du parc privé et 34 % du parc social.

La mission d’information salue cependant la montée en charge des OFS, preuve de leur pertinence, bien qu’inégalement mobilisés sur le territoire : fin 2022, 129 agréments OFS ont été délivrés, contre 96 fin 2021 et cette dynamique est, pour l’essentiel, portée par les organismes de logements sociaux.

Recommandation : Mieux organiser les mutations au sein du parc social en favorisant l’accession sociale à la propriété.

3.   Mobiliser les employeurs privés et publics

Les liens entre l’accès au logement et l’insertion professionnelle sont nombreux.

D’une part, dans les territoires à taux d’emploi relativement élevé, notamment les centres des métropoles, les salariés peuvent avoir des difficultés à trouver un logement près de leurs lieux de travail, ce qui rend leurs conditions de travail plus difficile et détériore la qualité de l’emploi. L’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) a souligné devant la mission l’enjeu des tensions immobilières dans les zones attractives où de nombreuses entreprises ont du mal à recruter parce que les salariés ne parviennent pas à trouver un emploi à proximité de leur lieu de travail.

D’autre part, dans les territoires cherchant à attirer de nouvelles populations dans des bassins d’activités, la stratégie de réindustrialisation doit s’appuyer sur une politique de logement à destination des nouveaux salariés. La Banque des territoires insiste à cet égard sur la nécessité d’anticiper les besoins de logement appelés par la revitalisation industrielle du territoire métropolitain.

Selon une enquête conduite par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en novembre 2023, près d’un recrutement sur cinq ne se fait pas en raison des difficultés pour se loger à proximité des entreprises ([117]).

Pour l’économiste Pierre Madec, le logement cher est inévitablement un frein à l’accessibilité des emplois. Si cette dynamique est ancienne, elle s’est renforcée en raison du blocage des parcours résidentiels : l’incapacité d’accéder à la propriété empêche la libération des logements loués dans le parc privé.

Les enjeux à cet égard sont particulièrement marqués dans les territoires ultramarins, où les emplois se concentrent plus encore dans les villes qui manquent de logements, lesquels se trouvent majoritairement dans des communes à faible activité économique.

a.   Permettre aux employeurs d’offrir à leurs salariés un accès à un logement abordable à proximité de leur lieu de travail

Le lien entre l’emploi et le logement conduit de façon croissante les collectivités territoriales à se saisir de l’enjeu, comme en a attesté avec force, lors de son audition, la fédération Intercommunalités de France et comme en témoigne l’initiative prise par la première vice-présidente d’Intercommunalités de France de construire un immeuble de logements loués sur le mode « Airbnb » dans sa ville, en prévision de l’arrivée de mille emplois d’ici aux années 2025-2026, afin de pouvoir accueillir des salariés en période d’essai, des ingénieurs ou encore des médecins…

Ainsi, les logements en cours de construction au sein de sa commune ont été préalablement présentés aux entreprises. Sont également prévus divers aménagements à proximité de ces nouveaux logements afin de créer « un écosystème en ville, destiné à assurer la symbiose avec les entreprises car les TPE et les PME sont très importantes ». Pour cela, les entreprises ont été incitées à réserver des logements pour leurs salariés tandis que leur participation financière aux coûts de construction est à l’étude.

Surtout, le lien entre l’emploi et le logement est au fondement de la PEEC (voir supra) et du financement par les employeurs d’Action Logement.

À cet égard, la mission d’information insiste sur la situation des petites et moyennes entreprises, qui ne semblent pas bénéficier d’un même accès que les grandes entreprises à l’offre de services d’Action Logement. Cette différence s’explique essentiellement par la possibilité ouverte par Action Logement d’une surcotisation des grands groupes, au-delà des obligations réglementaires résultant de la PEEC, aux fins d’obtenir davantage de droits de réservation pour leurs salariés.

L’équité doit être rétablie. Dans ce but, la publicité des attributions de droits de réservation à l’ensemble des entreprises cotisantes est une première étape. Sans aller jusqu’à interdire aux grandes entreprises de surcotiser, une priorité dans l’accès au logement doit être offerte aux salariés des petites et moyennes entreprises dans les cas où le salarié d’une grande entreprise bénéficie d’une autre forme d’aide au logement (aides financières, prêts bonifiés, etc.).

Le rapporteur et le président de la mission d’information appellent donc à rapprocher l’offre de services d’Action Logement des besoins des PME. C’est une nécessité en particulier pour préserver l’emploi salarié dans les centres-villes en zones tendues, où les PME ne sont pas en mesure de développer leurs propres programmes d’aides et d’accompagnement au logement des salariés, au contraire de ce qu’ont pu développer des grandes entreprises telles qu’EDF ou la SNCF.

Recommandation : Rapprocher l’offre de services d’Action Logement des besoins des petites et moyennes entreprises (PME)

En outre, comme déjà indiqué (voir supra), la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte » a relevé de 20 à 50 salariés le seuil d’assujettissement à la PEEC, ce qui a eu le double effet de priver Action Logement de plus de 300 M€ de ressources par an et de rompre tout lien financier avec les plus petite PME, alors même que le prélèvement correspond, de facto, à une cotisation accordant des droits de tirage.

Étendre l’assiette de cotisations d’Action Logement permettrait de consolider son action à partir de ses fondamentaux, c’est-à-dire le logement des salariés.

Recommandation : Assujettir à la participation de l’employeur à l’effort de construction (Peec) l’ensemble des entreprises de plus de dix salariés afin d’établir un lien financier entre Action logement et l’ensemble des PME.

Enfin, la mission d’information considère que la question du logement des salariés devrait pouvoir être traitée au niveau des branches professionnelles, qui bénéficient d’une vue d’ensemble des différentes problématiques rencontrées par leurs entreprises

Cela permettrait notamment le partage de bonnes pratiques et une mutualisation des moyens financiers consacrés à cette problématique. L’accès au logement étant un problème global, une réponse mutualisée a tout son sens.

Encore peu développée la mobilisation des branches professionnelles pour l’accompagnement des salariés offre néanmoins certains exemples. Le plus notable est celui consacré aux intérimaires, au travers du Fonds d’action sociale du travail temporaire (Fastt). Toutes les entreprises de la branche sont redevables d’une contribution à hauteur de 0,146 % de la masse salariale intérimaire. En contrepartie, le Fastt accompagne les intérimaires dans leur recherche d’emploi au travers de différents outils, d’un service de paiement des loyers à date certaine et la conclusion de partenariats. En 2022, 41 260 intérimaires ont été accompagnés dans leur projet de logement. Ce modèle, qui fonctionne, gagnerait à être généralisé à d’autres filières professionnelles volontaires qui sont exposées à des risques de logement.

Recommandation : Mobiliser les branches professionnelles pour faciliter l’accompagnement des salariés.

b.   Permettre l’accès à un logement abordable pour les agents publics

Enfin, la mission d’information alerte sur l’enjeu que constitue l’accès des agents publics (fonctionnaires et contractuels des trois fonctions publiques) au logement. Il n’est pas acceptable que des agents qui remplissent des missions de service public essentielles puissent se trouver en situation de précarité concernant leur logement, ou soient contraints à faire des heures de trajet chaque jour pour rejoindre leur lieu de travail.

Alors que la France comptait en 2021 près de 5,67 millions d’agents dans la fonction publique, il n’y existe pas d’équivalent au 1 % logement, au point que le logement des agents publics peut être qualifié d’impensé du système d’attribution des logements sociaux, depuis que les anciens contingents préfectoraux, censé permettre d’attribuer une partie de ces logements aux fonctionnaires sont sollicités par d’autres catégories de publics prioritaires.

Longtemps négligé, cet enjeu fait désormais l’objet d’une attention renouvelée du Gouvernement manifestée par l’annonce de la création, courant 2024, d’une nouvelle délégation interministérielle au logement des agents publics (DILOAP).

Le 10 juillet 2023, le ministre de la transformation et de la fonction publiques avait ainsi réuni le premier Comité interministériel pour le logement public et annoncé quatre premières mesures portant sur le logement des agents publics :

– la mise en place d’une plateforme d’offres de logements dédiée aux agents publics, regroupant les aides et les informations à leur disposition ;

– la signature d’une convention entre l’État, l’Union sociale pour l’habitat (USH) et la fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM afin d’accompagner les agents dans leur parcours d’accès à la propriété ;

– une mission portant sur « les outils à mobiliser pour améliorer l’accès au logement des agents publics », confiée au député M. David Amiel ;

– la construction de 500 logements en Île-de-France.

En décembre 2023, le Gouvernement a également signé un partenariat avec CDC Habitat afin de faciliter l’accès des agents publics au parc social et intermédiaire.

Le président et le rapporteur de la mission d’information saluent ces initiatives mais redoutent qu’une addition de mesures ponctuelles peinent à apporter une réponde se fond, sur la durée, à la hauteur des mécanismes anciens par lesquels la puissance publique prenait directement en charge le logement de ses personnels, à l’exemple des différentes foncières établies pour faciliter le logement des militaires ou des agents de certaines sociétés publiques comme la SNCF par exemple.

Une intervention renouvelée de l’État serait justifiée à l’exemple des pistes présentées, en juin 2016, dans le cadre d’une mission confiée par la ministre de la décentralisation et de la fonction publique à Alain Dorison et Chantal Chambellan Le Levier ([118]) visant à proposer des mesures permettant de favoriser l’accès au logement des agents publics. Les auteurs avaient proposé de constituer un fonds public dédié prioritairement au logement des agents publics et disposant des moyens de conjuguer l’apport de foncier public grâce à des instruments juridiques adaptés, comme le bail emphytéotique, et des capacités de financement d’investisseurs extérieurs, parmi lesquels il était proposé de faire figurer l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP).

La constitution d’un tel fonds pourrait justifier de lui attribuer une cotisation assise sur la rémunération des agents, sur un modèle comparable à celui de la PEEC, afin de dégager de nouvelles ressources permettant d’investir dans le logement social à destination des agents publics, ainsi qu’au travers de partenariats avec les bailleurs sociaux et avec Action logement.

La mission d’information propose donc de développer à destination des agents publics, une offre de services comparable à celle d’Action Logement pour les salariés.

Recommandation : Développer, pour les agents publics, une offre de services comparable à celle d’Action Logement, financée le cas échéant par une cotisation assise sur la rémunération des agents.

C.   Agir sur tous les leviers qui améliorent le marchÉ du logement afin d’accroître la mise à disposition de résidences principales

L’essentiel du parcours résidentiel de nos concitoyens intervient au travers de la mise en relation de ménages demandeurs de logements à l’achat ou à la location avec d’autres ménages propriétaires de logements, soit en tant que vendeurs d’un bien immobilier, soit en tant que bailleurs privés.

Dès lors, il convient de jouer sur l’ensemble des leviers qui incitent les ménages propriétaires à mettre à disposition des biens immobiliers susceptibles de constituer, aux différentes étapes du parcours résidentiel, une résidence principale.

1.   Sécuriser les propriétaires et les locataires

En premier lieu, il convient de lever tous les freins qui peuvent dissuader des particuliers propriétaires de mettre en location leurs logements notamment au regard des risques d’impayés, ce qui passe par la recherche d’un équilibre entre les garanties fournies aux bailleurs et les protections accordées aux locataires.

Cela nécessite donc de poursuivre les réformes en cours tendant à moderniser les rapports locatifs, et à soutenir les mécanismes d’intermédiation qui réduisent les risques tant pour les bailleurs que pour les locataires.

a.   Aux garanties nouvelles pour les propriétaires…

L’offre effective de logements peut être fragilisée par le sentiment des propriétaires que la loi serait déséquilibrée à leur encontre, alors même qu’ils sont appelés à satisfaire des obligations nouvelles d’encadrement des loyers ou des obligations croissantes d’investissement en matière de rénovation énergétique. Dans ce contexte, le rééquilibrage des rapports locatifs vise à contribuer à éviter que certains ne renoncent à mettre leur bien en location, au détriment des parcours résidentiels de ménages non-propriétaires.

Dans ce but, la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ([119]), issue d’une initiative parlementaire de Guillaume Kasbarian, a récemment cherché à simplifier le contentieux locatif, qui ne concerne que moins de 5 % des locataires ([120]) mais constitue un risque qui peut dissuader des ménages disposant de logements de les proposer à la location comme résidence principale.

Principales dispositions de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

La loi a généralisé les clauses résolutoires de plein droit, qui permettent au bailleur de résilier le bail lorsque le locataire manque à ses engagements, notamment le paiement du loyer et des charges. La loi a en outre subordonné à une demande expresse du locataire et à la reprise du paiement du loyer avant la date de l’audience la faculté du juge de suspendre les effets de ces clauses en accordant une expulsion conditionnelle.

La loi a également accéléré la procédure contentieuse locative. Alors que la durée entre le premier impayé et le départ effectif des locataires défaillants peut parfois atteindre voire dépasser deux ans, la loi a procédé à la réduction de quatre des délais qui structurent la procédure contentieuse locative :

– le délai minimal légal entre la délivrance du commandement de payer et l’assignation en justice a été ramené à un mois, contre deux mois antérieurement ;

– un délai minimal de six semaines, contre deux mois antérieurement devra ensuite s’écouler avant la tenue de l’audience 

– si le juge prononce à l’audience une décision d’expulsion ferme, le locataire de mauvaise foi devra quitter les lieux immédiatement et ne pourra plus bénéficier du délai de deux mois qui lui était accordé ;

– les délais que le juge peut octroyer aux locataires dont le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales ou dont l’exclusion aurait des conséquences d’une exceptionnelle dureté ne pourront être compris qu’entre un mois et un an, contre trois mois à trois ans antérieurement.

 

En parallèle, la loi a renforcé la prise en charge sociale des locataires en situation d’impayés, en systématisant le signalement des commandements de payer à destination des commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex).

En outre, alors que les diagnostics sociaux et financiers (DSF) qui éclairent le juge sur la situation sociale du locataire et sa capacité à apurer ses dettes n’étaient, jusqu’alors, élaborés qu’à partir de l’assignation en justice, les DSF seront désormais réalisés dès le stade du commandement de payer, puis mis à jour pour l’audience judiciaire.

Le rapporteur de la mission d’information invite à procéder à l’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositions et suggère d’engager une réflexion sur une démarche de simplification d’ensemble du droit de bail.

Si celui-ci apporte aujourd’hui des garanties essentielles, et non contestées, pour les locataires, et impose des sujétions justifiées au propriétaire, une plus grande place pourrait utilement être laissée à la liberté de contracter entre les parties, par exemple pour faciliter les sous-locations en cours de bail sans autorisation du propriétaire au cas par cas.

À cet égard, le rapporteur attire l’attention sur la proposition qui lui a été présentée par le think tank Génération Libre, consistant à mettre en place un nouveau type de bail simplifié par lequel :

– les parties choisiraient librement les principaux termes du bail, sous réserve du respect de clauses d’ordre public tendant à la remise d’un bien salubre et sûr au locataire,

– et les parties s’obligeraient mutuellement à un système de médiation pour régler les litiges.

L’enjeu est bien celui d’apporter une sécurité juridique à chacune des parties : pour le locataire, un accompagnement d’urgence en cas d’incapacité à payer, et, pour le propriétaire, une garantie la récupération immédiate du bien en cas d’absence de paiement.

b.   … doivent répondre des protections supplémentaires pour les locataires

Plus encore que par le droit du bail ou le contentieux locatif, les craintes d’impayés de loyer font peser une charge sur les locataires confrontés au durcissement des exigences des propriétaires qui exigent des cautions multiples, des garanties privées de loyers impayés ou des niveaux de revenus plus élevés que nécessaire, ce qui multiplie les obstacles pour l’accès au logement dans le parc privé.

● En conséquence, l’action publique doit chercher à soutenir les mécanisme d’intermédiation et d’information qui facilitent une relation de confiance sur le marché locatif.

À cet égard, l’intermédiation locative permet de sécuriser et de simplifier la relation entre le locataire et le bailleur, grâce à l’intervention d’un tiers social, agréé par l’État.

Des mécanismes de location ou sous-location (par exemple Solibail ou, à Paris, « Louer solidaire et sans risque ») ou encore de mandat de gestion, permettent au propriétaire de bénéficier d’une garantie de paiement des loyers et des charges, et au locataire de bénéficier d’un accompagnement social.

Si ces mécanismes visent aujourd’hui principalement les locations à des ménages en grande précarité, sortant par exemple des dispositifs d’hébergement et ne trouvant pas de logement sur le marché, la mission d’information invite à explorer toutes les voies permettant d’en élargir le champ.

La mission d’information invite en outre à soutenir les acteurs publics de l’information locative, dont l’Agence nationale d’information sur le logement (Anil) et le réseau des agences départementales (Adil), constituées sous la forme de 79 associations présentes dans 85 départements.

Outre un important travail d’information pour plus de neuf cent mille consultations sur l’ensemble du territoire, ce réseau agit pour prévenir les expulsions en permettant une mobilisation des acteurs très en amont, dès l’apparition du premier impayé, qui est essentielle pour résoudre les problèmes.

À cet égard, il paraît opportun d’accorder aux agences départementales la compétence de réaliser des actes administratifs contentieux ou commerciaux, ce qui leur donnerait plus de possibilités de conduire des médiations, notamment dans le cadre des rapports locatifs. Cela nécessite de modifier l’article L. 366-1 du code la construction et de l’habitation relatif aux organismes d’information sur le logement afin d’y indiquer, sans ambiguïté, que les agences départementales peuvent conduire des médiations.

En outre, la mission d’information appelle à conforter le financement des Adil et de l’Anil et à écarter toute perspective de désengagement de l’État.

Le financement des agences départementales d’information sur le logement

Les agences départementales d’information sur le logement (Adil) bénéficient d’un financement principalement tripartite comprenant une contribution de l’État, d’Action Logement, des collectivités territoriales et le cas échéant d’autres partenaires. Le financement moyen d’une Adil s’élevait à environ 530 000 euros en 2021, et à 650 000 euros en intégrant des actions spécifiques et les Espaces Info Énergie.

En 2021, la part des collectivités locales dans le financement des Adil était de 43 %, dont 23 % pour les conseils départementaux et 18 % pour les communes et les EPCI et 2 % pour les régions. Les subventions émanant de l’État, d’Action Logement et de la Caisse de garantie du logement locatif social représentaient alors environ 40 % des ressources (hors actions spécifiques). Le reste des ressources provient des autres membres, au premier rang desquels les caisses d’allocations familiales.

Les rémunérations pour missions spécifiques (animation des plans départementaux pour l’hébergement et le logement des personnes défavorisées (PDLHPD), chargés de mission prévention d’expulsion (PEX), équipes mobiles d’instruction sur le droit au logement opposable (DALO), demande de logement social) représentent 18 % du total des budgets consolidés des Adil.

La subvention de l’État est stable depuis plusieurs années, autour de 9,4 M€, inscrits sur le programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Cohésion des territoires. S’y ajoute une contribution d’Action Logement à hauteur de 9 M€ par an pour l’ensemble du réseau.

La mission d’information invite à veiller tout particulièrement à ce que ces dotations soient non seulement maintenues mais également rehaussées, car leurs montants n’ont pas été réévaluées depuis très longtemps alors que l’activité des Adil et l’Anil s’est fortement développée.

Recommandation : Promouvoir les mécanismes d’intermédiation locative et conforter les acteurs territoriaux de l’information sur le logement.

La sécurisation des loyers pour le parc locatif privé peut en outre bénéficier, depuis 2014, de la garantie Visale, instituée à l’initiative des partenaires sociaux et en accord avec l’État, par laquelle Action Logement apporte une caution à un locataire. Cette garantie couvre les loyers et charges impayés ainsi que les réparations locatives. Action Logement verse les sommes dues au bailleur et se fait ensuite rembourser par le locataire, selon un échéancier aménagé en fonction de sa situation financière.

La couverture comprend trente-six mois de loyers maximum dans le parc privé et neuf mois dans le parc social. Visale couvre par ailleurs les dégradations locatives pour les logements relevant du parc locatif privé. Les frais de remise en état, en cas de dégradations imputables au locataire, sont couverts jusqu’à deux mois de loyer et charges inscrits au bail, après déduction du dépôt de garantie.

La garantie est accordée à des publics spécifiques : jeunes de moins de 31 ans, salariés du secteur privé en période d’essai ou disposant d’une promesse d’embauche de moins de trois mois, salariés gagnant jusqu’à 1 500 euros nets par mois ou en mobilité professionnelle, enfin locataires d’un logement loué avec un bail mobilité ou par l’intermédiaire d’un organisme d’intermédiation locative.

