N° 2693

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mai 2024.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

 

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

 

en conclusion des travaux d’une mission d’information, constituée le 15 novembre 2023,

sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale

 

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Christophe BLANCHET et Mme Martine ÉTIENNE,

Députés

——

 

 

 


 

SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Face à l’intensification des menaces hybrides et conventionnelles pesant sur la Nation, l’éducation et la culture ont un rôle déterminant à jouer dans la construction de l’esprit de défense

A. Depuis la suspension du service national obligatoire, une moindre connaissance par les Français de la nécessité du devoir de défense dans le contexte peu mobilisateur des dividendes de la paix

1. La suspension du service national obligatoire s’est accompagnée d’une méconnaissance croissante par les Français des enjeux de la défense nationale

a. Une méconnaissance des enjeux de la défense nationale par les Français dans un contexte paradoxal de popularité élevée des militaires

b. Le double contexte post-Guerre froide des dividendes de la paix et de la révision générale des politiques publiques (RGPP) fut peu mobilisateur pour la sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

B. La croissance des menaces hybrides et conventionnelles pesant sur la nation invite À mettre en œuvre une stratÉgie de dÉfense globale supposant une large diffusion de l’esprit de dÉfense dans la sociÉtÉ

1. La guerre en Ukraine et la résurgence des États-puissances s’accompagnent d’une croissance des menaces conventionnelles et hybrides

2. Le nouveau contexte géopolitique invite à mettre en œuvre une stratégie interministérielle de défense globale qui, pour être efficace, suppose une compréhension collective des enjeux et du contexte afin d’obtenir la prévalence de l’esprit de défense dans la société

a. La faiblesse de la cohésion nationale, identifiée dans la revue nationale stratégique de 2022, constitue une vulnérabilité pouvant être exploitée par les compétiteurs stratégiques de la France

b. Réactiver une stratégie de défense globale reposant sur une mobilisation interministérielle en cas de crise

c. Le renforcement de l’esprit de défense est indispensable à la consolidation de la défense nationale

i. La défense nationale repose en partie sur la participation des citoyens acteurs de cette défense

ii. L’esprit de défense ne se décrète pas et résulte d’une construction

C. Depuis 1997, Les principes et l’organisation de la défense nationale font l’objet d’un enseignement obligatoire

II. Parce que sa mise en œuvre reste encore imparfaite, l’éducation à la Défense doit gagner en visibilité et en légitimité afin de bénéficier À un nombre substantiel de citoyens

A. L’éducation à la défense fait l’objet d’une relative mise en lumière depuis 2015

B. L’éducation à la défense est mise en oeuvre par un mille- feuille d’acteurs au risque d’un manque de cohérence

1. Au ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ)

a. Au niveau national

b. En académie

c. En infra-académique

2. Au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR)

a. Au niveau national

b. Au sein des établissements d’enseignement supérieur

3. Au ministère des armées (MINARM)

a. La chaîne SGA

b. La chaîne état-major des armées (EMA)

i. Les DMD au sein des trinômes académiques

ii. La division de la cohésion nationale au sein de l’EMA

c. Les acteurs jeunesse de chaque armée

d. L’Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG)

4. Au ministère de l’intérieur et des Outre-mer (MIOM)

5. Les services du Premier Ministre

6. Le monde associatif

C. Un renforcement récent du pilotage national, des moyens ainsi que du périmètre de l’enseignement de défense

1. Un renforcement récent du pilotage national

2. De nouveaux moyens financiers

3. Un élargissement du périmètre de l’éducation à la Défense

4. De nouvelles ressources pour l’enseignement de la défense nationale

D. Les nombreux dispositifs d’Éducation À la dÉfense sont ÉclatÉs, souvent mÉconnus et bÉnÉficient À trop peu de jeunes citoyens

1. Un enseignement de défense qui reste encore trop peu dispensé malgré sa récente montée en puissance

2. De nombreux dispositifs souvent méconnus

a. Les dispositifs conduits sur le temps scolaire

i. Les classes de défense et de sécurité globale (CDSG)

ii. Autres dispositifs

b. Les dispositifs hors temps scolaire

i. Le dispositif des cadets et les dispositifs inspirés

ii. Les préparations militaires

c. La pédagogie de projets et les concours

i. Les projets pédagogiques

ii. Les concours

3. Un nombre relativement modeste de jeunes bénéficient de ces dispositifs

E. Afin d’organiser le passage à l’échelle de l’enseignement de défense, il convient d’accroître la légitimité de cet enseignement auprès du corps enseignant

1. Une part substantielle du monde enseignant semble peu sensible au principe même de l’enseignement de la défense nationale

2. Il importe de renforcer substantiellement la formation initiale et continue des enseignants aux enjeux de la défense nationale

3. Il convient de saisir l’opportunité de la réforme en cours des programmes de l’EMC afin de donner toute sa place à l’enseignement de défense au sein de cet enseignement

4. Parce que l’enseignement de défense est fondamentalement interdisciplinaire, le renforcement de la transversalité de cet enseignement doit être recherché

a. Les « entrées défense » interdisciplinaires

b. Des ponts à construire avec l’éducation aux médias et à l’information (EMI)…

c. …avec l’Éducation artistique et culturelle…

d. …ainsi qu’avec l’éducation au développement durable

5. La transmission des questions mémorielles gagnerait à être renouvelée en favorisant l‘apprentissage d’une mémoire incarnée, à hauteur d’élève

6. Introduire spécifiquement un cours lié à ces enjeux

7. Développer le levier du sport pour sensibiliser la jeunesse aux enjeux de défense

F. La revalorisation de l’éducation à la défense doit s’inscrire dans une sensibilisation plus large aux enjeux de défense à chaque étape du parcours de citoyenneté

1. Le recensement

2. La nécessaire revitalisation de la Journée Défense et citoyenneté

G. Dans l’objectif de prolonger l’éveil aux enjeux de défense au-delà du cycle secondaire, il importe de renforcer les études supérieures en lien avec la défense

H. Demain, vers un retour de la conscription ou une généralisation du service national universel ?

1. Clarifier la place du SNU dans l’éducation à la défense nationale

a. La défense nationale n’est que très peu abordée dans la mouture actuelle du SNU, contrairement au projet initial du président de la République

b. La volonté de l’exécutif de généraliser le dispositif du SNU sur le temps scolaire sans précision de calendrier se heurte pour le moment à de nombreuses limites

2. Créer une conscription citoyenne pour tous

3. Ouvrir une réflexion sur la mise en place d’une conscription inspirée du modèle suédois

I. Parce que l’éducation à la défense ne s’arrête pas au seuil de la vie active, il importe de renforcer l’information et la sensibilisation des citoyens À la défense nationale tout au long de leur vie

1. Sensibiliser les citoyens aux enjeux de la défense nationale tout au long de leur vie

a. Davantage ouvrir les sessions de formation de l’IHEDN aux acteurs de l’éducation à la défense

i. Les sessions jeunes

ii. La session nationale

iii. Davantage communiquer sur les sessions régionales de formation de l’IHEDN

b. Faire davantage connaître les publications des centres de recherche et de rayonnement des différentes armées

2. Les réservistes constituent un relais majeur d’éducation à la défense

a. Favoriser l’engagement des enseignants dans les réserves

b. Dynamiser l’animation des réserves citoyennes de défense et de sécurité

c. Renforcer la valorisation et la reconnaissance des réservistes dans l’espace public

3. Développer les réflexes quotidiens de résilience dans la population

III. À la condition de ne pas être instrumentalisée, la culture constitue un puissant vecteur de sensibilisation à l’esprit de défense

A. La culture constitue un puissant vecteur de sensibilisation aux enjeux de la Défense nationale tout au long de la vie des citoyens

1. La culture est un vecteur fondamental pour renforcer le sentiment d’appartenance des forces

2. Depuis les années 1980, plusieurs protocoles ont significativement renforcé les liens entre le ministère de la culture et le ministère des armées

a. Les effets très positifs des protocoles sur la conservation et la restauration du patrimoine monumental du ministère des armées

b. Une importante coopération scientifique en matière muséale

c. Une professionnalisation accrue des métiers culturels au sein du ministère des armées

d. Un protocole en cours d’actualisation

e. Les améliorations à apporter au protocole

i. Une gouvernance davantage harmonisée

ii. Un meilleur pilotage des programmations de travaux

iii. Étendre réellement le périmètre d’intervention du protocole aux secteurs autres que celui du patrimoine immobilier (par exemple le patrimoine mobilier).

iv. Écrire dans le protocole la nécessaire ouverture ultérieure au public des bâtiments dont la restauration a fait l’objet d’un financement conjoint défense-culture

v. Renforcer encore la professionnalisation des métiers culturels de la Défense :

3. Renforcer la sensibilisation aux enjeux de défense des industries culturelles les plus populaires

a. L’industrie du podcast offre un levier croissant de sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

b. Les moyens et effectifs de la mission cinéma et industries créatives du ministère des armées sont encore sous-dimensionnés

c. Les séries audiovisuelles constituent un levier majeur d’éveil aux enjeux de Défense

d. La bande-dessinée et les webtoons offrent aussi de nombreux leviers de sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

e. La photographie donne à voir la réalité des missions opérationnelles des forces

f. Première pratique culturelle des Français, le jeu vidéo peut permettre sous certaines réserves de sensibiliser à la stratégie militaire

g. L’industrie musicale et la radio ; un éveil en musique

4. Le patrimoine, levier incommensurable d’éveil aux enjeux de défense

a. Les musées en lien avec la défense nationale, notamment les musées de traditions de l’armée de terre, doivent encore renforcer leur stratégie vis-à-vis des publics

i. Les trois musées-établissements publics administratifs du MINARM ont renoué avec le niveau de fréquentation pré-Covid et se transforment

ii. Les musées de tradition de l’armée de terre doivent encore parachever leur montée en puissance

iii. Les musées, vecteurs critiques de l’éducation à la défense

b. Structurer une filière interarmées des officiers conservateurs du patrimoine

c. Saisir pleinement l’opportunité des journées européennes du patrimoine (JEP) et des journées européennes des métiers d’art (JEMA)

d. Davantage valoriser l’institution des peintres des armées

e. Davantage utiliser le patrimoine musical des forces armées comme vecteur de rayonnement

f. Continuer le grand travail de facilitation de l’accès aux archives du grand public

5. La littérature, ferment plus confidentiel de réflexion sur les questions de défense

B. Dans une perspective de rayonnement et d’influence, les institutions du monde de la défense doivent s’ouvrir autant que possible sur l’extérieur

1. Organiser des portes ouvertes dans les emprises militaires sous réserve de la disponibilité opérationnelle et des impératifs de confidentialité

2. La communication des armées doit être proactive et adaptée à l’ensemble des publics

3. Afin d’amplifier substantiellement le public cible, les partenariats avec des influenceurs extérieurs aux armées doivent être développés sous certaines réserves

4. Encourager les résidences d’artistes dans les institutions culturelles en lien avec la défense

5. Utiliser les ressorts de jeu pour développer une approche ludique des enjeux de défense

Annexe 1 : Liste des propositions

Annexe 2 : Cartographie des acteurs de l’éducation à la défense

Annexe 3 : Cartographie des solutions de financement des projets pédagogiques en lien avec la défense s’offrant aux enseignants

Annexe 4 : Synthèse des résultats de la consultation citoyenne sur le rôle de l’éducation dans la défense nationale

Annexe 5 : Liste des acronymes utilisés dans le rapport

Examen en commission

Annexe : Auditions et déplacements des rapporteurs

1. Auditions

2. Déplacements

 


 

   Introduction

 

 

« La force de la Cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens ».

Thucydide

Histoire de la guerre du Péloponnèse ([1])

 

Quel rôle pour l’éducation et la culture dans la défense nationale ?

La question est ambitieuse et relativement inédite.

Elle invite à poser un regard renouvelé sur les enjeux de défense en dépassant le cercle de la seule défense militaire. Elle interroge les modalités d’implication de la Nation dans sa défense, une question qui traverse le débat public depuis la Révolution française. Souvent réputés éloignés du monde de la défense, les univers de l’éducation et de la culture constituent pourtant de puissants remparts protégeant les valeurs républicaines. Les liens entre éducation, culture et défense sont féconds. « Si ce n'est pour la culture, pourquoi nous battons-nous alors ? » aurait dit Churchill.

La suspension du service national en 1997 et la réduction significative de l’empreinte territoriale du ministère des armées depuis 30 ans dans le contexte des « dividendes de la paix » expliquent en partie « l’indifférence positive ([2]) » dont semblent actuellement bénéficier les forces armées.

Or, dans le contexte de retour de la guerre sur le sol européen, la France est actuellement confrontée à des menaces conventionnelles et hybrides croissantes. Ce contexte géopolitique impose de repenser une stratégie interministérielle de défense globale qui pour être efficace suppose une participation active des citoyens.

Toutefois, l’esprit de défense ne se décrète pas. Il résulte d’un long cheminement critique visant à « faire comprendre » les enjeux de défense aux citoyens. Dans ce cadre, l’éducation et la culture sont des vecteurs majeurs de sensibilisation aux enjeux de défense.

Durant les cinq mois de travaux de la mission d’information, vos rapporteurs ont conduit 37 auditions à l’Assemblée nationale et effectué trois déplacements qui leur permettent de vous présenter leur vision consolidée du rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale. Afin d’associer les citoyens à leurs travaux, ils ont organisé une consultation citoyenne relative à l’éducation à la défense. La participation massive à cette consultation (37 819 répondants) témoigne du vif intérêt manifesté par les citoyens à ces enjeux.

Quelques divergences de vues n’ont pu être surmontées par vos rapporteurs. Certaines propositions sont donc défendues par un seul de vos rapporteurs. Toutefois, une large majorité de propositions les rassemble autour des quelques objectifs suivants :

­ – organiser le « passage à l’échelle » de l’éducation à la défense en renforçant le nombre de jeunes bénéficiaires de cette éducation ;

­ – redynamiser le parcours citoyen institué en 1997 en modernisant la journée défense et citoyenneté ;

­ – renforcer la sensibilisation à la défense des citoyens tout au long de leur vie ;

­ – renforcer le rôle des industries culturelles et créatives dans l’éveil aux enjeux de défense en se préservant de toute instrumentalisation politique de la culture ;

­ – insuffler chez les citoyens une conscience claire et critique des enjeux de défense qui in fine pourra faire naître un esprit de défense éclairé.

 


I.   Face à l’intensification des menaces hybrides et conventionnelles pesant sur la Nation, l’éducation et la culture ont un rôle déterminant à jouer dans la construction de l’esprit de défense

A.   Depuis la suspension du service national obligatoire, une moindre connaissance par les Français de la nécessité du devoir de défense dans le contexte peu mobilisateur des dividendes de la paix

1.   La suspension du service national obligatoire s’est accompagnée d’une méconnaissance croissante par les Français des enjeux de la défense nationale

a.   Une méconnaissance des enjeux de la défense nationale par les Français dans un contexte paradoxal de popularité élevée des militaires

Une conjonction de facteurs explique une moindre connaissance par les Français des enjeux de la défense nationale. Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont parfois été surpris de constater combien une partie des Français étaient étrangers au concept même de la « défense nationale » qui demeure relativement méconnu de nos concitoyens.

Parmi les facteurs précédemment évoqués, la suspension de « l’appel sous les drapeaux » par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national ne peut être éludée. À l’occasion d’un colloque ayant eu lieu le 28 octobre 2023 à l’École militaire consacré aux « forces morales de la Nation », le général de corps d’armée Benoît Durieux, président de l’académie de défense de l’École militaire (ACADEM), a rappelé que depuis la suspension du service national obligatoire en 1997, 50 à 60 % des Français peuvent passer leur vie sans avoir été en contact avec des militaires, ce qu’il a jugé « inquiétant ». Depuis 1997, une part toujours plus importante du corps enseignant n’est plus directement ou indirectement confrontée à la « chose militaire ».

Auditionnée par vos rapporteurs, la chercheuse et docteure en histoire Bénédicte Chéron a néanmoins rappelé les « effets bien plus limités que l’on ne le pense du service national sur la société dans son ensemble : à la fin des années 1980, un jeune Français sur deux n’établissait pas de lien entre service militaire et défense nationale. Les jeunes hommes qui ont fait leur service ont eu une expérience concrète de la vie sous l’uniforme mais les enjeux de défense n’étaient pas mieux connus ou mieux compris. La préoccupation qui vise à « remplacer » le service s’inscrit dans une histoire faite d’une certaine mythologie des effets du service sur la société. (…). »

Si le service national obligatoire n’entraînait pas mécaniquement une maîtrise des enjeux de la défense nationale par les « appelés du contingent », il permettait néanmoins d’accroître la porosité entre citoyens et militaires, porosité qui demeure au cœur de ce qui est aujourd’hui communément appelé « le lien armées-Nation », expression galvaudée aux yeux de vos rapporteurs. En effet, cette expression semble induire une scission dangereuse entre la Nation et ses armées. « Quand une institution militaire se coupe de la société pour se concentrer sur la spécificité militaire, l’histoire se termine toujours mal » selon les mots du général Durieux. Les rapporteurs entendent rappeler que les armées ont pour mission première la protection de la Nation et la défense des valeurs fondamentales de la République française. En application de l’article 15 de la Constitution de la Vème République, le Président de la République est le « chef des armées ».

Pour autant, malgré la relative attrition des contacts entre civils et militaires, les Français conservent paradoxalement une confiance très forte dans l’institution militaire. Selon une étude d’octobre 2021 de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire([3]), l’armée occupe la seconde place des institutions envers lesquelles les jeunes de la génération Z ont le plus confiance (82 %). Nonobstant, le niveau d’intérêt des jeunes dans les questions de défense militaire reste relativement faible : ainsi, selon la même étude, « seul un jeune sur dix (9 %) dit s’y intéresser beaucoup, et moins d’un tiers (30 %) s’y intéresser assez. Mais une majorité (61 %) reconnaît ne pas s’y intéresser ». Un constat parfaitement résumé par Sébastien Jakubowski, directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) de Lille-Hauts de France devant vos rapporteurs : « Je pars d’un double constat : (i) que les Armées sont une institution bénéficiant parmi les Français d’un fort taux de confiance (…). Ce taux de confiance envers l’armée professionnelle est si fort que certains Français expriment le fait de ne pas être contre l’exercice du pouvoir par un militaire ; pour autant (ii) les Français méconnaissent largement l’institution militaire, les armées et les militaires. C’est ce qui me fait dire que cette confiance portée s’exerce dans l’indifférence, mais une indifférence qui est positive puisque les français font confiance au point de se désintéresser largement des grands enjeux militaires. C’est en soi très positif pour les armées mais aussi un grand signe d’inquiétude quant à l’intégration des sujets militaires et des militaires eux-mêmes au sein de la société. »

À l’aune de ce constat, le chef d’état-major des armées le général d’armée Thierry Burkhard entend « augmenter la surface de contact » entre les armées françaises et la population française ([4]), un objectif que vos rapporteurs appellent également de leurs vœux.

b.   Le double contexte post-Guerre froide des dividendes de la paix et de la révision générale des politiques publiques (RGPP) fut peu mobilisateur pour la sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

Si la seconde moitié du XXème siècle s’est caractérisée par une forte présence des enjeux de défense dans le débat public dans le cadre de l’affrontement bipolaire Est-Ouest, la dissolution de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et la fin de la Guerre froide ont entraîné une baisse des dépenses militaires en France, et plus largement en Europe, dans le cadre de ce qui fut appelé les « dividendes de la paix ». ([5])

Le modèle de défense français s’est alors recomposé sous l’effet de la rupture géopolitique opérée entre novembre 1989 et août 1990, avec la chute du mur de Berlin et l’invasion du Koweït par l’Irak, ainsi que l’éclatement ultérieur de la Yougoslavie. La menace principale, qui provenait de l’Est, semblait alors s’estomper tandis qu’une crise majeure surgissait dans le monde arabo-musulman et que la guerre s’installait dans les Balkans. Ces bouleversements géopolitiques ont entraîné la fin de la conscription et la professionnalisation des armées. Les armées se sont alors réorientées vers un modèle dit « expéditionnaire », caractérisé par la projection fréquente des forces françaises dans le cadre d’opérations extérieures (OPEX) sous divers mandats.

En conséquence, le format des armées a été considérablement réduit : de 720 000 hommes en 1962, l’armée de terre n’en comptait plus que 240 000 en 1997 au moment de la suspension de la conscription. Trois réformes structurelles ont ensuite considérablement réduit l’empreinte territoriale de la défense par suppressions, réorganisations et transferts d’unités :

En 1990, « le plan armées 2000 » a acté une réduction du format des armées de 35 000 postes et la fermeture d’une soixantaine d’états-majors et régiments de l’armée de terre ;

Sur la période 1997-2002, la professionnalisation complète des armées a entraîné la suppression de 150 000 postes et la fermeture ou le transfert d’une centaine d’unités des trois armées et des services ainsi que la réorganisation interne de toutes les unités conservées ;

De 2008 à 2016, le volet « Défense » de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ainsi que les livres blancs sur la défense de 2008 et 2013 ont entériné la suppression de 54 000 emplois et la fermeture de plus de 30 unités opérationnelles et établissements de soutien. ([6])

La réduction significative de l’empreinte territoriale des armées depuis les années 1990 a mécaniquement limité les occasions d’interactions entre les citoyens français et leurs armées. Plusieurs départements comme le Calvados, la Dordogne, la Haute-Vienne ou la Creuse pour ne citer qu’eux n’accueillent aujourd‘hui plus d’unités militaires du ministère des armées. On parle à leur endroit de « déserts militaires », bien que cette expression soit là encore en partie dévoyée en raison de la localisation de ces départements ruraux en « zone Gendarmerie ».

Dans ce contexte d’attrition des effectifs, la sensibilisation de la population française aux enjeux de la défense nationale ne fut guère prégnante.

Pourtant, en vertu de l’article L111-1 du code du service national, la défense nationale reste l’affaire de tous : « Les citoyens concourent à la défense et à la cohésion de la Nation. Ce devoir s'exerce notamment par l'accomplissement du service national universel. ». L’article L111- 2 dudit code précise : « Le service national universel comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l'appel sous les drapeaux. » Le droit positif français continue donc de prévoir un « devoir » des citoyens de « concourir à la défense et à la cohésion de la Nation ».

B.   La croissance des menaces hybrides et conventionnelles pesant sur la nation invite À mettre en œuvre une stratÉgie de dÉfense globale supposant une large diffusion de l’esprit de dÉfense dans la sociÉtÉ

1.   La guerre en Ukraine et la résurgence des États-puissances s’accompagnent d’une croissance des menaces conventionnelles et hybrides

Le contexte géopolitique actuel se caractérise par plusieurs phénomènes conjoints :

un accroissement des menaces conventionnelles en raison du retour des États-puissances qui n’hésitent pas à user illégalement de la force dans le cadre d’une stratégie de puissance assumée. À cet égard, la revue nationale stratégique 2022 précise : « La Russie poursuit une stratégie de remise en cause de la sécurité européenne dont la guerre engagée contre l’Ukraine le 24 février 2022 représente la manifestation la plus ouverte et la plus brutale. Dans la mise en œuvre de son ambition de puissance conçue comme une opposition à ce que la Russie désigne comme « l’Occident collectif », Moscou avait longtemps privilégié une approche plus indirecte (…) Sans avoir disparu, cette stratégie se double désormais d’une volonté d’engager la confrontation militaire directe. » ;

un accroissement parallèle des menaces dites hybrides, difficilement attribuables. Ces menaces hybrides correspondent notamment aux actions hostiles dans le domaine « cyber » ou aux stratégies de désinformation dans le champ immatériel des « perceptions ». Auditionné par la commission de la Défense nationale et des forces armées le 6 mars dernier, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale Stéphane Bouillon a défini les contours de ces menaces : « Il peut s’agir de cyberattaques ou de désinformations contre notre sécurité économique. Ces menaces s’accroissent et peuvent même nous faire perdre la guerre avant que l’adversaire n’ait montré un fusil. Elles sont aujourd’hui plus rapides et efficaces pour faire perdre une guerre, affamer une économie, répandre les mensonges et le trouble au sein de la société, débrancher le numérique de nos activités, de nos services publics, de notre vie quotidienne. Nous le vivons tous les jours, à travers des attaques menées contre certains hôpitaux, certaines collectivités locales, certains services. Des pannes de système de cartes de paiement électronique peuvent également intervenir et celles que nous avons connues récemment nous incitent à faire en sorte d’y répondre rapidement. De fait, les adversaires sont nombreux, de plus en plus nombreux : des États, parfois très puissants, mais aussi parfois de taille largement inférieure ; des entreprises criminelles qui sont actives sur toute la planète. Face à ces menaces, nous nous appuyons sur le droit, la diplomatie et l’action militaire, le renforcement de nos dispositifs techniques, de nos systèmes informatiques. Mais rien ne peut aboutir si le peuple ne s’engage pas pour servir la collectivité, pour se protéger lui-même, pour être l’acteur de sa propre sécurité et pas seulement le consommateur. »

Les mutations actuelles du contexte international ont contraint les armées à repenser le continuum « paix-crise-guerre » en un nouveau triptyque « compétition-contestation-affrontement ». Dans la vision du chef d’état-major des armées, ces mutations imposent de « gagner la guerre avant la guerre », en mettant notamment en œuvre une stratégie interministérielle de défense globale.

2.   Le nouveau contexte géopolitique invite à mettre en œuvre une stratégie interministérielle de défense globale qui, pour être efficace, suppose une compréhension collective des enjeux et du contexte afin d’obtenir la prévalence de l’esprit de défense dans la société

a.   La faiblesse de la cohésion nationale, identifiée dans la revue nationale stratégique de 2022, constitue une vulnérabilité pouvant être exploitée par les compétiteurs stratégiques de la France

Face aux attentats terroristes qui l’ont endeuillée en 2015 ou encore lors de la crise sanitaire, la société française a su dépasser certains de ses antagonismes et « faire bloc » dans un sursaut salvateur de cohésion nationale.

Pour autant, les « fractures françaises » ([7]) sont nombreuses. L’édition 2023 de l’enquête « Fractures françaises » ([8]) documente la croissance d’un sentiment de colère à travers les différentes catégories de la population. Près d’un Français sur deux dit aujourd’hui se « sentir appartenir à une France qui serait en colère et très contestataire » (45 %, +9 points en un an) tandis que le sentiment d’une France en déclin est aussi en forte hausse (82 %, +7 points). D’après cette même enquête, les Français ont aujourd’hui le sentiment de vivre dans une société violente (91%, +2 points), violence qui ne ferait que s’aggraver selon eux (88 %).

Auditionnée par vos rapporteurs, Anne Muxel, directrice déléguée du CEVIPOF ayant dirigé l’enquête de l’IRSEM précitée a rappelé que « les risques de déconsolidation démocratique dans le renouvellement générationnel ont été identifiés par plusieurs travaux de sciences sociales et menacent la pérennité des régimes démocratiques dans nombre de pays, notamment en France. Les signes d’une fragilisation des principes portés par le projet démocratique sont visibles – montée des incivilités, violence dans l’espace public - comme dans les formes d’expression politique des citoyens, - accroissement de l’abstention, remise en cause de la démocratie représentative, légitimation dans l’opinion des actions protestataires ». D’après Anne Muxel, les jeunes générations de Français ont ainsi intégré les éventuelles menaces pouvant à terme peser sur la cohésion et la sécurité nationale. Ainsi 45 % des 16-18 ans considèrent qu’ils connaîtront une guerre civile en France, 23 % une guerre mondiale et 16 % une guerre mondiale sur le sol français contre un pays étranger ([9]). Un constat corroboré par l’audition des syndicats représentatifs des étudiants, la fédération des associations générales étudiantes (FAGE) ayant notamment indiqué à vos rapporteurs craindre davantage les menaces pesant sur le « vivre-ensemble et la cohésion nationale » que les menaces extérieures nécessitant « une défense vis-à-vis de l’extérieur ».

L’érosion de la cohésion nationale constitue une vulnérabilité interne qui peut notamment être instrumentalisée par des compétiteurs de la France ainsi que l’établissait la revue nationale stratégique 2022 : « Les atteintes à notre autonomie stratégique se multiplient. Nos compétiteurs stratégiques s’efforcent d’instrumentaliser nos dépendances, de porter atteinte à nos capacités d’appréciation souveraine et à notre cohésion nationale afin d’orienter notre compréhension des situations et de contraindre nos décisions (…) Les opérations russes et chinoises dans ce domaine cherchent à fragiliser nos propres systèmes politiques et notre cohésion nationale, tout en alimentant voire en suscitant des effets d’alignement en notre défaveur, comme l’atteste la guerre en Ukraine

Auditionné le 6 mars dernier par la commission de la Défense nationale et des forces armées, le major général de la Gendarmerie nationale André Petillot a décrit devant les députés « un territoire menacé par des menaces de différentes natures, qui comportent à la fois une dimension classique, quotidienne, mais aussi parfois une dimension de souveraineté. Je ne reviendrai pas sur le risque terroriste qui pèse en permanence sur notre pays. En matière d’ordre public, par exemple, nous sommes confrontés à un contexte éruptif. Depuis la crise des gilets jaunes, notre pays a connu une succession de crises d’ordre public, qu’un certain nombre d’acteurs extérieurs peuvent tenter d’exploiter pour fracturer notre cohésion nationale. (…) Par ailleurs, la question migratoire est un sujet majeur, qui prend des dimensions extrêmement fortes sur un territoire comme l’île de Mayotte par exemple. Elle peut ainsi être utilisée à des fins de fragilisation de notre cohésion nationale, de manière instrumentalisée. J’en veux pour preuve la manière dont la Russie a utilisé les flux migratoires à la frontière polonaise ou finlandaise. Enfin, nous sommes confrontés à des attentes sociétales très fortes, sur lesquelles nous devons travailler tous les jours, mais qui peuvent aussi constituer des leviers de déstabilisation. La cohésion nationale représente le ciment qui permet à un pays de tenir. »

Votre rapporteure Martine Etienne souhaite par ailleurs rappeler « l’érosion du lien démocratique » déplorée par les syndicats l’Union étudiante, la FAGE et l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) lors de leur audition.

Dans ce contexte caractérisé par un risque d’instrumentalisation des fractures françaises, et à rebours des discours caricaturaux, vos rapporteurs souhaitent néanmoins souligner l’attitude globalement favorable à l’engagement qui traverse la jeunesse française. Devant vos rapporteurs, Anne Muxel a notamment souligné « une propension à l’engagement dans une articulation nouvelle entre l’attention portée aux intérêts individuels et privés et le souci du collectif, régi par la quête de sens et l’altruisme solidaire qui ont tendance à se renforcer ».

b.   Réactiver une stratégie de défense globale reposant sur une mobilisation interministérielle en cas de crise

Le développement conjoint des menaces conventionnelles et hybrides invite à mettre en œuvre une stratégie de défense dite « globale » reposant sur une mobilisation interministérielle en cas de crise. Le concept de défense globale renvoie directement à l’ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. La défense visait alors à « assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population ».

Auditionné par vos rapporteurs, le secrétaire général de la Garde nationale a tenté de donner une définition du concept de défense nationale : « La défense nationale, dans sa conception la plus large et intégrative, transcende la simple mise en place de mesures de sécurité et de dispositifs militaires à travers la politique de défense. Elle s'enracine profondément dans une approche holistique qui englobe l'ensemble de la société, marquant ainsi l'implication et la responsabilité partagées de tous les citoyens, qu'ils soient acteurs directs ou indirects de la sécurité du pays. Cette vision englobe non seulement les forces armées et les institutions gouvernementales mais aussi les citoyens, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les institutions éducatives, tous considérés comme des composantes vitales du tissu de la Défense nationale. Cette culture de solidarité est cruciale, car elle tisse un lien indissoluble entre le monde militaire et le monde civil, permettant une synergie et un soutien mutuel en toutes circonstances, particulièrement en temps de crise (…) Cela implique une communication ouverte et continue entre les secteurs militaire et civil, ainsi qu'une éducation civique renforcée qui sensibilise aux enjeux de défense et aux intérêts vitaux du pays en insistant également sur la contribution que chacun peut y apporter. »

Auditionné par vos rapporteurs, le général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur de l’institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) a également donné sa vision de la défense nationale : « Qu’est-ce que la défense nationale ? La réponse à cette question n'est pas aussi simple qu'elle pourrait l’être. L’IHEDN a choisi de se représenter l'articulation de ces différents concepts – la défense et la sécurité nationale – à travers quatre cercles concentriques, emboîtés les uns dans les autres.

Le premier, qui est le cercle central, est celui de la défense militaire. Il renvoie à notre capacité à nous protéger contre la violence physique ou la menace de la violence physique (…).

Le deuxième cercle, beaucoup plus large, englobe la défense militaire : il est celui de la défense nationale. Cette dernière, à mon sens, ne peut pas se limiter à la défense militaire (…). La défense nationale intègre la capacité à protéger la nation contre toutes les menaces et intentions hostiles à visées politiques qui peuvent porter atteinte à ses intérêts, à sa population, à ses institutions et à ses grands intérêts économiques. Citons, à titre d’exemple, les ingérences, la désinformation, les attaques numériques, les prises de participation hostiles dans des entreprises sensibles, les normes extraterritoriales ou encore l'instrumentalisation d'un certain nombre de phénomènes sociaux. Tous ces éléments peuvent être utilisés à des fins politiques par des organes politiques. Ces derniers renvoient à des États qui peuvent être des adversaires, voire des ennemis, mais également des groupes para-étatiques, comme Daesh par exemple (…).

Au-delà de la défense nationale, il y a la sécurité nationale, notion apparue en 2008. Si elle intègre la défense nationale, elle ne s’y limite pas. En effet, elle recouvre aussi l’ensemble des risques qui pèsent sur la nation, comme les catastrophes naturelles, les catastrophes technologiques, les pandémies, mais également les risques associés à de grands phénomènes sociaux ou humains (…). Le dernier cercle est celui de la sécurité internationale. Il renvoie à notre capacité à contribuer à l’atténuation des risques et des menaces par la coopération internationale (…). ».

Aujourd’hui, le secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN) pilote la stratégie de défense globale française : « Désormais, nous travaillons à une forme élargie de la défense globale, telle qu’elle existait en 1959 (…). Dans ce cadre, la stratégie nationale de résilience a pris une ampleur toute particulière. Nos objectifs s’organisent autour de trois axes : préparation de l’État aux crises, renforcement des ressources humaines et matérielles du pays, adaptation de la communication publique (…). Nous rendons compte de ces avancées au sein du comité interministériel pour la résilience nationale, présidé par le directeur de cabinet du Premier ministre et qui s’est réuni à deux reprises en 2023. »

Lors de son déplacement en Finlande, le corapporteur Christophe Blanchet s’est vu présenter le modèle finlandais de « sécurité globale » qui a succédé au début des années 2000 au concept de « défense totale » et peut être rapproché du concept français de défense globale. La stratégie de sécurité globale finlandaise est actualisée tous les quatre ans. Depuis 2013, le comité de sécurité, sous la tutelle du ministère de la Défense, est chargé d’assurer la coordination de tous les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux qui coopèrent pour le bien de la Nation. À l’appui de ce modèle, la population finlandaise participe activement à la défense nationale.

L’ensemble des autorités auditionnées par vos rapporteurs ont en effet souligné la nécessité d’impliquer les citoyens dans toute stratégie de défense globale, sans quoi la défense nationale perd de sa substance ; ainsi, pour le SGDSN : « De fait, l’histoire de notre défense nationale nous montre que depuis ses débuts, l’association et la prise en compte du peuple dans la défense de notre pays ont été au cœur de ces concepts. Gambetta a établi en 1871 le gouvernement de la défense nationale, avant que l’année 1932 ne voie la création d’un ministère de la défense nationale en tant que tel (…). ».

c.   Le renforcement de l’esprit de défense est indispensable à la consolidation de la défense nationale

i.   La défense nationale repose en partie sur la participation des citoyens acteurs de cette défense

Devant les commissaires de la commission de la Défense nationale, le SGDSN a rappelé que la défense globale ne saurait être efficace « si la population n’est pas engagée pour servir la collectivité, être l’acteur de sa propre sécurité (…). Il importe que la défense nationale soit une notion comprise et partagée par nos concitoyens qui, si la Nation devait être sollicitée, auront à contribuer directement ou indirectement à sa mise en œuvre. Il s’agit d’insuffler ou de réinsuffler cet esprit de défense qui doit permettre d’associer le citoyen à la démarche de défense et de sécurité, non plus comme un consommateur d’un service public mais bien comme un véritable acteur qui contribue par son action et son engagement sous diverses formes à sa propre défense et sécurité. »

Pour le directeur de l’IHEDN, l’esprit de défense renvoie « au sentiment de responsabilité de chaque citoyen dans le domaine de la défense, dans son sens large. » La défense nationale ne saurait donc reposer exclusivement sur les forces armées.

L’« invasion à grande échelle » de l’Ukraine par la Fédération de Russie à compter du 24 février 2022 s’est heurtée à une forte résistance de la population ukrainienne faisant majoritairement bloc derrière ses forces armées.

Auditionné par la commission de la Défense nationale et des forces armées le 27 mars dernier, le producteur de la radio Skyrock « pour les militaires » a déclaré : « Au moment où nous avons [vu]une guerre en Ukraine, nous nous sommes tous rendus compte que c’était la cohésion de la population avec son armée qui était une des clés de la résilience, de la résistance, du combat et de la force. »

Dans ce contexte, le chef d’état-major des armées a mis en lumière le concept des « forces morales de la Nation » qui renvoie à la nécessaire prévalence de l’esprit de défense dans la population. Le thème du défilé militaire du 14 juillet dernier était d’ailleurs les « forces morales de la Nation ». Parmi les causes de la débâcle française en 1940, l’érosion du lien entre l’armée française et la Nation est souvent avancée. Dans son témoignage L’étrange défaite, écrit en 1940 alors que la France subissait l’avancée vertigineuse des troupes nazies, l’historien Marc Bloch écrit : « L’état-major français ne fut pas cependant le seul responsable de la défaite : l’armée française, peu soutenue par une population fort imprégnée de sentiments pacifistes, s’était repliée sur elle-même et n’avait pas reçu le soutien qu’elle pouvait espérer de tous alors que dans le même temps le militarisme allemand se renforçait et triomphait même, depuis la victoire du nazisme en 1933. Un dialogue plus effectif entre les Français et leur armée eût peut-être permis de faire comprendre que la montée du nazisme, puis l’expansionnisme de l’Allemagne hitlérienne constituaient des menaces dont il convenait de tenir compte matériellement et intellectuellement pour reconnaître la priorité des priorités de l’époque : s’armer. On ne le fit ni dans les usines ni dans les écoles, et la puissante CGT comme le très actif SNI, le syndicat des instituteurs, et divers intellectuels, comme le philosophe Alain et le romancier Jean Giono, refusèrent de voir dans cette montée du bellicisme nazi et la menace grandissante qu’il faisait peser sur la France une raison de critiquer et de dépasser leur pacifisme. »

Dans le prolongement de ces réflexions, les rapporteurs jugent utile de partager ci-après un dessin du caricaturiste Jean-Louis Forain paru le 9 janvier 1915, dans le journal L’Opinion. On y voit deux « poilus » dans une tranchée. L’un dit à l’autre « Pourvu qu’ils tiennent. – Qui ça ? – Les civils. » À travers cette caricature, Forain montre les difficultés rencontrées par les civils et les soldats pendant la Première Guerre mondiale et renvoie à la nécessaire participation des civils en temps de crise à la défense de la Nation.

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Dans ce contexte, la jeunesse française représente un « enjeu clé de la résilience et de la défense nationale » selon le directeur du service national et de la jeunesse du ministère des armées : « D’une part, elle doit à la fois être protégée contre les manipulations de nos adversaires qui cherchent à confronter les Français les uns contre les autres. D’autre part, cette jeunesse doit être guidée et accompagnée vers l’engagement et la défense des valeurs de la République. »

Lors de leur audition par les rapporteurs, les syndicats représentatifs des étudiants ont souligné leur peur de perdre un jour le bien qu’ils estiment le plus précieux ; la démocratie. La recherche d’une diffusion la plus large possible de l’esprit de défense dans la population française n’est pas antinomique avec cette nécessité de préserver notre bien commun qu’est la démocratie. Parce que l’actualité nous rappelle sans cesse la fragilité du modèle démocratique, la démocratie française doit se défendre contre l’ensemble des menaces qui pourraient tenter de la subvertir à court et long-terme.

Chaque citoyen doit être acteur de cette défense. Un enseignant d’histoire-géographie, encadrant d’une classe de défense et de sécurité globale, rappelait au corapporteur Christophe Blanchet lors d’un déplacement que dès le siècle de Périclès, la « défense de la Cité constituait le premier devoir du citoyen ». Ainsi, les citoyens français ont le droit mais aussi le devoir de défendre la Nation.

ii.   L’esprit de défense ne se décrète pas et résulte d’une construction

Vos rapporteurs souhaitent rappeler que l’esprit de défense ne saurait jamais être imposé. La disposition de chacun à vouloir contribuer à la défense de la Nation résulte d’un apprentissage critique et bien compris des enjeux de la défense nationale. Il n’y a pas de plus légitime défense que celle qui résulte d’un cheminement personnel éclairé. Dans cet esprit, l’éducation et la culture peuvent être de puissants vecteurs d’esprit de défense.

Lors du déplacement de la mission d’information en Finlande, votre corapporteur Christophe Blanchet a pu mesurer combien l’esprit de défense des Finlandais, particulièrement élevé, est la résultante d’une histoire et d’une culture propre à la Nation finlandaise. D’après des sondages récents ([10]), 83% des Finlandais se disent prêts à prendre les armes et défendre le pays face à une attaque et ce même si l’issue s’avère défavorable. Lors du colloque précité à l’École militaire relatif aux « forces morales de la Nation », la lieutenant-colonelle Claire Bertaux, attachée de défense à l’ambassade de France en Finlande a ainsi exposé l’esprit de défense finlandais ; « S’appuyant sur le « sisu », mot intraduisible en français, la population est prête, comme pendant la guerre d’hiver de 1939-1940, à résister contre une agression extérieure pour défendre son existence. En effet, la guerre d’hiver a façonné dans l’imaginaire collectif le mythe du Finlandais vaillant, résistant et décidé à se battre pour défendre son territoire. C’est à partir de cette période que les Finlandais ont vraiment éduqué leurs enfants dans l’esprit « sisu » et mis en place des associations civiles de réservistes, de volontaires, prêts à se battre. L’esprit sisu est un des éléments clé de la défense nationale. Il se transmet de génération en génération et garantit la résilience de chacun, et de la société. Le sisu est présent dans les mœurs finlandaises dès leur naissance (…). À l’école, les Finlandais apprennent évidemment l’histoire de leur pays. La différence est que suite à la guerre d’Hiver, l’URSS puis la Fédération de Russie sont demeurées perçues comme une menace pour la sécurité de la Nation. »

L’esprit de défense finlandais se construit dans une société ouverte, où dès leur plus jeune âge, les élèves comprennent qu’ils sont des acteurs du changement. La société finlandaise est rythmée par un grand nombre de rites et de cérémonies, qui sont pour tout un chacun l’occasion de pavoiser les couleurs du drapeau national, sans pour autant que ces levées de drapeaux ne soient perçues comme une manifestation de nationalisme.

Les forces de défense finlandaises sont avant tout des forces de défense territoriales, prêtes à défendre le territoire et le modèle démocratique finlandais. Si la loi fondamentale finlandaise prévoit le devoir de défense de chaque finlandais, la forte prévalence de l’esprit de défense résulte d’une construction de long terme. Votre corapporteur a été très surpris d’entendre en Finlande que la défense nationale était un « loisir en Finlande, au même titre que le hockey ou le volley-ball. La défense nationale est l’affaire de tous ». ([11])

L’affermissement de la résilience nationale suppose donc une participation active et éclairée des citoyens à la défense nationale. Dans ce contexte, se pose avec une acuité nouvelle la question du rôle de l’éducation, et notamment de l’Éducation nationale, dans la défense nationale.

C.   Depuis 1997, Les principes et l’organisation de la défense nationale font l’objet d’un enseignement obligatoire

Le ministère de la Défense nationale et celui de l’Éducation nationale ont tous les deux vu le jour en 1932. D’après les mots de l’inspecteur-général d’histoire-géographie Tristan Lecocq, « L’armée et l’Éducation nationale ne sont pas des administrations comme les autres. Ce sont des organisations qui donnent du sens, autrement dit, des institutions. » La défense nationale est étroitement liée à l’Éducation nationale. Sous la IIIème République, les instituteurs dont la mission première était d’enraciner les valeurs de la République étaient qualifiés de « hussards noirs de la République » ([12]). Dans les années 1880 sont promulguées presque concomitamment les lois Ferry instituant l’école laïque, gratuite et obligatoire et les grandes lois portant organisation de l’armée et de la conscription. Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite ici rappeler le souvenir du député radical du Cher Marcel Plaisant qui déclarait alors: « L’armée est la grande institutrice de la Nation ».

Si les relations entre les deux ministères sont anciennes, leur coopération s’est renforcée dans les années 1980. En 1982, le ministre de la Défense Charles Hernu est à l’origine du premier protocole Défense-Éducation nationale. Ce protocole prévoit que « L’éducation est un acte global qui n’est pas réductible aux activités scolaires, l’esprit de défense est une attitude civique qui n’est pas limitée aux activités militaires. » Un état d’esprit originel partagé par vos rapporteurs, pour lesquels l’éducation dépasse le seul cadre de l’Éducation nationale, tandis que l’esprit de défense constitue une attitude citoyenne.

Depuis la suspension de l’obligation de service national en 1997, le code de la Défense prévoit pour tous les jeunes Français un parcours de citoyenneté en trois étapes obligatoires. La première étape de ce parcours est l’enseignement de la défense dans le cadre de la scolarité du second degré, inscrit dans le code de l’éducation, qui comprend l’éducation civique et l’enseignement des principes et organisation de la défense. La deuxième étape est le recensement à 16 ans. La journée défense citoyenneté (JDC) constitue la troisième étape de ce parcours.

