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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2024.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’efficacité des dispositifs d’aide à l’acquisition de véhicules propres
et de soutien aux bio-énergies
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. David AMIEL et Emmanuel LACRESSE,
rapporteurs spéciaux
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SOMMAIRE
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Pages
1. Une méthodologie de calcul transparente élaborée par l’ADEME
2. Un succès industriel remarquable
2. Un montant budgétaire en hausse qui traduit l’intérêt du dispositif pour le public
B. un succÈs remarquable qui souligne l’intÉrÊt du public pour la mobilitÉ Électrique
A. donner de la visibilitÉ aux dispositifs de soutien À la mobilitÉ Électrique
B. adapter le bonus Écologique au contexte international
C. accompagner la transformation de la filiÈre automobile et des usages
1. Le nécessaire soutien à l’industrie automobile
2. Le soutien au déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques
a. Le programme de certificats d’économie d’énergie Advenir
b. Les mesures de soutien orientées vers le déploiement de points de recharge ouverts au public
c. Les mesures de soutien orientées vers le déploiement de points de recharge privés
A. les gaz renouvelables comme vecteurs de diversification du mix ÉnergÉtique
1. L’intérêt des gaz renouvelables pour le mix énergétique français
2. Les objectifs en matière de production de biométhane
3. Les principaux dispositifs publics de soutien à la production de gaz renouvelables
c. Les mécanismes complémentaires de soutien à la production de biométhane
4. Les perspectives pour la filière de production de gaz renouvelables
5. Les synergies de la méthanisation avec le monde agricole
B. le soutien À l’hydrogÈne dÉcarbonÉ afin d’accÉlÉrer la dÉcarbonation de l’industrie
1. La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné
2. Un soutien public en augmentation, désormais porté par le programme budgétaire 345
4. Le rôle complémentaire de l’hydrogène dans un contexte de transition énergétique
A. le bois-Énergie : un levier de diversification ÉnergÉtique
1. L’augmentation de la biomasse forestière dans une perspective transitoire
2. Le déploiement résolu de politiques de mobilisation de la biomasse
3. La production d’électricité à partir de biomasse
B. la garantie de dÉbouchÉs pour la filiÈre bois-Énergie
1. Les dispositifs de soutien à la filière forêt-bois
2. Le soutien renforcé aux acteurs économiques de la filière bois
Liste des personnes auditionnÉes PAR LEs RAPPORTEURs SPÉCIAux
Les rapporteurs spéciaux se sont intéressés dans le présent rapport au financement de la transition énergétique selon deux angles complémentaires que sont la montée en charge des aides à l’acquisition de véhicules propres et le soutien budgétaire renforcé à la production de bioénergies. ● Avec la perspective de l’interdiction des ventes de véhicules neufs émettant du dioxyde de carbone (CO2) à partir de 2035 dans l’Union européenne, la part de marché des véhicules électriques dans les ventes de véhicules particuliers a fortement progressé ces dernières années en France : elle est passée de 1,9 % en 2019 à 16,7 % en 2023. Les aides à l’acquisition de véhicules propres, principalement le bonus écologique et la prime à la conversion, soutiennent cette tendance. Le score environnemental, introduit à l’automne 2023, traduit la volonté de mieux prendre en compte l’empreinte carbone liée à la production et à l’origine des véhicules : c’est un succès écologique et industriel. Selon les premières données disponibles, ce dispositif a permis depuis le début de l’année 2024 une baisse très significative des parts de marché des véhicules produits en Asie au bénéfice de ceux fabriqués sur le continent européen. Le coût à l’achat des véhicules électriques neufs, y compris après déduction des aides, demeure élevé pour une part importante des ménages. Afin de répondre à ce constat, le leasing électrique est une aide à la location d’une voiture électrique introduite le 1er janvier 2024. La campagne de leasing électrique pour 2024, qui a rencontré d’emblée son public, a pris fin le 15 février 2024 afin de limiter le dépassement de l’enveloppe budgétaire prévue pour ce dispositif. Il convient de tirer rapidement les enseignements de cette première vague. Les rapporteurs spéciaux estiment possible de doubler le nombre de véhicules concernés en 2025, en visant les 100 000 véhicules mis à disposition. Enfin, la transition vers la mobilité électrique se fera également en accompagnant la transformation technologique des industriels de l’automobile, à l’image du contrat stratégique de la filière automobile pour 2024-2027 signé le 6 mai 2024, et en densifiant le réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques. ● Les bioénergies doivent devenir essentielles dans la stratégie de diversification du mix énergétique français. En effet, la diversification du mix énergétique améliore la résilience territoriale et la production locale d’énergies renouvelables participe à la sécurité des approvisionnements du pays. Cette stratégie vise à assurer un prix de l’énergie aussi bas que possible pour le consommateur final et à accélérer la décarbonation de l’industrie dans sa phase de transition, en particulier pour les consommateurs intensifs. Les gaz renouvelables ont toute leur place dans le mix énergétique. En tant que source d’énergie pilotable et stockable, ils permettent de gérer les pics de consommation et génèrent des externalités positives pour l’économie locale, en particulier pour le monde agricole. La recherche de synergies entre le biogaz et d’autres énergies renouvelables, telles que le photovoltaïque et l’éolien, a pour objectif de garantir une production énergétique décarbonée plus adaptée aux périodes de forte consommation. Le soutien à l’hydrogène décarboné a pour objectif principal la décarbonation de l’industrie. Alors que le plan « Investir pour la France de 2030 » a permis de développer la chaîne de valeur, il est désormais envisagé de financer sur le programme budgétaire 345 Service public de l’énergie un soutien à la production sur une durée de dix à quinze ans. Une première session d’appels d’offres à hauteur de 150 mégawatts a été ouverte en 2024, afin d’atteindre 1 gigawatt de capacités cumulées et soutenues en 2029. Enfin, il convient de poursuivre l’objectif d’intégration à terme du bois dans le mix énergétique, dans le respect de la hiérarchie des usages des produits de la forêt, afin d’en faire une composante importante de la transition énergétique. À ce titre, il convient de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs du bois-énergie, en veillant à ce que les politiques publiques ne créent pas d’injonctions contradictoires et en soutenant la filière aval partant de la sélection d’espèces adaptées au changement climatique jusqu’au soutien en capital pour les entreprises de plant et de récolte de bois.
Concernant les aides à l’acquisition de véhicules propres : 1°) Fixer un objectif de 100 000 voitures aidées pour le dispositif du leasing en 2025, avec une évolution des modalités de subvention pour en contenir le coût budgétaire ; améliorer la communication autour des cibles visées par le leasing électrique pour 2025 ; associer l’ASP le plus tôt possible aux évolutions envisagées pour permettre l’adaptation de ses systèmes d’information et limiter les délais de remboursement des avances. 2°) Rendre plus prévisibles les critères et les montants des dispositifs de soutien à l’acquisition de véhicules électriques, notamment les bonus et malus écologiques, en les inscrivant dans la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique transmise chaque année au Parlement. 3°) Prendre en compte les tensions commerciales internationales en adaptant les évolutions envisagées du bonus écologique en fonction des politiques menées au niveau de l’Union européenne. 4°) Maintenir la dynamique de déploiement des bornes de recharge en soutenant le résidentiel collectif et en assurant un premier maillage pour la mobilité lourde conformément aux exigences du règlement européen AFIR. Concernant le soutien aux bioénergies : 5°) Permettre la reconnaissance du biométhane et des gaz bas-carbone comme solution de décarbonation de l’industrie. 6°) Envisager d’étendre le dispositif de garanties d’origine aux gaz bas-carbone et d’ouvrir à terme les certificats de production de biogaz aux technologies innovantes de production de biométhane et de gaz bas-carbone (pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-methane). 7°) Accélérer la mise en œuvre des tranches 2 et 3 du mécanisme de soutien à la production d’hydrogène renouvelable financé par le programme 345. 8°) Finaliser la structuration de la demande dans l’industrie en établissant en priorité la production d’hydrogène décarboné à proximité des bassins de consommation industriels. 9°) Organiser la demande de bois-énergie selon un changement d’échelle de l’effort de l’État, en particulier de l’ONF, aux côtés des communes forestières et des propriétaires privés, en facilitant le lien entre l’offre de ressources et les sites industriels, afin de favoriser une utilisation plus intense du bois comme source d’énergie renouvelable. 10°) Contribuer à la mise en place d’une filière aval de production de bois-énergie, notamment par un soutien en capital aux entreprises de plant et de récolte de bois par Bpifrance, en encourageant leurs investissements et en soutenant le recrutement et la formation de leur personnel. 11°) Soutenir le déploiement de la filière bois-énergie en répondant à ses demandes spécifiques, notamment concernant la programmation de logements et la commande de bâtiments publics, tout en assurant leur conformité aux normes relatives à la prévention des risques d’incendie.
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Le présent rapport, réalisé dans le cadre de l’édition 2024 du « Printemps de l’évaluation » de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, étudie en premier lieu la montée en charge des aides à l’acquisition de véhicules propres et les options disponibles afin de répondre au besoin d’accompagnement de la transition vers le véhicule électrique.
Dans un second temps, il s’intéresse à un aspect complémentaire de la transition énergétique et étudie les modalités du renforcement du soutien budgétaire à la production de bioénergies, qui confirme l’importance de la diversification du mix énergétique pour la stratégie de résilience nationale et de décarbonation de l’industrie.
premiÈre partie : la nÉcessitÉ de conforter et de cibler les aides À l’acquisition de vÉhicules propres dans un contexte dÉcisif pour la transition
Les aides à l’acquisition de véhicules propres, dont les crédits sont portés par le programme budgétaire 174 Énergie, climat et après-mines, participent à l’accompagnement de la transition vers la mobilité électrique. La nécessaire accélération de cette dynamique suppose d’analyser l’allocation de la dépense publique vers les dispositifs les plus efficaces, qui ont fait l’objet d’évolutions importantes en 2023 et 2024. De premiers enseignements peuvent être tirés de leur application afin d’adapter le soutien aux ménages modestes et de cibler les aides sur les véhicules les plus pertinents pour la mise en œuvre de la transition, pour laquelle les années à venir seront décisives.
I. Un marchÉ du vÉhicule Électrique en progression constante en France qui tÉmoigne des effets de la rÉglementation europÉenne et des objectifs fixÉs par la planification Écologique
L’objectif d’un niveau nul d’émissions nettes de gaz à effet de serre ([1]) au plus tard en 2050 a été consacré par le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil ([2]), qui établit également une cible contraignante de réduction des émissions nettes à l’échelle de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
L’atteinte de cet objectif dépend en grande partie du secteur des transports : le transport routier est le seul secteur de l’économie dans lequel les émissions ont augmenté depuis 1990. Pour parvenir à la neutralité climatique, il est ainsi estimé que les émissions du secteur des transports doivent être réduites de 90 % d’ici à 2050.
Le règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 ([3]), qui s’intègre dans le paquet européen « Fit for 55 » (« ajustement à l’objectif 55 » instauré par le règlement (UE) 2021/119), prévoit une réduction des émissions moyennes de dioxyde de carbone (CO2) des voitures neuves de 55 % à partir de 2030 et de 100 % à partir de 2035 par rapport à leur niveau de 2021 : concrètement, cela signifie que les émissions de tous les véhicules neufs devront être nulles à partir de 2035.
Cette réglementation poursuit trois objectifs principaux :
– contribuer aux objectifs climatiques pour 2030 et 2050 de l’Union européenne en réduisant dès à présent les émissions de CO2 des voitures particulières et des véhicules utilitaires en raison de leur cycle de vie ;
– améliorer la vie quotidienne des citoyens européens grâce à une meilleure qualité de l’air, aux économies d’énergie relatives au transport et à la réduction du coût de propriété d’un véhicule ;
– stimuler l’innovation dans des technologies neutres en carbone, renforcer la maîtrise technologique des constructeurs et fournisseurs européens et créer de l’emploi dans ce secteur d’activité.
● En France, le plan « France Nation verte », piloté par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), a pour objectif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre tous secteurs confondus (hors soutes internationales, c’est-à-dire hors émissions des transports internationaux maritimes et aériens) de 117 millions de tonnes entre 2023 et 2030. Le secteur des transports serait mis à contribution à hauteur de 32 % de cet effort, avec une cible de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre (hors soutes internationales) de 128 millions de tonnes de CO2 en 2023 à 90 millions de tonnes en 2030, soit une diminution de 30 %. Afin d’y parvenir, un des principaux leviers réside dans l’électrification des véhicules particuliers, utilitaires et lourds. Le plan vise ainsi :
– 66 % de véhicules électriques dans les ventes de véhicules particuliers neufs en 2030, soit environ 1,2 million de véhicules électriques vendus. À cet horizon, l’objectif est qu’environ 15 % du parc de véhicules particuliers soit électrifié ;
– 51 % de véhicules électriques dans les ventes de véhicules utilitaires légers neufs en 2030, soit environ 170 000 véhicules, pour 15 % du parc de véhicules utilitaires légers électrifié ;
– 46 % de poids lourds électriques dans les ventes de poids lourds neufs en 2030, soit autour de 22 000 poids lourds électriques vendus, pour 12 % du parc de poids lourds électrifié.
Entre 2023 et 2030, les mesures portant sur le secteur des transports devraient permettre de réduire les émissions nationales de 38 millions de tonnes de CO2. L’électrification des véhicules particuliers devrait générer une baisse des émissions de 11 millions de tonnes entre 2019 et 2030, contre 3 millions de tonnes respectives pour l’électrification des véhicules utilitaires légers et des poids lourds, soit une contribution de 11 % à l’effort global entre 2019 et 2030.
D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([4]), les gains d’émissions à l’usage d’un véhicule électrique circulant en France par rapport à un véhicule thermique permettent de rembourser la « dette carbone » liée à sa production à partir de 60 000 kilomètres (km) avec une capacité de batterie de 60 kilowattheures (kWh), soit quatre à cinq ans d’utilisation d’une berline compacte, et dès 20 000 km pour une petite voiture citadine avec une batterie de 22 kWh.
L’effort en faveur de l’électrification des poids lourds
Outre l’électrification des véhicules particuliers, la planification écologique repose sur une forte électrification des poids lourds. En effet, la technologie des batteries électriques pour poids lourds a connu de forts progrès ces dernières années, de telle sorte que le poids lourd électrique constitue désormais la principale technologie de décarbonation pour le secteur. Les constructeurs prévoient ainsi une part de ventes de véhicules lourds électriques de 50 % dès 2030.
Toutefois, cette électrification aura un coût. Un poids lourd électrique coûte aujourd’hui environ trois fois plus cher que son équivalent thermique et son coût total de possession est environ 50 % plus élevé, avec une perspective de parité à l’horizon 2030 grâce aux économies d’échelle. En attendant cette parité économique, il sera nécessaire de répartir le surcoût entre l’État, avec les aides publiques à l’électrification, les constructeurs, et les chargeurs – qui devraient accepter de payer un supplément pour des livraisons en poids lourds électriques.
Partant du constat que 23 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des poids lourds, des autobus et des autocars, le Gouvernement a présenté en avril 2023 l’appel à projet « Écosystème des véhicules lourds électriques ». Ce dispositif, opéré par l’ADEME, soutient l’acquisition de véhicules lourds électriques et l’installation de bornes de recharge adaptées. Cet appel à projets est doté en 2023 d’une enveloppe de 60 millions d’euros, dont 55 millions d’euros pour les camions et 5 millions d’euros pour les autocars.
Le montant de l’aide pour l’acquisition ou la location longue durée d’un véhicule atteint 65 % de l’écart de coût d’acquisition d’un véhicule lourd électrique, dans la limite de 75 000 euros pour un camion compris entre 4,5 et 12 tonnes, 100 000 euros pour un camion supérieur à 12 tonnes ou un autocar et 150 000 euros dans le cas des tracteurs routiers. L’installation des bornes de recharge électrique est soutenue à hauteur de 60 % des coûts d’investissement éligibles.
La première session de cet appel à projets a eu lieu en juin 2023 : 80 projets ont été retenus sur 231 déposés, représentant près de 224 millions d’euros d’investissements dont 39 millions d’euros d’aides publiques. Ce soutien de l’État permettra de financer l’acquisition de 629 camions et 27 autocars électriques neufs ou rétrofités, ainsi que le déploiement des infrastructures de recharge associées. La seconde session, dotée d’une enveloppe de 19,5 millions d’euros, a eu lieu à la fin du mois de septembre 2023.
Source : réponse du SGPE au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
● Dans ce contexte réglementaire favorable, la part de marché des véhicules électriques dans les ventes de véhicules particuliers neufs a fortement progressé ces dernières années en France : elle est passée de 1,9 % en 2019 à 16,7 % en 2023.
part de marchÉ des vÉhicules Électriques et hybrides rechargeables dans les immatriculations de voitures particuliÈres neuves en France
(en pourcentages)
Source : commission des finances, d’après les données de la Plateforme de l’automobile (PFA) et AAA Data.
Le premier trimestre 2024 confirme la dynamique favorable pour le véhicule électrique en France. Ainsi, la part de marché des véhicules électriques progresse d’environ trois points sur les quatre premiers mois de l’année 2024, avec un volume d’immatriculations de véhicules électriques en hausse de 28 % par rapport à la même période en 2023.
marché franÇais des vÉhicules particuliers neufs par type d’Énergie
(unités, en pourcentages)
|
Janvier-avril 2023 |
Janvier-avril 2024 |
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Unités |
% |
Unités |
% |
|
Essence |
215 440 |
38,9 % |
195 948 |
33,1 % |
Diesel |
61 017 |
11,0 % |
44 706 |
7,6 % |
Hybride (*) |
172 018 |
31,1 % |
220 183 |
37,2 % |
Électrique (**) |
81 998 |
14,8 % |
105 139 |
17,8 % |
Superéthanol |
1 816 |
0,3 % |
1 008 |
0,2 % |
Gaz naturel pour véhicules (GNV) |
14 |
0,0 % |
56 |
0,0 % |
Gaz de pétrole liquéfié (GPL) |
21 090 |
3,8 % |
24 840 |
4,2 % |
(*) Inclut les véhicules hybrides, hybrides rechargeable ou mild hybrides.
(**) Inclut les véhicules roulant à l’hydrogène.
Source : commission des finances, d’après les données de la Plateforme de l’automobile (PFA) et AAA Data.
II. les aides À l’acquisition de vÉhicules propres, dont le coÛt budgÉtaire est en progression, ont fait l’objet de rÉvisions d’ampleur en 2023 et 2024
Le prix de vente d’un véhicule électrique reste aujourd’hui supérieur en moyenne de 40 % à 45 % à celui d’un modèle thermique équivalent. Il est donc nécessaire de réduire cet écart de coût afin de faire du véhicule électrique une alternative économiquement viable.
Les aides à l’acquisition de véhicules propres, dont les modalités sont détaillées aux articles D. 251-1 à D. 251-13 du code de l’énergie, soutiennent cet objectif. La loi de finances pour 2024 alloue un budget de 1 500 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d’engagement (AE) à l’action 3 du programme 174 ([5]), qui finance la prime à la conversion, le bonus écologique, l’appel à projets « Écosystème de véhicules lourds électriques », le nouveau dispositif de location de véhicules électriques, le soutien au déploiement d’infrastructures de recharge de véhicules électriques, ainsi que les aides à l’acquisition de vélos. Les crédits des aides à l’acquisition de véhicules propres seraient en forte augmentation par rapport à la loi de finances pour 2023, à hauteur de 203,4 millions d’euros en AE et CP (+ 16 %), succédant à une hausse de 256,4 millions en 2023.
Les développements qui suivent s’intéressent essentiellement au bonus écologique et à la prime à la conversion, qui ont fait l’objet de réformes importantes en 2023 et en 2024. Au regard des montants en question, il convient de s’assurer que la dépense publique est bien allouée aux dispositifs les plus incitatifs en matière de transition vers le véhicule électrique.
A. L’introduction du score environnemental À l’automne 2023 : une rÉussite sur les plans Écologique et industriel
Entré en vigueur à compter du 10 octobre 2023, le c) du 6° du I de l’article D. 251-1 du code de l’énergie prévoit que, pour être éligible au bonus écologique pour les voitures particulières neuves, la version du véhicule sollicitant le bénéfice de l’aide doit obtenir un score environnemental supérieur à un score minimal défini par arrêté ([6]). Ce score, établi suivant la procédure définie aux articles D. 251-1-A et R. 251-1-B du même code, « est composé, pour au moins 70 % de sa valeur, de l’empreinte carbone de la version considérée, sur les étapes du cycle de vie d’un véhicule précédant son utilisation sur route ». En outre, le score peut tenir compte, pour 30 % maximum de sa valeur, « d’éléments relatifs à l’incorporation de matériaux recyclés et biosourcés dans le véhicule, ainsi que la réparabilité de la batterie ».
Le score environnemental est une des mesures clefs de la planification écologique : son objectif est de limiter l’octroi des aides à l’acquisition de véhicules propres (bonus écologique, prime à la conversion et leasing électrique) aux véhicules électriques performants en matière d’empreinte carbone sur le cycle de vie précédant leur utilisation. Ainsi, seuls les véhicules les plus vertueux sur le plan environnemental ont vocation à bénéficier d’un soutien budgétaire de l’État.
En effet, si le bilan global d’un véhicule électrique est favorable sur le plan des émissions par rapport à un véhicule diesel ou essence, cet écart se réduit avec la taille et le lieu de production des batteries électriques. Selon le SGPE, une berline électrique fabriquée en Chine émettrait près de deux fois plus en cycle de vie qu’une berline électrique fabriquée en France. Par ailleurs, le graphique ci-dessous montre que le poids des véhicules électriques continue d’augmenter au fil des années, en lien avec la taille de leur batterie et l’extension de cette technologie aux SUV (« sport utility vehicle », ou véhicule utilitaire sportif). Selon la direction générale des entreprises (DGE), le gain associé à la mise en place du score environnemental est estimé à 800 000 tonnes équivalent CO2 par an en moyenne entre 2024 et 2027, à budget constant.
poids moyen des véhicules Électriques immatriculÉs en france
(en kilogrammes)
Source : secrétariat général à la planification écologique (SGPE), d’après les données du service des données et études statistiques (SDES) et du répertoire statistique des véhicules routiers (RSVERO).
1. Une méthodologie de calcul transparente élaborée par l’ADEME
La méthode d’évaluation de l’éligibilité des voitures particulières électriques neuves aux aides à l’acquisition de véhicules propres au titre du score environnemental est définie aux articles D. 251-1-A et R. 251-1-B du code de l’énergie et détaillée dans l’arrêté du 7 octobre 2023.
● Le score environnemental repose sur une méthode de calcul simplifiée de l’empreinte carbone liée à la production du véhicule et à son acheminement, depuis son site d’assemblage jusqu’à son site de distribution en France. Cette empreinte carbone, dont le calcul a été élaboré par l’ADEME, est ensuite convertie en score sur 80 points. La valeur du score minimal à atteindre pour l’éligibilité aux aides est fixée à 60 points.
Le score est réalisé à partir de l’empreinte carbone de six composantes considérées dans la littérature scientifique comme étant les principaux facteurs de l’impact carbone de la production d’un véhicule électrique ([7]) :
– la production des métaux ferreux composant le véhicule électrique hors batterie ;
– la production de l’aluminium pur et allié hors batterie ;
– la production des autres matériaux composant le véhicule (plastique, cuivre, textile, etc.) hors batterie ;
– la production de la batterie de traction ;
– l’énergie nécessaire à l’assemblage du véhicule et à la transformation intermédiaire des pièces ;
– l’acheminement du véhicule depuis son site d’assemblage vers le site de distribution en France.
Pour le calcul de l’empreinte carbone de chacune de ces composantes, l’ADEME a construit des facteurs d’émissions de référence, dont les valeurs sont présentées en annexe 1 de l’arrêté du 7 octobre 2023, à partir de sources publiques internationales comme l’International Aluminium Institute (Institut international de l’aluminium) ou la World Steel Association (Institut international du fer et de l’acier). L’ADEME a signalé aux rapporteurs spéciaux que des discussions techniques ont été engagées avec certains gouvernements étrangers, qui remettent en cause les valeurs attribuées aux facteurs d’émissions de l’aluminium et de l’acheminement maritime, sans que ces discussions aient conduit à des prises de décision à ce jour.
Les valeurs de référence des facteurs d’émissions sont proposées pour chaque composante suivant le lieu d’assemblage du véhicule ou de la batterie, ou suivant le mode de transport utilisé et les zones géographiques traversées lors de l’acheminement. Le niveau de détail des facteurs d’émission dépend de la disponibilité des données publiques et du marché actuel qui comporte 25 pays producteurs de véhicules électriques. Une mise à jour des facteurs d’émissions, avec des données actualisées et plus précises sur les plans géographique et technologique, est à l’étude.
● Lors du dépôt du dossier, les constructeurs entrent dans un circuit dit « nominal ». Le score environnemental est calculé à partir des facteurs d’émission de référence, multipliés par les données communiquées et justifiées par les constructeurs : masse d’aluminium, masse de métaux ferreux, capacité totale de la batterie, distances d’acheminement, etc., dont les valeurs dépendent des localisations d’assemblage du véhicule et de fabrication des cellules ainsi que des modes d’acheminement déclarés.
Dans le cadre du circuit nominal, le délai d’instruction varie selon la famille de véhicule. Le dépôt et l’éligibilité se faisant à l’échelle du TVV (Type Variante Version), un modèle de véhicule peut être décomposé en plusieurs TVV dont les caractéristiques sont très similaires. Les dossiers proches du seuil d’éligibilité sont souvent plus complexes à instruire et demandent plus d’échanges avec les constructeurs. En moyenne, le délai d’instruction par l’ADEME à partir de la réception du dossier est de trois à quatre semaines.
Si le véhicule n’obtient pas le score environnemental minimal, le II de l’article D. 251-1-A du code de l’énergie prévoit que le constructeur peut entrer dans un circuit dit « dérogatoire », où il peut soumettre ses propres facteurs d’émissions, spécifiques à sa chaîne d’approvisionnement et d’acheminement. Ces pièces justificatives peuvent prendre la forme d’analyses de cycle de vie revues par un tiers, de liste fournisseurs, ou de numéros IMO (Organisation maritime internationale) des navires, etc. Dans le cadre de ce circuit, l’ADEME dispose de six mois pour se prononcer sur le dossier.
● Selon l’ADEME, la méthode de calcul et les démarches liées à la mise en place du score environnemental ont été bien comprises et intégrées par les constructeurs, notamment grâce à des réunions organisées avec eux par la direction générale des entreprises (DGE) et la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) en amont de l’introduction du score et de l’ouverture de la plateforme de dépôt des dossiers.
Toutefois, certains aspects du dispositif pourraient être revus afin d’améliorer sa clarté et sa lisibilité. L’ADEME estime ainsi que la méthodologie de calcul du score pourrait harmoniser davantage les valeurs de référence des facteurs d’émission fournies pour chaque composante de l’empreinte carbone.
● L’arrêté du 14 décembre 2023 modifié fixe la liste des versions (TVV) de voitures particulières électriques ayant atteint le score environnemental minimal conditionnant l’éligibilité à certaines aides à l’achat ou à la location de véhicules peu polluants. Le 15 décembre 2023, la première liste des véhicules éligibles à ce score environnemental a été communiquée par l’ADEME ([8]).
À compter du mois de février 2024, des ajouts à la liste ont été effectués tous les mois. Dernier arrêté publié à la date de rédaction du présent rapport, l’arrêté du 13 juin 2024 ajoute 21 nouveaux TVV à la liste des véhicules ayant atteint le score environnemental minimal à compter du 23 mai 2024. 531 modèles sont éligibles à la date de rédaction de ce rapport : les constructeurs les plus représentés sont Volkswagen avec 83 TVV, Peugeot avec 58 TVV, Citroën avec 57 TVV et Fiat avec 52 TVV.