La dernière convention liant Action Logement à l’État fixait une chronique de financements consacrés à Visale en forte hausse, passant de 25 M€ en 2018 à 122 M€ en 2022, mais les coûts effectifs ont été inférieurs.

La convention quinquennale 2023-2027 liant Action Logement à l’État attribue à la garantie Visale 520 M€ en cinq ans et prévoit de l’étendre aux saisonniers et aux indépendants, soit deux millions de ménages supplémentaires.

La loi de finances pour 2024 a apporté une modification technique aux garanties financières que l’État apporte à Action Logement, ce qui a notamment permis de sécuriser le financement de Visale.

Depuis son lancement effectif en 2016, le dispositif a bénéficié à près d’un million de personnes, dont plus de 282 600 ménages en 2022.

La mission d’information relève que les professionnels de l’immobilier, qui gèrent pourtant la majorité des logements du parc privé (environ 55 % des baux), ne représentent qu’une minorité des contrats Visale. Ces professionnels ont en effet plus largement recours aux garanties assurantielles dont ils dégagent un intérêt négocié avec leur assureur, ou à la caution parentale (ou d’un tiers) : or l’une comme l’autre peuvent constituer des freins à l’accès à un logement en location, soit parce qu’ils en accroissent le coût, soit parce qu’ils en écartent les personnes disposant de peu de garanties familiales. La mission d’information invite donc les fédérations de professionnels de l’immobilier à promouvoir plus largement la garantie Visale auprès de leurs réseaux.

Recommandation : Soutenir la montée en charge du dispositif Visale

Cependant la garantie Visale peut apparaître comme une réponse de second rang à l’enjeu de sécurisation des relations entre bailleurs et locataires, dans la mesure où son public cible ne comprend pas les retraités, les personnes en recherche d’emploi, ni les agents publics, et surtout en raison du fait que sa portée n’est pas universelle : elle peut dès lors être considérée comme un « stigmate » pour les locataires les moins favorisés qui en bénéficient, certains bailleurs préférant alors louer à des personnes bénéficiant de garants privés.

Ces arguments incitent à engager à nouveaux frais une réflexion sur la mise en place d’une garantie universelle des loyers (GUL), à l’image du dispositif établi par l’article 23 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur » ([121]), qui était supposée entrer en vigueur le 1er janvier 2016 mais dont aucun décret d’application n’avait été publié et qui avait été abrogé en 2018 par la loi Elan ([122]).

Pour mémoire, la loi Alur prévoyait la mise en place d’une Agence de la garantie universelle des loyers sous forme d’un établissement public administratif, intervenant au travers de centres de gestion mettant en œuvre une garantie consistant à assurer l’indemnisation d’un propriétaire subissant un impayé de loyer, définir et mettre en œuvre des mesures d’accompagnement social pour les locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la GUL et se retourner vers le locataire en situation d’impayé pour récupérer l’aide versée au propriétaire.

Le rapporteur estime, quant à lui, nécessaire de réfléchir à un dispositif équivalent et visant à sécuriser les rapports locatifs, l’objectif étant dans tous les cas de redonner confiance aux propriétaires.

Recommandation (président Stéphane Peu) : Engager une réflexion visant à la mise en place d’une garantie universelle des loyers (GUL)

2.   Pour une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace

● Dans un récent et important rapport sur la fiscalité du logement ([123]), le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a examiné l’ensemble des prélèvements intervenant aux différentes étapes du « cycle de vie » du logement : la construction, l’acquisition, la rénovation, la détention, la location et enfin la cession.

Cette approche a mis en évidence le fait qu’il existe d’importantes marges de manœuvre pour que les dispositifs fiscaux contribuent à la mobilisation du parc existant, afin d’améliorer le parcours résidentiel, sans modifier de façon globale le niveau des prélèvements obligatoires.

● Figurés dans le schéma suivant, les prélèvements fiscaux sur le logement atteignent, en France, 91,5 Md€ en 2022, soit 3,5 % du PIB et 7,6 % des prélèvements obligatoires.

Répartition des prélèvements fiscaux et leurs rendements
selon le « cycle de vie » du logement en 2022

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, Pour une fiscalité du logement plus cohérente, décembre 2023, p.19.

Les principaux impôts qui composent cette fiscalité sont les droits de mutation prélevés lors de l’acquisition d’un bien par achat, don ou héritage, qui représentent 28 Md€, et la taxe foncière qui frappe la détention des biens immobiliers à hauteur de 26 Md€.

Les parts de la fiscalité immobilière dans PIB et dans les prélèvements obligatoires sont en légère augmentation sur dix ans (respectivement, + 0,2 et + 0,1 point), mais en baisse depuis 2017, du fait de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (- 0,4 et - 0,8 point).

La fiscalité du logement en France est l’une des plus élevées de l’OCDE, mais ceci reflète moins une structure de la fiscalité défavorable au secteur qu’un poids global important des prélèvements obligatoires.

Principales modifications apportées à la fiscalité du logement
par la loi de finances pour 2024

La loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a :

 prorogé le dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu’en 2027, en supprimant son attribution pour les logements neufs dans les zones non tendues et en élargissant ses modalités d’accès à de nouveaux publics ;

 prorogé le dispositif de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) jusqu’en 2028, en étendant notamment son périmètre au « prêt avance mutation » et en aménageant les conditions d’accès au prêt des syndicats de copropriétaires ;

 étendu le régime fiscal (taux réduit de TVA et exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés non bâties) du logement locatif intermédiaire à de nouveaux périmètres ainsi qu’à de nouvelles catégories de logements et de bénéficiaires ;

– introduit pour les opérations de réhabilitation lourde de logements sociaux âgés de plus de quarante ans, un dispositif d’exonération de TVA et d’exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) similaires à celui qui est applicable aux logements sociaux neufs ;

 réduit le périmètre du crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en lien avec l’instauration, au 1er janvier 2024, de la nouvelle aide « MaPrimeAdapt’ » ;

 étendu au logement intermédiaire l’abattement sur les plus-values immobilières déjà prévu pour la cession de biens en vue de la création de logements sociaux ;

 instauré un nouvel abattement sur les plus-values immobilières dans les zones tendues, reprenant des dispositifs passés et les étendant à de nouveaux périmètres.

Cette fiscalité est en outre marquée par de nombreux dispositifs fiscaux de faveur qualifiés de « dépenses fiscales » (70 en 2022) qui en réduisent le rendement. La perte de recettes de près de 15 Md€ pour l’État et les collectivités territoriales, alors que ces dépenses fiscales ne sont pas toutes bornées dans le temps ni systématiquement évaluées.

À titre d’exemples, les réductions d’impôt en faveur de l’investissement locatif représentent 1,85 Md€ de dépenses fiscales, la déductibilité à l’impôt sur le revenu des charges de rénovation représente 1,65 Md€, le taux de TVA à 10 % sur les dépenses d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien représente 4,3 Md€, le taux de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation énergétique représente 1,98 Md€.

a.   Alléger massivement la fiscalité pour les primo-accédants

● La mission d’information considère que, si les choix d’ensemble de réorientation de la fiscalité immobilière permettent de dégager des marges de manœuvres, celles-ci doivent, en premier lieu, conduire à alléger significativement les charges liées à la primo-accession immobilière, le cas échéant sous conditions de ressources de acheteurs et de montants des transactions.

Les mesures de soutien à la primo-accession à la propriété immobilière, outre qu’elles répondent à l’aspiration des jeunes générations et sont parfois indispensables à la poursuite de leurs projets familiaux, présentent les avantages immédiats pour le marché du logement : elles libèrent des logements dans le parc locatif et contribuent ainsi à sa fluidité ; elles améliorent globalement l’état du bâti, soit parce que cette demande contribue à la relance de l’immobilier neuf, soit parce que, dans l’ancien, les nouveaux acquéreurs plus jeunes contribuent à la rénovation du parc.

La mission d’information invite donc à utiliser l’ensemble des instruments fiscaux susceptibles d’encourager la primo-acquisition :

– dans le neuf, en étendant à l’ensemble du territoire le taux préférentiel de TVA de 5,5 % pour les primo-acquéreurs, sous conditions de ressources, applicable aujourd’hui dans les quartiers politique de la ville (PQV) ;

– dans l’ancien, en introduisant une mesure similaire permettant de réduire le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), sous condition de ressources des acquéreurs et dans la limite de certains montants de transactions, la perte de recettes occasionnée pour les départements devant dès lors être compensée par l’État ;

– dans le neuf comme dans l’ancien, par un dézonage généralisé à l’ensemble du territoire national du prêt à taux zéro (PTZ), dispositif de financement de prêts ne portant pas intérêt accordés, assortis de différés de remboursements, par l’intermédiaire des banques ([124]), et sous conditions de ressources, pour contribuer au financement d’une résidence principale dans le cadre d’une première accession à la propriété.

Les débats entourant l’examen du dernier projet de loi de finances, bien que prématurément interrompus à l’Assemblée nationale par le recours du Gouvernement à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, ont en effet montré tout l’intérêt qui s’attache à ce dispositif dans un contexte de taux d’intérêts nominaux plus élevés que par le passé.

Il convient donc de restituer au PTZ le champ d’application le plus large possible et de le rendre de nouveau pleinement lisible et attractif afin de mettre un terme aux modifications de périmètre apportées depuis 2018, et, en particulier de revenir sur la suppression récente de la possibilité de financer l’achat d’une maison individuelle neuve.

Les modifications apportées au champ d’application du Prêt à taux zéro
depuis 2018

Créé à l’origine par la loi de finances pour 2011, pour la période 2011-2014, le dispositif a été prorogé par la suite de manière répétée, la loi de finances pour 2024 ayant procédé à une nouvelle prorogation jusqu’à fin 2027.

La loi de finances initiale pour 2018 a mis fin à l’accès au PTZ pour les logements anciens, hors logement sociaux, dans les zones tendues (zones A bis, A et B1). D’autre part, elle avait prévu qu’à compter du 1er janvier 2020, le PTZ ne serait plus accessible pour un logement neuf dans les zones peu tendues (B2 et C). Cette disposition a toutefois été remise en cause par la loi de finances pour 2020 qui a maintenu le bénéfice du prêt à taux zéro pour les logements neufs en zones B2 et C.

La loi de finances pour 2024 a réservé le PTZ, concernant un logement neuf, aux logements situés dans un bâtiment d’habitation collectif et dans une zone géographique caractérisée par un « déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement ». Le dispositif ne permet donc plus de financer l’achat d’une maison individuelle neuve.

Pour un logement ancien, le PTZ est réservé aux acquisitions avec travaux en zone détendue.

Il demeure toutegois accessible dans les autres zones dans le cas d’un logement faisant l’objet d’un contrat de location-accession, d’un contrat de bail réel solidaire ou d’un contrat d’accession à la propriété.

Enfin la loi de finances pour 2024 a renforcé les exigences relatives aux travaux dans un logement ancien ouvrant droit au PTZ qui doivent désormais permettre d’atteindre un niveau de performance énergétique défini par arrêté.

● Le rapporteur Mickaël Cosson invite en outre à examiner la piste d’une réduction du taux de TVA concernant les travaux de rénovation engagé par les primo-accédants dans l’ancien, le cas échéant sous condition d’amélioration de la performance énergétique : ce serait un levier important pour une réutilisation du parc existant et son optimisation. Cette mesure nationale aurait au demeurant un effet d’entrainement sur les initiatives des collectivités territoriales en appui à la rénovation énergétique du parc privé, sous la forme ce conseil et d’aide à l’ingénierie.

● À ces mesures fortes prises au plan national, le président Stéphane Peu propose d’ajouter une exonération temporaire de taxe foncière pour les primo-accédants. Déjà possible de manière facultative pour les communes, une telle mesure, si elle devait prise au plan national, devrait être compensée pour les collectivités territoriales.

Recommandation : Consacrer prioritairement les marges de manœuvres résultant de réformes de la fiscalité immobilière à des mesures encourageant la primo-accession à la propriété d’une résidence principale : TVA à 5,5 % dans le neuf, droits de mutation à titre onéreux à taux de faveur, élargissement du prêt à taux zéro, réduction du taux de TVA pour les travaux d’amélioration assortie, le cas échéant, d’une exonération temporaire de taxe foncière.

b.   Rendre la fiscalité des revenus locatifs plus juste et plus incitative

La mission d’information considère que des réformes fiscales doivent, en premier lieu, inciter le propriétaire qui met un logement en location à le proposer autant que possible en tant que résidence principale.

Unifier la fiscalité de la location meublée et de la location de longue durée

La concurrence présentée par les meublés touristiques de courte durée dans les zones tendues et littorales sur le marché des logements mis en location de longue durée est bien documentée. Une réforme de la fiscalité des revenus de location doit donc viser prioritairement à remettre sur le marché de la location durable des biens réservés aujourd’hui par leurs propriétaires à la location touristique à des fins d’optimisation fiscale.

En effet, la fiscalité locative distingue :

– le régime foncier applicable à la location nue, qui prévoit régime d’imposition « au réel » (avec déduction des charges foncières), mais, lorsque les revenus sont inférieurs à 15 000 euros par an, donne la possibilité d’opter pour un régime dit de microfoncier avec abattement forfaitaire pour charges de 30 % ;

 et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), applicable à la location meublée, considérée comme une activité économique, au sein duquel les locations de meublés de tourisme peuvent être soumises au régime spécifique dit du « micro-BIC » ([125]).

Le régime du micro-BIC ouvre droit à un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés, dont le plafond est fixé à 77 700 euros.

En outre, les meublés de tourisme classés au titre du code du tourisme, ce qui concerne environ 120 000 propriétaires en France, bénéficient d’un abattement de 71 % et d’un plafond de 188 700 euros de recettes tirées de la location des biens.

Ces dernières années, les seuils du régime micro-BIC applicables aux locations meublées ont fait l’objet de revalorisations fréquentes, renforçant leur attractivité fiscale. La loi de finances pour 2018 portait notamment un doublement des seuils du régime micro-BIC, qui étaient antérieurement de 82 800 euros pour les locations meublées classées, et de 33 200 euros pour les locations meublées non classées.

imposition des produits de la location d’un appartement nu ou meublé
dans le cadre de l’impôt sur le revenu

Catégorie de bien

Meublé

Non meublé

Régime

Micro-BIC

Réel

Micro-foncier

Réel

Statut

Loueur non-professionnel

Loueur professionnel

Produits issus de la location

<176 000 €

< 23 000 €

OU < 50 % des revenus globaux du foyer

> 23 000 €

ET > 50 % des revenus globaux du foyer

<15 000 €

>15 000 €

Abattement pour charges

71 %

Frais réels

Frais réels

30 %

Frais réels

Déductibilité des intérêts d’emprunt

Non

Oui

Oui

Non

Non

Report de déficit foncier les années suivantes

Non

Sur les revenus tirés de la location durant 10 ans

Illimité

+ possibilité de reporter les déficits liés à des charges engagées avant la location

Non

Dans la limite de 10 700 euros par an sur les revenus fonciers ou globaux, entre 6 et 10 ans

Le régime fiscal applicable aux meublés de tourisme a pour corollaire un cadre juridique particulier, de nature à assurer leur encadrement.

L’encadrement réglementaire des meublés de tourisme

L’article L. 324-1-1 du code du tourisme définit les meublés de tourisme comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».

Dans le cas d’une résidence principale, un loueur peut proposer des locations dans la limite d’un plafond de 120 jours par an.

Toutes les communes de plus de deux cent mille habitants ainsi que celles des départements limitrophes de Paris peuvent réguler cette offre grâce à un système d’enregistrement de chaque local affecté à une location meublée touristique.

Dans ce cas, les plateformes de réservation ont l’obligation de déconnecter les annonces dépourvues de numéro d’enregistrement et de transmettre à la commune qui en fait la demande le décompte des nuitées réservées sur leur site.

L’article L. 324-2-1 du même code précise en outre qu’au-delà de 120 jours de location, un logement déclaré comme résidence principale ne peut plus faire l’objet d’une offre de location par l’intermédiaire d’une plateforme jusqu’à la fin de l’année en cours.

Les manquements à ces obligations sont punis d’amendes civiles dont les montants varient de cinq mille à cinquante mille euros.

La mission d’information salue le fait que le Parlement est en train de remédier aux avantages fiscaux du meublé touristique de courte durée.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement a souhaité procéder à une première rationalisation du régime très favorable d’imposition des revenus tirés des meublés de tourisme, en indiquant vouloir ramener l’abattement dont ils bénéficient de 71 % à 50 % des revenus fonciers, dans la limite de 77 700 euros de revenus annuels, afin de l’aligner sur la fiscalité des locaux meublés non classés. Un abattement spécifique supplémentaire de 21 % devait néanmoins être maintenu pour les locations de meublés classés situés dans des zones géographiques en déficit d’offre touristique et qui ne sont pas concernées par des déséquilibres importants entre l’offre et la demande de logement, avec un abattement de cinquante mille euros.

Ces dispositions ne figurent pas dans la loi de finances pour 2024, qui prévoit un nouvel abattement unique de 30 % pour tous les meublés de tourisme, sous un plafond de 15 000 euros, abattement porté à 51 % en zones rurales, sans modification du plafond de recettes([126]). Le Gouvernement a néanmoins annoncé qu’une instruction fiscale conduira à ce que ces mesures, introduites par erreur, ne seront pas appliquées par l’administration fiscale.

En revanche, le 29 janvier 2024, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi, déjà mentionnée, de nos collègues Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue et dont l’article 3 :

– abaisse l’abattement fiscal dont bénéficient les meublés de tourisme de 71 % à 30 %, dans la limite d’un plafond de revenus de trente mille euros pour les meublés de tourisme classés et de quinze mille euros pour les non-classés ;

– maintient le taux de 71 % dans la limite d’un plafond de cinquante mille euros, pour les meublés de tourisme classés en zone rurale très peu dense et en station classée de sport d’hiver.

Cette proposition de loi est actuellement en cours d’examen devant la commission des affaires économiques du Sénat et la mission d’information formule le vœu que son examen par le Parlement parvienne à son terme, car le dispositif proposé aurait pour effet de réduire considérablement les incitations actuelles à ne louer des logements que pour de courtes périodes.

Outre la suppression nécessaire de ces avantages fiscaux injustifiés, la mission d’information invite à ce que soit engagée une évaluation des conditions d’utilisation du bail mobilité, catégorie nouvelle de contrat de location de courte durée d’un logement meublé, créée par la loi Elan, d’une durée non renouvelable de 1 à 10 mois. Si ce contrat vise à donner plus de flexibilité au bailleur et à faciliter l’accès au logement des étudiants ou des actifs en mobilité, il convient de s’assurer ce que cet outil atteint véritablement son but et ne fait pas l’objet d’un détournement notamment par un « panachage » avec de la location meublée touristique.

● Cependant, comme le conseil des prélèvements obligatoires vient de le recommander dans le rapport déjà mentionné, il conviendrait d’aller plus loin en supprimant progressivement la distinction entre location meublée et location non meublée, et la distinction entre location meublée professionnelle et location meublée non professionnelle.

Le conseil des prélèvements obligatoires a ainsi proposé d’unifier les deux régimes en deux étapes : dans un premier temps, en corrigeant les avantages accordés aux meublés de tourisme par rapport aux autres meublés relevant du régime micro BIC, puis, dans un second temps, après une étude d’impact ou une évaluation, en procédant à l’unification complète entre les régimes, avec un abattement ramené à 30 % et un seuil à 15 000 euros pour l’ensemble du régime microfoncier.

Recommandation : Mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée

Au-delà de la question des avantages spécifiques liés à la location de courte durée, une réflexion plus générale doit également être conduite sur l’opportunité de rapprocher les régimes fiscaux de la location nue et de la location meublée.

La hausse continue du nombre de logements loués en meublé correspond pour partie à une demande réelle d’un public précis (étudiants actifs en mobilité) et offre une souplesse appréciée pour les propriétaires (durée de bail), cependant dans de nombreux cas, le statut de la location meublée non professionnelle peut apparaître comme une niche fiscale et un moyen de contourner le régime fiscal de la location nue, sans corréler ses avantages à la demande de logements meublés.

Une telle réforme paraît en effet nécessaire pour faciliter la mobilité résidentielle et encourager la location de plus longue durée au profit des ménages les plus modestes.

Recommandation : Faire aboutir la réflexion sur les conditions de suppression progressive de la distinction fiscale entre location meublée et location non meublée

Rendre la fiscalité des revenus fonciers plus attractive

Si le régime de la location meublée a pu paraître si avantageux, c’est en grande partie en raison du niveau élevé des prélèvements sur les revenus fonciers dans le régime « classique » de la location nue.