La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national crée un article L114-1 au sein du code du service national qui dispose : « Les principes et l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne font l’objet d’un enseignement obligatoire dans le cadre des programmes des établissements d’enseignement du second degré des premiers et seconds cycles. Cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-Nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense. ([13]) » L’article L114-1 du code du service national est répliqué à l’article L312-12 du code de l’éducation. Cet enseignement de défense incombe aux ministère chargé de l’Éducation nationale et ministère chargé de l’agriculture. Le ministère des armées se positionne en soutien de cet enseignement.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont fréquemment rencontré une confusion entre éducation à la défense et enseignement de défense. Il convient de distinguer l’enseignement de défense à proprement parler de l’éducation à la défense, l’éducation à la défense englobant l’enseignement de défense mais la dépassant. En effet, l’éducation à la défense comprend également de nombreux dispositifs sur lesquels vos rapporteurs reviendront.

D’après Tristan Lecoq, responsable de l’enseignement de défense à l’inspection générale de l’Éducation nationale : « L’enseignement de la Défense nationale et de la sécurité nationale n’est pas un enseignement comme les autres ; il est un enseignement à aborder avec « une main tremblante » tout en étant ferme dans ces principes. » Cet enseignement peut être abordé selon deux grands leviers :

de manière directe, via les programmes en y abordant les éléments relatifs à la défense et la sécurité nationale ou en instillant des « entrées défense » transversales ;

dans les concours des recrutements, via les questions posées aux concours. Ainsi, un récent jury de l’agrégation d’histoire a proposé le sujet suivant : « Défendre la République du début du XIXème siècle à 1914 ».

Tristan Lecocq a rappelé que l’enseignement de défense devait toujours s’inscrire dans une approche citoyenne en évitant toujours la « première personne du singulier. Le maître est celui qui sait et transmet, pas celui qui juge et prend parti. ». D’après Tristan Lecocq, cet enseignement doit répondre à trois grandes questions :

Que défendre ?

À cette question, Tristan Lecoq précise qu’il faut aujourd’hui distinguer trois types de réponse :

● Une réponse étatique : « La Défense ! C'est la première raison d'être de l'État. Il n'y peut manquer sans se détruire lui-même » (Général de Gaulle, Bayeux, le 14 juin 1952)  ([14]). L’unité d’une population, d’une société, d’une communauté nationale ne se décrète pas, elle se construit sur le long terme ;

● Une réponse politique autour de trois principes clés : l’État de droit, la démocratie et la dignité de la personne ;

● Une réponse historique à travers la mise en valeur du patrimoine, la transmission de la culture et l’apprentissage de la langue française. Selon Tristan Lecoq, la défense nationale et en son sein, la défense militaire, constituent l’ultime rempart pour défendre la culture et le mode de vie français. Les armes sont « l’ultima ratio regum », le dernier argument des rois, ainsi que le rappellent les inscriptions portées sur les canons stationnés dans la cour des Invalides.

Qui défend ?

Les enjeux de la participation des Français à la défense de leur pays ([15]), d’appartenance à la Nation française et les notions de soldats-citoyens et de citoyens-soldats doivent être abordées via l’enseignement de défense. Cela suppose l’apprentissage de l’histoire militaire, sociale et politique française. Pour Tristan Lecocq, « Cette leçon s’écrit maintenant au présent (…). La France doit affronter une nouvelle épreuve : le retour de la guerre en Europe. Or, depuis la fin de guerre froide, la France a refoulé, mis de côté l’image de la mort et la réalité des morts (…). À la lumière de la guerre en Ukraine, les enjeux de résilience et de résistance prennent tout leur sens. La question de la protection du territoire et notamment de la défense de « l’arrière » a aujourd’hui une résonance toute particulière. Sans les « forces morales de la Nation » et la résilience des citoyens, les soldats n’ont plus de raison de se battre. »

Comment défendre ?

En premier lieu, il convient de se référer à la lecture des textes, du contexte et de la pratique du pouvoir. Le 1er livre blanc a été publié en 1972 par Michel Debré, alors ministre d'État chargé de la défense nationale. Néanmoins, au fil des livres blancs et revues nationales stratégiques, on retrouve toujours un triangle commun :

● Indépendance nationale : « Ne faire que ce que nous décidons et préserver les intérêts vitaux du pays » ;

● Autonomie stratégique ;

● Cadre des alliances.

Devant vos rapporteurs, Tristan Lecocq a rappelé la nécessité d’éviter trois écueils dans l’enseignement de la défense et de la sécurité nationale : « l’implicite, l’évidence et l’inédit. En effet, les enseignants sont obligés d’être de plus en plus explicites devant leurs élèves car ces derniers sont soumis à un flot massif d’informations. Par exemple, le terrorisme a connu une ampleur inédite ces dernières années et les enseignants ont dû répondre aux différentes interrogations des jeunes (…). Dès lors qu’il s’agit d’enseigner le très contemporain, il vaut mieux que ce soit l’Éducation nationale qui enseigne cela plutôt que les réseaux sociaux ».

Pour le général de corps d’armée Benoît Durieux : « L'éducation nationale joue évidemment un rôle absolument essentiel (…). Lorsqu'un citoyen sort du lycée, il doit être conscient d’appartenir à une communauté nationale, dont les membres dépendent tous les uns des autres. Le fait qu'il soit capable d'effectuer quelques gestes de premiers secours concourt par exemple à la résilience. Il est également important qu’il possède quelques notions simples d'hygiène informatique. Il doit aussi savoir que les informations diffusées sur Internet ne sont pas toujours vraies et que les vidéos diffusées par ce truchement peuvent être sujettes à caution. Les citoyens doivent savoir que l’État s’appuie sur des individus au service du bien commun. »

Vos rapporteurs souhaitent également souligner que l’enseignement de défense vise avant tout à « faire comprendre » les enjeux de la défense nationale plus qu’à « faire adhérer » à la politique de défense. Cette distinction a notamment été apportée au cours des auditions par Bénédicte Chéron : « À mon sens, et l’histoire du XXème siècle montre que faire comprendre est plus utile et efficace, pour préparer une population à l’adversité, que de chercher à faire adhérer. C’est d’autant plus vrai dans un contexte de forte défiance envers les autorités politiques. »

L’enseignement de défense inculque aux élèves le principe républicain fondamental de soumission des armées aux autorités civiles. Il doit par exemple faire comprendre aux élèves que lorsque les citoyens votent pour élire directement le Président de la République, ces mêmes citoyens ont le pouvoir de choisir celui qui décide de l’emploi des forces militaires françaises mais à qui incombe aussi, in fine, la décision de recourir à l’arme nucléaire. En outre, lorsqu’ils élisent la Représentation nationale, les citoyens choisissent également les députés qui contrôleront l’action du gouvernement en matière de défense.

L’enseignement de ces enjeux revêt une importance accrue dans un État doté comme la France dans lequel le chef des armées est élu au suffrage universel direct. Vos rapporteurs estiment par conséquent que l’enseignement de défense doit aussi servir de révélateur permettant aux futurs citoyens de comprendre leur responsabilité fondamentale dans la direction de la Cité.

Depuis février 2024 et l’« invasion à grande échelle » de l’Ukraine par la Fédération de Russie, il est constaté un intérêt croissant de la population française en général et des élèves et des enseignants en particulier pour les enjeux de défense. La nouvelle phase du conflit israélo-palestinien enclenchée depuis le 7 octobre 2023 a renforcé cet intérêt. Confrontée à des attentes pédagogiques fortes, il est du devoir de l’Éducation nationale d’expliquer et de répondre aux interrogations des élèves. Pour le général Durieux : « Éduquer, sensibiliser, c’est aussi le rôle de l’Éducation nationale. Ce qu’il faut éviter, c’est de créer un complexe obsidional. Il faut sensibiliser sans dramatiser ni inquiéter. » ([16])

II.   Parce que sa mise en œuvre reste encore imparfaite, l’éducation à la Défense doit gagner en visibilité et en légitimité afin de bénéficier À un nombre substantiel de citoyens

A.   L’éducation à la défense fait l’objet d’une relative mise en lumière depuis 2015

En 1989, 1995 puis 2007, trois protocoles conclus entre le ministère de la Défense et le ministère de l’Éducation nationale ont permis d’approfondir le premier protocole de 1982.

Le président de la République déclarait en mars 2012 : « Le développement de l'esprit de défense passe aussi par l'école de la République. Toutes les actions qui découlaient des protocoles défense-éducation nationale qui avaient été mis en place au début des années 1980 seront revivifiées dans un nouveau protocole orienté vers la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes et auprès des enseignants. » Le portage ministériel de l’enseignement de défense a connu une inflexion à compter de 2015 alors que la France s’est vue endeuillée par une vague d’attentats terroristes.

Le protocole interministériel du 20 mai 2016 développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale réaffirme à la suite de la vague d’attentats de 2015 l’importance de l’éducation à la défense. En sont signataires les ministères chargés de la défense, de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le ministère chargé de l’agriculture. Il renforce et élargit le protocole de 2007.

Le 16 octobre 2020, l’assassinat du professeur Samuel Paty renforce le sentiment d’une urgence républicaine dans l’apprentissage des valeurs de la citoyenneté.

À partir de 2021, l’enseignement de défense bénéficie d’une nouvelle mise en lumière dans le cadre de la présentation par la secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire du plan « ambition armées jeunesse », qui succède au plan « égalité des chances » de 2007. Ce nouveau plan est décliné au sein de chacune des armées.

Dans ce prolongement, la « vision stratégique » du chef d’état-major des armées en octobre 2021 énonce que « les armées participent au projet mené au profit de la cohésion nationale et en particulier de la jeunesse qui constitue l’avenir de notre pays (…). En outre, la volonté des militaires se nourrit du lien entre les armées et la Nation, qui doit être entretenu et renforcé ». Le projet de loi de finances pour l’année 2022 ouvre une nouvelle ligne budgétaire sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » initialement dotée de 750k€ et visant à financer des dispositifs d’éducation à la défense.

La revue nationale stratégique de novembre 2022 réaffirmait par ailleurs l’importance de « promouvoir durablement l’esprit de défense dans la société et l’État », notamment en le renforçant dans le « champ éducatif », dans le but de construire « une France unie et résiliente ».

Le rapport annexé à la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense consacre un long développement à cette question : « Les armées contribueront davantage à la cohésion et à la résilience de la Nation en s’appuyant sur un lien Nation-armée rénové et plus visible(...). Une attention particulière sera prêtée, notamment par les dispositifs « classe de défense » (…) au renforcement du lien entre la jeunesse et les armées, qui constitue un enjeu essentiel pour la cohésion nationale. (…) Les unités accueilleront régulièrement des visites d’établissements scolaires dans leur région d’implantation ou à proximité. »

Selon Sébastien Jakubowski : « L’éducation est l’affaire de tous. L’esprit de défense aussi. Les deux concourent à la construction d’une citoyenneté active. Il est difficile, quarante années après, de s’afficher contre ces grands principes qui demeurent toujours dans une certaine actualité. Toutefois, ils ne sauraient à eux seuls suffire à mettre en place de réelles actions politiques. C’est ce qui a été entrepris conjointement par l’Éducation nationale et les armées depuis ce protocole. Dans une certaine mesure, nous nous trouvions à un certain plafond des actions mises en place qui sont bien consolidées mais ont peut-être besoin d’un nouveau tournant. Celui-ci a, d’une certaine manière, été impulsé par l’actuel chef d’état-major des armées avec la réflexion autour de ce qui est appelé les « forces morales ». De nombreuses nouvelles actions s’en sont suivies. Elles partent aussi du constat que la sensibilisation ne suffit pas à enclencher l’action, ni même toujours l’intérêt, en particulier dans le domaine militaire très lié à l’incertitude et à la dangerosité du monde. »

B.   L’éducation à la défense est mise en oeuvre par un mille- feuille d’acteurs au risque d’un manque de cohérence

1.   Au ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ)

a.   Au niveau national

Parce que la responsabilité première de l’éducation à la défense incombe au ministère chargé de l’Éducation nationale, l’éducation à la défense est pilotée par le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO). Le DGESCO est assisté d’un conseiller technique appelé « délégué pour l’éducation à la défense ».

Le poste de délégué pour l’éducation à la défense a été créé en 2007. Chargé de promouvoir l’esprit de défense, le délégué veille à l’application du protocole interministériel du 20 mai 2016 développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale. Il coordonne les actions de sensibilisation des élèves et du personnel aux questions de défense et de sécurité et œuvre à renforcer la place et le rôle de l'éducation à la défense au sein des enseignements ainsi que dans la formation initiale et continue des enseignants.

Le délégué relève d’un double rattachement administratif, puisqu’il dépend à la fois du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Son équipe est très réduite : le délégué est appuyé par 2 ETPT mis à disposition par le ministère des armées.

Au niveau central, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) participe à la rédaction des programmes et veille à l’inscription de thèmes dans les programmes afin de traiter des questions de défense du cycle 3 aux classes préparatoires aux grandes écoles. L’inspection générale intervient aussi dans les formations offertes aux enseignants et produit des ressources à l'attention de la communauté éducative.

b.   En académie

Dans les académies, l’éducation à la défense est portée par les trinômes académiques. Placée sous l'autorité du recteur, la structure du « trinôme académique » regroupe un représentant du ministère des armées, un représentant de l'éducation nationale (conseiller défense du recteur) et un représentant de l'association régionale des auditeurs de l’IHEDN. Des représentants de la Gendarmerie nationale ou des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt peuvent s’associer aux trinômes au sein de « polynômes académiques ».

Les trinômes conduisent ou accompagnent les établissements dans l'organisation d'actions éducatives de sensibilisation aux enjeux de défense et de sécurité nationale (rallyes citoyens, conférences, visites de sites, actions mémorielles, formations, etc). Initialement créés pour assurer la formation initiale et continue des enseignants, les trinômes académiques sont un outil essentiel du déploiement de l’éducation à la défense dans les territoires. Ils appuient les demandes de subvention effectuées auprès de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des armées.

Le conseiller défense du recteur a pour mission d’assurer, sous l’autorité directe du recteur et en son nom, le pilotage et le suivi de tous les partenariats entre le MINARM et le MENJ. Ces trois dernières années, entre 50 à 70 % des référents académiques des trinômes provenaient de la filière histoire-géographie, tandis que la filière « établissements et vie scolaire » (EVS) était la deuxième plus représentée.

Au sein de chaque académie, les trinômes peuvent travailler de concert sur certains sujets avec les référents académiques mémoire et citoyenneté auprès des recteurs. Dans les faits, les fonctions de conseiller défense auprès du recteur et de référent académique mémoire et citoyenneté sont souvent occupées par les mêmes personnes.

D’autres acteurs peuvent contribuer aux travaux du trinôme, comme les référents académiques « éducation aux médias et à l’information » (EMI), les délégués académiques à l’action culturelle, les référents engagement/SNU ou encore le carré régalien. ([17])

c.   En infra-académique

En infra-académique, on peut retrouver des référents au niveau des directions des services départementaux de l’éducation nationale ainsi que des relais défense au sein des bassins d’éducation et de formation ou des relais défense en établissement. Les « relais défense » sont les interlocuteurs académiques du secondaire qui transmettent au personnel éducatif les informations proposées par les forces de défense et de sécurité en matière de formation et d’actions pédagogiques. Chaque établissement est invité à nommer un relais défense parmi ses professeurs. D’après les auditions menées par vos rapporteurs, il semblerait qu’un certain nombre d’établissements n’aient pas encore nommé de relais défense malgré les instructions en ce sens. Vos rapporteurs appellent à rendre effective la nomination d’un relais défense dans chaque établissement scolaire.

2.   Au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR)

a.   Au niveau national

En administration centrale, le délégué pour l’éducation à la défense est également rattaché fonctionnellement à la DGESIP.

b.   Au sein des établissements d’enseignement supérieur

Aux termes de la circulaire d’application du protocole de 2007, « Chaque établissement d’enseignement supérieur et de recherche est invité à désigner un « relais défense » qui sera l’interlocuteur de la délégation pour l’éducation à la défense comme des trinômes académiques pour l’application du protocole ». Les référents enseignement de défense et de sécurité (REDS) sont chargés de la sensibilisation du personnel et des étudiants aux enjeux de la défense de la sécurité nationale. Aujourd’hui, seuls 150 REDS auraient été nommés et deux tiers seulement des INSPé compteraient un REDS.

Vos rapporteurs appellent à rendre effective la nomination d’un référent enseignement de défense et de sécurité dans chaque établissement d’enseignement supérieur et de recherche.

3.   Au ministère des armées (MINARM)

Deux chaînes sont impliquées dans le soutien à l’éducation à la défense.

a.   La chaîne SGA

La première chaîne relève du secrétariat général pour l’administration (SGA). La direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) et la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) y jouent un rôle essentiel.

La DSNJ pilote la politique jeunesse du MINARM. Cette division fait vivre au quotidien le lien armées – jeunesse, en déclinant le plan « Ambition armées-jeunesse 2022 ». La DSNJ est organisée en 33 centres du service national et de la jeunesse (CSNJ). En sus de la mise en œuvre des JDC sur le territoire national, la DSNJ anime et coordonne la participation du ministère aux différents dispositifs d’éducation à la défense que sont les classes de défense et de sécurité globales (CDSG), les cadets de la défense, les stages, les services civiques, les périodes militaires d’initiation et de perfectionnement, le dispositif « Aux sports jeunes citoyens ! », les journées défense et mémoire (JDM) relevant du service national universel, ainsi que la commission armées-jeunesse et les comités régionaux armées-jeunesse.

La DMCA est quant à elle en charge du soutien à l’enseignement de défense au sein du ministère. À ce stade, elle co-anime au niveau national le réseau des trinômes académiques (co-organisation du séminaire annuel, contribution à la feuille de route annuelle, financement des actions via la commission pour l’enseignement de défense – CPEDEF). La DMCA intervient également dans l’enseignement supérieur grâce au financement de travaux de recherche et de thèses en histoire militaire.

Au sein de la DCMA, le bureau de l’action pédagogique et de l’information mémorielle (BAPIM) travaille en étroite coopération avec la DGESCO. La DMCA déploie son soutien à l’éducation à la défense au travers de quatre leviers :

tout d’abord, un levier financier : la DMCA subventionne les projets pédagogiques des écoles et établissements scolaires portant sur l’enseignement de défense. Elle finance également le réseau national des trinômes académiques. Enfin, elle soutient les projets locaux portés par des associations et des collectivités territoriales, dont l’objectif est de sensibiliser la jeunesse aux enjeux mémoriels ;

via la mise à disposition de ressources pédagogiques : la DMCA propose au cours de chaque année scolaire trois appels à projets pédagogiques. En lien avec la programmation mémorielle du ministère, ces appels à projets sont conçus pour s’intégrer aux programmes scolaires. En outre, la DMCA conçoit et diffuse des ressources pédagogiques nationales d’enseignement de défense sur le site internet « Chemins de mémoire » et notamment sur la plateforme d’enseignement de défense « Educ@def » pilotée par la DMCA et placée sous le contrôle scientifique de l’inspection générale de l’Éducation nationale. Elle publie également la revue « Les chemins de la mémoire », diffusée gratuitement auprès de 50 000 écoles et établissements scolaires, mais aussi auprès du grand public en version numérique ;

via un levier de rayonnement événementiel ; l’opération « Héritiers de mémoire » menée par la DMCA permet de mettre en lumière des projets remarquables d’enseignement de défense. Par ailleurs, la participation annuelle de la DMCA aux « Rendez-vous de l’histoire de Blois » contribue à la valorisation de cet enseignement de défense. La journée annuelle des trinômes académiques, conçue et pilotée par la DMCA, permet une mise en lumière de l’action des trinômes en réunissant l’ensemble des membres des 33 trinômes d’hexagone et des Outre-mer ;

via un volet international ; la DMCA a élargi son action avec la signature d’une convention de partenariat avec l’agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE) afin de promouvoir les actions pédagogiques conduites dans les lycées français à l’étranger. Sur les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, de nombreuses actions de mémoire partagée ont ainsi été lancées avec les missions défense et les lycées français à l’étranger (Corée, Italie, Inde, États-Unis, Turquie, Arménie, Afrique du Sud).

b.   La chaîne état-major des armées (EMA)

i.   Les DMD au sein des trinômes académiques

La seconde chaîne relève de l’état-major des armées et notamment de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD). L’OTIAD est une chaîne purement opérationnelle qui traduit le cadre dans lequel s'organise la coordination des moyens civils et militaires de défense du territoire. Dans chaque zone de défense et de sécurité, un officier général, placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées, exerce les responsabilités de conseiller militaire du préfet de zone. Dans chaque département, un délégué militaire départemental (DMD) représente l'officier général de zone de défense. Il est le conseiller militaire du préfet de département.

Dans chaque département, les DMD constituent l’un des trois visages du trinôme académique. Les DMD sont parfois les seuls relais du MINARM dans les départements, puisque les CSNJ ne sont pas présents dans chaque département, certains CSNJ ayant dans leur périmètre jusqu’à 6 départements. La DMCA n’a pas de son côté de relais territoriaux. Le MINARM est donc présent en ordre relativement dispersé dans les territoires, ce qui peut nuire à la lisibilité et à la cohérence de la politique d’éducation à la défense.

En outre, vos rapporteurs souhaitent souligner l’inégale implication des DMD au profit de l’éducation à la défense selon les territoires. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer.

Tout d’abord, la culture militaire initiale de certains DMD ne correspond pas nécessairement à la culture militaire représentée dans son département d’affectation. Ainsi, on peut supposer qu’un DMD issu de l’armée de terre sera moins à l’aise dans un département où les seules unités militaires encore présentes sont des unités marines. Et cela d’autant plus si le DMD n’a pas souvent évolué au cours de sa carrière dans un environnement interarmées.

Surtout, vos rapporteurs déplorent l’absence de budget en propre confié aux trinômes académiques afin de conduire des actions pédagogiques relevant de l’éducation à la défense. Les trinômes sont contraints de chercher des financements externes, sachant que certains financements sont exclusifs les uns les autres ; ainsi, il a été reporté aux rapporteurs qu’un financement croisé de l’ONAC-VG et de la DMCA était impossible.

Dans la continuité de cette dernière remarque, les rapporteurs entendent alerter sur le fait que les DMD disposent d’une enveloppe annuelle pour frais de représentation réduite (aux environs de 700 €), alors que ces derniers doivent de facto mener des actions de rayonnement au profit du ministère des armées en tant que partie prenante des trinômes académiques.

En outre, les DMD sont généralement assistés d’une équipe aux effectifs restreints : dans le Calvados, le DMD est par exemple appuyé par seulement deux militaires. Enfin, certains DMD n’ont encore que trop peu d’intérêt personnel pour les questions d’éducation à la défense. Par ailleurs, dans des départements accueillant de nombreuses unités militaires, des DMD « multi-casquettes » disposent souvent de peu de temps à consacrer aux trinômes académiques. A contrario, les DMD affectés dans des « déserts militaires » sont souvent très actifs et inventifs pour animer les trinômes académiques. Ainsi, selon le général Barbry, chef de la division de la cohésion nationale à l’EMA et ancien DMD du Puy-de-Dôme : « Il est possible d’imaginer que le dynamisme des trinômes dépende du nombre d’unités militaires ou de la présence ou non de hauts lieux de la mémoire qui servent souvent de base à des projets d’éducation à la défense. Mais des exemples comme la Mayenne ou les Côtes d’Armor, qui possèdent de nombreuses classes de défense prouvent qu’il s’agit bien d’une question de pilotage et d’implication des acteurs du trinôme. Nous sommes engagés aux côtés de la DMCA pour accroître la qualité des ressources et des informations à destination des états-majors de zone de défense. »

Vos rapporteurs estiment nécessaire de mieux reconnaître et valoriser les délégués militaires départementaux fortement engagés en faveur de l’éducation à la défense au sein des trinômes. De manière générale, ils soulignent que les acteurs engagés pour l’éducation à la défense éprouvent souvent un manque de reconnaissance qu’il conviendrait de pallier. Vos rapporteurs reviendront ultérieurement sur ce point à propos des enseignants.

ii.   La division de la cohésion nationale au sein de l’EMA

Créée à l’été 2023, la nouvelle division « cohésion nationale » de l’état-major des armées exerce les attributions du chef d’état-major des armées dans le domaine de la réserve militaire et coordonne également les politiques relatives à la jeunesse et au service national universel, ainsi que les relations avec les entreprises et l’Éducation nationale. La division participe à la conception, à la coordination et au pilotage de la politique jeunesse de l'EMA. Elle emploie 13 personnels d’active et civil de la défense, essentiellement affectés au sein du bureau réserve. Concernant les sujets jeunesse, la division cohésion nationale a vocation à travailler en interministériel, en ministériel et avec la chaîne OTIAD.

En interministériel tout d’abord, la division aura comme principal interlocuteur le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ), afin de veiller à l’application du protocole interministériel du 20 mai 2016. Elle travaillera également de concert avec le ministère de la justice, dans le cadre du protocole armées – justice du 27 juillet 2021 en faveur de l’insertion des mineurs et jeunes majeurs en conflit avec la loi.

Au sein du ministère, la DCN doit décliner la politique interarmées relative à la jeunesse et assurer sa mise en œuvre et son pilotage.

Pour cela, elle oriente et coordonne les travaux menés par les états-majors d’armées, directions, services (ADS). La DCN pilote pour l’EMA le projet SNU, en coordination avec les armées directions et services, les zones de défense et de sécurité, la DSNJ et la DGSNU. La DCN appuie également la DSNJ dans son pilotage des JDC ainsi que sa déclinaison du partenariat armées-justice. Elle appuie également la DMCA pour la promotion de l’enseignement de défense.

Enfin et surtout, la DCN est donneuse d’ordres à destination de la chaîne OTIAD, pour l’application des directives nationales relatives aux actions de rayonnement et de l’enseignement de défense, en lien avec les acteurs impliqués dans les différents secteurs de la politique jeunesse ministérielle. Conformément aux prérogatives de l’EMA, la division cohésion nationale oriente et coordonne les travaux menés par les états-majors d’armées. Pour cela, elle entretient des relations très étroites avec les interlocuteurs jeunesse des trois armées afin d’informer et de fixer des objectifs en matière de politique jeunesse. D’après le général Barbry : « La division cohésion nationale assure la cohérence d’ensemble en respectant le principe de subsidiarité et de co-construction. Nous sommes le point de convergence des interlocuteurs des trois armées. Nous collectons et synthétisons les indicateurs en provenance des trois armées. Nous assurons également la remontée de ses informations en dehors de l’EMA, vers la DNSJ notamment. »

Si vos rapporteurs saluent l’effort de l’EMA de mieux coordonner les travaux menés par les états-majors d’armées concernant la politique de jeunesse, ils n’en formulent pas moins quelques points d’attention majeurs. Tout d’abord, il importe que la division de la cohésion nationale de l’EMA ne soit pas uniquement orientée vers la mise en œuvre de l’objectif de doublement des réserves, mais fasse également porter ses efforts de coordination sur les dispositifs d’éducation à la défense. En outre, il importe qu’elle trouve sa voie, sans doute étroite, entre les acteurs de la chaîne SGA (DSNJ et DMCA) tout en coordonnant davantage la chaîne OTIAD ainsi que les interlocuteurs jeunesse des trois armées.

c.   Les acteurs jeunesse de chaque armée

Chaque armée met en œuvre sa déclinaison territoriale du plan « ambition armées-jeunesse » tout ayant son propre organigramme qui n’est pas nécessairement harmonisé avec les autres armées.

Ainsi, presque toutes les armées arment un poste de délégué à la jeunesse, plus ou moins bien identifié, qui exerce souvent la fonction parallèle de sous-directeur du recrutement. Au sein de chaque armée, les organes chargés du rayonnement (CESA pour l’AAE ainsi que le CESM pour la Marine nationale) peuvent également intervenir dans l’écosystème de l’éducation à la défense, en proposant par exemple des partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur.

Au sein de la Marine nationale, la fonction de délégué à la jeunesse est actuellement exercée par un capitaine de vaisseau réserviste au sein de la division de la cohésion nationale de la Marine. Il semble important aux yeux de vos rapporteurs de confier cette fonction à un officier supérieur d’active afin d’acter la montée en puissance de la participation des armées aux dispositifs d’éducation à la défense.

Dans l’armée de terre, le sous-directeur du pôle recrutement à la direction des ressources humaines exerce les fonctions de délégué à la jeunesse au sein de cette armée. À la direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), le sous-directeur recrutement exerce également les fonctions de sous-directeur réserves et jeunesse.

Vos rapporteurs estiment que cette confusion des casquettes peut s’avérer préjudiciable aux armées dans la mesure où elle pourrait être interprétée aux yeux d’un certain nombre d’acteurs extérieurs comme une collusion intentionnelle entre recrutement et politique de jeunesse. Or, il est impératif de rappeler que les politiques d’éducation à la défense nationale que soutiennent les armées ne s’inscrivent pas dans un objectif de recrutement. La légitimité de ces politiques auprès du grand public dépendra également de la capacité des armées à communiquer de manière claire sur leurs objectifs.

Dans un objectif de rationalisation des structures, vos rapporteurs saluent la création au sein de la Marine nationale d’un pôle « Cohésion nationale - Marine » le 1er septembre 2023. Le pôle cohésion nationale de la Marine se positionne en « miroir » de la division cohésion nationale de l’EMA. Ce pôle est composé essentiellement d’une dizaine d’ETP, essentiellement des réservistes (83 %), qui pilotent l’organisation du doublement de la réserve, les dispositifs jeunesse, le lien avec les entreprises ainsi qu’avec le monde maritime. À l’instar du constat précédemment effectué au sujet de la division cohésion nationale de l’EMA, vos rapporteurs souhaitent alerter sur la nécessité de ne pas flécher l’ensemble des ressources de la division cohésion nationale de la Marine nationale vers l’unique objectif de doublement des réservistes. Le bureau jeunesse doit également monter en puissance et ne saurait être sacrifié sur l’autel de la réserve, les deux politiques étant complémentaires mais non concurrentes.

Les bonnes pratiques, idées et initiatives sont régulièrement échangées entre la DSNJ et les interlocuteurs jeunesse des trois armées à l’occasion des rendez-vous institutionnels réguliers (COPIL jeunesse, CODIR JDC) organisés par la DSNJ. Toutefois, la multiplication des acteurs de l’éducation à la défense au sein du seul ministère des armées interpelle. Le défi que devra relever la division de la cohésion nationale de l’EMA en tentant de coordonner les politiques d’éducation à la défense de chaque armée est donc majeur.

d.   L’Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG)

Le département mémoire et citoyenneté de l’ONaCVG met en œuvre la politique mémorielle du ministère des armées. L’ONaCVG est sous la tutelle administrative de la DMCA. En tant qu’opérateur mémoriel du MINARM, l’ONaCVG est un acteur important de l’éducation à la défense, notamment dans les territoires. Le maillage territorial de l’office est en effet avant tout départemental. Les directeurs départementaux de l’office sont chargés des actions mémorielles de niveau départemental ou infra-départemental.

Au sein de l’office, une vingtaine de référents régionaux mémoire (un ou deux par région en moyenne) sont chargés de la mise en œuvre des grands programmes nationaux de l’office ainsi que des actions d’ampleur nationale ou régionale. D’après la direction de l’ONaCVG, les contacts directs entre personnels territoriaux de l’office et les trinômes sont inégaux et dépendent beaucoup de l’activité des trinômes. Un tiers des référents régionaux mémoire seraient conviés régulièrement aux évènements des trinômes.

En revanche, l’ONaCVG a affirmé à vos rapporteurs que les contacts avec les différentes composantes des trinômes académiques « étaient par contre plus réguliers voire denses, notamment les académies mais également les délégués militaires départementaux via nos directeurs de services départementaux ainsi que les jeunes IHEDN qui sont parfois agents de l’office. Une grande partie des 1200 actions mémorielles menées chaque année par l’Office le sont avec les trinômes ou leurs composantes. Nous sommes donc largement sollicités dans ce cadre. Ainsi nos interventions et formations devant les enseignants des classes de défense se font avec les trinômes académiques, comme de nombreuses activités avec les élèves des classes en question, tout comme les rallyes citoyens (…) ».

Toutefois, l’ONaCVG a fait remarquer à vos rapporteurs que la communauté enseignante continuait d’avoir une connaissance trop inégale du rôle de l’ONaCVG, bien que les enseignants soient de plus en plus nombreux à recourir aux services départementaux de l’office pour des projets pédagogiques liés à la mémoire : « Notre présence sur Educscol, Éducadef et ADAGE est fondamentale, mais le contact humain et la présence sur les territoires restent primordiales. »

Il convient donc à la fois de renforcer autant que possible les contacts directs entre trinômes académiques et services territoriaux de l’ONaCVG, mais aussi d’amplifier la présence de ces services aux plans nationaux et académiques de formations des enseignants, afin d’accroître la visibilité de l’ONaCVG dans la communauté enseignante.

4.   Au ministère de l’intérieur et des Outre-mer (MIOM)

Les directions générales de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale ainsi que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sont également fortement impliquées dans des actions d’éducation à la défense. Il convient toutefois de noter que le MIOM n’est pas représenté au sein des trinômes académiques, alors même que dans de nombreux déserts militaires, les forces de sécurité intérieure ou de la sécurité civile sont les seules unités marraines disponibles pour les CDSG. Toutefois, comme il l’a été précédemment souligné, des représentants de la Gendarmerie nationale peuvent compléter le trinôme au sein d’un « polynôme académique ». Vos rapporteurs n’ont toutefois pas eu connaissance d’association des représentants de la Police nationale ou de la sécurité civile dans le cadre d’un polynôme académique.

5.   Les services du Premier Ministre

Plusieurs services du Premier Ministre sont également acteurs de l’éducation à la défense, parmi lesquels l’IHEDN et le SGDSN. Vos rapporteurs reviendront ultérieurement sur leur rôle dans cette éducation.

6.   Le monde associatif

Plusieurs acteurs associatifs contribuent à l’éducation à la défense. Les associations régionales des auditeurs de l’IHEDN, regroupées sous la bannière de l’Union IHEDN, sont l’une des trois composantes des trinômes académiques. Il a été reporté à vos rapporteurs une implication variable des représentants des associations d’auditeurs au sein de ces trinômes. Cet engagement inégal résulte probablement de leur statut de bénévole. En outre, malgré une coordination pas toujours évidente entre l’Union-IHEDN et l’IHEDN, le rattachement de la chaîne IHEDN aux services du Premier ministre rajoute un élément supplémentaire de complexité à cet écosystème déjà foisonnant.

Par ailleurs, plusieurs acteurs comme la fédération nationale André Maginot (FNAM), l’union des blessés de la face et de la tête (UBFT) ainsi que le fonds de dotation du Bleuet de France jouent un rôle de premier plan dans l’éducation à la Défense.

La fédération nationale André Maginot (FNAM) est l’ainée des associations combattantes. Née en 1888 et reconnue d’utilité publique en 1933, elle dénombre 180 000 adhérents environ. La FNAM oriente son action autour de deux missions principales et existentielles :

– La solidarité : il s’agit d’aider financièrement les combattants et leurs ayants droit qui se trouvent en difficulté ;

la transmission de la mémoire et de l’esprit de défense, qui est le premier budget de la FNAM depuis 2024 (650 000 € par an) et incombe en son sein à la commission de la mémoire et de la jeunesse. Par le biais de partenariats ambitieux et institutionnels, la FNAM soutient plusieurs centaines d’établissements scolaires pour réaliser des voyages mémoriels.

Fondée en 1921, l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT), plus connue sous son nom de « Gueules cassées », est également une association reconnue d’utilité publique. Aujourd’hui, l’UBFT est une association de blessés en service qui rassemble des adhérents venus de tous les corps qui accomplissent les missions de l’État. L’UBFT soutient également le « travail de mémoire visant à perpétuer le souvenir de celles et ceux qui se sont sacrifiés pour la France et à promouvoir l’esprit de défense parmi les jeunes générations de notre pays, en union étroite avec l’Éducation nationale, dans le cadre d’un esprit de civisme renouvelé. »

Si la FNAM et l’UBFT sont identifiés comme partenaires du trinôme académique, presque aucun administrateur ne siège au sein du comité de pilotage national ni des comités de pilotage académiques, à l’exception de l’académie de Paris. Vos rapporteurs estiment que les trinômes académiques doivent intégrer le plus possible à leurs travaux le monde combattant, très présent lors de cérémonies auxquelles participent les CDSG et les élèves des rallyes citoyens. La FNAM et l’UBFT disposent de délégués dans chaque région du territoire hexagonal. Si leurs actions de soutien à l’éducation à la défense nationale sont de mieux en mieux connues au sein des académies, il n’en demeure pas moins que la FNAM et l’UBFT ont le sentiment « de demeurer pour la grande majorité des établissements scolaires, inconnus ». Vos rapporteurs estiment par conséquent nécessaire de mieux faire connaître l’action des deux associations au sein des rectorats, par exemple via la diffusion d’une lettre d’information à chaque recteur concernant les missions pédagogiques de la FNAM et de l’UBFT ou en les associant aux plans nationaux et académiques de formation des enseignants.

À cet égard, vos rapporteurs saluent l’obtention par la FNAM le 15 février 2022 de l’agrément national du MENJ. Il serait opportun que l’UBFT obtienne également cet agrément afin de mieux faire connaître son action au sein des rectorats.

Enfin, environ un tiers des dons collectés par le fonds de dotation du Bleuet de France finance des actions d’éducation à la défense auprès de publics scolaires. Cela représente actuellement plus de 300 000 €, une enveloppe qui devrait encore croître dans les prochaines années.

En conclusion, une multitude d’acteurs mettent en œuvre aujourd’hui l’éducation à la défense. Un des défis majeurs de cet écosystème éclaté demeure la bonne coordination et communication entre acteurs relevant de chaînes hiérarchiques et ministérielles différentes. Afin de dynamiser la communauté de l’éducation à la défense, le délégué pour l’éducation à la défense a mis en place une politique de communication proactive sur les réseaux sociaux. Le délégué anime aujourd’hui une communauté virtuelle de 9 300 abonnés dont les trois quarts relèvent de l’Éducation nationale ou de l’enseignement supérieur.

La cartographie ci-après illustre le mille-feuilles d’acteurs participant à l’éducation à la défense nationale :

Afin de rationaliser et fluidifier l’écosystème d’acteurs de l’éducation à la défense, vos rapporteurs présentent d’ores et déjà quelques premières orientations concernant l’éducation à la défense :

renforcer les équipes du délégué pour l’éducation à la défense afin de soutenir le « passage à l’échelle » de l’éducation à la défense ;

transformer le bureau de l'action pédagogique et de l’information mémorielles (BAPIM) à la DMCA, qui soutient l’éducation à la défense pour le MINARM, en une sous-direction aux effectifs étoffés afin d’organiser le passage à l’échelle de l’éducation à la défense ;

doter les trinômes académiques d’un budget en propre afin d’augmenter leur potentiel d’action en autonomie ;

accroître les frais de représentation des DMD afin de leur donner de réels moyens pour rayonner dans le cadre des trinômes académiques ;

associer systématiquement l’ONaCVG et les associations du monde combattant très actives dans le champ de l’éducation à la défense aux instances de gouvernance nationales et académiques de l’éducation à la défense ainsi qu’aux plans nationaux et académiques de formation des enseignants ;

– au sein de chaque armée, identifier clairement un délégué à la jeunesse responsable des actions d’éducation à la défense. Découpler ses fonctions de celle de chargé(e) de recrutement.

C.   Un renforcement récent du pilotage national, des moyens ainsi que du périmètre de l’enseignement de défense

1.   Un renforcement récent du pilotage national

Le pilotage national de l’enseignement de défense s’est récemment renforcé.

– Chaque année, une feuille de route des trinômes académiques est élaborée par la DMCA en lien avec la DGESCO et l’Union-IHEDN. Cette feuille de route priorise les actions à mener par les trinômes. Elle est adressée à l’ensemble des recteurs et des membres des trinômes ;

– Depuis septembre 2023, la DMCA a élaboré une stratégie pour l’enseignement de défense sous l’autorité du cabinet de la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire. Le contexte géopolitique ainsi que l’intérêt renouvelé de la communauté éducative les enjeux de défense ont incité la DMCA à élargir le périmètre de l’enseignement de défense qui ne doit en aucun cas se limiter à la seule dimension mémorielle.

Trois séminaires annuels permettent d’inscrire durablement l’éducation à la défense et l’enseignement de la défense nationale dans le paysage académique : le séminaire annuel des trinômes académiques, le séminaire annuel des référents enseignement de défense et de sécurité (REDS) des établissements d’enseignement supérieur ainsi que le séminaire de formation des formateurs de l’enseignement à la défense organisé conjointement entre le réseau des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPé) et le MINARM.

2.   De nouveaux moyens financiers

Le projet de loi de finances pour l’année 2022 a ouvert une nouvelle ligne budgétaire sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » initialement dotée de 750k€ et visant à financer des dispositifs d’éducation à la défense.

En outre, l’implication croissante de certaines associations et fédérations d’anciens combattants et/ou de blessés dans les projets pédagogiques d’éducation à la défense nationale a rendu possible la création en mai 2023 d’une nouvelle commission de subvention pour soutenir les projets pédagogiques exceptionnels. Cette commissaire paritaire a permis de soutenir 22 projets d’éducation à la défense en 2023, pour un montant de 150 k€.

3.   Un élargissement du périmètre de l’éducation à la Défense

Le protocole précité Éducation-Défense de 2016 a été complété par deux conventions de partenariat avec la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture (DGER) en 2021 et avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2020, renforcent les actions d’enseignement de défense conduites par l’ensemble des ministères impliqués. En outre, les lycées professionnels maritimes seront bientôt associés par une prochaine convention de partenariat signée avec le ministère chargé de la mer. Un protocole spécifique de promotion du monde maritime a été signé entre le ministère de la mer et le MENJ en 2022. Ainsi, les écoles, les établissements scolaires généraux et professionnels, les lycées agricoles et les lycées français à l’étranger relèvent tous désormais de l’éducation à la défense.

Vos rapporteurs souhaitent tout particulièrement que l’élargissement du périmètre de l’enseignement de défense soit orienté vers l’enseignement professionnel et l’enseignement agricole. L’enseignement de défense fut trop longtemps une prérogative de la voie générale et technologique. Dans certaines académies, un représentant de l’enseignement agricole est intégré aux trinômes dans le cadre d’un « polynôme académique », ce que vos rapporteurs saluent.

Afin d’organiser le passage à l’échelle de l’enseignement de défense, ce dernier doit être encore renforcé dans l’enseignement professionnel. D’après Tristan Lecocq, un tiers des chefs-d’œuvre ([18])  réalisés par les élèves de l’enseignement professionnel est en relation avec la défense. L’enseignement professionnel est particulièrement compatible avec l’enseignement de défense et donne lieu à des projets pédagogiques majeurs.

Dans l’objectif de renforcer la diffusion de l’enseignement de défense dans la voie professionnelle, vos rapporteurs recommandent de renforcer la présence des inspecteurs de l’Éducation nationale enseignement technique / enseignement général (IEN-ET/EG) comme représentants du recteur au sein des trinômes académiques. Les IEN-ET/EG sont l’équivalent des inspecteurs d'académie- inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) pour la voie professionnelle.

4.   De nouvelles ressources pour l’enseignement de la défense nationale

Le contexte géopolitique a entraîné dans la communauté éducative un besoin croissant de ressources pédagogiques relatives à l’enseignement de la défense nationale.

Dans ce contexte, la DMCA a demandé aux armées, directions et services du ministère d’élaborer plusieurs dossiers pédagogiques. Les nouvelles ressources pédagogiques ont été rendues disponibles en novembre 2023 sur le site « Chemins de mémoire » sur laquelle la plateforme Educ@def est hébergée. Ces ressources sont constituées de fiches synthétiques et actualisées. Plusieurs études de cas illustrent utilement ces dossiers. Par ailleurs, le site « Chemins de mémoire » propose également un lien vers un livret pédagogique et académique Enseigner la défense, conçu par l’IGESR et visant à accompagner les élèves et les enseignants. Sur ce même lien, de nombreuses vidéos, films et webséries sont également disponibles pour comprendre les grands enjeux de la défense nationale et les enseigner en images. Ces ressources pédagogiques à destination des enseignants sont complétées par un certain nombre de ressources et documentaires disponibles sur la chaine YouTube du SGA.

La plateforme Educ@def du MINARM est interfacée avec la plateforme EDUSCOL du MENJ qui vise à accompagner l’ensemble des professionnels de l’éducation. Une page spécifique de la plateforme EDUSCOL renvoie vers Educ@def ainsi que vers l’ensemble des ressources pédagogiques produites par les délégués au rayonnement de chaque armée. Cette centralisation effectuée par le MENJ est précieuse alors qu’il existe un grand nombre de ressources pédagogiques différentes au sein même du MINARM, au-delà de la seule plateforme Educ@def. Toutefois, vos rapporteurs regrettent que le lien vers la plateforme Educ@def ne soit pas disponible dès la page d’accueil du site EDUSCOL, et notamment dans la rubrique « site de formation et thématiques » afin de lui donner davantage de visibilité et faciliter la recherche de ressources pour les professeurs intéressés.

Ces ressources sont de plus en plus utilisées. Le site « Chemins de mémoire » recueille une moyenne de 140 000 visites mensuelles. Les pages d’éducation à la défense de la plateforme EDUSCOL avaient été consultées 4 811 fois en 2019-2020, contre 19 458 fois en 2021-2022 et 21 356 fois en 2022-2023. Vos rapporteurs saluent ce travail substantiel qui permet aux enseignants de disposer d’outils de qualité dans l’exercice de leur liberté pédagogique en matière d’enseignement de défense.

Afin de favoriser la mise en œuvre de l’enseignement de défense dans les « derniers kilomètres », ils invitent les DMD à transmettre les liens de ces ressources pédagogiques aux correspondants défense[19] de chaque commune du département.

D.   Les nombreux dispositifs d’Éducation À la dÉfense sont ÉclatÉs, souvent mÉconnus et bÉnÉficient À trop peu de jeunes citoyens

1.   Un enseignement de défense qui reste encore trop peu dispensé malgré sa récente montée en puissance

L’enseignement de la défense nationale ne constitue pas une discipline à part entière.