Au 18 avril 2024, 34 TVV déposés, correspondant à 10 modèles de véhicules, n’avaient pas atteint le score minimal, soit 6 % des dossiers déposés à cette date. Le sens de cette statistique doit être interprété avec précaution : en effet, dans le cadre du circuit nominal, les constructeurs peuvent déterminer eux-mêmes si leurs dossiers seront ou non éligibles puisque tous les paramètres du calcul sont publics. Ils ont donc peu d’intérêt à déposer un dossier pour un TVV dont ils savent à l’avance qu’il n’obtiendra pas le score minimal : c’est ainsi le cas de véhicules tels que la Tesla Model 3 ou la Dacia Spring ([9]), pour lesquels des dossiers au titre du calcul du score environnemental n’ont pas été déposés par les constructeurs.
2. Un succès industriel remarquable
Le score environnemental doit permettre de soutenir uniquement les véhicules électriques qui ont le bilan d’émission en cycle de vie le plus favorable. Dès lors, il permet indirectement de soutenir la production européenne, qui bénéficie d’un mix électrique plus décarboné que d’autres zones de production.
Ce dispositif, qui traduit la volonté de mieux prendre en compte l’empreinte carbone liée à la production et à l’origine des véhicules, est un succès écologique et industriel. Selon les premières données disponibles, il a permis depuis le début de l’année 2024 une baisse très significative des parts de marché des véhicules produits en Asie au bénéfice de ceux fabriqués sur le continent européen.
S’il est encore trop tôt pour mesurer pleinement tous les effets de cette réforme, la part des véhicules particuliers électriques fabriqués en Europe dans les immatriculations est passée de 45 % en moyenne en 2023 à près de 70 % en mars 2024, au détriment des véhicules assemblés en Asie. Ce rééquilibrage fort ne s’est pas opéré au détriment du volume de ventes de véhicules électriques, qui poursuit sa croissance en 2024.
continent d’assemblage des vÉhicules Électriques immatriculÉs en france
(en pourcentages)
Source : secrétariat général à la planification écologique (SGPE), d’après les données du service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du répertoire statistique des véhicules routiers (RSVERO).
Cette inversion de la tendance se confirme également pour les modèles de véhicules à destination des particuliers. Comme le montre le graphique de la page suivante, les évolutions de parts de marché à la baisse les plus remarquables sont celles de la Tesla Model 3, de la Dacia Spring et de la MG Marvel, trois véhicules assemblés en Asie qui n’ont pas obtenu un score environnemental supérieur au score minimal requis pour être éligible aux aides à l’acquisition de véhicules propres. En sens inverse, les parts de marché des modèles assemblés en France et en Europe, qui répondent tous au critère de score environnemental minimal, sont en hausse, en particulier les Peugeot 208 et 2008.
part de marchÉ des diffÉrents modÈles immatriculÉs avant et aprÈs la mise en œuvre du score environnemental (novembre 2023-mars 2024)
Source : commission des finances, d’après le SGPE et les données du RSVERO.
La part de marché des véhicules produits en Chine a diminué de 30 points entre le mois de novembre 2023 et le mois de mars 2024, passant de 43,8 % à 13,3 %. Les pays d’assemblage qui ont le plus bénéficié de cette baisse sont l’Espagne, dont la part de marché dans les immatriculations s’élève en mars 2024 à 14,7 % (+ 12 points), la Slovaquie avec 13,1 % (+ 9,2 points) et la France à 12,6 % (+ 5,1 points). L’entrée en vigueur du score environnemental a un effet direct sur les stratégies industrielles des constructeurs, dont certains envisagent déjà de modifier le mode d’acheminement et le lieu d’assemblage de leurs véhicules.
Constatant l’efficacité sur les plans écologique et industriel du score environnemental, les rapporteurs spéciaux encouragent la France à promouvoir ce dispositif au niveau européen, certains pays ayant déjà manifesté leur intérêt pour un tel instrument.
Utiliser le score environnemental pour accélérer le verdissement des flottes d’entreprise
D’après le rapport n° 2452 publié le 10 avril 2024 par M. Damien Adam, rapporteur de la proposition de loi n° 2126 visant à accélérer et contrôler le verdissement des flottes automobiles, « six véhicules neufs sur dix sont achetés par les entreprises ».
Les entreprises représentent donc une large partie de la demande de véhicules et contribuent à fournir le marché de l’occasion, aujourd’hui très peu pourvu en voitures électriques puisque seulement 1,7 % des ventes de véhicules d’occasion étaient des véhicules électriques en 2023 selon le SDES.
La trajectoire de verdissement des flottes des entreprises définie à l’article L. 224-10 du code de l’environnement concerne aujourd’hui 2,3 millions de véhicules utilisés dans des flottes professionnelles de plus de cent véhicules, soit 40 % du total des véhicules professionnels, au nombre de 5,7 millions en France.
Alors que les ménages ont acquis 24,8 % de véhicules électriques parmi leurs achats de véhicules neufs au premier trimestre 2024, cette proportion n’est que de 10 % sur la même période pour les entreprises soumises à l’obligation légale de verdissement de leur flotte et traduit une stagnation.
L’amendement déposé par le rapporteur Damien Adam dans le cadre de sa proposition de loi n° 2126 et adopté par la commission du développement durable, qui vise à accorder un bonus de 20 % aux véhicules électriques bénéficiant d’un score environnemental minimal dans la comptabilité des obligations de verdissement des entreprises, représente une piste pertinente pour inciter les entreprises à accélérer l’électrification de leur flotte de véhicules. En outre, les rapporteurs spéciaux recommandent de prendre davantage en compte le critère de masse dans les dispositifs incitant les entreprises à équiper leur flotte en véhicules électriques.
B. Le nombre de bonus Écologiques accordÉs est en hausse malgrÉ des évolutions importantes depuis 2023 qui ont restreint ses conditions d’ÉligibIlitÉ
Le bonus écologique, prévu aux articles D. 251-1 à D. 251-1-5 du code de l’énergie, est une aide financière à l’achat ou la location pour une durée supérieure ou égale à deux ans d’un véhicule électrique, attribué pour :
– une voiture particulière neuve (article D. 251-1) ;
– les taxis transportant des personnes à mobilité réduite et utilisateurs de fauteuils roulants pour les titulaires d’une autorisation de stationnement dans les territoires d’accueil des jeux olympiques et paralympiques (article D. 251-1-2) ;
– les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur neufs (article D. 251-1-3) ;
– les vélos, vélos à assistance électrique, vélos cargos et remorques électriques pour vélos (article D. 251-1-4).
Son montant exact dépend du prix du véhicule et du revenu fiscal de référence par part du demandeur. En outre, il est majoré de 1 000 euros pour une voiture particulière neuve lorsque le bénéficiaire est domicilié dans un département d’outre-mer et qu’il y circule dans les six mois suivant son acquisition ([10]).
Cette aide est accessible selon deux canaux :
– le particulier fait lui-même sa demande et dépose les pièces justificatives nécessaires à l’instruction de l’aide sur la plateforme internet mise en place par l’Agence de services et de paiement (ASP) ;
– le particulier s’adresse à un professionnel de l’automobile conventionné avec l’ASP, qui réalise l’avance de l’aide auprès du particulier et qui dépose sa demande de remboursement et les pièces justificatives auprès de l’ASP. Dans ce cas, l’instruction est réalisée par le professionnel sur « l’extranet bonus » de l’ASP, à partir duquel sont réalisés les contrôles automatiques nécessaires à l’instruction.
Le montant du bonus écologique est de 27 % du coût d’acquisition d’une voiture particulière neuve avec une masse inférieure à 2 400 kilogrammes, jusqu’à un maximum de 47 000 euros toutes taxes comprises, dont le montant peut être augmenté du coût de la batterie prise en location dans la limite de 4 000 euros. Dans le cas d’un revenu fiscal de référence (RFR) par part supérieur à 15 400 euros, l’aide est plafonnée à 4 000 euros ; dans le cas d’un RFR par part inférieur ou égal à 15 400 euros, le montant maximal est de 7 000 euros. Ces montants sont respectivement de 5 000 et 8 000 euros pour une camionnette neuve.
Cette aide a fait l’objet de nombreuses révisions récentes, qui ont modifié en profondeur ses conditions d’éligibilité et ses montants. Les développements qui suivent se concentrent sur le bonus écologique pour les voitures particulières et les camionnettes neuves.
1. Les critères d’éligibilité et les montants du bonus écologique ont été revus pour les années 2023 et 2024
● Le décret n° 2022‑1761 du 30 décembre 2022 a prévu plusieurs modifications du dispositif à compter du 1er janvier 2023 :
– le montant du bonus pour les voitures particulières et les camionnettes neuves a été majoré de 2 000 euros pour les ménages des cinq premiers déciles de revenus (soit un bonus de 7 000 euros pour une voiture particulière et de 8 000 euros pour une camionnette) ;
– le montant du bonus est abaissé de 1 000 euros pour les ménages des cinq plus hauts déciles (un bonus respectivement de 5 000 euros et de 6 000 euros pour une voiture particulière et une camionnette) et les personnes morales (un bonus respectivement de 3 000 euros et de 4 000 euros pour une voiture particulière et une camionnette) ;
– les véhicules hybrides rechargeables ne sont plus éligibles au bonus écologique, ainsi que les voitures particulières électriques dont le prix d’acquisition est supérieur à 47 000 euros (contre 60 000 euros auparavant) ou dont la masse en ordre de marche est supérieure à 2,4 tonnes ;
– le bénéfice du bonus écologique a été limité, par catégorie de véhicule, à une fois tous les trois ans pour les particuliers ;
– le bonus écologique pour les véhicules lourds est supprimé, à l’exception des véhicules de catégories M2 et N2 ([11]) bénéficiant d’une dérogation de poids.
La sortie des véhicules hybrides rechargeables du bénéfice de l’aide n’est pas négligeable, puisque près de 70 000 bonus étaient accordés à ce titre en 2022 : cette disposition marque un resserrement du bonus sur les véhicules à « zéro émission » à l’usage, c’est-à-dire les véhicules électriques.
● Les évolutions introduites par le décret n° 2024-102 du 12 février 2024, présentées dans le détail en annexe du rapport, modifient de façon importante les modalités de mise en œuvre des aides à l’acquisition de véhicules peu polluants :
– le montant maximal du bonus écologique applicable à l’acquisition de voitures particulières et de camionnettes neuves pour les ménages des cinq plus hauts déciles de revenus est diminué de 1 000 euros ;
– le montant maximal du bonus écologique applicable à l’acquisition de camionnettes neuves pour les personnes morales est diminué de 1 000 euros ;
– le bonus écologique applicable à l’acquisition de voitures particulières neuves pour les personnes morales est supprimé ;
– le bonus écologique pour les voitures particulières et les camionnettes d’occasion est supprimé.
● La suppression de l’octroi du bonus écologique pour les véhicules particuliers d’entreprise se justifie par un TCO (« total cost of ownership », ou coût global de possession) qui est déjà favorable au véhicule électrique pour les flottes d’entreprise ([12]), en raison d’une fiscalité avantageuse par rapport à celle pesant sur les véhicules thermiques.
En effet, ces véhicules sont notamment exonérés de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme ([13]), de la taxe sur la masse en ordre de marche (ou « malus poids ») ([14]), de la taxe régionale sur l’immatriculation des véhicules ([15]), et ils bénéficient d’un régime d’amortissement favorable qui comprend la possibilité d’exclure la batterie de la base de calcul des amortissements non déductibles ([16]). On peut néanmoins relever que l’exonération accordée aux véhicules électriques de la taxe sur les émissions de polluants atmosphériques, ancienne taxe « sur l’ancienneté », prévue à l’article L. 421-137 du code des impositions sur les biens et services, a été abrogée par l’article 97 de la loi n° 2023-1322 du 19 décembre 2023 de finances pour 2024.
À titre d’illustration, selon l’Arval Mobility Observatory, observatoire d’un des principaux acteurs de la location aux entreprises, une Renault Mégane électrique avait en 2022 un coût d’usage pour une entreprise de 36 000 euros (pour 48 mois et 80 000 kilomètres d’utilisation), contre 45 000 euros pour le modèle essence et 46 000 euros pour le modèle diesel. Ainsi, malgré la suppression du bonus, le bilan économique pour l’entreprise reste favorable à la Mégane électrique.
La suppression de l’octroi du bonus pour les véhicules d’occasion s’explique par leur prix d’acquisition plus avantageux que celui des véhicules neufs, qui ne justifiait donc plus nécessairement un soutien équivalent de la part de l’État.
Les économies générées par les dispositions du décret n° 2024-102 sont estimées par la DGEC à un total de 344 millions d’euros, dont environ 94 millions d’euros en raison de l’arrêt du bonus pour les voitures particulières acquises ou louées par des personnes morales et 25 millions d’euros au titre de la suppression du bonus pour les véhicules d’occasion.
Les rapporteurs spéciaux relèvent néanmoins quelques points de vigilance sur ces choix qui affectent le marché de l’occasion, essentiel à l’électrification du parc automobile puisqu’il représente 74,5 % des achats de véhicules particuliers en 2023 selon le service des données et des études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires :
– la fin du bonus pour les véhicules particuliers d’entreprise fragilise le respect de la trajectoire d’électrification de leur flotte prévue par l’article L. 224-10 du code de l’environnement créé par l’article 77 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ;
– la suppression du bonus écologique pour les véhicules d’occasion intervient à un moment où les véhicules électriques de première génération commencent à arriver sur ce marché.
Ainsi, il pourrait être envisagé, à terme, d’encourager la communication du score environnemental pour les véhicules d’occasion lorsqu’il a déjà été calculé par l’ADEME. À ce titre, la question du soutien à l’acquisition de véhicules d’occasion atteignant le score environnemental minimal pourrait être à nouveau considérée. En effet, il est primordial de développer le marché de l’occasion, qui constitue le principal canal d’acquisition d’un véhicule par les ménages, alors que le marché du véhicule neuf concerne surtout les entreprises et les ménages plus aisés.
2. Un montant budgétaire en hausse qui traduit l’intérêt du dispositif pour le public
En 2022, 326 000 bonus ont été attribués pour un montant total payé de 1 157 millions d’euros, dont 69 500 bonus pour des véhicules hybrides rechargeables pour un montant de 77 millions d’euros.
En 2023, 357 000 bonus ont été accordés pour un montant payé de 1 378,9 millions d’euros et 35 millions d’euros au titre des véhicules hybrides rechargeables ([17]).
Le nombre de bonus en 2024 est estimé à environ 360 000. Depuis le 1er janvier 2024 et jusqu’à fin avril, plus de 52 000 bonus ont été attribués pour un montant d’environ 220 millions d’euros.
volume et montant du bonus Écologique
|
2022 |
2023 |
Janvier - 21 avril 2024 |
Volume décidé (en unités) |
326 006 |
356 637 |
52 116 |
Montants décidés (en euros) |
1 180 156 638 |
1 521 274 649 |
220 372 806 |
Source : commission des finances, d’après les données de l’Agence de services et de paiement (ASP).
Le dynamisme observé du bonus écologique confirme que ce dispositif est un levier d’accompagnement financier déterminant pour soutenir la transition vers l’électrification d’un large public et en particulier des foyers modestes.
S’il convient de préserver les crédits alloués au bonus écologique, les rapporteurs spéciaux notent que l’équilibre économique de ce soutien pourrait être recherché en intégrant des critères relatifs à l’éco-conception (réparabilité et recyclabilité de la batterie, taux de matières recyclées, emplacement des recycleurs) dans le calcul du score environnemental, voire en étudiant l’opportunité de réduire le plafond de poids de 2,4 tonnes qui détermine l’éligibilité d’un véhicule à l’aide.
Le bonus « taxi »
Dans le cadre de l’accueil des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, une aide exceptionnelle, dont les modalités sont définies à l’article D. 251-1-2 du code de l’énergie, a été mise en place jusqu’au 31 décembre 2024 à destination des taxis exerçant dans l’une des agglomérations où se tiendront les épreuves, pour l’achat ou la location longue durée de véhicules neufs adaptés au transport de personnes à mobilité réduite et utilisateurs de fauteuils roulants.
Le périmètre géographique d’éligibilité à l’aide comprend l’ensemble des taxis titulaires d’une autorisation de stationnement portant sur tout ou partie des communautés d’agglomérations ou métropoles accueillant des épreuves des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Pour les véhicules électriques, le montant de l’aide est fixé à 40 % du coût d’acquisition, augmenté le cas échéant du prix de la batterie si celle-ci est prise en location, dans la limite de 22 000 euros.
C. Le coÛt de la prime À la conversion reste stable malgrÉ la restriction des vÉhicules Éligibles et du public bÉnÉficiaire
Définie à l’article D. 251‑4 du code de l’énergie, la prime à la conversion soutient l’achat ou la location pendant au moins deux ans de véhicules récents en échange de la mise au rebut d’une voiture ou d’une camionnette Crit’Air 3 à 5 – c’est-à-dire les véhicules diesel immatriculés pour la première fois avant le 1er janvier 2011 ou les véhicules essence immatriculé pour la première fois avant le 1er janvier 2006 –, à destination des personnes morales et des personnes physiques, sous conditions de revenus.
Son montant varie selon les ressources de l’acquéreur, la distance parcourue pour se rendre à son travail, les caractéristiques du véhicule à mettre au rebut et celles du nouveau véhicule acquis.
● Le décret n° 2022‑1761 du 30 décembre 2022 a prévu plusieurs modifications de la prime à la conversion, entrée en vigueur au 1er janvier 2023 :
– les ménages des deux premiers déciles de revenus et les ménages des cinq premiers déciles de revenus ayant un profil dit « gros rouleur » peuvent bénéficier de 1 000 euros supplémentaires de prime pour l’acquisition ou la transformation d’une voiture particulière ou d’une camionnette électrique (soit 6 000 euros pour une voiture particulière et 10 000 euros pour une camionnette) ;
– le bénéfice de la prime à la conversion et de la prime au rétrofit électrique a été supprimé pour les ménages des deux plus hauts déciles de revenus et a été limité à une seule fois, par catégorie de véhicules, pour les particuliers ;
– comme pour le bonus écologique, les voitures particulières dont le prix d’acquisition est supérieur à 47 000 euros ou dont la masse en ordre de marche est supérieure à 2,4 tonnes ne sont plus éligibles à la prime à la conversion ;
– l’ensemble des véhicules hybrides rechargeables se voit appliquer les mêmes barèmes que ceux des autres véhicules Crit’Air 1 : seuls les véhicules électriques ou à hydrogène, dits « zéro émission », disposent désormais du montant d’aide maximal ;
– en cohérence avec la diminution du seuil de déclenchement du malus, le plafond d’émissions de dioxyde de carbone pour les véhicules Crit’Air 1 neufs est abaissé de 127 à 122 grammes par kilomètre ;
– la surprime octroyée dans les zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) est renforcée : son attribution pour un montant de 1 000 euros cesse d’être conditionnée à l’octroi d’une aide locale ayant le même objet et le même montant, tandis que son montant maximal est porté de 1 000 à 3 000 euros.
Ces exigences nouvelles se traduisent par une proportion importante de véhicules électriques dans les véhicules éligibles à la prime à la conversion : en 2023, 66 % des véhicules acquis fonctionnent à l’électricité (Crit’Air 0), 30 % à l’essence (Crit’Air 1 ayant une moyenne d’émission de 105 gCO2/km) et 3 % sont hybrides rechargeables (Crit’Air 1). 72 % des véhicules mis au rebut fonctionnaient au diesel.
En 2023, le coût moyen, avant déduction des aides, d’une voiture électrique neuve ayant bénéficié de la prime est de 32 000 euros et 16 000 euros pour son équivalent d’occasion ; celui d’une voiture neuve Crit’Air 1 est de 20 000 euros contre 15 000 euros pour une voiture neuve d’occasion. 99 % des camionnettes acquises sont électriques, avec un coût moyen de 41 000 euros pour les neuves et 19 000 euros pour celles d’occasion. Parmi les véhicules mis au rebut, 73 % sont des véhicules diesels (dont 52 % sont Crit’Air 3, 36 % Crit’Air 4, 8 % Crit’Air 5 et 4 % sont non classés) et 27 % sont des véhicules essence (dont 85 % sont Crit’Air 3 et 15 % sont non classés).
● Le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 a poursuivi la réforme du dispositif en réduisant les plafonds de montant et les véhicules ouvrant droit au bénéfice de la prime :
– il supprime la prime à la conversion pour l’acquisition d’une voiture particulière ou d’une camionnette Crit’Air 1 neuve ;
– il diminue de 1 000 euros les montants maxima de la prime à la conversion pour l’ensemble des personnes physiques et morales pour l’acquisition de voitures particulières et de camionnettes ;
– il modifie les conditions d’éligibilité des véhicules à la prime à la conversion pour les voitures particulières neuves électriques en disposant que celles-ci doivent relever d’une version figurant dans un arrêté interministériel, pris sur proposition de l’ADEME, traduisant leur atteinte d’un score environnemental minimal.
Pour les véhicules électriques, le montant de l’aide est fixé à 80 % du coût d’acquisition, dans la limite de 5 000 euros si le véhicule est acquis ou loué :
– par une personne physique dont le RFR par part est inférieur ou égal à 15 400 euros et dont la longueur du trajet, effectué exclusivement avec leur véhicule personnel, entre son domicile et son lieu de travail est supérieure à 30 kilomètres ou qui effectue plus de 12 000 kilomètres par an dans le cadre de son activité professionnelle avec son véhicule personnel ;
– par une personne physique dont le RFR par part est inférieur ou égal à 7 100 euros.
Le montant de l’aide est fixé à 1 500 euros dans les autres cas. En outre, cette aide peut aller jusqu’à 9 000 euros pour une camionnette, 1 100 euros pour un véhicule à moteur deux ou trois roues ou pour un quadricycle, et 3 000 euros pour un cycle à pédalage assisté.
Le montant de la prime à la conversion est majoré de 1 000 euros pour les personnes physiques qui résident ou travaillent dans une ZFE-m et pour les personnes morales justifiant d’un établissement au sein d’une telle zone. Lorsqu’une aide ayant le même objet est attribuée par une collectivité territoriale située dans cette ZFE-m, la surprime de 1 000 euros est augmentée du même montant que l’aide de la collectivité locale, dans la limite de 2 000 euros supplémentaires, ce qui porte à un maximum de 3 000 euros la surprime de l’État.
Les contrôles réalisés par l’ASP sur le paiement des aides
Aux termes de l’article D. 251-9 du code de l’énergie, les aides à l’acquisition de véhicules propres sont « soit versées directement à leur bénéficiaire par l’Agence de services et de paiement, soit avancées à leur bénéficiaire par les vendeurs ou loueurs de véhicules (…) ». Dans ce dernier cas, les aides s’imputent en totalité sur le montant, toutes taxes comprises, du véhicule mentionné sur la facture d’acquisition ou de location, après toute remise, rabais, déduction ou avantage consenti par le vendeur.
Dans le cadre de cette procédure de droit commun, l’ASP peut déléguer l’instruction du dossier aux professionnels : l’article D. 251-11 du code de l’énergie prévoit alors que les professionnels « peuvent conclure avec l’Agence de services et de paiement une convention aux termes de laquelle ils s’engagent à avancer le montant des aides versées pour en obtenir ensuite le remboursement par le dispositif d’aide à l’acquisition et à la location de véhicules peu polluants ». À ce jour, environ 9 200 entreprises ont une convention avec l’ASP.
Les professionnels soumettent leurs demandes de remboursement des avances consenties aux particuliers sur l’ « extranet bonus », outil mis à disposition par l’ASP. Ce système de gestion intègre des contrôles automatisés permettant de sécuriser l’instruction réalisée par les professionnels. Depuis 2024, les pièces justificatives, auparavant conservées par les concessionnaires, sont déposées pour chaque dossier sur l’extranet.
Deux niveaux de contrôles sont mis en place par l’ASP :
– des contrôles avant paiement : l’ordonnateur de l’ASP valide les demandes de paiement sur le système de gestion dédié (CSF-OP). Des contrôles ciblés avant paiement sont réalisés par l’ordonnateur dans le cadre des actions de luttes anti-fraude ;
– des contrôles après paiement des aides sur la base d’un échantillon.
Les contrôles sur le circuit des professionnels conventionnés interviennent après paiement des dossiers pour lesquels les concessionnaires effectuent l’avance de l’aide. L’échantillon à contrôler concerne les dossiers payés au cours de l’année précédente. Toutefois, à moyen terme, il est envisagé que les contrôles soient effectués sur les dossiers payés lors de l’année en cours afin de se placer au plus près du fait générateur.
5 183 dossiers payés en 2022 ont été contrôlés en 2023 : 1 781 dossiers présentent des anomalies financières, soit 34,36 %. 2 736 dossiers payés au premier semestre 2023 ont été soumis à un contrôle début 2024. Au 22 avril, 16,5 % des contrôles sont finalisés, soit 451 dossiers. Sur la base de ces premiers résultats, 26 dossiers ont fait l’objet d’une régularisation financière, soit 5,76 %. Une deuxième sélection concernant les dossiers payés au second semestre 2023 est en cours de finalisation.
Les principales causes de non-conformité portent sur l’absence de pièces justificatives obligatoires et sur l’éligibilité du véhicule aux dispositifs d’aide.
Source : réponses de l’ASP au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
● En 2022, près de 93 000 primes à la conversion ont été attribuées pour un montant total de 251 millions d’euros. 55 % des personnes physiques bénéficiaires de la prime à la conversion sont des ménages des cinq premiers déciles de revenu, contre 53 % sur la même période en 2022.
En 2023, plus de 76 000 primes ont été attribuées pour un montant versé de 229 millions d’euros. Le coût moyen des voitures particulières acquises grâce à la prime à la conversion s’élève, avant déduction de l’aide, à 28 600 euros pour les voitures particulières neuves et à 15 000 euros pour les voitures particulières d’occasion. Plus de 60 % des bénéficiaires faisaient partie de ménages appartenant aux cinq premiers déciles de revenu et 5 % étaient des personnes morales.
En 2024, il est estimé que le nombre de primes à la conversion sera d’environ 48 000 primes, en lien avec les évolutions apportées par le décret du 12 février 2024. Depuis le 1er janvier 2024 et jusqu’au 21 avril 2024, environ 15 600 primes à la conversion ont été attribuées, pour un montant décidé d’environ 55 millions d’euros.
volume et montant annuels de la prime À la conversion
|
2022 |
2023 |
Janvier - 21 avril 2024 |
Volume décidé (en unités) |
91 922 |
76 182 |
15 577 |
Montants décidés (en euros) |
250 562 043 |
246 743 248 |
54 893 893 |
Source : commission des finances, d’après les données de l’Agence de services et de paiement (ASP).
La prime au rétrofit
Le rétrofit consiste à transformer un véhicule à motorisation thermique en véhicule à motorisation électrique ou hybride rechargeable. La prime au rétrofit, dont les modalités d’attribution pour les voitures particulières sont définies aux articles D. 251-5 à D. 251-5-3 du code de l’énergie, est attribuée dans le cadre de cette transformation. L’opération de rétrofit doit être réalisée selon les conditions définies par l’arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible.
Le montant de l’aide atteint jusqu’à 80 % du coût de la transformation, dans la limite de 5 000 euros, sous conditions de revenus et de kilométrage.
En 2023, 402 primes au rétrofit ont été octroyées : 390 pour des deux roues, trois roues ou quadricycles motorisés, 11 pour des camionnettes et une pour une voiture particulière, pour un montant total de 650 000 euros, contre 275 primes attribuées en 2022 pour un montant de 242 000 euros.
D. des dispositifs qui poursuivent plusieurs objectifs et dont l’Évaluation de l’effet causal demeure complexe
Les aides à l’achat influencent le prix des véhicules et sont donc les dispositifs qui encouragent le plus les ménages à basculer vers une motorisation électrique. La conjonction des dispositifs d’aides offre une diversité de solutions en fonction du profil des acquéreurs et de leurs besoins. En complément, les incitations fiscales, notamment le malus poids et le malus CO2, réduisent l’attractivité économique des voitures particulières les plus émettrices et les plus consommatrices de matières premières.