Ainsi que l’a indiqué à la mission M. Alexis Lagarde, Vice-président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers « la fiscalité cumulée de la mise en location dans le privé, c’est-à-dire la CSG et l’impôt sur le revenu, atteint 50 %. En y ajoutant les taxes foncières, le prélèvement augmente jusqu’à 75 %. Cette fiscalité est clairement dissuasive. »

Or, l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus financiers, qui prévoit un prélèvement total de 30 % en additionnant impôt sur le revenu au taux de 12,8 % et prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, a conduit à rendre comparativement beaucoup plus lourde la fiscalité des revenus fonciers.

Pour les propriétaires les plus fortunés, s’y ajoute en outre l’assujettissement à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) du patrimoine immobilier mis en location, alors que le patrimoine financier en est exonéré depuis la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF).

Pourtant, la location d’un logement correspond à une activité productive, utile à la société, et présente souvent plus de risque et des rendements moindres que certains placements financiers. La mise en location d’un logement n’est pas une rente mais bien la production d’un service qui participe de la richesse de la société.

Pour un ménage dont le taux d’imposition marginal est de 30 %, les revenus locatifs sont ainsi taxés à hauteur de 47,2 % sur les recettes nettes d’abattement auxquels s’ajoute la taxe foncière, et, le cas échéant, l’IFI.

Il convient donc d’examiner l’ensemble des propositions qui conduiraient à alléger la fiscalité sur les revenus lorsque les propriétaires mettent à disposition de nouveaux logements rénovés, le cas échéant en les imposant à un niveau proche de celui du PFU, ou en les soustrayant de l’assiette de l’IFI.

Un bon exemple de proposition en ce sens est fourni par l’amendement présenté par le président Jean-Paul Mattéi et plusieurs de nos collègues lors des projets de loi de finances pour 2023 ([127]) et 2024 visant à créer un statut de l’investisseur immobilier portant application du PFU pour les revenus fonciers bruts en contrepartie d’un engagement de location du bien immobilier de plus d’un an, d’un encadrement des loyers, et d’un bon niveau de performance énergétique.

Ainsi, il s’agirait, en instaurant une fiscalité incitative sur les revenus fonciers assujettis à l’impôt sur le revenu, de récompenser les bailleurs vertueux et de faciliter la mise en location de longue durée de biens rénovés pour les ménages ne pouvant accéder à la propriété.

Recommandation : Établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique.

 

Une telle mesure paraît simple, lisible et constituerait une alternative avantageuse aux différentes incitations fiscales qui se sont succédé dans le temps sous la forme d’un amortissement fiscal ou d’une réduction d’impôt spécifique en faveur de l’investissement locatif de logements neufs.

Or, l’utilisation des mesures aides à l’investissement locatif peut s’avérer contre-productive, en augmentant les prix du logement. Selon le conseil des prélèvements obligatoires, ce phénomène a été mis en évidence lorsque la suppression du dispositif Borloo-Robien en 2009 a, toutes choses égales par ailleurs, conduit à une baisse des prix de 1 % et à une réduction de la vacance de 1,6 % dans les zones ne bénéficiant plus de ces dispositifs.

Ceci conduit le conseil des prélèvements obligatoires à recommander de ne pas proroger le dispositif d’investissement locatif dit Pinel qui présente des caractéristiques analogues.

Statut du propriétaire bailleur privé :
le dispositif proposé par la Fédération française du bâtiment (FFB)

Cette proposition vise à remplacer l’ensemble des dépenses fiscales favorisant la location des logements par un mécanisme relevant d’un régime de droit commun avec :

– un amortissement du bâti pendant cinquante ans, soit un taux de 2 % l’an, applicable dans le neuf et dans l’existant pour l’ensemble des logements locatifs privés (stock et flux) ;

– un amortissement des gros travaux sur quinze ans ;

– une déductibilité sans limite des intérêts d’emprunt, des petits travaux et des charges locatives des revenus fonciers bruts (comme existant déjà aujourd’hui) ;

– un déficit foncier imputable sans limite sur le revenu global positif.

La FFB estime le coût budgétaire d’une telle mesure à 4,2 Md€ les premières années avant d’atteindre un niveau stable de 3,8 Md€ par an, soit environ l’équivalent des coûts de l’ensemble des aides fiscales locatives (les aides fiscales en extinction, les dispositifs Pinel, Denormandie et Loc’Avantages, les aides spécifiques aux Outre-mer et la déduction des dépenses de réparation et d’amélioration des revenus fonciers).

c.   La fiscalité doit frapper plus lourdement les situations de rétention immobilière afin d’inciter les propriétaires à louer ou mettre en vente des logements

D’autres leviers fiscaux existent afin que la fiscalité immobilière contribue à l’objectif qu’un plus grand nombre de logements soient proposés à la location comme résidences principales, ou mis en vente en contribuant ainsi à rendre le marché immobilier plus fluide et plus accessible, notamment pour les primo acquéreurs.

Dans ce but, la fiscalité immobilière doit peser plus lourdement sur les propriétaires qui ont des comportements de rétention immobilière, c’est-à-dire qui conservent un bien sans le louer ou sans le mettre en vente.

Poursuivre la modernisation de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires

Il existe actuellement, en zones tendues, trois principaux outils de fiscalité permettant de lutter contre la vacance des logements en accroissant le coût, pour les propriétaires, de ne pas utiliser leur logement, ou qui visent à inciter les propriétaires de résidences secondaires à remettre leurs biens sur le marché :

– la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV), prévue par l’article 232 du code général des impôts, qui s’applique de façon obligatoire dans les communes relevant d’un zonage propre à cette taxe (zonage TLV). Assise sur la valeur locative du logement, elle porte sur les logements vides et inoccupés depuis plus d’un an au 1er janvier de l’année d’imposition. Sa recette est affectée au budget de l’État et dépasse désormais 100 M€.

– dans les communes non soumises à la taxe sur les logements vacants, la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), prévue à l’article 1407 bis du code général des impôts, qui est facultative : elle peut être instituée par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant adopté un programme local de l’habitat. Elle est applicable aux logements vides et inoccupés depuis plus de deux ans au 1er janvier de l’année d’imposition. Son produit était de 82 M€ en 2021.

– sur l’ensemble du territoire, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), qui peut être majorée au sein des communes appartenant au zonage TLV d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 % de la part de cette taxe leur revenant. Le produit de la THRS « nationale » était de 2 Md€ en 2023. Le produit attribuable à la seule majoration représentait 130 M€ en 2021.

Jusqu’à la loi de finances pour 2023 ([128]), la taxe sur les logements vacants s’appliquait à des communes remplissant deux conditions :

– elles appartenaient à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants ;

– ces zones connaissaient un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ces difficultés s’apprécient notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.

Ce zonage a été réformé afin de lever le seuil de cinquante mille habitants pour des communes respectant un nouveau critère de « tension sur le marché du logement », apprécié notamment en fonction de la proportion de résidences secondaires.

Ce nouveau zonage ([129]) a conduit à appliquer la taxe sur les logements vacants à un total de 3 693 communes, contre 1 140 avant la réforme, ce qui a permis de répondre à la demande de nombreux territoires confronter aux effets de la rétention foncière. Les 2 553 communes supplémentaires relevant de ce zonage ont également pu, en conséquence, instituer une majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

Le renforcement progressif de la taxe sur les logements vacants

Pour appliquer la taxe sur les logements vacants, le critère de déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements a toujours été présent, mais la taille minimale des zones d’urbanisation était à l’origine de 200 000 habitants et la vacance devait être d’une durée de deux années au moins.

Le taux de la TLV était de 10 % de la valeur locative cadastrale la première année d’imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la troisième année. Son produit était affecté à l’Agence nationale de l’habitat.

La deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a porté le taux à 12,5 % la première année d’imposition, 15 % la deuxième année et 20 % à compter de la troisième année.

La loi de finances pour 2013 a ensuite abaissé le seuil de taille de la zone d’urbanisation à 50 000 habitants et la durée de vacance déclenchant l’application de la taxe à une année ; elle a également porté le taux à 25 % à partir de la deuxième année.

La loi de finances pour 2022 a mis fin à l’affectation d’une fraction du produit de la taxe à l’Anah, en la compensant par un relèvement du plafond d’affectation à cette agence du produit de la vente des quotas carbone.

Enfin, la loi de finances pour 2023 a non seulement modifié les critères relatifs aux communes soumises à cette taxe mais a également porté le taux à 17 % la première année d’imposition et 34 % à compter de la deuxième année.

La réforme du zonage a néanmoins eu pour conséquence de plus permettre à certaines communes et certains établissements publics de coopération intercommunale de percevoir la taxe d’habitation sur les logements vacants sur les territoires entrant dans le zonage de la taxe sur les logements vacants. Si les communes concernées peuvent néanmoins désormais instituer la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, ceci ne procure pas toujours une compensation suffisante : en conséquence, la loi de finances pour 2024 a établi un mécanisme de compensation pour les collectivités territoriales, afin de couvrir l’ensemble des pertes de recettes consécutives à la suppression de la taxe d’habitation sur les logements vacants pour toutes les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés par la modification du zonage([130]).

Si la mission d’information salue les améliorations apportées depuis deux ans, elle attire l’attention sur les observations du Conseil des prélèvements obligatoires selon lequel, malgré son actualisation en 2023, le zonage défini au niveau national peine à suivre les dynamiques locales du marché du logement.

Le conseil des prélèvements obligatoires propose donc d’inverser la logique actuelle en généralisant la taxe sur les logements vacants, sauf pour les territoires en déprise.

Il s’agirait en outre d’une mesure de simplification, puisque la taxe sur les logements vacants se substituerait dès lors entièrement à la taxe d’habitation sur les logements vacants, la compensation fiscale pour les collectivités concernées étant désormais assurée par la loi de finances.

La mission recommande en outre de poursuivre le mouvement de hausse des taux de la taxe sur les logements vacants afin de renforcer son caractère incitatif.

Les taux actuels de 25 % (première année de vacance) et 34 % (deuxième année) pourraient être significativement rehaussés les années suivantes, dès lors que la taxe ne serait pas applicable aux territoires en déprise, qui concentrent l’essentiel de la vacance involontaire.

L’obligation d’acquitter une taxe sur les logements vacants importante pourrait avoir un effet déclencheur pour que des propriétaires cessent de laisser leurs logements inutilisés quels qu’en soient les motifs : réticence à louer un bien, attentisme dans le but de bénéficier de la hausse de prix immobilier, conflits familiaux dans les situations d’indivisions…

Enfin, les plafonds de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires pourraient également être augmentés.

Recommandation : Poursuivre la modernisation de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires, en généralisant la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) à l’ensemble du territoire, en en excluant seulement les territoires en déprise. Concomitamment, augmenter le taux de la TLV et le plafond de majoration de la THRS.

 

● Rectifier les biais actuels de la fiscalité des plus-values foncières afin qu’elle soit plus neutre sur les choix de cession ou de rétention

Les plus-values réalisées par une personne physique à l’occasion d’une cession immobilière sont soumises à l’impôt sur le revenu. Depuis la loi de finances pour 2004 ([131]), elles ne sont pas soumises au barème progressif, mais à un taux forfaitaire, fixé à 19 %, auxquels s’ajoutent 17,2 % au titre des prélèvements sociaux sur le patrimoine, ce qui porte le taux global d’imposition à 36,2 %.

Cependant, le niveau d’imposition au taux « facial » est atténué par le fait que la plus-value imposable est calculée après application d’un abattement progressif après 5 ans de détention du bien.

Le régime des abattements a été particulièrement instable depuis vingt ans :

– en 2004 ([132]), l’abattement avait été fixé à 10 % par année de détention audelà de la cinquième année, ce qui permettait une exonération complète de plus-values au-delà de la quinzième année de détention ;

 en 2011 ([133]), dans le but d’accroître le rendement de l’impôt, ce régime linéaire d’abattement a été remplacé par des cadences progressives, au taux de 2 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année, puis de 4 % chaque année de détention au-delà de la dix-septième et enfin de 8 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième. L’exonération complète était dès lors acquise après 30 ans de détention.

 enfin, la loi de finances pour 2014 ([134]) a de nouveau modifié le régime des abattements, en distinguant la cadence applicable à l’imposition à l’IR et celle applicable aux prélèvements sociaux, selon les modalités présentées dans le tableau suivant.

Taux d’abattements pour durÉe de dÉtention sur plus-values immobiliÈres

Durée de détention

Taux d’abattement par année de détention

Assiette pour l’impôt sur le revenu

Assiette pour les prélèvements sociaux

Moins de 6 ans

0 %

0 %

De la 6e à la 21e année

6 %

1,65 %

22e année révolue

4 %

1,6 %

Au-delà de la 22e année

Exonération

9 %

Au-delà de la 30e année

Exonération

Source : Article 150 VC du CGI et 2 du VI de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Il en résulte une exonération complète de la plus-value imposable après 22 ans au titre de l’IR, et après 30 ans au titre des prélèvements sociaux.

Par comparaison, l’Italie et la Belgique exonèrent en totalité les plusvalues après une détention de cinq ans et l’Allemagne après dix ans.

Le rendement total de cette fiscalité s’élève en moyenne à 2,7 Md€ par an, depuis dix ans, tout en présentant des écarts importants selon les années (3,4 Md€ en 2022), en fonction des volumes de cessions, des prix de l’immobilier mais également des abattements dont les effets sont parfois difficiles à déterminer, malgré la stabilité des paramètres appliqués depuis 2014.

Le conseil des prélèvements obligatoires a relevé que le régime des abattements peut inciter à la rétention des biens dans le seul but d’être exonéré de la plus-value, ce qui va à l’encontre :

– d’un objectif de libération du foncier et de fluidité du marché immobilier, puisqu’une fiscalité favorable à la détention longue favorise les stratégies consistant à temporiser, en particulier dans les périodes de hausse des prix immobiliers ;

– d’un objectif d’équité, puisque, selon leurs niveaux de patrimoine et leurs revenus, toutes les catégories de propriétaires n’ont pas les mêmes capacités de rétention foncière et d’arbitrage intertemporel des cessions à des fins d’optimisation fiscale.

La durée actuelle de détention pour une exonération totale est très supérieure à la durée moyenne nationale de détention des biens à usage d’habitation par les propriétaires au moment de leur revente, qui est de l’ordre de neuf années pour les appartements et de dix années pour les maisons.

Comme relevé par nos collègues Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, dans un rapport d’information de la commission des finances sur la fiscalité du patrimoine, la chronique actuelle des abattements crée en outre des effets de seuil qui peuvent inciter à conserver le bien quelques années de plus, y compris sans en optimiser l’usage, afin de bénéficier d’une hausse des abattements : c’est en particulier le cas pour les prélèvements sociaux, puisque la conservation du bien au-delà de la vingt‑deuxième année de détention permet de bénéficier d’abattements supplémentaires de 9 % par an contre 1,65 % ou 1,6 % les années précédentes ([135]).

En conséquence, la commission des finances de l’Assemblée a proposé de remplacer les abattements pour durée de détention par une prise en compte plus progressive de l’érosion monétaire.

Dans son récent rapport sur la fiscalité du logement, déjà mentionné, le conseil des prélèvements obligatoires a appuyé cette recommandation et proposé de prendre également en compte, en déduction de la plus-value imposée, des travaux d’amélioration réalisés par le vendeur. L’objectif est bien d’éviter les comportements de rétention foncière que favorise le système actuel, tout en encourageant la rénovation, notamment énergétique, des logements avant leur vente.

Le conseil des prélèvements obligatoires recommande par ailleurs qu’une telle réforme, modifiant sensiblement le rendement d’un investissement immobilier, soit mise en œuvre progressivement et contienne une clause dite du grand-père pour les investisseurs ayant acquis leur bien avant son entrée en vigueur.

Recommandation : Afin de décourager les comportements de rétention immobilière visant à éviter l’impôt sur les plus-values immobilières, remplacer les abattements pour durée de détention par l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction d’un indice statistique (inflation, coût de la construction) pour déterminer la plus-value imposable.

d.   Faire bénéficier les collectivité d’un « choc de trésorerie » résultant d’une nouvelle fiscalité sur les plus-values foncières issues de l’enrichissement consécutif au ZAN

La mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) va entraîner une raréfaction du foncier qui aura pour conséquence directe un accroissement de la rente dont bénéficient les propriétaires de terrains nus rendus constructibles.

Cette rente, parfois qualifiée de « plus-value foncière », résulte de la différence entre le prix de vente d’un terrain constructible et le prix de vente d’un terrain comparable classé en tant que terre agricole.

Le prix d’un terrain agricole est en effet aujourd’hui, en moyenne, treize fois inférieur à celui d’un terrain constructible : en 2021, en moyenne nationale, le prix de l’hectare de terrains constructibles atteignait en effet 76 300 euros contre 5 940 euros pour des terres et des près libres ([136]).

Ce phénomène est appelé à s’accroître à mesure que la mise en œuvre du ZAN va raréfier le foncier constructible, ce qui invite à mieux faire contribuer les bénéficiaires des rentes qui vont en résulter.

La mission d’information attire l’attention sur cet enjeu fondamental : une occasion majeure se présente pour les finances publiques locales et pour le financement des politiques de logement, et il importe de doter dès maintenant les collectivités territoriales des outils adaptés pour s’en saisir.

Il existe aujourd’hui deux taxes spécifiques applicables au moment de la première cession du bien rendu constructible, et distinctes de l’impôt dû par ailleurs au titre des plus-values de cessions immobilières :

– une taxe nationale applicable dans toutes les communes relevant du règlement national d’urbanisme, la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles ([137]) dite « taxe LMA », établie par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite « loi LMA » ([138]) ;

La taxe LMA ne s’applique que lorsque le prix de cession est supérieur à dix fois le prix d’acquisition du terrain ; son taux est de 5 % lorsque le prix de cession est compris entre 10 et 30 fois le prix d’acquisition, et de 10 % pour la fraction qui dépasse 30 fois le prix d’acquisition.

L’assiette est réduite d’un dixième par année à partir de la neuvième année suivant le classement en zone constructible. En conséquence, la vente d’un terrain qui a été classé constructible et conservé pendant au moins 18 ans dans le patrimoine du cédant, ne donne pas lieu à taxation en raison de l’absence évidente d’opportunisme de cette vente.

Le rendement atteint 49,7 M€ en 2022, en hausse de 40,2 M€ en dix ans, dont 22,2 M€ pour un fonds destiné au financement de mesures en faveur de l’installation de jeunes agriculteurs et de la transmission des terres agricoles.

– Une taxe locale, facultative, la taxe forfaitaire sur les terrains nus rendus constructibles ou « TFTC » ([139]), qui peut être instaurée dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, établie par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement([140]).

La TFTC est de 10 % de la plus-value réalisée (soit le prix de cession moins le prix d’acquisition) avec prise en compte de l’inflation. La taxe ne s’applique ni lorsque le prix de cession ne dépasse pas trois fois le prix d’acquisition du terrain, ni aux cessions de terrains classés en zones constructibles depuis plus de dix-huit ans, quel que soit leur prix.

D’après des informations figurant dans un rapport du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale ([141]), 6 600 communes et établissements publics de coopération intercommunale ont institué la taxe.

Sur la dernière décennie, on constate une baisse du nombre d’opérations imposées, passé de 6 668 en 2011 à 3 850 en 2022, cependant, sous l’effet de la hausse des prix des terrains rendus constructibles, le rendement a été stabilisé à 50 M€ en 2022.

● Introduite en 2006 à l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, la TFTC a été conçue pour accompagner les « maires bâtisseurs », afin de leur procurer des ressources leur permettant de financer les équipements collectifs (réseaux, voiries, écoles, etc.) rendus nécessaires par les projets d’aménagements communaux. À l’inverse, la taxe LMA a été instaurée dans le but de freiner l’artificialisation des terres agricoles et de constituer une source de financement pour des mesures en faveur de l’installation de jeunes agriculteurs.

La mission d’information considère que la perspective du ZAN et l’approche de ses principales échéances ne devraient plus conduire à opposer ces deux taxes mais, au contraire, à les fusionner et renforcer afin d’inciter les collectivités à maximiser l’utilisation des terrains encore constructibles, et à y financer prioritairement des logements.