Le site internet de l’Éducation nationale indique que « les programmes des cycles 2 et 3 (CP-6ème) apportent des repères qui permettent à l'élève de mieux se situer dans notre époque et notre pays par l’apprentissage des valeurs, les principes et les symboles de la République française

Le même site énonce que « les programmes du cycle 4 (5ème-3ème) conduisent l’élève à s’interroger sur les enjeux divers de la défense et de la sécurité. En enseignement moral et civique (EMC) sont enseignés les savoirs indispensables à la compréhension du sens de la citoyenneté, de la place de l'individu dans la société et du devoir de défense. Il s’agit de reconnaître les grandes caractéristiques d’un État démocratique (…) et de l’État de droit. Les élèves sont sensibilisés au rôle de garant de la cohésion sociale qui revient à l’État ainsi que le lien existant entre la défense de la République et la défense nationale. Les élèves acquièrent des connaissances sur la défense et la sécurité nationale, les enjeux et le cadrage des engagements militaires européens et internationaux de la France. Enfin, ils étudient les différentes modalités d’engagement (…). En 4ème les enjeux géopolitiques sont posés avec l’étude de la mondialisation, des migrations, et des mers et océans comme espaces emblématiques de ces enjeux. Ils sont complétés en 3ème avec l’étude des territoires ultramarins français qui posent la question de la place et de l’influence culturelle, géopolitique, économique de la France et de l’Europe dans le mondeEn histoire, les élèves étudient l’évolution du monde entre le VIème siècle et le XXIème siècle, c’est-à-dire la progressive élaboration du monde contemporain à travers ses conflits mais aussi la recherche d’un bien commun, posant les fondements du raisonnement géopolitique et stratégique (…). Les notions de citoyenneté, de Nation, de démocratie sont approfondies avec la Révolution française (…). En 3ème, les jeux de puissances et le raisonnement géostratégique prennent une nouvelle dimension avec l’étude des deux guerres mondiales, des indépendances et de la construction de nouveaux États, du monde bipolaire au temps de la guerre froide, du projet européen ou des nouveaux enjeux et conflictualités dans le monde après 1989. »

Dans les faits, la défense nationale est principalement enseignée dans le cadre de l’EMC à compter de la classe de 3ème ainsi qu’en classe d’histoire-géographie. Les enseignants d’HG sont par ailleurs fréquemment chargés de l’enseignement de l’EMC. En histoire-géographie, cet enseignement est implicite. Il repose sur un choix pédagogique de l’enseignant de traiter des questions de défense concernant un point précis du chapitre.

Alors que l’EMC apparaît comme le principal vecteur d’enseignement de l’enseignement de la défense, le volume horaire d’enseignement à la défense dispensé dans ce cadre est très limité. En classe de 3ème, au vu de la densité du programme d’EMC, seulement 2 à 3 heures annuelles d’enseignement de défense seraient dispensées. En seconde générale et technologique, le programme d’EMC propose des choix. Ainsi, un professeur peut n’accorder aucune heure aux thématiques de défense ; à l’inverse, s’il choisit de traiter spécifiquement les entrées défense, il peut leur accorder au maximum 9h par an. En terminale générale et technologique, la situation serait la même qu’en seconde.

Il convient néanmoins de remarquer que la nouvelle spécialité du baccalauréat général « Histoire-géographie, géopolitique, sciences politiques » (HGGSP) proposée en première et pouvant être poursuivie en terminale propose de nombreux thèmes en lien avec l’enseignement de défense. Ainsi, en première, sont proposés un thème 2 « analyser les dynamiques des puissances internationales » et un thème 3 « étudier les divisions politiques du monde : les frontières ». En classe de terminale, le thème 1 « de nouveaux espaces de conquête », le thème 2 « faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolutions » ainsi que le thème 6 sur « l’enjeu de la connaissance » (à travers les objets d’études sur le renseignement et le cyberespace) se prêtent tout particulièrement à l’enseignement de défense.

En CAP, le programme d’EMC représente 27,5 heures sur deux ans. Le second thème du premier objet d’étude intitulé « La protection des libertés : défense et sécurité » représenterait au maximum 4 à 5 heures d’enseignement. En première professionnelle, le thème 2 représente un volume horaire annuel maximum de 7 heures.

Un rapport relatif à la journée défense et citoyenneté publié en mars 2016 par la Cour des comptes ([20]) énonçait : « D’après une enquête menée par la DSNJ en 2012 sur un échantillon de 1 500 jeunes, seuls 60 % d’entre eux déclarent avoir reçu un enseignement de défense, pour la majorité en classe de troisième. » Certes, le constat mené par la DSNJ en 2012 commence à dater. Pour autant, malgré le volontarisme récent concernant l’enseignement de défense, vos rapporteurs font le constat similaire d’un enseignement trop peu dispensé. En outre, face à l’absence de statistiques actualisées sur l’enseignement de défense, il est difficile de mesurer précisément sa diffusion et son impact.

Une des explications à la faible diffusion de cet enseignement semble résider dans la difficulté chronique des enseignants d’histoire-géographie à boucler leur programme, en raison d’une densité toujours plus forte des programmes. Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont souvent entendu que l’EMC servait régulièrement de variable d’ajustement aux enseignants en peine de terminer le programme.

Un constat résumé par la FAGE lors de son audition : « Alors que l’EMC pourrait ainsi être un réel vecteur de citoyenneté dès le plus jeune âge, son importance est souvent négligée. Enseignement régulièrement délivré par les professeurs d’histoire-géographie au collège et au lycée, l’EMC est souvent délaissée au profit du rattrapage du retard dans ces matières. De plus, l’EMC manque de moyens pour répondre réellement aux objectifs fixés, malgré un programme intéressant sur le papier, celui-ci est irréalisable avec les moyens actuels et trop théorique. » En théorie, trente minutes doivent être consacrées chaque semaine à l’EMC. Dans les faits, ces trente minutes hebdomadaires « passent souvent à la trappe » pour reprendre une expression utilisée par la FAGE, tandis qu’une majorité d’étudiants n’ont bien souvent « aucun souvenir de projets pédagogiques en lien avec la défense et la mémoire ».

Le directeur de la DMCA a indiqué qu’une enquête nationale devrait être lancée prochainement auprès de l’ensemble des établissements scolaires afin de recenser les actions pédagogiques d’enseignement de défense menées au sein des établissements scolaires. Si vos rapporteurs saluent cette initiative, ils interpellent également la DGESCO et la DMCA sur la nécessité de disposer d’un suivi exhaustif sur la mise en œuvre effective de l’enseignement de défense, suivi qui ne semble pas exister pour le moment.

2.   De nombreux dispositifs souvent méconnus

Au-delà du seul enseignement de défense de nombreux dispositifs d’éducation à la défense sont conduits sur le temps scolaire ou hors temps scolaire. Ces dispositifs sont autant d’outils permettant de sensibiliser la jeunesse aux enjeux de la défense nationale.

a.   Les dispositifs conduits sur le temps scolaire

i.   Les classes de défense et de sécurité globale (CDSG)

Créées en 2005 et intégrées au protocole interministériel de 2016, les CDSG constituent un dispositif partenarial relativement souple et innovant. Ces classes sont « construites à l’initiative d’une équipe pédagogique, autour d’un projet interdisciplinaire d’éducation à la défense s’ancrant dans les programmes scolaires, pouvant contenir un volet mémoriel, qui se voit concrétisé grâce à un partenariat avec une unité relevant des forces de défense et de sécurité. Les moments d’échanges entre les élèves et les personnels des corps en uniformes en constituent les temps forts. » ([21]). Les CDSG concernent autant l’enseignement général et technologique que l’enseignement professionnel.

L'unité marraine peut être une unité militaire (régiment de l'armée de terre, base aérienne ou navale, unité de soutien, unité de gendarmerie), un musée relevant de la sphère défense et sécurité, un acteur de la sécurité (forces de sécurité intérieure, pompiers, sécurité civile, douanes etc) et la liste n’est pas exhaustive. Les CDSG constituent une priorité ministérielle ; à court terme, un doublement des CDSG est recherché.

Un protocole a été signé le 16 décembre 2021 entre le MINARM et le MENJ visant à développer « les partenariats dans le cadre du déploiement du dispositif classe de défense » Ce protocole se traduit par une collaboration accrue entre la DSNJ et la DGESCO. Afin de faciliter le déploiement de ce dispositif, la DSNJ et la DGESCO ont publié un vade-mecum des classes de défense et annoncé la création de classes de défense cyber sur lesquelles les rapporteurs reviendront ultérieurement.

Dans ce cadre, le nombre de classes de défense relevant de la sphère MINARM a connu une progression significative passant de 380 classes en 2021 à 780 en 2023. Le directeur de la division de la cohésion nationale de l’EMA a précisé que 250 CDSG avaient été créées en deux ans dans les unités relevant du ministère des armées. Il a été précisé à vos rapporteurs que 72 CDSG étaient marrainées avec des unités relevant de l’AAE, tandis que la Marine nationale marraine 136 classes.

Près de 20 000 jeunes sont concernés par les classes de défense relevant du MINARM. Aujourd’hui, les classes de défense sont présentes dans l’ensemble des départements français. Dans les Outre-mer françaises, les classes de défense connaissent un dynamisme majeur, particulièrement à La Réunion, en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie, dont les territoires comptent chacun plus de 15 classes de défense. Seule la collectivité de St Pierre-et-Miquelon ne disposerait pas de CDSG.

De nombreuses CDSG sont également marrainées par des unités de la Gendarmerie nationale, notamment dans les départements ne comptant plus d’emprise militaire du MINARM. La Gendarmerie nationale a indiqué à vos rapporteurs avoir également doublé son nombre de CDSG en deux ans. Votre rapporteur Christophe Blanchet appelle de ses vœux le développement de marrainages de CDSG par des unités de police municipale.

Le fonctionnement des CDSG est relativement souple, l’enseignant restant totalement maître de son organisation pédagogique. Si 50 % des enseignants référents des CDSG sont des enseignants d’histoire-géographie, les CDSG par nature interdisciplinaires sont fréquemment portées par des enseignants issus d’autres disciplines.

Vos rapporteurs ont notamment auditionné une professeure de musique référente d’une CDSG marrainée par la musique de l’Infanterie de Lille : « Il n’y a pas de volume horaire particulier. La CDSG se déroule pendant les heures de cours. Il s’agit d’une des huit classes de 6ème du collège qui est tirée au sort chaque année. Il n’y a donc pas d’inscription ni de sélection (…) Beaucoup d’activités se déroulent au collège ou hors du collège (visites de musées mémoriels, cérémonie sous l’arc de triomphe, cérémonie à Rethondes, séjour d’intégration en Normandie /plages du débarquement, venue de personnels de la DSNJ afin de présenter des jeux aux élèves, présentation des métiers féminins de l’armée, venue des musiciens de l’Infanterie pour expliquer la cérémonie du 11 novembre, déplacement des élèves à la caserne chez les musiciens, etc). »

La mission d’information s’est déplacée au collège Saint-Louis de Cabourg. Mayeul Macé, professeur d’histoire-géographie référent d’une CDSG a expliqué consacrer deux heures d’enseignement par semaine à la CDSG.

Le dispositif des CDSG se décline aujourd’hui à travers de nombreuses variantes qui reflètent la souplesse de ces partenariats. Si l’évaluation globale de ces classes est positive, ce dispositif connaît néanmoins un certain nombre de limites que vos rapporteurs mettront ci-après en évidence.

­ les classes « option cyber » : Les CDSG « option cyber » doivent être expérimentées entre 2023 et 2024. Une première convention de CDSG « option cyber » a été signée en décembre 2021 par le trinôme académique de La Réunion avec une classe de BTS « services informatiques aux organisations ». Son unité marraine est l’antenne locale de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI). Face à la croissance des menaces « immatérielles » comme le cyber, vos rapporteurs soutiennent le développement de ce type de CDSG. Elles contribueront à diffuser les rudiments d’une culture cyber et d’une bonne « hygiène numérique » parmi les élèves bénéficiaires ;

­ les classes « option Croix-Rouge » : l’« option Croix-Rouge » est l’un des dispositifs d’éducation citoyenne de la Croix-Rouge française permettant d’œuvrer pour la promotion des valeurs humanitaires et de l’engagement civique et solidaire auprès des jeunes. L’option croix rouge résulte d’une convention de partenariat signée en 2011 entre la Croix rouge française et le MENJ ;

­les classes de défense à ancrage « service de santé des armées » (SSA) : Quatre des cinq composantes du SSA peuvent donner lieu à un parrainage entre une unité du SSA et une classe défense : la médecine des forces, les hôpitaux des armées, le ravitaillement sanitaire, l’enseignement et la formation au médical et paramédical. La première classe de défense option SSA est née en 2019 d’un parrainage avec l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin.

­ les classes « enjeux maritimes » : il s’agit d’un dispositif complémentaire à celui des 136 classes de défense « marines » dont la portée peut être limitée par le nombre d’unités de la Marine nationale. Élaboré en partenariat avec le MENJ, la Marine Nationale, les fondations de la Mer et Robert Schuman, la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), la session nationale « enjeux maritimes » de l’IHEDN ainsi que le cluster maritime français, ce projet pédagogique et éducatif interdisciplinaire vise à « faire connaître les enjeux maritimes, susciter des débats et faire prendre conscience aux jeunes qu’ils sont les citoyens d’une grande puissance maritime. » ([22]). Il s’adresse aux classes de 4ème à la seconde dans l’hexagone, dans les Outre-mer ou les lycées français à l’étranger. Le projet de l’école s’appuie sur les professeurs volontaires d’une classe, les programmes officiels restant inchangés. Ces professeurs choisissent les séquences pour lesquelles ils vont faire un focus sur la mer avec des sujets de recherche et de débats, par des interventions de professionnels bénévoles. La DGESCO pilote ce dispositif depuis 2024. On dénombre aujourd’hui 82 « classes enjeux maritimes » bénéficiant à près de 2 000 élèves.

Auditionnée par vos rapporteurs, l’historienne Bénédicte Chéron a souligné la nécessité d’évaluer les dispositifs de CDSG, en s’interrogeant notamment sur leurs finalités : « Les projets de type CDSG peuvent constituer des expériences utiles de découverte de la vie militaire pour des élèves qui les choisissent, à condition que la spécificité militaire soit explicite dans cette fréquentation du milieu militaire : il ne s’agit pas, évidemment, d’apprendre à des jeunes à combattre et de les militariser mais bien de leur faire comprendre la particularité de cet engagement qui dépasse le sport collectif et la cohésion par l’effort physique. Ces dispositifs cependant sont peu évalués : que cherche-t-on à construire ? Avec quels résultats, selon quels critères ? La fréquentation des armées ne se suffit pas à elle-même, ne constitue pas un objectif en soi : la question des effets, des objectifs recherchés mérite d’être systématiquement posée afin d’éviter un mélange des genres militaro-éducatif qui, quand il est porté à grande échelle et avec une volonté étatique, n’a jamais été probant depuis les débuts de la IIIème République (bataillons scolaires, chantiers de jeunesse), ainsi que des pertes d’énergie et de ressources pour les armées et une confusion des registres d’adversité pour la société dans son ensemble. »

Une évaluation du dispositif des CDSG a été confiée par la DSNJ à l’IRSEM. Cette étude publiée en avril 2022 a été présentée à vos rapporteurs par Anne Muxel. Les résultats de cette étude montrent que les « classes de défense contribuent à relever ces défis primordiaux en insistant sur le besoin de cohésion et de solidarité entre générations, en proposant aux jeunes un espace où s’engager et où cultiver les valeurs d’engagement ainsi que les principes républicains. Cela en prenant exemple sur l’action des armées.([23]) »

Anne Muxel a précisé à vos rapporteurs que « plusieurs acquis et points forts du dispositif sont bien établis et assez largement reconnus. La spécificité pédagogique de l’enseignement de défense, par comparaison avec d’autres matières, est l’occasion de mobiliser davantage la mise en activité des élèves. Les temps de rencontres et les sorties sont essentiels pour les élèves et bien plus importants que dans d’autres disciplines (…) Des bénéfices en termes de résultats scolaires et de compétences transversales (comme la motivation, la confiance en soi, la connaissance des parcours, le savoir-être, la culture générale ou l’organisation du travail scolaire, le travail de groupe) sont également identifiés par les professeurs interrogés. La transmission des valeurs propres aux armées contribue à modifier certaines représentations des élèves sur le sens de l’engagement et du dépassement de soi. Les thématiques abordées sensibilisent aussi au respect des principes républicains : vivre-ensemble, tolérance, non-discrimination. Enfin, la sensibilisation aux enjeux de défense et de sécurité est effective et contribue à la valorisation de ces filières par les élèves. »

Lors du déplacement de la mission d’information à Cabourg auprès de la CDSG précitée, le professeur d’histoire-géographie Mayeul Macé a décrit « un projet qui donne du sens aux apprentissages. Lorsqu’ils témoignent devant les élèves dans le cadre des CDSG, les vétérans ont plus de légitimité que moi. Quand un témoin raconte, il met de l’humain, donne une légitimité au message de paix et de fraternité qui va derrière. La guerre, c’est ce qu’il y a de plus affreux. À aucun moment dans la scolarité on n’apprend aux élèves que la violence et les armes sont dangereuses. En CDSG, on le fait, alors que l’EMC et l’histoire-géographie restent très théoriques (…). Je suis pacifiste, mais dans la cour de récréation, c’est toujours le moins costaud qu’on va embêter. L’armée sert justement à montrer les muscles pour porter la paix. Quand on la connaît, on n’a pas envie de la guerre. Les enfants qui vivent beaucoup dans le virtuel et les jeux vidéos oublient que la guerre, ça pue et ça fait mal ». La CDSG du collège a été récemment conviée à présenter son drapeau lors de la cérémonie du ravivage de la flamme sous l’arc de Triomphe. Interrogé sur ce moment particulier, l’un des jeunes porte-drapeaux de la CDSG a répondu : « Cela m’a plus de représenter la France. J’étais fier de porter la France, le symbole, la république ».

Sur les 11 élèves de la CDSG, un seul est issu d’une famille de militaires. Les élèves ont expliqué effectuer « beaucoup de visites. C’est plus intéressant que de lire le manuel (…) On ne nous militarise pas. On n’a pas d’armes ni d’uniforme ; c’est notre choix, on découvre et on apprend. ».

En outre, vos rapporteurs souhaitent souligner l’impact positif des CDSG sur la sensibilisation des jeunes filles aux enjeux de défense. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la DSNJ met en œuvre depuis plusieurs années une opération « classes de défense au féminin » ([24]). Cette opération se caractérise par de nombreuses rencontres entre les CDSG et des personnels féminins des armées et permet de déconstruire un certain nombre de stéréotypes concernant la place des femmes dans les armées.

Un certain nombre d’enseignants responsables de CDSG craignent de se voir imposer une réduction du volume horaire qu’ils consacrent aux CDSG. Afin de pallier cette possibilité, vos rapporteurs recommandent l’inscription des heures consacrées au CDSG au sein de la dotation horaire globale des établissements, en inscrivant notamment la CDSG dans le projet d’établissement.

Vos rapporteurs rappellent que le financement des CDSG ne saurait en aucun cas être effectué par ponction sur la dotation de fonctionnement des établissements.

­ Un manque de ressources humaines et financières :

Afin de financer les activités des CDSG, notamment les sorties et les déplacements, l’établissement est souvent contraint de prélever le budget nécessaire sur sa dotation de fonctionnement (crédits pédagogiques). En moyenne, le coût d’un déplacement en autocar vers l’unité marraine est compris entre 750 et 1 200 €. Ce coût augmente nécessairement lorsque l’unité marraine n’est pas située dans le même département que la CDSG. Parfois, des autocars sont mis à la disposition de l’établissement par la base de défense de l’unité marraine mais cette solution n’est pas toujours possible et disponible. Un enseignant responsable d’une CDSG a ainsi expliqué devant vos rapporteurs que « L’enseignant doit aller chercher chaque financement. Ce n’est pas sa mission première, son cœur de métier. Cette dimension est particulièrement chronophage et il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la conduite pédagogique du projet par l’enseignant. On peut alors regretter l’absence de guichet unique pour ces financements »

Plusieurs enseignants auditionnés ont évoqué la nécessité de mettre en œuvre au niveau départemental un budget pour les déplacements des CDSG. Cette proposition renvoie au constat déjà formulé par vos rapporteurs que les trinômes académiques ne disposent pas de budget en propre pour financer les projets d’éducation à la défense dans le département.

Les enseignants disposent de plusieurs sources éventuelles de financements pour financer ces déplacements :

La DMCA attribue des « coups de pouce ([25]) » pouvant aller jusqu’à 1 000 € aux projets particuliers des CDSG (établissement en réseau d’éducation prioritaire, voyage à l’étranger etc. ) ;

– À partir de 2022, la DSNJ a mis en place, par l’intermédiaire des CSNJ des crédits afin d’apporter un soutien financier pour ce qui relève du fonctionnement des classes de défense (transports, visites, achat de matériel, etc.). Les établissements qui souhaitent faire une demande de subvention auprès de la DSNJ peuvent s’adresser au CSNJ de leur zone. Cette subvention était de 300 € en 2023 ;

– Enfin, dans le cadre d’un partenariat avec la DSNJ, la FNAM soutient financièrement les CDSG. Le soutien financier de la FNAM aux CDSG est croissant et représente aujourd’hui près de 60 000 euros. Dans 80 % des cas, les établissements scolaires contactant la FNAM la sollicitent pour financer le transport pour se rendre dans les unités marraines. Le financement de la FNAM s’élève au maximum à 1 500 euros.

L’ensemble des informations relatives à ces financements ainsi que les divers formulaires de demande de subventions sont regroupés dans le vade-mecum des CDSG précédemment évoqué. Si vos rapporteurs saluent ces efforts de centralisation de l’information, ils regrettent néanmoins qu’il n’existe pas, au sein du MINARM, un guichet unique permettant de solliciter en une seule demande l’ensemble des organismes susceptibles d’octroyer ces subventions. Ce guichet unique permettrait notamment de limiter la charge administrative pesant sur les enseignants dans l’objectif de leur libérer du temps pour préparer et conduire les actions pédagogiques des CDSG.

­ Parfois, des difficultés de communication avec les autres CDSG et des difficultés de coordination avec les unités marraines ;

D’après Anne Muxel, « Le manque d’échanges avec les autres classes de défense de l’académie et des académies voisines est également un obstacle de même que la difficulté à coordonner les calendriers et les attentes entre l’Éducation nationale et l’unité marraine. »

Le court temps d’affectation des certains militaires, souvent deux ans pour les officiers, induisent une rotation fréquente des interlocuteurs des enseignants responsables d’une CDSG qui peut entraîner une plus difficile planification des projets de la CDSG.

­ Une inégale distribution géographique et sociale des classes ;

Il n’existe pas d’unité militaire du MINARM dans tous les départements, en raison de la réduction de l’empreinte territoriale des armées depuis trente ans. Si des CDSG sont en conséquence fréquemment marrainées par des unités militaires basées dans des départements limitrophes, cette situation peut entraîner des difficultés de coordination administrative. Ainsi, la CDSG de Cabourg (Calvados) précitée est jumelée avec une unité marine sise dans la Manche. Dans ce dernier cas de figure, la CDSG et l’unité marraine ne relèvent pas du même DMD.

Vos rapporteurs souhaitent également souligner que le développement des CDSG doit répondre aux objectifs de mixité sociale et d’égalité territoriale. Dans le Calvados, les trois CDSG existantes sont situées dans des villes (Caen et Cabourg). Le défi consiste à présent à implanter des CDSG dans des collèges situés en zone rurale. Cette problématique est relativement partagée dans l’ensemble de l’hexagone et des outre-mer. En outre, actuellement, seuls 12 % des élèves bénéficiaires des classes de défense sont situés en zone d’éducation prioritaire.

­ Une insuffisante reconnaissance des enseignants et élèves engagés dans ces dispositifs ;

Devant vos rapporteurs, Anne Muxel a précisé que « Les équipes pédagogiques se sentent insuffisamment soutenues par les acteurs institutionnels concernés. Les classes de défense résultent d’initiatives individuelles et de la coopération volontaire d’un établissement scolaire et d’une unité militaire organisant et finançant, parfois sur leurs ressources propres, les activités spécifiques du dispositif. Les enseignants interrogés déplorent le manque de reconnaissance (financière et institutionnelle) du travail qu’ils fournissent pour faire vivre le projet. »

Ont également été reportées des difficultés ponctuelles pour les enseignants responsables d’une CDSG à nouer des contacts avec les inspecteurs d’académie exerçant les fonctions de conseiller défense auprès des recteurs.

En outre, la directrice de recherche a également évoqué : « Une autre difficulté ayant trait à la méconnaissance du dispositif au sein des établissements scolaires par les élèves, mais aussi par les équipes enseignantes qui se montrent peu motivées pour s’impliquer dans le projet. Plusieurs enseignants ont fait part du refus de leurs collègues d’intégrer le dispositif par antimilitarisme. Il existe aussi une méconnaissance du dispositif par les familles. » Une enseignante responsable d’une CDSG auditionnée par vos rapporteurs a évoqué « énormément de travail personnel (conception des activités, réservation des sorties, demandes de subvention) et très peu de soutien dans cette démarche jamais valorisée ou reconnue ». S’il était nécessaire de le rappeler, les enseignants responsables d’une CDSG ne perçoivent aucune rémunération supplémentaire pour leur engagement dans ce cadre.

Vos rapporteurs appellent à une meilleure reconnaissance par la Nation des enseignants particulièrement engagés dans des projets de CDSG. Pour votre rapporteur Christophe Blanchet, cette reconnaissance accrue pourrait notamment s’exprimer dans l’envoi de lettres de félicitations ou encore se matérialiser par l’attribution des palmes académiques, de la légion d’honneur ou de l’ordre du mérite aux enseignants se distinguant pour leur engagement dans ces classes. Cette attribution serait parfaitement cohérente avec le sens initial de ces décorations républicaines.

Votre rapporteur Christophe Blanchet appelle à davantage reconnaître la participation des élèves aux CDSG. Cette reconnaissance renouvelée pourrait par exemple passer par l’attribution de points supplémentaires aux candidats pour l’obtention du diplôme national du brevet, sur le modèle des enseignements facultatifs (latin, grec, langues et cultures européennes ou régionales, etc.).

Vos coraporteurs soutiennent solidairement le modèle d’une mention spécifique portée au diplôme ou encore la création d’un diplôme d’honneur remis par les trinômes académiques aux élèves des CDSG.

Vos rapporteurs ont des points de vue différents quant au développement des CDSG. Votre rapporteure Martine Étienne souhaite rappeler que les CDSG ne doivent se développer que sur le volontariat des professeurs et des proviseurs et être en lien avec un projet territorial défini et validé par la communauté éducative. Vos rapporteurs rappellent qu’en aucun cas des pressions ne doivent être exercées sur un professeur afin qu’il prenne la responsabilité d’une CDSG, pressions auxquelles ont fait référence certains syndicats des personnels de l’Éducation nationale. Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite également rappeler qu’aucune pression visant à le dissuader ne saurait non plus être exercée contre un professeur souhaitant mettre en place une CDSG.

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite encourager l’existence d’une CDSG dans chaque établissement du second degré en inscrivant si besoin cette recommandation dans le protocole précité visant à développer « les partenariats dans le cadre du déploiement du dispositif classe de défense ». Il estime également nécessaire d’établir un lien systématique entre les correspondants défense ([26]) des communes et les éventuelles CDSG sises dans cette commune.

ii.   Autres dispositifs

­ les rallyes citoyens : Les rallyes citoyens sont des actions partenariales menées dans le cadre des trinômes académiques. Ils consistent en des actions pluridisciplinaires d’enseignement de défense proposant aux élèves de participer à un parcours aux dimensions citoyennes, sportives et mémorielles, à travers différentes activités ou ateliers proposés par l’Éducation nationale, le MINARM, l’Union-IHEDN et de nombreux partenaires publics associatifs ou privés (y compris le SDIS ou des associations agréées de sécurité civile). À terme, l’objectif d’organiser un rallye annuel par académie en 2023-2024 et un rallye annuel par département en 2025 est recherché. Ces objectifs seraient proches d’être atteints. Afin d’accompagner la montée en puissance de ces rallyes, la DGESCO a proposé à l’Union-IHEDN de piloter un groupe de travail visant à élaborer un vade-mecum pour l’organisation des rallyes citoyens ;

­ les stages dans un organisme relevant de la défense nationale : d’après la DSNJ, environ 11 000 stages sont réalisés chaque année au sein du MINARM. Sur l’ensemble, 40 % concernent des stagiaires de 3ème. À compter de juin 2024, le ministère proposera également des stages en immersion dans le cadre de l’obligation de stage concernant l’ensemble des 560 000 élèves de seconde générale et technologique. La réalisation d’un stage d’immersion au sein d’une direction, service ou armée permet là encore de prolonger de manière concrète l’éveil aux enjeux de défense initié dans le cadre de l’enseignement de défense ;

­ les brevets d’initiation mer (BIMer) : le brevet d’initiation mer constitue le pendant maritime du brevet d’initiation aéronautique (BIA). Il s’agit d’un dispositif de découverte de la culture maritime de la 3ème au lycée. Le brevet est attribué après réussite d’un examen national annuel. Créé en 2020 par le lycée Vauban de Brest et placé sous la tutelle du MENJ, le BIMer est en pleine expansion avec plus de 1 400 participants actifs en 2023. La Marine nationale est partenaire de ce dispositif en proposant des conférences, des supports pédagogiques et des visites de bâtiments ;

­– les prêts d’exposition de l’ONaCVG : l’ONaCVG a réalisé depuis 2006 une trentaine d’expositions couvrant un très large spectre de sujets axés naturellement sur les mémoires des conflits contemporains. Elles sont systématiquement conçues, ainsi que les outils pédagogiques qui leur sont associés, en lien avec la communauté pédagogique. Ces expositions sont empruntées environ 1 200 à 1 300 fois par an, les scolaires étant le principal public avec les associations et les collectivités.

b.   Les dispositifs hors temps scolaire

i.   Le dispositif des cadets et les dispositifs inspirés

En 2024, le dispositif des cadets de la défense concerne 36 centres cadets et bénéficie à près de 1 100 élèves. Il consiste en un partenariat entre une unité militaire « centre » et les établissements scolaires environnants afin de leur proposer des activités éducatives, citoyennes et sportives se déroulant hors temps scolaire et étant encadrées à la fois par des personnels militaires et du MENJ. Les centres cadets de la défense proposent une activité toutes les deux semaines, généralement le mercredi après-midi ainsi qu’un mini-camp en fin de cycle. D’après les chiffres communiqués à vos rapporteurs, un cinquième des jeunes bénéficiaires de ce dispositif sont situés en zone d’éducation prioritaire. La Marine nationale a précisé que deux des quatre classes de cadets que compte la Marine sont implantées dans des quartiers prioritaires de la ville.

En raison d’un cadre juridique actuellement obsolète et incomplet, le dispositif des cadets repose sur les seules initiatives locales et soulève certaines difficultés sur les questions de responsabilité et de pérennisation des ressources. Un projet de décret serait actuellement en cours d’élaboration afin de pérenniser le dispositif en lui donnant une assise juridique consolidée. Le SNU fait également peser une incertitude quant à l’avenir du dispositif, des préparations militaires (PM) moins lourdes pouvant s’y substituer.

Le dispositif des cadets concerne également la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ; les cadets de la sécurité civile concernent 360 classes au bénéfice de 5 560 jeunes.

Les cadets de la Gendarmerie nationale concernent près de 2 600 jeunes. Les cadets de la GN sont à présent fondus dans la phase 2 du service national universel (mission d’intérêt général). Votre rapporteur Christophe Blanchet soutient par ailleurs l’expérimentation du dispositif des cadets de la police municipale qui sera bientôt mise en œuvre à Cannes. Si le bilan de cette expérimentation s’avère positif, il appelle de ses vœux la généralisation de ce dispositif.

Dispositif inspiré des « Royal Air Forces Air Cadets » britanniques, les « escadrilles air jeunesse » (EAJ) pilotées par l’armée de l’air et de l’espace (AAE) s’inscrivent dans le prolongement des cadets de la défense. Lancées le 16 juillet 2019, les EAJ constituent l’un des projets du « plan de vol » stratégique du chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Elles ont pour objectif le développement et la fidélisation d’un vivier de jeunes femmes et hommes âgés de 12 à 25 ans souhaitant s’impliquer dans le domaine aéronautique et spatial. En 2024, 36 bases aériennes devraient accueillir au total près de 1 200 jeunes dans l’hexagone et dans les Outre-mer. Les mercredis, samedis et pendant les vacances scolaires, les jeunes participent à des activités culturelles et sportives et préparent le brevet d’initiation aéronautique (BIA). En collaboration avec l’Éducation nationale, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et le conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), les aviateurs participent à l’enseignement du BIA, organisent des visites et des vols de découverte. Les élèves participent aussi à des cérémonies militaires et apportent leur aide lors de grandes manifestations telles que des meetings aériens. Afin de pouvoir également s’adresser aux jeunes n’habitant pas à proximité d’une base aérienne, l’AAE vise le déploiement d’EAJ « hors les murs ».

Depuis janvier 2024, le parcours EAJ est désormais reconnu par équivalence comme une phase 2 du SNU (MIG).

Interrogé sur ce dispositif récent, le sous-directeur « recrutement, réserves, jeunesse » à la direction des ressources humaines de l’AAE a affirmé que l’AAE s’efforçait de cibler des jeunes n’ayant pas forcément déjà été initiés à l’aéronautique : « Nous faisons attention à éviter les mécanismes endogènes, nous allons chercher des jeunes qui n’auraient pas l’occasion d’accéder à l’aéronautique. Nous voulons ouvrir nos dispositifs pour aller chercher les personnes les plus éloignées : nous obligeons les référents à aller transmettre la parole dans les établissements éloignés des bases aériennes. Les EAJ n’ont pas de logique de recrutement, nous n’allons pas chercher les jeunes qui seront amenés à s’engager : la base est l’aéronautique, nous voulons faire connaître ce milieu (…). Par ailleurs, les EAJ comptent 30 % de jeunes filles de 12 à 15 ans ».

ii.   Les préparations militaires

Chaque année entre 11 000 et 13 000 jeunes effectuent une période militaire d’initiation ou de perfectionnement dans l’une des trois armées.

Dans l’armée de terre, les préparations militaires sont des « stages d’immersion » destinés à faire découvrir l’armée de terre par des activités physiques à caractère militaire tout en initiant les jeunes aux techniques et aux connaissances de base du soldat. Elles sont accessibles à tout jeune Français, de plus de 16 ans, recensé et apte médicalement. Elles sont proposées tout au long de l’année généralement pendant les vacances scolaires. Certaines sont réservées à des candidats à l’engagement désirant servir dans des catégories ou spécialités particulières. Les préparations militaires constituent un éveil et une sensibilisation pratique aux enjeux de la défense nationale et aux problématiques d’une unité.

Dans la Marine nationale, le dispositif des préparations militaires marines (PMM) connaît une forte dynamique. La Marine accueille chaque année plus de 3 500 stagiaires répartis dans 91 centres hexagonaux et ultramarins, administrés et encadrés par 600 marins de la réserve opérationnelle. Trois nouvelles PMM ont été ouvertes en 2023 et trois autres ouvriront en 2024. L’organisation des PMM se déroule sur une année scolaire. Deux périodes sont effectuées à Brest et/ou Toulon pour les stagiaires de l’hexagone ainsi que dans les bases navales ultramarines pour les stagiaires ultramarins. Les stagiaires participent régulièrement à ces cérémonies patriotiques et visitent des lieux de mémoire. Pour le directeur de la division de la cohésion nationale de la Marine nationale, « Les périodes bloquées de 5 jours dans les bases navales de Toulon et Brest avec visites de navires de la Marine et si possible périodes en mer sont essentielles dans l’éducation à la défense. Elles nécessitent cependant des capacités d’hébergement et un très fort investissement humain des unités qui accueillent. » En 2022, pour la première fois depuis la création des PMM, un carré de jeunes stagiaires provenant de toutes les régions françaises hexagonales et ultramarines a défilé sur les Champs-Élysées le 14 juillet. Le maillage territorial des centres de préparation militaire marine (PMM) permet de faire découvrir la Marine nationale même dans les régions où des unités de la Marine nationale ne sont pas implantées.

L’ensemble des dispositifs « jeunesse » animés par la DSNJ représentent un coût total de 10,4 M€. D’après le directeur de la DSNJ, « ces dispositifs suscitent de l’intérêt mais ne sont pas toujours connus au sein de l’Éducation nationale. Leur rattachement au monde militaire peut également susciter la prévention de certains enseignants. Les travaux que la DSNJ vient de lancer sur la construction d’un système d’information, le « parcours innovant défense », ont pour objectif de mieux tracer l’impact de ces dispositifs. »

Outre la nécessité de mieux faire connaître ces dispositifs d’éducation à la défense, vos rapporteurs rappellent la nécessité d’une répartition territoriale équitable de ces dispositifs, notamment dans les départements ne disposant plus d’unité militaire hormis celles de la Gendarmerie nationale.

c.   La pédagogie de projets et les concours

i.   Les projets pédagogiques

L’éducation à la défense ne doit pas être uniquement théorique. Elle doit être un objet d’innovation pédagogique en rendant les élèves acteurs de leur apprentissage.

Il existe aujourd’hui de nombreux projets pédagogiques relatifs à la défense nationale conduits par les enseignants. Ces projets ne se rapportent pas uniquement à la mémoire combattante. La recherche de financements pour mettre en œuvre ces projets pédagogiques peut s’avérer complexe et chronophage pour les enseignants volontaires.

Plusieurs acteurs de l’écosystème de l’éducation à la défense proposent en effet des financements :

­ Tout d’abord, la DMCA qui apporte un soutien financier aux projets pédagogiques d’enseignement de défense portés par les trinômes académiques. Lorsque les trinômes académiques souhaitent obtenir un financement pour un projet, ils s’adressent à la commission pour l’enseignement de défense (CPEDEF). La CPEDEF est composée de représentants du MENJ, de l’IHEDN et de l'UNION-IHEDN. Elle émet un avis sur les subventions attribuées par la DMCA à l'UNION-IHEDN au titre de l'activité des trinômes académiques. Une subvention globale est versée par la DMCA à l'UNION-IHEDN qui reverse ensuite les sommes convenues aux associations régionales concernées.

– La CPEDEF définit des orientations générales, précise le cadre d'action, fixe les critères d'attribution des subventions, examine la qualité des projets des trinômes académiques et le bilan des actions conduites. Elle peut également formuler aux trinômes des recommandations en vue de définir un programme d'actions cohérent sur l'ensemble du territoire en matière de promotion de l'enseignement de défense.

Les projets financés par cette commission sont notamment destinés à la formation des enseignants. L’ensemble des actions organisées par les trinômes doivent être signalées à la CPEDEF même si aucune subvention n’est demandée. Il convient de préciser que les subventions accordées par la commission n'ont pas vocation à financer, à elles seules, l'intégralité d'une action. La commission se réunit trois fois par an. Le nombre de projets demandant subvention portés par les trinômes académiques auprès de la CPEDF est passé de 83 projets en 2015, pour un montant de 56 000 € et au profit de 10 000 bénéficiaires, à 188 projets soutenus en 2023 pour un montant de 203 761 € et 36 235 bénéficiaires.

Sur les 188 actions initiées en 2023, ont ainsi été réalisées 62 actions mémorielles d’enseignement de défense au profit des scolaires, 30 actions de formation initiale et continue au profit des étudiants et des enseignants et 50 rallyes citoyens sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin, pour près de 20 000 scolaires mobilisés. En outre, près de 30 colloques, conférences et séminaires ont été assurés.

­ Commission interministérielle de coopération pédagogique (CICP) : les projets portés directement par des établissements scolaires du primaire et du secondaire doivent être adressées à la CICP. La CICP est composée de représentants du MINARM (DMCA), du MENJ et du ministère chargé de l’agriculture. Pour demander une subvention dans ce cadre, le chef d’établissement concerné doit d’abord adresser sa demande à sa chaîne hiérarchique. L'autorité académique (éducation nationale) ou régionale (enseignement agricole) émet ensuite un avis circonstancié sur la qualité pédagogique du projet présenté. Ensuite, l’autorité hiérarchique envoie la demande à la DMCA.

La CICP, qui se réunit quatre fois par an, se prononce sur la suite à réserver à chacun des projets et propose un montant de subvention à accorder, dans la limite des crédits prévus à cet effet. La participation financière accordée (d'un montant moyen de 800 €) n'excède généralement pas 25 % du montant global du projet. Il ne pourra en aucun cas être demandé un double financement auprès du trinôme. Le nombre de demandes de subventions adressées par les établissements à la CICP est également croissant : ce nombre est passé de 369 en 2015, pour un coût total de 200 000 €, au profit de 18 000 bénéficiaires, à 541 projets en 2022 pour un montant de 453 793 € en direction de 28 479 bénéficiaires. En 2023 il a été décidé d’augmenter le montant moyen de subventions pour un même projet.

La CICP apporte une attention particulière aux projets en lien avec le programme commémoratif de l'année (grands anniversaires, cérémonies traditionnelles) ainsi qu'à ceux s'inscrivant dans le cadre des trois appels à projets lancés chaque année par la DMCA. La CICP privilégie les projets qui valorisent des ressources locales (histoire, personnages, patrimoine, etc.) ;

­ La commission paritaire pour l’enseignement de défense créée en 2023 et composée de la FNAM, l’UBFT et la DCMA : elle propose une nouvelle allocation de 150 000 € de subventions à des projets exceptionnels d’enseignement de défense. Pour sa première session en 2023, la commission a soutenu 22 projets (1 077 bénéficiaires) pour un montant de 150 000 €. Chacune des trois parties abonde ladite commission à hauteur de 50 000 euros. La FNAM et l’UBFT ont fait le choix de nommer un représentant commun. L’an prochain, la commission paritaire pourrait proposer une allocation de 300 000 € ;

­ – L’ONaCVG dispose d’une enveloppe de 350 000 euros par an pour mener des actions pédagogiques ou en financer, pour une enveloppe incluse de 133 000 euros par an pour 123 projets subventionnés ;

­– L’UBFT et la fédération nationale André Maginot (FNAM) met à disposition des établissements environ 300 000 € de subventions annuelles pour le financement de projets civiques ou mémoriels et 70 000 € de subventions aux CDSG, cadets de la défense et cadets de la gendarmerie. La FNAM octroie une enveloppe maximale de 1 500 euros pour les voyages pédagogiques mémoriels sur le territoire national et de 2 000 euros pour ceux réalisés à l’étranger.

– La FNAM organise également depuis trente ans un prix de la mémoire et du civisme qui vise à soutenir financièrement les établissements scolaires souhaitant se rendre sur des lieux de la mémoire combattante en France et à l’étranger. « Face aux enjeux stratégiques nouveaux et aux nouvelles formes de conflits multiformes, la FNAM et l’UBFT, fortes de leurs membres mis à l’épreuve du feu à un moment de leurs vies, s’engagent dans une mission morale et nécessaire : préserver la paix en soutenant le travail de mémoire et en participant à l’esprit de défense. La jeunesse est la cible. L’avenir, les espoirs et les responsabilités du pays passeront inévitablement par elle. Anciens combattants, principalement militaires d’active ou de réserve, nous connaissons les capacités de la jeunesse et ses aspirations, quel qu’en soient les époques. La jeunesse s’engage pourvu qu’elle trouve un but et une raison » ([27]) ;

­ Le Souvenir français : association mémorielle reconnue d’utilité publique, elle subventionne directement les établissements qui organisent des voyages scolaires vers les lieux de mémoire combattante. Les projets pédagogiques s’inscrivant dans les territoires de proximité sont valorisés. Le Souvenir Français finance le voyage scolaire à hauteur de 20 % maximum dans la limite de 1 600 euros ;

Vos rapporteurs saluent et encouragent l’implication croissante du monde combattant dans le financement de projets liés à l’éducation à la défense.

­– Le Bleuet de France : œuvre nationale du bleuet de France précédemment hébergée à l’ONaCVG, le bleuet est devenu un fonds de dotation le 1er janvier 2023. Le MENJ siège à son conseil d’administration. Environ un tiers des dons collectés finance des actions d’éducation à la défense et de travail de mémoire. Cela représente actuellement plus de 300 000  ;

­Pour les classes de quatrième jusqu’à la terminale, le financement des visites peut être pris en charge grâce à la part collective du pass Culture dans les lieux de mémoire proposant des offres ;

­Plusieurs collectivités territoriales proposent également des financements de projets d’éducation à la défense ;

­ Des financements participatifs : La Trousse à Projets est un groupement d’intérêt public créé en 2017 à l’initiative des différents acteurs de l’éducation. Son objectif est de faciliter la mise en œuvre de projets pédagogiques et éducatifs. Les établissements publics locaux d’enseignement ainsi que les établissements privés sous contrat peuvent en bénéficier. La Trousse à projets pilote la plateforme solidaire de financement participatif de l’Éducation nationale, où des donateurs (particuliers, associations et entreprises) ont la possibilité de soutenir un projet particulier ou de faire un don général qui viendra financer un fonds de redistribution.

En outre, au-delà des acteurs cités supra proposant des financements en faveur d’actions pédagogiques d’éducation à la défense, de nombreux autres acteurs déploient de telles actions, à l’instar du service historique de la défense (SHD). Le bilan des activités du SHD pour l’année 2023 sur le site de Vincennes est le suivant :

 

Élèves issus du primaire

442

17 classes

Élèves issus du collège

282

12 classes

Élèves issus du lycée

207

7 classes

Étudiants

90

-

Enseignants/inspecteurs

113

-

Total

1134

36 classes

Les autres sites du SHD peuvent également se prêter à de nombreuses actions pédagogiques, à l’instar de la division des archives des victimes des conflits contemporains de Caen qui a assuré en 2023 6 séances d’accueil dans ses locaux d’élèves (principalement de 3ème) avec présentation d’archives et évocation des aspects historiques et mémoriels des archives des victimes de guerre, dont 3 séances avec des élèves en stage « Défense » au CSNJ de Caen, 12 journées d’intervention hors les murs au niveau collège et lycée ou encore 3 demi-journées de présentation des fonds à des étudiants de master 1 et master 2 en histoire et patrimoine.

Plusieurs constats peuvent être tirés de l’ensemble de ces éléments :

­Tout d’abord, une forte dynamique de croissance des demandes de subventions et des financements proposés, ce que saluent vos rapporteurs. Ainsi, en 2023, la seule DMCA a octroyé près de 900 000 € de financements pour près de 700 projets d’éducation à la défense au profit de 70 000 scolaires (soit une augmentation de 100 % par rapport à 2022).