● Concernant les entreprises, la fiscalité constitue le meilleur outil pour rendre le véhicule électrique plus avantageux économiquement car elle permet de créer des fortes incitations. Les quotas de verdissement des flottes jouent un rôle complémentaire car malgré les incitations fiscales, les trajectoires d’électrification des véhicules d’entreprises demeurent deux fois inférieures à celles des véhicules des ménages.
● Concernant les particuliers, pour lesquels le coût total de possession demeure en règle générale défavorable aux voitures électriques, le bonus écologique est un bon outil pour combler l’écart de prix. Dans le cadre du comité d’évaluation du plan « France Relance », selon France Stratégie ([18]) et à partir des travaux de l’équipe de recherche de l’Institut des politiques publiques (IPP) ([19]), le système de bonus-malus expliquerait 40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques de 2019 à 2021. Si le bonus ne représentait que 36 % de l’effet global du bonus-malus sur la réduction des émissions des voitures neuves en 2021, il serait en revanche à l’origine d’un accroissement de la part de marché des voitures électriques de 3,3 points de pourcentage en 2021, contre 0,6 point pour le malus.
Les subventions à l’achat présentent l’avantage d’une forte acceptabilité sociale, tandis que le malus permet bien de pénaliser les véhicules thermiques neufs les plus polluants. Les estimations réalisées ne permettent pas de mettre en avant à ce stade un effet différencié des dispositifs selon les catégories de revenu des ménages.
Le bonus écologique a été renforcé pour les ménages modestes en 2023, avec en parallèle une baisse du bonus pour le reste des ménages. La prime à la conversion, qui était déjà différenciée selon le niveau de revenu avant 2023, a suivi le même recentrage. Au-delà de son effet redistributif, ce ciblage en faveur des ménages modestes devrait permettre d’accroître l’effet de levier du bonus. Le bonus renforcé de 7 000 euros pour les 50 % des ménages les plus modestes représenterait environ 15 % des bonus décidés en 2023, ce qui suggère que les contraintes de financement des ménages modestes restent prégnantes. La calibration du ciblage ou de la modulation reste toutefois délicate, un risque étant que les ménages plus aisés, davantage susceptibles de s’intéresser au marché du neuf, ne choisissent plus de véhicules électriques s’ils venaient à ne plus être éligibles aux aides.
● Si les travaux de l’IPP ne permettent pas de mettre en évidence un effet causal de la prime à la conversion sur le renouvellement du parc automobile, l’IPP estime qu’une hausse du recours de 10 points de pourcentage de la prime est associée à une diminution de la moyenne des émissions de CO2 des voitures neuves de 1,1 gCO2/km et à une hausse moyenne de la part de marché des véhicules électriques de 0,8 %. Ainsi, la prime à la conversion agirait sur le verdissement du parc automobile en réduisant la moyenne des émissions de CO2.
Compte tenu de sa performance environnementale, les rapporteurs spéciaux regrettent la baisse du recours à la prime à la conversion constatée au cours des deux derniers exercices. Par ailleurs, l’absence de cumul entre la prime à la conversion et le leasing électrique diminue l’intérêt relatif de la prime pour les ménages les plus modestes : au terme de l’année 2024, il conviendra d’étudier les conditions d’un nouvel ajustement de l’éligibilité et des montants de la prime afin d’inciter davantage les ménages à mettre leur ancien véhicule au rebut.
● Enfin, l’estimation du coût d’abattement pour les finances publiques de la tonne d’équivalent CO2 économisée est une notion intéressante pour évaluer l’efficience des aides, c’est-à-dire de déterminer les dispositifs maximisant les réductions d’émissions au regard du budget alloué.
Dans sa note relative au soutien au développement des véhicules électriques ([20]), France Stratégie rappelle que « le coût d’abattement public du bonus écologique a été estimé dans le rapport d’évaluation du plan de relance à 600 euros par tonne de CO2 évitée, à partir de l’estimation de l’impact causal du bonus réalisée par l’IPP ». Si l’on intègre les pertes de recettes liées à la substitution d’un véhicule électrique à un véhicule thermique ([21]), le coût d’abattement public du bonus serait de 800 euros par tonne de CO2 évitée.
Cet indicateur rencontre néanmoins plusieurs limites, puisqu’il ne permet pas de prendre en compte le stock total d’émissions qui doit être abattu pour atteindre les objectifs, qu’il ignore l’effet déclencheur de l’euro public investi et ne permet pas de se prémunir contre les effets d’aubaine. Enfin, son calcul est complexe et varie selon les scénarios contrefactuels choisis.
Concernant la prime à la conversion, le coût d’abattement public n’est pas l’indicateur plus pertinent car l’objet premier de cette politique publique est la réduction des émissions de polluants atmosphériques, dans un objectif sanitaire d’amélioration de la qualité de l’air, et non des émissions de gaz à effet de serre. Selon le SGPE, les gains socio-économiques liés à la réduction de la pollution atmosphérique pour ce dispositif sont ainsi deux à trois fois plus élevés que ceux liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
III. Un premier bilan du dispositif de leasing Électrique : un succÈs de demande et des adaptations nÉcessaires pour 2025
Le coût à l’achat des véhicules électriques neufs, y compris après déduction des aides, demeure élevé pour une part importante des ménages. À la suite des annonces du président de la République à l’automne 2022, un dispositif de soutien à la location longue durée (ou « leasing ») de véhicules électriques a été mis en œuvre à compter du 1er janvier 2024 afin d’accompagner ceux pour qui la transition vers le véhicule électrique est la moins aisée.
Si ce dispositif a immédiatement rencontré son public, des problèmes techniques de mise en œuvre et un coût budgétaire près de deux fois supérieur à l’enveloppe initiale invitent à proposer des évolutions pour la campagne de 2025.
A. les modalitÉs du leasing Électrique : un dispositif simple qui permet de soutenir la transition vers le vÉhicule Électrique des mÉnages modestes
Le décret n° 2023-1183 du 14 décembre 2023 ([22]) a créé l’aide au leasing de voiture électrique, codifiée à l’article D. 251-3 du code de l’énergie, à partir du 1er janvier 2024.
Elle est attribuée selon les conditions cumulatives suivantes :
– être un particulier actif dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 15 400 euros par an ;
– effectuer un trajet supérieur à 15 kilomètres avec son véhicule personnel pour se rendre du domicile au lieu de travail, ou parcourir avec son véhicule personnel plus de 8 000 km par an dans le cadre de l’activité professionnelle.
Le contrat de location a une durée d’au moins trois ans (contre deux ans pour le bonus écologique et la prime à la conversion) et le véhicule ne peut être sous-loué à un tiers ([23]).
Les voitures particulières électriques neuves éligibles à l’aide sont celles atteignant le score environnemental minimal instauré dans le cadre du bonus écologique. Le dispositif est également ouvert aux voitures d’occasion et aux véhicules dont la motorisation a été électrifiée, à condition que leur première immatriculation ou leur conversion soit intervenue depuis moins de trois ans et demi.
L’aide, qui n’est accessible qu’à un professionnel conventionné avec l’ASP et l’État, est attribuée par le professionnel au particulier par déduction du montant de l’aide sur le premier loyer. La DGEC a assuré, en lien avec la direction générale du Trésor, l’instruction des demandes de conventionnement des loueurs. Le professionnel peut ensuite demander le remboursement de l’avance auprès de l’ASP. Environ 1 800 entreprises ont conclu une convention avec l’ASP pour la campagne 2024 du dispositif de leasing électrique.
L’objectif du dispositif est de diminuer le coût d’usage d’un véhicule pour les ménages éligibles. Ainsi, lors de leur convention avec l’État, les professionnels s’engagent à proposer à la location au moins un modèle à 100 euros par mois ou moins. Les loyers, largement inférieurs à ceux du marché puisqu’aucun apport initial n’est demandé, sont limités à 150 euros par mois afin d’ouvrir le dispositif à des modèles de véhicules correspondant davantage aux usages des familles. L’aide au leasing, qui s’ajoute au bonus écologique pour les voitures particulières neuves (7 000 euros dans le cas des ménages éligibles), est d’au maximum 6 000 euros et n’est pas cumulable avec la prime à la conversion.
B. un succÈs remarquable qui souligne l’intÉrÊt du public pour la mobilitÉ Électrique
Un plan de communication a été articulé autour de la mise en place de la procédure de pré-enregistrement dès la fin de l’année 2023, avec notification par courrier électronique aux personnes intéressées lors de l’ouverture effective de la prise de commande, ainsi que d’un site internet rassemblant les éléments essentiels d’information sur le dispositif, un simulateur d’éligibilité, une liste de modèles proposés et un lien vers le site de chaque loueur conventionné.
Dès son ouverture, le dispositif a connu un succès massif. Ainsi, l’objectif annuel initialement envisagé de 20 000 véhicules, déterminé sur le fondement des capacités des loueurs, a été atteint dès la mi-janvier 2024. Afin de répondre à la forte demande de la part des ménages modestes éligibles au dispositif, le Gouvernement a porté son soutien au dispositif de leasing à 50 000 véhicules particuliers sur l’année 2024, soit un doublement du volume prévu.
Le coût total du dispositif s’élève à environ 275 millions d’euros, pour 50 000 commandes enregistrées en moins de deux mois, alors que le montant des crédits ouverts au titre du leasing en loi de finances pour 2024 est de 110 millions d’euros pour 20 000 dossiers financés. Afin de limiter le coût budgétaire du leasing électrique face à l’intérêt du public, le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 a mis fin au dispositif et abrogé l’article D. 251-3 du code de l’énergie à compter du 15 février 2024. Cette décision vise également à permettre la pérennisation budgétaire du dispositif au-delà de 2024, qui bénéficiera également de la commercialisation de nouveaux modèles électriques annoncés par les loueurs.
Les premières données sur les caractéristiques des bénéficiaires, fournies par l’Agence de services et de paiements (ASP), ne seront pas disponibles avant la fin du premier semestre 2024. Les premiers éléments statistiques à mi-avril 2024 révèlent que les personnes appartenant aux quatrième et cinquième déciles de revenu représentent 55 % des dossiers payés, contre 3,5 % pour le premier décile. En outre, les rapporteurs spéciaux disposent de la répartition géographique des bénéficiaires, qui laisse apparaître une distribution relativement homogène du dispositif sur le territoire métropolitain.
estimation de la rÉpartition des bÉnÉficiaires du leasing Électrique par rÉgion en 2024
Source : commission des finances, d’après les données communiquées par le SGPE.
● Quatre groupes représentant onze marques et environ vingt modèles ont participé au dispositif : Renault (avec sa filiale Mobilize), Stellantis (avec sa filiale Credipar), Volkswagen Bank et Hyundai Capital France. Les premières livraisons de véhicule ont eu lieu dès la mi-janvier 2024. Les loueurs ont indiqué répartir leur offre sur la période autorisée, à savoir jusqu’au 30 septembre 2024, en fonction des capacités de production des constructeurs. Selon les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, la plupart des volumes devraient être distribués entre le mois de mai et l’été 2024. Cet échelonnement temporel, qui dépend des constructeurs et des loueurs, correspond à la moyenne des délais habituellement constatés sur le marché automobile.
Le succès du leasing électrique a mis en évidence que la transition vers une mobilité électrique dans un usage quotidien est possible. De nombreux ménages aux revenus modestes ont ainsi pu accéder à des véhicules électriques sans apport initial et ont pu prendre conscience de la richesse de l’offre existante et des économies associées à la possession de ce type de véhicules.
En parallèle, les rapporteurs spéciaux observent que l’annonce de la mise en place du dispositif a pu contribuer à inciter certains constructeurs, en particulier ceux dont les véhicules ne sont pas éligibles au leasing car ils n’atteignent pas le score environnemental minimal requis, à proposer aux consommateurs des véhicules électriques à des tarifs plus attractifs.
C. les limites observÉes de la mise en œuvre du leasing en 2024 appellent À des Évolutions pour la campagne de 2025
Si les rapporteurs spéciaux saluent la réussite incontestable de la campagne de leasing pour 2024, qui confirme l’intérêt du public pour ce dispositif, ils estiment nécessaire de tirer rapidement les enseignements de sa mise en œuvre.
● En premier lieu, leurs auditions ont permis de mettre en lumière des dysfonctionnements techniques qui devront être résolus impérativement dans le cadre de la reconduction de l’aide en 2025.
En effet, alors que le dispositif était clos le 15 février 2024, la plateforme de dépôt des demandes d’aides à destination des professionnels a été ouverte par l’ASP seulement le 29 février 2024, entraînant des avances de trésorerie importantes pour les réseaux de concessionnaires. Cette situation est une source de difficulté financière pour les professionnels qui ont dû consentir des avances pour répondre à la demande et qui, dans certains cas, attendent encore à la date de rédaction de ce rapport d’être remboursés par l’ASP. Ces difficultés sont d’autant plus significatives que l’avance de trésorerie pour les loueurs est en moyenne de quinze jours pour les autres aides en faveur des véhicules peu polluants versées par l’ASP.
Selon l’ASP, l’ouverture tardive de la plateforme fin février 2024 s’explique par des contraintes liées à l’implémentation de ce nouveau dispositif dans les systèmes d’information et de gestion de l’ASP. En outre, le modèle de convention entre l’ASP et les professionnels a fait l’objet d’une refonte complète pour prendre en compte cette nouvelle aide, tout comme le processus d’instruction des demandes d’enrôlement des professionnels. Si les difficultés techniques ont été amplifiées par le succès immédiat du leasing électrique et la publication tardive du décret, elles interrogent néanmoins sur le niveau d’anticipation du lancement de la plateforme.
En outre, la publication du décret n° 2024-102 du 12 février 2024, qui a concerné l’aide au leasing comme le bonus écologique avec lequel elle est conçue pour être cumulée, a requis des développements informatiques supplémentaires, achevés le 30 mai 2024. Ces contraintes techniques expliquent les difficultés de trésorerie rencontrées par certains professionnels encore aujourd’hui : le faible nombre de dossiers payés à la mi-avril 2024, inférieur à 1 % des commandes totales ([24]), traduit ce retard important qui devrait néanmoins être rapidement résorbé à partir de juin 2024.
Plusieurs pistes peuvent permettre de mieux prendre en compte les contraintes de gestion afin de limiter les délais de paiement de l’aide aux professionnels par l’ASP en 2025 :
– associer l’ASP le plus tôt possible aux évolutions envisagées pour permettre l’adaptation de ses systèmes d’information aux nouvelles conditions ;
– une augmentation du délai entre la date de publication du décret reconduisant le leasing et la date de mise en œuvre du dispositif, ce qui permettrait d’anticiper la phase de conventionnement entre l’ASP et les professionnels ;
– une dématérialisation des conventions entre l’ASP et les professionnels afin d’accélérer le processus de conventionnement.
● Enfin, les rapporteurs spéciaux considèrent que la reconduction du dispositif l’année prochaine doit faire l’objet d’adaptations afin de préserver l’accès des ménages modestes à un véhicule électrique bon marché, mais également d’optimiser le coût budgétaire par véhicule aidé.
Si le dispositif a bien rencontré un public large, notamment en raison de sa simplicité et de son attractivité, c’est aussi au prix d’un coût budgétaire important et complexe à maîtriser en raison d’une demande qui ne pouvait être anticipée avec précision.
La raison d’être du leasing doit demeurer le financement du volume le plus important de véhicules afin de favoriser l’électrification massive de la mobilité des ménages modestes. Ainsi, les rapporteurs spéciaux estiment possible de doubler le nombre de véhicules aidés en 2025, en visant les 100 000 véhicules mis à disposition, sans nécessairement réviser les critères d’éligibilité du public mais en repensant la construction du dispositif.
En premier lieu, il conviendrait de fixer des cibles de volume de véhicules financés, de loyer maximum pour les personnes éligibles et de modèles de véhicules visés. Ensuite, les montants de subvention alloués pourraient faire l’objet d’enchères entre professionnels plutôt que d’être préalablement déterminés. Ainsi, plusieurs « lots », auxquels seraient associés un volume de véhicules financés, seraient proposés pour attribution aux professionnels du secteur tout au long de l’année : par exemple, des lots de 25 000 véhicules financés seraient proposés chaque trimestre et répartis entre les professionnels proposant le coût le plus bas de subvention par véhicule. Ce mécanisme permettrait à la fois d’augmenter le nombre de véhicules aidés, en contenant le risque de dépassement de l’enveloppe budgétaire, avec un prix de la subvention le plus bas possible pour l’État.
Cette proposition aurait néanmoins pour conséquence de demander un pilotage plus important du dispositif et des adaptations techniques pour la plateforme de l’ASP qui doivent être anticipées au plus tôt. Elle introduirait également davantage de complexité de gestion pour les concessionnaires qui devraient limiter l’offre proposée en fonction des résultats d’attribution du lot trimestriel. Toutefois, la détermination au préalable de cibles claires doit permettre de résoudre une partie de ces difficultés : la lisibilité du dispositif serait améliorée par l’allocation d’une enveloppe globale de véhicules financés, dont le volume serait public.
En tout état de cause, la reconduction du dispositif pour 2025 devra faire l’objet d’une communication beaucoup plus claire sur les cibles, en particulier la période de commercialisation définie, le nombre de véhicules visés et l’enveloppe budgétaire allouée. Il conviendrait de préférence que ces cibles soient établies et publiées dès le projet de loi de finances pour 2025 afin que la représentation nationale soit éclairée sur le périmètre du dispositif. Cette communication devrait favoriser une meilleure lisibilité de l’aide pour les professionnels et les particuliers.
Recommandation n° 1 : fixer un objectif de 100 000 voitures aidées pour le dispositif du leasing en 2025, avec une évolution des modalités de subvention pour en contenir le coût budgétaire ; améliorer la communication autour des cibles visées par le leasing électrique pour 2025 ; associer l’ASP le plus tôt possible aux évolutions envisagées pour permettre l’adaptation de ses systèmes d’information et limiter les délais de remboursement des avances.
IV. D’autres Évolutions possibles afin de rÉpondre au besoin d’accompagnement dans la transition vers le vÉhicule Électrique
Afin d’accélérer la transition vers le véhicule électrique, il convient de donner de la visibilité sur les trajectoires des dispositifs fiscaux et budgétaires, ainsi que de soutenir l’électrification en développant l’activité industrielle et la densification des infrastructures de recharge sur le territoire.
A. donner de la visibilitÉ aux dispositifs de soutien À la mobilitÉ Électrique
Le plan « France Nation verte », conçu par le SGPE et lancé en octobre 2022, constitue la feuille de route de la France afin de réussir sa transition écologique.
Au niveau territorial, des COP (« conference of parties », inspirées des réunions entre les États parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), pilotées par le président de région et le préfet de région avec l’appui technique du SGPE, ont été lancées dans chaque région afin d’établir un diagnostic des efforts déjà réalisés pour diminuer les émissions. Cette phase de diagnostic sera suivie d’une phase de discussions afin d’élaborer des feuilles de routes régionales fixant les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre par secteurs et les leviers pour les atteindre.
Au niveau national, afin de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs, les rapporteurs spéciaux suggèrent que les montants des mesures du plan « France Nation verte » consacrées à la mobilité, notamment au regard des objectifs issus des COP régionales, puissent être définis chaque année dans la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([25]). C’est particulièrement le cas pour le bonus et le malus écologiques, dont les effets attendus sur la structuration de la filière ne prennent tout leur sens que s’ils sont anticipés.
L’introduction d’une trajectoire pluriannuelle claire sur la fiscalité automobile est un levier clef de la planification écologique : elle permet de donner de la visibilité aux acteurs économiques et aux ménages d’anticiper l’évolution des dispositifs et donc de mieux adapter leurs comportements. À ce titre, l’article 97 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 établit une trajectoire pluriannuelle d’évolution de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone. Depuis le 1er janvier 2024, le seuil de déclenchement du malus CO2 a été abaissé de 5 gCO2/km, à 118 gCO2/km, et son montant plafond a été porté à 60 000 euros à partir de 194 gCO2/km (contre 50 000 euros en 2023 à partir de 225 gCO2/km).
La taxe sur la masse en ordre de marche des véhicules, dite « malus poids », a également évolué au 1er janvier 2024 ([26]) : le seuil de déclenchement a été abaissé de 1 800 à 1 600 kg, avec un renforcement du tarif unitaire pour les tranches de poids les plus élevées et la mise en place d’un abattement de 100 kg pour les véhicules hybrides non rechargeables. À partir du 1er janvier 2025, les véhicules hybrides rechargeables seront intégrés au barème, avec un abattement de 200 kg. Une trajectoire pluriannuelle pour ce dispositif, qui pourrait être adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, serait également pertinente.
En outre, si les rapporteurs spéciaux comprennent que les modalités des dispositifs de soutien à l’acquisition de véhicules propres et leurs enveloppes budgétaires soient encore soumises à des arbitrages au moment de l’examen du projet de loi de finances, ils regrettent l’absence d’informations sur leurs ordres de grandeur respectifs au sein des projets annuels de performances du programme 174 Énergie, climat et après-mines à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances pour 2023 et 2024. Une meilleure visibilité budgétaire permettrait de donner des incitations claires et de long terme en faveur des véhicules électriques.
Recommandation n° 2 : rendre plus prévisibles les critères et les montants des dispositifs de soutien à l’acquisition de véhicules électriques, notamment les bonus et malus écologiques, en les inscrivant dans la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique transmise chaque année au Parlement.
B. adapter le bonus Écologique au contexte international
Les critères et les montants du bonus écologique doivent intégrer les nécessités de la compétition internationale. Les volumes massifs de subvention, surtout aux États-Unis et en Chine, ainsi que les tensions commerciales entre ces deux pays, font peser des risques importants sur la compétitivité des acteurs français et européens.
Selon les données communiquées aux rapporteurs spéciaux par la PFA, les ventes des constructeurs chinois en Europe ont augmenté de 145 % entre 2021 et 2022, pour atteindre 202 000 véhicules vendus. Dans le segment des véhicules électriques, les véhicules importés de Chine représentent près d’un quart du marché européen en 2023. Plus d’un tiers de ces véhicules sont des modèles de constructeurs chinois, qui représentent désormais environ 10 % du marché en Europe. Au premier semestre 2023, l’écart de prix entre les véhicules chinois et européens était de 54 %, tandis que l’écart du coût de la recharge électrique entre le réseau public français et le réseau public à Pékin est estimé à 141 % en 2023.
La capacité à disposer d’une demande domestique importante est un facteur déterminant pour l’industrie automobile. Par conséquent, il conviendra d’articuler les évolutions du bonus écologique avec les mesures commerciales envisagées au niveau de l’Union européenne, en particulier l’extension du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).
En effet, pour prévenir le risque de fuites de carbone à l’aval, l’extension du MACF à un maximum de produits à risque est une priorité qui doit être recherchée par l’Union européenne. Les échanges avec la Commission européenne doivent s’assurer que les dispositions relatives au reporting (ou « compte rendu ») pour les produits transformés complexes soient adaptées aux enjeux des industriels, notamment avec des méthodologies simplifiées. La mise en place de mesures compatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour préserver la compétitivité des secteurs aval exportateurs est à l’étude.
Recommandation n° 3 : prendre en compte les tensions commerciales internationales en adaptant les évolutions envisagées du bonus écologique en fonction des politiques menées au niveau de l’Union européenne.
C. accompagner la transformation de la filiÈre automobile et des usages
La transition vers la mobilité électrique se fera aussi en accompagnant la transformation technologique des industriels de l’automobile, à l’image du contrat stratégique de la filière automobile (CSF) pour 2024-2027 signé le 6 mai 2024. Les aides à l’investissement, par exemple dans les usines de construction de batteries, et l’accès à une énergie décarbonée et abordable, sont déterminants pour rendre accessibles à tous les véhicules électriques. La création d’infrastructures de recharge fiables permettra également d’améliorer la compétitivité des industriels européens et d’accélérer la dynamique de transition.
1. Le nécessaire soutien à l’industrie automobile
En ce qui concerne le verdissement des véhicules, le CSF 2024-2027 prévoit une multiplication par quatre des ventes de voitures particulières et par six des véhicules utilitaires légers 100 % électriques d’ici à 2027, ainsi que deux millions de véhicules électrifiés produits en France à l’horizon 2030 contre 500 000 aujourd’hui.
Les rapporteurs spéciaux saluent cet accord et seront vigilants sur le niveau du soutien budgétaire accordé aux véhicules électriques. La dynamique de vente des véhicules électriques reste fragile et dépendante du soutien public en raison de l’écart de prix toujours important entre les véhicules électriques à batterie et les véhicules thermiques. Ainsi, la part de marché des voitures électriques à batteries a perdu près de 4 points en Europe au premier trimestre 2024 par rapport au premier trimestre 2023, en raison principalement de la diminution des crédits accordés par de nombreux pays aux aides à l’acquisition de véhicules propres.
part de marché des véhicules Électriques et hybrides en europe
(en pourcentages)
Note : le marché européen inclut ici les pays membres de l’Union européenne, de l’Association européenne du libre-échange et le Royaume-Uni.
Source : commission des finances, d’après les données de la PFA.
En effet, afin de tirer les conséquences budgétaires d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande ([27]), les bonus à l’achat de voitures électriques, qui pouvaient aller jusqu’à 4 500 euros par véhicule, ont été subitement supprimés le 18 décembre 2023 en Allemagne. D’après les données publiées par l’Agence fédérale pour l’automobile (Kraftfahrt-Bundesamt, ou KBA), les ventes de véhicules électriques de janvier à avril 2024 en Allemagne ont diminué de 10,8 % par rapport à la même période en 2023, dont – 29 % sur le seul mois de mars 2024, alors que le marché est dans le même temps en hausse de 7,8 %. L’objectif allemand de vente de quinze millions de voitures électriques d’ici à 2030 semble donc compromis.
Les dispositifs de soutien à l’achat de véhicules propres en Europe
Les dispositifs de type « bonus-malus » sont nombreux en Europe, mais leurs modalités varient (taxe à l’acquisition, subvention à l’achat, taxe de propriété, taxe sur les avantages en nature, déduction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), amortissement de la dépréciation et taxe sur l’énergie) en fonction des systèmes fiscaux de chaque pays, ce qui les rend difficilement comparables.
En 2022, vingt-trois pays accordent des subventions à l’achat de voitures à faibles émissions. Parmi eux, seize pays utilisent des critères d’éligibilité supplémentaires tels que des seuils de prix, douze l’immatriculation privée ou d’entreprise, et huit pays proposent une prime supplémentaire pour la mise au rebut d’un vieux véhicule polluant (comme la prime à la conversion en France). En 2022, les subventions à l’achat les plus importantes concernant les voitures électriques sont accordées à Malte (11 000 euros), en Roumanie (10 200 euros) et en Croatie (9 283 euros), où le taux de pénétration des véhicules propres est faible ou moyen comparé à l’ensemble de l’Europe. Les aides à l’achat en Norvège et en Islande, qui sont mises en œuvre sous la forme d’une exemption de TVA, peuvent également atteindre des niveaux élevés pour les véhicules coûteux.
En 2024, plusieurs pays ont mis fin, souvent pour des raisons budgétaires, aux subventions pour soutenir l’achat des véhicules propres : c’est notamment le cas de l’Allemagne, de la Croatie et de la Finlande.
Source : réponse de France Stratégie au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
Cette inflexion présente un risque pour la pérennité de la voie tracée par l’Union européenne, qui a fixé à 2035 la fin des ventes de voitures neuves équipées d’un moteur thermique, d’autant plus que le règlement européen prévoit une clause de revoyure. En effet, le a) du 13 de l’article 1er du règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023, prévoit ainsi qu’en 2026, « la Commission évalue (…) l’efficacité et l’impact du présent règlement » et, sur la base de cette évaluation, « évalue la nécessité de réexaminer les objectifs fixés à l’article 1er, paragraphe 5 bis » et « les incidences de la fixation de seuils minimaux d’efficacité énergétique pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs à émission nulle mis sur le marché de l’Union ».