Une hausse du prélèvement global sur les plus-values découlant de la vente de terrains rendus constructibles constituerait une amélioration indéniable en terme d’équité, alors que les possibilités de trouver du foncier constructible vont se réduire, et permettrait de financer des actions d’intérêt général s’inscrivant dans la mise en œuvre du ZAN comme la valorisation des friches, les études en matière d’urbanisme ou la construction de la « ville sur la ville ».

Dans un rapport récent sur la fiscalité locale dans la perspective du ZAN, le Conseil des prélèvements obligatoires ([142]) a relevé qu’« en cumulant la taxe communale et (…) la taxe nationale, la taxation la plus élevée est inférieure à 20 % : le poids de la taxe, par ailleurs peu appliquée pour sa part communale, reste faible au regard de la plus-value générée par la vente. »

Dans une communication récente devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, notre collègue Jean-René Cazeneuve a relevé qu’« il en résulte des marges de manœuvres significatives pour accroître l’imposition sans exposer une telle réforme à un risque de censure constitutionnelle pour rupture du principe d’égalité devant les charges publiques » ([143]).

Au demeurant, la Cour des comptes, en 2013, dans un référé sur les terres agricoles ([144]) proposait de renforcer la taxe LMA en en modifiant les taux et en supprimant l’exonération des ventes d’un montant de moins de 15 000 euros, qui permet d’y échapper par le biais des reventes de parts sociales de sociétés.

De même, fin 2018, une mission de l’Assemblée nationale sur le foncier agricole ([145]) a proposé d’augmenter significativement le taux de la taxe LMA et de modifier voire supprimer les abattements existants.

Cela conduit à envisager :

– d’abaisser significativement le seuil d’imposition en revenant sur la restriction de la taxation aux seules cessions dont le prix est, concernant la taxe LMA, dix fois supérieur au prix d’acquisition, ou, concernant la TFTC, trois fois supérieur au prix d’acquisition ;

– de revoir les contours des abattements pour durée de détention applicables à l’assiette : en l’état actuel, ces abattements incitent en effet à retarder la vente, alors que l’ancienneté de la constructibilité du terrain ne justifie pas qu’il soit exonéré de la taxe ;

– de créer une taxe unique, obligatoire, dont le rendement serait attribué aux communes et EPCI, le cas échéant, sous condition de fléchage du produit vers des dépenses d’aménagement et de construction de logements, un prélèvement de l’État permettant de garantir qu’une quote-part continuera de financer l’installation des jeunes agriculteurs.

Recommandation : Faire bénéficier les collectivités d’un « choc de trésorerie » en taxant les plus-values foncières résultant du ZAN en fusionnant les deux taxes existantes applicables aux plus-values de cession de terrain rendu constructible, en accroissant leurs assiettes et leurs taux, et en attribuant le rendement principal au bloc communal pour des dépenses d’aménagement et d’aide à la construction de logement.

e.   À plus long terme, engager des réformes conduisant à faire peser plus fortement la fiscalité sur la détention des logements plutôt que sur la construction, la location ou les mutations immobilières

Enfin, la fiscalité du logement pourrait mieux contribuer au parcours résidentiels en diminuant les impôts qui frappent l’acquisition du logement ou son utilisation, et en accroissant la part assise sur la seule détention de l’immobilier.

Dans son rapport précité, le Conseil des prélèvements obligatoire propose d’engager une réforme d’ensemble en ce sens, afin de taxer davantage la rente immobilière que l’effort d’accès à la propriété.

Représentant un tiers du produit de la fiscalité du logement dans le régime actuel, la part de la détention en représenterait ainsi la moitié dans le régime cible, comme l’illustre la représentation schématique reproduite page suivante.

La part de l’acquisition serait réduite du fait de la baisse, voire de la suppression, des DMTO collectés par les notaires pour les départements au moment de l’acquisition d’un logement, qui produisent un effet négatif sur le nombre de transactions, la mobilité résidentielle et l’accès à la propriété, tandis que seraient relevées :

– principalement la part de la détention, du fait de la révision de l’assiette et de la hausse de la taxe foncière ;

– et dans une moindre mesure celles de la cession, avec la limitation des avantages fiscaux sur les plus-values immobilières, et de la location et de la rénovation en cas de suppression de certaines dépenses fiscales.

Enjeux financiers d’une réforme de la fiscalitÉ du logement accroissant la part assise sur la détention

Source : Conseil des prélèvements obligatoires. Op. cit. p. 102

Comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoire, il conviendra de lisser dans le temps les effets d’une telle réforme d’ampleur, le cas échéant en ménageant la possibilité d’appliquer une clause d’antériorité pour prendre en compte la situation légitime de particuliers ayant effectué un investissement sous l’empire d’un précédent régime fiscal.

Ce transfert nécessiterait en outre une réflexion globale sur les circuits de financement des collectivités, afin de fournir aux départements des recettes plus stables et moins liées au cycle immobilier que les actuels DMTO.

● Cette préconisation est confortée par de nombreux travaux d’économistes. À titre d’exemple Alain Trannoy et Étienne Wasmer ([146]) ont montré la très forte croissance de la richesse placée, en France, dans l’immobilier et les terres, atteignant désormais six années du revenu national, contre à peine une année dans la France d’après-guerre. Cette richesse résulterait, pour moitié, de la valeur des terrains, liée à la localisation principalement urbaine, à l’exclusion des bâtis et infrastructures.

Cette « rente foncière », distincte des revenus liés à l’investissement immobilier, est la part de la richesse la plus dynamique depuis 30 ans, et atteint 7 000 Md€, soit près de trois années de revenu national. Dans la continuité de courants anciens de la pensée économique, ces auteurs considèrent qu’elle peut être taxée sans perte d’efficacité économique.

Constatant que la taxation actuelle du bâti ou des transactions décourage l’aménagement, la mise en valeur ou la rénovation des biens, ils proposent ainsi de la remplacer par un impôt sur la détention de la terre : au taux de 1 % de la valeur vénale de l’ensemble des terres, cet impôt procurerait 60 Md€ et permettrait de remplacer de nombreuses taxes existantes sur l’immobilier, afin d’améliorer le fonctionnement du marché du logement.

● Une telle bascule de la fiscalité ne saurait être conçue comme une mesure de relance à court terme, mais comme une réforme de moyen terme et qui devra nécessairement être couplée avec la réforme de l’assiette de la taxe foncière.

L’assiette actuelle de la taxe foncière est en effet archaïque, établie à partir de données remontant à 1970 et survalorisant les constructions neuves de l’époque, avec des coefficients qui ont aujourd’hui pour effet de sous-évaluer la valeur de l’immobilier dans les communes les plus aisées.

Régulièrement repoussée au motif des difficultés techniques et des forts enjeux redistributifs qu’elle présente, la nécessaire refonte de l’assiette de la taxe foncière devrait désormais intervenir en 2028, comme le détaille l’encadré page suivante.

La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation

L’article 146 de la loi de finances pour 2020 organise la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH) qui repose, aujourd’hui encore, sur les loyers constatés en 1970, dont les valeurs ont simplement été actualisées depuis lors.

Cette révision a pour objectif de proposer un système d’évaluation simplifié grâce à la mise en place d’une grille tarifaire et aboutissant à des évaluations cohérentes avec la réalité économique du marché locatif, à l’image de ce qui a été fait pour la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.

Afin de tenir compte des travaux préparatoires supplémentaires nécessaires pour une meilleure fiabilisation des bases d’imposition, l’article 106 de la loi de finances pour 2023 a reporté l’ensemble du calendrier de la RVLLH de deux ans pour une intégration des résultats de la révision dans les bases d’imposition en 2028.

Au premier semestre de l’année 2025, une campagne déclarative nationale sera lancée auprès des propriétaires bailleurs de locaux d’habitation qui déclareront à l’administration les loyers pratiqués ou, pour ceux présentant des caractéristiques exceptionnelles, les éléments constitutifs de la valeur vénale de chacune de leurs propriétés.

Sur la base des données collectées, le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er septembre 2026, un rapport qui exposera les impacts de cette révision pour les contribuables, les collectivités territoriales et l’État.

Ce rapport précisera également les modalités de prise en compte du marché locatif social dans l’élaboration des paramètres collectifs d’évaluation, l’opportunité d’un ajustement des évaluations individuelles pour tenir compte des éventuelles disparités d’accompagnement de la réforme qui seraient jugées nécessaires. Ces dispositifs d’accompagnement pourront notamment consister en un lissage pluriannuel des effets de la révision.

En 2027, les commissions départementales des valeurs locatives (CDV) établiront des projets qui délimiteront des secteurs d’évaluation et des tarifs et définiront des parcelles auxquelles s’applique un coefficient de localisation, dans un délai de trois mois après réception des avant-projets établis par l’administration. Les commissions communales et intercommunales des impôts directs (CCID-CIID), dans un délai de deux mois suivant la réception de ces projets, devront transmettre leur avis à la CDVL. En cas d’accord, cette dernière arrêtera les nouveaux secteurs et tarifs qui serviront de base aux nouvelles valeurs locatives qui s’appliqueront à partir des impositions établies à compter de janvier 2028.

Recommandation : Mettre à profit la révision des valeurs locatives à l’échéance de 2028 pour procéder à la bascule d’une partie de la fiscalité du logement vers l’impôt foncier, afin de réduire à due concurrence les impôts pesant sur les transactions ou les locations immobilières.

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  EXAMEN du rapport

Lors de sa réunion du 15 mai 2024, la mission d’information de la conférence des présidents sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable a présenté son projet de rapport d’information (M. Mickaël Cosson, rapporteur).

M. le président Stéphane Peu. Nous arrivons au terme de la mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne et à la réalisation d’un parcours résidentiel durable. Notre rapporteur Mickaël Cosson nous présente aujourd’hui son rapport, dont le projet vous a été transmis la semaine dernière.

Avant de lui donner la parole et de le remercier pour le travail de réflexion que nous avons mené conjointement, je rappelle que cette mission s’est inscrite dans un contexte de crise majeure du secteur du logement, avec une demande de logements de qualité et financièrement accessibles à la fois croissante, évolutive et largement insatisfaite, notamment dans le secteur HLM.

Je rappelle par ailleurs qu’en 2023, le nombre de constructions de logements, toutes catégories confondues, n’a jamais été aussi bas dans notre pays depuis 1992. Par ailleurs, les ménages sont déstabilisés par l’inflation, la hausse d’un certain nombre de charges contraintes, comme l’énergie, et des conditions de crédit immobilier qui se sont durcies ces derniers mois.

Les bailleurs HLM sont, quant à eux, confrontés à un « mur » d’investissements à réaliser pour la mise à niveau de leurs parcs de logements. Ils risquent, au regard de leurs moyens disponibles, de privilégier la mise à niveau de ces logements plutôt que la construction neuve, les fonds propres ayant été rognés.

Nous avons été très sensibles, dans le travail de cette mission, aux conclusions du Conseil national de la refondation (CNR), dans son volet relatif au logement. Ce dernier, qui a rendu ses conclusions à l’automne, a réussi la prouesse de dégager un consensus sur un certain nombre de propositions, allant de la Fondation Abbé Pierre au Medef, en passant par le secteur professionnel du logement, que ce soit le logement social ou le logement privé, sans oublier les entreprises du bâtiment, notamment la Fédération du bâtiment.

Nous nous sommes appuyés sur le consensus des propositions formulées par le CNR, qui n’ont malheureusement pas eu de suite législative. La question était donc de savoir si nous étions capables, au sein de l’Assemblée nationale, de dégager, sur des propositions aussi audacieuses que celles du CNR, un consensus pour une politique volontariste dans le domaine du logement.

J’ajoute que notre rapport intervient dans un contexte où beaucoup s’alarment de la situation du logement. Outre les travaux du CNR, il faut mentionner les contributions de la Fédération du bâtiment, de l’Union sociale de l’habitat, des promoteurs immobiliers, etc., ou encore un rapport, lui aussi consensuel, de l’Association des maires de France. Publié récemment, ce rapport présente un ensemble de propositions qui recoupent parfois celles qui figurent dans le rapport de notre rapporteur et qui sont, pour certaines, des propositions consensuelles et, pour d’autres, des propositions de rupture. Je le dis peut-être avec plus de facilité et de liberté que le rapporteur, mais il faut savoir reconnaître que l’essentiel des décisions prises depuis 2017 a contribué à dégrader la production de logements dans notre pays. Peut-être faut-il revenir sur certaines d’entre elles. Je pense notamment à la réduction de loyer de solidarité. Je me félicite d’ailleurs que notre collègue Josiane Corneloup, membre du groupe Les Républicains et spécialisée dans les finances publiques, ait déposé une proposition de loi pour supprimer la réduction du loyer de la solidarité et rendre des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux pour produire des logements.

M. Dominique Da Silva (RE). Le délai de prévenance ne m’a pas permis de modifier mon agenda pour assister à cette réunion jusqu’à son terme, ce que je regrette. Il faudra nous laisser un peu de temps pour étudier le rapport.

M. le président Stéphane Peu. L’objectif aujourd’hui est de présenter les conclusions de la mission et de voter sur la publication ou non du rapport. Dans l’affirmative, ce document nous permettra, je l’espère, de tenir d’autres débats en commission des affaires économiques, voire dans l’hémicycle, dans le cadre des semaines du Parlement.

M. Mickaël Cosson, rapporteur. Les groupes politiques pourront toujours abonder ce rapport, qui n’a pas vocation à avoir une conclusion aujourd’hui. L’idée est plutôt de le faire vivre dans les mois à venir, selon les « fenêtres » qui se présenteront. Comme nous l’avons toujours dit, nous pourrons ensuite mettre une boîte à outils à disposition des collectivités et des acteurs du logement qui, selon l’endroit et la situation, n’ont pas toujours la réponse au niveau national. Ce travail de réflexion est par ailleurs largement inspiré des conclusions du CNR, qui avait déjà largement ébauché ce travail.

Le problème du logement n’est pas nouveau. Il ne remonte pas seulement à 2017, mais à plusieurs décennies : pour avoir été au sein du ministère du logement à partir de 1996, nous constations à chaque début d’année que la production avait été insuffisante par rapport aux objectifs. Différents gouvernements se sont succédé depuis 1995, de diverses sensibilités, avec l’efficacité que chacun connaît.

L’objectif ici n’était donc pas de remonter les problèmes, ce qui a déjà largement été fait, mais plutôt d’apporter des solutions consensuelles et qui permettent de tenir compte de toutes les spécificités, que l’on se situe à Dunkerque, dans le sud ou dans l’ouest de la France. Tel est le travail que nous avons réalisé, tout en ayant bien conscience de la crise qui se profilait, accélérée par les taux d’emprunt et le taux d’inflation, mais aussi par la difficulté croissante de pouvoir mener à bien un projet face à tous les recours. Enfin, nous constatons un énorme problème de confiance, car il est aujourd’hui plus facile de boursicoter devant son écran plutôt que d’investir dans le logement. Nous devons aussi travailler à y remédier.

Il me revient donc de vous présenter les principales conclusions de la mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne et à la réalisation d’un parcours résidentiel durable, créée sur le fondement de la décision prise par la conférence des présidents à la demande du groupe Démocrate.

Ces travaux ont été conduits dans un contexte propice, marqué par l’urgence forte de renouer avec une véritable politique du logement. Ils font suite à la concertation impulsée par le CNR et aux démarches initiées en 2022 par les ministres Christophe Béchu et Olivier Klein. Ce chantier a permis d’élaborer un diagnostic solide de l’état du logement en France, en distinguant les aspects conjoncturels et structurels, et a débouché sur plusieurs conclusions consensuelles.

Nous nous sommes appuyés sur de nombreux rapports et études publiés récemment, comme les propositions de l’Association des maires de France, le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, ou encore les propositions d’une importante mission d’information de la commission des finances, qui ont été présentées en juillet dernier par nos collègues Daniel Labaronne et Charles de Courson.

Bien que variés dans leurs conclusions, tous partagent un même refus de nier plus longtemps qu’il existe bel et bien une crise du logement en France et qu’il ne faut plus se contenter de demi-mesures.

La première partie du rapport est consacrée à rappeler des chiffres qui attestent de différents blocages, tant du côté de la demande que de l’offre.

On peut citer notamment la hausse continue des coûts d’accès à la propriété, multipliés par 2,5 en vingt ans, ainsi que des coûts des loyers, avec une hausse moyenne de deux points du taux d’effort des ménages. Ce dernier est d’ailleurs nettement plus élevé pour les ménages les plus modestes, ce qui conduit à une pression considérable sur le secteur du logement social, lequel peine à répondre aux demandes urgentes.

Symétriquement, l’offre de logements est structurellement insuffisante, avec un niveau historiquement bas de production de logements neufs, inférieur de cent mille unités au niveau atteint en 2009. Surtout, le parc existant de 38 millions de logements est inadapté aux besoins, trop de logements n’étant plus proposés comme résidence principale, mais comme résidence secondaire ou loués pour de courts séjours, sur fond de hausse continue de la part de logements vacants.

En conséquence, l’offre de logements est aujourd’hui mal adaptée aux différentes étapes du cycle de vie, ce qui conduit à bloquer le parcours résidentiel, alors que le besoin en logement diffère pour un étudiant, un jeune actif, un ménage avec enfant ou une personne âgée. Ces différentes étapes sont les différentes barrières rencontrées lorsqu’il s’agit de trouver un logement.

Pour répondre à ces enjeux, nous présentons trente-cinq recommandations déclinées en trois grandes orientations : une approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels, un choc de l’offre et un choc de trésorerie en faveur du logement social et abordable et enfin une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace et qui doit évoluer.

En premier lieu, il faut doter les acteurs locaux du logement de tous les leviers pour favoriser une meilleure adéquation entre les besoins résidentiels réels des habitants et l’offre de logements disponibles. Nous proposons que les besoins réels en logement soient affinés au niveau territorial, ce qui n’est pas assez le cas aujourd’hui, et de confier davantage de responsabilités aux intercommunalités, par le statut d’autorité organisatrice de l’habitat.

En effet, pour améliorer le parcours résidentiel à chaque étape de la vie, il est primordial de définir les objectifs de logement en fonction du territoire, mais également de la typologie et de l’évolution de la démographie de ce territoire. À cette fin, il faut doter les acteurs locaux d’une boîte à outils complète, en favorisant une plus grande différenciation des politiques du logement.

Il faut doter les collectivités des moyens leur permettant de disposer d’une ingénierie adaptée à différents niveaux, en matière d’urbanisme – afin de développer des projets innovants alliant la construction et la sobriété foncière –, en matière économique – car il n’est pas possible de séparer les politiques du logement et les politiques d’attractivité économique –, en matière d’emploi, de réindustrialisation ou encore d’appui à la rénovation énergétique et à l’amélioration du parc existant. Trop longtemps, ces différents domaines ont été « travaillés » en silo, alors qu’il existe entre eux une liaison essentielle qu’il est important de raccourcir, pour éviter des déplacements coûteux.

La question de la décentralisation de la politique du logement va donc très au-delà de la seule question du rôle des collectivités dans les procédures d’attribution des logements sociaux portée par le projet de loi présenté récemment en conseil des ministres. Nous considérons que ce sujet devra trouver sa place dans les débats parlementaires à venir.

En outre, il est crucial de mieux prendre en compte le surcoût de charges occasionnées aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui mènent des politiques actives de logement et de rénovation énergétique. Nous proposons donc de réinstaurer un bonus pour les maires bâtisseurs. Cette proposition figure en bonne place dans les conclusions du CNR Logement, lequel propose d’accorder un bonus aux maires engagés, sous la forme d’une aide forfaitaire d’un montant calculé sur le nombre moyen de logements construits ou transformés au cours des années précédentes. Le montant de l’aide s’accroîtrait avec le caractère social du logement produit.

Nous proposons également d’ajuster le calcul des dotations financières des collectivités territoriales, pour refléter de manière plus juste les investissements significatifs qu’elles réalisent dans les domaines du logement et de l’urbanisme.

Notre deuxième série de propositions vise à mobiliser tous les leviers qui favorisent l’offre de logements abordables, tant dans le parc social que dans le secteur libre. Il est urgent aujourd’hui de rendre au secteur social les moyens financiers de produire du logement abordable. Faute d’un soutien public à la hauteur des enjeux, la capacité d’investissement des organismes HLM sera entièrement absorbée par leurs obligations d’entretenir leur parc existant et d’assurer sa rénovation thermique. En revanche, la production de nouveaux logements ne sera qu’une variable d’ajustement.