Néanmoins, l’écosystème de financement des projets d’éducation à la défense est complexe et parfois peu lisible pour des enseignants dont la recherche de financements n’est pas le cœur de métier. La cartographie présentée en page suivante tente d’illustrer l’ensemble des solutions de financement s’offrant aux enseignants.

Vos rapporteurs réitèrent au sujet du financement des projets pédagogiques leur recommandation de créer un guichet unique déjà formulée à propos des CDSG. Ils regrettent ainsi qu’il n’existe pas, au sein du MINARM un guichet unique permettant de solliciter en une seule demande l’ensemble des organismes susceptibles d’octroyer des subventions aux fins de conduire un projet pédagogique. Ce guichet unique permettrait notamment de limiter la charge administrative pesant sur les enseignants dans l’objectif de leur libérer du temps pour préparer et conduire lesdits projets.

ii.   Les concours

De nombreux prix et concours permettent aux élèves de développer une approche moins théorique et plus participative de l’éducation à la défense.

Vos rapporteurs ont déjà évoqué précédemment le prix armées-jeunesse et le prix de la mémoire et du civisme de la FNAM. De nombreuses autres initiatives existent, qui méritent d’être mises en lumière :

­le concours national des Villes Marraines est organisé chaque année depuis 2010 en partenariat avec le MENJ et le MINARM entre les « classes partenaires » des établissements scolaires des collectivités territoriales marraines adhérentes de l'association des villes marraines. Ce concours national est essentiellement orienté sur des thèmes relevant de l'enseignement de la défense et l'approfondissement des liens armées-Nation dans le cadre des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement ;

­ l’ONaCVG organise, avec le soutien de l’Éducation nationale, deux concours scolaires : le concours des petits artistes de la mémoire, rassemblant chaque année 170 classes de CM1/CM2 (500 classes en 2017 à l’occasion du centenaire de la grande guerre) et le concours Bulles de Mémoire qui réunit annuellement 4 500 à 5 000 jeunes de 11 à 20 ans.

Le concours des petits artistes de la mémoire concerne chaque année environ 4 500 élèves. Ces derniers doivent retracer le parcours d’un soldat de la grande guerre dont le nom figure sur le monument au mort de la commune ou dans un cimetière du territoire. Ils convoquent un grand nombre de vecteurs de mémoire, arts plastiques, chants, poèmes. Ce concours permet notamment une « incarnation » de la mémoire pour les élèves à l’échelle de leur commune de résidence, ce qui les rend davantage acteurs de cette mémoire.

Le concours « Bulles de mémoire » invite les élèves du secondaire à évoquer par le prisme de la bande dessinée un conflit contemporain en fonction d’un thème défini chaque année. Le concours est promu dans les grands salons et festivals de BD. D’après la directrice de l’ONaVCG : « La bande dessinée, et je le vois lors des travaux et des remises, est un excellent vecteur de mémoire en ce qu’elle allie texte et image, recherche historique et art. Ainsi des jeunes qui n’auraient pas été intéressés par l’histoire « académique » se révèlent, de toutes origines et tous milieux sociaux. »

Ces concours attirent chaque année plus de 9 000 jeunes (1/3 de ce que représente le concours national de la résistance et la déportation (CNRD) à titre de comparaison).

­Le CNRD a été créé en 1961 à l’initiative d’associations d’anciens résistants et déportés. Plus ancien concours scolaire après le concours général des lycées, il est le fruit d’un partenariat entre le MENJ, la DMCA et l’ONaCVG. Vos rapporteurs alertent notamment sur la baisse de participation au CNRD depuis la crise sanitaire ; ainsi, en 2022-2023, 29 409 élèves issus de 1 344 établissements répartis sur l’ensemble du territoire national ainsi que des établissements français à l’étranger ont participé au concours alors qu’ils étaient 42 260 élèves et 1 800 établissements en 2018-2019.

L’ensemble de ces éléments appellent plusieurs réflexions de la part de vos rapporteurs.

­Tout d’abord, les auditions ont mis en évidence la nécessité de davantage valoriser le travail des élèves et des enseignants impliqués dans des projets pédagogiques et concours en lien avec l’éducation à la défense nationale. Dans cet esprit, à partir de la rentrée scolaire 2024-2025, l’inscription au CNRD se fera sur l’application ADAGE ([28]) permettant ainsi que l’engagement de chaque élève puisse être pris en compte dans son parcours tout au long de sa scolarité. Vos rapporteurs saluent cette initiative. En outre, l’opération « Héritiers de mémoire » est conduite chaque année par la DMCA et vise à valoriser certaines actions éducatives exemplaires sélectionnées par la CICP à l’occasion d’une cérémonie de remise de trophées ayant lieu au Panthéon. La sélection des projets récompensés est opérée dans le cadre d’une CICP. Afin d’offrir une visibilité à ces projets, trois d’entre eux sont filmés par l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD). Chaque année, depuis 2017, plus de 200 scolaires d’académies différentes sont présents à cette cérémonie. Toutefois, vos rapporteurs estiment nécessaire de renforcer encore la communication et la valorisation de ces projets en renforçant les opérations de type « Héritiers de mémoire » ;

­Vos rapporteurs jugent également nécessaire de davantage associer les familles des élèves lors de ces actions de valorisation, mais aussi tout au long de la conduite de projets afin d’en renforcer la légitimité auprès des parents. Lors de son déplacement en Finlande, votre rapporteur Christophe Blanchet a pu mesurer combien les familles étaient systématiquement associées aux rites de passage des étudiants et élèves, notamment lorsque ces rites confinaient au monde de la défense nationale.

3.   Un nombre relativement modeste de jeunes bénéficient de ces dispositifs

S’il existe bien une réelle dynamique des projets d’éducation à la défense, l’ensemble des dispositifs évoqués ne concernent au final qu’une petite part d’une classe d’âge (800 000 jeunes). En excluant les effectifs de la réserve opérationnelle et du SNU, sur lesquels les rapporteurs reviendront ultérieurement, ces dispositifs concernent près de 160 000 élèves par an, selon la décomposition suivante :

 

Nom du dispositif

Nombre estimé de participants annuels

Projets pédagogiques financés par la DMCA

70 000

CNRD

30 000

Concours ONaCVG

9 000

CDSG et déclinaisons

30 000 (estimation)

Brevet d’initiation mer

1 400

Cadets de la défense

1 100

Cadets de la sécurité civile

5 600

Cadets de la gendarmerie nationale

2 600

EAJ

1 200

Préparations militaires

12 000

Il convient de préciser que certains jeunes peuvent participer à plusieurs dispositifs en même temps. Par ailleurs, tous les jeunes concernés par ces dispositifs au temps T ne sont pas nécessairement situés dans la même classe d’âge. Il ne peut donc être affirmé sur une classe d’âge près de 160 000 jeunes participent à des dispositifs d’éducation à la défense.

En outre, tous ces dispositifs n’impliquent pas un engagement similaire de la part des élèves. Certains engagements, comme la participation à une EAJ, sont particulièrement engageants (1 200 jeunes concernés en France). En comparaison, au Royaume-Uni, le dispositif des Royal Air Force Cadets représente chaque année un flux compris entre 30 000 et 50 000 jeunes qui conduisent, dès l’âge de douze ans, des activités aéronautiques, de vol, sportives, et participent à des camps au sein de 1 000 escadrons d’ancrage local dans la Royal Air Force. En Finlande, un concours national relatif à la défense nationale est organisé chaque année à l’échelle nationale ; près de 80 % des lycéens participent à ce concours.

Ainsi, le passage à l’échelle reste encore à effectuer afin qu’un maximum de jeunes bénéficient de ces dispositifs. Toutefois, l’éducation à la défense peut difficilement s’envisager sans une logique partenariale avec les unités sur le terrain. Or, dans un contexte de résurgence des menaces, il pourra s’avérer difficile pour les unités opérationnelles de libérer davantage de ressources aux fins d’éducation à la défense.

L’éducation à la défense constitue en effet une « mission secondaire importante » mais elle ne constitue pas une « mission opérationnelle première » selon les mots d’une militaire rencontrée par vos rapporteurs au cours d’un déplacement de la mission d’information. Parce que les ressources humaines des forces de sécurité intérieure, de sécurité civile et des forces armées sont limitées, le passage à l’échelle de ces dispositifs sera difficile.

D’après un militaire auditionné par vos rapporteurs : « La charge de travail peut constituer un frein pour les unités impliquées (…) La priorité est plutôt accordée aux classes de défense qu’aux cadets de la défense, plus consommateurs en moyens pour les unités militaires », tandis qu’un autre interlocuteur a précisé que certaines unités marrainaient parfois plusieurs CDSG, ce qui impliquait « des efforts parfois très conséquents de structures qui ne sont pas forcément dimensionnées pour remplir cette mission. Preuve de l’implication des unités, la saturation des unités est devenue aujourd’hui un sujet majeur dans les zones de défense et de sécurité. Cela souligne l’importance d’une collaboration étroite avec le MENJ et les trinômes pour effectuer un travail de ciblage sur les publics à prioriser (Pro, REP, Ulis) et également sur le passage de la quantité à la qualité. L’accumulation des dispositifs peut donner l’image d’un mille-feuilles, mais il faut comprendre que cela correspond tout d’abord à une réalité locale : celle de la rencontre entre la disponibilité d’une unité et la volonté d’engagement d’un public particulier. Il s’agit bien de proposer une offre ciblée. Les unités ne peuvent pas toutes s’investir de la même manière : il faut donc des dispositifs différents. De même, tous les publics ne sont pas les mêmes, ne cherchent pas les mêmes modalités (statut) et durée d’engagement. »

Plusieurs défis coexistent donc concernant les divers dispositifs d’éducation à la défense :

­ le maintien d’une offre de qualité ciblée en adéquation avec les disponibilités des unités opérationnelles et les attentes des publics ;

­ la répartition équitable de l’offre sur l’ensemble du territoire y compris dans les prétendus « déserts militaires », dans les territoires dits « périphériques » et dans les quartiers prioritaires de la ville ;

­ le passage à l’échelle de l’enseignement de défense et des dispositifs d’éducation à la défense dans le respect des missions opérationnelles premières des forces marraines ;

­ le meilleur suivi statistique de la participation à ces dispositifs et la nécessité de proposer aux jeunes qui le désirent un continuum de participation à l’éducation à la défense depuis l’école élémentaire jusqu’au lycée.

E.   Afin d’organiser le passage à l’échelle de l’enseignement de défense, il convient d’accroître la légitimité de cet enseignement auprès du corps enseignant

1.   Une part substantielle du monde enseignant semble peu sensible au principe même de l’enseignement de la défense nationale

Ainsi que l’ont précédemment souligné vos rapporteurs, l’enseignement de défense reste globalement peu dispensé. Les auditions attestent le fait qu’une part non négligeable du monde enseignant semble encore peu concernée par l’enseignement de la défense nationale. Ce manque d’intérêt peut s’expliquer de différentes manières :

­ La légitimité même de cet enseignement se pose pour de nombreux enseignants ainsi que certains syndicats des personnels de l’Éducation nationale. Bénédicte Chéron a ainsi résumé ce dilemme devant vos rapporteurs : « La question se pose de savoir s’il faut qu’existe un enseignement de défense en propre, à l’école, ou si les orientations des programmes d’histoire, de géographie, de littérature pourraient être plus efficaces, par les savoirs, à « faire comprendre » les ressorts de la guerre et de la paix ». L’enseignement de défense est souvent perçu comme « prescripteur » et visant « à faire adhérer à la politique de défense conduite par le Gouvernement ». Le syndicat SNES-SFU a expliqué à vos rapporteurs « ne pas vouloir d’enseignement de défense conçu de manière prescriptive, descendante, injonctive, sans mise en perspective critique. Il ne faut pas penser isolément l’éducation à la défense nationale des autres disciplines (…). On conteste de penser l’éducation à la défense comme différemment du reste des savoirs. » En outre, Sud éducation a déclaré que « la mission première de l’école n’était pas de transmettre des valeurs mais de délivrer une instruction en transmettant des savoirs. »

­Sur le plan culturel, une histoire conflictuelle des relations entre le monde militaire et l’Éducation nationale :

Selon Sébastien Jakubowski, directeur de l’INSPé de Lille, « Les principaux obstacles qui demeurent sont d’ordre culturel et idéologique. Par construction, école et armée ont été longtemps opposées ou tenues à distance. Seuls quelques passeurs pouvaient construire un pont mais un pont construit prudemment avec une possible suspicion de la part de la communauté enseignante. »

Certaines expériences controversées ou traumatisantes, comme les bataillons scolaires de 1882 ([29])  ou l’instrumentalisation de l’école sous le régime de Vichy ont laissé une défiance résiduelle vis-à-vis de l’institution militaire dans l’esprit de nombreux enseignants. Dans le sillage de mai 1968, le débat public a remis en question la place des armées dans la société et la légitimité du service national. Maxime Launay, chercheur « Défense et société » à l’IRSEM a mentionné devant vos rapporteurs une note de la sécurité militaire de l’époque évoquant « la bataille des lycées » et renvoyant à la difficulté pour les membres de l’institution militaire et des corps en uniforme de manière générale de pénétrer l’institution scolaire à l’époque.

­Une indifférence et une méconnaissance relativement répandues vis-à-vis des enjeux de défense :

D’après Tristan Lecocq, « L’antimilitarisme historique n’est plus que résiduel. Ce qui pourrait l’emporter aujourd’hui, c’est plutôt la méconnaissance et l’ignorance ».

Interrogés sur ce sujet, les services de la DGESCO ont précisé à vos rapporteurs « qu’il s’agit donc surtout de lever une méconnaissance et porter le message que l’armée et l’école sont deux institutions majeures qui travaillent dans le même sens, celui de la transmission des valeurs de la République (dimension parcours citoyen) et de l’égalité des chances (dimension parcours avenir). On peut dire que le principe même de « l’éducation à la défense nationale » n’est pas connu de l’ensemble de la communauté éducative dans ses finalités, malgré son interdisciplinarité. Prendre le temps nécessaire pour expliciter ses buts – au moyen de l’éducation et de la formation – est une mission indispensable à poursuivre. Les réticences ne sont pas présentes au sein des administrations centrales du ministère de l’éducation nationale ou du ministère des armées (ou de la gendarmerie) (…) En revanche, ces réticences peuvent se retrouver dans les équipes enseignantes, ou chez les parents d’élèves, par convictions personnelles ou méconnaissance, mais ce n’est pas le frein majeur. »

Selon Sébastien Jakubowski : « Cette réticence s’exprime surtout, très certainement, quand un projet se fait jour au sein de l’établissement. La posture générale est plutôt celle d’une indifférence (non positive cette fois) et d’un manque d’intérêt, voire de connaissances suffisantes. »

Il a également été reporté à vos rapporteurs que l’enseignement de défense était parfois évincé dans certains établissements « de pointe » ou particulièrement élitistes, au prétexte qu’il ne rapportait pas de points supplémentaires aux épreuves du baccalauréat et n’intéressait donc pas la direction de l’établissement.

Si de nombreux militaires auditionnés ont reporté à vos rapporteurs être à présent « plutôt bienvenus » dans les établissements scolaires, de nombreux enseignants ou anciens enseignants intéressés par les enjeux de la défense nationale ont également partagé avec vos rapporteurs la défiance persistante qui continuerait d’exister chez certains personnels de l’Éducation nationale concernant la défense de manière large. D’après les témoignages entendus lors des auditions, cette défiance peut conduire certains enseignants à renoncer à monter un projet pédagogique ou à créer une classe de défense.

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite souligner qu’il semble nécessaire de déconstruire un certain nombre d’idées reçues qui persisteraient dans certains établissements. Ont notamment été rapportées à vos rapporteurs les confusions selon lesquelles les élèves des CDSG seraient sous statut militaire ou encore que l’éducation à la défense constituerait un pré-recrutement pour les armées.

Il est vrai qu’au sein de la filière professionnelle, certaines CDSG peuvent viser in fine un objectif de sensibilisation aux métiers de la défense et la sécurité. Mais la filière professionnelle est par nature professionnalisante. La Marine nationale a notamment noué de nombreux partenariats avec des lycées professionnels, à l’instar de l’AAE dans les lycées relevant des filières aéronautiques.

Toutefois, vos rapporteurs souhaitent rappeler que ces cas demeurent l’exception, l’éducation à la défense ne poursuivant pas un objectif de recrutement. Elle vise à sensibiliser les futurs citoyens aux enjeux de la défense nationale et doit être conduite dans un esprit d’éveil citoyen. Ainsi que le résume Sébastien Jakubowski : « On peut bien sûr chercher à faire comprendre, ce qui peut aussi emporter l’adhésion. Mais cette dernière n’est pas l’objectif à rechercher. Je crois que ce qui est central consiste à faire connaître et à faire comprendre les enjeux de défense et les armées dans une situation géopolitique qui évolue constamment. Pour synthétiser, il faut mieux faire connaître, mieux faire comprendre et si adhésion il y a, tant mieux d’une certaine manière. »

Un enseignant auditionné a rappelé que « l’enseignement de défense constitue une composante de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs de la République. Il doit permettre aux élèves, futurs citoyens, de faire des choix éclairés (vote aux élections législatives et présidentielles, premier acte de défense car le chef de l’État est chef des armées et le Parlement vote le budget de la défense) (…) En aucun cas l’éducation à la défense ne saurait être considérée comme une apologie de la guerre. Une telle vision dangereuse révèle une méconnaissance inquiétante des fondements et missions de l’École. Loin d’être un repli sur soi, l’éducation à la défense est une ouverture à l’autre, une connaissance d’autres mondes dont le monde militaire, souvent méconnu depuis la suspension du service national et différentes restructurations. De plus, dans le contexte géopolitique actuel, une défense solitaire sans alliance n’aurait aucun sens. »

­Une insuffisance de l’offre de formation à destination des enseignants

Les auditions ont confirmé le manque global de formation initiale et continue des enseignants aux enjeux de la défense nationale : « Au sein des INSPé, nous avons eu de nombreux retours de la part de nos étudiants en responsabilité et des fonctionnaires stagiaires, de toutes disciplines, qui devaient répondre à des questions auxquelles ils n’étaient pas forcément préparés. Même les enseignants d’histoire-géographie, souvent les plus à même pour le faire, n’avaient pas forcément des connaissances actualisées pour répondre aux questions relatives à la venue d’un nouveau conflit en Europe. Cela ne s’improvise pas du jour au lendemain. C’est d’autant plus vrai que dans la formation des enseignants, nous n’avons pas de module obligatoire consacré à l’enseignement de défense. Il est abordé de façon indirecte dans nos maquettes de formation. Dans ces conditions, il s’avère difficile de demander aux enseignants, qui ne sont pas formés pour cela, de pouvoir déployer avec efficacité cet enseignement. »

­Un manque de temps et une croissance des injonctions pesant sur l’école :

Dans un contexte de pénuries de ressources humaines et d’attrition des moyens budgétaires, la difficulté récurrente des enseignants à terminer dans les temps les programmes scolaires en raison de l’inflation de ces mêmes programmes, la multiplication des enseignements transversaux ainsi que les attentes sociétales toujours plus fortes sur l’école expliquent également la faible diffusion de l’enseignement de défense. Les enseignants sont fortement sollicités, se voyant confier des actions de prévention et de sensibilisation dans la plus grande diversité des sujets. Au cœur de cette multiplicité des sollicitations, l’enseignement de défense demeure peu identifié. Selon une personne auditionnée par votre rapporteur, « Afin d’être mieux identifié, l’enseignement de défense doit se mettre au service d’enseignements déjà existants, comme une clé de compréhension du monde, d’explication et de préservation des valeurs de la République. C’est une condition importante d’une montée en puissance de l’éducation à la défense, s’appuyant sur l’interdisciplinarité. »

­Un manque de portage politique :

Selon Sébastien Jakubowski, cet enseignement souffre d’un manque de portage politique : « C’est aujourd’hui le chaînon manquant. Quand on voit la manière dont l’actuel chef d’état-major des armées a réussi à impulser une nouvelle dynamique, je me dis qu’avec des appuis politiques forts, l’enseignement de défense gagnerait incontestablement en puissance. Pour exemple, le ministre Pap Ndiaye avait pour cause l’éducation à la sexualité. Cette mise à l’agenda a permis de dépoussiérer cette question éducative et sociale vive. À l’université, le rapport Jouzel a été, d’une certaine manière, un électrochoc relayé par les ministres de l’Enseignement supérieur, au point que les établissements universitaires ont obligation aujourd’hui de construire leur plan de transition écologique. Le portage politique ne fait pas tout mais il est difficile d’agir sur ce type de dossier sans un discours politique fort et un suivi resserré de la mise en œuvre d’une telle politique. Un ministre des armées qui viendrait dans les classes, dans les INSPé et dans les académies expliquer sa politique en la matière aurait, par exemple, une portée toute autre sur les attentes et sur la construction d’une citoyenneté renforcée. »

Vos rapporteurs estiment qu’un travail pédagogique de long terme doit être mené auprès du corps enseignant afin d’expliquer les enjeux de cet enseignement. Vos rapporteurs reprennent à leur compte les mots de Sébastien Jakubowski : « Aujourd’hui la question n’est plus d’être ou contre l’armée mais de savoir comment réagir et comprendre face aux vicissitudes du monde. Comme l’a exprimé l’un des intervenants [à une journée d’étude organisée par l’INSPé de Lille le 13 mars dernier ([30])] cette éducation à la défense ne sera jamais consensuelle car c’est un objet de citoyenneté et un objet politique. C’est ce qui fonde aussi tout l’intérêt du débat. »

2.   Il importe de renforcer substantiellement la formation initiale et continue des enseignants aux enjeux de la défense nationale

Selon les mots de Sébastien Jakubowski « Il est illusoire de penser à une imposition ou généralisation de l’enseignement de défense sans formation et sans vouloir heurter les enseignants. L’éducation à la défense manque en tant que telle de ressources pédagogiques propres. Un ouvrage de didactique sur l’éducation à la défense pourrait être intéressant. »

Jusqu’il y a deux ans, la formation initiale des futurs enseignants aux enjeux de la défense nationale était quasiment inexistante. La formation initiale des enseignants dans les INSPé constitue une action prioritaire de la feuille de route des trinômes académiques pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024. Cette action sera « nécessairement longue » selon une personne auditionnée par vos rapporteurs, « l’enseignement supérieur n’obéissant pas à des chaînes hiérarchiques aussi identifiées qu’au MENJ. L’éducation nationale est un ministère singulier, où le prescripteur n’est pas le formateur. Les formateurs sont les Inspé. »

La formation des enseignants et des personnels de l’Éducation est décrite dans le cadre de l’arrêté du 27 août 2013 et de son référentiel annexé. L’enseignement de la défense et de la sécurité nationale s’inscrit dans le bloc « Faire partager les valeurs de la République ». Les INSPé élaborent des unités d’enseignement qui prennent en compte les aspects théoriques des questions abordées, l’état de la recherche mais également leur traduction pratique. Si l’enseignement de la défense est pris en compte dans le cadre des formations offertes, les maquettes fournies par les instituts n’ont en revanche pas vocation à en expliciter le détail. Ces maquettes peuvent prendre la forme d’enseignements obligatoires ou optionnels, pour différentes populations d’étudiants, ou des sensibilisations qui peuvent être notamment effectuées par les référents enseignement de défense et de sécurité (REDS) des universités qui les accueillent, ou les trinômes académiques. Environ plus de 10 actions de formation sont organisées annuellement au sein des 33 organismes relevant du réseau des INSPÉ par la chaîne OTIAD et les DMD.

Au niveau central, la première action nationale au profit des formateurs des INSPE s’est tenue en juin 2022, en partenariat avec le MINARM et le réseau des INSPé. Un deuxième séminaire national d’enseignement de défense au profit des formateurs des INSPé s’est tenu en mars 2023 à Amiens. Près de 100 participants ont assisté à ce premier séminaire en présentiel. Ce séminaire a fait l’objet d’une diffusion en distanciel (+ 80 vues) et d’une captation (+670 vues sur la chaîne YouTube du secrétariat général pour l’administration du MINARM). En outre, un programme national de formation « Éducation à la défense et au travail de mémoire » a été organisé au profit de 120 cadres de l’Éducation nationale les 3 et 4 avril 2023. Pour 2024, il prendra la forme d’un webinaire pilotée par le réseau des INSPé.

D’après Sébastien Jaklubowski, « Malgré un fort engagement, ces deux séminaires ont été de très bonne tenue mais n’ont pas vraiment trouvé leur public. Cela nous a conduit à réorienter de façon plus territoriale et à la main des INSPé les journées à destination des étudiants et des fonctionnaires stagiaires dans les INSPé volontaires. Il est à noter que pour la première fois à ma connaissance, cette année, le délégué à l’enseignement de défense a su construire un module de formation continue au plan de formation continue. C’est une avancée remarquable pour pousser la thématique dans le corps enseignant. En la matière, il faut multiplier et combiner les initiatives en agissant au travers de plusieurs leviers. Notre force est que tous ces acteurs parviennent à travailler intelligemment ensemble sans concurrence (…) Notre difficulté repose sur l’extension du domaine d’intérêt à des enseignants qui ne s’y intéressent pas déjà. »

Le président du réseau des INSPé promeut en outre l’identification d’un référent défense et sécurité (REDS) en leur sein. Environ deux tiers des INSPé avaient nommé un REDS janvier 2024. Depuis peu, les référents défense des INSPé sont invités au séminaire annuel des REDS et des trinômes académiques. Les INSPé reçoivent également la lettre de diffusion de la part du délégué à l’enseignement de défense. Les étudiants, enseignants et référents enseignements de défense des INSPé sont conviés à toutes les actions de rayonnement de la DMCA.

D’après Sébastien Jakubowski, président de l’INSPé de Lille, de nombreuses actions de formation initiale sont proposées dans l’ensemble du réseau des INSPé. « Le choix de modules optionnels est retenu par bon nombre d’INSPé. C’est le cas de l’INSPé de Paris où un module « Comment parler de la guerre, de la défense, de la sécurité aux enfants ? » d’un volume de 15h est proposé aux étudiants de M1 MEEF mention 1er degré. Un module « Enseigner la défense en histoire, en géographie et en EMC » d’un volume de 12h est proposé aux étudiants de M1 MEEF mention 2nd degré. ».

Les principaux obstacles au développement de la formation à l’enseignement de défense dans les INSPé semblent encore être le peu d’appétence des formateurs pour cette thématique, le manque de temps des formateurs d’INSPé pour s’y consacrer ou de former (les charges professionnelles en INSPé étant très lourdes) ainsi que l’absence de module obligatoire dans le cadre du Master MEEF. En outre, la formation à l’enseignement de défense dispensée ne semble pas homogène dans tous les INSPé du réseau. Elle dépend localement d’une volonté des équipes de direction et de formateurs de s’y impliquer et peut également dépendre du dynamisme inégal du trinôme académique. D’après Sébastien Jakubowski : « C’est une thématique qui, comme d’autres, doit être « incarnée » et portée politiquement et pédagogiquement. »

Concernant la formation continue des enseignants à ces questions, elle était jusqu’à récemment uniquement pilotée au sein de chaque académie, notamment par les trinômes académiques. La formation à l’éducation à la défense est inscrite au niveau national dans le cadre du schéma directeur de la formation continue 2022-2025. Le premier Programme national de formation « Éduquer à la défense et au travail de mémoire » a eu lieu en avril 2023.

En 2024, deux PNF sont prévus : le premier a eu lieu le 7 février et s’intitulait « Information/désinformation ». 150 personnes étaient présentes et plus de 400 se sont connectées à distance lors du pic de la journée. Un autre PNF devrait avoir lieu au printemps et concernera les « espaces peu ou non régulés ».

Les thématiques nationales se déclinent au niveau des parcours en académie. Pour 2022-2023 on estime qu’environ 1 267 personnels ont été formés à la thématique de l’éducation à la défense sur 48 actions inscrites aux « plans académiques de formation » (PAF). Si on y ajoute les 38 actions de formation continue des trinômes académiques en 2023 qui ne sont pas déjà pris en compte pour éviter des doublons, bénéficiant à 2 088 personnels, on estime qu’environ 86 actions de formation continue en académie ont bénéficié à 3 355 personnels.

En outre, d’autres acteurs peuvent être ponctuellement associés à la formation initiale et continue des enseignants à ces questions. Ainsi, l’ONaCVG est de plus en plus souvent associé aux plans académiques et nationaux de formation. Dans le cadre du programme histoire et mémoire de la guerre d’Algérie, l’office forme près de 650 enseignants annuellement. Les interventions sur la thématique des OPEX vont également croissantes. En outre, en décembre 2022, la FNAM et l’UBFT ont conclu un partenariat avec le réseau CANOPE prévoyant une formation à destination des enseignants relative au monde combattant et aux valeurs patriotiques et républicaines. L’ECPAD intervient également régulièrement auprès des formateurs et enseignants : ainsi, en novembre 2023, l’ECPAD a animé un stage de trois heures organisé par l’académie d’Amiens dans le cadre du plan académique de formation (PAF) devant 20 enseignants-formateurs.

Votre rapporteure Martine Étienne souhaite toutefois rappeler que le renforcement de la formation continue des enseignants est aujourd’hui très compromis. En effet, soumis à des exigences croissantes de remplacements de courte durée avec un très faible préavis, la majorité des enseignants ne peuvent aujourd’hui plus bénéficier d’actions de formation continue. Sans investissement budgétaire renforcé dans l’Éducation nationale, ce droit à la formation des enseignants restera durablement compromis.

À l’aune de ces quelques constats, vos rapporteurs souhaitent émettre plusieurs propositions concernant le renforcement de la formation initiale et continue des enseignants à l’enseignement de défense :

­ – Afin de permettre le passage à l’échelle, ils recommandent la mise en place d’un module de formation initiale à l’enseignement de défense au sein des Master MEEF au même titre que l’école inclusive, l’égalité filles-garçons et demain la transition écologique, ainsi que la mise en place d’un module de formation continue du même type que celui de la laïcité. Ces modules devront par ailleurs sortir du paradigme d’un enseignement de défense exclusivement centré vers le « tout mémoriel ». Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite que ces modules soient obligatoires tandis que votre rapporteure Martine Etienne préfère qu’ils demeurent optionnels ;

­– Afin de faciliter l’appropriation de cet enseignement par les enseignants mais également les élèves, l’édition d’un ouvrage didactique sur l’enseignement de défense pourrait être intéressante. Lors de son déplacement en Estonie, votre rapporteur Christophe Blanchet s’est notamment vu remettre un manuel pédagogique utilisé par les enseignants d’un cours de défense nationale obligatoire depuis 2024 dans tous les lycées ;

­ En outre, votre rapporteur Christophe Blanchet propose la mise en place d’une épreuve relative à la défense et la sécurité nationale à l’oral 2 des épreuves d'admission des concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) ainsi que des concours externes et des troisièmes concours du Capes, du Capeps, du Capet, du CAPLP et de recrutement des conseillers principaux d'éducation. L’oral 2 est la seconde partie de l’épreuve d’entretien qui doit permettre au jury d’apprécier la capacité du candidat à s’approprier les valeurs de la République, dont la laïcité ainsi que les exigences du service public.

3.   Il convient de saisir l’opportunité de la réforme en cours des programmes de l’EMC afin de donner toute sa place à l’enseignement de défense au sein de cet enseignement

Par lettre de saisine en date du 27 juin 2023 ([31]), le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse a demandé au conseil supérieur des programmes (CSP) de rénover les programmes de l'enseignement moral et civique depuis le cours préparatoire jusqu'à la classe terminale. Les nouveaux programmes d’EMC doivent entrer en vigueur en septembre 2024. La lettre de saisine prévoit notamment le doublement du volume horaire consacré à cet enseignement au cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème) passant ainsi d’une demi-heure par semaine à une heure.

L’enseignement des principes et de l’organisation de la défense nationale étant en partie enseigné dans le cadre de l’EMC, cette réforme est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur cet enseignement.

Actuellement, l’enseignement de défense apparaît de manière obligatoire en EMC en troisième, première professionnelle et CAP. En seconde générale et technologique ainsi qu’en terminale générale et technologique il apparaît dans les programmes « de manière optionnelle ».

Les nouveaux programmes d’EMC inscrivent l’enseignement de défense de manière obligatoire en 4ème, dans le cadre d’une thématique intitulée « Défendre les libertés ». En revanche, cet enseignement n’apparait plus que de manière suggérée en 3ème dans le cadre d’une thématique intitulée « Faire vivre la démocratie » qui aborde notamment la question de l’engagement dans les institutions et notamment les forces armées et de sécurité intérieure ou civile.

En première générale et technologique, cet enseignement apparaît de manière obligatoire dans le cadre d’une thématique « cohésion et diversité dans une société démocratique » qui liste notamment les enjeux mémoriels, la sécurité nationale, la défense européenne ainsi que la présentation des enjeux des guerres hybrides.

En cycle CAP, le programme recouvre l’intégralité de la formation, quel que soit le nombre d’années qu’elle suppose. Le professeur peut choisir l’ordre de traitement des thèmes. L’enseignement de la défense apparaît de manière obligatoire dans le cadre de la section « cohésion et diversité dans une société démocratique ».

En lycée professionnel, l’enseignement de défense apparaît de manière obligatoire en classe de première.

Les projets de programme appellent plusieurs remarques de la part de vos rapporteurs :

­ tout d’abord, une question fondamentale reste de savoir si le doublement du volume horaire hebdomadaire d’EMC au cycle 4 sera réalisé sous plafond du volume horaire hebdomadaire d’HG-EMC. En effet, la majeure partie des enseignants d’EMC sont des enseignants d’HG. Or, si le volume horaire hebdomadaire d’EMC double, et que les heures d’HG n’augmentent pas, ces mêmes enseignants seront contraints de ne pas terminer leur programme d’HG ou de ne pas pouvoir mettre en œuvre de facto le doublement horaire hebdomadaire d’EMC. Le doublement des heures d’EMC pourrait entrer en vigueur en septembre 2024, alors même que les dotations de fonctionnement ont déjà été envoyées aux établissements. Or, interrogés sur ce point par vos rapporteurs, les services du DGESCO ont précisé que ce doublement horaire d’EMC serait effectué sous plafond. Aujourd’hui, une demi-heure supplémentaire hebdomadaire d’EMC dans le secondaire est évaluée à 4 900 ETP supplémentaires.

Vos rapporteurs alertent en conséquence sur la mise en œuvre difficile de cette réforme si elle est bien effectuée sous plafond. Le doublement des heures d’EMC doit s’accompagner d’un doublement des moyens consacrés à l’EMC ;

­– en outre, selon les services de la DGESCO, les projets de nouveaux programmes actuellement à l’étude permettent de consacrer de manière certaine l’étude de la défense et de la sécurité nationale sur une des quatre années de collège ainsi que sur une des trois années de lycée. Toutefois, votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite souligner que le glissement de la 3ème vers la 4ème de l’obligation d’enseigner la défense nationale dans le cadre de l’EMC risque de pénaliser cet enseignement. En effet, l’inscription antérieure de l’enseignement de défense en 3ème, année du passage du diplôme national du brevet, lui donnait davantage de force dans la préparation de l’épreuve écrite d’histoire-géographie-enseignement moral et civique en raison de l’échéance prévue en fin d’année ;

­– vos rapporteurs saluent l’accent particulier qui est mis dans le cadre de ces projets sur l’éducation au développement durable et l’éducation aux médias et à l’information, deux enseignements transversaux qui offrent par ailleurs de nombreux « points d’entrée » pour aborder les enjeux de la Défense nationale ;

­– enfin, vos rapporteurs souhaitent souligner la densité des programmes d’EMC, qui réduisent les chances de voir abordées l’ensemble des notions au programme. Ils appellent de leurs vœux la réalisation d’une étude actualisée sur le volume horaire effectivement consacré à l’éducation morale et civique dans les établissements. Ils souhaiteraient également que le mot « paix » soit présent dans les programmes et projets de programmes d’EMC.

4.   Parce que l’enseignement de défense est fondamentalement interdisciplinaire, le renforcement de la transversalité de cet enseignement doit être recherché

La diffusion la plus large possible de l’enseignement de défense suppose le renforcement de sa transversalité. Cette transversalité repose notamment sur les « entrées défense » interdisciplinaires.

a.   Les « entrées défense » interdisciplinaires

L'enseignement de défense est inscrit dans les programmes d’éducation morale et civique (EMC) ; néanmoins, des éléments de programmes de différents champs disciplinaires permettent d’introduire des questions d’enseignement de défense à travers des « entrées défense ».

La plateforme Eduscol recense un certain nombre de ressources thématiques et de ressources pédagogiques à destination notamment des enseignants d’histoire-géographie et d’EMC aux fins de les aider à structurer les entrées défense. À titre d’exemple, une page est dédiée au thème de l’océan. Elle met à disposition des ressources pédagogiques en géopolitique, histoire et en sciences, qui permettent notamment de mieux comprendre les enjeux stratégiques des territoires maritimes, mais aussi les enjeux maritimes dans leurs autres dimensions (écologiques, économiques, etc.). Des ressources relatives à la cybersécurité et la cyberdéfense sont également proposées pour aborder ces enjeux aux travers de plusieurs enseignements et entrées. De nombreuses ressources sont également prêtes à l’emploi afin d’aborder les enjeux de défense et de sécurité nationales tout au long des six thèmes de l’enseignement de spécialité HGGSP en terminale.

L’un des enseignants auditionnés par vos rapporteurs a expliqué « utiliser l’actualité pour glisser des problématiques de défense et instiller de la culture de défense dans de nombreux domaines car les quelques heures d’EMC me semblent insuffisantes. ».

Vos rapporteurs estiment que les entrées défense ne doivent pas seulement concerner l’histoire-géographie mais bien s’ouvrir aux autres champs des savoirs : ainsi, les sciences de la vie et de la terre peuvent se prêter à une étude des pathologies et infections de guerre. L’évocation des gueules cassées peut servir de point d’appui à une étude des progrès de la médecine. En éducation physique et sportive, peuvent être utilement mentionnés les opérations « Avec nos blessés » en soutien aux soldats blessés en opération ainsi que l’univers des sports adaptés et du parasport. En technologie, la conception assistée par ordinateur peut permettre d’évoquer l’élaboration d’orthèses et de prothèses pour les blessés en opération et évoquer les enjeux et les risques de la défense nationale. Les mathématiques peuvent également servir de base à un projet d’éducation à la défense interdisciplinaire : ainsi, en 2023, le prix spécial du jury ex-aequo du prix armées-jeunesse a été attribué à la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) pour avoir réalisé un dossier « Comment les maths ont contribué à vaincre Hitler » avec les élèves du collège Jeanne d’Arc du Kremlin-Bicêtre.

Dans l’objectif de renforcer la sensibilisation des élèves au risque cyber, vos rapporteurs invitent l’agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) à travailler de concert avec le MENJ afin de mettre en place, dans le cadre du programme PIX ([32]), des épreuves obligatoires relatives à la sécurité et l’hygiène numérique. La certification PIX est obligatoire depuis la rentrée scolaire 2021 pour tous les élèves de 3ème et de terminale et sera prochainement étendue aux élèves de 6ème. Un module PIX obligatoire relatif à la sécurité numérique serait un vecteur massif de sensibilisation de la jeunesse à la résilience cyber de la Nation.

b.   Des ponts à construire avec l’éducation aux médias et à l’information (EMI)…

Les liens entre l’EMI et l’enseignement de défense sont nombreux. Les médias ainsi que les réseaux sociaux peuvent constituer un levier majeur d’ingérences étrangères pour de nombreux compétiteurs stratégiques de la France. Le ministère des armées qualifie de menaces « hybrides » les stratégies de désinformation exercées par des compétiteurs étrangers dans le domaine immatériel du « champ informationnel » et des « perceptions ». Les attaquer « cyber » et les stratégies de désinformation pouvant s’autoalimenter, la sensibilisation aux règles de bases de l’hygiène numérique peut également être abordée.

La revue nationale stratégique de 2022 consacre « l'influence » comme nouvelle fonction stratégique à part entière. Au sein du SGDSN a été créé un service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (VIGINUM) à partir de juillet 2021.

Sans éducation aux médias et à l’information, les élèves et étudiants sont particulièrement vulnérables face aux stratégies d’ingérences étrangères des compétiteurs de la France qui diffusent de fausses informations ou mettent en œuvre des stratégies d’amplification médiatique largement relayées.

La feuille de route des trinômes académiques 2022-2023 cite expressément l’EMI, l’éducation artistique et culturelle (EAC) ainsi que l’éducation au développement durable (EDD) comme disciplines transversales devant être rapprochées de l’éducation au développement durable.

Sur Eduscol, de nombreuses ressources pédagogiques sont également proposées aux enseignants pour effectuer des rapprochements entre enseignement de défense et EMI/EAC. Le centre pour l'éducation aux médias et à l'information (CLEMI) conçoit de nombreux évènements et ressources pouvant servir de « points d’entrée défense ». Ainsi, la semaine de la presse et des médias dans l’école qui a eu lieu du 18 au 23 mars 2024 avait pour thème : « L’info sur tous les fronts ». Le dossier pédagogique conçu à cette occasion par le CLEMI analyse le travail des médias et des journalistes sur le terrain. Il explore notamment les techniques de l’OSINT (Open Source Intelligence, information en source ouverte) qui permettent de puiser dans toutes les données publiques disponibles en ligne (posts de réseaux sociaux, bases de données, retransmissions, articles, images de webcam etc), et les outils à disposition (images satellites, archivage, Google Street View etc). En 2024, un programme national de formation a été consacré à l’information et la désinformation.

Vos rapporteurs encouragent fortement les enseignants à construire des ponts entre EMI et enseignement de défense, dans la perspective de la construction d’une pensée critique. L’enseignement de défense se doit d’être décloisonné et pratique et l’EMI s’y prête particulièrement : ainsi, une enseignante d’histoire-géographie a sensibilisé ses élèves inscrits en spécialité HGGSP à la désinformation et au complotisme sur les réseaux sociaux en les éduquant à repérer les principales caractéristiques de faux-comptes X-Twitter et les stratégies de désinformation à l’œuvre (voir la photographie ci-après relayée par cette enseignante sur son compte LinkedIn ([33])) :

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En Finlande, depuis les années 1950, l’éducation aux médias commence dès l’âge de 6 ans et se prolonge tout au long de la scolarité. Le système éducatif finlandais s’est associé à l’agence finlandaise de vérification des faits Faktabaari (FactBar) afin de développer une « boîte à outils » d’éducation numérique pour les élèves du primaire au secondaire. Cela permet d’assurer une résistance à la désinformation dès le plus jeune âge. L’EMI finlandaise mise avant tout sur la participation actives des élèves à cet enseignement : les élèves créent leurs propres supports médiatiques, par exemple des sites internet ou des vidéos. Ils élaborent des messages sur différents sujets et les présentent à leurs camarades pour avoir leurs suggestions et leurs retours. Un enseignement précoce de l’EMI participe de la meilleure compréhension des mécanismes de propagande et de désinformation, favorisant ainsi l’apprentissage de la pensée critique. La Finlande se classe comme le pays détenant « le potentiel le plus élevé pour résister à l’impact négatif des fake news et de la désinformation », selon le Media Literacy Index 2021.

c.   …avec l’Éducation artistique et culturelle…

La feuille de route des trinômes académiques pour 2022 et 2023 encourage également le développement de ponts entre l’éducation artistique et culturelle et l’enseignement de défense. Le MINARM étant le deuxième acteur culturel de l’État, les liens entre l’EAC et la défense nationale se voient facilités.

En 2022, la moitié des projets primés dans le cadre de l’éducation à la défense revêtaient une dimension EAC. Les restitutions sous forme de danse, de chants, de représentation théâtrale, de bandes-dessinées ou de dessins sont valorisées. L’ensemble des disciplines artistiques peuvent se prêter à un projet relevant de la sensibilisation aux enjeux de défense, en mobilisant aussi les codes et habitus culturels propres à la jeunesse : BD, création de slams, street art. Ainsi, la CDSG du collège Paul Eluard de Noyon a composé un slam intitulé « République, j’écris ton nom ». Le slam a ensuite été mis en musique et interprété par la musique de l’Infanterie de Lille, unité militaire marraine de la CDSG. Les paroles du slam constituent un hommage au poème Liberté, j’écris ton nom du poète et résistant Paul Eluard. Ce projet pédagogique a obtenu le prix spécial du jury 2023 du prix armées-jeunesse.

D’après la FNAM et l’UBFT : « L’éducation artistique et culturelle est essentielle pour transmettre la mémoire et l’esprit de défense ». L’éveil aux enjeux de la défense et la nécessité de préserver la paix passe par d’innombrables œuvres littéraires (ex : Voyage au bout de la nuit, Céline), picturales (ex : Guernica, Picasso), musicales (ex : Le chant des partisans), etc. « Préserver la paix, c’est avant tout comprendre la guerre et ses effets dévastateurs. Les œuvres-témoins participent, en ce sens, à la préservation de la paix. »

Le site EDUSCOL suggère de nombreuses ressources pour les enseignants souhaitant aborder les enjeux de la défense nationale via l’EAC, dans les champs littéraire, cinématographique, pictural, musical, théâtral ou encore graphique.

Aux États-Unis, un projet théâtral consistant à faire jouer par des vétérans de l’armée américaine des personnages de tragédies grecques ([34]) de Sophocle permet d’évoquer les blessures de la guerre dans ce qui s’apparente à une catharsis collective. La pièce a été largement distribuée devant des publics scolaires. La culture, en l’espèce le théâtre, constitue un vecteur puissant pour évoquer dès le plus jeune âge les enjeux de défense et la nécessaire préservation de la paix.

d.   …ainsi qu’avec l’éducation au développement durable

Une étude conduite par l’IRSEM ([35]) estime que près de 6 jeunes sur 10 âgés de 16 à 18 ans considèrent le changement climatique et la perte de biodiversité comme leur premier sujet de préoccupations avant la question des inégalités sociales (43 %) et les enjeux de l’égalité entre les hommes et les femmes (40 %).

Or, il existe de nombreux enjeux convergents entre l’éducation au développement durable et les enjeux de la défense nationale. La multiplication des évènements climatiques extrêmes accroît la sollicitation des forces armées lors des catastrophes climatiques en France ou à l’étranger. Les tensions croissantes sur la sécurité et la souveraineté alimentaires et environnementales causées par le réchauffement climatique constituent une source majeure de tensions géopolitiques. La fonte des glaces et l’ouverture subséquente de certaines routes maritimes présentent de nombreux risques géopolitiques et militaires dans certaines régions du globe, comme en Arctique. Le changement climatique risque de limiter la performance opérationnelle des forces.