En outre, les véhicules thermiques ne sont pas complètement exclus de l’horizon de la transition, avec l’ajout en mars 2023 de la prise en compte des e-carburants à la demande de l’Allemagne. Ainsi, le considérant 11 du même règlement prévoit que la Commission présente « une proposition concernant l’immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2 conformément au droit de l’Union, en dehors du champ d’application des normes applicables aux parcs de véhicules et conformément à l’objectif de neutralité climatique de l’Union ».
Il paraît indispensable que l’industrie puisse s’émanciper à terme des aides publiques à l’acquisition de véhicules électriques. De nombreux constructeurs ont donc investi dans des « gigafactories » (ou « usines ») de batteries afin de faire baisser le coût de ce maillon clé de leur chaîne de production, la batterie d’un véhicule électrique représentant environ 40 % de son prix. Les aides à l’investissement sont aussi déterminantes pour rendre accessibles les véhicules électriques à batterie, à l’image du soutien financier de l’État aux coopérations entre entreprises (« joint-ventures ») afin d’améliorer la compétitivité des sites de production de batterie en France.
Les rapporteurs spéciaux saluent donc la dynamique lancée par les constructeurs, engagés résolument dans la transition électrique sous l’impulsion des mesures prises par le Gouvernement, à l’image des dispositions de la loi n° 2023‑973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte visant à faciliter et accélérer l’implantation de projets industriels revêtant une importance particulière pour la transition écologique.
2. Le soutien au déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques
Au-delà des aides, le développement et la densification des infrastructures de recharge, ainsi que l’accès à une énergie propre et abordable, sont déterminants pour réussir la transition électrique. Plusieurs mesures ont ainsi été mises en place en soutien au déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE).
a. Le programme de certificats d’économie d’énergie Advenir
Depuis 2016, le programme de certificats d’économies d’énergie (CEE) Advenir accompagne l’installation d’infrastructures de recharge publiques et privées. Le taux d’aide varie de 20 % à 50 % des coûts d’acquisition et d’installation, en fonction du type de point de recharge, et peut être réajusté. Début août 2023, l’installation de plus de 133 000 points de recharge avait été accompagnée par le programme depuis sa création pour une enveloppe de 320 millions d’euros. Le programme dispose également d’un volet « Formation » qui a pour objectif de sensibiliser les particuliers, les professionnels de l’immobilier ou encore les acteurs locaux à la mobilité électrique. En mai 2023, plus de 33 000 personnes avaient été sensibilisées. Le programme Advenir a été renouvelé jusqu’au 31 décembre 2027 ([28]) avec pour objectif la mise en place de plus de 72 000 nouveaux points de charge pour véhicules électriques, dont 58 000 points de charge au sein du résidentiel collectif et des dessertes privées et 2 000 points de charges pour les véhicules lourds, et 200 millions d’euros supplémentaires sur la période.
b. Les mesures de soutien orientées vers le déploiement de points de recharge ouverts au public
Le Gouvernement a lancé, dans le cadre du plan de relance, un appel à projets afin de soutenir l’installation de stations de recharge rapide sur le réseau routier national jusqu’à fin 2022, avec un budget de 100 millions d’euros. Le montant de l’aide est compris entre 10 % et 40 % des coûts d’installation selon les situations. Alors que début 2021, moins d’un tiers du réseau français était doté de bornes de recharge rapide, environ les deux tiers des aires de service (99 % des aires de service du réseau concédé) en étaient équipées au début du mois de juillet 2023.
En décembre 2022, un programme d’aide doté de 10 millions d’euros jusqu’à la fin de l’année 2023 a été mis en place afin de soutenir les projets de déploiement d’infrastructures de recharge ouvertes au public dans les stations-service indépendantes. Le taux d’aide peut aller jusqu’à 70 % dans certaines conditions.
● En complément, dans le cadre du plan d’investissement « Investir pour la France de 2030 », un appel à projets doté d’une enveloppe de 300 millions d’euros jusqu’à fin 2024 a été créé en faveur du déploiement de stations de recharge rapide dans les métropoles et les territoires. Le montant de l’aide peut atteindre 40 % des coûts éligibles. Les sept premiers projets lauréats ont été sélectionnés en février 2023 pour un montant d’aide d’environ 38 millions d’euros finançant l’installation de 178 stations de recharge rapide, soit plus de 1 000 points de recharge, sur le territoire métropolitain. Dans le cadre de la deuxième session de juillet 2023, 12 projets ont été sélectionnés et bénéficieront d’une aide de 68 millions d’euros afin d’installer plus de 500 stations de recharge rapide, représentant environ 2 500 points de recharge, d’ici 2026.
● L’État encourage par ailleurs les initiatives des acteurs pour déployer des bornes tout en faisant émerger une structuration territoriale de leur développement. Ainsi, l’article 68 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a donné aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), aux autorités organisatrices des mobilités (AOM) et aux autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE) la possibilité de réaliser des schémas directeurs de développement des infrastructures de recharge ouvertes au public. Ces schémas sont devenus obligatoires dans les zones à faibles émissions mobilité (ZFE‑m) en vertu de l’article 119 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience ». Ils peuvent bénéficier d’un taux de prise en charge des coûts de raccordement au réseau électrique relevé de 40 % à 75 % jusqu’à fin 2025. Début juin 2023, on dénombrait 116 schémas directeurs engagés, dont 34 ont été validés par la préfecture compétente.
● Enfin, afin d’encourager le déploiement des infrastructures de recharge, l’article 58 de la loi n° 2020‑1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a intégré l’électricité d’origine renouvelable fournie par les infrastructures de recharge ouvertes au public au dispositif de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT).
c. Les mesures de soutien orientées vers le déploiement de points de recharge privés
À domicile, l’acquisition et l’installation d’une borne de recharge font l’objet jusqu’au 31 décembre 2025 d’un crédit d’impôt sur le revenu à hauteur de 75 % du montant des dépenses, plafonné à 300 euros ([29]). En 2021, 24 000 foyers ont bénéficié de ce dispositif, pour un montant de 7 millions d’euros de dépenses publiques. En outre, le taux de TVA est réduit à 5,5 % au lieu de 20 % pour les travaux d’installation et d’entretien des bornes de recharge à domicile.
L’article 111 de la loi « climat et résilience » prévoit de faire installer une infrastructure électrique collective, permettant de raccorder des points de recharge, par un opérateur d’infrastructures de recharge ou par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, sans frais pour le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires. Les coûts d’installation de l’infrastructure collective sont avancés par l’opérateur d’infrastructures de recharge ou le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité et sont répercutés sur les seuls utilisateurs de cette infrastructure. Ce dispositif permet de n’avoir aucun reste à charge pour la copropriété. Dans ce cas, la décision de l’assemblée générale des copropriétaires est prise à la majorité simple.
d. Le déploiement des IRVE s’est fortement accéléré ces dernières années pour répondre aux besoins des utilisateurs de véhicules électriques
L’article 6 du décret n° 2020‑456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie fixait un objectif de 100 000 points de recharge ouverts au public d’ici au 31 décembre 2023, qui a été atteint.
En 2021 et 2022, le déploiement des bornes de recharge ouvertes au public a connu un niveau de croissance inédit, avec plus de 20 000 points de recharge installés en 2021 et plus de 28 400 en 2022. Fin mars 2024, 127 287 points de recharge ouverts au public étaient disponibles sur le territoire, soit une moyenne de 189 points pour 100 000 habitants. C’est une évolution du nombre de points de recharge ouverts au public de + 33% sur l’année glissante. Les points de recharge haute puissance connaissent également une forte croissance, avec + 65 % sur les douze derniers mois, pour 22 700 points fin mars 2024. S’agissant des points de recharge privés (à domicile et en entreprise), on estime que la France en comptait plus d’1,5 million fin 2023 contre 500 000 début 2021.
Cette dynamique devra se poursuivre afin d’atteindre l’objectif fixé à l’échelle nationale de 400 000 points de recharge ouverts au public en 2030, dont 50 000 points de recharge rapide. De plus, l’État vise à cette même échéance 7 millions de points de recharge publics et privés sur le territoire. S’agissant de la recharge, le CSF 2024-2027 a fixé un objectif de déploiement, à la même échéance, d’au moins 25 000 points de recharge haute puissance (supérieur ou égal à 50 kW) sur les grands axes du territoire.
Au-delà du nombre de bornes, leur dimensionnement en puissance constitue un enjeu. En effet, seules des bornes de recharge rapide permettent les trajets de longue distance. En mars 2024, il y avait environ 22 700 points de recharge au moins qualifiée de rapide (puissance supérieure à 22 kW), contre 6 000 en 2022, dont 10 540 ultrarapides (puissance supérieure à 150 kW), contre 2 200 en 2022, selon l’association Avere-France.
● En outre, le règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR) fixe à son article 3 des objectifs de déploiement des infrastructures de recharge à hauteur d’1,3 kW par voiture électrique en circulation et de 0,8 kW par voiture hybride rechargeable en circulation. À ce jour, la France est en avance par rapport à ces objectifs. Le règlement prévoit également le déploiement d’au moins une station de recharge rapide tous les 60 kilomètres sur les principaux axes routiers au 31 décembre 2025 pour les véhicules légers (article 3) et au 31 décembre 2030 pour les véhicules lourds (article 4).
La France dispose d’un atout majeur afin d’accélérer la dynamique d’installation, puisqu’elle dispose d’une des meilleures tarifications de la recharge ouverte au public : les principaux exploitants de bornes de recharge facturent entre 0,52 et 0,59 euro le kWh en France, soit 15 à 20 centimes de moins que dans la majorité des pays européens.
● Les rapporteurs spéciaux saluent l’accélération significative des installations de bornes de recharge de véhicule électrique qui a permis de remplir les premiers objectifs fixés. Afin de poursuivre l’accompagnement de l’ensemble de la société dans la transition vers les mobilités électriques, ils seront attentifs à plusieurs priorités qui consistent à :
– encourager l’installation de stations de recharge haute puissance pour répondre aux enjeux de recharge rapide, en particulier sur les grands axes ;
– accompagner la recharge en voirie, notamment pour les particuliers ne disposant pas d’une place de stationnement privative, qu’elle soit en résidentiel individuel ou collectif ;
– développer l’équipement du résidentiel collectif avec les simplifications permises par la loi dite « climat et résilience » : on compte fin août 2023 environ 5 000 immeubles équipés et 5 000 dossiers en cours, pour un parc total de près de 250 000 résidences disposant d’un parking de plus de six places ;
– encourager l’essor des bornes de recharge « intelligentes » connectées (ou bornes « vehicle-to-grid » dites « V2G »), pilotables à distance et capables d’interrompre la charge ou de restituer une partie de l’énergie stockée par la batterie lorsque le réseau est trop fortement sollicité.
Ces déploiements nécessiteront une adaptation du réseau de distribution d’électricité : ainsi, les investissements nécessaires sur le réseau public de distribution liés au raccordement des IRVE d’ici à 2035 sont estimés par Enedis à 6,5 milliards d’euros.
Une mission d’inspection va bientôt rendre ses conclusions sur le modèle économique des bornes de recharge, dans l’objectif d’identifier les éventuels dispositifs les plus pertinents pour atteindre cet objectif ambitieux.
Recommandation n° 4 : maintenir la dynamique de déploiement des bornes de recharge en soutenant le résidentiel collectif et en assurant un premier maillage pour la mobilité lourde conformément aux exigences du règlement européen AFIR.
deuxiÈme partie : la consolidation du soutien aux bioÉnergies confirme l’importance de la diversification dans la stratÉgie de transition ÉnergÉtique franÇaise
Le soutien à la transition énergétique repose sur la production massive d’énergies renouvelables : le programme budgétaire 345 Service public de l’énergie est le support de cette politique publique qu’il finance au titre du système des charges de service public de l’énergie (CSPE).
La loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a marqué une considérable augmentation de 841,2 millions d’euros en AE et en CP des montants accordés au soutien à l’injection de biométhane, tandis qu’une nouvelle action 18 consacrée au soutien à la production d’hydrogène décarboné a été dotée de 680 millions d’euros en AE. L’action 09 du programme 345 finance également des installations de production d’électricité à partir de biomasse solide. Les rapporteurs spéciaux soulignent le regroupement progressif, à l’exception notable du bois-énergie, des crédits alloués à la transition énergétique sur le programme 345 : la lisibilité budgétaire de cette politique publique s’en trouve améliorée.
Le soutien accru à la production de bioénergies, c’est-à-dire des énergies renouvelables issues de la transformation chimique de matières organiques ou végétales, témoigne de l’importance accordée à la diversification du mix énergétique dans la stratégie de transition française. En définitive, cette stratégie de diversification doit permettre d’accélérer la décarbonation de l’industrie dans sa phase de transition, d’améliorer la résilience énergétique et d’assurer un prix bas au consommateur final.
Au regard de l’augmentation récente de l’effort budgétaire, il convient d’interroger l’efficacité des dispositifs relatifs à l’injection de biométhane, à la production d’hydrogène renouvelable et au soutien de la production de bois-énergie.
I. la valorisation des gaz renouvelables et de l’hydrogÈne dÉcarbonÉ est centrale pour la rÉsilience de la politique ÉnergÉtique et la dÉcarbonation de l’industrie
Les bioénergies, notamment le biogaz et l’hydrogène décarboné, jouent un rôle central dans la diversification du mix énergétique et proposent des perspectives prometteuses pour l’avenir énergétique de la France, tant en faveur de la résilience énergétique du pays que des enjeux de décarbonation de l’industrie.
A. les gaz renouvelables comme vecteurs de diversification du mix ÉnergÉtique
Des dispositifs de soutien budgétaire et extra-budgétaire permettent d’encourager l’émergence de la filière de production des gaz renouvelables grâce à un cadre sécurisé et rémunérateur qui peut encore être complété.
Définitions
Aux termes de l’article L. 445-1 du code de l’énergie, les « gaz renouvelables » sont présentés comme « les gaz produits à partir de sources d’énergies renouvelables telles que définies à l’article L. 211-2 » du même code. L’article L. 211-2 précise que le biogaz appartient aux énergies produites à partir de sources renouvelables.
Le terme « gaz vert » désigne toutes les formes de gaz renouvelables.
Le « biogaz » est le produit direct d’une unité de méthanisation, qui repose sur le principe de fermentation des matières organiques dans un digesteur. Il est composé principalement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). Le biogaz peut être utilisé en cogénération pour produire de l’électricité ou être transformé en biométhane pour être injecté dans le réseau de distribution de gaz.
Le « biométhane » est un biogaz dont on a retiré le dioxyde de carbone, le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’eau (H2O). Grâce à ce procédé d’épuration, le biométhane possède les mêmes caractéristiques que le gaz naturel et peut être injecté, après avoir été odorisé pour des raisons de sécurité, dans le réseau, conformément à la définition du 2° de l’article R. 446-1 du code de l’énergie.
Le biométhane peut aussi être désigné par le terme « gaz bas-carbone ». Ainsi, l’article L. 447-1 du code de l’énergie définit le gaz bas-carbone comme « un gaz constitué principalement de méthane qui peut être injecté et transporté de façon sûre dans le réseau de gaz naturel et dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie ».
Selon la base carbone de l’ADEME, le contenu carbone du biométhane produit en France et injecté dans les réseaux gaziers est en moyenne de 44 g CO2 eq/kWh PCI (kilowattheures pouvoir calorifique inférieur), soit un niveau environ cinq fois inférieur à celui du gaz naturel.
Sources : GRDF et Téréga.
1. L’intérêt des gaz renouvelables pour le mix énergétique français
Le développement des gaz renouvelables est nécessaire à l’accélération de la transition énergétique vers la neutralité carbone. Ils contribuent à la décarbonation des usages, qui ne pourront tous être entièrement électrifiés à terme : les gaz renouvelables apparaissent particulièrement pertinents pour l’industrie et le logement, mais également pour la production électrique.
En se substituant au gaz fossile importé, ces sources d’énergie permettent de renforcer la souveraineté énergétique de la France et de l’Union européenne. En effet, les gaz renouvelables, pilotables et stockables, sont complémentaires d’un système électrique qui a vocation à reposer de plus en plus sur les énergies renouvelables intermittentes. Ce développement des gaz renouvelables en injection présente l’intérêt de bénéficier d’une infrastructure amortie : le réseau de gaz français existant.
La production des gaz renouvelables permet également de favoriser la réindustrialisation des territoires, avec une valeur ajoutée de la chaîne de valeur de la filière méthanisation créée à 75 % par des entreprises françaises selon France Gaz.
Les scénarios de référence, présentés dans le tableau suivant, envisagent une consommation de gaz en 2050 entre 150 et 400 térawattheures (TWh). Le potentiel de gisement de gaz renouvelable estimé est de l’ordre de 320 TWh ([30]), composé des méthodes de production suivantes : 130 TWh par méthanisation, 90 TWh par pyrogazéification, 50 TWh par méthanisation et 50 TWh par gazéification hydrothermale.
ScÉnarios relatifs À la consommation de gaz en 2050
(unités)
|
RTE |
négaWatt |
ADEME |
|||
S1 |
S2 |
S3 |
S4 |
|||
% d’électrification des usages finaux |
55 % |
44 % |
42 % |
44 % |
51 % |
56 % |
Volumes de gaz (*) |
150-200 |
222 |
165 |
175 |
243 |
412 |
Nombre de clients logements (en millions)
Dont pompes à chaleur hybrides (en millions) |
6,5 |
– |
2,9 |
4,6 |
9,2 |
9,9 |
2,5 |
– |
0 |
Faible |
5,7 |
4,5 |
|
% de gaz renouvelables dans le mix de production du gaz |
– |
100 % |
88 % |
82 % |
84 % |
51 % |
(*) Consommation finale en térawattheures (TWh) pouvoir calorifique supérieur (PCS).
Source : France Gaz, d’après les scénarios établis par RTE, négaWatt et l’ADEME.
2. Les objectifs en matière de production de biométhane
La production de biométhane se fait à un coût peu compétitif par rapport au prix de marché du gaz naturel et les coûts de production du biométhane stagnent. Par conséquent, la décarbonation de la consommation de gaz issu des réseaux de gaz naturel ne peut progresser sans un soutien financier important de la part de l’État.
La politique de soutien budgétaire à la production de biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel a été lancée en 2011, avec des premiers contrats signés en 2013. Relativement faible au démarrage, la croissance du nombre de projets de biométhane a été amorcée en 2019 avec une augmentation remarquable du nombre de contrats de soutien conclus avec l’État.
contrats de soutien À la production de biomÉthane
Année de signature du contrat |
Nombre de contrats signés |
Capacité cumulée (TWh PCS/an) |
2013 |
2 |
0,02 |
2014 |
4 |
0,06 |
2015 |
10 |
0,30 |
2016 |
12 |
0,31 |
2017 |
21 |
0,42 |
2018 |
43 |
0,97 |
2019 |
513 |
9,45 |
2020 |
376 |
7,83 |
2021 |
7 |
0,08 |
2022 |
3 |
0,03 |
2023 |
82 |
0,78 |
Source : DGEC.
En effet, afin d’atteindre les objectifs de coûts de production de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 ([31]), l’arrêté tarifaire du 23 novembre 2020 ([32]) a introduit dans la formule de calcul de tarif d’achat une baisse automatique du tarif de 2 % par an à compter de la prise d’effet du contrat. La filière a donc signé un maximum de contrats avant la parution de cet arrêté, afin d’éviter cette dégressivité automatique du tarif d’achat. Ainsi, le pic de contractualisation depuis le début du soutien au biométhane a eu lieu en 2019 et 2020, avec un total de 889 contrats signés sur ces deux années, pour un total de 1 073 contrats signés entre 2013 et 2023. 85 % des contrats d’obligation d’achat en vigueur en 2023 ont été signés sur cette période. Un coefficient supplémentaire a depuis été introduit dans la formule du calcul du tarif d’achat : il permet de réduire le tarif d’achat du trimestre N si les capacités contractualisées depuis la parution de l’arrêté jusqu’au trimestre N – 2 dépassent une cible définie.
Le délai moyen de mise en service d’une installation se situant entre trois et quatre ans, le budget alloué au soutien de la production de biométhane, porté par l’action 10 du programme 345 Service public de l’énergie, a donc commencé à croître significativement depuis 2019. Ce soutien budgétaire devrait être amené à poursuivre son augmentation dans les années à venir.
Ainsi, les crédits budgétaires inscrits au titre du soutien à l’injection de biométhane sont en très forte hausse par rapport à 2023 (851,5 millions d’euros, soit + 841,2 millions d’euros). Le graphique ci-dessous retrace l’évolution des montants de CSPE au titre du soutien à l’injection de biométhane de 2018 à 2024 selon les délibérations annuelles de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) :
● Au premier trimestre 2024, 2,7 TWh PCS de biométhane ont été injectés dans les réseaux de gaz naturel. Au cours de l’année 2023, 9,1 TWh PCS de biométhane ont été produits et injectés, soit une hausse de 31 % par rapport à la production de l’année 2022, pour un objectif de production de biométhane fixé à 6 TWh PCS en 2023 par la PPE 2019-2028, dépassé depuis 2021. 674 sites injectent du biométhane dans le réseau de distribution de gaz, dont 580 sont des sites agricoles.
L’augmentation du nombre de contrats conclus en 2023 par rapport aux années précédentes s’explique par le nouveau tarif plus attractif de l’arrêté tarifaire du 10 juin 2023 ([33]), qui prend en compte les coûts d’approvisionnement en électricité et a réinitialisé la dégressivité du tarif qui avait été introduite par l’arrêté tarifaire de 2020. Ainsi, le prix moyen des nouveaux contrats d’obligation d’achat à tarif réglementé est de l’ordre de 156 €/MWh PCS en 2023. En comparaison, selon les données communiquées par la CRE, le tarif moyen des contrats signés était de 122 €/MWh PCS en 2022 et de 102 €/MWh PCS en 2021. Le graphique ci-dessous présente le volume d’installations soutenues à partir des déclarations au titre des CSPE.
volume d’injection de biomÉthane en France depuis 2013
(en TWh PCS par an)
Note : les valeurs pour 2023 et 2024 sont prévisionnelles.
Source : CRE.
La production de biométhane en 2028 devrait atteindre l’objectif bas de la PPE 2019-2028, fixé à 14 TWh PCS, et probablement l’objectif haut de 22 TWh PCS grâce au lancement du dispositif de certificats de production de biogaz (CPB) en 2026. La capacité de production de l’ensemble des installations de production de biométhane en France s’élève à 12,2 TWh/an. En outre, 1 252 sites d’injection pour une production de 26,8 TWh/an sont inscrits au registre de capacité, qui détermine les priorités d’injection dans le réseau entre sites de méthanisation.
capacitÉ maximale de production des nouvelles installations
par trimestre (2013-2023)
(en GWh/an)
Source : commission des finances, d’après les données du SDES.
Au regard de cette dynamique remarquable de la filière, les objectifs de production de biométhane de la prochaine PPE, indiqués dans la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) publiée pour consultation, ont été revus à la hausse. La nouvelle PPE pourrait donc viser une capacité de production annuelle de 50 TWh de biogaz en 2030, dont 44 TWh de biométhane injecté dans les réseaux de gaz, objectifs jugés réalistes par la filière.
3. Les principaux dispositifs publics de soutien à la production de gaz renouvelables
Les coûts de production de gaz renouvelable n’étant pas encore compétitifs par rapport au prix de marché du gaz naturel, de nombreux mécanismes de soutien, budgétaires et extra-budgétaires, ont été mis en place afin de développer la filière.
a. L’obligation d’achat : le dispositif historique de guichet ouvert et le lancement récent d’un appel d’offres
Les installations de méthanisation peuvent bénéficier de deux mécanismes de soutien public : le guichet ouvert et l’appel d’offres. Le coût de ces deux mécanismes de soutien est intégré dans les CSPE. Il convient néanmoins de souligner qu’aucun lauréat d’appel d’offres n’ayant été désigné à la date de rédaction de ce rapport, le dispositif n’engendre pas encore de coût pour le budget de l’État.
● Le soutien historique à la production de biométhane par injection est le dispositif d’obligation d’achat à tarif réglementé, dont le premier arrêté est paru en 2011, a été actualisé en 2020, en 2021 et enfin en juin 2023. Le soutien de l’État alloué à la production de biométhane se fait par le mécanisme des CSPE, versées aux fournisseurs cocontractants pour compenser l’écart entre le tarif qu’ils versent aux producteurs et le prix de marché du gaz naturel. Les contrats ont une durée de quinze ans. En 2022, 511 installations soutenues par des contrats d’achat obtenus via le guichet ouvert ont injecté un total de 6,7 TWh PCS dans les réseaux de gaz naturel, ce qui a engendré des CSPE constatées au titre de 2022 de 78,7 millions d’euros.
Depuis l’arrêté tarifaire de 2020, le régime d’obligation d’achat à tarif réglementé, ou « guichet ouvert », est réservé aux installations dont la capacité maximale de production est inférieure à 300 Nm3/h ([34]), soit une production annuelle prévisionnelle inférieure à 25 GWh PCS/an. Il convient de relever que cette limite concernant la taille des installations éligibles a été introduite par l’arrêté du 23 novembre 2020. Avant cette date, toutes les installations, sans condition de volume de production, étaient éligibles au guichet ouvert.
Le biométhane injecté dans le réseau est, dans le cadre de ce dispositif, acheté par un fournisseur de gaz naturel à un tarif d’achat fixé dans un arrêté tarifaire. Ce tarif est modulé en fonction de la production annuelle prévisionnelle de l’installation, de la typologie de l’installation et des intrants utilisés. La CRE rend des avis techniques sur les conditions de soutien par le biais de ce guichet ouvert, notamment sur le calibrage des tarifs.
Tout porteur de projet d’une installation nouvelle de production de biométhane dont la production annuelle prévisionnelle est inférieure au seuil défini peut conclure un contrat avec un fournisseur de gaz naturel, conformément à l’article L. 446-4 du code de l’énergie, selon les conditions précisées aux articles R. 446-2 et suivants du code de l’énergie et par l’arrêté tarifaire en vigueur.
Le tarif d’achat de biométhane a permis à la filière de bénéficier d’un cadre clair et stable, adapté à tous les types de méthanisation destinés à l’injection, et ainsi d’être l’une des seules filières de production d’énergie renouvelables à avoir dépassé les objectifs fixés par la PPE en vigueur.
● Depuis 2016, l’article L. 446-5 du code de l’énergie ([35]) offre la possibilité de lancer des appels d’offres afin de soutenir les capacités de production de biogaz.
Afin de développer les installations de production de biométhane dont la production annuelle prévisionnelle est supérieure à 25 GWh PCS/an, un premier appel d’offres a été lancé en 2024, avec trois périodes de dépôt des offres. La première s’est déroulée du 1er au 15 février, pour un résultat qui sera connu dans le courant du mois de juin 2024. La puissance appelée pour cette première tranche était de 500 GWh PCS/an, tandis que celle des deux tranches suivantes doit être de 550 GWh PCS/an chacune. La puissance totale appelée pour l’appel d’offres de 2024 est donc de 1,6 TWh PCS/an.
Le détail des conditions de participation est indiqué dans le cahier des charges de l’appel d’offres ([36]) publié sur le site de la CRE, qui conduit l’instruction et propose une liste de lauréats au ministre chargé de l’énergie. Seules sont éligibles les installations nouvelles dont les travaux ont débuté postérieurement à la date limite de dépôt des offres. Le prix plafond de la candidature pour les installations produisant du biométhane par la méthanisation en digesteur de produits ou déchets non dangereux est de 120 €/MWh PCS, contre 65 €/MWh PCS pour la production de biométhane par captage sur une installation de stockage de déchets non dangereux. Le candidat ne peut pas cumuler l’obligation d’achat obtenue à la suite d’un appel d’offres avec tout autre régime d’aide.