Nous proposons donc de revenir sur les effets défavorables de la réduction du loyer de solidarité, afin de restituer aux organismes HLM une capacité d’investissement supplémentaire d’environ 1,3 milliard d’euros (Md€). Cette mesure permettrait de relancer significativement la construction de nouveaux logements sociaux. L’enjeu nous paraît beaucoup plus structurant que les oppositions caricaturales entre logement intermédiaire et logement social.

Nous proposons d’étendre le taux réduit de TVA à l’ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés, alors qu’il est aujourd’hui réservé à certains logements très sociaux et aux opérations menées dans le cadre de plans de rénovation urbaine. On pourra nous opposer l’incidence budgétaire de ces mesures. Mais il faut rappeler qu’un logement est un bien de première nécessité. Il faut aussi prendre en considération que les pertes de recettes qui résultent de l’insuffisance actuelle de la production de logements sont très importantes et qu’il vaut mieux une production élevée de logements à laquelle est appliquée une TVA réduite, qu’une production faible supportant une TVA plus élevée.

Par ailleurs et comme l’ensemble des acteurs, nous préconisons le maintien dans la durée des financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires, en veillant à préserver une part substantielle de ces fonds pour la rénovation thermique des logements. Nous ne pouvons pas continuer à entendre que l’effort consenti en faveur de la rénovation thermique impacte la production de logements, alors qu’on peut organiser des mécanismes qui permettent que cette part devienne moindre – dès lors qu’on sait qu’une rénovation thermique n’est pas réalisée pour dix ans, mais bien pour trente ans ou quarante ans, sur les bâtiments qui sont amenés à être rénovés.

Enfin, le logement abordable doit permettre de lever des freins à la mobilité professionnelle, par une meilleure adéquation entre les lieux de travail et la résidence. Nous invitons donc à améliorer l’offre de services d’Action logement, pour renforcer l’appariement offre-demande sur le marché de travail et le lien entre l’emploi et le logement. Il faut rappeler que le « 1 % logement » a été fragilisé ces dernières années par la réduction de son assiette et par des prélèvements budgétaires de l’État. Alors qu’Action logement s’est largement réformée, nous proposons, à rebours des tendances passées, de renforcer son offre de services envers les salariés des PME. Cela nécessitera d’assujettir l’ensemble des entreprises de plus de dix salariés à la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), comme cela a pu être le cas dans un passé encore récent. Beaucoup d’entreprises déclarent aujourd’hui être confrontées à un problème de recrutement au regard de l’enjeu du logement : il faut rassembler tous les acteurs autour de la table pour apporter des solutions plutôt que de remonter des problèmes.

De même, il est essentiel de développer, pour les agents publics, une offre de services comparable à celle d’Action logement. Nous proposons la mise en place d’un fonds permettant d’investir dans le logement social pour les agents publics et de nouer des partenariats avec les bailleurs sociaux ainsi qu’avec Action logement.

En parallèle, nous proposons d’assortir la hausse du financement des logements sociaux de nouvelles garanties tenant à l’organisation de parcours résidentiels, à la mobilité des locataires et à la gestion du parc existant.

Ces dernières semaines, les débats se sont focalisés abusivement sur la question de locataires HLM « trop riches », ce qui est une façon réductrice d’aborder la question de la mobilité dans le parc social : on ne peut pas, d’un côté, soutenir la mixité sociale et, de l’autre, rompre dès lors qu’elle existe. L’enjeu principal porte sur les occupants vieillissants qui, une fois les enfants partis, se trouvent dans des logements trop grands, mais auxquels il est aujourd’hui difficile d’offrir un logement plus petit dans des conditions financières satisfaisantes. Nous proposons donc d’inciter les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit, mais avec des contreparties financières comme la garantie d’une absence de hausse de loyer et la prise en charge de certains frais de déménagement, sous conditions de ressources. Je crois que le président Stéphane Peu a porté cette idée et qu’il l’a appliquée dans sa propre commune, il y a déjà quelques années.

La question du logement abordable ne se limite pas à celle du secteur social. Il faut lever les freins qui peuvent dissuader les particuliers propriétaires de mettre en location un logement, notamment au regard des risques d’impayés. Deux chiffres illustrent parfaitement cette situation : 56 % des Français sont propriétaires et deux tiers d’entre eux n’ont plus recours à un emprunt. Il y a là une épargne mobilisable, mais à laquelle il faut offrir des garanties en contrepartie. Nous proposons de conforter les acteurs territoriaux de l’information sur le logement, de promouvoir les mécanismes d’intermédiation et de garantie locatives, comme le dispositif Visale, et d’engager une réflexion visant à mettre en place une garantie universelle des loyers.

Enfin, notre dernière série de propositions vise à une grande réforme fiscale, afin d’accroître la mise à disposition de résidences principales et de faciliter ainsi le parcours résidentiel.

Un travail récent et important du conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a établi que les prélèvements fiscaux sur le logement représentent près de 92 Md€, intervenant à différentes étapes du cycle de vie du logement : la construction, l’acquisition, la rénovation, la détention, la location et enfin la cession. À recettes publiques globales inchangées, il est possible de redéployer une partie significative des prélèvements, afin de rendre cette fiscalité plus juste et moins pénalisante pour la construction et l’utilisation des logements.

Nous proposons d’abord d’alléger massivement la fiscalité sur les primo-accédants. Dans le neuf, il convient d’étendre à l’ensemble du territoire le taux préférentiel de TVA (5,5 %) pour les primo-acquéreurs sous condition de ressources, qui est aujourd’hui réservé aux quartiers de la politique de la ville. Dans l’ancien, nous proposons une mesure similaire en réduisant les taux des frais de notaire et des droits de mutation à titre onéreux, sous condition de ressources des acquéreurs et dans la limite de certains montants de transactions – avec compensation par l’État de la perte de recettes pour les départements.

Dans le neuf comme dans l’ancien, nous proposons le dézonage généralisé à l’ensemble du territoire national du prêt à taux zéro, attribué également sous condition de ressources. À titre personnel, je propose aussi d’examiner la piste d’une réduction du taux de TVA pour les travaux de rénovation engagés par les primo-accédants dans l’ancien, le cas échéant sous condition d’amélioration de la performance énergétique. Cela favoriserait ainsi l’optimisation et la rénovation du parc existant. Cette mesure nationale engendrerait un effet d’entraînement sur les initiatives des collectivités territoriales en appui à la rénovation énergétique du parc privé, sous la forme de conseils et d’aides à l’ingénierie.

De façon générale, nous considérons que la fiscalité doit frapper plus lourdement les comportements qui détournent les logements d’une occupation en tant que résidence principale et, inversement, récompenser les bailleurs vertueux qui facilitent la mise en location de longue durée de biens rénovés. La mise en location d’un logement n’est pas une rente, mais elle correspond à une activité productive, utile à la société, avec souvent plus de risques et des rendements moindres que certains placements financiers.

Nous proposons donc d’établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique. Nous reprenons également une proposition présentée par notre collègue Jean-Paul Mattei et visant à créer un statut de l’investisseur immobilier, avec application du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus fonciers bruts, en contrepartie d’un engagement de plus d’un an de location du bien immobilier, d’un encadrement des loyers et d’un bon niveau de performance énergétique. Une telle mesure simple et visible constituerait une alternative avantageuse aux différentes incitations fiscales qui se sont succédé dans le temps sous forme d’un amortissement fiscal ou d’une réduction d’impôts spécifique en faveur de l’investissement locatif dans le logement neuf, parfois avec des effets pervers.

Parallèlement, nous invitons à mettre fin, sans tarder, aux avantages fiscaux dont bénéficient les locations meublées touristiques de courte durée, dont nous connaissons les effets d’éviction sur les résidents et les salariés dans les centres des métropoles et les zones marquées par le « sur-tourisme ». La proposition de loi de nos collègues Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz est une première étape en ce sens et il faut que son examen parlementaire aille à son terme. Il faudra aussi aller plus loin, en supprimant progressivement les distinctions entre locations meublées et non meublées, et entre locations meublées professionnelles et locations meublées non‑professionnelles, comme l’a récemment proposé le conseil des prélèvements obligatoires.

Pour inciter les propriétaires à remettre sur le marché des logements inutilisés (ou sous-utilisés), nous proposons également de continuer à moderniser la fiscalité des logements vacants et des résidences secondaires.

Pour stimuler la mise sur le marché des biens immobiliers, nous proposons de réformer la fiscalité sur les plus-values immobilières, en supprimant le système d’abattement pour durée de détention. Nous proposons de le remplacer par une actualisation de la valeur d’acquisition du bien selon l’inflation ou le coût de la construction. Cela permettrait de déterminer l’impôt sur la plus-value de manière plus équitable et de décourager les comportements de rétention immobilière.

Enfin, il est impératif de ne pas manquer l’occasion majeure qui se présente pour les finances publiques locales et pour le financement des politiques du logement en raison des effets du « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui accroîtra mécaniquement la valeur des terrains constructibles et donc la rente dont bénéficient leurs propriétaires. Nous proposons de faire bénéficier les collectivités d’un « choc de trésorerie » en taxant beaucoup plus fortement les plus-values foncières résultant du ZAN et en attribuant le rendement principal au bloc communal, fléché vers des dépenses d’aménagement et d’aide à la construction de logements. Nous appelons à ce que le projet de loi de finances pour 2025 comprenne un « paquet fiscal » complet dans le domaine du logement et que le Parlement puisse s’en saisir, sans que le débat soit prématurément interrompu.

Une réforme d’ensemble de la fiscalité du logement offrirait une occasion majeure d’être à la hauteur de la crise du logement, tout en procurant des ressources publiques et en taxant plus lourdement les comportements de rétention foncière et de spéculation.

Les travaux de cette mission d’information témoignent, après bien d’autres, du fait que le secteur du logement est confronté à des défis nombreux et complexes, mais ils permettent également d’acquérir la conviction que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Avec un engagement ferme des parties prenantes, une volonté d’innover et de réformer et un suivi des progrès réalisés, nous pouvons transformer notre système de logement pour mieux servir les Français.

M. le président Stéphane Peu. Lorsque nous avons commencé notre mission, le ministre chargé du logement était M. Patrice Vergriete. Nous nous sommes entretenus avec lui, puisqu’il y avait à l’époque l’idée d’une loi-cadre, qui devait intervenir à la fin du premier semestre 2024. Il y avait donc concomitamment trois projets ou propositions de loi : un projet sur l’habitat insalubre, qui a été adopté ; une proposition sur les meublés touristiques de nos collègues Le Meur et Echaniz, qui poursuit son chemin et dont nous espérons qu’elle aboutira dans les meilleurs délais ; et un projet de loi d’orientation, qui n’est finalement plus à l’ordre du jour. Nos propositions restent d’autant plus d’actualité et elles devront, comme l’a dit notre rapporteur, trouver des débouchés, les plus consensuels possible, dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2025.

M. Iñaki Echaniz (SOC). Je vous remercie pour ce rapport, à la fois extrêmement intéressant et très documenté. Je regrette néanmoins que nous soyons assez peu nombreux à être présents aujourd’hui, alors que le sujet est extrêmement important et que nous sommes de plus en plus à nous mobiliser dessus. Effectivement, certains textes aboutissent et nous sommes tous déçus que les annonces de M. Patrice Vergriete n’aient pas été reprises depuis la prise de fonction de M. Guillaume Kasbarian.

Je me réjouis néanmoins de ce rapport, qui reprend un certain nombre de sujets et propositions que nous portions avec mon groupe et l’ensemble de la gauche. Je me réjouis que le Modem se mette à les porter avec nous : je parle de l’aide aux maires bâtisseurs, du soutien au logement social, de l’encadrement des plus-values et de l’accès au foncier dans le cadre de l’accession à la propriété. J’espère donc que nous pourrons compter sur vous, monsieur le rapporteur, au moment de l’examen du prochain projet de loi de finances – qui risque d’être la seule « fenêtre de tir » que nous aurons pour débattre de ces sujets-là – pour avoir le soutien du Modem sur nos amendements ; ce n’était pas forcément le cas lors des examens précédents.

C’est un rapport extrêmement intéressant pour nous. Vous parlez de sujets qui concernent directement mon territoire, notamment celui du bail mobilité. Je suis donc agréablement surpris par ce rapport, qui va aider, je l’espère, à nous faire avancer collectivement sur ce sujet. En tout cas, vous pourrez toujours compter sur nous si les mesures que j’ai citées sont reprises dans des textes. Vous pourrez porter cette voix-là auprès du nouveau ministre chargé du logement, afin d’infléchir – ou de créer – une ligne qui permette de donner des réponses à cette crise du logement.

Mme Martine Étienne (LFI-NUPES). Je pensais à un autre aspect du logement, à savoir les gens qui choisissent de se loger en mobile-home, dont la résidence principale est un mobile-home.

Ce ne sont pas forcément des gens sans ressources. Ce sont, au départ, des personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété parce que, comme vous l’avez souligné, elle est de plus en plus chère et les loyers aussi. En faisant leurs calculs, elles voient qu’elles ont assez d’argent pour acheter un mobile-home, l’aménager, acheter le terrain et payer les charges du camping. Elles s’en trouvent très bien.

Il ne faut pas oublier non plus cette situation. Il s’agit parfois d’un non-choix, parce que ces ménages n’ont pas assez d’argent ; mais ce peut également être un choix, parce que le lieu leur convient.

M. Mickaël Cosson, rapporteur. Faire croire qu’un projet de loi pourrait répondre à tous les enjeux cités serait un leurre. En revanche, il existe beaucoup d’opportunités de pouvoir répondre concrètement à ces enjeux. Tel est l’esprit dans lequel je pense que ce rapport doit vivre : il s’agit de saisir les opportunités qui se présenteront à nous, qu’il s’agisse d’un projet de loi transpartisan sur une thématique bien précise, d’un projet de loi fiscale ou d’un autre texte.

L’objectif est que tous les freins que nous avons identifiés depuis déjà de nombreuses années, voire des décennies, soient remplacés par des accélérateurs, et que tous les moyens soient mis en œuvre pour débloquer cette situation. Il n’y a rien de plus frustrant que de constater que le problème du mal-logement, identifié depuis déjà longtemps, n’a jamais été résolu par la quantité ou la quotité. Il nous faut aujourd’hui réfléchir à la qualité. Nous ne l’avons peut-être pas suffisamment dit, mais le logement « senior », par exemple, n’est traité que de manière marginale – les projets proviennent de porteurs ou d’initiatives privés – et les réponses qui sont apportées ne correspondent pas aux attentes. Le constat est le même pour d’autres thématiques, comme le logement des jeunes actifs ou le logement des saisonniers en zone littorale ou montagnarde.

Nous parlons de « boîte à outils », car il existe tellement de spécificités, suivant l’endroit où l’on se trouve en France, qu’une loi ne résoudra pas tout. En revanche, il faut laisser suffisamment d’agilité et de souplesse dans nos propositions, de sorte que les territoires ou les acteurs du bâtiment puissent s’en saisir, plutôt qu’ils ne se retrouvent avec un marteau alors qu’on leur demande de peindre sur un petit coin de table… Tel est le problème : les outils qui ont été proposés jusqu’à présent ne sont pas en adéquation avec les besoins. Comment faire, cette fois-ci, pour mettre une palette à disposition et apporter des solutions plutôt que de créer de nouveaux problèmes ?

M. Guillaume Vuilletet (RE). Je salue le travail qui a été réalisé. Parmi les éléments que vous avez présentés, figure cette idée de l’établissement de parcours résidentiels. On peut avoir des avis différents sur la façon de le faire, mais, de fait, aujourd’hui, les logements deviennent des logements pour toujours, non par choix, mais de manière subie par d’un certain nombre d’habitants. Des solutions alternatives ne leur sont pas proposées. Je sais que le projet de loi qui doit arriver d’ici la fin de cette session devant le Sénat contiendra des propositions sur la mobilité.

Ce point est important. Il mérite d’être complété et amendé : la situation où une personne veuve vit dans un cinq pièces alors que ses enfants sont partis existe bien, dans le logement social comme dans le logement privé. L’ingénierie est actuellement insuffisante pour pouvoir lui proposer une solution alternative. De même, pour les personnes qui sont en début de formation ou de vie active, décider de quitter un logement aidé pour profiter d’une opportunité est une prise de risque qui peut être rédhibitoire, de sorte que les uns et les autres n’effectuent pas cette mobilité et préfèrent rester là où ils sont. Cette dimension est à prendre en compte et j’ai cru comprendre qu’elle était très largement présente dans ce rapport.

Il est important de rétablir une histoire et de reproposer un narratif autour du logement. En effet, beaucoup de nos concitoyens ont une réticence à accueillir de nouveaux logements autour d’eux. Dans une partie des communes, lors de l’élection de 2020, qui était très particulière à bien des titres, l’idée a pu localement prospérer du « Pas un voisin de plus ! ». Peut-être était-ce du fait de la crise de la covid que nous préférions avoir cette forme de grégarité, parce qu’on avait eu peur ? Peut-être était-ce un phénomène plus profond ? Je crois que, même s’il a été accentué par la crise sanitaire, il existait bien un mouvement assez profond à ce sujet, qu’il faudra déconstruire pour restaurer l’idée que la ville, la collectivité, se bâtit avec une histoire qui est belle. Il faut rappeler qu’au travers du logement social, des personnes arrivent pour satisfaire nos besoins les plus urgents. Le logement social peut concerner des personnes qui peuvent être nos enfants, qui décohabitent, ou nos anciens, y compris des personnes qui étaient en cinq pièces auparavant et qui sont accueillies différemment. Le parcours résidentiel est bâti autour de ces histoires-là.

M. le président Stéphane Peu. Notre rapport contient beaucoup de propositions. Certaines marquent des ruptures claires ou des virages pour relancer la production de logements, avec deux axes : les primo-accédants et les logements abordable et social.

Il faut revenir aussi sur des mécanismes qui ont fait le socle de la politique du logement, notamment social, dans notre pays, par exemple le « 1 % logement ». La crise du logement vécue par les Français a des impacts sur l’économie de notre pays : beaucoup d’entreprises ont témoigné ici des problèmes pour la performance économique, l’emploi, l’industrialisation ou la réindustrialisation du pays qu’entraînent les difficultés de logement.

Dans l’esprit du CNR et des différents travaux réalisés, nous pouvons essayer de converger et de dégager des consensus pour une politique de rupture, qui, pour une large part, est un impensé du gouvernement depuis 2017. Il n’y a pas eu véritablement de stratégie, hormis la réduction ou la suppression d’éléments qui n’ont pas été remplacés ou qui se sont traduits par un affaiblissement de certains secteurs de la production de logements.

Aujourd’hui, la Fédération française du bâtiment chiffre à cent cinquante mille le nombre d’emplois qui risquent d’être supprimés au cours de l’année 2024, en raison principalement de la baisse de la production de logements. Derrière la crise sociale liée à la crise du logement, une crise économique se profile. Par définition, le bâtiment s’appuie sur des métiers pas ou peu délocalisables et qui représentent des emplois précieux.

La matière existe donc pour des propositions de loi qui rassemblent sur les différents bancs de l’hémicycle ou pour une loi-cadre, en lieu et place du projet de loi annoncé le précédent ministre chargé du logement. La matière existe pour être collectivement actifs lors du débat sur le prochain projet de loi de finances, qui devra opérer des choix de rupture – sauf à s’enfoncer un peu plus dans la crise du logement : je pense à ce qui a été dit sur la TVA sur les  primo-accessions ; je pense à la réduction de loyer de solidarité dans les HLM, qui doit être supprimée ; je pense aussi à l’abaissement à dix salariés, comme par le passé, du seuil de la participation des employeurs à l’effort de construction… toutes propositions portées dans le présent rapport.

Puis la mission d’information a approuvé la publication du rapport d’information.

 


 

   contributions ÉCRITES DES groupes

 

 


   Contribution DU groupe Rassemblement National

 

La France est entrée dans une crise du logement inédite. Dans les zones « tendues », représentées par les grandes métropoles, et dans certaines zones littorales ou frontalières, l’offre de logements est insuffisante pour répondre à la demande des Français. L’offre locative demeure insatisfaisante pour les plus modestes qui n’ont pas accès au crédit et sont exclus de la propriété privée : les précaires, les étudiants, les jeunes actifs, ou les personnes à faibles salaires.