En réaction, la ministre des armées a approuvé en 2022 une stratégie climat et défense visant justement à préparer le ministère au défi climatique. Le MINARM a récemment nommé un conseil climat auprès du Major général des armées qui dispose d’un secrétariat permanent climat et défense. Récemment, le secrétariat climat et défense a conçu une fresque climat et défense dont l’objectif est de sensibiliser les militaires et civils de la défense aux enjeux d’adaptation des armées au changement climatique. Vos rapporteurs suggèrent le déploiement de cette fresque au bénéfice des autres administrations de l’État travaillant en partenariat étroit avec le MINARM et notamment le MENJ. Cette fresque serait un excellent levier de sensibilisation de la communauté éducative aux enjeux croisés du développement durable et de l’enseignement de défense.

Les liens entre l’éducation à la défense et l’éducation au développement durable sont nombreux. Vos rapporteurs invitent l’ensemble des enseignants dispensant l’enseignement de la défense nationale à mettre en lumière ces enjeux croisés. Dans cette perspective, vos rapporteurs souhaitent rappeler que la Marine nationale est en première ligne du changement climatique depuis de nombreuses années, notamment dans les territoires ultramarins où les forces de souveraineté assurent une préservation continue des intérêts et de la souveraineté française. Auditionnée par vos rapporteurs, la division de la cohésion nationale de la Marine nationale a rappelé que « Les marins sont les témoins quotidiens du changement climatique et de la pollution des océans (…). La mer constitue un vecteur pédagogique relatif aux conséquences des évolutions climatiques (fonte des glaces aux pôles) et de l’activité humaine (pollution diverse). Les bâtiments de la Marine nationale basés à la Réunion et le patrouilleur austral « Astrolabe » en particulier, ont d’ailleurs été distingués en 2023 en étant les lauréats du prix armées-jeunesse 2023 dans la catégorie « Développement durable » pour un projet impliquant ces unités, des classes labellisées TAAF et des classes de défense. Le patrouilleur de la Marine nationale basé en Guyane a également été lauréat du prix armées-jeunesse 2022 dans la catégorie « Développement durable » pour la sensibilisation au développement durable notamment la surveillance des pêches (…). »

Pour Sébastien Jakubowski : « À mon sens, sur bien des points, ces deux sujets peuvent se rapprocher et convergent dans une certaine mesure quant à leur centralité actuelle ou à venir. Nous avons déjà eu l’occasion d’en échanger avec la Haut fonctionnaire en charge du développement durable et de la transition écologique au MENJ. À l’INSPE de Nouvelle Calédonie, un stage est par exemple organisé sur la thématique « Défense et développement durable » pour des fonctionnaires stagiaires. »

Sur bien des sujets, il semble même possible de construire des ponts entre enseignement de défense, développement durable et éducation artistique et culturelle. Par exemple, il est possible, à partir du roman Dune de Frank Herbert ou de son adaptation cinématographique d’évoquer les enjeux de constitution d’un empire et le jeu des alliances, les luttes de pouvoir qui en résultent, la question des « puissances » et des frontières. Le sujet des armes technologiques et de la guerre asymétrique, de l’espionnage comme « enjeu de la connaissance » ou encore les conflits résultant du changement climatique et de la raréfaction des ressources naturelles peuvent également être abordés dans ce cadre ([36]).

5.   La transmission des questions mémorielles gagnerait à être renouvelée en favorisant l‘apprentissage d’une mémoire incarnée, à hauteur d’élève

Si l’Union étudiante a déclaré devant vos rapporteurs « qu’il est vital d’apprendre l’histoire et de faire un travail de mémoire pour ne pas reproduire les erreurs de l’histoire », la fédération des associations générales étudiantes (FAGE) a déploré le peu de sens que revêtent les cérémonies du 8 mai et du 11 novembre pour les jeunes : « On lisait juste des textes. Quelle utilité pour les jeunes ? On ne veut pas juste faire beau pour la photo. Ce qui importe, c’est de faire en sorte que ces crimes et ces guerres ne se répètent pas. On nous expose les faits sans clé pour nous donner un esprit critique dessus. Il existe aussi une instrumentalisation de l’histoire utilisée comme un outil politique plutôt que comme un outil de mémoire. On souhaite vivre ce devoir de mémoire en tant que citoyens. ».

La mémoire constitue un outil de défense et une chance pour la paix. Bien transmise et bien comprise, la mémoire des grands conflits contemporains est un instrument de préservation de la paix. Vos rapporteurs encouragent la transmission d’une mémoire incarnée, à hauteur d’élève.

Dans cette perspective, la mémoire doit être porteuse de sens pour les élèves. Pour qu’une action mémorielle soit profitable, il importe de donner aux élèves des clés de compréhension. Les élèves doivent se sentir acteurs de cette action, qu’elle consiste en une visite mémorielle, une participation à une cérémonie patriotique ou encore une conversation-débat avec un grand témoin ou un militaire blessé en opération.

Les enseignants ont un rôle fondamental dans cette transmission de sens. Pour ce faire, il est nécessaire de travailler en amont d’une action mémorielle au sein des classes afin de faire comprendre le sens de cette action. Dans cet objectif, vos rapporteurs encouragent le développement d’outils pédagogiques de médiation comme les « mallettes pédagogiques ». Les rapporteurs saluent notamment le travail effectué par l’ONaCVG dans cet objectif. L’office a notamment conçu un guide des actions pédagogiques téléchargeable sur le site internet de l’office. L’office conçoit également des expositions didactiques et principalement adaptées à un public du secondaire, disponibles sur l’ensemble du territoire national et sur demande auprès du directeur départemental de l’office. L’ONaCVG a conçu des mallettes pédagogiques constituées d’un ensemble d’outils consacrés aux opérations extérieures, à la guerre d’Algérie, aux cérémonies, aux nécropoles, au sport lié à la mémoire ainsi que prochainement à la citoyenneté. Ces ressources sont utilisées par les agents de l’office, mais également par d’autres personnels formés – comme dans le cadre du SNU et de la JDC – et peuvent être empruntées sur demande auprès des services territoriaux de l’office ou mises directement à la disposition des enseignants (en version numérique) notamment lors des formations organisées par l’office.

D’après la directrice de l’ONaCVG, auditionnée par vos rapporteurs : « Il faut un travail mémoriel en amont et en aval de la cérémonie. Il faut que le jeune sache pourquoi il est là, quelle est la signification de son geste. C’est ce à quoi les équipes de l’ONaCVG s’affairent (exemple des ambassadeurs de mémoire de la Shoah). Il faut également créer les conditions d’un continuum entre la cérémonie et le travail de mémoire d’un côté, la vie quotidienne de l’autre. Ainsi les différentes formes d’engagement au service des collectivités sont des manières d’appliquer les valeurs que les cérémonies portent haut. Si les journées nationales commémoratives apparaissent incongrues dans le parcours de vie des jeunes, alors nous sommes sur la mauvaise voie. Si elles donnent sens à leur quotidien, nous aurons gagné. »

Afin de rendre les élèves acteurs d’une cérémonie patriotique, il peut également être intéressant de confier la garde et le port de drapeaux aux élèves, notamment lorsque l’unité associée au drapeau est dissoute et qu’elle s’est particulièrement illustrée pour la défense et la préservation des valeurs républicaines. Cette initiative a été initialement portée par l’association Le Souvenir français. Les porte-drapeaux sont des bénévoles, anciens combattants ou non, assurant lors des manifestations patriotiques le service du port du drapeau tricolore de leur association. Dans cet objectif, depuis 2023, l’ONaCVG édite un « manuel à l’usage des jeunes porte-drapeaux ». Il est conçu pour renforcer la formation des porte-drapeaux et valoriser leur engagement. Il aborde divers aspects tels que l’appréhension du rôle de porte-drapeau, ses responsabilités, la connaissance des protocoles et du respect de la tenue vestimentaire lors d’une cérémonie. Ce manuel est doté de rappels historiques sous forme de frises chronologiques, accessibles à l’aide de QR codes, rendant ainsi la connaissance et la compréhension des grands conflits du XXème siècle facilitée pour un jeune public. Ce document est diffusé auprès des écoles de jeunes porte-drapeaux et des associations du monde combattant. Il est aussi téléchargeable sur le site de l’office. L’office remet chaque année des diplômes d’honneur de porte-drapeaux. En 2023, 3 808 diplômes ont été remis dans ce cadre. À l’heure actuelle, l’ONaCVG recense 54 écoles de jeunes porte-drapeaux sur le territoire. Toutefois, ces écoles ne sont réparties de manière homogène sur le territoire. Les initiatives pédagogiques concernant la pérennisation des porte-drapeaux auprès d’un public scolaire sont donc variables d’une région à l’autre.

­La transmission de la mémoire doit aussi pouvoir s’incarner territorialement pour les élèves. La politique mémorielle se prête particulièrement bien à l’appropriation d’un territoire par une classe. Seules douze communes en France n’ont pas subi de pertes durant la 1ère Guerre mondiale. Pour les presque 36 000 autres, le plus petit dénominateur patrimonial commun est le monument aux morts qui commémore en un même lieu tous les combattants « Morts pour la France » de la commune. De nombreuses actions pédagogiques sont conduites par les enseignants depuis ces lieux hautement symboliques. Ils ancrent très localement « l’enseignement de défense » dès le CM2. Vos rapporteurs encouragent au maximum le travail de mémoire afin que les élèves s’approprient via l’enseignement de défense leur propre histoire familiale en partant par exemple du nom d’un de leur aïeul inscrit sur le monument aux morts de la commune. Ils appellent de leurs vœux une communication renforcée sur le portail « Mémoire des hommes » qui a été inauguré en novembre 2003. Ce portail administré par la DMCA donnait initialement un accès numérique à la base des Morts pour la France de la première guerre mondiale au titre de mémorial virtuel en hommage aux combattants. Enrichi ultérieurement, il permet à présent d’effectuer une recherche recoupant plusieurs bases d’archives en entrant le nom d’un de ses ancêtres et de repérer facilement la localisation géographique du dossier d’archives correspondant.

Le chef de la division des archives des victimes des conflits contemporains du service historique de la Défense a expliqué que lorsqu’il réalisait une intervention en classe, il se renseignait toujours en amont afin de savoir quels élèves avaient un membre de leur famille mort pour la France, avant de venir en classe avec des copies d’archives du SHD relatifs à ces aïeux. Ce type de démarches visant à créer un lien direct et personnel avec des pièces d’archives et permettant d’incarner concrètement la mémoire doivent être encouragées.

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent souligner la nécessité de transmettre aux élèves une mémoire plurielle, qui mette également en lumière des pans moins visibles de l’Histoire, concernant par exemple le rôle des femmes dans la défense nationale, le rôle des des Outre-mer, l’impact de la colonisation ou encore les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie française.

­Autant que possible, encourager les rencontres directes entre élèves et anciens combattants, y compris les militaires blessés issus de la 4ème génération du feu. Développer ce type de témoignage à l’échelle nationale constitue un bon vecteur d’éducation à la défense ; ainsi que le rappelait l’enseignant responsable de la CDSG de Cabourg, ces témoignages sont souvent plus efficaces pour sensibiliser les élèves aux tragédies du XXème siècle que les cours théoriques d’histoire-géographie : « Lorsqu’ils témoignent devant les élèves dans le cadre des CDSG, les vétérans ont plus de légitimité que moi. Quand un témoin raconte, il met de l’humain, donne une légitimité au message de paix et de fraternité qui va derrière. »

Les rencontres entre les élèves et les vétérans de guerre sont facilitées par les partenaires de l’Éducation nationale, notamment les services déconcentrés de l’ONaCVG, les trinômes académiques ou les fondations et associations combattantes ou mémorielles comme l’UBFT ou la FNAM. Aujourd’hui, un défi majeur pour ces partenaires consiste à attirer dans leurs rangs les soldats de la 4ème génération du feu également appelés « jeunes anciens combattants ».

Au sujet de la 4ème génération du feu, vos rapporteurs souhaitent rappeler que conformément au rapport annexé de la précédente loi de programmation militaire ([37]), « une liste des militaires morts pour la France dans les douze mois précédents sera transmise par le ministère des armées à chaque commune de France pour que leur nom, leur âge et leur unité soient énoncés pendant les commémorations du 11 novembre ». La bonne mise en œuvre de cette obligation est importante pour rappeler aux jeunes générations qu’aujourd’hui encore l’engagement quotidien des militaires peut aller « jusqu’au sacrifice suprême ».

Néanmoins, la généralisation de ces rencontres et dispositifs se heurte dans les faits à plusieurs freins :

­ la disponibilité des référents régionaux mémoire de l’ONaCVG (1 à 2 par académie) chargés de piloter entre autres choses ce programme ;

­ la détection de vétérans souhaitant témoigner tout en disposant d’un cadre de témoignage permettant la prise en compte de leurs blessures notamment psychologiques (syndrome post-traumatique).

­Promouvoir le tourisme de mémoire : La DMCA encourage les publics scolaires à se rendre sur les lieux de mémoire des conflits contemporains. Tous ces sites ont une forte vocation mémorielle et contribuent à la transmission de la mémoire auprès des jeunes générations. Sur la plateforme Educadef, un onglet présente l’offre pédagogique des plus de 200 lieux de mémoire en France. ([38])  D’après le directeur général de la mission Libération, auditionné par vos rapporteurs : « Le sujet de l’accès au lieu de mémoire et d’histoire comme de la large diffusion des contenus (livresques, numériques ou artistiques) est essentiel un afin de ne pas laisser les discours révisionnistes et ouvertement hostiles à la France se propager sur notre territoire. L’actualité nous montre quotidiennement que nos compétiteurs n’hésitent pas à propager une version alternative de notre histoire afin de créer de la discorde au moment où le besoin de cohésion nationale émerge de nouveau. » ;

­Saisir l’opportunité inédite du 80ème anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire pour associer l’ensemble des élèves du secondaire au cycle commémoratif. Au 15 mars 2024, 622 projets pédagogiques en lien avec cet anniversaire avaient été notifiés au GIP Mission Libération et plus de 600 projets avaient déjà été labellisés. Votre rapporteur Christophe Blanchet invite l’ensemble des rectorats à encourager ce type de projets au sein de leurs académies par une communication proactive sur le calendrier et les ressources disponibles. Le jour du 6 juin, une mise en réseau virtuelle de l’ensemble des classes au sein de l’académie pourrait être effectuée et permettrait de rendre les élèves acteurs de ce cycle commémoratif majeur pour la France.

À l’aune de ces quelques éléments, vos rapporteurs souhaitent établir plusieurs propositions relatives au travail de mémoire :

­Vos rapporteurs souhaitent décliner le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations en permettant effectivement à chaque élève de visiter un lieu de mémoire au cours de sa scolarité ;

­Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite permettre aux élèves de participer à une cérémonie patriotique sur le temps scolaire au moins une fois par an. Votre rapporteure Martine Étienne souhaite que cette possibilité soit offerte aux élèves au moins une fois par scolarité. Afin que les élèves soient acteurs de ces cérémonies, les relais défense en établissement (RDE) devront prendre l’attache de la mairie de leur commune afin d’organiser une action concertée et préparée dans le cadre de ces commémorations ;

­ Dans le prolongement de cette proposition, votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite réduire le nombre de jours patriotiques fériés afin de favoriser la participation des élèves aux cérémonies sur le temps scolaire. Ainsi, votre rapporteur propose la suppression du caractère férié du 8 mai. Ce nouveau format du 8 mai pourrait ainsi viser un renforcement de la sensibilisation à l’engagement patriotique et prévoir des temps d’échange et de témoignage avec des vétérans.

Projet de 8 mai rénové

Partant du constat de la baisse de la fréquentation du public aux célébrations mises en place à l’occasion de la journée patriotique fériée du 8 mai, le rapporteur Christophe Blanchet propose la suppression du caractère chômé de cette journée afin de permettre en particulier aux jeunes d’être sensibilisés à l’engagement et de valoriser celles et ceux qui s’engagent pour la Nation. Le thème de la résilience serait placé au coeur de cette journée.

À cette fin, cette journée patriotique serait repensée en maintenant les cours dans toutes les cités scolaires (du primaire au lycée). L’activité pédagogique dans chaque matière serait consacrée à la sensibilisation de la jeunesse aux questions relatives à la Défense nationale et à l’explication des enjeux mémoriels de cette journée. Les jeunes participeraient à la cérémonie patriotique organisée dans la commune où est situé leur établissement scolaire, en compagnie de leurs enseignants. Le déroulé d’une cérémonie aurait fait l’objet d’explications pédagogiques antérieures, grâce notamment aux outils mis à disposition à cette fin par l’ONaCVG. Les élèves seraient acteurs de ces cérémonies et non astreints à une présence passive.

Votre rapporteur souhaite proposer plusieurs types d’activités envisageables dans ce cadre :

Premier exemple :

Un projet pédagogique autour des noms inscrits sur le monument aux morts de la commune pourrait être mené, intéressant les jeunes directement à l’histoire de leurs ancêtres ou à celle de leurs camarades. Ceci est possible aujourd’hui possible grâce au site « Mémoire des hommes » (https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/) qui permet de découvrir l’histoire d’un Français dont le nom est inscrit sur un monument aux morts.

Au primaire, les enfants pourraient travailler sur un dessin ou une autre réalisation artistique et le présenter à l’occasion de la cérémonie communale.

Au collège, les élèves pourraient étudier des lettres de soldats, s’intéresser à leur quotidien dans les combats, en découvrir l’histoire et la partager.

Au lycée, ils pourraient faire revivre un de ces noms grâce aux ressources du site « Mémoire des hommes », éventuellement retrouver l’adresse d’un de ces soldats de la commune et suivre son parcours depuis sa mobilisation jusqu’à sa disparation.

Deuxième exemple :

Pour le cas où leur classe ne pourrait se rendre au monument aux morts, une cérémonie comprenant un moment de commémoration dans la cour de l’école, du collège ou du lycée pourrait être organisée au sein de l’établissement. Les classes prévoiraient d’y prendre part suivant un projet pédagogique similaire à celui énoncé plus haut.

De plus, ce pourrait être l’occasion de faire intervenir des personnalités engagées de la commune, en particulier des réservistes. Cette cérémonie pourrait être clôturée par l’hymne national.

Troisième exemple :

Les nombreuses ressources disponibles sur le site Eduscol et Chemins de mémoire pourraient permettre à chaque enseignant de construire un projet pédagogique autour du 8 mai. En mathématiques, pourrait être expliqué l’apport de cette science pour casser les codes secrets de la machine Enigma. En physique, pourraient être abordés les travaux sur la fission nucléaire ayant mené à la bombe atomique, avec des débats sur ce thème. En biologie, les projets pourraient par exemple s’intéresser aux missions menées par les alliés pour prélever du sable des plages de Normandie et aux raisons pour lesquelles les caractéristiques de ces sables étaient utiles afin de prévoir le débarquement de juin 1944. En géographie, des études de terrain pourraient être menées afin d’expliquer pourquoi la météo, les marées, les distances étaient essentielles. En philosophie, des réflexions sur des thèmes appropriés pourraient être proposées (« Les armes défendent-elles la paix ? »). Concernant les cours de français, les œuvres littéraires relatives à ces sujets sont innombrables.

L’après-midi, des réservistes issus des 48 dispositifs de réserves ou équivalents ainsi que des personnalités engagées (bénévoles d’associations, du monde combattant, élus, militaires etc) pourraient intervenir au sein des établissements.

De nombreuses pistes peuvent être explorées. Votre rapporteur appelle à valoriser de manière récurrente, dans le cadre scolaire, l’exemple des personnes engagées pour la collectivité.

Cette journée pourrait également être l’occasion d’expérimenter, sur la base du modèle canadien, la possibilité pour les réservistes de valoriser leur engagement en revêtant ce jour-là au sein de leur entreprise leur tenue spécifique de réserviste. Ils seraient également encouragés à se rendre aux cérémonies patriotiques du 8 mai en tenue de réserviste, ainsi que dans les établissements scolaires pour témoigner de cet engagement auprès des jeunes.

En sus de tous ces exemples, votre rapporteur souligne qu’il convient d’utiliser chacun des leviers culturels de sensibilisation à la défense identifiés dans ce rapport pour éveiller les jeunes aux enjeux du 8 mai (bande-dessinée, podcast, musique, mangas, jeux etc). Les ressources culturelles et littéraires existantes sont nombreuses pour l’ensemble des classes, ainsi que l’illustre la photo ci-après prise par votre rapporteure dans une librairie du Calvados en mai 2024.

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­Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite également encourager la création dans chaque collège et lycée d’une délégation de porte-drapeaux.

6.   Introduire spécifiquement un cours lié à ces enjeux

Afin d’organiser le « passage à l’échelle de l’enseignement de la défense nationale », vos rapporteurs proposent d’introduire dans le cadre scolaire un cours obligatoire spécifiquement lié à ces enjeux, distinct de l’EMC et ne reposant pas seulement sur des « entrées défense » interdisciplinaires.

Si le constat d’un nécessaire renforcement de la formation des élèves aux enjeux de la géopolitique et de la défense nationale est partagé par vos rapporteurs, ces derniers divergent sur les modalités de cet enseignement.

Votre rapporteure Martine Étienne souhaite la mise en place d’un cours obligatoire sur les enjeux géopolitiques pour tous les élèves de seconde et plus seulement en parcours optionnel en première dans le cadre de l’HGGSP afin de mieux lutter contre la désinformation et former des citoyens éclairés sur les enjeux contemporains. La spécialité HGGSP serait cependant maintenue pour les élèves souhaitant approfondir ces thématiques. Cet enseignement serait délivré exclusivement par des enseignants de l’Éducation nationale. Cette mise en œuvre ne pourrait intervenir que dans quelques années, après le renforcement de la formation initiale et continue des enseignants aux enjeux de défense évoquée supra. Cette proposition a trouvé un écho dans le déplacement de la mission d’information en Finlande. Les lycéens finlandais doivent en effet suivre un cours obligatoire intitulé « La Finlande dans un monde qui change » ([39])  décliné tout au long de l’année en 38 sessions de 45 minutes. Le cours aborde notamment la politique de défense et de sécurité finlandaise, la question des stocks stratégiques, la gestion civile des crises et les enjeux géopolitiques, l’approche n’étant pas militaire mais bien généraliste.

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite de son côté l’instauration pour l’ensemble des lycéens de seconde d’un module obligatoire sur la défense globale. Ce module serait dispensé par des réservistes citoyens ou opérationnels formés pour délivrer ce type d’enseignement. Cette proposition trouve un écho dans le déplacement de la mission d’information en Estonie où les lycéens bénéficient d’un cours obligatoire relatif à la défense nationale. Le cours est décliné en 35 sessions de 35 minutes chacune. Dans le lycée franco-estonien où le rapporteur Christophe Blanchet s’est rendu, ce cours est délivré par un ancien civil du ministère de la Défense ainsi qu’un réserviste opérationnel, ancien lieutenant dans les forces armées estoniennes. Ce cours était proposé de manière facultative depuis 15 ans. Dans ce cadre, les lycées effectuent en fin d’année scolaire sur la base du volontariat un « camp » de trois jours qui constitue une initiation à la vie militaire dans un pays où le service militaire demeure obligatoire pour les jeunes hommes. Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaiterait proposer aux lycéens de seconde qui le souhaitent la possibilité d’effectuer un camp similaire en fin d’année scolaire, avec encadrement militaire. Ce camp serait effectué sur la base du volontariat et impliquerait une nuitée à l’extérieur.

Votre rapporteure Martine Étienne ne souhaite pas confier cet enseignement aux forces armées déjà largement sollicitées dans le cadre de leurs missions opérationnelles. Elle s’appuie à cet égard sur les propos de Sébastien Jakubowski en audition : « Je sais qu’il y a la tentation dans certains cercles d’une volonté de prise en main [militaire]de cet enseignement. Ce serait à mon sens une erreur manifeste dans un pays démocratique comme le nôtre avec son histoire et sa culture. Ce serait inutilement exposer une institution qui bénéficie aujourd’hui d’un soutien et d’une confiance très forte de la part des Français. C’est un bien très précieux. Il ne sera jamais possible de convaincre tout le monde de l’intérêt de cet enseignement. »

En Allemagne, le bien-fondé des interventions pédagogiques des militaires dans les écoles en débat

Depuis plusieurs années, la Bundeswehr se rend dans les écoles à des fins pédagogiques. Les élèves d’une quarantaine de lycées berlinois participent dans le cadre de leur cours d’éducation civique à un jeu de rôle sur la politique mondiale organisée par l’armée allemande. La session dure une semaine et embrasse les enjeux géopolitiques. Des officiers sont spécialement formés pour expliquer à la jeunesse le rôle d’une armée parlementaire dans un pays démocratique. Un reportage récent de FranceInfo ([40])  donnait la parole au capitaine Jan Czarnitzki, contrôleur aérien dans l’armée de l’air et animateur du jeu de rôle. "On nous soupçonne souvent de venir dans les écoles pour y faire du recrutement. Mais ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Nous informons sur la politique de sécurité. C’est le point central de notre action. Bien sûr, il y a toujours des élèves qui s’intéressent à la Bundeswehr en tant qu’employeur. La seule chose que nous pouvons faire dans ces cas, c’est de les diriger vers le service d’orientation de l’armée."

Selon France Info, les interventions de la Bundeswehr dans les écoles sont controversées en Allemagne. « Nous voyons ces interventions de façon très critique, car les officiers vont dans les classes pendant les cours, prennent des heures des enseignants, déplore Martina Schmerr, du syndicat des enseignants GEW. Or nous sommes d’avis que l’éducation politique doit revenir aux enseignants, qui sont formés pour ça. »

7.   Développer le levier du sport pour sensibiliser la jeunesse aux enjeux de défense

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite également mettre en avant le sport comme levier d’éducation à la défense. En effet, le sport constitue bien souvent une valeur partagée entre la jeunesse et les militaires. Il peut constituer une opportunité de faire davantage connaître le monde de la défense aux jeunes.

Le dispositif des journées sport armées jeunesse (JSAS) constitue à cet égard une bonne illustration de ces liens vertueux entre sport et défense. Les JSAS sont initiées par une journée de lancement organisée par une armée, direction, service ou gendarmerie (mi-novembre) et ensuite déclinées tout au long de l’année dans l’hexagone et dans les Outre-mer par les unités opérationnelles. Au cours de ce programme, un temps est consacré à la découverte des métiers du régiment, des bases aériennes et navales, dans un objectif d’éducation à la défense et de cohésion nationale. Chaque année, près de 10 000 jeunes participent aux journées sport armées jeunesse. Dans le cadre des JOP2024, le MINARM a mis en œuvre un programme « Aux sports jeunes citoyens ! » (ASJC) qui se base sur des actions créant des ponts entre sport et mémoire. L’ONaCVG est présent lors de chaque événement ASJC afin d’assurer un volet mémoriel. Ce volet prend la forme de présentations d’expositions sport/mémoire et d’animation de jeux pédagogiques (jeu de l’oie sur la citoyenneté, jeu sport, mémoire et défense etc.). Sur la période s’étalant entre septembre 2022 et septembre 2023, près de 17 000 jeunes ont été impliqués dans le dispositif ASJC.

F.   La revalorisation de l’éducation à la défense doit s’inscrire dans une sensibilisation plus large aux enjeux de défense à chaque étape du parcours de citoyenneté

L’ensemble des étapes du parcours de citoyenneté mises en place en 1997 doivent être revalorisées. Si l’enseignement à la défense constitue la première étape de ce parcours, le recensement et la journée défense et citoyenneté en constituent les deuxièmes et troisièmes étapes obligatoires.

1.   Le recensement

Les articles L. 113-1 et L. 113-2 du code du service national prévoient que « Tout Français âgé de seize ans est tenu de se faire recenser. À l'occasion du recensement, les Français déclarent leur état civil, leur situation familiale et scolaire, universitaire ou professionnelle à la mairie de leur domicile ou au consulat dont ils dépendent. L'administration leur remet une attestation de recensement. »

Le recensement citoyen est obligatoire pour ensuite participer à la journée défense et citoyenneté (JDC).

À l’occasion d’un entretien au journal Le Figaro, le ministre des armées a récemment expliqué vouloir mettre en œuvre « un vrai recensement des compétences, non seulement sur une classe d’âge, autour des seize ans […] mais surtout » d’avoir « à l’heure du numérique, les moyens de faire un recensement continu régulier dans la population » de personnes qui, « sur la base du volontariat », tiendraient l'armée au courant de leurs compétences et expertises (par exemple des personnels soignants qui, le moment venu, peuvent être réservistes). ([41]) »

Vos rapporteurs appellent de leurs vœux la revalorisation citoyenne du recensement, afin que ce « passage » deviennent un rituel républicain où les Français se verraient notamment remettre une information mentionnant les droits et devoirs du citoyen en matière de défense nationale. Cette information les préparerait ainsi à leur participation ultérieure à la JDC dans l’optique de redonner du « sens » au parcours citoyen.

2.   La nécessaire revitalisation de la Journée Défense et citoyenneté

L’article L 114-2 du code du service national énonce : « En complément de cet enseignement, est organisée pour tous les Français la journée défense et citoyenneté à laquelle ils sont tenus de participer. La journée défense et citoyenneté a lieu entre la date du recensement des Français et leur dix-huitième anniversaire. Elle dure une journée. À l'issue de la journée défense et citoyenneté, il est délivré un certificat individuel de participation. »

L’article L 114-3 du même code précise : « Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l'égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale et du modèle français de sécurité civile, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, le service civique et les autres formes de volontariat ainsi que les périodes militaires d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve ou en qualité de sapeur-pompier volontaire. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l'article 21-24 du Code civil leur est remise à cette occasion. Ils bénéficient également d'une sensibilisation à la sécurité routière.

À cette occasion sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Il est délivré une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et sur le don d'organes à fins de greffe. S'agissant du don d'organes, une information spécifique est dispensée sur la législation en vigueur, sur le consentement présumé et sur la possibilité pour une personne d'inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, une information est dispensée sur la prévention des conduites à risque pour la santé, notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l'audition. Une information consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple est dispensée. »

La JDC constitue la troisième étape du « parcours de citoyenneté ». Par son caractère obligatoire et universel, la JDC constitue une occasion unique de sensibiliser toute une classe d’âge aux enjeux de la défense nationale, soit près de 800 000 jeunes. L’organisation de la JDC implique l’utilisation de 35 350 sites et la mobilisation de 32 000 jours animateurs, pour un coût global de près de 90 millions d’euros.

Aujourd’hui, la JDC présente des limites évidentes. Les thèmes abordés, tous légitimes et nécessaires, excèdent cependant largement le périmètre de la défense nationale. L’article L. 114-3 du code du service national précité a connu 12 modifications successives depuis 1997. Sur une durée totale de sept heures, quatre heures seulement sont aujourd’hui consacrées strictement aux enjeux de défense.

En outre, alors que selon l’article L114-8 du code du service national, la JDC doit être mise en œuvre pour les jeunes Français qui résident à l’étranger par les postes diplomatiques et consulaires français, il semblerait que cette obligation ne soit pas mise en œuvre de manière homogène dans l’ensemble de ces postes, ce que vos rapporteurs déplorent. Vos rapporteurs invitent éventuellement la DSNJ à envisager la mise en œuvre d’une JDC dématérialisée afin d’améliorer le taux de mise en œuvre de la JDC pour les jeunes français de l’étranger. Par ailleurs, ils appellent de leurs vœux une coordination renforcée entre le MINARM et le ministère des affaires étrangères sur cet enjeu.

Par ailleurs, une enquête à froid est réalisée annuellement auprès d’un panel de jeunes 6 mois après leur JDC. Fin 2023, seulement 67 % déclaraient être satisfaits de la JDC, soit une baisse de 7 points par rapport à 2022. Les syndicats représentatifs des étudiants auditionnés par vos rapporteurs ont confirmé ce sentiment d’insatisfaction et d’incapacité de la JDC à former des citoyens engagés sur les enjeux de défense nationale.

Dans l’entretien au Figaro précité, le ministre des armées à récemment estimé que la JDC « passe à côté de sa cible (…). C’est devenu une journée un peu fourre-tout, où des gens admirables s’engagent pour la faire vivre, mais au fond, elle se démilitarise un tout petit peu avec le temps. […] Je souhaite la rendurcir militairement à des fins aussi théoriques : il faut qu’à la fin de cette journée, les jeunes Françaises et les jeunes Français […] aient les idées claires sur notre système de défense et les rudiments de compréhension sur le fonctionnement de l’armée française, sur les grandes opérations auxquelles l’armée française a pu participer ces dernières années. »

Le ministre a ainsi donné au directeur de la DSNJ un mandat visant à réformer structurellement la JDC, en l’orientant notamment vers le recensement et la mobilisation des compétences utiles à la défense nationale. Interrogé devant les membres de la commission de la défense nationale et des forces armées sur ce mandat, le directeur de la DSNJ a précisé : « Le premier défi, c’est d’abord la modernisation de la JDC. L’idée, c’est d’aller vers une JDC beaucoup plus tournée vers l’attractivité des métiers militaires et le recrutement. Nous souhaitons rehausser la qualité pour faire de la JDC une journée immersive et non pas descendante, pas seulement intellectuelle où le jeune est acteur de sa journée – selon une approche inductive (…). L’autre point particulier, c’est qu’on souhaite un accompagnement des jeunes par d’autres jeunes, notamment avec des associations défense de jeunes (…). La JDC que l’on remet en place doit permettre de créer une relation de confiance qui se traduit immédiatement ou de manière différée pour l’esprit de défense et pour le recrutement.

Nous avons imaginé, à titre de prototype, une JDC rénovée en plusieurs étapes : les jeunes viennent dans une enceinte militaire, la journée commence avec la levée des couleurs et l’hymne national pour ressentir le vivre ensemble. Ensuite nous voulons créer un atelier métavers pour permettre aux jeunes de découvrir les métiers à travers un avatar puis nous souhaitons des ateliers type biathlon avec un tir laser. Puis nous voulons un jeu de rôle où les jeunes jouent des décideurs ou des militaires dans le monde entier. Enfin nous [pourrions enseigner] trois gestes élémentaires des premiers secours physiques et psychologiques. [S’ensuivraient] des échanges avec des militaires avec un forum informel puis une dernière cérémonie pour remettre le certificat de participation. »

Votre rapporteure Martine Etienne reste néanmoins extrêmement vigilante quant à la potentielle remilitarsation de la JDC, notamment si des exercices de tir laser étaient proposés. Vos deux rapporteurs souhaitent par ailleurs que les tests d’évaluation des acquis fondamentaux de la langue française actuellement proposés lors de la JDC soient maintenus.

Vos rapporteurs souhaitent souligner que lorsqu’ils effectuent leur JDC, les jeunes ont le statut « d’appelés du service national ([42])». Ils sont possiblement mobilisables jusqu’à leurs 25 ans révolus. La JDC doit retrouver sa vocation première, qui est celle de la sensibilisation et de la préparation à la défense nationale.

Les rapporteurs encouragent fortement le MINARM à dynamiser et moderniser la JDC, en rendant les jeunes acteurs de cette journée. La JDC est une exception française qu’il convient de revaloriser. À l’étranger, la JDC est source d’inspiration. En Finlande, les autorités envisagent de mettre en œuvre une journée de la défense nationale pour tous les jeunes de 17 ans. La participation à cette journée aurait lieu avant l’envoi de la convocation aux jeunes hommes pour la conscription obligatoire à 18 ans. Cette journée serait a priori organisée au sein des lycées et permettrait d’acculturer davantage les jeunes au modèle de sécurité globale finlandais. Les interlocuteurs finlandais rencontrés ont tous été très intéressés par la JDC française.

G.   Dans l’objectif de prolonger l’éveil aux enjeux de défense au-delà du cycle secondaire, il importe de renforcer les études supérieures en lien avec la défense

Pour Sébastien Jakubowski, auditionné par vos rapporteurs, « Le champ des questions de défense et des relations internationales, dans le domaine de la formation universitaire et de la recherche, a parfois peiné à obtenir la reconnaissance symbolique requise. »

Vos rapporteurs estiment que l’éveil aux enjeux de défense doit pouvoir se construire au-delà du cycle secondaire. L’université et la recherche doivent s’ouvrir davantage aux enjeux de la défense nationale, dans la perspective de créer des centres universitaires spécialisés sur ces thématiques et permettant de rivaliser avec leurs équivalents étrangers. Le King’s College de Londres constitue un modèle officieux pour enraciner les « war studies » en France.

Pour ce faire, vos rapporteurs invitent les universités et établissements supérieurs à renforcer leurs partenariats avec les forces armées, forces de sécurité intérieure et de sécurité civile.

La mission d’information s’est notamment déplacée à la base aérienne 133 de Nancy-Ochey qui a mis en place un partenariat avec le campus nancéen de l’IEP de Paris ainsi qu’avec une école de management. En outre, de plus en plus de « grandes écoles » nouent des partenariats avec les établissements militaires d’enseignement supérieur : on peut notamment citer le double-Master proposé aux étudiants de l’école des affaires publiques et des affaires internationales (PSIA) de l’IEP de Paris avec les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. À l'issue de la validation de ces deux années d’étude, les étudiants reçoivent deux diplômes : le diplôme de Master de l’IEP de Paris et le diplôme valant grade de Master de l’ESM.

Il convient de noter que l’armée de terre a mis en place un programme intitulé « Partenariat grandes écoles » réservé aux élèves issus de certaines grandes écoles. Ce partenariat consiste en un stage de 6 mois au sein de l’armée de terre.

De son côté, la Marine nationale via le centre d’études stratégiques de la Marine nationale (CESM) a développé des relations privilégiées avec certains acteurs transversaux de la réflexion stratégique universitaire à Paris (Sorbonne War Studies) et en région (IESD / Lyon 3). Le CESM a ainsi conçu un séminaire dispensé sur un format de 24 heures de cours en lien avec :

­– La Sorbonne Paris 1, uniquement avec le MRIAE (magistère relations internationales et actions à l’étranger) soit 20 étudiants pour lequel le cours est obligatoire avec une évaluation écrite et orale pour valider le module ;

­– Sciences Po Paris pour une promotion de 25 étudiants en M1 et M2 (principalement en Politiques publiques) volontaires pour suivre ce cours en « option », avec une évaluation écrite et orale pour valider le module et avoir des points supplémentaires.

En outre, vos rapporteurs encouragent les universités et établissements supérieurs à renforcer leur offre universitaire dans ces domaines. De nombreux IEP proposent déjà en Master des spécialités défense et sécurité, à l’instar du Master Politiques publiques de l’IEP de Paris. Quelques universités ont également mis en place ce type de maquettes, l’université Jean Moulin Lyon III au sein du Master Sécurité internationale et défense.

Afin de renforcer la prise en compte des enjeux de la défense nationale au sein des établissements d’enseignement supérieur, vos rapporteurs appellent de leurs vœux la densification du réseau des REDS. Au sein de chaque université ou grande école, un référent enseignement de défense et de sécurité (REDS) organise ou relaie les événements et informations en lien avec la défense et la sécurité. Si la fonction est différente de celle du fonctionnaire de sécurité et de défense (FSD), il se peut qu’elle soit assumée par la même personne. Vos rapporteurs appellent à la nomination effective d’un REDS par établissement d’enseignement supérieur, et notamment au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPé). Aujourd’hui seuls 2/3 des INSPE ont nommé un REDS.

Vos rapporteurs soutiennent le déploiement par la DGESCO d’une feuille de route pour l’enseignement supérieur à destination de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD). À la condition que les moyens accordés aux DMD soient revus, ceux-ci pourraient renforcer leurs actions à destination des établissements d’enseignement supérieur.

En outre, vos rapporteurs encouragent la meilleure valorisation des travaux de recherche relatifs à la défense et sécurité nationales (prix de stratégie maritime Amiral Daveluy, prix Amiral Castex sur la stratégie navale, prix Clément Adler de l’AAE pour la meilleure thèse de doctorat et prix René Mouchotte du meilleur mémoire de master. Ces travaux pourraient par exemple faire l’objet d’une promotion systématique sur les réseaux sociaux et/ou l’objet d’un podcast avec leur auteur.

Vos rapporteurs saluent également l’important travail effectué par les associations comme les Jeunes IHEDN ou la fédération Atlas qui contribuent par leurs publications et actions de rayonnement au développement d’une réflexion stratégique et critique sur les enjeux de défense et de sécurité.

H.   Demain, vers un retour de la conscription ou une généralisation du service national universel ?

1.   Clarifier la place du SNU dans l’éducation à la défense nationale

a.   La défense nationale n’est que très peu abordée dans la mouture actuelle du SNU, contrairement au projet initial du président de la République

Le service national universel trouve son origine dans un discours sur la défense prononcé le 18 mars 2017 par Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, à l’Hôtel des arts et métiers, à Paris : « La situation stratégique […], les menaces qui pèsent sur notre pays nous commandent aussi de renforcer le lien armées-nation, en permettant à l’ensemble de notre jeunesse de faire l’expérience de la vie militaire et d’être des acteurs à part entière de l’esprit de défense. Je souhaite donc, pour ce faire, que chaque jeune Français ait l’occasion d’une expérience, même brève, de la vie militaire. Un service national de durée courte, obligatoire et universel, sera donc instauré. C’est là un projet de société majeur, un véritable projet républicain, qui doit permettre à notre démocratie d’être plus unie et d’accroître la résilience de notre société. […] Ce service national universel, encadré par les armées et la Gendarmerie nationale, s’adressera aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge – soit environ 600 000 jeunes par an. Au travers d’une expérience directe de la vie militaire, de ses savoir-faire et de ses exigences, chaque jeune Français ira ainsi à la rencontre de ses concitoyens, fera l’expérience de la mixité sociale et de la cohésion républicaine, durant un mois. Ce temps de service militaire universel devra intervenir dans les 3 ans suivant le dix-huitième anniversaire de chacun. À l’issue de cette période, l’accès des jeunes aux métiers de la Défense en tant que militaire d’active ou dans la Garde nationale sera facilité. Ce service militaire universel permettra aussi de disposer, en cas de crise, d’un réservoir mobilisable, complémentaire de la Garde nationale. ».

Le projet initial du SNU revêtait ainsi une forte coloration militaire. Il constituait, que l’on y adhère ou non, un projet à part entière d’éducation à la défense nationale visant à rétablir le lien « armées-Nation » et l’esprit de défense.

Aujourd’hui, la place du SNU dans l’éducation à la défense nationale n’est plus aussi claire.

L’article L. 111-2 du code du service national et son décret d’application n° 2020-922 du 29 juillet 2020 constituent la base juridique du SNU. Ce décret a en premier lieu institué un article R. 113-1 dans le code du service national qui dispose notamment que les Français recensés, âgés de moins de dix-huit ans, peuvent, dans la limite des places disponibles, participer à un séjour de cohésion organisé par l'État. Ce séjour consiste en une période de vie collective avec hébergement. Les participants à ce séjour de cohésion s'engagent à participer à une mission d'intérêt général. (…) Ce séjour de cohésion et cette mission d'intérêt général ont pour objet de renforcer la cohésion nationale, de favoriser la mixité sociale et territoriale, de développer une culture de l'engagement et de contribuer à l'orientation et à l'accompagnement des jeunes. Ce même décret prévoit que le recteur de région académique, agissant sous l'autorité du ministre chargé de la jeunesse, organise le séjour de cohésion.

Le dispositif de droit commun du SNU est pour le moment fondé sur le volontariat. Il prévoit une phase 1 intitulée séjour de cohésion d’une durée de 12 jours et réalisée dans un département autre que son département d’origine, puis une phase 2 correspond à une phase d’engagement courte qualifiée de « mission d’intérêt général » dans une structure de type association, services publics, corps en uniformes, établissements de santé privés d’intérêt collectif, entreprises solidaires d’utilité sociale agréées, etc. La durée de la MIG doit être de 12 jours minimum ou 84 heures de façon ponctuelle ou régulière.

Aujourd’hui, au-delà des activités physiques, sportives et de cohésion, des thèmes transversaux sont abordés lors du séjour de cohésion : développement durable, autonomie des jeunes, démocratie interne, éducation budgétaire et financière, modules « Valeurs de la République », « Journée Défense et mémoire », module « sécurité intérieure », module « Prévention et secours civiques de niveau 1 » (PSC1) ainsi qu’un module d’initiation à l’autodéfense. Des activités sont obligatoires comme la participation aux levers des couleurs organisés au sein du centre et à des cérémonies nationales ou locales (selon les opportunités du calendrier) ainsi que la présentation des formes d’engagement possibles dans le cadre de la phase 2 du SNU.

Le dispositif des « Classes et Lycées engagés » (CLE) a été lancé en juin 2023 par un appel à projets pour la rentrée 2023-2024. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet pédagogique annuel qui propose aux élèves des contenus et des initiatives s’inscrivant dans les actions éducatives et les enseignements quotidiens des lycées et, en tout premier lieu, de l’EMC. Le projet pédagogique implique également la participation à un séjour de cohésion du service national universel sur temps scolaire. Ce séjour peut se décliner en 4 colorations, chaque coloration devant correspondre au projet de classe : Défense et mémoire, sport et jeux olympiques et paralympiques, environnement et résilience et prévention des risques. La coloration majoritairement choisie par les « classes engagées » est la coloration « Défense et Mémoire » suivie de la coloration « Environnement ». En janvier 2024, il existait 291 classes à coloration défense et mémoire sur les 1032.

D’après les éléments communiqués par la déléguée générale au SNU, plus de 90 000 jeunes volontaires ont participé à un séjour de cohésion depuis sa préfiguration en 2019. Le dispositif comptait 15 000 jeunes volontaires en 2021, 32 212 jeunes en 2022, 40 000 en 2023. En 2024, 66 000 jeunes pourront être accueillis pendant l’année scolaire 2023-2024. 21 000 jeunes le seront dans le cadre du nouveau dispositif « Classes et Lycées engagés » et 45 000 dans le cadre du volontariat individuel.