Ce dispositif, qui vise les grandes installations, est perçu par la filière du biométhane comme ayant une vocation transitoire puisque ces mêmes installations devront ensuite intégrer le dispositif de certificats de production de biogaz (CPB), qui doit être mis en œuvre par décret à l’été 2024.
b. Un nouveau dispositif de soutien extra-budgétaire qui tarde à se mettre en place : les certificats de production de biogaz
Les rapporteurs spéciaux sont favorables au développement de dispositifs favorisant le développement du biométhane hors soutien public, dans la mesure où la filière a atteint un certain niveau de maturité.
Afin d’atteindre les cibles de production de la PPE et de contribuer au développement de la filière du biométhane, en complément des contrats d’obligation d’achat, l’article 95 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », a introduit une obligation d’acquisition de certificats de production de biogaz (CPB) pour les fournisseurs de gaz naturel ([37]). Ces certificats sont émis par des producteurs de biogaz injecté ne bénéficiant pas d’un soutien de l’État.
Les fournisseurs de gaz naturel doivent restituer annuellement à l’État un nombre de CPB achetés à des producteurs de biométhane en proportion de leur portefeuille de clients soumis à l’assiette d’obligation du dispositif, en fonction d’une trajectoire d’incorporation calculée pour l’atteinte des objectifs de la nouvelle PPE. Ils peuvent s’acquitter de cette obligation soit en produisant eux-mêmes du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biométhane. En cas de manquement, les fournisseurs de gaz naturel sont tenus de payer une pénalité dont le montant est fixé à 100 euros par certificat manquant ([38]). La CRE dispose d’une compétence d’avis sur les textes réglementaires encadrant le dispositif et une compétence de surveillance sur la cohérence des offres de CPB. La première année où les fournisseurs seront soumis à l’obligation est fixée à 2026.
Dans sa délibération n° 2023-370 du 21 décembre 2023 portant sur les projets de décret et d’arrêté relatifs à l’application de l’obligation de restitution des CPB, la CRE a souligné qu’il était essentiel que ce mécanisme se mette en place progressivement afin de ne pas perturber le marché de détail du gaz, au détriment des consommateurs. À cet égard, la trajectoire d’obligation de restitution des CPB prévue sur les premières années d’application du dispositif (2026-2028), dans la première version du décret dont la CRE a été saisie, semblait trop ambitieuse compte tenu des délais de développement des projets de production de biométhane. La CRE a en effet jugé probable que ce soient les principaux fournisseurs de gaz, c’est-à-dire Engie et TotalÉnergies, qui disposent de la majorité des CPB au lancement du dispositif, alors même qu’il n’existe pas d’obligation d’alimenter le marché secondaire des CPB. Dès lors, beaucoup de fournisseurs pourraient se retrouver dans l’incapacité de remplir leur obligation de restitution de CPB et donc contraints de payer la pénalité légale, au détriment de leurs consommateurs et du fonctionnement du marché de détail du gaz naturel. La CRE a donc recommandé de réviser à la baisse de 40 % la trajectoire du volume cumulé d’obligation sur les années 2026 à 2028, sans préjudice d’une éventuelle augmentation de la trajectoire une fois la phase d’amorçage du dispositif passée.
À la date de rédaction de ce rapport et selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, le décret fixant la trajectoire d’incorporation est en cours d’élaboration et fait l’objet d’une saisine du Conseil d’État. Les rapporteurs spéciaux relèvent le délai particulièrement long de publication du décret d’application du dispositif, près de trois ans après la promulgation de la loi « climat et résilience ». Ce projet de décret contient pour la période 2026-2028 la trajectoire d’obligation et l’assiette d’obligation, restreinte aux consommateurs des secteurs résidentiel et tertiaire. La trajectoire d’incorporation proposée est la suivante, en cohérence avec les observations formulées par la CRE dans sa délibération n° 2023-370 :
Production totale de biométhane via les CPB
(TWh PCS/an)
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
0,8 |
3,1 |
6,5 |
16,7 |
26,9 |
Source : DGEC.
Le dispositif des CPB, très attendu par l’ensemble de la filière, fait donc porter le financement d’une partie de la production de biométhane par les consommateurs de gaz assujettis, sur lesquels les fournisseurs répercuteront le prix des CPB, plutôt que par les contribuables. Avec la nouvelle trajectoire d’incorporation présentée, une hausse de 6 % de la facture de gaz est attendue en 2028 pour les consommateurs des secteurs résidentiel et tertiaire, et de 25 % en 2030. Elle a ensuite vocation à croître dans une proportion dépendant de la trajectoire qui sera décidée. Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement attentifs à cette trajectoire afin de préserver un prix compétitif pour les consommateurs finals de gaz.
La mise en œuvre du « droit à l’injection »
L’article 94 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGAlim », a créé l’article L. 453-9 du code de l’énergie qui dispose que « lorsqu’une installation de production de biogaz est située à proximité d’un réseau de gaz naturel, les gestionnaires des réseaux de gaz naturel effectuent les renforcements nécessaires pour permettre l’injection dans le réseau du biogaz produit, dans les conditions et limites permettant de s’assurer de la pertinence technico-économique des investissements ».
Les modalités de mise en œuvre de cet article ont été précisées par le décret n° 2019-665 du 28 juin 2019 relatif aux renforcements des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel nécessaires pour permettre l’injection du biogaz produit, par l’arrêté du 28 juin 2019 qui lui est associé, ainsi que par la délibération n° 2019-242 de la CRE, qui introduit trois dispositifs :
– un dispositif de zonage de raccordement des installations de production de gaz renouvelable ou bas-carbone à un réseau de gaz naturel : pour chaque zone du territoire métropolitain continental située à proximité d’un réseau de gaz naturel, il est défini un réseau considéré comme le plus pertinent d’un point de vue technico-économique pour le raccordement d’une nouvelle installation de production de gaz renouvelable ou bas-carbone qui s’y implanterait ;
– pour les ouvrages de renforcement, un dispositif d’évaluation et de financement par les gestionnaires de réseau des coûts associés, dans la limite d’un ratio technico-économique entre les investissements et les volumes ;
– pour les ouvrages mutualisés qui ne sont pas des renforcements, un dispositif de partage des coûts entre les producteurs d’une même zone.
La CRE a déjà validé 351 zonages et plus de 400 ouvrages de renforcement, pour plus de 250 millions d’euros d’investissements. À moyen terme, sur ces zonages validés, plus de 1 200 projets pourraient se concrétiser, représentant plus de 25 TWh. À fin février 2024, 667 sites sont en injection, soit plus de 12 TWh de capacité installée.
Pour les deux autres points, la CRE regarde au cas par cas les investissements des gestionnaires de réseaux de transport pour s’assurer de la pertinence technico-économique des projets. À titre d’exemple, la CRE a déjà validé 73 sites de rebours, une technique consistant à comprimer le biométhane non consommé sur un réseau de distribution pour ensuite l’injecter vers le réseau de pression supérieure, dont 15 sont en service.
Source : réponse de la CRE au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
c. Les mécanismes complémentaires de soutien à la production de biométhane
Plusieurs mécanismes de soutien public, complémentaires à l’obligation d’achat et aux futurs CPB, permettent d’encourager la production de biométhane.
● En premier lieu, la production de biométhane injecté aboutit à l’émission de garanties d’origine : aux termes de l’article D. 446-17 du code de l’énergie, ce document permet de « prouver à un consommateur final raccordé à un réseau de gaz naturel qu’une part ou une quantité déterminée de l’énergie fournie a été produite à partir de sources renouvelables. » Pour les installations disposant d’un contrat d’achat conclu avant le 9 novembre 2020, l’acheteur soumis à l’obligation d’achat de biométhane récupère à sa demande la garantie d’origine associée au biométhane acheté auprès du producteur. Pour les contrats conclus depuis cette date, le producteur cède gratuitement ses garanties d’origine à l’État, qui les revend aux enchères à divers acteurs de marché : les premières enchères sont prévues pour septembre 2024.
● Les délibérations de la CRE au titre du « bac à sable réglementaire » ainsi que l’appel à manifestation d’intérêt lancé en 2022 sous l’égide du comité stratégique de filière (CSF) « nouveaux systèmes énergétiques » ont permis d’identifier un groupement de projets mettant en œuvre des technologies innovantes de production de biométhane et de gaz renouvelables et bas-carbone.
● Les contrats d’expérimentation, créés par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, visent à offrir un mécanisme de financement aux filières innovantes de production de biométhane dans le cadre de procédures d’appels d’offres spécifiques. Ils ont été étendus par la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ([39]) à l’ensemble des technologies innovantes de production de gaz renouvelables et bas-carbone : la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et le power-to-methane.
Si les rapporteurs spéciaux saluent la mise en œuvre et la grande diversité des dispositifs de soutien à la production de biométhane, ils soulignent que leur enchevêtrement peut néanmoins affecter la lisibilité des objectifs poursuivis.
4. Les perspectives pour la filière de production de gaz renouvelables
La filière de production des gaz renouvelables a besoin d’un cadre clair et stable pour offrir de la visibilité aux porteurs de projets.
Afin d’être efficaces, les leviers permettant d’accélérer le développement du gaz renouvelable en France doivent être adaptés aux différentes typologies d’installations. Ainsi, le soutien public à la production de biométhane est différencié selon la taille de ces dernières et selon la nature des intrants utilisés. La CRE réalise actuellement un audit portant sur les installations produisant du biométhane injecté et soutenues par ce mécanisme, afin notamment de s’assurer que le niveau de soutien accordé est cohérent avec les coûts des installations concernées.
En 2030, la méthanisation demeurera la technique centrale pour les filières gaz renouvelable et bas-carbone. Elle tirera l’essentiel de son potentiel de production grâce à une mobilisation de la biomasse agricole. Concernant les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), c’est-à-dire les intercultures ne venant pas en concurrence avec la production alimentaire et fourragère, uniquement valorisables en méthanisation, les hypothèses de mobilisation identifiées dans le scénario de référence tendanciel de l’ADEME à l’horizon 2050 sont de 83 millions de tonnes de matière sèche en gisement brut, pour 13 millions de tonnes mobilisées pour la méthanisation.
● Trois technologies peuvent encore être développées, avec un potentiel de 11 TWh de production de gaz renouvelable et bas-carbone par les filières innovantes pour injection :
– la pyrogazéification, procédé de conversion thermochimique qui permet la production de gaz renouvelable ou bas carbone à partir de déchets solides secs, notamment à partir de déchets non recyclables, résidus de biomasse solide, déchets de bois, combustibles solides des récupérations (CSR) ;
– la gazéification hydrothermale, procédé thermochimique qui permet la production de gaz renouvelable, bas-carbone ou gaz de récupération en fonction de l’origine biomasse et fossile des déchets dont le taux d’humidité est situé généralement entre 20 et 80 % ;
– le « power-to-methane », procédé qui permet de combiner le CO₂ avec de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone obtenu par électrolyse de l’eau et ainsi de produire du méthane renouvelable ou bas-carbone.
● Concernant la pyrogazéification, plusieurs projets et démonstrateurs à taille industrielle ont permis de mettre en évidence les performances des procédés de pyrogazéification pour la production de méthane injecté à partir de biomasse. Un appel à manifestation d’intérêt lancé en 2022 par le contrat stratégique de filière (CSF) « Nouveaux systèmes énergétiques » a permis de mettre en évidence une filière d’acteurs sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Un potentiel de 6 TWh/an de biométhane en 2030 produit par pyrogazéification est envisagé. La DGEC a annoncé à l’automne 2023 le lancement d’un appel à projets pour l’injection, dans le cadre des contrats d’expérimentation, dont la filière attend la mise en œuvre. Il s’agit d’un moyen pour cette nouvelle filière de disposer de premières références industrielles en comparant les performances des projets en termes de production de méthane injecté.
● Le groupe de travail national « Gazéification hydrothermale » avance une capacité de production de gaz injectable d’au moins 2 TWh/an d’ici 2030, d’au moins 12 TWh/ an d’ici 2035 et d’au moins 50 TWh/an d’ici 2050, sur la base de dix-huit intrants d’origine biomasse.
● Pour le power-to-methane, la valorisation du CO2 en méthane permet d’accroître la quantité totale de gaz renouvelables produite et injectée avec une même quantité de biomasse initiale. Le potentiel de production de biométhane par méthanisation a été évalué par l’ADEME dans ses scénarios prospectifs à environ 50 TWh à l’horizon 2050. La filière considère en outre que la capacité de production pourrait atteindre 2 TWh en 2030 et 8 TWh en 2035.
● Les rapporteurs spéciaux soulignent l’impératif de mettre en œuvre une approche intégrée en matière de recours au gaz et de transmission du biogaz, visant à optimiser son utilisation et à renforcer la diversification des sources d’énergie. Ainsi, il semble pertinent de permettre la reconnaissance du biométhane et des gaz bas-carbone comme solution de décarbonation de l’industrie afin d’accélérer et de démultiplier les contrats d’achat de biométhane conclus entre les producteurs de gaz renouvelable et les industriels consommateurs de gaz (ou « biomethane purchase agreement » – BPA), ainsi que d’étendre le dispositif de garanties d’origine aux gaz bas-carbone.
Recommandation n° 5 : permettre la reconnaissance du biométhane et des gaz bas-carbone comme solution de décarbonation de l’industrie.
Les rapporteurs spéciaux recommandent d’assurer le financement des technologies avancées pour traiter le biogaz, le rendant ainsi utilisable dans les réseaux énergétiques largement déployés dans de nombreux territoires, par exemple en ouvrant à terme les CPB aux technologies innovantes de production de gaz bas-carbone (pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-methane).
En outre, il conviendrait d’intégrer le biogaz dans la stratégie de déploiement des autres sources d’énergie disponibles. En effet, afin de garantir une production énergétique décarbonée qui soit plus adaptable aux périodes de consommation intenses, il est essentiel de consolider les synergies entre le biogaz et d’autres énergies renouvelables, telles que le photovoltaïque et l’éolien.
Enfin, les entreprises du secteur de l’énergie sont appelées à jouer un rôle clef dans cette transition vers une utilisation plus développée du biogaz. En investissant dans des technologies de pointe, en favorisant la recherche et le développement, elles pourront améliorer leurs performances opérationnelles, mais aussi renforcer leur effet environnemental positif.
Recommandation n° 6 : envisager d’étendre le dispositif de garanties d’origine aux gaz bas-carbone et d’ouvrir à terme les certificats de production de biogaz aux technologies innovantes de production de biométhane et gaz bas-carbone (pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-methane).
Un potentiel d’autoconsommation des gaz renouvelables à développer
L’article 100 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a introduit la possibilité de mener une opération d’autoconsommation collective étendue en gaz renouvelable, codifiée aux articles L. 448-1 à L. 448-5 du code de l’énergie, qui vise à réunir des producteurs et des consommateurs de gaz renouvelable. Afin de décarboner le parc de logements sociaux, l’article L. 448-2 du code de l’énergie permet aux organismes d’habitations à loyer modéré de pouvoir être désignés comme « personne morale organisatrice » de l’opération d’autoconsommation collective.
Plusieurs textes récents ont précisé les modalités d’application de ce dispositif :
– le décret n° 2024-288 du 29 mars 2024 relatif à l’autoconsommation collective étendue de gaz dans les habitations à loyer modéré et portant diverses dispositions relatives aux gaz renouvelables et bas-carbone ;
– le décret n° 2024-289 du 29 mars 2024 relatif à l’autoconsommation collective étendue de gaz et portant diverses dispositions relatives aux gaz renouvelables et bas-carbone ;
– l’arrêté du 29 mars 2024 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue de gaz.
L’article 1er de l’arrêté du 29 mars 2024 prévoit une distance maximale de 2 kilomètres entre producteurs et consommateurs, avec des dérogations possibles jusqu’à 20 kilomètres si producteurs et consommateurs sont situés en zone rurale (article 2 de l’arrêté). L’attention des rapporteurs spéciaux a été attirée par des représentants de la filière gazière, des énergies renouvelables, de l’habitat social et des collectivités locales sur l’inopérance des valeurs choisies. En effet, les sites de production de biométhane ne sont pas situés au cœur des foyers de consommation les plus denses : la filière la plus développée de production de gaz renouvelable est la méthanisation, dont la majeure partie des installations se situent dans des exploitations agricoles éloignées des zones urbaines avec une forte consommation de gaz comme les logements sociaux.
Au regard de ce constat, une dérogation aux critères de distance entre producteurs et consommateurs instaurés par l’arrêté du 29 mars 2024, notamment dans le cas où la personne morale organisatrice est un organisme d’habitation à loyer modéré, doit être étudiée.
5. Les synergies de la méthanisation avec le monde agricole
La méthanisation, ou production de biogaz à partir de déchets et résidus agricoles, s’inscrit dans une logique d’économie circulaire. Ainsi, 85 % des projets de méthanisation reposent sur des projets agricoles. Ces projets, qui assurent un complément de revenus aux agriculteurs, se déclinent en deux principaux types de méthanisation :
– la méthanisation agricole autonome, portée par un ou plusieurs exploitants agricoles ou par une structure agricole, qui méthanisent plus de 90 % des matières issues des exploitations agricoles ;
– la méthanisation agricole territoriale, mise en œuvre par un agriculteur, un collectif d’agriculteurs ou une structure agricole, qui méthanisent plus de 50 % des matières issues des exploitations agricoles et intègrent des déchets de leur territoire (industriels, boues d’épuration, etc.).
Des cultures intermédiaires, dites « à vocation énergétique » (CIVE), peuvent aussi servir d’intrant tout en offrant une couverture des sols entre deux cultures principales : elles permettent de maîtriser l’impact sur la production alimentaire et d’offrir des services agroécologiques pertinents pour la protection du sol, de l’eau et de la biodiversité.
En outre, la valorisation des coproduits de la méthanisation, comme le digestat et le CO2 biogénique, permet de créer des circuits locaux vertueux encourageant le développement de la méthanisation. Ainsi, le digestat, matière fertilisante organique naturelle, peut être épandu sur les terres agricoles en substitut aux engrais minéraux d’origine fossile, tandis que le CO2 biogénique, qui correspond au carbone émis lors de la combustion ou la dégradation de la biomasse agricole ou forestière, peut être valorisé par méthanation en le combinant avec de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.
● Afin d’étudier les synergies entre le monde agricole et la production de biogaz, les rapporteurs spéciaux ont souhaité entendre des représentants de la Fédération nationale des distilleries coopératives viticoles (FNDCV) et de l’Union des distilleries de la Méditerranée (UDM).
Les distilleries coopératives viticoles et les distilleries privées traitent chaque année en France entre 750 000 et 950 000 tonnes de marcs de raisins bruts (résidus solides de la vinification contenant notamment de l’alcool) et entre 800 000 et un million d’hectolitres de lies de vins (résidus liquides de la vinification contenant également de l’alcool). Les dix distilleries adhérentes à la FNDCV sur la quarantaine d’entreprises existantes en France traitent 55 % de ces tonnages et de ces volumes. Les débouchés énergétiques de ces entreprises sont notamment :
– la production d’éthanols issus de marcs et de lies, lesquels après déshydratation deviennent des biocarburants avancés de deuxième génération ;
– la production de biomasse sèche (pulpes et tourteaux de pépins), utilisée comme combustible dans des chaudières à biomasse ;
– la production de biogaz par la méthanisation des vinasses (résidus liquides de l’étape de distillation), pour les réutiliser en interne comme source de chaleur ;
– la production de résidus liquides ou solides distribués comme matières premières auprès de méthaniseurs externes.
Si la valorisation énergétique de la production est bien au cœur du modèle des distilleries, les quantités de matières disponibles, qui dépendent de la production viticole, restent contraintes. Pour des raisons d’efficience énergétique, les adhérents de la FNDCV privilégient à ce stade le marché du bioéthanol de génération avancée, qui permet la génération de 7,5 MWh par tonne de matière quand la méthanisation du marc de raisin ne génère que 500 kWh par tonne de matière. La méthanisation est donc considérée comme un complément pour assurer une valorisation énergétique des résidus, une fois les matières avec une meilleure efficience énergétique consommées.
production de biogaz par les adhÉrents de la fndcv (2021-2023)
|
Campagne 2021-2022 |
Campagne 2022-2023 |
|
Production |
Production totale (en normo mètre cube, Nm3) |
3 243 495 |
2 756 553 |
Teneur moyenne en CH4 (en %) |
Entre 62 et 65 % |
||
Production totale (en MWh) |
19 980 |
17 089 |
|
Valorisation (en MWh) |
Quantité de biogaz valorisé en interne |
15 889 |
15 139 |
Quantité de biogaz valorisé en externe |
0 |
0 |
|
Pertes (en MWh) |
Quantité de biogaz brûlé en torchère |
4 091 |
1 950 |
Source : FNDCV.
Seulement un tiers des distilleries adhérentes de la FNDCV sont productrices de biogaz, toutes en autoconsommation. Or l’autoconsommation, à la différence du soutien à l’injection dans le réseau de distribution de gaz, ne bénéficie d’aucun soutien public. Dès lors, il est souvent plus intéressant pour les distilleries de vendre leurs résidus à des méthaniseurs éligibles aux mécanismes de soutien plutôt que de les méthaniser elles-mêmes : un des adhérents de la FNDCV distribue ainsi certains de ses résidus à plus de 200 km de son site de production. En l’absence de soutien public, l’intérêt économique des producteurs réside davantage dans la fourniture de matière à des projets externes que dans l’utilisation circulaire du biométhane produit pour la chaudière à gaz de la distillerie.
Alors que la complémentarité des filières de la distillation et de la méthanisation est un atout pour la transition énergétique, les rapporteurs spéciaux soulignent que la situation actuelle est regrettable sur le plan environnemental : les producteurs en autoconsommation sont conduits à renoncer à des investissements dans une source d’énergie renouvelable et à devoir valoriser leur matière première loin de leur lieu de production pour obtenir un équilibre économique.
B. le soutien À l’hydrogÈne dÉcarbonÉ afin d’accÉlÉrer la dÉcarbonation de l’industrie
L’hydrogène, ou dihydrogène (H2), est un gaz qui peut être transformé en énergie grâce au phénomène de combustion. 95 % de l’hydrogène produit dans le monde est aujourd’hui issu de la transformation d’énergies fossiles, c’est-à-dire par vaporeformage de gaz naturel, sans captage ni stockage du CO2, ou encore par électrolyse réalisée grâce à une électricité carbonée.
L’hydrogène bas-carbone est produit grâce à une réaction chimique obtenue par électrolyse de l’eau, qui permet de décomposer les molécules de cette dernière et d’en extraire l’hydrogène, à partir d’électricité d’origine renouvelable. L’utilisation du gaz ainsi produit par électrolyse décarbonée n’émet pas de CO2.
L’article L. 811-1 du code de l’énergie distingue les différents types d’hydrogène :
– l’hydrogène renouvelable, produit à partir d’intrants renouvelables ou d’électricité renouvelable et qui doit respecter un seuil d’émission de gaz à effet de serre défini par voie réglementaire ([40]) ;
– l’hydrogène bas-carbone, dont le procédé de production engendre les mêmes émissions mais qui n’a pas été produit à partir d’intrants renouvelables ;
– l’hydrogène carboné, qui n’est ni renouvelable, ni bas-carbone, et rassemble donc l’ensemble des types d’hydrogène ne respectant pas le seuil d’émission de gaz à effet de serre précité.
En application du règlement délégué (UE) 2023/1185 du 10 février 2023, l’article 23 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 ([41]) a précisé que le seuil d’émissions en-dessous duquel l’hydrogène peut être qualifié de renouvelable ou de bas-carbone prend en compte les « émissions associées à la fourniture des intrants, à la transformation, au transport, à la distribution, à la combustion lors de l’utilisation finale ainsi qu’au captage et au stockage géologique du carbone ».
Dans la nouvelle directive européenne à paraître concernant les règles communes pour les marchés intérieurs des gaz naturel et renouvelable et de l’hydrogène, l’hydrogène bas-carbone est défini comme l’hydrogène « dont la teneur énergétique provient de sources non renouvelables et qui respecte le niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 70 % par rapport au combustible fossile de référence pour les carburants renouvelables d’origine non biologique ».
Pour atteindre les objectifs de décarbonation fixés au niveau européen, la France soutient le développement de la production d’hydrogène décarboné à plusieurs titres.
1. La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné
En 2020, la consommation d’hydrogène en France se situait autour de 900 000 tonnes par an pour une production française de près de 130 000 tonnes, dont seulement 1 000 tonnes à partir de l’électrolyse avec de l’électricité renouvelable.
La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, lancée en 2020 et financée par les missions budgétaires Plan de relance puis Investir pour la France de 2030, a bénéficié d’un soutien financier de près de 9 milliards d’euros. Cette stratégie s’appuie sur de nombreux dispositifs en faveur de la recherche et l’innovation, sur l’industrialisation associée à de grands projets de décarbonation, ainsi que sur la production massive d’hydrogène décarboné. L’objectif français est d’atteindre une capacité de 6,5 GW d’électrolyse installée en 2030.
Une mise à jour de la stratégie nationale, mise en consultation fin 2023, devrait être publiée prochainement. Cette révision viserait à s’assurer que la filière industrielle de l’hydrogène décarboné sera en mesure de réaliser des progrès effectifs au regard des priorités de développement, portant notamment sur la décarbonation des processus industriels, sur l’utilisation de l’hydrogène dans le domaine du transport terrestre, ainsi que sur la conduite de projets industriels de substitution de l’hydrogène aux sources fossiles. La révision de la stratégie a pour ambition l’installation d’une capacité d’électrolyse de 10 GW en 2035. En termes de production d’hydrogène, ces capacités représenteront environ 600 kilotonnes (kt) d’hydrogène en 2030 et 1 000 kt d’hydrogène en 2035.
2. Un soutien public en augmentation, désormais porté par le programme budgétaire 345
Des appels d’offres prévus au cours de l’exercice 2023 sont désormais financés depuis la loi de finances pour 2024 par l’action n° 18 du programme 345 à hauteur de 680 millions d’euros en AE et 25 millions d’euros en CP. Les rapporteurs spéciaux saluent cet ajout, demandé depuis le projet de loi de finances pour 2023, qui contribue à faire du programme 345 un support budgétaire complet de la stratégie de transition énergétique de la France.
Le dispositif de soutien porté par le programme 345 s’inscrit en continuité du soutien apporté par le Gouvernement aux dépenses d’investissement en capital sur la chaîne de valeur de l’hydrogène, par exemple avec les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) « Hy2Use » ou « Hy2Infra » visant à accompagner le lancement des premiers électrolyseurs de grande capacité destinés principalement à l’industrie. Le nouveau mécanisme s’adresse à des projets d’une taille industrielle et ne répond pas aux mêmes objectifs que les projets soutenus par les programmes pilotés par l’ADEME, comme l’appel à projets « Écosystèmes territoriaux d’hydrogène » lancé en mai 2018 et doté de près de 500 millions d’euros, ou les projets de technologies plus amont qui relèvent de l’appel à projet « Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène » d’octobre 2020. Enfin, l’action 18 du programme 345 s’inscrit en complémentarité avec le plan « Investir pour la France de 2030 », dont fait partie le « programme et équipements prioritaires de recherche sur l’hydrogène décarboné » (PEPR-H2) qui dispose d’un budget de 80 millions d’euros sur huit ans et a vocation à soutenir des activités de recherche d’un niveau de maturité technologique faible ou intermédiaire.
Sur le fondement de l’article L. 812-3 du code de l’énergie, le Gouvernement souhaite aujourd’hui lancer une procédure d’appel d’offres pour produire de l’hydrogène décarboné avec un soutien financier à cette production. L’appel d’offres envisagé permettra de financer en plusieurs vagues environ 1 GW de capacité d’électrolyse, afin de participer au lancement du marché en prenant en charge la différence entre le coût de l’hydrogène décarboné et celui de l’hydrogène produit à partir de combustibles fossiles.