Si le gouvernement avance des facteurs conjoncturels en pointant l’inflation des matières premières et la remontée des taux d’intérêt, sa responsabilité demeure entière dans la crise du logement qui touche les Français. L’absence de politique ambitieuse, marquée par des coupes budgétaires et la faiblesse de dispositifs d’investissement capables de relancer la construction, sont à l’origine de l’effondrement des livraisons de logements neufs. La multiplication des normes environnementales et énergétiques intenables contribue à aggraver la pénurie de logements, en attaquant aujourd’hui le parc immobilier ancien, bien incapable de s’adapter dans un calendrier aussi contraint. Enfin, depuis 2017, la fiscalité défavorable à l’investissement immobilier est conforme à la philosophie mondialiste d’Emmanuel Macron, foncièrement hostile à la pierre désignée comme un « actif en sommeil » ou une « rente », dont il faut détourner les Français au profit des valeurs mobilières et des marchés financiers.

Le Rassemblement National entend proposer un projet alternatif à l’échec de la politique du logement d’Emmanuel Macron. Ce projet doit offrir à tous les Français un logement digne, en soutenant massivement l’accession à la propriété. L’aménagement du territoire devra être repensé afin de rétablir un équilibre, rompu depuis plusieurs décennies, entre les grandes métropoles et les zones rurales, en lançant le chantier de la démétropolisation. La transition écologique et la rénovation thermique du parc de logements anciens restent une priorité qui doit s’inscrire dans un cadre économiquement et socialement soutenable, en rupture avec une écologie punitive qui dépossède chaque jour les Français les plus modestes. Au-delà de sa dimension sociale, cette politique s’inscrit dans la volonté de soutenir un des piliers de notre économie : l’industrie immobilière qui représente 11 % de notre PIB et 2,3 millions d’emplois non‑délocalisables. Les dotations affectées à la politique du logement pourvoient à la croissance de notre économie et à la création d’emplois. Dans cette perspective, les métiers de l’artisanat et du bâtiment devront être revalorisés afin de créer une filière d’excellence capable de transmettre notre savoir-faire, par le développement de l’apprentissage.

Le rapport proposé dresse un constat dans l’ensemble partagé sur la situation difficile du logement et ses impacts, même si certains compléments pourraient être apportés. Il émet ensuite un ensemble de propositions pour partie également partagées, voire parfois déjà proposées, par le Groupe Rassemblement National, mais certaines propositions apparaissent cependant devoir être tempérées, tandis que d’autres pourraient utilement être effectuées.

  1.   Un constat dans l’ensemble partagé, mais à compléter
    1.   Un constat partagé

Le rapport souligne à juste titre la crise profonde du secteur et la nécessité de redynamiser l’accès au logement pour tous. Les chiffres les plus récents sur la construction de logements sont, en effet, alarmants. Dans la mesure où la plupart des logements sociaux sont construits en VEFA dans le cadre d’opérations mixtes, la crise touche le logement libre comme le logement social, avec un nombre de demandes non satisfaites croissant. Cela apparaît aussi lié à un taux de rotation en baisse sensible qui, parallèlement à un nombre de constructions en réduction, contribue à la non-satisfaction des demandes.

Parallèlement, la part des dépenses de logement, dans le budget des ménages, a sensiblement augmentée ces dernières années, ce qui pose un réel souci de pouvoir d’achat à nombre d’entre eux, notamment les plus modestes.

Comme le souligne également, à juste titre, le rapport : arguer du nombre de logements vacants pour relativiser la crise de la construction n’est pas pertinent. Le taux de logements vacants (8 %) est dans la moyenne des pays de l’OCDE, et la plupart d’entre eux ne peuvent trouver preneur, soit car situés dans des zones géographiques peu attractives, soit parce qu’inadaptés ou liés au départ de personnes âgées.

Les objectifs quantitatifs des constructions neuves à réaliser divergent en effet fortement selon les estimations, même si celle de l’Union sociale de l’habitat, effectuée fin 2023, apparaît détaillée et pertinente, et elle est plus proche des 500 000 logements annuels que des 350 000 parfois évoqués par les pouvoirs publics. En tout état de cause, une approche plus territoriale et plus sectorisée des besoins, proposée par le rapport, est en effet à rechercher.

Outre les difficultés sociales d’accès à un logement abordable, le rapport souligne à raison que la situation actuelle renforce les problèmes de mobilité, de suroccupation, mais aussi crée des soucis de recrutement pour nombre d’entreprises dont les salariés ne peuvent se loger.

Les causes de cette situation sont, dans l’ensemble, identifiées : à des raisons conjoncturelles (hausse des taux d’intérêt, inflation du coût des matériaux) se rajoutent des causes plus structurelles comme le manque d’incitation des maires à construire, les moindres possibilités d’investissement des bailleurs sociaux… Le rapport souligne également - sans forcément en tirer toutes les conséquences - l’impact négatif des diagnostics de performance énergétique sur le marché de la location ainsi que du « zéro artificialisation nette » (ZAN) sur la rétention et le coût du foncier. Enfin, nous partageons également les regrets du rapport quant à la disparition ou à la réduction de certains dispositifs d’accession à la propriété : suppression de l’APL accession ou réduction du champ du prêt à taux zéro (PTZ).

  1.   L’occultation de l’aménagement du territoire

La métropolisation est un phénomène d’organisation territoriale visant à concentrer dans les métropoles les activités économiques, les flux financiers, les richesses, les fonctions décisionnelles et la population. Encouragée par la mondialisation libérale, selon laquelle cette concentration stimule la croissance économique, elle se déploie au détriment des territoires ruraux.

Cette concentration de l’emploi a des conséquences directes sur le marché du logement dans les grands centres urbains. L’accroissement de la demande crée une inflation continue du prix de l’immobilier, excluant, dans un premier temps, les Français les plus modestes, puis les classes moyennes des grandes métropoles, qui ne sont plus en capacité de se loger dans les principaux bassins d’emplois. Cette relégation les pousse à s’éloigner des centres-villes vers les espaces péri-urbains, les exposant à des temps de trajet ne cessant de s’allonger et à un coût des transports en constante progression (hausse du prix des carburants et des voitures). Le mouvement des Gilets Jaunes a été une réaction face aux conséquences sociales négatives de la métropolisation.

Cette inflation immobilière, caractéristique des métropoles françaises, a pris son envol au début des années 2000. L’agglomération parisienne, concentrant 18 % de la population française (11 millions d’habitants) et 30 % de la richesse nationale, illustre ce phénomène. À Paris, le prix du mètre carré est passé de 3 000 euros à 10.000 euros en 20 ans ([147])  et les loyers représentent environ 40 % du revenu des ménages parisiens non propriétaires ([148]). Ainsi, certains ménages ont vu leur patrimoine immobilier s’accroître sous l’effet de l’inflation et l’émergence d’un marché spéculatif, créant un déséquilibre patrimonial grandissant entre les propriétaires des grandes métropoles ou littoraux et ceux des territoires ruraux.

La démétropolisation vise à déconcentrer l’activité économique et les hommes des pôles urbains vers des zones moins denses, par une nouvelle politique d’aménagement. Ce changement de paradigme a pour ambition de mettre un coup d’arrêt aux effets néfastes de la métropolisation sur l’espace français, avec les conséquences socio-économiques que nous connaissons aujourd’hui : pression foncière et logements inabordables dans les grands centres urbains, départ des jeunes et des populations actives des zones rurales, concentration des sièges sociaux et des emplois les plus qualifiés, désertification etc. La démétropolisation doit rééquilibrer la répartition des activités économiques entre les territoires, afin de renforcer l’attractivité des zones désertifiées. Dans cette perspective, la réindustrialisation doit se déployer prioritairement dans les espaces ruraux, offrant un foncier abordable et disposant fréquemment de friches industrielles en attente de conversion.

Enfin, cette politique de dédensification des grandes métropoles, au bénéfice des territoires ruraux, exige un plan de revitalisation de nos bourgs et villages, en donnant la priorité à la rénovation d’un parc de logements aujourd’hui délaissé et en sanctuarisant la présence de services publics en partie disparus (trésoreries, bureaux de poste, écoles etc.) La politique de la ville doit mieux considérer les petites villes en rééquilibrant ses dotations à leur profit.

  1.   Des éléments complémentaires sur les causes et les conséquences de la crise

Parmi ses conséquences sociales, il convient d’ajouter que la crise actuelle a aussi un impact indirect sur le bon fonctionnement de services publics en zone tendue (notamment les zones littorales) où les agents de catégorie C trouvent très difficilement à se loger. C’est ainsi, par exemple, que certains hôpitaux peinent encore plus lourdement que la moyenne à recruter.

En outre, on ne peut pas passer sous silence les risques forts sur l’emploi dans le secteur du BTP que la décrue du nombre de constructions engendre : on parle ainsi de près de 150 000 emplois menacés dans le secteur. Ceci appelle des mesures d’urgence pour faire face à la crise, avant même des réformes structurelles forcément plus longues à mettre en œuvre.

Enfin, la crise a un impact budgétaire non neutre, en minorant les recettes de TVA issues de la construction ainsi que les DMTO perçus par les collectivités locales, et notamment les départements, qui ont alerté sur les menaces pesant sur leur équilibre budgétaire. Ceci doit être pris en compte pour la mise en œuvre de certaines mesures qui, si elles peuvent avoir un coût apparent (comme par exemple une aide aux maires « bâtisseurs » ou la réduction de la TVA sur certains secteurs) auront en fait un impact budgétaire positif en relançant la construction.

Parmi les causes conjoncturelles de la crise, le durcissement des conditions d’octroi des prêts bancaires, à la suite des décisions prises par le Haut Conseil de Stabilité Financière concernant le taux d’effort, doit être rappelé, il nécessiterait un accroissement des dérogations.

Concernant la réalisation de logements sociaux, deux observations doivent être formulées. En premier lieu, on peut regretter que la loi SRU ne prenne pas assez en compte la situation des communes concernées, dont certaines ne peuvent matériellement atteindre l’objectif de 25% du fait du coût et surtout de la rareté du foncier, notamment en zones littorales où des communes doivent à la fois composer avec les contraintes de la loi littoral, d’un Plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) et d’un plan de prévention des risques d’incendies de forêts (PPRIF). C’est la raison pour laquelle des députés Rassemblement National ont proposé que ce seuil de 25 % s’applique aux nouvelles constructions, et non au stock.

Par ailleurs, les maires sont souvent réticents à réaliser des logements sociaux avec une maîtrise très restreinte des attributions, conduisant à un mécontentement des demandeurs locaux qui se voient refuser un logement social alors que des demandeurs extérieurs sont priorisés. Sur ce point, nous avons proposé, au même titre que le Sénat, une plus grande maîtrise des attributions par les maires.

Enfin, et plus globalement, la question de la vacance des logements dans certaines zones et la difficulté, pour certaines entreprises, de recruter du fait des problèmes de logement dans leur zone d’implantation, doit être mise au regard de l’abandon, depuis plusieurs décennies désormais, de toute politique sérieuse d’aménagement du territoire au profit de la logique de métropolisation, situation dont nous mesurons aujourd’hui les effets négatifs. Un véritable travail de fond et d’ampleur doit être mené par l’État, en lien avec les collectivités territoriales et le monde économique, en faveur de la démétropolisation, qui correspond au souhait de vie de la majorité des Français.

  1.   Des propositions partiellement partagées, mais à tempérer ou à compléter
    1.   Des propositions partagées

Le rapport émet un ensemble de propositions dont certaines sont pleinement partagées, voire ont parfois été déjà proposées, par les députés du Rassemblement National.

Il convient en effet de mieux territorialiser les objectifs et certaines modalités de l’action publique en faveur du logement, pour tenir compte des spécificités des territoires. Une limite est cependant indispensable : la territorialisation ne doit pas conduire à des dispositifs illisibles car trop complexes d’un territoire à l’autre.

Concernant la participation des employeurs, le rapport souligne à juste titre la nécessaire pérennisation des interventions d’Action Logement. Par ailleurs, concernant la prise en compte des besoins saisonniers par les employeurs, celle-ci doit être encouragée, ce qui implique sans doute des mesures fiscales en ce sens, comme une proposition de loi émanant de députés du Groupe Rassemblement National l’a envisagé.

L’aide aux maires « bâtisseurs » apparaît également nécessaire, d’autant plus, après la suppression de la taxe d’habitation. Son mode de calcul doit cependant être simple et clair, et l’exclusion systématique des communes ne respectant pas le seuil de la loi SRU proposée par le rapport n’apparaît pas pertinente, compte tenu des efforts entrepris par nombre d’entre elles et donc des moyens nécessaires.

La prise en compte des outre-mer est également une nécessité, elle appelle une étude et des propositions spécifiques au regard des difficultés particulières qui y sont rencontrées en termes de logement.

Nous partageons également les propositions visant à renforcer les dispositifs d’accession sociale à la propriété, qu’il s’agisse du PTZ ou encore du taux de TVA réduit pour les primo-acquéreurs.

En ce qui concerne la TVA sur les logements sociaux, un seul taux réduit serait en effet plus clair et plus incitatif, sans pour autant signifier une perte de recettes pour l’État, le rendement étant compensé par le volume. Il en est de même, d’ailleurs, sur les travaux de rénovation, qu’il convient d’encourager et qui sont souvent des rénovations d’ensemble, et pas seulement à visée énergétique.

Par ailleurs, il convient également, comme proposé, de sécuriser les rapports propriétaire - locataire, étant entendu que la récente loi sur le sujet est incomplète. Aujourd’hui, nombre de propriétaires hésitent à louer sur le long terme, sachant qu’en cas de défaut de paiement, la situation peut durer des mois voire des années. Ceci a un impact sur l’investissement locatif, et renforce l’attrait des locations saisonnières. Une évolution de la législation est donc à poursuivre, comme nous l’avions suggéré lors de l’examen de la récente loi. Par ailleurs, nous partageons l’objectif d’extension du dispositif Visale d’Action Logement, qui couvre une partie des situations, et du développement de l’intermédiation locative, nous nous sommes déjà prononcés en faveur d’une garantie universelle de loyer, dont il conviendra de veiller particulièrement aux modalités de mise en œuvre.

  1.   Des points de divergence et des propositions complémentaires

Sur les DPE, au regard du nombre important de logements classés « F » ou « G », il convient de reporter leur interdiction de location de 3 ans (2028 au lieu de 2025 pour le « G » et 2031 au lieu de 2028 pour le « F ») afin de permettre de fiabiliser des diagnostics, parfois, soumis à caution, et d’éviter un retrait massif de logements du parc locatif, avec des tensions sur les prix qui en résulteraient.

Le gouvernement sous-estime les conséquences économiques et sociales de l’application brutale de telles mesures :

‑ Un retrait massif de logements du marché locatif ne répondant pas aux critères d’exigence énergétique, face aux difficultés économiques et techniques que représente l’exécution des travaux. De son côté, l’INSEE affirme ([149]) que, sans travaux de rénovation, près d’un logement sur deux ne sera plus accessible à la location en Île‑de‑France dans les prochaines années.

 Une politique qui décourage les propriétaires à sortir les logements de la vacance (3,1 millions de logements vides estimés) ;

 Un recul de l’offre locative aggravant la pénurie de logements, notamment dans les zones les plus « tendues » ;

 Des travaux d’isolation contraints par une réglementation stricte dans les centres anciens (Bâtiments de France, isolation par l’extérieur impossible, etc.) ;

 Un coût des travaux d’isolation alourdi par l’inflation du coût des matières premières et de l’énergie ;

 Une complexité renforcée pour les logements collectifs (copropriétés) ;

 Une crainte grandissante des banques pour financer l’acquisition d’un logement présentant un DPE dégradé ;

 Une paupérisation des propriétaires de logements avec de tels DPE, exposés à une sévère décote de leur bien ;

 Des logements mal isolés détenus par des Français majoritairement modestes, financièrement fragilisés par cette mesure et exposés à la convoitise d’opérateurs acquérant des biens décotés ;

 Des dispositifs d’aide insuffisants.

Concernant le ZAN, s’il convient de l’assouplir et de tenir compte des dynamiques locales, comme le souligne le rapport, il faut là encore « laisser le temps au temps » et, tout en gardant l’objectif 2050, enjamber en métropole, comme c’est déjà le cas en outre-mer, les - 50 % sur la décennie 2021-2031, et faire évoluer le dispositif vers davantage de simplicité et de réalisme.

L’entrée en vigueur de cette loi a des conséquences dramatiques sur la production de logements neufs. Imposée de façon verticale, sans prise en considération des besoins et des spécificités de chaque territoire, elle contrarie le développement économique des territoires. Une réflexion doit être engagée quant à son adaptation, notamment par un assouplissement des permis de construire délivrés pour des logements s’inscrivant dans une continuité du tissu bâti.

La RE2020, entrée progressivement en vigueur à compter du 1er janvier 2022, vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments neufs. Sa complexité a représenté un véritable défi pour les professionnels de l’immobiliers, les promoteurs et les architectes. Selon les acteurs du bâtiment auditionnés par le Sénat dans le cadre de la mission sur l’impact économique de la règlementation environnementale 2020 (mars 2021), elle entraînerait un surcoût de 10%. Le gouvernement reconnaît que ce surcoût devrait monter à 15%. Cette hausse est à mettre en parallèle avec le contexte inflationniste post-Covid et lié à la guerre en Ukraine qui touche les matières premières. Sans remettre en cause le bien-fondé de ces nouvelles normes énergétiques, une évaluation doit être menée quant à leur pertinence, dans une logique de simplification et de réduction maximale des coûts, sans altérer le niveau de confort. La France est le pays de l’Union Européenne qui impose les normes les plus exigeantes. La question doit être leur acceptabilité économique. A-t-on encore les moyens de supporter des normes environnementales dans un contexte de dégradation continue du pouvoir d’achat ?

Concernant les autorités organisatrices de l’habitat (AOH), dont le rapport suggère de renforcer le rôle, il conviendrait sans doute, d’une part, de ne pas conditionner leur création à l’existence d’un PLUi, ce que nombre de communes refusent, d’autre part, de laisser davantage de latitude aux collectivités locales pour s’organiser. Ces AOH doivent pouvoir être à l’échelle de l’intercommunalité, ce que suggère le rapport, mais aussi d’une partie d’intercommunalité ou encore de plusieurs EPCI, selon le souhait des communes membres, qui ne partagent pas toujours les mêmes objectifs ni n’ont les mêmes contraintes.

Il apparaît aussi difficile, voire déraisonnable, de soumettre les dotations aux communes, déjà volatiles et peu compréhensibles, à des objectifs en termes de logement, comme proposé dans le rapport.

Concernant les logements sociaux, il faut en effet mieux adapter leur taille aux besoins, ce qui veut dire en premier lieu alléger les règles imposées par les Services de l’État lors des opérations de construction et laisser la main aux collectivités. Par ailleurs, si nous partageons le constat selon lequel on ne peut procéder à des échanges en louant plus cher un appartement plus petit, on ne peut pas, à notre sens, la renforcer sans des mesures plus fermes en cas de dépassement des revenus, contrairement à ce que suggère le rapport. Un logement social ne peut, en outre, être considéré comme un logement à vie. N’oublions pas que 1 % de rotation annuelle en plus signifie 55 000 attributions supplémentaires.

Ceci doit cependant tenir compte des situations locales, notamment la différence entre le coût du logement social et du logement libre, et s’accompagner du renforcement du logement locatif intermédiaire (LLI), grand oublié de ce rapport. À ce titre, une des propositions de loi de députés du Rassemblement National comportait la possibilité, pour pallier à la disparition de dispositifs type « Pinel » et continuer à encourager l’investissement locatif, d’ouvrir le dispositif LLI aux investisseurs individuels.

Pour revenir sur le logement social, si le maintien du soutien de la Caisse des Dépôts est nécessaire, comme le souligne le rapport, le renforcement proposé des capacités d’investissement des bailleurs sociaux risque de poser des difficultés budgétaires. Une réflexion pourrait donc s’ouvrir sur la propriété des logements sociaux, qui, dans certains pays, n’est pas spécifiquement réservée à des organismes spécialisés comme c’est le cas en France. Pourquoi ne pas attirer d’autres investisseurs, les bailleurs gardant par convention le monopole de la gestion ? Enfin, les formules d’usufruit locatif social ont fait preuve de leur utilité, mais sont aujourd’hui insuffisamment développées, alors qu’elles permettent à la fois de renforcer le parc social – même pour une durée limitée – et de favoriser l’accession à la propriété.

Le Rassemblement National souhaite instaurer une priorité nationale dans l’attribution des logements sociaux. Confrontés à une inflation grandissante, les Français sont exposés à une perte de leur pouvoir d’achat immobilier qui les excluent du parc privé. Les classes moyennes et populaires sont peu à peu reléguées hors des grandes métropoles où cohabitent désormais les catégories les plus aisées et les locataires du parc social, confrontés à une surreprésentation des ressortissants étrangers.