Aujourd’hui, les seuls éléments se rapportant réellement à la Défense nationale dans le SNU sont la coloration « Défense et mémoire » et la « Journée Défense et mémoire » (JDM) qui est une composante obligatoire du séjour de cohésion. La JDM est pilotée par la DSNJ et la DMCA contribue à la conception de son volet mémoriel. La JDM, animée par des intervenants civils et militaires, se compose de différents modules :

Un module Défense (3h) qui s’articule autour d’un jeu sérieux « Jeu décision défense » et d’une séquence dédiée aux métiers de la défense ;

Un module Résilience (1h30), réalisé en extérieur si les conditions météorologiques le permettent, centré sur la maîtrise des actes réflexes pour que le jeune soit plus autonome et puisse participer à une mission collective ;

– Un module Mémoire (1h), dont l’objectif est de montrer aux jeunes que les enjeux mémoriels ont une résonance aujourd’hui et qui s’appuie sur le jeu « explique moi une cérémonie » et permet également de présenter les missions d’intérêt général mémorielles.

Comme dans le cadre de la JDC, les jeunes réalisent également le test de détection des difficultés de lecture.

Au total, les enjeux de la défense nationale ne sont que trop peu abordés ce qui brouille la place du SNU dans la défense nationale.

b.   La volonté de l’exécutif de généraliser le dispositif du SNU sur le temps scolaire sans précision de calendrier se heurte pour le moment à de nombreuses limites

La généralisation du SNU constitue une politique prioritaire du Gouvernement. Selon le plan de charge communiqué à vos rapporteurs par la DGSNU, en 2024-2025, 115 000 jeunes volontaires pourront être accueillis (40 000 élèves de CLE et 75 000 jeunes volontaires individuels), 135 000 en 2025-2026 (60 000 élèves en CLE et 75 000 volontaires individuels). La généralisation du SNU à l’ensemble d’une classe d’âge (800 000 jeunes) est prévue pour l’année scolaire 2026-2027. Les prévisions actuelles reposent sur l’organisation, à l’échelle nationale, de 635 séjours en 2024, de 952 séjours en 2025 et de 2 897 séjours en 2026. Ces séjours seraient encadrés par 759 ETPT en 2024, 1 146 ETPT en 2025 et 6198 en 2026. Les travaux préparatoires actuellement menés s’appuient sur la mise en place d’au moins un centre pérenne par académie (c’est-à-dire environ 30 centres) complétés le cas échéant par des centres temporaires. Les séjours se répartiront sur 14 sessions par an.

Toutefois, les auditions conduites par vos rapporteurs ont mis en exergue de nombreuses limites rendant relativement illusoire la possibilité de tenir ce calendrier.

Tout d’abord, il existe des difficultés majeures à trouver suffisamment de bâtiments abritant des centres SNU. Ensuite, la généralisation du dispositif se heurte à un manque de personnel d’animation et d’encadrement dans les centres SNU. En outre, des problématiques d’insuffisante disponibilité des transports ont été signalés. Il est à craindre que le prestataire chargé du transport Travel Planet (entreprise titulaire du marché) ne pourra pas faire face à la montée en charge des effectifs de jeunes à transporter. Aujourd’hui, d’après ses propos tenus en audition « 240 ETPT sont chargés de l’organisation du service civique et du service universel à l’échelle de l’ensemble du territoire. Le SNU est une désorganisation modelée sur 2 000 jeunes alors qu’il monte en charge aujourd’hui. La problématique de transport est insoluble. Par ailleurs, l’hébergement est un problème, sauf dans les établissements scolaires, mais c’est encore une fois lié à une volonté des chefs d’établissement — qui ne va pas de soi. La qualité de la restauration est un problème. Sur le plan juridique, des difficultés existent : les jeunes sont en « absence temporaire » (comme lorsqu’ils sont malades) lorsqu’ils participent au séjour de 12 jours du SNU, même dans les classes engagées (qui privent les élèves de cours pendant autant de jours) alors que ces élèves participent à un service public. Enfin, il y a un problème d’encadrement sanitaire car les jeunes (…) ont des problèmes psychologiques énormes : actuellement, il y a un cadre sanitaire parmi l’encadrement des séjours mais, désormais, il faut un psychologue car les jeunes verbalisent des situations de VSS ou de harcèlement (…). »

Au sujet des violences sexistes et sexuelles, votre rapporteure Martine Etienne souhaite préciser que les contrôles sont faibles voire inexistants, les services responsables n’étant pas assez nombreux pour contrôler les séjours de cohésion. Le ministère de l’Éducation nationale n’a donc de fait que peu de visibilité sur ce qui se déroule dans les centres. Enfin, elle souhaite rappeler que des dérives, pourtant déjà dénoncées par la voie médiatique, continuent d’exister. Ainsi, il a été rapporté en audition que des sanctions collectives continuaient d’être pratiquées dans certains centres malgré l’illégalité de ce type de pratiques.

Au-delà de ces premières limites, la généralisation du SNU sur le temps scolaire soulève un certain nombre de remarques de la part des rapporteurs :

­ un calendrier encore flou sur la généralisation qui s’avère relativement anxiogène pour les parties susceptibles d’être concernées par la généralisation du dispositif ;

­ la généralisation du dispositif ferait peser une charge très forte sur les forces armées et de sécurité intérieure associées à l’organisation de la JDM. En cas de généralisation, la JDC serait très probablement remplacée par la JDM. Même sans généralisation, la montée en puissance de la JDM en parallèle du maintien d’une JDC rénovée fera peser une charge très importante sur les forces pour lesquelles les missions opérationnelles resteront toujours la priorité ;

­ rendre le SNU obligatoire serait finalement relativement antithétique avec l’objectif de promotion des valeurs d’engagement, qui doivent reposer sur un cheminement individuel volontaire ;

­ la question de la participation des mineurs étrangers aux séjours de cohésion se pose. Aujourd’hui, l’article R113-1 du code du service national ne prévoit la participation aux séjours que pour les « Français recensés de moins de 18 ans ». Exclure les élèves étrangers du dispositif constituerait un acte humiliant pour ces derniers qui ne pourrait être ni compris ni justifié.

­– la généralisation du SNU porte en elle un risque de mélange des genres qui pourrait mettre les corps en uniforme en difficulté. Ainsi, selon Bénédicte Chéron : « Dès qu’on transfère les modes opératoires de la socialisation militaire dans un domaine où l’objet n’est pas de fabriquer un combattant, cela ne fonctionne pas. La restriction des libertés individuelles est acceptable en démocratie lorsque la finalité est la préparation à la guerre. Le mélange des genres me semble une perte de temps dangereuse qui met les armées en difficulté pour exercer leur mission. »

À l’aune de ces éléments, vos rapporteurs souhaitent que la place du SNU dans l’éducation à la Défense nationale soit clarifiée. Quelles sont clairement les finalités de ce dispositif ?

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite que soit établi un suivi statistique des jeunes ayant participé aux premières cohortes de l’expérimentation SNU depuis 2019 afin de connaître leur parcours. Ce suivi pourrait utilement s’insérer dans les enquêtes annuelles de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) au sujet des séjours de cohésion.

Votre rapporteure Martine Étienne souhaiterait que les enquêtes annuelles de l’INJEP détaillent les problèmes recensés lors des séjours, les éventuels dysfonctionnements rencontrés ainsi que le nombre d’encadrants. Elle souhaiterait également que soit réalisé et transmis au Parlement un audit complet sur le coût d’une potentielle généralisation du SNU. En outre, Mme Étienne invite le Gouvernement à remettre au Parlement un « rapport faisant état d'un bilan sur la mise en place du service national universel avant toute évolution du dispositif », ainsi que le prévoit le rapport annexé de la loi de programmation actuelle. Ce rapport aurait par ailleurs dû être remis avant le 1er janvier 2024.

Vos deux rapporteurs souhaitent également que la généralisation du service national universel soit débattue au Parlement. Dans un premier temps tout d’abord dans le cadre éventuel d’un débat relevant de l’article 50-1 de la Constitution. Dans le cas où le Gouvernement confirmerait sa volonté de rendre obligatoire le SNU, vos rapporteurs estiment indispensable démocratiquement que cette obligation généralisée soit décidée par le législateur dans le cadre d’un vote au Parlement. Cette loi pourrait même être une loi constitutionnelle en cas de nécessaire révision de l’article 34 de la Constitution. En effet, dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique du 20 juin 2019, le Conseil d’État estimait que l'article 34 de la Constitution ne permettait d'imposer des sujétions aux citoyens que pour des enjeux de défense nationale. Le SNU n'étant pas un service militaire, la mise en place d'un séjour de cohésion obligatoire nécessiterait donc la révision de cet article.

2.   Créer une conscription citoyenne pour tous

Point d’orgue de sa réflexion sur le renforcement de l’éducation de la jeunesse aux enjeux de la Défense et de la sécurité nationale, votre rapporteure Martine Étienne propose la création d’une conscription citoyenne obligatoire de neuf mois pour les hommes et les femmes. Il s’agit d’opérer une double rupture visant d’une part à davantage impliquer le peuple dans les questions de sécurité et de défense nationale et d’autre part à faire de cette conscription une étape de formation permettant de donner des perspectives économiques aux citoyens. Cette conscription permettrait de ne plus faire de la défense le domaine réservé du Président de la République.

La conscription serait mixte et une vigilance particulière serait portée au risque de violences sexistes et sexuelles (VSS). Elle serait effectuée entre 18 et 25 ans et serait rémunérée au SMIC. Elle comprendrait une formation militaire initiale au maniement des armes et aux manœuvres (avec droit à l’objection de conscience) ainsi que des formations ponctuelles dans d’autres secteurs. Ces formations seraient dispensées par des effectifs issus de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale et de la sécurité civile. Elle pourrait être prolongée sur la base du volontariat, dans la limite des besoins des forces armées et des forces de sécurité intérieure et civile. Le statut d’objecteur de conscience serait bien sûr reconnu. La conscription s’effectuerait dans un endroit proche du lieu de vie en limitant le « casernement » aux fonctions qui l’exigent impérativement. Elle comporterait un volet d’éducation civique et de formation aux enjeux géopolitiques. Elle ne pourrait en aucun cas permettre l’envoi de conscrits en OPEX.

Cette conscription constituerait le socle d’une garde nationale renouvelée permettant la refonte des réserves actuelles. Cette garde nationale serait ainsi mobilisable en cas de crise sécuritaire, écologique, industrielle : accident nucléaire, tempête, pollution maritime, catastrophe industrielle, etc. Elle serait affectée à la sécurité des installations d’importance vitale de la Nation ou autres lieux à protéger et au renforcement des capacités de cyberdéfense.

3.   Ouvrir une réflexion sur la mise en place d’une conscription inspirée du modèle suédois

Votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite ouvrir une réflexion sur l’opportunité de mettre en place une conscription inspirée du modèle suédois. Alors que le service national est suspendu depuis 1997, le contexte géopolitique marqué par le retour de la guerre sur le continent européen est préoccupant. Depuis 1997, les armées françaises se sont professionnalisées et ne sont plus dimensionnées pour intégrer 800 000 jeunes d’une classe d’âge.

À ce titre, votre rapporteur Christophe Blanchet estime nécessaire d’ouvrir une réflexion sur l’opportunité de mettre en œuvre une conscription adaptée aux réalités et moyens des armées. Les armées émettraient chaque année leur besoin en recrutement d’appelés selon leurs propres capacités d’accueil. À leur majorité, garçons et filles ayant effectué leur journée défense et citoyenneté pourraient « servir sous les drapeaux » sur la base du besoin des armées. Cette conscription s’inscrirait dans un parcours citoyen repensé puisque les jeunes conscrits auraient nécessairement suivi en classe de seconde le cours obligatoire relatif aux enjeux de la défense globale dont votre rapporteur propose la mise en place. Chaque appelé pourrait ainsi candidater afin de servir en tant qu’appelé du contingent.

Selon votre rapporteur, un service militaire de ce type aurait l’avantage d’être particulièrement valorisable puisque les appelés auraient été sélectionnés sur leurs capacités autant que sur leur volonté à s’engager. Un tel dispositif incarnerait au plein sens du terme la « volonté de défense » [43]l Il serait également adapté aux armées qui trouveraient ici matière à sélectionner, recruter et fidéliser sans être submergées par la masse que représente l’intégralité d’une classe d’âge.

Le service militaire suédois

En Suède, le service militaire a été instauré en 1901, suspendu en 2010 puis rétabli en 2017. Il dure entre neuf et quinze mois. Le service militaire suédois est sélectif ; les armées définissent leurs besoins. L’agence de conscription et d’évaluation de la défense est spécialement chargée de l’évaluation des candidats, de l’enrôlement et de la formation de base des conscrits. Elle tient à jour le registre des citoyens mobilisables en temps de guerre. L’ensemble d’une classe d’âge reçoit un formulaire d’enrôlement. Les 100 000 jeunes suédois de 18 ans ont l’obligation de répondre à ce formulaire dans un délai de deux semaines. Les questions sont divisées en différentes sections : santé, physique, scolarité, personnalité et rapport à la loi. Si un citoyen ne répond pas ou s’il répond délibérément de manière incorrecte, une amende lui est infligée.

Sur la base du questionnaire d’enrôlement, les jeunes citoyens suédois sélectionnés et appelés sont informés en avril ou en mai (objectif de 28 000 jeunes sur 100 000 en 2024). Les jeunes sont réunis dans trois lieux de rassemblement (Stockholm, Göteborg, Malmö) pour une à deux journées d’évaluation (tests psychologiques, bilan de santé, test de vision, test auditif, test de force, vélo d’essai, entretien avec un psychologue) conclue par un entretien d’enrôlement. Si un citoyen ne répond pas à la convocation d’enrôlement, il risque une peine d’amende pour manquement au devoir de défense et une mention dans son casier judiciaire pendant cinq ans.

Une fois que les jeunes ont réussi le processus d’enrôlement et qu’une place est disponible pour eux (objectif de 8 000 jeunes en 2024), ils sont enrôlés et reçoivent un avis de placement préliminaire à l’instruction militaire de base. Ils sont soumis à une enquête de sécurité. À partir des résultats obtenus lors de leur évaluation, les jeunes enrôlés sont orientés vers l’instruction militaire la plus adaptée. Le fait de refuser de servir la défense totale est puni d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an (quatre ans en cas d’état d’urgence).

Les jeunes non-appelés à l’enrôlement peuvent faire, de leur propre chef, une demande pour recevoir l’instruction militaire de base. Il existe une « réserve de formation » dans laquelle sont inscrits d’office les jeunes ayant réalisé leur enrôlement mais n’ayant pas obtenu d’instruction militaire de base ; l’inscription court jusqu’à l’âge de 30 ans ; en revanche, si les jeunes n’ont pas reçu de formation militaire de base avant leurs 24 ans, ils n’ont plus de raison d’être convoqués plus tard, sauf en situation de crise.

I.   Parce que l’éducation à la défense ne s’arrête pas au seuil de la vie active, il importe de renforcer l’information et la sensibilisation des citoyens À la défense nationale tout au long de leur vie

L’éducation ne s’arrête pas au seuil de la vie active. Si un travail majeur de sensibilisation aux enjeux de la défense nationale doit être effectué auprès des jeunes, les rapporteurs estiment que le citoyen actif doit pouvoir continuer à être sensibilisé tout au long de sa vie aux enjeux de la défense nationale.

1.   Sensibiliser les citoyens aux enjeux de la défense nationale tout au long de leur vie

a.   Davantage ouvrir les sessions de formation de l’IHEDN aux acteurs de l’éducation à la défense

L’Institut des hautes études de la Défense nationale a d’abord été créé en 1936 avec pour objectif de renforcer la cohésion entre officiers supérieurs et hauts fonctionnaires en les préparant ensemble à la conduite de la guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, l’IHEDN renaît de ses cendres avec pour mission de promouvoir l’esprit de défense, de participer au renforcement de la cohésion nationale et de contribuer au développement d'une réflexion stratégique portant sur les enjeux de défense et de sécurité. Aujourd’hui, l’IHEDN décline ces objectifs au travers de trois sessions s’adressant à des publics différents.

i.   Les sessions jeunes

Afin de contribuer au développement de l’esprit de défense chez les étudiants et jeunes actifs, acteurs de la société demain, l’IHEDN organise au rythme de six à sept fois par an, des cycles Jeunes, dont un dans les Outre-mer. Les cycles Jeunes durent une semaine. Ces cycles contribuent à faciliter la rencontre d’auditeurs issus de secteurs d’activités très variés, militaires et civils, des secteurs public et privé. La formation proposée vise à sensibiliser aux enjeux stratégiques, tout en découvrant les outils et structures de défense existants. Chaque année, 7 à 8 sessions jeunes sont organisées, composées pour 50 % d’étudiants et pour 50 % de jeunes actifs. L’inscription à ce cycle coûte 150 € pour les étudiants, 500 € pour les jeunes actifs.

ii.   La session nationale

Les auditeurs de la session nationale dessinent de nombreuses composantes de la société française : dirigeants dans tous les domaines d’activité, militaires, un quart de hauts-fonctionnaires, acteurs de la société civile, parlementaires, journalistes, syndicalistes ou encore représentants des cultes.

La session nationale comporte deux volets indissociables : un socle commun visant à forger une culture de défense commune entre auditeurs puis une majeure choisie par les auditeurs parmi cinq thématiques : armement et économie de défense, défense et sécurité économiques, enjeux et stratégies maritimes, politique de défense, souveraineté numérique et cybersécurité. La formation concerne 283 auditeurs passant environ 45 jours entre septembre et juin à l’IHEDN. La grille de tarifs est dégressive en fonction des employeurs.

Selon le directeur de l’IHEDN, auditionné par vos rapporteurs : « L’une des principales vulnérabilités de la résilience des pays occidentaux vient de la difficulté qu'ont les différentes catégories professionnelles à se comprendre, puisqu’elles ont leur propre vocabulaire, mais également leurs propres préoccupations et priorités. Il est fréquent que les individus inscrits à l’IHEDN, généralement âgés de 35 à 55 ans, aient peu l'occasion d'échanger durablement avec d’autres catégories de personnes que la leur. Or l’IHEDN le permet, par exemple en mettant en contact des militaires, des magistrats, des hommes d’entreprise, des journalistes et des parlementaires. »

iii.   Davantage communiquer sur les sessions régionales de formation de l’IHEDN

Dès les années 1950, des sessions régionales de l’IHEDN se sont développées en région. L’institut organise actuellement 6 sessions annuelles en région (dont 1 dans les Outre-mer). Chaque session comprend quatre semaines de quatre jours de formation, organisées dans quatre villes différentes de la région. Ces sessions demeurent cependant significativement moins connues que la session nationale, ce qui rend plus difficile d’attirer les principaux publics cibles. Le coût de ces sessions en région avoisine les 1 200 € pour les agents publics et assimilés et 1 600 € pour les acteurs privés. Vos rapporteurs souhaitent encourager le développement de ces sessions régionales dans l’hexagone ainsi que dans les outre-mer.

En 2022, en réponse à une question écrite d’un député ([44]), le ministre de l’Éducation nationale a indiqué que « l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et l'Institut des hautes études du ministère de l'intérieur (IHEMI) ouvrent leurs sessions nationales, régionales ou jeunes au personnel du MENJ, tout comme le sont les dispositifs d'auditeurs civils de l'école de guerre et de l'école de guerre-Terre » et que « par courrier du directeur général des ressources humaines, les rectorats sont invités à inscrire des personnels au sein des sessions de formation proposées par l’IHEDN ». Vos rapporteurs encouragent fortement la participation des enseignants et proviseurs aux sessions de l’IHEDN, en complément du renforcement de la formation initiale des enseignants précédemment évoquée. Toutefois, la participation des enseignants à ces sessions reste relativement faible. Ainsi, selon l’IHEDN, sur 14 sessions organisées en région depuis juin 2021 jusqu’à novembre 2023, sur 585 auditeurs, 40 étaient enseignants (1 dans le primaire, 21 dans le secondaire puis 18 dans le supérieur).

Un enseignant a rapporté à vos rapporteurs qu’« après un premier refus et après de très nombreux obstacles, j’ai réussi à participer à une session régionale de l’IHEDN, grâce à l’appui de mon inspectrice dont il manquait la signature. Cependant, je n’ai obtenu ni d’ordre de mission, ni de soutien matériel. Cela signifie que j’ai financé la totalité des frais d’inscription ainsi que les frais d’hôtel durant les quatre semaines de formation avec la nécessité de rattraper les cours. L’absence est enregistrée administrativement dans mon dossier de carrière, comme une « absence pour instruction militaire », ce qui est erroné. Refaire cette formation pour un enseignant serait aujourd’hui pratiquement impossible. C’est pourtant une énorme richesse avec le développement d’un réseau qui permet d’engager de nombreuses actions. »

Vos rapporteurs déplorent le manque de soutien matériel aux auditeurs-enseignants. Une nécessaire mise en cohérence doit s’effectuer entre la volonté de davantage diffuser l’enseignement de défense et le renforcement de la formation continue des enseignants sur ce sujet. Vos rapporteurs souhaitent donc encourager la signature par le ministère de l’Éducation nationale, au titre de la formation continue, d’une convention facilitant le financement de la participation des enseignants aux formations de l’Institut national des hautes études de défense nationale.

En outre, afin de favoriser la mise en œuvre « au dernier kilomètre » de l’ensemble des dispositifs d’éducation à la défense précédemment évoqués, vos rapporteurs estiment important d’accroître l’implication des correspondants défense dans cette éducation. Dans chaque commune, un membre du conseil municipal doit être désigné correspondant défense afin de promouvoir le lien armées-Nation et de développer l’esprit de défense dans la population. Dans les faits, les correspondants défense sont souvent eux-mêmes peu formés aux enjeux de la défense nationale. Vos rapporteurs souhaitent donc que leur participation aux sessions régionales de l’IHEDN soit encouragée, sur le modèle de l’article L. 2123- 12 du CGCT qui encourage les membres du conseil municipal qui reçoivent délégation en matière de prévention et de gestion des déchets, d'économie circulaire, d'urbanisme, de construction ou d'habitat à suivre une formation en la matière. Cette participation pourrait s’envisager au travers de sessions courtes de deux jours spécifiquement adressées aux correspondants défense.

Afin de favoriser l’inscription des élus aux sessions régionales de l’IHEDN, il serait utile que ces élus puissent bénéficier du droit individuel à la formation (DIF) élus. Or pour en bénéficier, l’IHEDN doit faire l’objet d’un agrément par le ministre chargé des collectivités territoriales et celui-ci accorde son agrément après avis du conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL). Or, l’IHEDN n’est plus agréé au titre du DIF élus depuis le 20/06/2020. Vos rapporteurs pensent qu’il est absolument indispensable d’accorder de nouveau l’agrément à l’IHEDN.

Vos rapporteurs invitent également les autres programmes de l’enseignement militaire supérieur, comme le cycle d’études stratégiques de la Marine, l’École de Guerre et l’École de Guerre-Terre à accueillir parmi leurs auditeurs civils davantage d’enseignants et de correspondants défense.

Vos rapporteurs proposent également de renforcer les contacts entre correspondants défense et DMD en encourageant l’institution d’une réunion trimestrielle obligatoire du DMD avec les correspondants défense du département. Dans cette perspective, la mise sur pied d’un fichier national consolidé des correspondants défense serait bienvenue. Vos rapporteurs invitent également la DMD à relayer aux correspondants défense les lettres d’actualité envoyées par le délégué pour l’éducation à la défense aux trinômes académiques.

b.   Faire davantage connaître les publications des centres de recherche et de rayonnement des différentes armées

Vos rapporteurs invitent également les délégués au rayonnement de chaque armée à renforcer leur communication sur les réseaux sociaux, dans la perspective de valoriser et diffuser auprès d’un plus large public les publications des centres et pôles de rayonnement de chaque armée.

Le pôle « Recherche » du centre d’études stratégiques de la Marine (CESM), l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) ou encore le centre d’études stratégiques aérospatiales de l’armée de l’air et de l’espace (AAE), pour ne citer qu’eux, produisent différents types de publications s’adressant à des lecteurs aux niveaux de connaissances préalables divers :

­ des revues de recherche avec des publications semestrielles ou mensuelles s’adressant à des publics plutôt experts, comme les études marines du CESM, la revue Vortex du CESA ou la revue ADN de l’IHEDN ;

­– de courtes notes et infographies de deux pages maximum pouvant notamment être très utiles aux enseignants, élèves et étudiants dans la perspective de l’enseignement de la défense nationale, comme les brèves marines et les infographies du CESM, les notes du CESA, ou encore les briefs stratégiques de l’IRSEM ;

­ des lettres d’information qui chaque semaine font le bilan des grands enjeux de la semaine écoulée comme Les Amers maritimes du CESM ou encore la Lettre de l’IRSEM. Ces lettres d’information peuvent aisément donner lieu à des « entrées défense » pour des enseignants.

Vos rapporteurs encouragent la publication systématique de ces productions de grande qualité sur les sites Internet et réseaux sociaux des délégués au rayonnement de chaque institution mais aussi sur les sites Internet et réseaux sociaux des armées et forces auxquelles ces organes sont rattachés, afin d’amplifier la visibilité de ces publications. Vos rapporteurs invitent également le délégué pour l’éducation à la Défense à rediffuser les plus pédagogiques de ces supports dans le cadre de ces communications sur les réseaux sociaux ou via les lettres d’information internes.

Vos rapporteurs se réjouissent également de la réunion de la vingtaine d'organismes de recherche et de formation supérieure militaire existants au sein de l’académie de défense de l'école militaire (ACADEM). Ils espèrent que cette académie constituera un outil de rayonnement de la pensée stratégique française. La création de l’ACADEM constitue également une occasion de renforcer l’éveil des citoyens aux enjeux de défense, via une meilleure visibilité qui pourrait être donnée aux publications des organismes de recherche et de formation. À terme, vos rapporteurs espèrent que le lancement de l’ACADEM renforcera le débat public sur les enjeux de la défense nationale.

2.   Les réservistes constituent un relais majeur d’éducation à la défense

Les réserves jouent un rôle majeur dans l'éducation de la population française à la Défense nationale.

Les réservistes opérationnels, sous statut militaire, contribuent au rapprochement entre les forces armées et la société civile, facilitant ainsi une meilleure compréhension et appréciation mutuelle.

Les réservistes citoyens de défense et de sécurité, sous statut civil, constituent un vecteur majeur d’éducation à la défense. D’après l’article L421- 1 du code de la défense, « la réserve citoyenne de défense et de sécurité a pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la Nation et son armée. »

Selon le Directeur de la division de la cohésion nationale de l’EMA, « chaque réserviste opérationnel est pour son foyer, dans son cercle amical et même professionnel un relais de la diffusion de l’esprit de défense. Il est alors possible d’imaginer l’effet multiplicateur certain qu’auront les 105.000 réservistes sur la nation. »

Afin de renforcer les contacts entre les réservistes et les citoyens, quel que soit leur âge, l’article L4211-8 du code de la défense prévoit l’organisation une fois par an d’une journée nationale du réserviste, afin de mettre à l’honneur leur engagement et de sensibiliser la population aux enjeux de défense à cette occasion. En pratique, ces JNR s’étalent sur un mois.

a.   Favoriser l’engagement des enseignants dans les réserves

Vos rapporteurs souhaitent que soit facilité pour les enseignants volontaires l’engagement dans les réserves. Depuis la création de la Garde nationale en octobre 2016, le secrétariat général de la garde nationale (SGGN) a signé des conventions spécifiques de soutien à la politique de la réserve opérationnelle avec la moitié des académies. Conformément au protocole de 2016, le MENJ communique sur les JNR et encourage la tenue d’événements de présentation de la réserve. Au sein de leurs établissements, les enseignants-réservistes peuvent contribuer à mieux connaître les enjeux de la défense nationale auprès de leurs collègues ou de leurs élèves.

Toutefois, dans les faits, l’engagement dans les réserves des enseignants se heurte à un certain nombre d’obstacles qui ont été mentionnés auprès de vos rapporteurs :

­ – des réticences à laisser les enseignants effectuer des périodes de réserve en l’absence de solution de remplacement de courte durée ;

­ – en conséquence, une gestion des périodes de réserve au cas par cas et notamment sur les périodes de congés ;

­ – un manque de valorisation de l’engagement au sein de l’institution qui se traduit souvent par une forte proportion d’enseignants-réservistes « clandestins » préférant ne pas publiciser leur engagement dans les réserves ;

­– lors des mutations, une rupture difficile du lien avec l’unité de réserve.

Vos rapporteurs invitent les recteurs d’académie à autoriser des durées d’autorisations d’absence supérieures à la durée minimale de dix jours ouvrés par année civile qui est prévue par l’article L3182-49 du code du travail. Ils invitent également l’Éducation nationale à davantage valoriser professionnellement les compétences acquises par les enseignants en tant que réservistes. En aucun cas, les enseignants ne doivent effectuer leurs périodes de réserve lors de leurs congés. Les relais défense en établissement (RDE) pourraient veiller au plus près du terrain au respect des conventions signées entre la Garde nationale et les académies signataires.

Vos rapporteurs invitent également les réservistes opérationnels et/ou citoyens membres de l’Éducation nationale à s’organiser en réseau afin de mieux communiquer sur leurs difficultés, partager leurs expériences et proposer éventuellement des actions de sensibilisation à l’éducation de défense à fort impact.

b.   Dynamiser l’animation des réserves citoyennes de défense et de sécurité

Il ressort des auditions que les réseaux des réservistes citoyens de défense et de sécurité sont inégalement actifs. De nombreux réservistes citoyens sont déçus de ne pas se voir proposer suffisamment de missions ou regrettent un décalage entre les missions proposées et leurs attentes. Les réservistes citoyens très impliqués aident souvent de manière décisive les forces. Pour autant, toute la communauté des réservistes citoyens n’est pas autant mobilisée qu’elle le pourrait.

Vos rapporteurs invitent les forces armées à redynamiser leurs réseaux de réservistes citoyens en ciblant de manière exhaustive les compétences et attentes de chaque réserviste dans une logique vertueuse à la fois pour les réservistes et les armées. Ils souhaitent également donner davantage de visibilité dans l’espace public aux réservistes citoyens. La suppression des grades honorifiques des réservistes citoyens doit être expliquée pour être bien comprise. Des distinctions civiles pourront être introduites pour distinguer entre les réservistes citoyens, selon des critères objectifs comme leur ancienneté dans la réserve citoyenne ou leur implication au sein de cette réserve.

Vos rapporteurs saluent par ailleurs la création récente d’une réserve citoyenne du patrimoine aéronautique. Une convention de partenariat a en effet été signée le 24 novembre 2023 par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, le ministère de la Culture et le ministère des armées sur la valorisation du patrimoine aéronautique et la création d’une filière patrimoine au sein de la réserve citoyenne. Cette convention, qui s’inscrit dans la lignée des différents programmes en faveur de la jeunesse, notamment les escadrilles air jeunesse (EAJ) et l’éducation artistique et culturelle (EAC), vise à développer des actions de valorisation du patrimoine aéronautique en renforçant le lien de la jeunesse avec l’Armée. La réserve citoyenne du patrimoine a pour objectif de permettre la transmission de savoirs autour du patrimoine aéronautique. Le projet envisage notamment la restauration d’objets importants du patrimoine aéronautique par des lycées professionnels et centres d’apprentissage afin d’envisager in fine leur classement au titre des monuments historiques.

Vos rapporteurs proposent d’étendre le modèle de la réserve citoyenne du patrimoine aéronautique aux autres armées afin de permettre aux citoyens intéressés de mettre leurs compétences au service des activités de restauration de l’ensemble des patrimoines militaires.

c.   Renforcer la valorisation et la reconnaissance des réservistes dans l’espace public

Afin de renforcer la visibilité des réservistes dans l’espace public, votre rapporteur Christophe Blanchet souhaite faire plusieurs recommandations :

­ Affirmer que les réservistes qui le souhaitent ont le droit sans autorisation préalable de l’autorité militaire de porter leur tenue de réserve à l’occasion des cérémonies commémoratives, notamment lors de la journée patriotique fériée du 8 mai. Cette proposition impliquerait de modifier l’arrêté du 14 décembre 2007 relatif au port de l'uniforme militaire par les réservistes de la réserve militaire, les anciens réservistes admis à l'honorariat de leur grade et les anciens militaires n'appartenant à aucune de ces deux catégories ;

­ Faire de l’appartenance à une réserve un nouveau critère de discrimination au sens de l’article L. 225-1 du Code pénal afin de diminuer le nombre de réservistes clandestins, ce qui est de nature à sensibiliser à l’esprit de défense au sein d’une organisation ;

­ Donner davantage de publicité à la nouvelle médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure (MRV-DSI) qui a remplacé depuis 2019 la médaille des services militaires volontaires (MSMV) ;

­Davantage mettre à l’honneur les réservistes lors de la Fête nationale. En Finlande, les associations civiles de réservistes défilent lors du jour de l’indépendance. En Estonie, les réservistes de la ligue de défense estonienne participent également au défilé de la fête de la victoire dans toutes les villes du pays. Votre rapporteure Martine Etienne souscrit également à cette dernière proposition.

3.   Développer les réflexes quotidiens de résilience dans la population

Lors du déplacement de la mission d’information en Estonie et Finlande, votre rapporteur Christophe Blanchet a constaté qu’il existait dans ces pays une sensibilisation très importante de la population aux alertes de type crise ou guerre. Ainsi, en Finlande, chaque citoyen doit avoir connaissance de l’abri antiatomique auquel il est rattaché et préparer à son domicile un « sac de 72 heures » qui lui permettra de survivre pendant ce laps de temps sans nourriture ni eau, électricité ou communication. En Estonie, une application téléphonique « Sois prêt » qui fonctionne même sans réseau est largement téléchargée par les citoyens. Elle rappelle les principaux réflexes à avoir selon le type de crise. En Suède encore, un guide « En cas de crise ou de guerre » ainsi qu’un « guide de défense psychologique » ont été envoyés à l’ensemble des foyers.

Cette éducation aux réflexes de résilience doit s’effectuer tout au long de la vie. Lors de leur audition, les personnels de la direction de la protection et de la sécurité de l’État au SGDSN ont présenté à vos rapporteurs deux modules de sensibilisation à la stratégie nationale de résilience qui seront bientôt disponibles en ligne pour les agents publics et les élus. Il a également été indiqué à vos rapporteurs que l’ANSSI avait mis à disposition du grand public un cours en ligne, SecNumacadémie ([45]), visant la sensibilisation élémentaire à la cybersécurité. Vos rapporteurs invitent notamment les correspondants défense à relayer largement ce cours en ligne auprès de leurs populations.

Vos rapporteurs se félicitent de ce travail et appellent de leurs vœux la conception puis large diffusion d’un module de sensibilisation à la stratégie nationale de résilience à destination du grand public. Ce module serait complémentaire à l’information déjà existante sur la page Internet ([46]) du Gouvernement consacrée aux réflexes majeur à avoir selon une typologie de risques (terroriste, cyber, espionnage, risques naturels etc).

Enfin, vos rapporteurs estiment qu’il pourrait être intéressant de célébrer la journée nationale de la résilience [47]lors de la journée patriotique du 8 mai.

III.   À la condition de ne pas être instrumentalisée, la culture constitue un puissant vecteur de sensibilisation à l’esprit de défense

A.   La culture constitue un puissant vecteur de sensibilisation aux enjeux de la Défense nationale tout au long de la vie des citoyens

S’interroger sur le rôle de la culture dans la défense nationale peut à première vue surprendre. Le monde de la culture et le monde de la défense ne semblent en effet ni particulièrement proches ni particulièrement désireux de renforcer leur coopération.

Pourtant, les liens entre culture et défense nationale sont féconds et plus nombreux qu’on ne le croit. Le ministère des armées est le deuxième acteur culturel de l’État. Il dispose d’un patrimoine culturel riche et varié qui se compose de biens immobiliers (monuments, sites, nécropoles, ouvrages militaires, musées), mobiliers (60 bibliothèques, 1 million d’ouvrages, 800 000 pièces de collection des musées) et d’archives (450 km dont 10 millions de photographies). Le ministère compte 21 musées et 155 sites classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Grâce à l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (l’ECPAD), le ministère des armées détient plus de 3 millions de photos et 21 000 films couvrant près de quatre siècles d’histoire.

La politique culturelle occupe une place centrale dans le soutien de la politique de défense du fait des trois fonctions qu’elle exerce : forger « l’esprit de corps » dans le cadre du contexte opérationnel des armées, développer l’esprit de défense, en ciblant les publics jeunes ou les plus éloignés des valeurs républicaines, et assurer un vecteur de contre-influence. D’une manière très générale, dès lors que le rôle des forces armées est in fine de défendre les valeurs fondamentales de la Nation française, le lien entre la défense nationale et les éléments culturels, notamment patrimoniaux, qui fondent ou illustrent ces valeurs est évident. Selon les mots de la directrice du musée de l’air et de l’espace : « La culture doit être considérée comme est un des piliers de la défense nationale, via le lien armées-Nation et les forces morales. Sans histoire, sans mémoire et sans culture, il n’y a pas d’armée, ni de valeurs et de sens. »

Selon Bénédicte Chéron : « L’idée de « faire comprendre » plutôt que « faire adhérer » ou « convaincre » semble là aussi une ligne fructueuse dans un champ qui, de toute façon, échappe en grande partie à l’État (et doit lui échapper). En matière de création culturelle, le « faire comprendre » passe par le « faire sentir » (mots chers à Pierre Schoendoerffer, je renvoie à ma thèse publiée sur son œuvre (...), les effets du « faire sentir » étant très difficilement anticipables. Des grands films pacifistes américains peuvent susciter des vocations militaires par exemple. L’écueil à éviter est évidemment celui d’une instrumentalisation du récit à des fins politiques ou l’absence d’objectivité dans l’approche des faits historiques. »

1.   La culture est un vecteur fondamental pour renforcer le sentiment d’appartenance des forces

Les forces armées entretiennent et valorisent un patrimoine multiséculaire (héros, monuments, emblèmes, uniformes, équipements, musiques, véhicules, etc.) afin de construire une cohésion et une identité d’armes. Au travers de leur patrimoine, les forces révèlent leur identité tout en renforçant le sentiment d’appartenance au sein des communautés militaires. La valorisation et la préservation de ces patrimoines représentent donc des enjeux institutionnels majeurs tant pour ceux qui y servent que pour l’ensemble de la population.

2.   Depuis les années 1980, plusieurs protocoles ont significativement renforcé les liens entre le ministère de la culture et le ministère des armées

Dans les années 1980, concomitamment à l’élaboration du premier protocole Défense-Éducation nationale impulsé par Charles Hernu, la coopération entre le ministère des armées et le ministère de la culture s’est renforcée.

En 1983, un premier protocole entre les deux ministères fut principalement axé sur le « développement culturel » des militaires sous les drapeaux, la conservation et la mise en valeur du patrimoine architectural et l’essor de la création artistique.

Un second protocole signé en 1990 entre les deux ministères prévoyait d’amplifier et de diversifier ces actions en mettant notamment l’accent sur les formations des personnels militaires dans les domaines culturels. Il prévoyait également la mise en place de commissions interministérielles afin de renforcer la protection et la restauration du patrimoine historique affecté au ministère de la Défense. Des opérations de restauration immobilières étaient programmées conjointement par les deux ministères.

Un troisième protocole signé en 1994 visait à amplifier « l’héritage culturel des armées » et à favoriser l’expression des formes artistiques et culturelles issues du patrimoine commun.

Le protocole d’accord signé le 17 septembre 2005 entre les deux ministères s’organise autour de deux objectifs principaux : d’une part, préserver, enrichir et valoriser le patrimoine dont le ministère des armées est affectataire et, d’autre part, renforcer la professionnalisation des métiers culturels au sein de ce ministère. Il repose sur une vision élargie du patrimoine qui inclue le patrimoine monumental, muséographique, écrit, audiovisuel, musical ou scientifique. Vos rapporteurs ont auditionné le directeur général des patrimoines et de l’architecture du ministère de la culture qui a particulièrement insisté sur le bilan au titre du patrimoine monumental et muséographique des divers protocoles.

a.   Les effets très positifs des protocoles sur la conservation et la restauration du patrimoine monumental du ministère des armées

Les protocoles successifs Culture-Défense ont notamment eu de nombreuses retombées positives concernant la restauration du patrimoine militaire dont le ministère des armées est affectataire. Le protocole de 2005 pose une exception au principe de non-financement par le ministère de la culture des travaux sur des monuments protégés au titre des monuments historiques affectés à d’autres départements ministériels. Le protocole Culture-Défense a permis d’engager au fil des années des opérations de restauration et de valorisation au bénéfice d’une vingtaine de monuments ou d’ensembles de monuments affectés au ministère des armées, aussi bien en Île-de-France qu’en région et dans les Outre-mer : hôtel national des Invalides, École militaire, Val-de-Grâce, château de Vincennes, fortifications de Brest, de Bayonne, citadelle de Lille, Prytanée militaire de La Flèche, forts de Briançon, fort Saint- Louis en Martinique, redoute Saint-Denis à la Réunion.

Le patrimoine monumental du ministère des armées a également bénéficié de la collaboration avec l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), avec lequel a été signée le 16 novembre 2010 une convention-cadre de délégation de la maîtrise d’ouvrage pour des opérations dont la liste et le programme sont définis annuellement. Régulièrement renouvelée, cette convention a permis de faire bénéficier le ministère des armées de compétences spécifiques dans le cadre d’interventions sur des bâtiments protégés au titre des monuments historiques sans peser sur les équipes de la DRAC d’Île-de-France. Un comité de suivi est chargé notamment d’arrêter la liste des opérations et l’enveloppe financière des conventions annuelles de programmation soumises au conseil d’administration de l’OPPIC de fin d’année.

Le protocole de 2005 prévoyait qu’au sujet de la restauration du patrimoine monumental, le ministère des armées et le ministère de la culture devaient chacun engager 10 M€ annuels. Dans les faits, jusqu’à présent, les montants évoqués pour le patrimoine immobilier n’ont jamais été atteints, sauf exception. Les crédits alloués par le ministère des armées se situent dans une fourchette située, selon les années, entre 2,9 M€ (2009) et 10 M€ (2016), mais en moyenne généralement autour de 6 à 8 M€. Les crédits du ministère de la culture n’ont pas suivi ce rythme et sont compris entre 3 M€ et 4,6 M€.

Vos rapporteurs souhaitent souligner que le ministère de la culture conditionne sa participation financière aux travaux de restauration du patrimoine affecté au ministère des armées à la garantie de leur ouverture ultérieure au public. Vos rapporteurs souhaitent encourager le ministère des armées à ouvrir au public le plus largement possible son patrimoine monumental, notamment dans le cadre des journées européennes du patrimoine ainsi qu’à l’occasion de la fête nationale comme le prévoit le protocole de 2005.

b.   Une importante coopération scientifique en matière muséale

Le protocole promeut également une coopération scientifique importante : ainsi, la DMCA est membre de droit du haut conseil des musées de France. Le DMCA est également systématiquement invité aux séances de la commission scientifique des musées nationaux (CSMN) et aux réunions avec les conseillers pour les musées des DRAC organisées par le service des musées de France. De manière réciproque, par sa présence aux conseils d’administration des trois établissements publics muséaux du ministère des armées, le ministère de la culture apporte un soutien aux projets des musées du ministère en partageant sa connaissance et son expérience des enjeux des muséaux.

 Par ailleurs, les services du ministère de la culture (notamment le service des musées de France) sont à la disposition de la DMCA pour la conseiller sur toute question scientifique comme juridique. L’an dernier, le projet scientifique et culture (PSC) du musée national de la Marine a été instruit conjointement. Le service des musées de France est aussi informé et peut être amené à traiter des demandes de déclassement de biens culturels et conseiller sur ces procédures qui conduisent à la radiation de l’inventaire. Il contribue également à l’enrichissement des collections, en étant membre des commissions d’acquisitions et commissions restreintes des institutions muséales relevant du ministère des armées.

c.   Une professionnalisation accrue des métiers culturels au sein du ministère des armées

Le protocole prévoyait de renforcer la professionnalisation des métiers culturels au sein du ministère des armées. Cette professionnalisation s’est notamment concrétisée par l’ouverture dans le cadre du brevet technique du service d’infrastructure de la défense de parcours spécialisés au centre des hautes études du patrimoine (École de Chaillot) et à l’institut national du patrimoine (INP).

Dans le secteur des archives, les offres d’emploi proposées par le ministère des armées (DMCA, SHD, ECPAD essentiellement) sont diffusées sur le portail FranceArchives (80 000 visites par an) au même titre que celles du ministère de la culture ; elles sont également signalées sur les listes de diffusion professionnelles gérées par ce ministère (2 000 abonnés). Les musées du ministère des armées comptent dans leurs effectifs des conservateurs du patrimoine tandis que des militaires de l’armée de terre sont envoyés en formation à l’École du Louvre (master de muséologie) ou à l’INP. En outre, de jeunes diplômés de l’INP, pas nécessairement militaires, sont directement affectés au ministère des armées. Depuis 2005, 12 élèves officiers du ministère des armées ont ainsi été formés à l’INP dans le cadre de la formation d’application en vue de devenir responsables de l’un des musées de l’armée de terre. L’harmonisation des régimes indemnitaires des conservateurs du patrimoine entre les deux ministères favorise aussi les mobilités.

d.   Un protocole en cours d’actualisation

Le bilan du protocole Culture-Défense est en cours de réalisation par les services des deux ministères. Selon les services du ministère de la culture : « La finalité du bilan est double et consiste, d’une part, à partager une évaluation de la collaboration entre les deux ministères à partir des données disponibles sur les opérations menées ces dernières années et, d’autre part, à définir conjointement les évolutions possibles et les révisions à apporter au protocole. »

e.   Les améliorations à apporter au protocole

i.   Une gouvernance davantage harmonisée

Les services du ministère de la culture estiment qu’il serait souhaitable d’instaurer une gouvernance et une composition homogène des commissions interministérielles culture-armées, d’imposer une réunion annuelle, et de créer une commission interministérielle pour les régions ayant au moins trois sites concernés par le protocole Culture-Défense.

ii.   Un meilleur pilotage des programmations de travaux

Les auditions ont notamment mis en évidence les besoins suivants :

­– un pilotage renforcé des programmations de travaux par les DRAC et du suivi des coûts ;

­– une amélioration dans le calendrier de programmation des travaux en Île-de-France, pas toujours adapté au calendrier de l’OPPIC ;

­– un meilleur pilotage des travaux relatifs aux grands sites comportant des occupants afin d’assurer une cohérence d’ensemble pour la politique d’intervention sur les monuments ;

iii.   Étendre réellement le périmètre d’intervention du protocole aux secteurs autres que celui du patrimoine immobilier (par exemple le patrimoine mobilier).

iv.   Écrire dans le protocole la nécessaire ouverture ultérieure au public des bâtiments dont la restauration a fait l’objet d’un financement conjoint défense-culture

v.   Renforcer encore la professionnalisation des métiers culturels de la Défense :

Des pistes de consolidation sont à explorer visant à encourager encore davantage la mobilité des professionnels entre les deux ministères. Cet engagement pourrait être formalisé dans le futur protocole Culture-Défense.