Ainsi, le dispositif est réservé à des électrolyseurs de grande capacité. Les soutiens accordés devraient s’étendre sur une durée de dix à quinze ans. Il est envisagé une contractualisation par tranches annuelles de 150 MW en 2024 puis de 250 MW en 2025, de 600 MW en 2026, pour atteindre en 2029 1 GW de capacités cumulées et soutenues qui seraient mises en service progressivement.
● Le décret n° 2023-854 du 1er septembre 2023 relatif au dispositif de soutien à la production de certaines catégories d’hydrogène organise la procédure de mise en concurrence pour la sélection des projets. Les offres seront examinées par l’ADEME, qui proposera au ministre chargé de l’énergie la liste des candidatures à sélectionner.
Pour la première période portant sur une puissance totale de 150 MW et dont l’attribution est prévue en 2024, le Gouvernement a choisi de recourir à une procédure de dialogue concurrentiel : des candidats retenus échangeront avec l’État sur les modalités du cahier des charges de la mise en concurrence. Le projet de document de consultation prévoit que le soutien portera sur les installations nouvelles de plus de 30 MW et prendra la forme soit d’une aide au fonctionnement, soit d’une combinaison entre une aide financière à l’investissement et une aide au fonctionnement.
Dans sa délibération n° 2023-340 du 23 novembre 2023 relative au projet de document de consultation encadrant la phase de sélection des candidats éligibles, la CRE considère qu’il n’est pas justifié de recourir à un dialogue concurrentiel pour les futures procédures, dans la mesure où un tel dialogue allonge considérablement les délais de désignation des lauréats.
Les lauréats de la dernière tranche seront sélectionnés en 2026 et leurs électrolyseurs seront mis en service en 2028. La production d’un électrolyseur de 100 MW étant estimée à 14 kilotonnes d’hydrogène par an, le coût global du dispositif pourrait donc évoluer entre 3,8 et 4,3 milliards d’euros.
Recommandation n° 7 : accélérer la mise en œuvre des tranches 2 et 3 du mécanisme de soutien à la production d’hydrogène renouvelable financé par le programme 345.
Le dispositif est en cours de notification et prendra une forme concurrentielle conformément aux lignes directrices des aides d’État au sein de l’Union européenne. Les projets les moins demandeurs en subventions, tous guichets confondus, ont vocation à être lauréats.
● Enfin, les projets de production d’hydrogène destiné au secteur des transports bénéficient d’un soutien avec la taxe incitative relative à l’incorporation et l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT), jugée à même d’assurer l’ensemble du soutien nécessaire au secteur. Il est donc prévu d’exclure les usages éligibles à la TIRUERT ou à tout autre dispositif d’incorporation européen ([42]) du dispositif de soutien. Le dispositif de soutien financé par l’action 18 du programme 345 ne serait donc destiné qu’à des usages industriels directs hors transport et hors raffinage.
3. Le potentiel de la France au regard des nouvelles réformes européennes relatives au marché de l’hydrogène
● En raison de son mix électrique fortement décarboné, qui donne la capacité aux projets de production d’hydrogène situés en France de produire un nombre important d’heures par an et donc d’abaisser leurs coûts de production, l’approche française consiste en une production sur le sol français d’hydrogène décarboné équilibrée par rapport aux consommations.
La stratégie allemande, afin de répondre à des besoins industriels importants, choisit de s’appuyer sur une large part d’importations d’hydrogène : plusieurs des voisins européens de l’Allemagne (Belgique, Pays-Bas, Danemark) se positionnent comme des exportateurs d’hydrogène destiné à l’Allemagne. Les rapporteurs spéciaux relèvent ici l’opportunité pour certains territoires français comportant des acteurs de l’hydrogène, notamment dans le Grand Est, de se structurer rapidement afin d’être en mesure de répondre à l’offre allemande.
Le potentiel de développement de l’hydrogène dans le Grand Est
Des liens clairs sont établis entre le développement de l’hydrogène et la réindustrialisation de certains territoires. Si l’ensemble de la France est concerné, le bassin lorrain représente un potentiel important qui se traduit aujourd’hui surtout par des projets d’export d’hydrogène, avec par exemple le premier tronçon de 150 kilomètres du projet « MosaHYc » d’une capacité de transport et de distribution de 55 kilotonnes d’hydrogène par an qui doit relier la Moselle à la Sarre en Allemagne, qui pourraient conduire à terme à une valorisation industrielle de l’hydrogène au sein de la région.
Le projet hydrogène de l’Eurométropole de Metz figure parmi les 21 projets jugés éligibles du dernier appel à projets « Écosystèmes territoriaux d’hydrogène » clôturé par l’ADEME en septembre 2023. Le projet représente une puissance de l’électrolyse de 2 MW et une capacité de production d’environ 800 kilogrammes d’hydrogène par jour. L’usine d’électricité de Metz (UEM) et l’Eurométropole de Metz ont investi 40 millions d’euros sur le territoire pour le développement de l’écosystème.
La région Grand Est envisage de développer une vallée européenne de l’hydrogène à partir de 2025. Encouragées depuis 2014 par le Clean Hydrogen Partnership (ex FCH-JU), ces vallées (H2Vs) sont des écosystèmes régionaux qui combinent la production d’hydrogène et des usages pour la mobilité et l’industrie. La stratégie hydrogène de la région lancée en 2020 prévoyait une production de 90 kilotonnes d’hydrogène renouvelable en 2030. Cet objectif a été ajusté et porté à 60 kilotonnes d’hydrogène renouvelable, auxquels ont été additionnés 90 kilotonnes d’hydrogène décarboné.
CARTOGRAPHIE DES PRINCIPAUX ÉCOSYSTÈMES HYDROGÈNES DE LA RÉGION GRAND EST À L’HORIZON 2030
Source : réponse de France Hydrogène au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
● La directive et le règlement européens qui constituent le « paquet gaz » doivent être publiés dans les semaines suivant la publication du présent rapport, à la suite de l’accord politique trouvé en trilogue en décembre 2023. Ces textes viennent préciser des éléments de régulation du marché intérieur de l’hydrogène, avec notamment la création d’une entité européenne indépendante regroupant les gestionnaires de réseaux (GRT) d’hydrogène, l’Ennoh (European network of network operators for hydrogen). Un mécanisme de soutien au développement de marché de l’hydrogène, pour lequel la participation est volontaire, a pour vocation de permettre une première évaluation de l’offre et de la demande d’hydrogène sur le marché européen. Le projet pilote doit durer jusqu’en 2029. Les États membres auront la possibilité de soutenir, y compris sous forme de garanties, les entreprises participant à ce processus d’agrégation de la demande.
Les travaux de transposition ont déjà débuté et devraient être menés sur une durée maximale de deux ans à compter de l’adoption du texte. La CRE a été chargée par le Gouvernement de réfléchir aux enjeux de régulation du secteur hydrogène, en prenant en compte les apports du « paquet gaz » : les résultats de cette mission, qui doivent alimenter les travaux de cette transposition, sont attendus pour la mi-2024.
4. Le rôle complémentaire de l’hydrogène dans un contexte de transition énergétique
Les rapporteurs spéciaux soulignent que la production d’énergie doit se faire conjointement avec la priorité donnée à la résilience industrielle, afin d’assurer le développement des capacités industrielles existantes en lien avec la transition énergétique. Ils sont favorables à ce que les choix territoriaux d’installation de filières industrielles soutenant le développement des énergies renouvelables financées par le programme 345 soient réalisés en fonction de cette démarche d’autonomie énergétique croissante des capacités industrielles de toute taille. En encourageant l’utilisation de petites unités de production et de stockage d’hydrogène, les industriels disposant de l’autonomie et du savoir-faire nécessaire pourront renforcer leur propre résilience énergétique.
Recommandation n° 8 : finaliser la structuration de la demande dans l’industrie en établissant en priorité la production d’hydrogène décarboné à proximité des bassins de consommation industriels.
L’hydrogène décarboné a vocation à se substituer à l’hydrogène fossile utilisé dans l’industrie, conformément aux objectifs d’utilisation d’hydrogène non-fossile dans l’industrie prévus par la révision de la directive dite « RED III » ([43]). En effet, l’hydrogène est un intrant nécessaire dans des secteurs industriels tels que ceux du raffinage, de la chimie ou encore de la production d’engrais : environ 430 kt d’hydrogène fossile sont utilisés dans ces secteurs en France. Il pourrait également être clef dans certains procédés fortement émetteurs et difficiles à électrifier comme la réduction du minerai de fer ou la production de carburants de synthèse destinés aux secteurs aérien et maritime.
II. le renforcement du soutien aux acteurs de la filiÈre forÊt-bois comme facteur de rÉussite de la transition
La filière forêt-bois joue un rôle essentiel dans la transition écologique et énergétique : en effet, la gestion durable des forêts est un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité, la lutte contre le changement climatique et la production de bois d’œuvre et de bois-énergie.
Les synergies entre la production d’énergie et le secteur forestier motivent l’adoption de mesures concrètes en faveur de la transition et de la résilience énergétique européenne, dans une approche collective et coordonnée, tout en respectant la hiérarchie des usages dans l’utilisation des produits forestiers. Cette priorité se traduit par l’affectation de bois à l’énergie lorsqu’il répond à la condition d’être un sous-produit ou un produit auxiliaire aux productions de bois d’œuvre et de bois d’industrie.
Comme présenté de façon détaillée dans la proposition de résolution n° 2470 relative au soutien public accru aux acteurs économiques de la forêt déposée le 6 juin 2024 par les rapporteurs spéciaux ([44]), la modernisation des filières amont et aval de production de bois-énergie est essentielle pour assurer la viabilité de cette source d’énergie. Le développement de cette filière, depuis la sélection des essences jusqu’au soutien financier aux entreprises forestières, est crucial pour garantir son développement et sa contribution durable à la transition énergétique.
A. le bois-Énergie : un levier de diversification ÉnergÉtique
La biomasse est définie à l’article L. 211-2 du code de l’énergie comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets, notamment les déchets industriels ainsi que les déchets ménagers et assimilés lorsqu’ils sont d’origine biologique. »
Le 10° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie fixe comme objectif de la politique énergétique la valorisation de la biomasse « à des fins de production de matériaux et d’énergie, en conciliant cette valorisation avec les autres usages de l’agriculture et de la sylviculture, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire ainsi qu’en préservant les bénéfices environnementaux et la capacité à produire, notamment la qualité des sols ».
1. L’augmentation de la biomasse forestière dans une perspective transitoire
L’usage énergétique du bois présente un intérêt pour valoriser les coproduits de la sylviculture du bois d’œuvre, c’est-à-dire les bois issus des éclaircies pour desserrer les peuplements, des ouvertures de cloisonnement pour le passage d’engins, ou encore des coupes sanitaires. Le bois-énergie permet aussi de valoriser de grosses branches des houppiers lors des coupes finales, biomasse qui n’est souvent pas mobilisable par l’industrie. En 2021, la filière biomasse était responsable de 38 % de la production primaire d’énergies renouvelables en France, avec environ 131,1 TWh.
D’après l’étude réalisée par l’agence Carbone 4 sur le scénario carbone pour la filière forêt-bois à horizons 2030 et 2050, la consommation totale française de bois en 2019, hors réemploi des emballages bois et des meubles, est estimée à 78 millions de m3 équivalents BRSE ([45]).
Le stock de carbone de la biomasse vivante a crû de 70 % depuis 1981, avec une augmentation de 17 % des surfaces et de 32 % du volume par hectare, traduisant le gain de la forêt sur certains espaces autrefois utilisés pour la production vivrière ou le pâturage. Les effets du changement climatique affaiblissent désormais cette dynamique. Ainsi, l’accroissement des flux forestiers est en baisse de 4 % en moyenne sur la période 2013-2021 par rapport à la période 2005-2013. La mortalité des arbres est en hausse de 68 %, portée par les crises biotiques telles que les scolytes et la chalarose, les chaleurs et le stress hydrologique. Dans le même temps, les prélèvements sont en hausse de 9 %, en corrélation avec l’augmentation des coupes accidentelles.
Selon le scénario retenu par la filière et l’étude IGN-FCBA de mai 2024 ([46]), les prélèvements devraient augmenter d’environ 10 millions de m3 d’ici à 2035, passant de 52 millions de m3 à 63 millions de m3 au total, pour une consommation projetée à environ 92 millions de m3 eq BRSE dans le scénario « sobriété » de l’analyse de Carbone 4, contre 78 millions de m3 eq BRSE en 2019.
L’enjeu aujourd’hui est de renouveler les peuplements forestiers dans le cadre du changement climatique. L’ONF estime que la moitié des forêts publiques sont vulnérables au changement climatique d’ici la fin du siècle et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) évalue à 670 000 hectares les surfaces touchées à ce jour par des dépérissements. Les stocks actuels historiquement élevés et mal adaptés au climat futur sont exposés à ce risque et invitent à réfléchir à la sélection d’espèces résilientes face à ces nouvelles conditions.
Outre les dépérissements, le changement climatique se traduit par une baisse de la production annuelle nette des forêts. Selon l’IGN, cette production « nette » est de 74,7 millions m³/an en moyenne sur la période 2013-2021 (soit 4,6 m³/ha/an). Elle était de 84,1 millions de m³/an sur la période 2005-2013 (soit 5,3 m³/ha/an). Cette tendance est plus accentuée dans les forêts publiques, qui sont arrivées à maturité, que dans la forêt privée.
Les effets du reboisement dans le cadre de la planification écologique, avec un objectif de 600 000 hectares de reboisement d’ici à 2035, ne seront constatés en termes de stockage carbone que dans plusieurs décennies, à l’horizon 2060-2080.
L’encadrement de la récolte de la biomasse forestière a été renforcé
La directive (UE) 2023/413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « RED III », restreint les possibilités de récolte de la biomasse forestière.
Elle introduit le principe de « l’utilisation en cascade », définie au considérant 10 comme un principe qui consiste « « à viser une utilisation efficace des ressources de la biomasse en donnant la priorité, chaque fois que c’est possible, à l’usage matériel de la biomasse par rapport à son usage énergétique, de façon à augmenter la quantité de biomasse disponible dans le système » ([47]), et renforce les critères de durabilité de la biomasse.
Ainsi, le b) du 2 de l’article premier de la directive institue un ordre de priorité de l’usage de la biomasse ligneuse en fonction de la valeur ajoutée économique et environnementale : l’usage sous forme de bioénergies est placée en cinquième position sur six.
Toutefois, une dérogation à ce principe est permise « lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique » ou « lorsque l’industrie locale est quantitativement ou techniquement incapable d’utiliser la biomasse forestière pour une valeur ajoutée économique et environnementale qui soit plus élevée que la production énergétique » pour des matières premières issues de certaines opérations forestières.
Dans cette perspective transitoire pour la forêt, l’augmentation temporaire des récoltes de la biomasse forestière peut contribuer à répondre aux besoins énergétiques du pays. L’organisation de la demande de bois-énergie selon un changement d’échelle de l’effort de l’État, en particulier de l’ONF, aux côtés des communes forestières et des propriétaires privés, en facilitant le lien entre l’offre de ressources et les sites industriels, permettrait de favoriser une utilisation plus intense du bois comme source d’énergie renouvelable. En complément, le développement de plantations de taillis à courte rotation, notamment sur des espaces en friches, pourrait se révéler pertinent dans une perspective d’exploitation à moyen terme.
Recommandation n° 9 : organiser la demande de bois-énergie selon un changement d’échelle de l’effort de l’État, en particulier de l’ONF, aux côtés des communes forestières et des propriétaires privés, en facilitant le lien entre l’offre de ressources et les sites industriels, afin de favoriser une utilisation plus intense du bois comme source d’énergie renouvelable.
● L’Office national des forêts (ONF) est en charge de la gestion du quart de la surface des forêts de l’hexagone, soit 4,7 millions d’hectares. La récolte de bois en forêt publique représente en moyenne 35 % du volume national : en 2023, le volume de bois vendu et délivré (affouages) en forêt publique par l’ONF est de 11,22 millions de m3, dont 4,36 millions de m3 issus des forêts domaniales et 6,86 millions de m3 des forêts des collectivités territoriales. Ce volume, qui pourrait augmenter de 15 % à l’horizon 2030, peut permettre d’accompagner la trajectoire de transition énergétique de la France.
La sylviculture en forêt publique est orientée vers la production de bois d’œuvre à plus forte valeur ajoutée : elle est constituée de 60 % de bois d’œuvre (24 % de feuillus et 36 % de résineux) et de 40 % de bois destinés à l’industrie et à l’énergie (28 % de feuillus et 12 % de résineux), un ratio relativement stable par rapport aux années précédentes.
ONF Énergie, filiale de l’ONF commercialisant des plaquettes forestières
Depuis 2006, l’ONF a investi dans une filiale de commercialisation de plaquettes forestières pour les chaufferies biomasse (ONF Énergie), dans plusieurs filiales de production et commercialisation de bûches et dans deux sociétés de production de granulés de bois. Ces investissements avaient pour objectif d’accompagner la structuration de la filière bois-énergie naissante.
Aujourd’hui, l’ONF est seulement actionnaire d’ONF Énergie, aux côtés de la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). Avec cette filiale, l’ONF accompagne, en commercialisant des plaquettes forestières, l’approvisionnement de réseaux de chaleur pour des collectivités territoriales ainsi que pour des unités de cogénération.
ONF Énergie a commercialisé en 2023 environ 600 000 tonnes de bois sous forme de plaquettes forestières, principalement produites à partir du bois des forêts publiques, avec pour objectif d’arriver à un volume de 750 000 tonnes en 2025.
La filiale approvisionne des centrales biomasses de collectivités territoriales ou d’industriels, à 98 % implantées en France et de manière marginale en Suisse et en Allemagne. La filiale livre 270 sites, pour un volume réparti équitablement entre les consommateurs industriels et les réseaux de chaleur.
Les cogénérations livrées par ONF Énergie sous forme de plaquettes forestières sont au nombre de quatre : Metz (UEM), Orléans, Rouen (SAIPOL) et Lacq. Les centrales électriques biomasse de Gardanne (GazelEnergie) et Brignoles (Sylvania) sont approvisionnées par l’ONF en bois rond.
Source : réponse de l’ONF au questionnaire des rapporteurs spéciaux.
2. Le déploiement résolu de politiques de mobilisation de la biomasse
La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) est prévue par l’article L. 211-8 du code de l’énergie et se décline en schémas régionaux de la biomasse (SRB) ([48]) élaborés conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional. La SNMB actuelle, publiée le 16 mars 2018, propose un état des lieux de l’équilibre entre l’offre et la demande de la biomasse en confrontant les estimations de production de biomasse et d’utilisation de celle-ci selon les échéances de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle établit des orientations et des recommandations afin d’améliorer et d’augmenter la mobilisation de la biomasse nationale, pour couvrir les besoins identifiés à des fins énergétiques et de matériaux. Toutefois, ces recommandations n’ont pas fait l’objet d’un suivi approfondi de leur réalisation en raison de l’absence de définition d’indicateurs pertinents en amont.
Par ailleurs, la SNMB n’a pas été révisée après la publication de la dernière PPE en 2020, contrairement aux dispositions de l’article D. 211-2 du code de l’énergie, car trop peu de SRB avaient alors été finalisées. Dans le contexte actuel, un premier travail de bilan de la première SNMB et des SRB est en cours : il conviendra d’évaluer l’efficacité de ces outils et de les rendre plus opérationnels, en cohérence avec les autres politiques publiques mises en place.
● Le programme national forêt-bois (PNFB), introduit par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, fixe les orientations de la politique forestière, en forêt publique et privée, en métropole et en outre-mer, pour une période de dix ans. Il a été publié par décret le 8 février 2017 ([49]). Ce programme interministériel fixe quatre objectifs pour la filière :
– augmenter les prélèvements de bois en France tout en assurant le renouvellement de la forêt ;
– intégrer pleinement les attentes des citoyens vis-à-vis de la forêt ;
– prendre en compte le changement climatique en termes d’atténuation et d’adaptation ;
– créer des débouchés aux produits issus des forêts françaises.
L’objectif de mobilisation supplémentaire de bois inscrit dans le PNFB est intégralement repris par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), montrant ainsi la cohérence entre les objectifs de la politique nationale forestière et ceux de la politique nationale de transition énergétique.
● Les scénarios établis par la DGEC dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie mis en consultation en novembre 2023 laissent anticiper que, dès 2025, la demande en biomasse risque d’excéder l’offre de façon durable, avec un déficit atteignant un pic de l’ordre de 90 TWh en 2040.
Ce déficit serait constaté même selon des hypothèses volontaristes de mobilisation de diverses ressources en biomasse, notamment agricole, avec environ + 80 TWh d’énergie primaire de biomasse agricole produite entre 2019 et 2040. L’état des forêts françaises ne permet pas de prévoir une forte augmentation des ressources en biomasse forestière et dérivée pour l’énergie (environ + 10 TWh, entre 2019 et 2040, surtout liés à une mobilisation accrue des déchets du bois).
La SNBC de 2020 prévoit un besoin énergétique final d’environ 1 060 TWh en 2050. Sur ce total, 110 TWh seraient fournis par des combustibles solides, auxquels s’ajoutent 100 TWh d’énergie couverts par des combustibles liquides (biocarburants) utilisant 140 TWh de biomasse brute. Enfin, 160 TWh PCS seraient fournis par des combustibles gazeux utilisant 200 TWh de biomasse brute. Ainsi, environ 450 TWh PCS de ressources de biomasse brute devraient être mobilisés à des fins énergétiques d’ici à 2050, contre environ 180 TWh en 2016.
Afin de remédier à cette situation, il convient de déployer des politiques efficaces de mobilisation de la biomasse, dans le sillage de la SNMB. Des ressources financières importantes sont déployées pour favoriser l’amont forestier et préserver à long terme la ressource en biomasse disponible, par exemple avec les quatre appels à projets « Industrialisation de produits et systèmes constructifs bois et autres biosourcés », « Biomasse chaleur pour l’industrie du bois », « Mixité pour la construction bas carbone » et « Soutien à l’innovation dans la construction », lancés dans le cadre du plan France 2030 et pilotés par l’ADEME.
En outre, la planification écologique prévoit de mettre en œuvre des politiques favorisant le déploiement des CIVE et des cultures ligno-cellulosiques. Les rapporteurs spéciaux seront attentifs à la mise en place de la gouvernance biomasse sous l’égide du SGPE et au renforcement de l’interaction avec le préfet de région et le conseil régional chargés de l’élaboration des schémas régionaux de biomasse.
Les effets durables de la crise des pellets pour la filière malgré la baisse des prix
Dans le contexte de la forte hausse du prix de la tonne de granulés de bois (ou « pellets »), avec un pic jusqu’à 750 euros la tonne à l’automne 2022, un chèque énergie pour aider les ménages modestes chauffés au bois, à utiliser à partir du 27 décembre 2022 jusqu’au 31 mars 2024, a été financé au moyen d’une enveloppe budgétaire de 230 millions d’euros ouverte lors de la loi de finances rectificative du 1er décembre 2022. Cette aide s’adresse aux sept premiers déciles des ménages, soit 2,6 millions de ménages chauffés au bois. Le montant du chèque, de 50, 100 ou 200 euros, dépend des revenus, de la composition du ménage, et du type de combustible bois utilisé. Seulement 50 millions d’euros ont été consommés sur ce dispositif.
En quinze ans, le nombre de poêles en service a été multiplié par trois et le nombre de chaudières par plus de dix. 1,8 million de foyers sont aujourd’hui équipés d’un appareil de chauffage aux granulés. L’inflation des prix des pellets a entraîné une baisse de plus de 60 % des ventes d’appareils depuis 2022 (– 72 % et – 60 % respectivement pour les chaudières et les poêles à granulés).
Si les prix actuels ne sont pas revenus au niveau d’avant crise, ils ont baissé et se situent aujourd’hui à environ 350 euros la tonne de granulés. En 2023, 2,2 millions de tonnes de granulés ont été produites en France, pour une consommation totale importée de l’étranger pour environ 15 %. La filière a aujourd’hui besoin de redonner confiance aux clients finaux, notamment avec l’appui d’une communication forte de l’État en faveur de la promotion de la diversification du mix énergétique, le chauffage au granulé présentant l’intérêt de ne rejeter en moyenne que 26 g/kWh de CO2 selon l’ADEME.
3. La production d’électricité à partir de biomasse
Le programme 345 finance à travers les CSPE des appels à projets visant à soutenir des installations de production d’électricité à partir de biomasse solide.
● Quatre premiers appels d’offres visant la production d’électricité à partir de biomasse ont été lancés en 2003, 2006, 2009 et 2010.
Appels d’offres en faveur de la production d’ÉlectricitÉ
À partir de biomasse (2003 – 2010)
(en MW)
|
2003 |
2006 |
2009 |
2010 (*) |
Puissance visée |
200 |
220 |
250 |
200 |
Projets concernés (en MW) |
≥ 12 |
≥ 5 |
≥ 3 |
≥ 12 |
Efficacité énergétique minimale |
– |
50 % |
50 % |
60 % |
(*) Une dérogation permettait à des projets électrogènes de candidater dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Bretagne.
Source : commission des finances, d’après les données de la DGEC.
Le cinquième appel d’offres a été lancé en février 2016 pour trois ans avec une période de candidature chaque année. Commun aux filières « bois-énergie » et « méthanisation », il portait sur un volume de 50 MW par an pour le bois-énergie, dont 10 MW sont réservés aux installations de moins de 3 MW, et 10 MW pour les installations de méthanisation. Pour la biomasse, l’appel d’offres était ouvert aux installations de 0,3 à 25 MW à la condition que ces installations soient des installations de cogénération à haut rendement. L’objectif était de soutenir les projets exemplaires en matière d’efficacité énergétique, de qualité de l’air, de valorisation de la chaleur fatale, et d’investissement participatif. Cet appel d’offres est le dernier puisque la PPE 2020 a mis fin au soutien à la production d’électricité à partir de biomasse.
● Concernant le mécanisme d’obligation d’achat, 37 contrats ont été signés pour un total de production de 2,8 TWh. Les nouveaux contrats signés le sont sous le régime du complément de rémunération : on dénombre actuellement six contrats, dont deux devant prendre effet dans les mois à venir, pour un total de production de 250 GWh en 2022.
D’après l’annexe 1 de la délibération n° 2023-200 du 13 juillet 2023 de la CRE, la puissance de la filière biomasse bois-énergie soutenue devrait s’élever à 576 MW fin 2024, en baisse de 19 % par rapport à 2022. S’agissant de l’énergie produite, elle diminue de 17 % entre 2022 et 2024 pour atteindre 2,3 TWh en 2024.
Cette diminution, qui porte sur des volumes prévisionnels, s’explique par la conjonction de deux phénomènes : l’arrivée à échéance du contrat d’une centrale en 2022 (12,5 MW) ainsi que la résiliation anticipée du contrat de cinq autres centrales (190,6 MW), qui représentent 308 GWh de production en 2022. En parallèle, des mises en service de lauréats d’appels d’offres récents sous le régime du complément de rémunération contribuent pour 70 MW de production entre 2023 et 2024. La reprise éventuelle d’un soutien à la centrale biomasse de Gardanne, possibilité prévue par l’article 224 de la loi de finances pour 2024, pourrait néanmoins modifier ces prévisions dès 2024.
● L’évolution de la puissance électrique du parc de production électrique à partir de biomasse en France continentale est présentée dans le tableau suivant. Fixé par la PPE 2 actuellement en vigueur, l’objectif de 800 MW de capacité installée en 2023 n’a pas été atteint dès 2022 mais pourrait l’être en 2023 au regard de la croissance constante des capacités.
capacitÉ installÉe du parc de production Électrique À partir de biomasse
(en MW)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Objectif PPE2 2023 |
Objectif PPE2 2028 |
Capacité installée |
696 |
737 |
759 |
768 |
778 |
800 |
800 |
Source : SDES, « Mise à jour des indicateurs de suivi de la PPE », mars 2024.