Cette mesure vise à attribuer prioritairement les logements sociaux aux ressortissants Français qui, par leurs efforts et leur contribution au système social, ont préalablement participé au financement de la politique du logement. Le Rassemblement National considère que tout étranger autorisé à s’établir sur le sol français doit être en mesure de subvenir à ses besoins, en présentant une capacité de revenu décente pour lui et sa famille. L’accès à certains avantages sociaux doit être conditionnée à un minimum de cinq années de cotisation. La priorité́ nationale sera instaurée par une réforme constitutionnelle soumise à référendum.

Le non-respect du règlement intérieur, des règles de bonne conduite ou de sécurité́ doit entraîner la résiliation du bail par une application stricte de la clause résolutoire. Maires et bailleurs sociaux doivent avoir pour obligation de faire appliquer l’ordre en imposant les règlements de chaque résidence, en poursuivant systématiquement les locataires commettant des troubles à l’ordre conformément à l’article L442-4-1 du code de la construction. La mise à disposition d’un logement social est un avantage en contrepartie duquel le locataire doit s’engager à présenter un comportement exemplaire.

Si nous souscrivons à la nécessaire relance des dispositifs la favorisant, nous demeurons dubitatifs sur le développement du BRS et sur le démembrement de propriété qu’il induit. Il apparaîtrait plus simple de distinguer, dans les prêts bancaires, un prêt sur le bâti et un prêt hypothécaire sur le foncier, remboursable à plus long terme en différé. Par ailleurs, sur le court terme, dans un objectif de réponse rapide à la crise actuelle, des mesures – qui pourraient n’être que temporaires – pourraient utilement être prises pour exonérer de droits de mutation les biens immobiliers acquis dans les 18 prochains mois et également renforcer, sur une même période, les seuils de donation entre vifs exonérées de droits dès lors que ces donations sont consacrées à la construction de sa résidence principale. Ces deux mesures ont également déjà proposé par des députés de notre groupe.

Concernant la participation des employeurs, la proposition du rapport d’étendre la participation au dispositif « Action Logement » aux entreprises de plus de 10 salariés, au lieu de 50 aujourd’hui, devrait être facultative, et non obligatoire. Pour les employeurs publics, il ne nous semble guère opportun de rajouter une cotisation supplémentaire. Le renforcement du LLI d’une part (cf. supra), le développement des conventions avec CDC Habitat d’autre part (comme c’est déjà le cas avec de nombreux organismes hospitaliers) devraient améliorer sensiblement la situation pour les agents publics.

 

Nous avons précédemment souligné les mesures que nous partagions. Si nous ne pouvons qu’adhérer à l’objectif de limiter les locations saisonnières au bénéfice des locations de longue durée, il convient de rappeler que les incitations fiscales ne font pas tout, et que c’est, comme précédemment rappelé, en rassurant les propriétaires que nous y parviendrons. Certes, la fiscalité avantageuse des locations meublées de tourisme doit être revue, mais dans un souci d’équilibre et non de suppression totale des avantages fiscaux, qui est plutôt la tendance du rapport, car la location de tourisme est également nécessaire à nos territoires, et beaucoup de locations meublées sont encore dans la résidence principale des propriétaires. Il nous semble donc plus pertinent de « rééquilibrer » les avantages fiscaux concernés, plutôt que d’y « mettre fin », comme indiqué dans le rapport.

Parallèlement, le statut du bailleur privé, souvent suggéré, ici encore, mais jamais mis en œuvre, doit réellement voir le jour.

Concernant les abattements sur les plus-values de cession, nous partageons l’avis selon lequel le dispositif actuel encourage à la rétention foncière, et doit être modifié. Supprimer comme proposé ces abattements et tenir parallèlement compte de l’érosion monétaire comme des rénovations effectuées dans la valeur du bien va dans le bon sens. Pour autant, une telle mesure devra être, comme indiqué dans le rapport, progressive. De fait, il nous semblerait pertinent, dans un premier temps, et comme des députés de notre groupe l’ont déjà proposé, de réduire et d’harmoniser la durée d’obtention de l’abattement total à 15 ans (contre actuellement 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvement sociaux).

 

En revanche, nous émettons les plus vives réserves sur les différentes propositions visant à augmenter sensiblement la fiscalité :

 sur les logements vacants, cette fiscalité étant déjà potentiellement importante, et nombre de vacances n’étant pas volontaires, et pas uniquement dans les territoires en déprise. Là encore, la remise en location ne dépend souvent pas, au premier chef, de mesures fiscales ;

 sur les terrains rendus constructibles : s’il faut certes limiter les plus-values d’opportunité, la surtaxation risque d’avoir l’effet inverse que celui escompté ;

 enfin, et surtout, sur les propriétaires, avec l’augmentation suggérée de la taxe foncière. Celle-ci a déjà très sensiblement augmenté ces dernières années, d’autant plus du fait de la suppression de la taxe d’habitation. Là encore, cette mesure aurait un effet contre-productif, en freinant la volonté d’accès à la propriété, et renforcerait la pression fiscale, déjà trop élevée dans notre pays, sur de nombreux contribuables.

 

Enfin, et plus largement, nous rappelons la proposition portée par le Rassemblement National de supprimer l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) et de le remplacer par un IFF, impôt sur la fortune financière, la « rente » se situant plutôt sur ce domaine que sur celui de la propriété immobilière.

 


   Contribution DU groupe LA France Insoumise

La crise du logement est généralisée.

Dans son 28e rapport sur « l’état du mal-logement en France », la fondation Abbé Pierre constate pour l’année 2023 « une aggravation alarmante de la crise du logement ». En cause : une offre trop faible, un désinvestissement progressif de l’État ou encore l’augmentation des personnes sans-abris.

En 2023, 330.000 personnes étaient sans domicile et 4,2 millions de personnes souffraient de mal-logement ou d’absence de logement personnel. L’impulsion donnée par le Conseil national de la refondation (CNR) se révèle être une « occasion ratée, dénoncée par l’ensemble de la filière ».

Sans logement propre, à l’hôtel, dans des centres collectifs ou dans des hébergements de fortune : la situation des mal-logés est dramatique. Leur vie est de plus en plus dure : environ une personne sur deux qui appelle le 115 ne se voit proposer aucune solution d’hébergement. Sans se retrouver « à la rue », nombre de nos concitoyen·nes ont une vie précaire, et peinent à payer leur facture énergétique, ou à bénéficier de conditions de vie dignes.

En outre, la crise du logement met en difficulté de nombreuses familles, qui consacrent une part énorme de leur revenu à se loger. Les classes populaires sont gravement touchées : se loger absorbe plus de la moitié des revenus chez les 10 % les plus pauvres. Résultat : les expulsions augmentent. Le parc de logements sociaux ne permet pas de répondre aux besoins de ces ménages, puisque plus de deux millions de familles sont actuellement en attente d’un logement social. 

Par ailleurs, près de trois millions de personnes sont forcées de vivre dans des logements de mauvaise qualité, privées du confort de base (sanitaires, chauffage, cuisine). Le problème du logement indigne est persistant dans le pays.

Le désengagement de l’État

La crise du logement est le résultat de décennies de constructions insuffisantes, particulièrement en logements sociaux. Le déficit accumulé depuis plus de trente ans équivaut à un million de logements manquants.

Emmanuel Macron a aggravé la situation. Il a diminué les aides à la construction, baissé les aides personnelles au logement (APL) de plusieurs milliards d’euros et ponctionné les bailleurs sociaux (en leur imposant de compenser la suppression de l’APL dans le logement social). Il a imposé une politique de vente à la découpe du patrimoine d’habitations à loyer modéré (HLM). Malgré de timides tentatives d’encadrement, les loyers et les prix dans le logement privé continuent d’exploser. Le marché est incapable d’offrir un logement décent et abordable à toutes et tous.

Parmi les défaillances relevées par le rapport de la Fondation Abbé Pierre, on constate également : la réduction du budget consacré au logement, le manque de régulation du marché immobilier, le nombre insuffisant de chantiers et la hausse du nombre d’enfants à la rue.

Depuis le début du quinquennat, la part des dépenses publiques allouées au logement a en effet fortement diminué en passant de 1,9 % du PIB à 1,6 % aujourd’hui. Une baisse liée aux différentes réformes des APL, qui ont fait économiser plus de quatre milliards d’euros par an à l’État. Autrement dit, un net désinvestissement volontaire de ce dernier. Selon la fondation Abbé Pierre : « Aucun soutien d’ampleur n’a été apporté, comme si les besoins en logements [...] faisaient encore et toujours l’objet d’un véritable déni. »

Un désengagement corroboré par le rapport d’Oxfam « Logement, inégalités à tous les étages ». Alors que 126 000 logements sociaux ont été financés en 2016 seuls 96 000 l’ont été en 2022 alors que la demande de ménages n’a jamais été aussi importante : 2,6 millions de demandeurs.

Une impression confortée par « une régulation de l’immobilier toujours taboue », d’après la fondation. L’encadrement des loyers ne serait pas assez répandu, notamment à cause de la loi Elan, qui empêche de nombreuses villes ayant dépassé un délai légal de postuler. Sur la question des Airbnb, malgré une volonté présente des parlementaires, aucun texte réellement restrictif n’a été adopté. La fondation Abbé Pierre, comme le groupe la France Insoumise-Nupes dénoncent également l’oubli de l’encadrement du foncier, qui faisait l’objet de plusieurs propositions, issues du CNR. Au contraire, on assiste à une spéculation sur le logement qui se traduit par des logiques fiscales pour les grands investisseurs. Oxfam révèle ainsi que trois niches fiscales ont coûté 11 milliards d’euros en 12 ans, elles auraient pourtant pu permettre la construction de plus de 70 500 logements.

Cette tendance de désengagement de l’État dans le logement dit abordable se préfigure également avec le projet de loi Kasbarian 2.

Un projet de loi qui préfigure une aggravation de la situation

Celui-ci marque un manque cruel d’ambition pour répondre à la grave crise du logement. Alors qu’il faudrait construire un million de logements réellement sociaux (PLAI et PLUS) au rythme de 200 000 par an, à l’heure où 14 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, le projet de loi n’envisage rien de tel : il prévoit de développer le logement locatif intermédiaire (LLI), destiné aux seuls cadres, au détriment du logement public. Et d’un point de vue strictement quantitatif, aucun plan de construction massif n’est prévu.

Le « choc de l’offre » paraît bien pauvre puisque ce sont quelques dizaines de milliers de logements seulement qui seront construits. Ce projet de loi ne vise pas réellement à répondre à la crise du logement. Il ne s’adresse pas aux locataires en difficulté. Il est en réalité taillé sur mesures pour satisfaire les demandes des maires qui s’opposent à la loi SRU et au logement social : demandes en matière d’assouplissement des obligations de construction dans le parc social, en matière de décentralisation de l’attribution des logements sociaux et en matière de réduction des droits des locataires.

Il vise aussi à détricoter la loi SRU. Ainsi, plutôt que de renforcer les sanctions contre les maires hors-la-loi qui ne respectent pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux, le projet de loi assouplit ces obligations. Sans compter les ménages qui renoncent à candidater alors qu’ils sont éligibles.

Pour rappel, d’après la Fondation Abbé Pierre, sur la période 2020-2022, parmi les 1031 communes concernées par l’article 55 de la loi SRU, 659 ne respectent pas leurs obligations. Deux communes sur trois sont donc en dehors des clous. La situation se dégrade donc, puisque sur la période triennale précédente ce ratio n’était que de un sur deux. Concrètement, le projet de loi permet aux communes qui ne respectent pas la loi SRU de rattraper leur retard en construisant du logement intermédiaire en lieu et place du logement social. Les communes concernées, dès lors qu’elles auront conclu un accord de mixité sociale avec l’État, pourront bâtir jusqu’à ¼ de logements intermédiaires. L’étude d’impact du PJL précise qu’au total, ce dispositif pourrait permettre d’édifier 26 700 logements intermédiaires sur trois ans. C’est autant de logements sociaux PLUS et PLS qui auraient dû voir le jour et qui ne le verront pas.

Ce projet de loi correspond donc à une double offensive contre la loi SRU. D’une part, on renonce à construire du logement social et on abdique face aux maires récalcitrants à développer le parc social. D’autre part, on abandonne l’objectif d’une politique du logement uniforme qui garantit les mêmes droits et les mêmes conditions d’accès au logement sur l’ensemble du territoire. La décentralisation de la politique du logement appelée de ses vœux par le gouvernement est un dispositif qui dégrade l’accès aux droits locatifs.

Seul le logement social offre une alternative protectrice aux prix déraisonnés du marché. Une rapide comparaison l’illustre. Le loyer d’un logement locatif intermédiaire (LLI) est 15 à 20 % moins élevé qu’un loyer dans le parc privé, quel que soit le montant de celui-ci. Par contraste, le loyer d’un logement social situé en Île-de-France est deux à trois fois moins élevé que dans le parc privé.

Une autre dérive est à surveiller : celle qui donne aux maires un droit en matière de primo-attribution d’un logement social. Alors qu’aujourd’hui, le maire siège au sein de la commission d’attribution mais ne dispose d’aucun rôle décisionnel de premier plan, il pourra désormais classer les candidatures proposées par les réservataires selon ses critères et opposer un veto lorsque bon lui semble (le veto devra être motivé). Pour justifier cette disposition, M. Kasbarian a insisté sur le fait qu’il est normal et juste qu’une « préférence communale » guide les choix en matière d’attribution. C’est le triomphe de l’arbitraire, destiné là encore à répondre aux préoccupations des maires de droite, hostiles au logement social. En échange de leur effort en faveur du développement du parc social, le gouvernement leur accorde un droit de regard sur les ménages qui peupleront les nouveaux logements sociaux.

Ce dispositif incitatif est doublement préoccupant. Premièrement, il favorise un entre-soi communal qui met à mal le principe d’égalité des demandeurs. Deuxièmement, il alimente le risque de discriminations ethno-raciales en matière d’accès au logement social, que plusieurs études de sciences politiques dédiées à la politique du logement ont documenté et étayé.

Enfin le futur projet de loi est une offensive sur les droits des locataires :

Son article 8 permet aux bailleurs sociaux de réviser les loyers à la hausse, dans la limite du plafond fixé. Plutôt que d’aligner l’ensemble des loyers du parc social sur ceux les plus bas, le gouvernement fait le choix de sanctionner les locataires en leur imposant des hausses de loyer – et ce alors que de nombreux bailleurs ont déjà augmenté les loyers ces derniers mois pour faire face à l’inflation.

L’exposé des motifs justifie cette disposition par un argument économique : il s’agit de dégager des fonds pour remplir les caisses des bailleurs et leur permettre de construire et de rénover davantage. En réalité, le gouvernement fait rembourser les économies qu’il a faites sur le dos des bailleurs par les locataires ! Car c’est bien le gouvernement qui ces dernières années a significativement réduit les ressources des organismes HLM : la TVA appliquée aux opérations de logements sociaux PLUS et PLS a été rehaussée de 5,5 à 10 %, tandis que la baisse de 5 € des aides personnalisées au logement a été compensée par l’instauration de la réduction de loyer de solidarité, pesant sur leur budget.

Les propositions du groupe LFI-NUPES pour garantir l’accès des français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable :

Le logement est la condition d’une vie digne et conditionne l’accès à de nombreux autres droits. Le groupe la France Insoumise NUPES propose de :

Garantir le droit au logement :

Rendre le logement abordable :

Mobiliser tous les leviers disponibles :

Investir dans le logement social :

Garantir la rénovation des logements :

 


   Contribution DU groupe socialiste

Le groupe Socialistes et apparentés tient à saluer la qualité de ce rapport qui complète utilement l’ensemble des travaux parlementaires réalisés depuis plusieurs années sur ces questions et qui participe du même constat que celui réalisé par les plus de 200 acteurs institutionnels ayant participé au Conseil national de la Refondation dédié au logement.

Ces propositions rejoignent en grande partie les propositions mises en avant par notre groupe depuis 2018 et la rupture dans la dynamique économique du secteur du logement induite par la politique des Gouvernements successifs d’Emmanuel Macron.

À cet égard, nous ne pouvons que déplorer que nombre des recommandations du rapporteur correspondent à des mesures, portées par notre groupe depuis 2018 et régulièrement rejetées par lui et son groupe depuis lors. Encore en février dernier, alors-même que la mission d’information était en cours, le groupe démocrate s’opposait à l’instauration d’une garantie universelle des loyers, proposée dans la journée réservée à notre groupe, pour en faire désormais la proposition. Que de temps perdu pour les Français.

Cette longue cécité face à la crise du logement a des conséquences désastreuses. Au 1er trimestre 2024, ce sont 170 000 logements de moins qui ont été construits sur douze mois que sur les douze mois précédent l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. C’est une catastrophe économique pour le secteur, une catastrophe en matière d’emploi pour les salariés des différents métiers de l’immobilier et de la construction et une catastrophe sociale pour les centaines de milliers de français bloqués dans leurs parcours résidentiels et qui espèrent un logement digne et abordable.

En effet, face à la crise de l’accès au logement qui s’aggrave dans notre pays et à l’accroissement du mal logement, il convient de prendre des mesures urgentes et impactantes pour soutenir les collectivités dans leur politique de logement, accélérer la transition écologique du secteur, renforcer le logement social, encourager la location de longue durée et l’accession à la propriété. Pour servir ces objectifs notre politique fiscale doit impérativement être révisée.

Une politique du logement efficace passera irrémédiablement par nos maires, en première ligne lorsque des problèmes d’accès au logement surviennent sur leur territoire. C’est pourquoi il est indispensable de leur fournir des outils pour leur permettre d’agir.

En pleine crise du logement et d’aggravation des charges des collectivités, il est en premier lieu indispensable d’encourager les maires bâtisseurs en leur affectant une fraction de la TVA ou une prime par mètre carré de construction neuve. D’autant qu’avec la suppression de la taxe d’habitation, les maires ont perdu incitation et visibilité pour mener leur politique de construction de logements.

En parallèle, face à la pression touristique sur certains territoires et au manque de dissuasion des outils fiscaux existants, il est impératif de permettre aux communes, de taxer plus fortement les résidences secondaires en supprimant la règle de liaison des taux de la taxe foncière et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et en augmentant le plafond de la surtaxe sur les résidences secondaires de 60 % à 100 %.

Alors que plus de 70 % des ménages sont éligibles au parc social, et qu’ils sont les premiers fragilisés par la crise de l’offre et l’augmentation des prix de l’immobilier ([150]), il est essentiel de soutenir le secteur du logement social et notamment la construction de logements pour les plus modestes (PLUS et PLAI), notamment en supprimant la réduction de loyer de solidarité.

Il est également fondamental de produire un logement social qui correspondent au profil des demandeurs en matière de localisation, de typologie et de modalités de financement. Encore trop de communes ne respectent pas leurs obligations SRU et trop de projets proposent des logements dont le montant du loyer ou la taille ne sont pas en adéquation avec les demandes du territoire.

Produire plus doit également s’accompagner de l’ambition de produire mieux en encourageant la rénovation et les constructions plus écologiques. À ce titre le groupe socialiste a soutenu l’idée de conditionner MaPrimeRenov’ à un gain énergétique minimal de 35 %, de supprimer son reste à charge pour les ménages modestes qui ne s’en saisissent pas et de généraliser la TVA à 5,5 % pour toute utilisation des matériaux de construction biosourcés et géosourcés afin de stimuler l’activité.

 

Ces politiques doivent s’inscrire dans un objectif d’encouragement du logement permanent, alors que nous constatons une émergence exponentielle des locations saisonnière stimulée par des niches fiscales très avantageuses et des outils de régulation qui manquent d’efficacité. En ce sens, la fin des avantages fiscaux des meublée touristique de courte durée est en effet indispensable, combiné à des mesures de régulation plus dissuasives à la main des communes (zonage réservé aux résidences principales, autorisations préalables à la location touristique…). C’est tout l’objet de la proposition de loi visant à remédier au déséquilibre du marché locatif portée par le député socialiste Iñaki Echaniz et sa collègue Renaissance Annaïg Le Meur.

 

Encourager le logement permanent est aussi prioritaire dans un contexte de baisse du nombre de logements disponibles et de hausse des prix qui enrayent l’accession à la propriété et la mobilité dans le parc locatif. À ce titre il conviendrait en effet de « restituer au Prêt à Taux Zéro le champ d’application le plus large possible » alors qu’il a été restreint lors du dernier projet de loi de finances. Lélargissement de l’assiette des bénéficiaires, du plafond pouvant être emprunté, et des zones d’éligibilité géographique doit être acté. Un travail sur l’encadrement du prix du foncier, qui ne cesse d’augmenter, doit aussi être mené, ainsi qu’une réforme des plus-values immobilières.