3.   Renforcer la sensibilisation aux enjeux de défense des industries culturelles les plus populaires

Les industries culturelles et créatives (cinéma, séries, bande dessinée, jeu vidéo etc) constituent des médias très plébiscités par le grand public. Lorsque ces industries culturelles et créatives s’emparent de l’objet « défense », elles contribuent à forger un imaginaire commun à grande échelle à travers la représentation de certaines valeurs de cohésion, de courage, d’esprit de corps et d’engagement. Ce faisant, elles contribuent à la sensibilisation des citoyens aux enjeux de défense.

Dans l’objectif d’un « passage à l’échelle » de l’éducation à la défense, vos rapporteurs souhaitent encourager les industries culturelles à s’emparer de l’objet défense. L’entrée de la défense dans le champ culturel, sans aucun contrôle de l’État sur les contenus, capitalisera sur le plus puissant des vecteurs : l’imaginaire. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux le foisonnement de productions culturelles en lien avec la défense et permettant aux citoyens de nourrir leur réflexion critique sur la défense nationale et ses enjeux.

a.   L’industrie du podcast offre un levier croissant de sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

Le podcast, ou balladodiffusion en français, constitue un marché en plein essor. En France, près de 40 % des individus écoutent des podcasts ; aux États-Unis, ce pourcentage oscille entre 80 et 90 %. Tandis que les radios FM ont perdu 3,1 millions d’auditeurs depuis 2018, près de 200 millions de podcasts sont écoutés chaque mois en France. ([48]) Le format conversationnel est ainsi en train de s’imposer comme le préféré des auditeurs français, plébiscité par 81 % d’entre eux ([49]). La balladodiffusion constitue un média d’avenir et présente encore en France un potentiel de croissance majeur. Par conséquent, vos rapporteurs encouragent les éditeurs de podcasts à se saisir des enjeux de défense pour contribuer à nourrir un débat public critique sur ces questions.

Aujourd’hui, le marché du podcast de défense est déjà relativement concurrentiel. La sphère MINARM produit déjà un certain nombre de podcasts. Ainsi, la délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICOD) produit depuis peu son podcast mensuel Defcast qui consiste en un entretien avec un acteur de la défense d’une vingtaine de minutes. Le podcast Echo du CESM consiste en une rencontre de trente minutes avec un expert des enjeux navals et maritimes. D’autres podcasts comme Periscope (CESM) ou Pensez stratégique ! de l’ACADEM offrent des regards croisés entre militaires, chercheurs et experts des enjeux stratégiques de défense.

Parce que l’armée s’est longtemps inscrite dans une tradition de « grande muette », le traitement médiatique des questions militaire et de défense était faible ou demeurait l’apanage de quelques médias très politisés. L’émergence d’un marché des podcasts spécialisés sur ces enjeux est une excellente nouvelle pour diffuser auprès d’un seuil critique de citoyens une connaissance raisonnée de ces enjeux.

Vos rapporteurs ont notamment auditionné Alexandre Jubelin, le producteur du podcast Le Collimateur. Le Collimateur est un podcast associé au Rubicon en partenariat avec le centre des études de sécurité de l’IFRI et soutenu par la DGRIS du MINARM. Il se présente sous deux formats hebdomadaires ; un entretien-analyse sur des questions de défense ainsi qu’un format court, consacré soit à un récit d’opérations (Dans le viseur), soit à une analyse de film ou de série liés à la guerre ou au monde militaire (Dans le bunker). Selon Alexandre Jubelin : « La guerre n’est pas quelque chose de bien ou de beau, mais quelque chose d’important : on gagne à en parler, de manière documentée et intelligente, afin de comprendre comment cela marche (…) En 2018, j’écoutais des podcasts américains sur ces sujets et ce genre de production m’a paru facile à produire. Je pensais qu’il y avait un manque en France d’un média non positionné politiquement sur les questions de défense. Le Collimateur est né en janvier 2019. Cinq ans et sept millions d’auditeurs plus tard, il est devenu le principal média audio francophone sur les questions de défense : écouté dans 100 pays, il compte près de 250 000 auditeurs par mois, s’inscrivant à la 30ème place des podcasts francophones (…) Le Collimateur offre une diversité points de vue : ce n’est pas un podcast pour défendre ou mettre en valeur mordicus les armées françaises ou les critiquer gratuitement (…). Je ne vois pas de problème à ce que des personnes invitées tiennent des propos antimilitaristes pour peu que ces propos soient sourcés et éclairés (…). Le Collimateur est un endroit pour parler de la guerre et de l’armée sans être de droite nécessairement (…). Il faut favoriser la critique des armées : une des choses dont les armées souffrent, c’est de l’idée qu’elles ne toléreraient pas la critique. »

Le développement du marché du podcast de défense doit néanmoins encore séduire le public de genre féminin. En effet, 80 à 90 % des auditeurs du Collimateur sont de genre masculin. Vos rapporteurs encouragent leurs producteurs à cibler tout particulièrement ce public dans leur stratégie de communication. Vos rapporteurs précisent par ailleurs que l’un des intérêts de développer massivement l’enseignement de défense dans le cadre de l’Éducation nationale réside notamment dans la perspective d’accroître l’intérêt des jeunes femmes pour ces enjeux.

Vos rapporteurs encouragent la diffusion des podcasts de défense auprès de l’ensemble des acteurs de l’éducation à la défense, notamment des correspondants défense dans les territoires.

b.   Les moyens et effectifs de la mission cinéma et industries créatives du ministère des armées sont encore sous-dimensionnés

Dans le sillage du protocole Défense-Culture de 2005 qui en recommandait la création, le bureau de la politique d’accueil des tournages (BPAT) du ministère des armées a été créé en 2007.

En 2015, le succès de la série d’espionnage de Canal+ Le Bureau des légendes a constitué un tournant dans la compréhension du potentiel représenté par le cinéma et l’audiovisuel pour le ministère des armées. À partir de cette expérience concluante, il a été décidé la création en 2016 d’une « mission cinéma » dont l’objectif était de favoriser l’émergence de projets cinématographiques sur le fait militaire et les enjeux de défense. En 2017, la ministre des armées a confirmé cette politique ministérielle volontariste et a signé une convention avec la guilde des scénaristes, premier syndicat des scénaristes de fiction. Cette convention ambitionnait le développement d’un dialogue permanent avec les créateurs, prévoyait des possibilités d’immersion mettant les auteurs au contact des réalités de l'institution militaire et rendait possible un accompagnement de la mission cinéma dans l’écriture afin de garantir la vraisemblance des fictions produites, dans le strict respect de leur liberté de création.

La mission cinéma et industries culturelles du MINARM (MCIC)

Dans le secteur audiovisuel, la MCIC a réalisé un travail de fond afin de sensibiliser les sociétés de production puis les diffuseurs à l’intérêt de l’arène militaire comme nouveau support fictionnel ainsi qu’aux possibilités d’accompagnement et de soutien proposées par le ministère.

La MCIC a notamment cherché à développer des relations avec de jeunes auteurs dans l’objectif de créer une pépinière de talents sensibilisés à ces sujets. C’est le sens de son partenariat avec la cité européenne des scénaristes ou de sa participation à la WOS fabrique (programme d’accompagnement de jeunes auteurs issus des principales écoles de cinéma européennes, initié par le festival War on Screen, afin de faire émerger une nouvelle génération de talents intéressés par les thématiques militaires et les enjeux de défense). D’après Eve-Lise Blanc Deleuze, cheffe de la MCIC : « Le domaine de la culture est souvent associé à la liberté d’expression absolue et est traditionnellement empreint d’antimilitarisme, là où l’institution militaire a souvent été considérée comme contrôlant strictement sa communication, voire suspectée de censure ou de propagande. Peu et mal connu, le monde miliaire est souvent sujet à fantasmes, caricatures et idées préconçues, ayant généré pendant plusieurs décennies des œuvres décorrélées de la réalité lorsqu’elles n’étaient pas à charge. ». Au quotidien, la MCIC travaille justement à déconstruire ces idées reçues, en donnant envie aux créateurs de faire de la défense l’objet de leur film.

Les opérations découverte organisées par la MCIC sont très appréciées et essentielles pour le renforcement des relations entre professionnels des deux univers : ainsi, « une poignée de professionnels ont été admis sur la base de Creil pour découvrir le rôle et la fonction de la DRM dans l’écosystème du renseignement. Un autre groupe a eu l’opportunité d’embarquer sur le PHA Mistral pendant 48 heures et découvrir la particularité de la vie à bord et le métier des marins. La guerre électronique n’a plus de secret pour un petit nombre de scénaristes qui ont eu la chance de participer à un exercice au sein du 54ème régiment de transmissions. ».

Ces opérations sont d’autant plus précieuses que les professionnels du cinéma – comme la population française en général – ont une moindre connaissance de l’expérience militaire. En effet, jusqu’à la fin des années 1980, nombre d’aspirants réalisateurs ont fait leur service militaire au sein du service cinématographique des armées (ancêtre de l’ECPAD). On peut citer par exemple Raymond Depardon, Claude Lelouch, Pierre Schoendoerffer entre autres. Ils avaient ainsi pu observer de l’intérieur le fonctionnement de l’armée française et maintenir un lien (positif ou négatif) entre cette institution et la société civile. Aujourd’hui, l’institution militaire se retrouve souvent absente des représentations proposées ensuite dans les œuvres qu’ils réalisent (contrairement aux USA où l’institution militaire est davantage présente dans le quotidien des citoyens).

Interrogée sur les critères d’accompagnement d’un projet par la MCIC, la cheffe de la MCIC a répondu qu’un projet était soutenu « lorsque son concept est intéressant pour l’institution en terme de rayonnement (…). La question à se poser est la suivante : « une fois l’œuvre achevée, le grand public aura-t-il une meilleure compréhension du fonctionnement, des enjeux de défense, des missions de l’institution, ou une meilleure image de cette dernière ? ». Le second paramètre pris en compte est le sérieux du ou des porteurs du projet. En 2023, 189 projets ou sollicitations audiovisuelles ont été traitées par la MCIC, tous domaines confondus (audiovisuel, court et moyen métrages, documentaires, cinéma, émissions de flux).

Selon la cheffe de la MCIC, « Deux mots doivent rester tabou : propagande et censure. Il est impératif de respecter la liberté de création des auteurs. Vouloir imposer une vision ou des éléments de langage serait la pire des choses à faire. L’institution est instinctivement suspectée par les auteurs, de vouloir faire de la propagande. Prouver le contraire est un travail quotidien. La propagande est une perte de temps, une annihilation de la liberté de création et de toute façon impossible à mener dans un pays libre et démocratique. Toute tentative aurait un effet boomerang sur l’image de l’institution, totalement dévastateur. Il est tout aussi impératif d’accepter un regard critique sur l’armée, accepter ce qui peut gêner, tout en restant vigilant sur la sauvegarde et le respect des valeurs. »

Pour ces raisons, la MCIC ne distribue aucun financement afin que le ministère des armées ne soit pas accusé de propagande. D’après la cheffe de la MCIC, « La MCIC ne propose qu’un accompagnement éditorial et reste dans son strict domaine de compétences, l’expertise technique ou le savoir-faire militaire. Elle n’intervient en aucun cas dans le processus créatif (…). En mettant les auteurs au contact de la réalité terrain, la MCIC créée simplement les conditions pour obtenir un plus grand réalisme à l’écran (…). [Concernant l’accompagnement à l’écriture] cet accompagnement se fait surtout au niveau de la relecture et toujours sur sollicitation des auteurs ou du producteur (…). Lorsqu’elle est sollicitée, elle fait des suggestions, mais pleine liberté est ensuite laissée aux scénaristes de les suivre ou pas (…). Les recommandations sont la plupart du temps suivies car elles apportent la crédibilité recherchée (…). La MCIC définit en revanche dès le départ et en toute transparence, des lignes rouges à ne pas franchir. Ces lignes rouges se résument en un principe assez simple : si un militaire peut commettre des actes litigieux à titre individuel, ces actes ne peuvent pas être le fait de l’institution et contrevenir à ses valeurs. L’image de l’institution ne doit pas être compromise (…). Le héros peut avoir des travers, mais l’institution ne peut pas les couvrir. Son image est ainsi préservée (…). Par ailleurs, la diversité des projets soutenus par la MCIC témoigne de l’ouverture du ministère des Armées à l’égard de tous les projets le concernant (…). Le long-métrage Pour la France, réalisé par Rachid Hami et sorti en février 2023, racontant l’histoire d’un élève officier de Saint-Cyr, Jallal Hami (son frère !), décédé lors d’un « bahutage » en 2012, est un exemple de cette ouverture, aux antipodes de la propagande militaire ou de l’idéalisation de la réalité militaire. »

 

Dans la perspective de renforcer encore davantage l’impact du cinéma dans la sensibilisation de la population française aux enjeux de défense, vos rapporteurs émettent quelques recommandations :

­– renforcer les effectifs et les moyens budgétaires de la MCIC. Alors que son périmètre s’est élargi en 2019 à l’ensemble des industries culturelles et créatives, la MCIC ne compte actuellement que 7 effectifs. Son budget est inférieur à 100 000 euros, en dépit de sa nécessaire participation à de nombreux salons hexagonaux voire internationaux dans une perspective de rayonnement et d’influence. Si l’objectif est bien « le passage à l’échelle », vos rapporteurs appellent au renforcement significatif des moyens de la MCIC ;

­– renforcer la communication relative au festival international « War on screen » qui se tient en octobre à Châlons-en-Champagne et offre une réflexion sur les conflits et leurs conséquences grâce à une programmation internationale mettant en valeur les représentations du conflit au cinéma et dans l’image animée. Vos rapporteurs encouragent tout particulièrement la communication sur cet évènement auprès des enseignants afin que de nombreux scolaires puissent participer à ce festival, notamment dans le cadre de projets croisant EAC et enseignement de défense ;

­ – dans l’optique d’effectuer le « passage à l’échelle » et d’éventuellement un jour réaliser « un Top Gun à la française » ([50]), vos rapporteurs appellent de leurs vœux un renforcement des coproductions cinématographiques internationales. La présence de la MCIC au marché international du film ainsi que sa collaboration avec le pôle attractivité du CNC visent à faire connaître aux producteurs internationaux l’ouverture du ministère français des armées. Dans le même esprit, la MCIC a accueilli au sein du ministère des armées l’académie France-Corée du cinéma. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux le renforcement de l’accueil de productions internationales par la MCIC.

Selon Bénédicte Chéron, « La difficulté du paysage français est d’arriver à un seuil critique de nombres d’œuvres grand public porteuses de représentations suffisamment variées, quelle que soit la qualité intrinsèque de chacun de ces œuvres, pour que le « faire comprendre » soit possible. Il y a une augmentation notable de l’intérêt des milieux de la création audiovisuelle pour les sujets militaires, la MCIC joue un rôle certain et plutôt fructueux, mais les paysages culturels porteurs d’un vrai « faire comprendre » de leurs propres réalités militaires sont ceux qui portent un nombre conséquent d’œuvres, y compris pacifistes et nous n’y sommes pas encore. Il faut aussi trouver un équilibre entre la préoccupation pour l’influence et le souci de voir émerger un paysage suffisamment diversifié pour faire comprendre et non chercher à tout prix à convaincre. »

c.   Les séries audiovisuelles constituent un levier majeur d’éveil aux enjeux de Défense

D’après Ève-Lise Blanc Deleuze : « Le cinéma, les programmes audiovisuels et notamment les séries investissent l’intimité des foyers, les conversations entre amis ou entre collègues. Leur poids s’est encore accentué ces dernières années avec la pandémie. Leur fréquence de diffusion et leur durée de vie en font des compagnons de route des téléspectateurs, des références, le miroir d’une époque. »

Les fictions audiovisuelles contribuent à faire découvrir le rôle, le fonctionnement et les missions des forces armées françaises, tout en sensibilisant le public aux enjeux géopolitiques. Elles constituent ainsi un puissant vecteur d’éducation à la défense. En 2015, la série française en cinq saisons Le Bureau des Légendes est née d’une collaboration fructueuse entre les scénaristes, l’ancêtre de la MCIC ainsi que la DGSE : « Nous avons mis en place un protocole pour trouver en toute intelligence, dans le respect de chacun, pour rendre crédible la fiction que nous produisons. Le processus de collaboration avec le ministère de la défense était simple : en échange de l’utilisation du logo de la DGSE, le service pouvait lire les scripts finalisés avant le tournage et nous indiquer ce qui était plausible ou non. Nous ne posions pas de questions, nous leur demandions simplement de nous indiquer ce qu’il était possible de faire en termes de crédibilité ([51]) ( …). Notre liberté de création nous a permis d’avoir comme personnage principal notre héros, un traître au sein d’un service et un traître qui, par amour, va chercher pendant des heures sa rédemption. Ce qui compte est le résultat livré – lequel a même dépassé nos prévisions (…). Davantage de personnes regardent la série à l’étranger qu’en France, malgré les 60 millions de vues sur la plateforme de Canal+. »

Le Bureau des légendes a fait jurisprudence et la MCIC n’a eu de cesse depuis de promouvoir le monde de la défense comme sujet ou toile de fond de nombreux projets audiovisuels. Parmi les plus récents exemples, citons les séries Coeurs noirs ou Sentinelles.

Les évolutions réglementaires récentes ouvrent par ailleurs de nombreuses perspectives pour les productions audiovisuelles françaises consacrées aux enjeux de défense. En effet, depuis l’adoption du décret SMAD, les plateformes étrangères de vidéos à la demande sont désormais soumises à une obligation de financement de la création de minimum 20 % de leur chiffre d'affaires en France, dont 80 % consacrés à la production audiovisuelle et 20 % au cinéma, et 75 % de cette obligation de financement doit être consacrée aux œuvres d'expression originale française. Face à ces perspectives, vos rapporteurs invitent la MCIC à renforcer ses opérations de découverte et de communication à l’égard des diffuseurs et producteurs de séries audiovisuelles (sensibilisation des plateformes comme Netflix, Amazon, Canal +, FTV, TF1, M6, Arte etc).

d.   La bande-dessinée et les webtoons offrent aussi de nombreux leviers de sensibilisation aux enjeux de la défense nationale

Le cinéma et l’audiovisuel n’étant pas les seuls vecteurs culturels susceptibles de sensibiliser la population aux enjeux de défense, le périmètre de la mission cinéma a été étendu en 2019 à l’ensemble des industries créatives, parmi lesquelles figurent le secteur du jeu vidéo et de la bande dessinée. La mission cinéma est alors devenue la mission cinéma et industries créatives, afin de s’adapter à l’évolution de la consommation culturelle des Français.

La bande dessinée est plébiscitée par un public très large de 7 à 77 ans. Souvent qualifiée de 9ème art, elle s’intéresse de plus en plus à l’univers de la défense. La bande dessinée franco-belge constitue un vecteur de communication transgénérationnel qui abrite déjà une niche d’ouvrages militaires.

Le secteur de la bande dessinée est le secteur le plus dynamique du monde de l’édition ; en 2022, le secteur a réalisé 920 millions d’euros de chiffre d’affaires et vendu 84 millions d’exemplaires. La croissance économique du secteur reste dopée par les ventes des mangas ; ainsi, plus d'une bande dessinée vendue sur deux en France en 2022 était un manga. L’âge moyen des fans du neuvième art est 34 ans. Cinq grands groupes d’éditeurs se partagent la majeure partie du marché, le groupe Média Participations réalisant 22,1 % des parts de marché. D’après la cheffe de la MCIC, « Le monde de la défense reste culturellement éloigné de la majorité des acteurs du secteur, quand il ne souffre pas auprès de certains d’un vrai déficit d’image. À l’exception des bandes dessinées militaires qui constituent un genre en soi, les auteurs de BD sont plutôt antimilitaristes. La MCIC cherche aujourd’hui à attirer vers ces sujets un public plus large que celui déjà convaincu et propose ainsi aux éditeurs de BD grand public un accompagnement et un soutien similaire à celui apporté aux acteurs de l’industrie audiovisuelle et du cinéma. Un exemple est la collection « Médecin de guerre », éditée chez Dargaud.

La MCIC s’intéresse tout particulièrement aux formats des mangas et webtoons. Les mangas représentent plus de 50 % du marché de la bande dessinée et sont particulièrement plébiscités par les adolescents et jeunes adultes, cibles privilégiées que le ministère souhaite atteindre. La France est le deuxième pays au monde consommateur de mangas, après le Japon. Le genre phare du marché est le shonen (36,5 millions d’exemplaires vendus en 2023). Le Shonen est un genre de manga qui s’adresse particulièrement aux jeunes garçons et adolescents. Il aborde les thèmes de la bravoure, du dépassement de soi, de l’amitié, et de la justice. Le webtoon, un nouveau format de lecture numérique sur smartphone qui se lit par défilement vertical constitue aujourd’hui l’un des plus grands phénomènes de consommation culturelle en Corée et commence à se développer en France. Les trames narratives sur lesquelles reposent les scénarii des mangas et webtoons correspondent assez bien aux valeurs militaires. Forte de ces constats, la MCIC cherche à encourager la création française et réfléchit à des principes de résidence ou de concours pour sensibiliser les jeunes talents émergents sur ces deux supports aux enjeux de défense. La MCIC est ainsi intervenue au « World Wide Webtoon », premier festival européen entièrement destiné aux webtoons. La MCIC a présenté à cette occasion aux participants l’offre de services et de soutien éditorial proposé par le ministère. La MCIC pourrait intervenir prochainement à la « Human Academy », une prestigieuse école japonaise de manga, animation et jeux vidéo basée à Angoulême afin de sensibiliser les étudiants en cursus Webtoon et Manga à ces sujets.

Afin de soutenir la création artistique, le ministère des armées a récemment créé son propre prix de la bande dessinée, « les Galons de la BD », dont la première édition a eu lieu en 2021. Ce prix vise à récompenser des « créations récentes et originales traitant du fait militaire, des conflits armés, de leurs origines comme de leurs conséquences, vécus par les militaires comme par les civils. Il permet au ministère des Armées de mettre en avant un autre regard sur les liens qui unissent une Nation à son armée. Parfois critique, parfois humoristique, le regard des auteurs de bande dessinée souligne la place importante qu’occupe le fait militaire dans notre histoire et dans nos représentations collectives. » La création des « Galons de la BD » a contribué à améliorer la perception du fait militaire et de l’objet défense par les acteurs. Le nombre d’ouvrage proposés aux Galons de la BD croît chaque année (110 pour l’édition 2024) de même que le nombre d’éditeurs présents (40 en 2024). En parallèle, la MCIC participe également au salon Quai des bulles ainsi qu’au festival international de la BD à Angoulême. La participation du ministère des armées est différente dans les deux salons. D’après la cheffe de la MCIC, « L’accueil du public, surpris au départ par la présence du ministère, est très bon et suscite l’intérêt. L’affluence sur le stand est bonne. Les séances de dédicaces avec les auteurs rencontrent toujours un très grand succès. Les conférences et les rencontres attirent toujours un large public. »

Vos rapporteurs encouragent fortement la MCIC à poursuivre son action de sensibilisation des éditeurs de BD et webtoons aux enjeux de défense. Cependant vos rapporteurs soulignent que cette montée en puissance de la MCIC n’est possible sur le long terme qu’au prix d’un renforcement des effectifs et moyens de la MCIC.

e.   La photographie donne à voir la réalité des missions opérationnelles des forces

Dans le champ de la photographie, le photojournalisme s’est toujours trouvé proche de « l’expérience militaire » que l’on pense à Capa, à Lee Miller, à Marie-Laure de Decker, Gilles Caron, Marc Flament, Don McCullin ou encore Nick Ut. La valorisation dans l’espace public du travail des journalistes de guerre permet de mieux comprendre les enjeux du déploiement et/ou des missions opérationnelles des forces. Récemment, l’exposition « Femmes photographes de guerre » au musée de la Libération de Paris permettait de mettre en lumière l’apport de la photographie dans la mémoire des grands conflits du siècle dernier.

Vos rapporteurs encouragent par ailleurs les photographes indépendants contemporains à capturer dans leurs objectifs l’objet défense, sans en être prisonnier. Ils citent notamment à cet égard le travail du photographe indépendant Thomas Goisque qui consacre une partie de son travail aux reportages en immersion auprès des forces armées françaises. Récemment, le photographe a accompagné les chasseurs alpins français en Laponie norvégienne dans le cadre de l’exercice otanien Nordic Response.

Crée en 2013, le prix Sergent Sébastien Vermeille a justement pour objectif de promouvoir le travail des photographes qui accompagnent sur le terrain les missions opérationnelles de l’armée de terre. Ce prix a été créé à la suite de la mort en opération du caporal-chef Vermeille, photographe au SIRPA-terre.

f.   Première pratique culturelle des Français, le jeu vidéo peut permettre sous certaines réserves de sensibiliser à la stratégie militaire

Le jeu vidéo est la première pratique culturelle des Français. Il génère un chiffre d’affaires mondial supérieur à 200 Mds €. Il s’agit d’un media de masse se caractérisant par son impact majeur sur le public. Depuis vingt ans, le genre du jeu vidéo militaire s’est considérablement développé. La licence « Call of Duty » éditée par l’américain Activision ainsi que son concurrent direct « Battlefield » dominent depuis près de vingt ans le genre. Le studio français Eugen Systems, fondé en 2000 est devenu le leader mondial du jeu de stratégie militaire, grâce à des titres comme « Steel Division » ou « Wargame » reconnus pour leur complexité tactique et leur profondeur historique. Ubisoft, leader européen du jeu vidéo, a par ailleurs développé et édité le jeu « Soldat inconnu » qui plonge dans l’histoire de la première guerre mondiale à travers un jeu adapté aux enfants proposant une expérience axée sur le récit et la réflexion, dans un environnement graphique issu de la bande dessinée.

En 2019, le périmètre de la mission cinéma du MINARM s’est étendu au secteur du jeu vidéo. La cheffe de la MCIC a souligné à cet égard devant vos rapporteurs que « le jeu vidéo de guerre n’est pas exempté du risque de célébration et d’esthétisation de la violence, mais n’est pas non plus enfermé dans cette seule approche. » Il convient à ce sujet de noter que le jeu « Call of Duty » qui se caractérise notamment par sa violence et son réalisme a très directement alimenté la polémique selon laquelle le jeu vidéo serait un facteur d’incitation à la violence. « Bien que de nombreux jeux vidéo soient des jeux de combats, le secteur du jeu vidéo reste encore prudent face au risque d’association d’images avec les armées. Peu de jeux au niveau international ont été développés en collaboration avec des armées. » L’économie du jeu vidéo est complexe, largement supérieure en poids à celle du cinéma (5,5 milliards d’euros en 2022 en France). Un jeu AAA bénéficie d’un investissement moyen de plusieurs centaines de millions d’euros et demande plusieurs années de développement. « Une collaboration avec le ministère des armées ne peut s’inscrire que sur le temps long et au niveau international. Si les éditeurs ont besoin d’un minimum de connaissance technique de combat pour assurer le réalisme du programme, ils n’ont clairement pas besoin du soutien officiel du ministère. Ce dernier imposerait des contraintes éthiques dont les studios de développement s’affranchissent, le jeu vidéo étant un exutoire souvent opposé à l’éthique du soldat. » La MCIC a reçu fin 2022 les principaux éditeurs et studios de développement français afin d’envisager les pistes d’accompagnement et de collaboration possibles.

En parallèle de ces efforts pour pénétrer la sphère du jeu vidéo, la MCIC s’emploie également à ancrer la présence du ministère des armées dans la communauté du « e-sport ». L’e-sport constitue un véritable phénomène de société, en France comme à l’international. En France, l’e-sport intéresse aujourd’hui près de 12 millions de personnes (sources Médiamétrie 2023), soit plus de 23 % des internautes de plus de 15 ans. Plusieurs millions de spectateurs suivent les compétitions en direct, souvent sur les plateformes Twitch et Discord. Désormais considéré comme une discipline à part entière, l’e-sport pourrait même devenir discipline olympique. L’e-sport est ainsi devenu un vecteur majeur pour s’adresser aux jeunes de plus de 15 ans. Au sein du ministère des armées, plusieurs entités sont actives dans l’e-sport mais fonctionnent de façon indépendante. La MCIC s’est positionnée comme coordinatrice de ces différentes initiatives et est en train de monter une équipe e- sport interarmées, qui participera à la prochaine « gamers assembly », la première compétition de e-sport en France fréquentée par plusieurs milliers de joueurs.

Selon la cheffe de la MCIC « Le e-sport en revanche est une discipline beaucoup plus facile d’accès. Le e-sport désigne la pratique sur Internet ou en LAN party, d'un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d'un ordinateur ou d'une console de jeux. Le e-sport connaît une croissance fulgurante et est capable d’attirer dans des salles de spectacles des milliers de jeunes qui viennent s’affronter ou assister à des compétitions internationales. La MCIC envisage de créer une équipe e-sport interarmées qui pourrait participer à des tournois, rencontrer d’autres joueurs et contribuer ainsi au renforcement du lien armée-Nation. (…). Dans le même esprit est à l’étude la participation du ministère à la Paris Games Week, un salon grand public de jeux vidéo, qui se tient chaque année à Paris en novembre. Loin d’une participation institutionnelle, le ministère pourrait proposer aux visiteurs de jouer avec des militaires à des jeux de drapeaux dans une arène virtuelle. Ces interactions contribuent toutes à resserrer et développer l’esprit défense. »

Dans ces efforts de rapprochement avec le secteur du jeu vidéo, vos rapporteurs invitent la MCIC à respecter une charte éthique préalable à tout projet de collaboration avec un éditeur de jeu vidéo. Les projets accompagnés devront nécessairement proposer des expériences axées sur la réflexion critique, l’éthique du soldat et la stratégie. À ces conditions, ils constitueront des vecteurs critiques de sensibilisation aux enjeux de défense.

Vos rapporteurs estiment par ailleurs que le lancement récent de la marque « Game France », destinée à fédérer l’écosystème du jeu vidéo français et à lui donner davantage de visibilité à l’international, peut être le bon moment pour envisager l’extension du protocole Défense/Culture au jeu vidéo afin de construire une offre d’accompagnement à destination des professionnels.

g.   L’industrie musicale et la radio ; un éveil en musique

L’industrie musicale peut également être un vecteur intéressant de sensibilisation aux enjeux de défense. Le 27 mars dernier, la commission de la Défense nationale et des forces armées a auditionné Pierre Bellanger, président du groupe Skyrock et propriétaire de Skyrock PLM (pour les militaires). Skyrock PLM est une radio privée civile qui, en partenariat avec le ministère des armées, s’adresse particulièrement aux militaires. Skyrock PLM est une webradio disponible uniquement sur smartphone et qui fonctionne dans le monde entier avec une adresse IP. En 2023, Skyrock PLM se classe parmi les quarante premières radios du classement des 500 premières radios numériques. En pratique, des flash infos permettent de mettre en lumière l’actualité des enjeux de défense tandis que « les dédicaces Skyrock PLM » permettent d’entrevoir la vie des unités tout en renforçant le moral des militaires. Les principaux chefs militaires des armées et de la Gendarmerie nationale ont réalisé des entretiens à l’antenne ainsi que de nombreux soldats de tous grades. L’entretien accordé par le chef d’état-major de l’armée de Terre Pierre Schill a obtenu 205 000 vues, dont 102 000 sur Youtube et 60 000 sur TikTok. Les moins de 18 ans représentent 28 % de l’audience, les 18-34 ans 41 % et les 34 ans et plus 31 %. Le public est masculin à 59 % et féminin à 41 %. 11 % des auditeurs sont en relation familialement ou professionnellement avec le système militaire. 41 % sont intéressés par l’univers de la défense et 48 % par le programme musical. Ainsi, Skyrock PLM rayonne bien au-delà de la seule sphère militaire.

4.   Le patrimoine, levier incommensurable d’éveil aux enjeux de défense

L’histoire de France a forgé une culture et un patrimoine militaires extrêmement riches qu’il importe de conserver, transmettre et faire connaître aux générations futures afin de préserver le lien entre la Nation et ses armées. Le patrimoine constitue ainsi un levier incommensurable d’éveil aux enjeux de défense. Les délégués au patrimoine des armées jouent à cet égard un rôle majeur souvent méconnu.

Vos rapporteurs ont auditionné le délégué au patrimoine de l’armée de terre (DELPAT). D’après le DELPAT, « L’armée de terre est probablement l’armée possédant le plus riche patrimoine matériel, mais aussi immatériel, tant par son importance quantitative que par la valorisation culturelle qui en est faite. ». La DELPAT est ainsi affectataire des plus de 500 000 biens culturels répartis dans les 15 musées de l’armée de terre, 150 salles d’honneur, 31 fortifications gérées par des associations, 38 hôtels de quartier généraux. Les musées de l’armée de terre conservent près de 250 000 objets. À cela, il faut rajouter les 100 000 objets dont la DELPAT est le scientifique affectataire pour le compte de l’armée de terre dans les hôtels de commandement, des lieux de cultes et les lycées militaires. Le DELPAT suit également un nombre important de pièces déposées dans un grand nombre de fortifications, notamment du Grand Est. En outre, près de 150 000 pièces ont été confiées au DELPAT faute d’organismes de tutelle en interarmées ou au sein des DSIA.

Dans le sillage des premiers protocoles Défense-Culture, l’armée de terre se dote dès 1993 d’une délégation au patrimoine (DELPAT). Autorité fonctionnelle en charge de la politique culturelle de l’armée de terre, la délégation au patrimoine de l’armée de terre est intégrée à l’état-major de l’armée de terre. Elle a pour mission de contribuer « à la conservation du patrimoine historique et à la politique culturelle et des musées de l’armée de terre » en coordination, mais sans lien hiérarchique, avec la DMCA qui joue un rôle d’animateur de la politique patrimoniale du ministère. Son rôle est donc d’assurer le recensement, la préservation, la valorisation du patrimoine matériel et immatériel de l’armée de Terre. La DELPAT gère également le transfert et les mises en dépôt de matériels au profit de collectivités et associations qui la sollicitent. Elle assume également la tutelle des 47 peintres de l’armée de terre, coordonne leur activité artistique dans le cadre d’expositions annuelles et d’un salon organisé à l’Hôtel national des invalides tous les deux ans.

Selon le DELPAT « La fin de la conscription ayant nécessité de développer des voies alternatives de compréhension mutuelle, d’éveil de vocations, afin de renforcer un « lien armée-nation » désormais distendu et désincarné (…). Cette politique se traduit par la volonté de « percer » les murs des casernes pour rendre les musées accessibles au grand public. Elle se concrétise aussi par la construction de musées pour les armes qui en étaient dépourvues comme l’arme du matériel en 2000, l’arme des transmissions en 2004 ou le musée de la cavalerie en 2007(…). Les visiteurs étrangers au monde militaire dans nos 15 musées représentent aujourd’hui 85 % de nos visiteurs. »

Les rapporteurs s’inquiètent du déclin de la démographie des associations gestionnaires des fortifications de l’armée de terre. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux un soutien public renforcé à l’égard de ces associations qui font vivre le patrimoine militaire local ; ainsi, les associations de la fortification du Grand Est ont accueilli 63 000 visiteurs en 2020 et 79 000 en 2021.

La DELPAT est une structure ramassée, composée d’un officier général, de deux officiers conservateurs du patrimoine ainsi que d’un personnel civil. Dans l’exercice de ses missions elle s’appuie également sur l’expertise particulière d’une dizaine de réservistes. Qu’ils soient affectés à la DELPAT ou dans les musées d’armes, les 23 officiers conservateurs ont soit été recrutés comme officiers sous contrat à la sortie de l’École du Louvre ou d’un master en histoire de l’art, soit choisi de s’orienter vers la filière patrimoine après une première partie de carrière opérationnelle et la réussite au concours du diplôme technique. En général, ils sont tous formés à l’École du Louvre puis à l’institut national du Patrimoine après deux affectations comme conservateur de musée d’arme. Depuis, la création de la DELPAT, 16 officiers ont été formés à l’INP (un tous les deux ans) et 12 à l’École du Louvre.

La Marine nationale, l’armée de l’air et de l’espace ainsi que la Gendarmerie nationale disposent également toutes d’une délégation au patrimoine.

La DMCA rencontre les délégations au patrimoine des différentes armées selon une logique de réunion bilatérale semestrielle. Le rôle de la DMCA est double dans ces échanges, comme animateur de la politique muséale et patrimoniale ministérielle et comme gestionnaire logistique de biens culturels à l’échelle ministérielle. Les échanges entre collaborateurs des musées et de la DMCA sont très fréquents dans l’utilisation d’Archange, qui permet l’introduction des bonnes pratiques en matière de récolement, inventaire des collections, entrée en collections etc. En tant qu’interlocuteur du ministère de la culture au sein du ministère des armées, la DMCA est également le dernier valideur à l’échelle ministérielle des projets scientifiques et culturels (PSC) des musées. Enfin, elle réunit régulièrement un « comex » de la politique muséale, avec l’ensemble des musées du ministère.

À l’aune de ces constats, vos rapporteurs appellent à étoffer les effectifs et moyens de la DELPAT afin de lui permettre de monter en puissance sur ses missions toujours plus nombreuses et complexes.

a.   Les musées en lien avec la défense nationale, notamment les musées de traditions de l’armée de terre, doivent encore renforcer leur stratégie vis-à-vis des publics

i.   Les trois musées-établissements publics administratifs du MINARM ont renoué avec le niveau de fréquentation pré-Covid et se transforment

Le ministère des armées a la tutelle des trois grands musées que sont le musée de l’armée, le musée de l’air et de l’espace et le musée national de la Marine qui ont tous les trois le statut d’établissement public administratif.

Selon la directrice du musée de l’air et de l’espace, « Les musées jouent un rôle structurant dans la promotion du lien armée-Nation tant ils touchent un public varié, famille, jeunes, territoire, empêchés, prioritaire. Notre Nation, notre jeunesse, ont besoin de retrouver un sens et des valeurs. Nos musées sont organisés pour permettre une prise de conscience, via l’histoire et les collections, de ces valeurs, de nos forces morales, de notre résilience (…). Nos institutions sont le lien entre la société civile et les armées par une série d’actions au sein de nos musées, colloques, journée portes ouvertes, événements, expositions (…). Notre musée est au cœur d’un territoire, il s’investit dans l’accueil des groupes scolaires, des familles et des publics du champ social (…). Le musée est également un musée-lieu mémoriel ». Un constat corroboré par le SIRPA-Gendarmerie au sujet du musée de la gendarmerie nationale de Melun : « Le musée de la gendarmerie nationale se situe véritablement à un carrefour où se rencontrent le monde des armées, qui appartient à la Nation, et la société civile qui la compose. De surcroît, depuis la suspension du service national et l’adoption des mesures dites Vigipirate, le musée fait partie, comme les autres musées des armées, des rares lieux militaires ouverts au grand public. »

En 2023, près de 1,2 million de visiteurs ont été accueillis par le musée de l’armée sur toute l’année. Conscient de sa responsabilité, le musée de l’Armée (MA) entame un programme d’extension de ses parcours au travers du projet ministériel MINERVE, qui va proposer un examen critique de l'histoire dans son approche historique patrimoniale et civique. Dans ce cadre, un nouveau parcours « Forces armées et engagement militaires de la France » donnera à comprendre l'organisation et les missions de l'armée française aujourd'hui, à travers des sujets d'actualité. Suivront des parcours sur l’histoire militaires de 1945 à nos jours et sur la colonisation/décolonisation.

Au 30 septembre 2023, la fréquentation de l’ensemble des sites du musée national de la Marine s’est élevée à 237 665 visiteurs soit 88 % de l’objectif du contrat d’objectif et de performance (COP). Sur toute l’année 2023, la cible du COP (315 000) devrait être atteinte. La réouverture très attendue du site parisien du musée national de la Marine à l’automne 2023 marque un tournant dans la relation de ce musée avec le public. En 2024, le musée prévoit 572 000 visiteurs dans le contexte général de l’accueil des JOP à Paris.

Au 30 septembre 2023, le musée de l’Air et de l’Espace a accueilli 302 773 visiteurs soit 97 % de la cible du COP. Près de 136 500 visiteurs ont été accueillis dans le cadre du salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) organisé au Bourget en juin 2023. Cette fréquentation du salon témoigne d’une augmentation de 44,6 % par rapport à 2019. Sur toute l’année 2023, le musée devrait dépasser la cible du COP révisé. En 2024, il prévoit 150 743 visiteurs dans le contexte général de l’accueil des JOP à Paris.

Ces musées se caractérisent par de nombreux liens avec les publics scolaires (conventions avec des établissements, marrainage et accueil de CDSG, conception de ressources pédagogiques pour les enseignants et pour le site EDUSCOL, dispositif enfants-conférenciers etc). Toutefois, vos rapporteurs estiment que le visitorat scolaire peut encore être renforcé : en 2023, près de 70 000 élèves de tous niveaux ont été accueillis au musée de l’Armée soit 6 % de la fréquentation totale. Ces classes viennent principalement de Paris (40 %), IDF (40 %) et dans une moindre mesure des régions (20 %). Ce chiffre semble plus élevé au musée de l’air et de l’espace puisque 50 % des visiteurs y ont moins de 26 ans.

Le 4 octobre 2023, la DGESCO et le musée de l’Armée ont établi une convention de partenariat triennale. Cette convention prévoit principalement que le MENJ soutienne le musée de l’armée dans la réalisation de ses objectifs pédagogiques à l’égard du monde scolaire. Il s’agira notamment pour le musée de :

­ – poursuivre l’accompagnement de projets pédagogiques dans le cadre d’un partenariat national ayant pour but de favoriser une démarche historique, mémorielle, scientifique et patrimoniale dans un projet global d’enseignement ;

­ – accompagner les élèves dans la découverte du patrimoine, des collections et de l’histoire de l’établissement à travers des propositions adaptées à l’âge et au niveau scolaire des élèves ;

­ – produire et mettre à disposition des professeurs et de leurs classes, du premier degré et du second degré, des ressources pédagogiques adaptées, notamment numériques et accessibles en ligne, portant sur les collections et les expositions de l’établissement ;

­accompagner la formation des professeurs, en proposant des actions de formation conduites en partenariat avec les académies conventionnées, les INSPÉ. D’ores et déjà, des visites de sensibilisation gratuites des nouvelles expositions ou des collections, sont organisées sur une base mensuelle.

­ – soutenir et contribuer à faire connaître auprès des enseignants et du jeune public le CNRD organisé par le MENJ.

Le musée a lancé le 4 octobre son programme de développement d’une communauté de relais éducatifs par une présentation de saison 2023-2024. Dans cette dynamique, le musée lancera, aux côtés du MENJ et en lien avec le musée de l’ordre de la Libération, une journée consacrée à l’éducation morale et civique (EMC) en juin 2024 pour une centaine d’enseignants.

Par ailleurs, le Musée s’inscrit dans le dispositif Pass Culture et sa part collective à destination des scolaires en proposant des visites des expositions temporaires notamment.

Vos rapporteurs saluent les perspectives ouvertes par la signature de la convention précitée entre le musée de l’armée et la DGESCO, notamment en matière de formation des enseignants, de professeurs-relais et d’accueil de classes. Ils invitent le DGESCO, le musée de l’air et de l’espace ainsi que le musée national de la Marine à mener une réflexion similaire dans la perspective d’une convention de partenariat.

ii.   Les musées de tradition de l’armée de terre doivent encore parachever leur montée en puissance

La fréquentation des musées de l’armée de terre a doublé en une quinzaine d’années, passant de 110 000 visiteurs en 1999 à 220 000 visiteurs en 2016. Les 15 musées actuellement ouverts comptaient avant le COVID près de 250 000 visiteurs. Leur fréquentation est revenue en 2023 à 230 582 visiteurs. En 2023, les visiteurs des musées de l’armée de terre étaient à 85,4 % des civils, dont 30 660 de jeunes scolaires, et seulement 14,6 % de militaires, selon un ratio assez stable depuis plusieurs années.

Selon le DELPAT, « Ces chiffres constituent une illustration de l’atout que représente l’ouverture sur la ville de nos musées d’arme en complément des trois musées nationaux au profit du développement de l’esprit de défense et du lien armée-Nation. Ces musées sont un atout pour la compréhension par les Français de la politique de défense du pays ».

Les liens des musées d’armes avec les scolaires sont importants mais peuvent encore être renforcés. Au niveau académique, de nombreux partenariats existent entre musée et rectorats. Entre 2015 et 2018, la DELPAT a travaillé étroitement avec le MENJ afin d’alimenter les plateformes EDUSCOL ou EDUCADEF. Au musée de la Légion étrangère, l’opération « le musée c’est pour nous » permet d’accueillir une trentaine de classes par an lors d’une journée complète au cours de laquelle sont proposées de multiples activités.

Le développement de cette politique d’accueil des publics scolaires repose nécessairement sur la présence de médiateurs. Selon le DELPAT, « La DELPAT s’est engagée dans cette voie en lien avec les musées d’armes qui disposent désormais de médiateurs identifiés. Néanmoins, dans un contexte de ressource humaine comptée seuls trois musées ont pu mettre en place un médiateur professionnel à temps plein. »

Vos rapporteurs plaident de nouveau pour un renforcement des moyens et effectifs des musées de l’armée de terre. Ce renforcement permettra notamment de garantir la présence d’un médiateur professionnel à temps plein par musée. Ils encouragent également l’élaboration de visites virtuelles de ces musées, largement relayées par le SIRPA-Terre sur les réseaux sociaux, afin de s’adresser à un public plus large que le seul public du bassin territorial. Vos rapporteurs encouragent la mise en ligne des inventaires des collections des musées de traditions sur Archange via le site Mémoire des Hommes géré par la DMCA, afin d’offrir le contenu des collections au plus grand nombre à l’instar du site Joconde qui constitue le catalogue collectif des œuvres des musées de France.

À plus long terme, vos rapporteurs encouragent la transformation des musées de l’armée de terre en musées de France.