● Enfin, le Fonds chaleur renouvelable, ou « Fonds chaleur », créé en 2009, finance des aides à l’investissement dans des installations de chaleur renouvelable utilisant de la biomasse. Il concerne également l’énergie solaire, la géothermie, le biogaz et la récupération de chaleur fatale. La capacité du Fonds chaleur augmente progressivement, puisque 259 millions d’euros d'aides ont été distribuées en 2018 et 350 millions d’euros en 2021. En mars 2022, le plan de résilience face aux conséquences de la guerre en Ukraine a abondé de 150 millions d’euros le Fonds chaleur pour atteindre 520 millions d’euros. Ce budget de 520 millions d’euros a été reconduit en 2023, en conformité avec les objectifs de la PPE. Le volet bois-biomasse représente 37,6 % des montants d’aides versés par le Fonds chaleur entre 2009 et 2021. 1 854 projets biomasse ont été aidés, avec 60 % des 38,9 TWh produits grâce au soutien du Fonds chaleur issus du bois-énergie.
B. la garantie de dÉbouchÉs pour la filiÈre bois-Énergie
Plusieurs grands programmes ont été introduits afin de soutenir la forêt et l’industrie du bois, qui se trouvent au cœur des défis de la transition écologique et de la souveraineté énergétique. Afin d’assurer la mobilisation de la biomasse issue des forêts pour décarboner une partie de l’économie française, il est nécessaire d’inscrire dans le temps les incitations pour l’amont et l’aval de la filière.
1. Les dispositifs de soutien à la filière forêt-bois
Un nouveau contrat stratégique de filière (CSF) a été signé le 16 octobre 2023 pour la période 2023-2026 par les ministres chargés de la forêt, de l’économie et de l’industrie, du logement, de l’écologie et de l’énergie, et par les organisations professionnelles du secteur de la forêt, de l’amont à l’aval. Dans la continuité du PNFB, le CSF engage l’État et les acteurs privés et encourage l’action publique en faveur de la filière forêt-bois.
Cette dynamique a été initiée depuis 2020 avec le plan « France relance ». Ce plan a ainsi permis la plantation de 58 millions d’arbres et le renouvellement de plus de 46 628 hectares, avec 203,7 millions d’euros engagés. Des appels à projets complémentaires, comme l’appel « Exploitation et sylviculture performante et résiliente », ont permis d’accompagner les acteurs clé de l’amont forestier que sont les entreprises de travaux forestiers (ETF) réalisant l’exploitation des bois, ainsi que les pépiniéristes et reboiseurs (35 pépinières soutenues pour 3,2 millions d’euros). En complément de ces mesures consacrées à l’amont de la filière, l’appel à projets « France relance bois », clôturé le 16 mars 2021, a répondu à un besoin d’accompagner les investissements nécessaires dans la première transformation du bois pour redonner de la compétitivité à ce secteur. Les investissements réalisés permettent de valoriser la ressource locale pour mieux répondre aux besoins de la seconde transformation du bois, de la construction et de limiter le recours à l'importation. Cet appel à projets a donné lieu à 158 dossiers déposés, représentant 341,2 millions d’euros d’investissements pour 60,2 millions d’euros d’aides sollicitées.
● Considérant que l’avenir de la forêt passera aussi par une meilleure valorisation du bois, diverses initiatives ont été prises pour soutenir la structuration de la filière et pour développer les usages du bois. Quatre appels à projets pilotés par l’ADEME ont ainsi été lancés dans le cadre du plan France 2030 pour soutenir l’aval de la filière :
– l’appel à projets « Industrialisation des produits et systèmes constructifs bois et biosourcés » (SCB) accorde un soutien aux entreprises de première et seconde transformation du bois pour la production de matériaux de construction, en vue d’équipement productifs. De 2021 à 2023, 71 dossiers ont été déclarés lauréats pour un total d’aide de 202 millions d’euros. Clôturé depuis le 15 mai 2023, ce dispositif permet la valorisation supplémentaire de bois en France (+ 2,5 millions de m3/an) et le développement significatif des capacités de sciage et de transformation ;
– l’appel à projets « Biomasse chaleur pour l’industrie du bois » (BCIB) propose un soutien à destination des entreprises de transformation du bois pour la création ou la modernisation de chaufferies biomasse et la création de séchoirs, ainsi que la production d’électricité par cogénération limitée aux besoins du site. Il est réservé aux projets biomasse supérieurs à 3 000 MWh/an : vingt projets ont été sélectionnés en 2022 et 2023 pour un total de plus de 113 millions d’euros, dont 78,5 millions d’euros provenant du Fonds chaleur pour une énergie thermique globale de 1,3 MWh ;
– l’appel à projets « Soutien innovation construction bois » (SIC) favorise l’émergence ou la consolidation des filières bois et matériaux biosourcés et géosourcés, l’enjeu étant de permettre une meilleure valorisation de la ressource forestière française, en majorité feuillue, et d’autre part le développement du bois dans la construction, en cohérence avec la nouvelle réglementation énergétique et environnementale de la construction neuve RE2020. Dix premiers projets ont été sélectionnés pour un montant global supérieur à 13 millions d’euros ;
– l’appel à projets « Mixité pour la construction bas carbone » vise à soutenir l’innovation, en particulier le développement des solutions mixtes associant les matériaux biosourcés et géosourcés à d’autres matériaux. Trois projets ont été retenus pour un total de plus de 4 millions d’euros d’aides.
Le lancement récent de dispositifs dans le cadre de la planification écologique, destinés aussi bien au bois-construction qu’au bois-énergie, démontre l’engagement accru en faveur de la valorisation du potentiel forestier. Afin d’aboutir à une allocation de la biomasse forestière correspondant aux efforts à déployer pour développer les acteurs économiques, les rapporteurs spéciaux relèvent que les objectifs et les réalisations de ces appels à projets pourraient être plus transparents, par exemple en y associant les élus des grands massifs forestiers dans le cadre de conférence organisées par l’ADEME.
2. Le soutien renforcé aux acteurs économiques de la filière bois
Afin d’assurer les débouchés du bois-énergie en direction de l’industrie, il convient de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs en soutenant la filière aval, en partant de la sélection de graines d’espèces adaptées au changement climatique jusqu’au soutien en capital pour les entreprises de plant et de récolte de bois.
Dans l’objectif de mobiliser la forêt privée et les communes forestières au service de la structuration de la filière du bois-énergie, les rapporteurs spéciaux souhaitent que l’action du délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages, institué en avril 2024 ([50]), s’oriente vers la levée des « goulets d’étranglement » concernant les entreprises chargées de la récolte et de l’entretien des arbres, en assurant des débouchés à l’ensemble de la filière grâce à l’engagement des industriels. À ce titre, ils seront attentifs à ses missions relatives au « renforcement de la structuration des filières de transformation et de leur articulation entre usages » et au « développement des usages de bois, notamment pour la construction, la rénovation et les procédés industriels ».
● La promotion d'une gestion durable des forêts est cruciale pour lutter contre le changement climatique, renouveler les forêts et stocker du carbone. L’utilisation du bois en construction pour remplacer d’autres matériaux moins appropriés est également une priorité. Il est impératif d’assurer pour les forêts françaises l’adaptation volontariste aux risques de dépérissement, dus notamment à la prolifération des nuisibles, et l’anticipation de l’apparition dans les régions autrefois épargnées de risques d’incendie d’intensité inhabituelle.
Le phénomène de remontée des essences souligne les enjeux de la sélection dans un contexte de changement climatique, comme l’illustre la forte progression spontanée des surfaces de chênes pubescents depuis les années 2000, portée par des peuplements porte-graines de qualité : cet essor naturel se traduit aujourd’hui par des ventes de plants de chêne pubescent qui ont atteint 1 368 000 plants en 2022-2023, contre 170 445 plants en 2020-2021. Le phénomène naturel de remontée de cette espèce est à l'image d’une démarche plus volontaire de migration assistée qui s’exprime depuis 2021 dans le vaste programme de renouvellement des forêts avec un objectif d’un milliard d’arbres plantés d’ici à 2030. Ce programme vise à soutenir l’adaptation au changement climatique des peuplements forestiers sinistrés, dépérissant ou en situation de vulnérabilité future. Parallèlement, une commission scientifique nationale a été mise en place pour étudier et définir les essences « exotiques » d’avenir en France.
● Dans ce contexte, il convient de développer les filières de valorisation du bois, en ciblant spécifiquement les forêts en voie de dépérir et vulnérables et en assurant des débouchés à la filière bois grâce à l’engagement récent des sites industriels désireux d’utiliser ce mode d’alimentation en énergie. Le renforcement de cette filière peut intéresser les trois étapes clés de la chaîne de valeur, à savoir en premier lieu la sélection des essences mieux adaptées au climat à venir, opérée par l’ONF avec les centres de recherche forestier, ensuite l’accroissement du rythme et des surfaces de plantation, et enfin l’entretien des futaies.
Faisant le constat qu’aucun dispositif de soutien aux trésoreries des entreprises en lien avec le développement du bois énergie n’a été introduit par l’État, les rapporteurs spéciaux invitent à contribuer activement à la consolidation d’une filière bois-énergie par un soutien en trésorerie et en capital aux PME du secteur des entreprises de travaux forestiers, qui pourrait être apporté par Bpifrance, aux côtés de nouvelles incitations à adresser aux fonds d’investissement et aux banques commerciales. Ce soutien financier aux entreprises forestières chargées de l’entretien quotidien de la forêt, qui favoriserait une capitalisation propre à permettre l’augmentation de la taille de ces entreprises, encouragerait leurs investissements et soutiendrait le recrutement et la formation de leur personnel. Afin d’améliorer la résilience des acteurs économiques de la forêt, le soutien à la création et au développement des coopératives forestières apparaît également pertinent dans le cadre de la gestion durable et locale des forêts.
Recommandation n° 10 : contribuer à la mise en place d’une filière aval de production de bois-énergie, notamment par un soutien en capital aux entreprises de plant et de récolte de bois par Bpifrance, en encourageant leurs investissements et en soutenant le recrutement et la formation de leur personnel.
● Le rapport remis en mars 2024 par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur la mise en gestion durable de la forêt privée ([51]) conclut que toute stratégie concernant la forêt privée doit s’inscrire dans la durée et bénéficier d’une forte stabilité en matière d’aides au boisement et au reboisement, ainsi que des moyens d’animation adaptés. Elle est indissociable du traitement d’un ensemble de problématiques qui incluent le développement de l’industrie aval, la réduction de la pression exercée par le grand gibier et une réponse à la pénurie de main d’œuvre dans l’ensemble de la filière bois par des actions en matière d’attractivité et de formation.
La réponse aux besoins de la filière peut notamment passer par une programmation de logements et la commande de bâtiments publics, tout en assurant leur conformité aux normes relatives à la prévention des risques d’incendie. Les rapporteurs spéciaux estiment nécessaire le soutien au bois construction, qui bénéficiera également au déploiement de la filière bois-énergie dans le cadre d’une démarche territoriale de changement d’échelle. Ce soutien peut passer par la programmation de logements et la commande de bâtiments publics, ainsi que par des réflexions autour des normes relatives au risque d’incendie afin d’assurer à la fois l’usage accru du bois et la sécurité du public.
Recommandation n° 11 : soutenir le déploiement de la filière bois-énergie en répondant à ses demandes spécifiques, notamment concernant la programmation de logements et la commande de bâtiments publics, tout en assurant leur conformité aux normes relatives à la prévention des risques d’incendie.
● Enfin, dans les régions forestières, l’extraction de bois due au dépérissement et au renouvellement pose d’importants défis de stockage, aggravés par les restrictions d’arrosage. Consolider le savoir-faire du stockage doit être de nouveau une priorité. À cette fin, il est nécessaire de conforter la valorisation des bois, en particulier celle des bois de crise telle qu’au lendemain des tempêtes Lothar et Martin de 1999, mais également de soutenir les procédés de conservation tel que l’aspersion d’eau.
Ainsi, une mission sur le bois de crise a été confiée au CGAAER, l’IGF et l’IGEDD : elle a vocation à formuler des propositions pour renforcer la résilience de la filière forêt-bois et pour l’aider à adapter ses processus de mobilisation de bois, de stockage et de transformation aux effets du changement climatique. L’objectif est de développer des stratégies durables pour anticiper, atténuer et récupérer des « chocs environnementaux », tant pour la gestion forestière que pour la transformation et les usages du bois.
Lors de sa réunion de 18 heures, le mercredi 15 mai 2024, la commission des finances a entendu MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux des crédits des programmes 174 Écologie, climat et après-mines, 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables et du compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, sur leur rapport d’information sur l’efficacité des dispositifs d’aide à l’acquisition de véhicules propres et de soutien aux bio-énergies.
M. David Amiel, rapporteur spécial. Chers collègues, je propose de vous présenter les aides à l’acquisition de véhicules propres, portées par le programme 174.
En 2023, les aides à l’acquisition de véhicules propres ont rencontré un succès notable, avec une consommation de 1 392 millions d’euros pour le bonus écologique et de 250 millions d’euros au titre de la prime à la conversion, dépassant largement les prévisions initiales.
Le dispositif de leasing a été déployé en janvier 2024. Les objectifs de vente des véhicules électriques fixés par le Gouvernement ont donc été atteints, ce que traduit la multiplication des volumes par cinq entre 2018 et 2023. La part de marché des véhicules électriques neufs atteignait 16,7 % en 2023, contre 1,9 % en 2019.
Les politiques publiques de soutien aux ménages ont joué un rôle central dans cette augmentation, comme en témoignent la reprise d’initiatives similaires à l’étranger, notamment par l’IRA (Inflation Reduction Act) américain.
Les évaluations économétriques menées par France stratégie et l’Institut des politiques publiques estiment qu’entre 2019 et 2021, 40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques s’explique par la politique de bonus et de malus.
Ces derniers mois, deux évolutions importantes ont marqué les aides à la transition et à l’acquisition de véhicules propres.
La première évolution concerne la souveraineté industrielle, avec l’introduction du score environnemental comme condition d’éligibilité au bonus écologique. La seconde évolution porte sur la justice sociale, avec l’entrée en vigueur du dispositif de leasing en janvier 2024. Nous disposons déjà de premières indications relatives au succès attendu de ces mesures.
Le score environnemental constitue une nouvelle condition d’éligibilité pour le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing. Il prend en compte l’empreinte carbone d’un véhicule sur l’ensemble de son cycle de vie avant sa mise en vente, sélectionnant ainsi seulement les véhicules les plus vertueux, notamment selon leurs conditions de production. Un véhicule électrique produit en Europe avec de l’électricité décarbonée n’a pas le même impact environnemental qu’un véhicule produit en Chine par une énergie issue d’une centrale à charbon.
La mise en œuvre de cette mesure a été un succès, tant sur le plan environnemental qu’industriel. Les premières données suggèrent qu’elle a bien permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Depuis le début de l’année, la part de marché des véhicules électriques produits en Europe a progressé de manière spectaculaire et au détriment des véhicules produits en Chine, dont la part de marché est passée de 29 % en 2023 à moins de 18 % en début 2024.
Par ailleurs, le leasing social a connu une expansion notable en début d’année. Le nombre de dossiers a bondi de 25 000 à 50 000, pour un financement public s’élevant à 275 millions d’euros.
À la lumière de ces observations et des nombreux échanges que nous avons eus, le rapport tente d’esquisser quelques pistes d’évolution des dispositifs.
Sur le leasing, nous pourrions nous fixer l’objectif de doubler la part de véhicules concernés, soit un objectif de 100 000 véhicules en 2025.
L’idée générale est de diminuer les subventions tout en augmentant les volumes. Je propose une nouvelle méthode de calcul des subventions. En effet, il pourrait être intéressant de partir d’un volume de véhicules et d’instaurer un système d’enchères à la baisse pour les constructeurs qui réclameraient un certain niveau de subventions. Certains constructeurs seraient ainsi incités à proposer des véhicules à des taux de subventions réduits.
Le deuxième point d’importance est celui de la visibilité à donner à l’évolution de ces aides dans les prochains mois.
Ces dernières années, les aides ont beaucoup varié. Pour que la filière se structure, il est essentiel de fournir une visibilité pluriannuelle.
La stratégie de financement pluriannuel de la transition écologique, inscrite à l’article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP 2023-2027), pourrait servir de cadre, notamment par le biais des montants alloués aux bonus et malus qui restent des éléments très structurants de la filière automobile.
En termes de malus et afin de rester en cohérence avec notre politique environnementale, il serait nécessaire d’introduire progressivement le critère du poids, y compris pour les véhicules électriques. Cela répondrait à l’augmentation considérable de la masse des véhicules, qui pose d’évidents problèmes environnementaux et de sourcing en matières premières.
Par ailleurs, l’argent public mobilisé dans le cadre de ces aides devra évidemment prendre en compte les dimensions de pouvoir d’achat et de transition écologique.
Il est aussi essentiel de considérer le contexte commercial global dans lequel nous évoluons. Nous avons tous pris connaissance de l’annonce faite par les États-Unis, en début de semaine, d’une augmentation significative des tarifs sur les véhicules asiatiques. Si le marché américain venait à se fermer, l’un des risques majeurs serait un déversement de véhicules asiatiques sur le marché européen. Il est primordial de garder cela à l’esprit dans les évolutions du bonus qui seront envisagées.
Nous avons un impératif très fort de compétitivité, qui repose sur l’accès à un marché domestique solvable. Il est crucial d’articuler l’évolution future du bonus avec les mesures commerciales prises au niveau de l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’antidumping ou de l’extension progressive du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, notamment pour le secteur automobile, ce qui nous semble être une véritable urgence.
En tout état de cause, il faudra envisager avec une grande prudence les évolutions du bonus écologique dans les temps à venir, compte tenu des tensions commerciales très importantes et des risques pour la compétitivité de nos filières.
M. Emmanuel Lacresse, rapporteur spécial. Dans le cadre du programme 345, la production d’énergie suppose de renforcer l’efficacité des dispositifs et de se consacrer aux bioénergies : le gaz (dont l’hydrogène), le gaz d’origine biomasse et le biométhane.
Le budget de cette année a marqué un véritable bond dans l’effort accompli par le Gouvernement en faveur du verdissement du mix énergétique français. Nous parlons moins de l’éolien et de solaire que de gaz, d’autonomie et d’évolution du modèle agricole et forestier. À cet égard, la filière du bois appréciera assurément l’effort remarquable accompli par le Gouvernement cette année, avec l’augmentation du budget en vue de la récolte et de la gestion forestière. Tout ce qui relève du changement du couvert forestier, dans le respect des usages et la hiérarchie des usages du bois, gagnerait à être inclus dans le budget 345.
Le biométhane, produit localement par des méthaniseurs agricoles, a toute sa place dans le mix énergétique.
Le rapport examine particulièrement la vitesse d’application de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et la prise en compte des décrets d’application. Cette année devra être celle de la réalisation des externalités positives que le gaz et sa réorientation en bioénergie pourraient fournir à l’économie locale.
Il est toujours nécessaire de développer la production d’énergie dans un cadre sécurisé et rémunérateur. Aujourd’hui, ce cadre passe par les tarifs d’achat ou par les appels à projets destinés aux plus grosses installations, tout en veillant à la cohérence du calendrier et en encourageant les territoires à se placer dans une réelle perspective d’autonomie.
Enfin, la biomasse forestière joue un rôle central dans cette transition.
Le bois-énergie revêt un intérêt majeur. Il est donc essentiel que les entreprises responsables de la récolte du bois et de l’entretien des forêts reçoivent le soutien adéquat, tant il subsiste des goulets d’étranglement dans le fonctionnement de la chaîne. Les industriels ont lancé de grandes initiatives, notamment à Laval, mais Bpifrance, l’Office national des forêts (ONF) et le nouveau délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages, devront accorder une attention particulière au bois-énergie qui pourrait à l’avenir, selon des études récentes, représenter 40 % de l’activité de décarbonation de la forêt.
Enfin, l’hydrogène décarboné présente une importance capitale pour la résilience énergétique du territoire, la diversification de nos sources énergétiques et la balance commerciale de la France.
Il est désormais crucial que les territoires, notamment les grands sites industriels, se placent dans une perspective d’autonomie énergétique. Cela passera par une chaîne de valeur à bâtir autour des usines d’électrolyseurs et des démonstrateurs, qui étaient prioritaires dans les programmes présentés par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La consommation industrielle et le transport local doivent aussi être au cœur de nos stratégies, en particulier pour la transition des grands sites de production de charbon vers la production d’énergie à partir de bois. En septembre 2023, le président de la République a pris un engagement en faveur de la biomasse. Cet effort est déjà engagé localement, avec une réflexion approfondie impliquant les propriétaires forestiers privés, les communes forestières et l’ONF.
Je souhaite vivement que cet effort gouvernemental se prolonge, notamment en ce qui concerne l’hydrogène. L’hydrogène doit faire l’objet, autour d’un site comme Saint-Avold par exemple, de la mise en place de réseaux d’importance régionale, mais aussi transfrontalière, afin de garantir une offre autonome et diversifiée dans ce domaine.
Il existe une multiplicité de dispositifs, en particulier autour du plan France 2030. Il est probable que des dispositifs innovants seront requis, similaires à ceux adoptés en 2019 pour la biomasse. Ces dispositifs doivent faire l’objet d’un effort approfondi d’adoption de mesures réglementaires d’application. Sur quelques sites spécifiques, il ne faut pas hésiter à se placer dans une perspective de court terme, en commençant par la réutilisation des réseaux de gaz existants.
Notre rapport a donc pris le parti de joindre le sujet de l’hydrogène à celui du gaz, car une nouvelle étape est à franchir en la matière.
M. Christophe Béchu, ministre. Messieurs les rapporteurs, je regarderai avec beaucoup d’intérêts vos conclusions, en particulier cette perspective consistant à faire évoluer le barème de soutien en vue d’augmenter la part de leasing des véhicules électriques.
Je rappelle que l’engagement pris par le candidat, Emmanuel Macron, était de s’orienter vers un prix de leasing se situant autour de 100 euros. Nous nous sommes rendu compte qu’avec nos critères d’aide, certains constructeurs avaient réussi à descendre à quasiment 50 euros. Cela n’était pas la promesse de départ et implique de poser la question de la limite au-delà de laquelle naît un effet d’aubaine.
Nous nous félicitons néanmoins de ce succès éclatant, à hauteur de 50 000 véhicules, ce qui témoigne d’une prise de conscience chez les constructeurs. Je rappelle que, quelques semaines avant le 1er janvier, nous prévoyions 20 000 véhicules, non pas parce que nous ne voulions pas budgéter davantage, mais parce que les constructeurs nous disaient qu’ils ne seraient pas en mesure de fournir plus de 20 000 véhicules dans le cadre du leasing.
En 2019, 43 000 véhicules électriques avaient été vendus en France, en 2023 ce sont 300 000 véhicules électriques qui ont été vendus. Nous sommes passés d’une part d’immatriculation marginale à quasiment un cinquième des immatriculations fin 2023. Cela souligne la nécessité d’investir sur les bornes, en particulier sur les bornes de recharge rapide, ce qui devra nous conduire à appréhender notre soutien de manière différente.
Le faible taux de rétrofit en 2023 reste une petite déception. Je rappelle que le rétrofit consiste à conserver la carrosserie d’un véhicule dont on remplace le moteur. Ce procédé présente un intérêt écologique majeur, car il évite de produire une nouvelle voiture. Sachant que 80 % de l’empreinte carbone d’un véhicule provient de sa fabrication et de sa production, il est essentiel de prolonger la durée de vie de certaines parties de nos véhicules. Nous avons financé 402 primes au titre du rétrofit. Il nous faut donc encore accentuer ce dispositif. Certains départements affichent des taux plus élevés que d’autres.
Par ailleurs, la tendance baissière des prix des véhicules électriques nous oblige à revoir certains barèmes.
Il convient également anticiper la naissance d’un marché de la seconde main. Ces quinze dernières années, peu de Français ont acheté des véhicules neufs. Il est donc essentiel d’examiner comment ce marché de la seconde main, qui va se développe, pourra aider à accélérer la transition.
De plus, une grande partie des achats de véhicules thermiques neufs est réalisée par les entreprises. Ces véhicules connaissent ensuite une seconde vie. Il est donc pertinent de trouver des moyens pour consolider le verdissement des flottes professionnelles.
Je souhaite enfin aborder une question fiscale.
L’actuel barème kilométrique, qui augmente avec la puissance du véhicule, constitue une incitation à acquérir un véhicule de puissance plus élevée. Je considère que l’éthique de responsabilité devrait nous conduire à fixer un barème moyen pour les véhicules. Cela n’empêcherait pas ceux qui le souhaitent d’acquérir un véhicule plus puissant, mais à condition de s’acquitter d’un reste à charge plus élevé. À l’inverse, ceux qui opteraient pour une petite voiture bénéficieraient d’un avantage et rembourseraient plus rapidement leur véhicule. Cette approche favoriserait la responsabilisation individuelle et permettrait d’avancer de manière intelligente.
En outre, certaines questions relèvent directement du ministre de l’industrie et de l’énergie, mais je souhaite apporter quelques éléments.
J’assume pleinement le lien entre véhicules électriques et bioénergie. Je me réjouis d’avoir fait en sorte, avec d’autres ministres, que l’Europe considère une part de neutralité technologique, notamment pour les flottes de bus et de cars.
L’électrification des voitures individuelles est sans doute nécessaire à notre industrie, mais il importe de ne pas immédiatement préjuger de la meilleure solution entre l’hydrogène, le bio-GNV ou l’électrique (pour les bus urbains en particulier). L’Europe reste assez compétitive sur la production de ces véhicules avec des marques comme Iveco et Scania. Il peut être pertinent de s’appuyer sur les productions locales pour adapter les types de motorisations, sans imposer des réponses uniformes dans des contextes variés.
Vous avez évoqué longuement le sujet du bois et je vous en remercie, monsieur le rapporteur, alors que ce sujet essentiel est trop rarement abordé.
Un quotidien national évoquait récemment des inquiétudes concernant les types d’essences à planter pour régénérer la forêt. Le plus grand écart aujourd’hui observé, en termes de planification écologique, ne porte pas sur les réductions d’émissions, mais sur la capacité de stockage et les puits de carbone.
Si nous sommes en ligne sur les objectifs de réduction des émissions pour 2030, nous ne sommes absolument pas au rendez-vous sur les puits de carbone. Il est donc impératif de planter massivement, d’où le plan d’un milliard d’arbres annoncé par le Président de la République. 50 millions d’euros ont été alloués à des chercheurs, dans le cadre d’un Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR), pour déterminer les essences à planter dans chaque territoire de la République et pour avancer sur les méthodes de plantation.
Je rappelle que, selon certaines prévisions et si les évolutions de température actuelles se poursuivent, il n’y aura plus de hêtres en France en 2060. Cela représenterait un bouleversement de nos paysages, une menace pour notre biodiversité et une fragilisation de notre capacité à progresser.
La filière bois est également pertinente pour le bois énergie, à condition de l’aborder de manière globale. Si nous utilisons du bois énergie plutôt que du bois de coupe et des bois nobles, qui devraient plutôt servir à décarboner une partie du secteur du bâtiment, nous devons restructurer toute la filière. C’est notamment la raison pour laquelle un délégué interministériel à la forêt a été nommé. Il faut penser la cohérence du dispositif global et savoir entrer dans les détails sur des questions comme celle des incendies et de la résistance au feu des bâtiments. Nous y travaillons de manière interministérielle.
Quant à l’hydrogène, des promesses existent. Lors de Choose France, lundi dernier, j’ai été surpris par le nombre d’interlocuteurs venus valoriser des projets de décarbonation par l’hydrogène, que ce soit pour leurs industries ou dans une perspective d’investissement. On ressent une forte accélération dans ce domaine. Bien que l’hydrogène ne soit pas la solution à tout, il sera aussi indispensable dans le mix énergétique global et ouvrira de nombreuses possibilités.