 

En outre, encourager les propriétaires et investisseurs à la location de longue durée est indispensable à court terme. La garantie universelle des loyers pourrait être une mesure de bon sens pour augmenter le parc de locations de longue durée rapidement.

Alors que le rapport s’y intéresse, les socialistes ont déposé et défendu dans le cadre de leur niche parlementaire un texte visant à mettre en place la garantie universelle des loyers, convaincus de sa pertinence pour rétablir la confiance entre bailleurs et locataires, mettre sur le marché des logements en location de longue durée et constituer un filet de sécurité pour les personnes en difficultés.

 

Enfin, il est nécessaire de repenser la protection des locataires en pleine crise du logement car c’est un statut de plus en plus répandu et précaire face au détournement croissant des formes de bail, notamment dans les zones tendues. Si le rapport a alerté, comme les socialistes en février dernier, sur les dangers du bail mobilité souvent utilisé abusivement pour contraindre des locataires sans solutions à signer des contrats moins protecteurs et plus courts, d’autres pratiques frauduleuses doivent être réprimées.

 

Parmi elles, les congés abusifs de locataires émis par des propriétaires pour récupérer un bien sans motif légal. Alors que l’on constate une augmentation de ces congés, le groupe socialiste porte des propositions pour les recenser et mieux les encadrer en faisant porter la charge de la preuve de la légalité du congé sur le propriétaire, en doublant l’amende et en interdisant les locations touristiques pendant trois ans après la reprise d’un bien par son propriétaire.

En parallèle, il conviendrait de mieux protéger les locataires qui doivent quitter leur logement en allongeant les délais de préavis pour quitter les lieux en zones touristiques ou en permettant aux personnes éligibles de bénéficier plus rapidement d’une solution de relogement par l’État. L’élargissement du nombre de communes bénéficiaires de l’encadrement des loyers permettrait en même temps de contenir des prix parfois incontrôlables et participant à appauvrir les locataires.

 

Alors que les constats sont largement partagés à travers les multiples concertations, études, rapports administratifs et parlementaires sur le sujet de l’accès au logement, le temps est à l’action.


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

 Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL et réseau des ADIL)

Mme Roselyne Conan, directrice générale

M. Louis du Merle, directeur juridique

Mme Odile Dubois-Joye, directrice des études

  Table-ronde réunissant des acteurs du secteur du bâtiment et de la construction

Confédération nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) *

Mme Françoise Despret, présidente

M. Loïc Berger, administrateur

M. David Lemaire, secrétaire général

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) *

M. David Morales, vice-président en charge des affaires économiques

M. Thibaut Bousquet, responsable des Relations institutionnelles

Fédération française du bâtiment (FFB) *

M. Olivier Salleron, président

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

Mme Léa Ligneres, chargée d’études

 Union sociale pour l’habitat (USH) *

Mme Emmanuelle Cosse, présidente

M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

M. Christophe Canu, directeur des études économiques et financières

 

 


 Table-ronde réunissant des associations

Confédération Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) *

M. Jean-Yves Mano, président

Association Force ouvrière Consommateurs (AFOC)

M. Alain Misse, juriste

Confédération nationale du logement (CNL)

M. Alain Gaulon, secrétaire confédéral

Mme Margaux Aldebert, chargée de mission

 Table-ronde réunissant des acteurs de l’immobilier

Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) *

M. Alexis Lagarde, vice-président

Association des responsables de copropriété (ARC)

M. Émile Hagège, directeur général

 Fédération des élus des entreprises publiques locales

M. Benjamin Gallèpe directeur général

M. Philippe Clémendot, responsable du département immobilier et développement économique

 Table-ronde réunissant des acteurs de l’immobilier

Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) *

M. Loïc Cantin, président

M. Jérôme de Champsavin, président adjoint

M. Emmanuel Chambat, secrétaire général

Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) *

Mme Danielle Dubrac, présidente

M. Géraud Delvolve, délégué-général

M. Pierre Hautus, délégué-général de l’association Clameur (observatoire des loyers du parc privé) présidée par l’UNIS

  Table-ronde réunissant les organismes de contrôle et de garantie du logement social

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

M. Serge Bossini, directeur général

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

Mme Marianne Laurent, directrice générale

 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature. Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Emmanuel Rousselot, sous-directeur du financement de l’économie

M. Benoît Chantoiseau, chef de bureau au sein de la sous-direction des politiques de l’habitat

M. Raphaël Montagner, adjoint au chef du bureau de la fiscalité du logement et de l’aménagement

 Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) *

M. Pascal Boulanger, président

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

M. Didier Bellier-Ganiere, délégué général

 Groupe Action logement *

M. Bruno Arcadipane, président

M. Philippe Lengrand, vice-président

Mme Akila Mat, responsable relations institutionnelles

M. Quinchon Edouard, directeur territoire

 Monsieur Patrice Vergriete, ministre chargé du logement

 Caisse des dépôts et consignations

M. Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Banque des territoires

Mme Sophie Vaissiere, directrice des relations institutionnelles et des affaires stratégiques à la direction des prêts de la Banque des territoires

Mme Selda Gloanec, conseillère pour les relations institutionnelles à la Caisse des dépôts

 Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau)

Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale

Mme Karine Hurel, déléguée générale adjointe

Mme Stéphanie Jankel, directrice d’étude en charge des sujets habitat et hébergement à l’APUR

Mme Anne-Claire Davy, chargée de projet habitat et modes de vie à l’institut Paris Région

 Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

Mme Aurélie Goin, cheffe de la division logement et patrimoine

Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales

 Intercommunalités de France

Mme Virginie Carolo Lutrot, présidente de Caux Seine agglo et première viceprésidente d’Intercommunalités de France

Mme Claire Delpech, responsable du pôle habitat

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

 Agence nationale de l’habitat (Anah)

Mme Jessica Brouard-Masson, directrice de l’expertise et des politiques publiques

M. Antonin Valiere, responsable des relations institutionnelles

 M. Jean-Claude Driant, professeur émérite à l’école d’urbanisme de Paris, Université Paris Est Créteil

 Association des maires de France

Mme Agnès Thouvenot, adjointe au maire de Villeurbanne et membre du groupe de travail Logement

 Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

M. Pierre Madec, chargé d’études à l’OFCE

 Audition commune :

Nexity *

Mme Véronique Bédague, présidente-directrice générale

Fondation Abbé Pierre *

M. Christophe Robert, délégué général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

([2]) Fondation Abbé Pierre, L’état du mal-logement en France 2024. Rapport annuel n° 29, 338 p. (lien)

([3]) Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités, La crise de la politique du logement. Analyse de la situation et propositions de l’AMF pour en sortir, mars 2024, 20 p.

([4]) D. Labaronne et C. de Courson, Rapport d’information (n° 1536) en conclusion d’une mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, Assemblée nationale, 19 juillet 2023, 221 p. (lien)

([5]) Sénat, Mission d’information sur la crise du logement rapportée par Mmes Dominique Estrosi Sassone, Viviane Artigals et Amal Gacquerre. (lien).

([6]) Loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.

([7]) Proposition de loi n° 31 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 29 janvier 2024 (lien).

([8]) Proposition de loi n° 253 visant à faciliter la transformation des bureaux en logement, , adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 7 mars 2024 (lien).

([9]) D. Voldman (2013), « L’encadrement des loyers depuis 1900, une question européenne », Le Mouvement social, 245, 137-147.

([10]) Ibid

([11]) FNAIM, Le logement en France et en Europe, 2022.

([12]) Insee, Revenus et patrimoine des ménages, 2021.

([13]) Insee, Revenus et patrimoine des ménages, 2021.

([14]) Ibid

([15]) Insee, Consommation et conditions de vie en Europe, 2023.

([16]) SDES, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, 2022.

([17]) Contribution écrite de l’Insee à la mission.

([18]) SDES, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, 2022.

([19]) Insee, « 50 ans d’évolution des résidences principales : des logements plus grands et moins peuplés », 2021.

([20]) Insee, Les conditions de logement en France, 2017.

([21]) Insee, Revenus et patrimoine des ménages, 2021.

([22]) Insee, Les conditions de logement en France, 2017.

([23]) Contribution écrite de l’Insee.

([24]) Insee, Revenus et patrimoine des ménages, 2021.

([25]) Contribution écrite de l’Insee à la mission.

([26]) Contribution écrite de l’USH à la mission.

([27]) Insee, « 11 millions de personnes son locataires d’un logement social », 2018.

([28]) USH, Chiffres-clés du logement social, édition nationale 2021.

([29]) Insee, « 11 millions de personnes son locataires d’un logement social », 2018.

([30]) Ibid

([31]) USH, Chiffres-clés du logement social, édition nationale 2021.

([32]) Insee, Les conditions de logement en France, 2017.

([33]) Contribution écrite de l’USH à la mission.

([34]) ANCOLS, Tableau de bord 2022, Attribution de logements sociaux, janvier 2024

([35]) Audition de l’Insee par la mission.

([36]) OCDE, « Questionnaire on Affordable and Social Housing », 2021.

([37]) Insee, Tableaux de l’économie Française, février 2020

([38]) Insee, 37,8 millions de logements en France au 1er janvier 2023, octobre 2023.

([39]) Ibid.

([40]) FNAIM, Le logement en France et en Europe, 2022

([41]) Rapport n° 1928 sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, 2023.

([42]) Insee, Hébergements proposés par des particuliers via des plateformes, 2021.

([43]) Contribution écrite de l’Insee.

([44]) Insee, « 1,2 million de logements vacants supplémentaires en France depuis 1990, surtout dans les zones en déprise démographique », Insee Première, 1979, janvier 2024.

([45]) Insee, 1,2 million de logements vacants supplémentaires en France depuis 1990, surtout dans les zones en déprise démographique, 2024

([46]) Sdes, Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques, 2023.

([47]) Sdes, Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques, 2023.

([48]) Insee, En 2019, 1,6 million de personnes vivent en communauté, 2022. 

([49]) Sdes, Les déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques, 2023.

([50]) Eurostat, dispositif EU‑SILC 2021, extraction des données en décembre 2023.

([51]) Fondation Abbé Pierre, Agir contre le mal-logement dans les départements et territoires d’Outre-mer, 2023.

([52]) Sdes, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, 2022

([53]) Insee, Une personne sur dix connaît des difficulté de logement durables, mars 2019.

([54]) Insee, Les conditions de logement en France, février 2017.

([55]) D. Labaronne et C. de Courson, Rapport d’information (n° 1536) sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, Assemblée nationale, juillet 2023.

([56]) CNR Logement, 18 propositions pour réconcilier la France avec la production de logements nouveaux, 2023.

([57]) CNR Logement, 18 propositions pour réconcilier la France avec la production de logements nouveaux, 2023.

([58]) ANIL, Bien vieillir chez soi ?, 2023.

([59]) Insee, 50 ans d’évolution des résidences principales : des logements plus grands et moins peuplés, 2021.

([60]) MTE, Le logement des étudiants et des jeunes actifs, 2023.

([61]) Ibid

([62]) Insee, France, portrait social, 2023.

([63]) Eurostat, dispositif EU‑SILC 2021, extraction des données en décembre 2023.

([64]) SDES, Enquête Logement 2020, 2022

([65]) Insee, « Plus de propriétaires depuis cinquante ans : des effets secondaires défavorables à l’emploi ? », avril 2018. Voir aussi A.-A. Durand, « 1968-2018 : logement, consommation, études… comment la France a changé en cinquante ans », Le Monde, 21 mai 2018.

([66]) A. Le Meur, Avis (n° 1723) sur le projet de loi de finances pour 2024, III : Cohésion des territoires – Logement et urbanisme, Assemblée nationale, 12 octobre 2023.

([67]) Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

([68]) Contribution écrite de l’Insee à la mission.

([69]) Cf. D. Labaronne et C. de Courson, Rapport d’information (n° 1536) sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, Assemblée nationale, 19 juillet 2023.

([70]) Contribution écrite de l’Insee à la mission.

([71]) Sdes, Construction de logements : résultats à fin mars 2023, 2023.

([72]) Article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017.

([73]) C. Bocquet, « Le logement social est un bien de première nécessité », Les Échos, décembre 2023.

([74]) Daniel Labaronne et Charles de Courson, Rapport d’information n°1536 sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, juillet 2023.

([75]) Ibid

([76]) FNAIM, Le logement en France et en Europe, mars 2023.

([77]) Sdes, Le parc de logements par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, juillet 2022.

([78]) Ibid

([79]) FNAIM, Le logement en France et en Europe, mars 2023.

([80]) Daniel Labaronne et Charles de Courson, Rapport d’information n° 1536 sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, juillet 2023.

([81]) Audition de l’Anah par la mission.

([82]) Dans le cadre la mission Écologie, développement et mobilité durables, 2,025 Md€ en crédits de paiement (CP) et 2,297 Md€ en autorisations d’engagement (AE) sont inscrits sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines.

([83]) Viepublique.fr, Zéro artificialisation nette (ZAN) : comment protéger les sols ?, novembre 2023.

([84]) B. Marchive, Rapport (n° 1359) sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, Assemblée nationale, 14 juin 2023.

([85]) Daniel Labaronne et Charles de Courson, Rapport d’information n° 1536 sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, juillet 2023.

([86]) Cour des comptes, juin 2021, S. 2021-1314-1. Observations définitives. Action Logement : un premier bilan de la réforme. Exercice 2017-2020. 114.

([87]) Se reporter à la partie I

([88]) Assemblée nationale, proposition de loi n° 231 adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 26 janvier 2024 (lien).

([89]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([90]) Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

([91]) Sondage d’opinion sur la perception de l’artificialisation des sols, Institut Kantar Public, juin 2022

([92]) Ibid.

([93]) Pour une décentralisation de l’habitat en faveur des territoires, Intercommunalités de France, septembre 2023

([94]) D. Valence, Rapport d’information (n° 1720) sur la décentralisation de la politique du logement, à la suite des rencontres organisées le 29 juin 2023 par la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Assemblée nationale, 11 octobre 2023.

([95]) Intercommunalités de France, Massifier la rénovation énergétique des logements : quelle organisation et quelle implication des intercommunalités ?, mai 2021

([96]) Bien vieillir chez soi ? Bilan et perspectives pour les politiques locales de l’habitat, Adil et Anil, mars 2023

([97]) S. Jablon , « Décentralisation et territorialisation des politiques du logement » 2007 (disponible en ligne à l’adresse https://www.citego.org/bdf_fiche-document-693_fr.html, consulté le 4 mars 2023).

([98]) Il s’agit de groupements de communes au sein d’établissements publics pour mettre en commun différents objectifs et prestations. Cette coopération est mise en œuvre au sein d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

([99]) Au titre de l’article L.302-1 du code de la construction et de l’habitation, le PLH « définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d’une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements ». Au titre de l’article L.123-1 du code de l’urbanisme, « les plans locaux d’urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d’aménagement de l’espace, d’environnement, d’équilibre social de l’habitat, de transports, d’équipements et de services. ».

([100]) D. Valence, op. cit.

([101]) S. Do, Avis (n° 1288) sur le projet de loi de finances pour 2019, IV : Cohésion des territoires – Logement, Assemblée nationale, 3 octobre 2018.

([102]) Autorité organisatrice de l’habitat : où en est-on ?, Intercommunalités de France, avril 2023

([103]) D. Valence, op. cit.

([104]) Autorité organisatrice de l’habitat : où en est-on ?, Intercommunalités de France, avril 2023

([105]) Intercommunalités de France, Pour une décentralisation de l’habitat en faveur des territoires, septembre 2023 (lien).

([106]) Ibidem

([107]) Ministère de la transition écologique, Chiffres clés du logement, Édition 2022

([108]) La moitié des occupants du parc social perçoivent un revenu imposable annuel par unité de consommation inférieur à 12 000 euros – c’est-à-dire 6 700 euros de moins que le revenu imposable médian des ménages en France, et on observe une surreprésentation des personnes seules et des familles monoparentales avec un enfant.

([109]) Ministère de la transition écologique, Le parc locatif social au 1er janvier 2023, Datalab essentiel, décembre 2023. À titre d’exemple, le nombre de demandes a crû de 5 % en Bourgogne-Franche-Comté, où la tension est modérée. En outre, il convient de relever le cas spécifique des territoires ultramarins, dans lesquels 80 % de la population est éligible au logement social contre 65 % en France hexagonale

([110]) Banque des Territoires, Perspectives, l’étude sur le logement social, Édition 2023

([111]) Banque des Territoires, Perspectives, l’étude sur le logement social, Édition 2023

([112]) Ces ressources peuvent être complétées par des contributions des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques, par une contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ainsi que par le produit du prélèvement « Solidarité et renouvellement urbain » (SRU) et de la majoration de ce prélèvement sur les communes ne respectant pas le taux minimum de logements sociaux défini par la loi.

([113]) Ancols, « Combien de demandes de logement social non pourvues par la seule rotation annuelle », Janvier 2023

([114]) Ancols, « 7 % des ménages quittent le parc social chaque année. La mobilité au sein du parc social », Janvier 2021

([115]) Ministère de la transition écologique, Chiffres clés du logement, Édition 2022

([116]) Articles L. 255-1 à L. 255-19 du code de la construction et de l’habitation établis par l’article 94 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron ».

([117]) Enquête CPME, « Rémunération, logement, mesures sociales en débat : où en sont les TPE-PME ? », novembre 2023

([118]) Ministère de la fonction publique, Faciliter l’accès au logement des agents publics, 14 juin 2016, 152 p.

([119]) Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

([120]) Ce contentieux occasionne en outre chaque année environ 500 000 délivrances de commandement de payer et 150 000 assignations en justice, pour 70 000 décisions d’expulsion ferme, dont 16 000 nécessitent le concours de la force publique.

([121]) Article 23 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur ».

([122]) Article 154 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([123]) Conseil des prélèvements obligatoires. Décembre 2023. Pour une fiscalité du logement plus cohérente. 115 p.

([124]) Si le prêt à taux zéro est accordé par une banque, celle-ci bénéficie, en compensation, d’un crédit d’impôt.

([125]) Article 50-0 du code général des impôts

([126]) Article 45 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([127]) Amendement I-3479 au projet de loi de finances pour 2023 déposé par M. Jean-Paul Mattei.

([128]) Article 73 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([129]) Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts

([130]) Article 132 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([131]) Article 10 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([132]) Article 10 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([133]) Article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([134]) Article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([135]) J.-P. Mattéi et N. Sansu, Rapport d’information (n° 1678) sur la fiscalité du patrimoine, Assemblée nationale, septembre 2023, p. 200.

([136]) C. Claveirole, Du sol au foncier, des fonctions aux usages, quelle politique foncière ?, Conseil économique, social et environnemental, janvier 2023, p.59.

([137]) Article 1605 nonies du code général des impôts.

([138]) Article 55 de la loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

([139]) Article 1529 du code général des impôts.

([140]) Article 26 de la loi n° 2006-872 du 13  juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

([141]) J.-R. Cazeneuve, Rapport d’information (n° 1668) sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, 20 septembre 2023. p. 135.

([142]) Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2022, La fiscalité locale dans la perspective du ZAN. p. 47-48.

([143]) Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, op. cit. p. 137.

([144]) Cour des comptes, Référé sur les terres agricoles et les conflits d’usage, octobre 2013 (lien). Des recommandations similaires figurent dans un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Évaluation et propositions d’optimisation des outils concourant à la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, mars 2018. (lien).

([145]) A.-L. Petel et D. Potier, Rapport d’information (n° 1460) sur le foncier agricole, Assemblée nationale, 5 décembre 2018.

([146]) Alain Trannoy et Étienne Wasmer, Le grand retour de la terre dans les patrimoines. Et pourquoi c’est une bonne nouvelle ! (2022).

([147]) https://www.meilleursagents.com/prix-immobilier/paris-75000/

([148]) https://investir.lesechos.fr/placements/immobilier/immobilier-a-paris-plus-dun-tiers-du-budget-est-consacre-au-loyer-1923814#:~:text=Quelle%20est%20la%20part%20du,de%20leur%20budget%20au%20loyer.

([149]) INSEE ANALYSES Île-de-France, n° 159, Paru le 13 octobre 2022. Disponible sur https://www.insee.fr/fr/statistiques/6541392

([150]) Les prix immobiliers ont augmenté de 160 % depuis les années 2000, alors que les revenus n’ont augmenté que de 29 % en moyenne sur la même période (OXFAM).