Concernant le biométhane, il convient de ne pas verser dans l’excès en transformant les méthaniseurs en activité principale, ce qui entraînerait d’importants déplacements pour les alimenter. Il existe une opportunité significative de diversification grâce à des gisements de production locaux sur lesquels nous devons miser. Je me réjouis de la manière dont le rapport éclairera la capacité du Gouvernement à accélérer sur ces bioénergies.
Il faut aborder le mix énergétique avec beaucoup d’humilité et éviter les certitudes. Compte tenu de l’ampleur du défi, si nous voulons sortir des énergies fossiles, nous aurons besoin de ces nouvelles énergies en vue de sortir du charbon, du pétrole et du gaz.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Quelles solutions seraient à envisager pour augmenter l’usage de biocarburant dans les voitures individuelles ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je vous répondrais qu’à certains égards, c’est une fausse bonne idée.
À court terme, nous ne disposons pas de solutions pour les secteurs maritimes et aériens. Le biocarburant représente le meilleur moyen de réduire et d’atténuer une partie des émissions de ces deux secteurs.
Il est dans notre intérêt de réserver le biocarburant pour les secteurs difficiles à décarboner, notamment le SAF (Sustainable Aviation Fuel) pour l’aérien. Nous enverrions des signaux contradictoires en investissant dans une filière de biocarburant pour les véhicules individuels tout en encourageant les constructeurs à se tourner vers l’électrique pour résister à aux concurrences chinoises et émergentes. Nous risquerions de nous priver d’une partie du gisement de biocarburant nécessaire pour les secteurs où l’électrification n’est techniquement pas envisageable. C’est ma réponse, mais d’autres peuvent assurément avoir des avis différents. J’essaie de faire preuve de prudence en mesurant toutes les implications.
La biomasse est particulièrement complexe lorsque l’on considère les ressources nécessaires pour progresser. Actuellement, la biomasse ne suffit pas à couvrir tous les usages potentiels dont nous avons besoin. Il est donc essentiel d’éviter de multiplier les signaux contradictoires là où des solutions technologiques existent.
M. le président Éric Coquerel. J’invite les orateurs des groupes à prendre la parole.
M. Christian Baptiste (SOC). Monsieur le président, cette discussion recouvre deux sujets distincts : les véhicules propres et les bioénergies.
Le débat sur la décarbonation de nos véhicules est essentiel. Il est évident que nous devons rapidement opérer la transition vers des véhicules plus écologiques et idéalement pouvoir nous en passer lorsque les mobilités douces et les transports en commun le permettront, notamment en zones urbaines.
Vous vous félicitez du dynamisme des aides, mais on observe dans le même temps des insuffisances manifestes.
La campagne de leasing, qui se terminera en mi-février, après un mois et demi, a clairement échoué, faute de crédits suffisants et parce qu’elle était mal calibrée. Les 300 000 véhicules aidés par le bonus écologique restent minoritaires face aux 2,2 millions de ventes de 2023. In fine, les moteurs fossiles représentent encore 83 % des ventes et 50 % si l’on ne compte que les moteurs purement fossiles. Nous sommes donc loin de l’objectif.
Par ailleurs, vous recommandez d’intégrer les enjeux liés au poids des véhicules dans les malus écologiques. Cela a été proposé à de nombreuses reprises lors de chaque PLF, sans que le gouvernement n’ait jamais donné suite. Vous me voyez ravi de constater que vous nous rejoigniez enfin sur ce point.
Concernant les bornes de recharge, l’objectif européen a été fixé à 3 millions de bornes publiques d’ici 2030, dont 400 000 en France. En février 2024, nous en dénombrons environ 120 000. Au rythme actuel, nous devrions atteindre 350 000 bornes en 2030. Il reste à espérer que l’accélération des années à venir sera suffisante pour atteindre l’objectif de 400 000.
Cependant, des problèmes subsisteront. D’abord, il y a toujours plus de stations de recharge en Île-de-France qu’en Bretagne, en Pays de la Loire ou autres. Deuxièmement, les chiffres moyens sur une année montrent que près d’un quart des bornes sont indisponibles, si bien que seulement 300 000 bornes fonctionneront réellement.
M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur le député, en trois ans, nous avons multiplié par quatre le nombre de bornes de recharge, de 30 000 à 130 000 le mois dernier. Parallèlement, il existe environ 1 500 000 bornes chez les particuliers. La progression actuelle des bornes publiques n’est donc pas proportionnelle, mais exponentielle. Je ne suis donc pas inquiet quant à l’objectif de 400 000 bornes d’ici 2030.
Le véritable enjeu me semble résider dans le choix de la localisation et la puissance des bornes. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, il est bien plus aisé de recharger une voiture électrique à la campagne qu’en ville. En ville, le sujet est tout autre, compte tenu de l’électrification à conduire pour les personnes ne disposant pas de garage, il nous faut gérer toute la prise en charge, le modèle et la progression générale. Les bornes installées sur les parkings de supermarchés ne suffiront pas à répondre aux besoins urbains. Il sera nécessaire de préciser la réalité de la disponibilité en ville.
Un autre enjeu concerne les autoroutes et les pics de fréquentation, ainsi que les besoins en termes de crête.
Si tout était électrique, la structure actuelle de nos déplacements routiers exigerait, pour absorber le flux des véhicules lors des grands chassés-croisés, six fois plus de place au sol que nos actuelles stations-service. La durée moyenne de recharge étant plus longue, la question de la disponibilité spatiale se pose réellement. Il faudra envisager les aires de repos classiques comme des aires de recharge, sans pour autant résoudre la question de la puissance appelée lors de ces journées. Avant d’atteindre un niveau d’électrification du parc tel que le problème deviendrait insoluble, nous disposons d’encore un peu de temps pour nous préparer.
Sur la question des véhicules, je partage l’avis selon lequel le problème devra se résoudre globalement sur l’aspect purement quantitatif et sur la nécessité de vérifier certains aspects localement.
Concernant les véhicules plus larges, je tiens à réaffirmer que les estimations du gouvernement étaient basées sur ses discussions avec les constructeurs, notamment pour la partie leasing. Nous avons pris la décision d’assumer le doublement du budget initialement prévu.
Nous avons ainsi porté de 100 à 276 millions d’euros le budget pour accompagner le leasing, afin d’atteindre les 50 000 véhicules prévus au lieu des 20 000 initialement budgétés. Nous avons donc pris nos responsabilités.
Toutefois, il convient de veiller à ne pas réaliser la totalité du leasing dès la première année. En effet, il nous semble essentiel de laisser à des constructeurs qui entrent sur le marché la possibilité de trouver leur public, en proposant des petits modèles et des véhicules plus compacts.
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Monsieur le président, je souhaitais d’abord répondre à l’intervention de monsieur le ministre.
Il est impératif de cesser d’affirmer que les écologistes ont gouverné de 2012 à 2017, puisqu’ils ont quitté le gouvernement en mars 2014 et je peine à croire que vous ignoriez cette réalité de l’histoire politique de notre pays.
Concernant MaPrimeRénov’, vous avez fait preuve d’une condescendance certaine. Vous semblez pourtant n’avoir pas connaissance du rapport du sénateur Gontard, publié en juillet 2023, qui prévenait déjà que le dispositif ne produirait certainement pas les effets escomptés. Si vous aviez prêté davantage attention aux propos des écologistes, l’exécution budgétaire ne serait peut-être pas ce qu’elle est.
Sur la question des véhicules propres, nous soutenons la transition vers un parc automobile plus respectueux de l’environnement. Eu égard au temps nécessaire pour renouveler intégralement ce parc, que certains professionnels du secteur estiment à plus de 30 ans, il est essentiel de promouvoir une approche de sobriété. Cela passe notamment par des investissements massifs dans le développement d’une mobilité moins impactante, à commencer par le transport ferroviaire et les transports urbains.
Il importe dans le même temps d’augmenter le taux d’occupation des véhicules, notamment le covoiturage sur de courtes distances.
Or cette solution peine à se développer en raison du manque de moyens des intercommunalités rurales et du fait que les collectivités ne peuvent pas bénéficier des certificats d’économies d’énergie (C2E).
Ma question est la suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour augmenter le taux d’occupation des véhicules et encourager une mobilité plus sobre ? Quel soutien envisagez-vous pour le développer des lignes de covoiturage en milieu rural ?
M. Christophe Béchu, ministre. Malgré la pseudo-dissidence affichée, les écologistes ont continué à travailler avec François Hollande et contribué à le faire élire. L’argument selon lequel vous seriez « partis » ne tient pas. Vous êtes les seuls à penser que les Français croient qu’il n’y a plus d’écologistes au gouvernement depuis 2014.
Vous avez entièrement raison sur la nécessité de lutter contre l’autosolisme, car c’est finalement l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions de CO2. Ce soutien est absolument indispensable. C’est pourquoi nous avons décidé de consacrer une partie des crédits du fonds vert au soutien du covoiturage et de lancer un programme de covoiturage inédit, qui n’existait aucunement du temps où des écologistes étaient au gouvernement. Nous nous félicitons d’avoir triplé le nombre quotidien de trajets en covoiturages en 2023 par rapport à l’année précédente.
Ces résultats ne nous satisfont pas pour autant, au regard de l’objectif de 3 millions de trajets journaliers en covoiturage, sur les 100 millions de trajets existants. Telle est l’ambition que nous continuons de porter.
En ce qui concerne les véhicules, deux moyens sont à portée de main pour décarboner : la motorisation et le poids des véhicules. Le simple passage de SUV thermiques à des SUV électriques ne suffira pas pour accomplir une décarbonation complète. Les malus au poids et les règles en vigueur tiennent compte de cette réalité écologique et économique.
M. Emmanuel Lacresse, rapporteur spécial. En réponse au rapporteur général concernant l’utilisation des biocarburants d’origine végétale, je tiens à souligner que l’objectif du rapport sur le programme 345 consiste précisément à examiner le rôle que joueront les productions végétales dans le mix énergétique à venir. Ces productions peuvent se transformer en gaz et indéniablement en carburant.
Jean Giraudoux écrivait que « la guerre de Troie n’aura pas lieu » et l’administration doit aujourd’hui se demander si une guerre des usages n’aura pas lieu dans l’exploitation des végétaux.
Aujourd’hui, nous faisons face à des conflits majeurs en matière d’usage de biocarburants, notamment de l’aérien face à l’automobile. Je suis député d’une circonscription où se trouve le siège du principal producteur de margarine et je peux vous assurer qu’il existe des conflits d’usage entre les différents oléagineux destinés à l’alimentation humaine. Les prairies et les champs cultivés pour les oléagineux sont actuellement en concurrence.
Il existe deux manières de parer à la situation et c’est le deuxième message que notre rapport contiendra.
Premièrement, l’analyse révèle que les cultures intermédiaires sont encore très peu développées. Deuxièmement, la question de la forêt devient primordiale.
Le président de la République propose à juste titre de modifier le couvert végétal en favorisant la remontée des espèces et la mutation du hêtre. Cette politique doit être assumée et engagée. Les gestionnaires politiques de ces dernières années, en lien avec l’Office national des forêts (ONF), ont particulièrement délaissé la fonction de puits de carbone assurée par la forêt. Le rapport soulignera le fait que ce rattrapage nécessite l’engagement de tous les acteurs et de toutes les agences au niveau local : de l’ONF aux producteurs privés, jusqu’aux communes forestières.
M. David Amiel, rapporteur spécial. Concernant l’aide aux véhicules propres, la dynamique d’évolution des véhicules électriques reste significative et conforme aux prévisions.
La situation des voitures électriques est assez favorable, à l’inverse des déceptions anticipées lors du débat sur la rénovation énergétique. Les ménages y ont finalement accordé un intérêt supérieur à ce qui avait été anticipé, ce qui confortera les objectifs 2030 du plan gouvernemental. Des ajustements du dispositif ont été effectués depuis le début de l’année, notamment sur les rénovations globales.
Deux préoccupations majeures semblent se dessiner pour les années qui viennent.
Premièrement, la souveraineté industrielle justifie que le bonus écologique s’oriente davantage vers les véhicules produits en Europe, pour des raisons environnementales en premier lieu.
Deuxièmement, la question sociale demeure essentielle. La progression des ventes de véhicules électriques est principalement stimulée par les achats de véhicules neufs, soit un niveau de dépenses que seuls les ménages les plus aisés peuvent se permettre. Il devient primordial de proposer une offre accessible aux ménages des classes moyennes et populaires. C’est tout l’enjeu du leasing et du développement du marché de l’occasion. À court terme, l’objectif est d’offrir des véhicules neufs à des prix plus abordables et d’alimenter en volumes le marché de l’occasion.
Les achats de véhicules électriques pour des flottes d’entreprises n’ont pas été aux niveaux attendus. Dans les mois qui viennent, nous proposerons divers instruments, pas uniquement budgétaires, en vue de relance de la dynamique d’achats des flottes d’entreprises.
M. le président Éric Coquerel. Quelqu’un s’oppose-t-il à la publication de ce rapport d’information ?
La commission autorise, en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information de MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux.
annexe 1 – Évolution des aides À l’acquisition de vÉhicules propres À la suite de l’entrÉe en vigueur du dÉcret n° 2024-102 du 12 fÉvrier 2024 |
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Dispositif |
Véhicule concerné |
Conditions avant le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 |
Conditions après le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 |
Bonus écologique
(articles D. 251-1, D. 251-1-1, D. 251-1-3 et D. 251-2 du code de l’énergie) |
Voitures pour particuliers
(article D. 251-1) |
Conditions : |
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Bénéficiaires : |
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Montant : 27 % du coût dans la limite de : |
Montant : 27 % du coût dans la limite de : |
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Camionnettes
(article D. 251-1-1) |
Conditions : |
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Bénéficiaires : |
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Montant : 40 % du coût dans la limite de : |
Montant : 40 % du coût dans la limite de : |
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Voitures particulières et camionnettes d’occasion
(articles D. 251-2) |
Aide de 1 000 € à l’acquisition d'une voiture ou camionnette électrique ou hydrogène d'occasion pour personnes physiques. |
Abrogé. |
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Deux-roues, trois-roues et quadricycles
(articles D. 251-1-3) |
Conditions : |
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Montant : |
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Bonus taxis
(article D. 251-1-2 du code de l’énergie) |
Taxis |
Conditions : |
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Bénéficiaires : |
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Montant : |
Montant : |
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Leasing social
(article D. 251-3 du code de l’énergie) |
Voitures électriques |
Conditions : - Ne peut être accordée qu’une fois tous les 3 ans et 2 fois au total. |
Abrogé à compter du 15 février 2024.
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Bénéficiaires : |
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Montant : |
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Prime à la conversion
(articles D. 251-4, D. 251-4-1, D. 251-4-2, D. 251-4-3 du code de l’énergie) |
Voitures
article D. 251-4 |
Conditions : |
- Uniquement pour les voitures ; - Ne peut être accordée qu’une fois à une personne physique ou morale. |
Bénéficiaires : |
- Pour les personnes physiques dont le RFR < 24 900 €. |
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Montant :
- personne physique avec RFR < 6358 € ; b) 2500 € dans les autres cas.
- personne physique avec RFR < 6 358 € ; b) 1500 € pour personne avec RFR < 14 089 €. |
- personne physique avec RFR 15400 €… ;
- personne physique avec RFR < 15 400 € et distance domicile-travail > 30 km ou devant faire plus de 12 000 km/an dans le cadre de son travail ;
- personne physique avec RFR < 7 100 € ; |
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Camionnettes
article D. 251-4-1 |
Conditions : |
- Ne peut être accordée qu’une fois à une personne physique ou morale. |
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Bénéficiaires : |
- Pour les personnes physiques dont le RFR < 24 900 €. |
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Montant :
- 9 000 € ; - 10 000 € avec majoration de 1 000 € pour personne physique avec RFR < 14 089 € et distance domicile-travail > 30 km ou devant faire plus de 12 000 km/an dans le cadre de son travail ou avec RFR < 6 358 €.
a) 80 % du coût d’acquisition dans la limite de 4 000 € : - personne physique avec RFR < 14 089 € et distance domicile-travail > 30 km ou devant faire plus de 12 000 km/an dans le cadre de son travail ; - personne physique avec RFR < 6358 € ; b) 1 500 € pour personne avec RFR < 14 089 €. |
1) Pour l’acquisition d’un VE ou hydrogène, 40 % du coût d'acquisition dans la limite de : - 8 000 € (– 1 000 €) ; - 9000 € (– 1 000 €), avec majoration de 1 000 € pour personne physique avec RFR < 14 089 € et distance domicile-travail > 30 km ou devant faire plus de 12 000 km/an dans le cadre de son travail ou avec RFR < 7 100 €.
2) Pour l’acquisition d’un véhicule essence, GNL, GPL ou éthanol d’occasion dont coût < 50 000 € et avec émissions < 132g/km si occasion : - personne physique avec RFR < 15 400 € et distance domicile-travail > 30 km ou devant faire plus de 12 000 km/an dans le cadre de son travail ;
- personne physique avec RFR < 7100 €. |
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Deux-roues, trois-roues et quadricycles
article D. 251-4-2 |
Conditions : |
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Bénéficiaires : |
- Pour les personnes physiques dont le RFR < 24 900 €. |
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Montant : |
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Cycles à pédalage assisté
article D. 251-4-3 |
Conditions : |
Condition supplémentaire : |
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Bénéficiaires : |
Bénéficiaires : |
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Montant : |
Montant : |
Liste des personnes auditionnÉes PAR LEs RAPPORTEURs SPÉCIAux
Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
– Mme Sophie Mourlon, directrice générale de l’énergie et du climat ;
– Mme Diane Simiu, directrice du climat, de l’efficacité énergétique et de l’air ;
– M. Nicolas Osouf-Sourzat, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules ;
– Mme Daphné Boret-Camguilhem, cheffe du bureau « Gaz renouvelables et bas carbone ».
Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)
– M. Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique ;
– M. Antoine Comte-Bellot, directeur de programme.
Agence de services et de paiement (ASP)
– Mme Fany Molin, directrice adjointe de l’emploi, de l’environnement et des politiques sociales.
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
– M. Baptiste Perrissin-Fabert, directeur général délégué.
France Stratégie
– M. Nicolas Riedinger, directeur du département du développement durable et du numérique ;
– M. Robinet Alice, cheffe de projet en économie de l’environnement, département développement durable et numérique.
Institut des politiques publiques (IPP)
– M. Clément Malgouyres, chercheur au centre de recherche en économie et statistique (CREST) ;
– M. Maxime Tô, économiste sénior à l’IPP ;
– M. Thierry Mayer, professeur d’économie à Sciences Po Paris.
Groupe Renault *
– M. Nicolas Tcheng, responsable relations institutionnelles ;
– Mme. Marie-Laure Le Naire, chargée d’affaires publiques.
Groupe Stellantis *
– Mme. Sandrine Bouvier, directrice mobilité électrique ;
– M. Jean-Pascal Viatte, délégué affaires publiques France.
UFC-Que Choisir *
– Mme Lucile Buisson, chargée de mission mobilité, énergie, environnement ;
– M. Benjamin Recher, chargé de mission relations institutionnelles.
Plateforme automobile (PFA) *
– M. Marc Mortureux, directeur général ;
– Mme Louise d’Harcourt, responsable des affaires publiques et parlementaires ;
– M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales, techniques et réglementaires.
Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle (CSIAM) *
– Mme. Athina Argyriou, présidente déléguée ;
– Mme. Noémie CHEMLA, consultante affaires publiques.
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
– M. Dominique Jamme, directeur général des services ;
– M. Aodren Munoz, chargé des relations institutionnelles ;
– Mme. Elsa Merckel, cheffe du département énergies renouvelables ;
– Mme. Gwenaëlle Pot, stagiaire relations institutionnelles.
Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire
– M. Louis de Redon, conseiller forêt-bois et agroforesterie auprès du ministre ;
– M. Samuel Delcourt, conseiller énergie, climat et bioéconomie auprès de la ministre déléguée ;
– Mme Marie-Aude Stofer, sous-directrice de la filière forêt-bois, cheval et bioéconomie.
Office national des forêts (ONF)
– M. Olivier Rousset, directeur général adjoint.
Délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages
– M. Jean-Michel Servant, délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages.
Coénove *
– M. Jean-Charles Colas-Roy, président ;
– Mme. Isabelle Clavel, déléguée générale.
France Gaz *
– Mme. Madeleine Lafon, délégué général ;
– M. Max-Erwann Gastineau, directeur affaires publiques et territoires.
Union des distilleries de Méditerranée (UDM)
– M. Bruno Guin, président ;
– M. Hugues Maignan, directeur.
Fédération nationale des distilleries coopératives (FNDCV)
– M. Fréderic Pelenc, directeur.
France Hydrogène *
– Simon Pujau, responsable des relations institutionnelles ;
– Guillaume Buttin, chargé de mission relations institutionnelles.
Propellet *
– M. Yann Denance, président ;
– M. Eric Vial, délégué général ;
– M. Théo Hudelist, consultant en affaires publiques.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
([1]) C’est-à-dire des émissions après déduction des absorptions.
([2]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.
([3])Règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2023 modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules.
([4]) ADEME, 2022, Voitures électriques et bornes de recharge.
([5]) Cette action n’a pas été affectée par l’annulation de crédits à hauteur de 950 millions d’euros en AE et 1,3 milliard d’euros en CP sur le programme 174 par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024.
([6]) Arrêté du 7 octobre 2023 relatif à la méthodologie de calcul du score environnemental et à la valeur de score minimale à atteindre pour l’éligibilité au bonus écologique pour les voitures particulières neuves électriques.
([7]) Cf. le rapport à la Commission européenne « Determining the environmental impacts of conventional and alternatively fuelled vehicles through LCA », 13 juillet 2020.
([8]) La liste des TVV éligibles est également accessible via : https://score-environnemental-bonus.ademe.fr/
([9]) La Tesla Model 3 est fabriquée en Californie et en Chine, tandis que la Dacia Spring est produite en Chine.
([10]) Article D. 251-1-5 du code de l’énergie.
([11]) Aux termes de l’article R. 311-1 du code de la route, un véhicule de catégorie M2 est un « véhicule conçu et construit pour le transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant un poids maximal inférieur ou égal à 5 tonnes » et un véhicule de catégorie N2 est un « véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 12 tonnes ».
([12]) Les véhicules utilitaires électriques acquis ou loués par les personnes morales sont toujours éligibles au bonus pour un montant de 3 000 euros, en vertu de l’article D. 251-1-1 du code de l’énergie.
([13]) Article L. 421-67 du code des impositions sur les biens et services.
([14]) Article L. 421-78 du code des impositions sur les biens et services.
([15]) Article L. 421-49 du code des impositions sur les biens et services.
([16]) 4 de l’article 39 du code général des impôts et commentaire BOI-BIC-AMT-20-40-50 du bulletin officiel des finances publiques.
([17]) Les bonus écologiques attribués pour l’acquisition de véhicules hybrides rechargeables correspondent à des véhicules commandés avant le 31 décembre 2022 dont la facturation ou la décision d’attribution de l’aide est intervenue. En effet, depuis le 1er janvier 2023, les véhicules hybrides rechargeables ne sont plus éligibles au bonus écologique.
([18]) France Stratégie, Voiture électrique : à quel coût ?, Alice Robinet et Maxime Gérardin, novembre 2022.
([19]) Institut des politiques publiques, Évaluation des mesures de soutien aux véhicules propres, janvier 2024.
([20]) France Stratégie, Le soutien au développement des véhicules électriques est-il adapté ?, Sylvie Montout et Alice Robinet, juin 2024.
([21]) Le taux de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), assise sur la consommation de carburants, est plus élevé que l’addition des taux de la taxe intérieure et des taxes locales de consommation finale sur l’électricité (TICFE et TLCFE) : 0,6829 €/L contre 0,0286 €/kWh.
([22]) Décret n° 2023-1183 du 14 décembre 2023 relatif à la mise en place d’une aide à la location, pour une durée supérieure ou égale à trois ans, d’une voiture particulière électrique.
([23]) Disposition introduite par le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 et dont le manquement est sanctionné par une amende qui peut atteindre 1 500 euros.
([24]) Au 22 avril 2024, 1 217 592 euros ont été payés, pour 203 dossiers sur les 260 dossiers décidés. Les dossiers décidés sont payés au fur et à mesure chaque semaine. L’ASP a indiqué doubler le rythme des paiements durant le mois de juin 2024.
([25]) Article 9 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
([26]) Article 97 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([27]) BVerfG, 15 novembre 2023, - 2 BvF 1/22 -, Rn. 1-231, Zweites Nachtragshaushaltsgesetz 2021.
([28]) Arrêté du 24 novembre 2023 portant création et modification de programmes en faveur des économies d'énergie dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie.
([29]) Article 200 quater C du code général des impôts.
([30]) Rapport « Perspectives gaz 2022 », par GRTgaz, GRDF, Téréga et le SPEGNN.
([31]) Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
([32]) Arrêté du 23 novembre 2020 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel.
([33]) Arrêté du 10 juin 2023 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel.
([34]) Normo mètre cube : unité correspondant au contenu d’un volume d’un mètre cube d’un gaz se trouvant dans les conditions normales de température et de pression.
([35]) Créé par l’ordonnance n° 2016-411 du 7 avril 2016 portant diverses mesures d’adaptation dans le secteur gazier.
([36]) Accessible via : https://www.cre.fr/documents/appels-doffres/appel-doffres-portant-sur-la-realisation-et-lexploitation-dinstallations-de-production-de-biomethane-injecte-dans-un-reseau-de-gaz-naturel.html
([37]) Articles L. 446-31 à L. 446-55 du code de l’énergie.
([38]) Article L. 446-46 du code de l’énergie.
([39]) Article 98 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
([40]) Ce seuil n’a pas encore été défini à la date de rédaction de ce rapport. La référence appliquée correspond aujourd’hui à un seuil inférieur à 3,38 kgCO2eq/kgH2 (kilogrammes d'équivalents en dioxyde de carbone par kilogramme d'hydrogène), correspondant à la référence européenne de 70 % de réduction des émissions sur l’ensemble du cycle de vie.
([41]) Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, dite loi DADUE.
([42]) L’article 4 du règlement (UE) 2023/2405 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable (ReFuel UE Aviation) prévoit par exemple des objectifs d’incorporation dans le secteur aérien.
([43]) Par exemple, le point 12 de l’article premier de la directive dite « RED III » dispose notamment que « la contribution des carburants renouvelables d’origine non biologique destinés à des utilisations finales énergétiques et non énergétiques représente au moins 42 % de l’hydrogène destiné à des utilisations finales énergétiques et non énergétiques dans l’industrie d’ici à 2030, et 60 % d’ici à 2035 ».
([44]) Accessible via le lien : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2740_proposition-resolution.pdf
([45]) « Bois rond sur écorce », unité utilisée pour comparer les différents usages de bois.
([46]) « Projections de disponibilités en bois et des stocks et flux de carbone du secteur forestier français », mai 2024, IGN-FCBA.
([47]) Pour une approche complémentaire, se référer au rapport du comité de prospective de la CRE sur « La biomasse et la neutralité carbone », publié en mars 2023, qui propose quatre critères de hiérarchisation des activités relatives aux utilisations de la biomasse : le concours à l’absorption de CO2, à la réduction des émissions de CO2, l’équilibre coût/bénéfice/risque et la compatibilité avec d’autre objectifs de politique publique comme la sécurité d’approvisionnement énergétique, la souveraineté énergétique et la réindustrialisation de la France.
([48]) Articles D. 222-8 à D. 222-14 du code de l’environnement.
([49]) Décret n° 2017-155 du 8 février 2017 portant approbation du programme national de la forêt et du bois.
([50]) Décret n° 2024-312 du 5 avril 2024 instituant un délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages.
([51]) CGAAER, IGF, IGEDD, Mise en gestion durable de la forêt privée, mars 2024.