Pour mémoire, cinq musées de la sphère Défense ont obtenu l’appellation « musée de France » depuis 2005, ce qui confirme la possibilité d’obtenir cette appellation lorsque les conditions posées par le code du patrimoine sont satisfaites :

­– En 2006, le musée du service de santé des armées du Val-de-Grâce, le musée de l’Artillerie à Draguignan ainsi que le musée des troupes de marine à Fréjus ;

­– En 2011, le musée de la gendarmerie nationale à Melun ainsi que le musée de la Légion étrangère à Aubagne et Puyloubier.

 

L’appellation Musées de France et ses bénéfices

L’appellation « Musée de France » a été créée par la loi du 4 janvier 2002. Est considéré comme « Musée de France », au sens de cette loi, « toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l'éducation et du plaisir du public » (Art. L. 410-1.). Le musée propriétaire d’une telle collection doit répondre en outre à des critères spécifiques pour obtenir cette appellation :

­L'engagement sur les missions : conserver, restaurer, étudier, enrichir les collections ; les rendre accessibles au public ; mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion ; contribuer aux progrès et à la diffusion de la recherche (Art. L. 441-2.) ;

­–  être obligatoirement dirigé par un personnel scientifique issu de la filière culturelle territoriale ou nationale (conservateur ou attaché de conservation) ;

­–  disposer en propre ou en réseau avec d'autres musées, d'un service éducatif ;

­–  tenir à jour un inventaire de ses collections ;

­–  rédiger un projet scientifique et culturel (PSC) qui fixe ses grandes orientations.

Parmi les plus de 1 200 musées de France, 82 % relèvent des collectivités territoriales ou de leur groupement, 13 % de « personnes morales de droit privé (associations ou fondations) » et 5 % de l'État.

L'appellation procure les avantages suivants : mention dans les documents de communication diffusés par le ministère de la Culture, possibilité d'obtenir une signalisation routière spécifique portant le logotype, autorisation d'utiliser le label et son logo sur tous les documents de communication et de signalétique, participation aux journées nationales de communication (Nuit européenne des musées etc) et possibilités de recevoir des subventions de l’État.

Concernant les acquisitions, l’appellation emporte l’éligibilité au fonds régional d’acquisition des musées et au fonds du patrimoine ainsi que le cas échéant l’éligibilité au fonds régional de restauration. L’appellation ouvre aussi la possibilité de bénéficier pour les acquisitions du droit de préemption de l’État ainsi que des dispositions fiscales en faveur du mécénat d’entreprise pour les acquisitions. L’inaliénabilité, l’imprescriptibilité et l’insaisissabilité des collections sont garanties.

L’appellation permet également de bénéficier de la possibilité de transférer la propriété des collections à un autre musée de France, ou de bénéficier du transfert de propriété de collections d’un autre musée de France. Les musées de France ont la possibilité de bénéficier du conseil et de l’expertise des services de l’État tant au sein des DRAC qu'au sein du service des musées de France (architectes-conseils, restaurateurs-conseils, conservateurs du service des musées de France, spécialistes des publics et des nouvelles technologies). Ils peuvent également bénéficier des dépôts des musées nationaux.

La DELPAT porte l’objectif d’obtenir l’appellation musée de France pour ses musées de traditions. En parallèle, le changement de statut des musées de traditions de l’armée de terre est à l’étude depuis 2012. Le modèle associatif, qui était le modèle originel des musées de traditions depuis leur création dans les années 70 est en déclin. Selon le DELPAT, « C’est le modèle des groupements d’intérêt public (GIP) qui, à ce stade et sous réserve des conclusions du groupe de travail mis en place, semble le mieux pouvoir répondre à nos besoins. » ([52])

Le projet de candidature à l’appellation « Musée de France » des musées de l’armée de terre est un projet de long terme. Cette opération suppose au préalable d’établir un inventaire de l’ensemble des collections concernées, de rédiger un projet scientifique et culturel global décliné par sites, de définir un programme d’acquisition de collections, un plan de conservation préventive et de restauration global accompagné d’annexes par lieux. Compte tenu de la complexité de la situation actuelle, du fait de la multiplicité des sites et de la diversité des statuts des musées concernés, ce projet apparaît encore relativement long à mettre en œuvre. Interrogé par vos rapporteurs, les services du ministère de la Culture ont déclaré ne pas encore avoir été saisis de projet à ce stade. Une stratégie pourrait être soit de réunir les différents musées de l’armée de terre en une seule et unique appellation musée de France, soit au contraire de solliciter l’appellation pour chacun de ces musées, traités ainsi individuellement et progressivement. Dans tous les cas de figure, un travail préparatoire pour aboutir à la conformité avec le corpus « musée de France » sera nécessaire.

iii.   Les musées, vecteurs critiques de l’éducation à la défense

Selon les mots du directeur du mémorial de Caen, les musées « visent à rendre l’histoire accessible au plus grand nombre (…). Parler des guerres vise à réfléchir aux conditions de la paix ». Sur les 500 000 visiteurs accueillis chaque année au Mémorial, 110 000 jeunes viennent dans le cadre scolaire, ce qui fait de ce musée d’histoire le plus important en termes d’accueil des jeunes scolaires. « Ici, on apprend aux jeunes à décrypter les propagandes, on leur donne l’esprit critique. Les citoyens ont une responsabilité dans la défense nationale et dans l’esprit de défense, qui ne reposent pas que sur les militaires ». Afin de favoriser cet éveil critique, le directeur a imposé la présence d’un médiateur pour l’accueil de chaque classe. En outre, le rectorat met à disposition du mémorial deux professeurs détachés une après-midi par semaine, ce qui demeure insuffisant pour répondre aux flux de visiteurs.

Vos rapporteurs invitent l’Éducation nationale à renforcer les effectifs détachés de « professeurs relais » dans les musées en lien avec la défense nationale afin de permettre aux élèves une meilleure appropriation des collections.

Ils suggèrent également que soit proposée à chaque classe de scolaires visitant l’Assemblée nationale une information sur la possibilité de visiter gratuitement après leur visite du Palais-Bourbon les musées parisiens en lien avec la Défense nationale (musée de l’armée, musée national de la Marine, musée de l’air et de l’espace etc).

b.   Structurer une filière interarmées des officiers conservateurs du patrimoine

L’armée de terre a structuré une filière d’officiers conservateurs pour ses musées. Les 23 officiers conservateurs de musée ont soit été recrutés comme officiers sous contrat à la sortie de l’École du Louvre ou d’un master en histoire de l’art, soit choisi de s’orienter vers la filière patrimoine après une première partie de carrière opérationnelle et la réussite au concours du diplôme technique.

Certains officiers conservateurs ont rejoint la DMCA ou le musée de l’air et de l’espace. D’autres ont rejoint le ministère de la culture, comme conseiller musées ou adjoint d’un DRAC. La mobilité interministérielle du MINARM vers le ministère de la culture est encore très modeste. Cela s’explique notamment par le pyramidage des postes de conservateurs au sein de l’armée de terre qui permet l’occupation successive de postes de niveau de responsabilité croissant au sein du réseau des 15 musées, via l’enchainement des fonctions de conservateur adjoint, de conservateur d’un musée, puis de chef de pôle muséal regroupant généralement deux musées puis d’adjoint au DELPAT.

Afin d’offrir davantage de débouchés aux officiers conservateurs en interarmées, et d’harmoniser les pratiques professionnelles au sein du MINARM, vos rapporteurs plaident pour la structuration d’une filière d’officiers-conservateurs interarmées également commune à la Gendarmerie nationale.

c.   Saisir pleinement l’opportunité des journées européennes du patrimoine (JEP) et des journées européennes des métiers d’art (JEMA)

Conformément aux orientations du protocole Défense-Culture, vos rapporteurs invitent l’ensemble des musées et établissements patrimoniaux en lien avec la défense à participer aux évènements nationaux du ministère de la culture (Journées européennes du patrimoine, Nuit des musées, Journées européennes des métiers d’art etc). Ils soulignent que le musée de l’armée et le site des Invalides sont d’ailleurs les sites les plus visités en France pour les JEP depuis plusieurs années avec plus de 30 000 visiteurs sur deux jours.

d.   Davantage valoriser l’institution des peintres des armées

L’article 2 du décret n° 81-304 du 2 avril 1981 relatif au titre de peintre des armées précise les missions de ces artistes : « Le titre de « peintre des armées » peut être décerné, sur leur demande, par le ministre de la défense à des artistes qui consacrent leur activité à la représentation plastique ou graphique de sujets militaires, maritimes, aéronautiques ou de gendarmerie et dont le talent lui paraît de nature à contribuer au renom des forces armées. Ce titre ne confère aucun droit à rétribution et ne comporte aucun engagement de commandes ou d'acquisitions de la part de l'État. »

Les peintres des armées sont une institution ancienne, dont les origines remontent au XVIIème siècle. Chaque armée exerce une tutelle sur ses peintres ; ainsi le DELPAT exerce une tutelle sur les peintres de l’armée de terre, le CESM sur ceux de la Marine, le CESA sur les peintres de l’air, tandis qu’existent également les peintres de la Gendarmerie nationale.

Les peintres constituent un autre levier de la politique culturelle développée par l’armée de Terre. Actuellement 47 artistes ont le titre de peintre de l’armée de terre, dont 34 peintres, 8 sculpteurs, 5 photographes et récemment 1 graffeur (C215/Christian Guémy). Selon le DELPAT : « Ils participent au rayonnement de l’armée de Terre à travers de très nombreuses expositions, un salon bisannuel, le prêt ou la vente d’œuvres pour nos unités qui reflètent leur engagement opérationnel. Nous assurons le suivi des missions qui leur permettent d’aller à la rencontre de nos soldats et traduire l’humanité et le dévouement de ces derniers. Ils sont dotés d’un uniforme (sans coiffure et sans galon) afin de faciliter leur intégration dans les forces. Le salon bisannuel est un temps fort qui se déroule en règle générale aux Invalides. Il rassemble autour d’un thème arrêté par le CEMAT les œuvres des peintres agréés et titulaires qui produisent pour l’occasion des œuvres nouvelles. »

Les peintres des armées, spécialité marine, sont assimilés lors de leurs embarquements au sein de la Marine Nationale au corps des officiers (capitaine de corvette pour les peintres titulaires, lieutenant de vaisseau pour les peintres agréés). Selon le directeur du CESM, « Le travail des peintres est laissé à leur entière appréciation. La Marine leur propose régulièrement des embarquements, à bord de ses bâtiments comme au sein de ses unités à terre afin d’illustrer par leur œuvre les missions et la vie quotidienne des marins. Ainsi, en 2023, des embarquements ont notamment pu avoir lieu sur le patrouilleur La Glorieuse à l’occasion de la dernière mission de ce bâtiment ou encore sur le chantier de l’arrêt technique majeur du Charles de Gaulle. »

En capturant l’histoire militaire en train de s’écrire, les peintres de l’armée jouent un rôle majeur dans l’éducation et la sensibilisation du public aux enjeux de défense nationale. Ils sont également des passeurs de mémoire.

Vos rapporteurs souhaitent revaloriser cette institution souvent méconnue pour le grand public. Ils encouragent notamment les associations de peintres de chacune des armées à se doter de galeries virtuelles pour permettre l’accès numérique à leurs œuvres par le grand public. La communication de ces associations sur les réseaux sociaux pourrait aussi être renforcée. Les projets de résidence et d’expositions itinérantes de ces peintres dans l’espace public pourrait être renforcés notamment dans les grands nœuds urbains (gares, aéroports, métros etc). Afin de renforcer leur attractivité auprès des publics les plus jeunes, les armées gagneraient également à ouvrir le recrutement de leurs peintres aux nouveaux champs de la création artistique : street-art, graphisme, bande-dessinée. Le travail du peintre de l’armée de terre et street-artiste C215, très populaire et visible sur les réseaux sociaux, contribue notamment à réinscrire la mémoire des compagnons de la Libération dans l’espace public.

e.   Davantage utiliser le patrimoine musical des forces armées comme vecteur de rayonnement

Les armées disposent de nombreuses formations musicales de grande qualité qui permettent de sensibiliser la population aux valeurs et à l’histoire des unités. Entièrement constituées de musiciens professionnels, les deux formations musicales de l’armée de l’air et de l’espace incarnent « le prestige et l’excellence » des valeurs de l’aviateur. Elles participent au cérémonial militaire et se produisent également en concert en France ou à l'étranger.

L’armée de terre compte 6 formations musicales (musique des troupes de marine à Versailles, musique des Transmissions à Rennes, musique de l’arme blindée cavalerie à Metz, musique de l’Artillerie à Lyon, musique des Parachutistes à Toulouse et musique de l’Infanterie à Lille). À ces six formations il convient de rajouter également la musique de la légion étrangère dont le recrutement est spécifique.

La musique de la Marine nationale est la plus ancienne des musiques militaires françaises, composée de 76 musiciens professionnels.

La Gendarmerie nationale dispose également de plusieurs formations musicales de renom. La musique de la Gendarmerie mobile et les formations musicales de la garde républicaine (GR), et plus particulièrement l'orchestre de la garde républicaine, participent activement au rayonnement de l'État français, tant sur le territoire national qu’à l’étranger.

Vos rapporteurs suggèrent de renforcer les parrainages de CDSG avec les différentes formations musicales des armées, à l’instar du parrainage réussi entre une CGSD et la musique de l’Infanterie de Lille.

 

f.   Continuer le grand travail de facilitation de l’accès aux archives du grand public

Le ministère des armées compte deux grands opérateurs en matière d’archives. Le service historique de la défense (SHD) est un service à compétence nationale chargé de la collecte, de la conservation et de la communication des archives historiques et définitives du ministère des armées. En tant qu’opérateur rattaché au secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère des armées, et sous la tutelle de la DMCA, il applique la politique d’archivage définie par la DMCA. Le SHD gère plus de 450 km linéaires d’archives et plus de 20 km de rayonnages en bibliothèques (soit plus de 20 millions d’ouvrages, ce qui en fait la plus grosse bibliothèque d’histoire militaire en Europe). Par ailleurs, le service d’histoire de la défense est chargé de l’homologation, de la conservation et de la restauration des emblèmes militaires et participe ainsi à la mémoire militaire. À ce jour, le service emploie 606 personnes réparties sur onze sites sur l’ensemble du territoire national, dont 260 personnels à Vincennes.

L’ECPAD est créé en 1915. L’établissement public est aujourd’hui sous la tutelle de la DICoD. Les missions de l’ECPAD n’ont pas sensiblement évolué depuis 1917 et consistent aujourd’hui en : (a) la formation à travers l’École des métiers de l’image (ÉMI) ; (b) la production audiovisuelle avec une maîtrise de la totalité de la chaine de production audiovisuelle à partir des archives de l’ECPAD directement, ce qui est un modèle unique au monde ; (c) l’envoi d’opérateurs images en opérations extérieures et intérieures avec un quota de 1 500 jours-hommes ; (d) la captation évènementielle des hommages nationaux de la mémoire combattante au service du Premier ministre ou du président de la République ; (e) la conservation des archives collectées au ministère des armées depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui et dans des archives privées jusqu’à 1842 ; et (f) la valorisation par l’intermédiaire de la vente d’images ou de formations ou par l’intermédiaire de coproductions audiovisuelles d’expositions, de livres ou de festivals. Il bénéficie de l’appui d’une enseignante mise à disposition de l’établissement par l’Éducation nationale Avec près de 15 millions de photographies et 100 000 heures de films, l'ECPAD conserve des archives témoignant des conflits contemporains auxquels nos forces armées ont participé depuis 1915. Au sein même du ministère des armées et de son imaginaire, l’ECPAD reste méconnu pour ses missions en matière d’archivage et reste présenté comme le service qui envoie des soldats d’images en opérations.

L’accès facilité des Français aux archives du SHD et de l’ECPAD est un enjeu essentiel afin de faire comprendre l’histoire et les enjeux de la défense nationale. La valorisation des fonds d’archives détenus par le SHD et l’ECPAD constitue donc un enjeu majeur de sensibilisation aux enjeux de défense. Dans cette perspective, un travail majeur de numérisation des archives militaires est en cours.

Le travail renforcé d’accessibilité des archives militaires repose notamment sur un cadre de travail étroit avec le ministère de la culture.

Les relations sont étroites entre les opérateurs archivistiques du ministère des armées et l’administration des archives qui relève du ministère de la culture. Les deux administrations sont réunies, depuis 2013, au sein du comité interministériel aux archives de France (CIAF), présidé par le délégué interministériel aux Archives de France, par ailleurs directeur général des patrimoines et de l’architecture. Ce comité, placé auprès des services du Premier ministre se réunit régulièrement et produit des référentiels partagés par les trois administrations des archives (Culture, Armées, Affaires étrangères), notamment dans le cadre du cadre stratégique commun de modernisation des archives qui fixe des axes, objectifs stratégiques et opérationnels partagés. Le comité a également un cadre méthodique pour l’évaluation des archives, ainsi qu’un vade-mecum sur la politique de revendication d’archives publiques détenues en mains privées. Les trois administrations portent ensemble depuis 2015 le programme interministériel d’archivage électronique VITAM, avec production d’un logiciel commun intégré dans chacune des directions des archives. Cette contribution interministérielle se poursuit depuis 2019, le programme étant désormais piloté par le ministère de la culture.

Les trois administrations ont également beaucoup œuvré pour favoriser l’accès aux archives, en contribuant notamment à la rédaction de l’article 25 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dite « loi PATR », qui assure désormais l’articulation entre le l’articulation entre le code du patrimoine, d’une part, et les codes pénal et de la défense, d’autre part, s’agissant de l’accès aux documents protégés par le secret de la défense nationale. Les administrations ont également élaboré ensemble des ouvertures anticipées d’archives non librement communicables, dites « dérogations générales », qui ont porté sur les archives relatives à la seconde guerre mondiale, à la guerre d’Algérie, au rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, ou encore aux essais nucléaires en Polynésie française. Elles travaillent actuellement, en étroite collaboration, en soutien aux travaux de la commission de recherche sur le rôle et l'engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971 ou encore de la commission mixte franco-algérienne d’historiens. La DMCA instruit quotidiennement les demandes de consultation anticipées qui lui sont adressées par les services d’archives du ministère.

L’ensemble de ces ressources est publié sur le portail national FranceArchives, créé par les trois administrations des archives, et dont le ministère de la culture est l’opérateur depuis son ouverture en 2017. Créé à l’initiative du ministère de la culture, du ministère des armées et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le portail FranceArchives donne accès aux inventaires et aux métadonnées associées aux documents d’archives numérisés ou nativement numériques des services d’archives, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et d’autres institutions qui conservent des archives. Ce service constitue pour le grand public un véritable point d’entrée pour accéder au patrimoine archivistique français. À ce jour, le portail rassemble les ressources archivistiques (inventaires et archives numérisées) de 166 services d’archives publiques ou privées, soit 85 500 instruments de recherche pour 4,4 millions de visites en 2023.

Afin d’ouvrir plus largement ses archives, le SHD a créé le site « Mémoire des hommes » et, à cette occasion, a numérisé plus de 10 km d’archives. La base des Morts pour la France, diffusée sur « Mémoire des hommes » est moissonnée ([53])  par le Grand Mémorial depuis 2018. La création d’une « base de noms » sur FranceArchives en 2023 a d’ores et déjà permis le moissonnage des 1,3 million de notices de la base des Morts pour la France sur ce portail national. Les évolutions en cours de cette base de noms rendront possible, dès 2024, le moissonnage des autres ressources que la DMCA souhaitera valoriser sur FranceArchives.

Afin de faciliter l’accès des utilisateurs aux archives audiovisuelles du ministère des armées, l’ECPAD a initié à partir de 2014 la construction d’une plateforme « ImagesDéfense » qui est devenue la plateforme des images du ministère des armées. Le site ImagesDéfense a été inauguré lors des journées européennes du patrimoine 2021. Le nombre moyen de visites mensuelles sur le site est passé de 15 000 en 2021 (sur 4 mois) à 48 000 en 2022 pour atteindre 65 000 en 2023. Le pic de visites mensuelles a été atteint en novembre 2023 avec près de 80 000 visites mensuelles. ImagesDéfense propose la consultation d’une partie des collections d’images fixes et animées produites par les armées depuis 1915 et archivées à l’ECPAD. À la fin de l’année 2023, le site ImagesDéfense permettait de compulser un catalogue de 98 000 notices de reportages photo et 35 000 notices de films, et de consulter en ligne 370 000 photographies (193 000 fin 2021) et 10 000 films représentant 2 000 heures de visionnage.

Depuis 2022, l’ECPAD participe au portail FranceArchives dans le cadre d’une convention de partenariat. Ce partenariat permet à l’ECPAD de donner une plus grande visibilité à ses contenus numériques et de les interconnecter avec ceux des autres institutions territoriales, nationales et internationales. Ainsi, les instruments de recherche des fonds d’archives de l’établissement sont collectés en quantité et rendus accessibles sur francearchives.fr. Par ailleurs, le site ImagesDéfense s’inscrit dans la politique gouvernementale d’ouverture des données publiques puisqu’il dispose d’un entrepôt de données OAI-PMH qui permet à toute personne, tout organisme ou toute institution de « moissonner » tout ou partie des données ouvertes – « open data » – issues du système documentaire de l’ECPAD. Cet entrepôt permet un moissonnage par le portail interministériel France Archives. L’ECPAD valorise également sur le portail France Archives ses expositions et publications qui sont relayées sur les réseaux sociaux et les espaces d’actualités du portail national.

Afin de favoriser l’accès des plus jeunes aux ressources archivistiques, l’ECPAD participe à l’éducation à la défense. Tout d’abord, l’établissement figure parmi les principaux fournisseurs de ressources vidéo et des focus photographiques du site Educ@def pour la catégorie « enseigner la défense et la sécurité nationale ». Par ailleurs, dans le cadre d’ateliers pédagogiques, l’ECPAD intervient auprès de plusieurs classes de défense et sécurité globale (CDSG). Il met à disposition de l’ONaCVG de nombreux visuels dans le cadre de projets d’éducation à la défense et est partenaire depuis 2013 de la Fondation de la Résistance et de la Fondation pour la mémoire de la Déportation. Chaque année, l’établissement propose sur son site internet des ressources à destination des enseignants, collégiens et lycéens participant au concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD).

Afin de valoriser encore davantage ses fonds, l’ECPAD entretient de plusieurs partenariats avec des institutions patrimoniales qui donnent lieu à de nombreuses expositions thématiques. L’ECPAD concourt également à de nombreux évènements culturels ou festivals et renforce sa stratégie de coédition d’ouvrages ([54])  qui mettent à l’honneur ses fonds. L’ECPAD développe également de nouvelles coproductions. Tout en créant des partenariats durables avec un large spectre de diffuseurs, nouveaux ou récurrents, l’établissement continue à collaborer avec ses diffuseurs historiques, notamment les chaines de France Télévisions. C’est à leurs côtés que l’ECPAD a travaillé tout au long de l’année sur le développement d’une dizaine de projets relatifs à la guerre d’Indochine ou au 80ème anniversaire de la Libération, dont la diffusion sera assurée en 2024.

À l’aune de ces éléments, vos rapporteurs souhaitent proposer quelques recommandations en matière d’archives :

­– actualiser le protocole Défense-Culture en matière d’archives, en y intégrant notamment l’objectif d’intensifier l’exploitation des fonds d’archives audiovisuelles de l’ECPAD ;

­– accroître le nombre de professeurs-relais au sein du SHD et de l’ECPAD.

5.   La littérature, ferment plus confidentiel de réflexion sur les questions de défense

D’après le Président de l’UBFT : « La littérature peut sensibiliser le public aux enjeux liés à la défense, en exposant les défis auxquels font face les forces armées, les questions éthiques et morales qui se posent en temps de conflit, et les conséquences humaines de la guerre. Les œuvres littéraires offrent souvent des perspectives uniques sur la vie des soldats, les expériences de guerre et les implications plus larges des conflits armés. Elles permettent de mieux comprendre les motivations, les sacrifices et les défis auxquels sont confrontés ceux qui servent dans les forces armées. La littérature contribue à préserver la mémoire collective des événements historiques liés à la défense, en témoignant de la réalité de la guerre et de ses effets sur les individus et les sociétés. Les œuvres littéraires encouragent la réflexion critique sur les politiques de défense, les décisions militaires et les implications à long terme des conflits armés. Elles invitent les lecteurs à remettre en question les idées reçues et à envisager des alternatives. En mettant en avant la littérature en lien avec la défense, on favorise donc une meilleure compréhension, une sensibilisation accrue et une réflexion plus approfondie sur les questions liées à la sécurité et à la défense. »

De grands écrivains ont fait magistralement entrer en littérature l’expérience combattante, parfois dans sa plus sordide cruauté (Maurice Genevoix, Ceux de 14, Céline, Voyage au bout de la nuit ou encore Rimbaud, avec le poème Le dormeur du Val). Ces œuvres font partie du patrimoine littéraire français. Elles sont autant d’« entrées Défense » pour les professeurs de français ou d’histoire-géographie.

Vos rapporteurs estiment également important d’encourager le travail d’écriture des hommes et femmes qui « font » la défense au quotidien. À rebours de l’image de « Grande Muette » qui continue de coller à la peau de l’institution, les romans ou journaux écrits par des soldats contribuent à faire davantage connaître l’institution militaire et à l’humaniser aux yeux de nombreux lecteurs. Le travail d’écriture a été plus ou moins encouragé par la haute hiérarchie militaire, dans une sorte de perpétuel mouvement de balancier. Un genre « militaire » est en germe grâce à la plume de soldats-écrivains comme le colonel Jean Michelin, auteur du roman Ceux qui restent ou encore du journal de bord Jonquille. Ces deux titres donnent tous les deux à voir le quotidien d’un soldat en opération, qu’il soit affecté au cœur de la jungle amazonienne en Guyane ou dans les collines afghanes. L’expérience décrite, à hauteur d’homme, permet d’incarner le temps du récit l’expérience militaire.

Dans un entretien au journal Le Figaro, le chef d’état-major de l’armée de terre écrivait « encourager les militaires à écrire : ([55]). La singularité de militaire réside dans le fait d'être prêt à donner la mort au prix de risquer sa propre vie. Les écrivains proposent une réflexion sur la guerre et l'approche de la réalité des combats : le courage, l'héroïsme, l'honneur et la fraternité d'armes, mais aussi la peur, la souffrance, l'horreur et parfois la folie. ».

Le prix Erwan Bergot, prix littéraire de l’armée de terre, a été créé en 1995 sous l’impulsion du CEMAT afin de récompenser un « ouvrage contemporain de littérature française qui témoigne d’un engagement actif, d’une véritable culture de l’audace au service de la collectivité. » Au sein de l’AAE, le concours d’écriture « Les plumes de l’air » récompense également les œuvres produites par les aviateurs. En 2020, la Gendarmerie nationale a créé le prix du roman de la Gendarmerie nationale, en partenariat avec les Éditions Plon. Chaque année, ce prix est remis à l'auteur d'un « roman sur manuscrit de qualité et destiné à un lectorat grand public, et ce, sans considération de genre littéraire. La Gendarmerie doit y être présente d'une manière ou d'une autre et jouer un rôle dans l'intrigue ; un ou des personnages doivent être des gendarmes ; le roman doit réserver une place importante au métier de gendarme, à ses missions et à ses valeurs. » Il est ouvert à tous les auteurs qui souhaitent y concourir, qu'ils soient gendarmes ou civils.

Vos rapporteurs encouragent fortement ce travail d’écriture, qu’il soit effectué via le truchement des divers prix littéraires des armées ou hors de ce cadre, dans le respect des obligations de confidentialité qui s’imposent aux militaires.

En outre, ils estiment que le recours à la science-fiction peut être très utile pour sensibiliser aux enjeux prospectifs de défense auprès du grand public. Selon les services de l’agence de l’innovation de la défense auditionnés par vos rapporteurs, « L’utilisation de l’imaginaire permet de rendre le public acteur d’un récit, de manière à ce qu’il se l’approprie, qu’il crée sa propre expérience. Il peut avoir un impact majeur pour structurer la capacité de réflexion des générations montantes en s’extrayant du confort du recours à l’intelligence artificielle. » Le rapprochement entre monde de la défense et auteurs de science-fiction est au cœur du projet Red Team, né en 2019. Ce projet a pour objectif d’élaborer des scénarii de rupture d’adversité et de menaces à horizon 2030-2060 afin d’aider à orienter les efforts d’innovation et d’anticipation du ministère des armées. Huit scénarii non classifiés de la Red Team Défense ont été rendus partiellement publics à ce jour, de la saison 0 à la saison 3. Les auteurs sont des scénaristes qui travaillent étroitement avec des experts et militaires. Le programme participe à la modernisation de l’image de l’institution militaire en France en formant une communauté transverse interne et externe aux armées, fédérée autour de la science, de l’innovation, de l’anticipation stratégique et des connaissances futures.

Dès 2020, la saison 0 de la Red Team Défense a fait l’objet d’une restitution publique, en ligne, dans le cadre du Digital Forum Innovation Défense du ministère des Armées. Selon les services de l’AID « Le site internet a connu une réelle augmentation de son trafic au moment de la restitution de la saison 1 (…). La publication sur un site internet et sous forme d’ouvrage a permis de mieux faire connaître le projet, tant au sein du ministère des armées, d’une communauté intéressée aux sujets de défense et de sécurité, que par le grand public avide de science-fiction. L’initiative Red Team Défense est un programme qui dépasse les frontières du monde de la défense. Il bénéficie d’une couverture dans la presse qui l’a rendu connu du grand public et participe ainsi pleinement au lien armée Nation. Cette notoriété est confirmée avec les ventes de plus de 25 000 exemplaires de l’ouvrage rassemblant les scénarii de la saison 0 et de la saison 1, intitulé « Ces guerres qui nous attendent », publié aux éditions Les Equateurs (…). Le volume 2, publié en début d’année 2023 sur les scénarios de la saison 2, a quant à lui atteint les 7 000 ventes, et le volume 3 vient d’être publié sur les scénarii de la saison 3(…). Il n’y a pas d’appropriation de la science-fiction par les armées, les auteurs restant indépendants et totalement libres dans leur action créative. »

B.   Dans une perspective de rayonnement et d’influence, les institutions du monde de la défense doivent s’ouvrir autant que possible sur l’extérieur

1.   Organiser des portes ouvertes dans les emprises militaires sous réserve de la disponibilité opérationnelle et des impératifs de confidentialité

Lors du déplacement de la mission d’information à la base aérienne de Nancy-Ochey, le colonel Fix qui commande la base aérienne133 a souligné l’importance de « Faire connaître nos missions pour mieux les faire comprendre ». Vos rapporteurs estiment que ce « faire connaître » est bel et bien le maître objectif pour sensibiliser aux enjeux de défense et « faire comprendre ».

En conséquence, ils invitent l’ensemble des forces à organiser des portes ouvertes dans les emprises dès lors que le plan de charge et que les impératifs de confidentialité le permettent. Les évènements publics de découverte de l’armée à destination du grand public, à l’image des échanges avec les forces armées en marge du défilé du 14 juillet, rencontrent un vif succès. L’éveil aux enjeux de défense continue de s’écrire à ces occasions.

2.   La communication des armées doit être proactive et adaptée à l’ensemble des publics

La communication institutionnelle des armées constitue un canal majeur de contact avec l’institution pour des millions de concitoyens. Selon la délégation à la communication et à l’information de la défense (DICoD) : « L’image de « la grande muette » perdure dans l’imaginaire collectif, notamment auprès des professionnels qui n’ont jamais travaillé avec le ministère. Les efforts d’information et de communication de nos services permettent néanmoins d’actualiser cette image un peu caricaturale, tout en veillant toujours au respect du statut général des militaires comme de la sécurité des opérations. ».

Dans son discours d’ouverture du « séminaire des communicants des armées » organisé par la DICoD en décembre 2023, le CEMA déclarait : « L’extension des domaines de conflictualité place la communication et ses acteurs au cœur de nos missions. ». Alors que la guerre de haute intensité fait son retour en Europe, la communication institutionnelle des armées est essentielle pour sensibiliser toujours plus de citoyens aux enjeux de défense sans alarmer à outrance. Selon la DICoD, « L’importance de la communication institutionnelle se renforce dans le contexte de saturation et de désinformation du champ informationnel que nous connaissons aujourd’hui. Plus que jamais, les Français attendent d’un organisme comme la DICoD une parole vraie, une information vérifiée. C’est un contrat de confiance qui nous lie à nos concitoyens. »

Afin de mieux acculturer les journalistes aux enjeux du monde de la défense, vos rapporteurs invitent la DICoD à poursuivre sa stratégie communication à leur encontre, via des sensibilisations informelles selon l’actualité ou encore des stages de sensibilisation. L’ensemble des demandes doivent être traitées sur un pied d’égalité quel que soit le média et son niveau d’ancrage (national ou PQR).

Vos rapporteurs invitent les armées à adapter leur communication sur les réseaux sociaux selon l’âge et le profil des utilisateurs. Aujourd’hui, un tiers des Français sont présents sur TikTok qui est devenu le principal réseau social utilisé par la jeunesse. Le compte TitkTok de la Gendarmerie nationale compte près de 570 000 abonnés. Les jeunes sont aussi massivement présents sur Instagram et Youtube. Les formats courts sont adaptés à la jeunesse. Selon le SIRPA-Air « Sur X, le public cible se rapporte plutôt aux experts et attachés de défense, journalistes, industriels. La jeunesse est moins touchée par ce réseau : on observe peu de réactions sur les contenus orientés sur cette thématique, d’où le souci de diversification des comptes (Instagram, TikTok…) afin de toucher toutes les cibles. » L’« infomobilité » est le maître-mot pour être agile et s’adresser au maximum de concitoyens.

Par ailleurs, l’essor des réseaux sociaux a fait naître des influenceurs qui produisent des contenus autour d’une thématique, d’un sujet ou de leur personnalité. Les influenceurs issus des armées permettent d’incarner le quotidien et les enjeux d’une unité. Vos rapporteurs saluent notamment les reportages immersifs des officiers communication des SIRPA qui sont très populaires sur les réseaux sociaux, à l’instar des vidéos postées par la première classe Clémence en reportage immersif pour le SIRPA-Terre. ([56])  

Chaque militaire est, selon la formule consacrée de longue date, un « ambassadeur » des Armées dans une logique de recrutement, de rayonnement ou de visibilité. L’influenceur peut constituer une déclinaison numérique de cette fonction. Selon les SIRPAs, « Les vidéos postées par les « influenceurs » des armées sont efficaces, en particulier sur le public des plus de 25 ans. D’autres vidéos plus immersives et sur des formats plus percutants s’avèrent davantage efficaces sur le public jeune (moins de 25 ans) ; elles ne mettent pas en avant « d’influenceurs » mais focalisent l’action sur « le soldat ». L’incarnation par une « égérie » trouve ainsi plutôt son public sur les plus de 25 ans, là où « le soldat » est le seul « héros » (dans toute sa diversité et ses multiples identifications) pour les jeunes. »

3.   Afin d’amplifier substantiellement le public cible, les partenariats avec des influenceurs extérieurs aux armées doivent être développés sous certaines réserves

Les partenariats entre les influenceurs extérieurs aux armées et les services de communication des armées se sont multipliés ces dernières années. Ainsi, à l’occasion de l’anniversaire des 90 ans de l’AAE, un partenariat entre l’influenceur Benjamin Briaud (alias « Nota Bene ») et la Fondation des ailes de France a permis de financer cinq publications sur l’armée de l’air et de l’espace mises en ligne par l’influenceur. Ces publications ont donné lieu à 210 000 vues en 4 jours sur Youtube.

L’ECPAD a noué à la fin de l’année 2023 un partenariat avec la chaîne Mamytwink. Créée en 2010, cette chaîne diffuse sur YouTube des vidéos de vulgarisation historique ciblant les 18-35 ans. La chaîne a franchi le seuil de 2 millions d’abonnés et cumule 250 millions de vues à travers plus de 800 vidéos publiées. L’émission « Histoire de Guerre » atteint les millions de vues à chaque épisode, certains épisodes générant pouvant occasionner jusqu’à 10 millions de vues. L’émission, travaillée avec un historien, prend la forme de vidéos d’une durée de 15 à 25 minutes en moyenne. Selon le directeur de l’ECPAD, « Contrairement à Nota Bene, Mamytwink n’a pas sollicité d’argent pour rentrer en partenariat avec l’ECPAD ». Dans le cadre de ce partenariat, l’ECPAD met à disposition des archives cédées gratuitement (jusqu’à 7 min et 40 photos par épisode) en échange d’une visibilité plus ou moins importante en fonction du volume d’archives utilisées. Cette visibilité se traduit a minima en introduction par la mention « en partenariat avec l’ECPAD » avec logo et/ou lien vers le site ImagesDéfense et l’intégration d’une « capsule » en fin de vidéo présentant l’ECPAD. Les archives de l’ECPAD ont été jusqu’ici exploitées dans 4 épisodes : Un épisode s’intitulait notamment « La sombre histoire des essais nucléaires français » et sa diffusion a occasionné 832 000 vues.

Ces partenariats permettent donc aux forces d’obtenir un nombre de vues inégalables sur les réseaux sociaux. Ils constituent ainsi un vecteur intéressant de sensibilisation aux enjeux de défense pour peu qu’ils s’appuient sur des influenceurs dont le sérieux scientifique est un minimum attesté.

Vos rapporteurs souhaitent toutefois conditionner le développement de ces partenariats au strict respect des dispositions de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Les influenceurs doivent systématiquement et explicitement indiquer si leur publication a un caractère commercial ou est en lien avec un contrat passé par le ministère des armées. Ils doivent explicitement signaler la promotion de bien, de services, ou d’une cause quelconque par une mention claire, lisible et identifiable sur l’image ou la vidéo durant l’intégralité de la promotion (rémunération directe ou indirecte). Les montants des contrats doivent également être spécifiés.

4.   Encourager les résidences d’artistes dans les institutions culturelles en lien avec la défense

Vos rapporteurs souhaitent encourager les artistes contemporains indépendants non situés dans la sphère défense à pénétrer le patrimoine des armées, dans l’objectif d’attirer de nouveaux publics vers ces enjeux. Dans le champ de l’art contemporain, en dehors des peintres officiels des armées, des artistes ont pu aborder les enjeux de défense au sein du ministère des armées. On peut notamment penser à une exposition audacieuse aux Invalides de mai 2021 à février 2022 et intitulée « Napoléon ? Encore ! » et rassemblant des œuvres de Marina Abramović, Adel Abdessemed, Art & Language, Stéphane Calais, Pascal Convert, Hélène Delprat, Damien Deroubaix, Pablo Gosselin, Laurent Grasso, Juliette Green, Fabrice Hyber, Hervé Ingrand, Alexander Kluge avec Georg Baselitz, La Méduse, Célia Muller, Yan Morvan, Hans Op de Beeck, Pavel Pepperstein, Edgar Sarin, Julian Schnabel, Shu Rui, Assan Smati, Georges Tony Stoll, Laure Subreville, Agnès Thurnauer, Yan Pei-Ming.

Les résidences d’artistes pourront également être encouragées, à l’instar du programme « La Résidence au fort » de l’ECPAD qui vise à soutenir la création artistique par l’accueil en résidence d’artistes autour de disciplines artistiques et/ou de thématiques variées. Des appels à projets sont élaborés avec des partenaires extérieurs, proposant des bourses de vie et une diffusion auprès des auteurs artistes. Ainsi en 2024, le projet de résidence photographique proposé par la lauréate Camille Lévêque s’intéresse à la perception collective des réfugiés et à l’analyse de leur statut social grâce à la mise en place d’un index iconographique permettant d’illustrer les recherches en sciences humaines sur le sujet afin de créer un dialogue entre texte et images, anciennes et contemporaines. Ces projets ont l’immense vertu de contribuer à la meilleure valorisation des fonds d’archives de l’ECPAD et de participer au décloisonnement des frontières entre artistes et monde de la défense.

5.   Utiliser les ressorts de jeu pour développer une approche ludique des enjeux de défense

En plaçant les joueurs dans une position d’acteurs, le jeu est également un puissant vecteur de sensibilisation aux enjeux de défense. Vos rapporteurs estiment que les jeux de guerre (« wargames ») et autres jeux sérieux doivent être des compléments indispensables à l’éducation à la défense.

Le « wargaming », « jeu de guerre » en français, est un outil immersif et stimulant qui combine stratégie et tactique pour recréer des scénarii, passés ou fictifs, tactiques ou opérationnels, sur des théâtres d’opération. Il est notamment utile pour préparer les engagements opérationnels, former et entraîner, évaluer les besoins capacitaires des armées ou encore tester les concepts et les organisations. Depuis 2021, le ministère des armées s’est organisé pour développer la culture du « wargame », et faire monter en gamme les compétences internes en matière de conception et de capacité d’animation de jeux de guerre.

Selon les services de l’AID « Avec des atouts indiscutables et une simplicité d’utilisation et de mise en œuvre, le wargame est un outil auquel la génération Z peut être sensible. Il permet un apprentissage au niveau individuel de notions de tactique et de stratégie, de gestion des imprévus et des contraintes. Aussi, il encourage la prise d’initiative, l’anticipation et la prise de décision. Au sein du ministère des armées, plusieurs entités organisent régulièrement des wargames au profit de la jeunesse, par exemple l’École navale, le pôle écoles Méditerranée, le CESM qui en mettent en place pour leurs élèves. ».

Les exemples de jeux associés à l’univers de la défense se multiplient. L’association Les Jeunes IHEDN a lancé en 2023 « Opération Hexagone », un jeu de culture général ludique et éducatif sur les thématiques de défense, de sécurité, de mémoire et de citoyenneté. Ce jeu de société était disponible en édition limitée via un financement participatif. Vos rapporteurs encouragent l’édition de ce jeu à destination du grand public. L’agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a également mené des travaux avec le ministère de l’Éducation nationale afin de sensibiliser les plus jeunes à la sécurité numérique par l’apprentissage ludique. Ces travaux ont abouti à la création du jeu « CyberEnJeux », distribué à la rentrée scolaire 2023 dans près de 300 établissements scolaires situés sur l’ensemble du territoire national. La DSNJ et la DMCA ont également élaboré une offre pédagogique propre à l’enseignement de défense ; dans ce cadre, des jeux sérieux sont mis à disposition des jeunes lors des JDC et JDM.

Selon les services de l’AID, « Durant la période d’incertitude que nous vivons actuellement, il n’est pas suffisant de se reposer sur des expertises et outils classiques. Face au risque de désinformation, le meilleur rempart est l’esprit critique. Le meilleur moyen de cultiver les capacités intellectuelles est d’entraîner à la prise de décision et de favoriser le débat d’idées. Pour ce faire, l’imaginaire est un outil sans risque. L’utilisation du jeu ou le recours à des points de vue externes, par exemple ceux d’auteurs de science-fiction dans le cadre de la Red Team Défense, sont des moyens tout à fait adaptés, et d’importants vecteurs de transmission. »

   Annexe 1 : Liste des propositions

Une gouvernance rénovée de l’éducation à la défense pour organiser son passage à l’échelle

Transformer le bureau de l'action pédagogique et de l’information mémorielles (BAPIM) à la DMCA, qui soutient l’éducation à la défense pour le MINARM, en une sous-direction aux effectifs étoffés afin d’organiser le passage à l’échelle de l’éducation à la défense.

Rendre effective la nomination d’un relais défense dans chaque établissement scolaire.

Doter les trinômes académiques d’un budget en propre afin d’augmenter leur potentiel d’action en autonomie

Au sein de chaque force armée, identifier clairement un délégué à la jeunesse responsable des actions d’éducation à la défense. Découpler ses fonctions de celle de sous-directeur chargé du recrutement.

 

Instaurer un suivi statistique de la mise en œuvre effective de l’enseignement de défense.

Renforcer la présence des inspecteurs de l’Éducation nationale enseignement technique / enseignement général (IEN-ET/EG) comme représentants du recteur au sein des trinômes académiques

 

Instituer au sein du MINARM un guichet unique pour l’octroi de subventions finançant les projets d’éducation à la défense.

 

Renforcer substantiellement la formation initiale et continue des enseignants aux enjeux de la défense nationale

 

Mettre en place un module obligatoire de formation initiale à l’enseignement de défense au sein des Master MEEF ainsi qu’un module de formation continue obligatoire du même type que celui de la laïcité. (modules seulement optionnels pour Mme Etienne, obligatoires pour M. Blanchet))

 

Mettre en place une épreuve relative à la défense et la sécurité nationale à l’oral 2 des épreuves d'admission des concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) ainsi que des concours externes et des troisièmes concours du Capes, du Capeps, du Capet, du CAPLP et de recrutement des conseillers principaux d'éducation. (M. Blanchet uniquement)

 

Encourager la signature par le MENJ d’une convention facilitant le financement de la participation des enseignants aux formations de l’IHEDN.

 

Renforcer la transversalité de l’enseignement de défense

 

Renforcer l’interdisciplinarité de l’enseignement de défense en construisant notamment des ponts avec l’éducation aux médias et à l’information, l’éducation artistique et culturelle et l’éducation au développement durable

 

Dans l’objectif de renforcer la sensibilisation des élèves au risque cyber, renforcer la coopération entre l’ANSSI et le MENJ afin de mettre en place, dans le cadre du programme PIX, des épreuves obligatoires relatives à la sécurité et l’hygiène numérique.

 

Développer le levier du sport pour sensibiliser la jeunesse aux enjeux de défense (M. Blanchet uniquement).

 

Saisir l’opportunité de la réforme en cours de l’EMC

 

Garantir que le doublement horaire hebdomadaire d’EMC ne sera pas effectué sous plafond.

Maintenir l’obligation d’enseigner la défense nationale dans le cadre de l’EMC en 3ème et non en 4ème comme le prévoit la réforme des programmes d’EMC en cours d’élaboration.

 

Une gouvernance rénovée des CDSG

 

Recommander l’inscription des CDSG dans les projets d’établissement et sanctuariser le volume horaire consacré aux CDSG au sein de la dotation horaire globale des établissements.

 

Davantage reconnaître les enseignants particulièrement engagés dans des projets de CDSG, en attribuant par exemple les palmes académiques, la légion d’honneur ou l’ordre du mérite aux enseignants se distinguant pour leur engagement dans ces classes.

 

Davantage reconnaître la participation des élèves aux CDSG via :

­l’attribution de points supplémentaires aux candidats pour l’obtention du diplôme national du brevet (uniquement M. Blanchet) ;

­ l’inscription d’une mention spécifique portée au diplôme ou encore la création d’un diplôme d’honneur remis par les trinômes académiques aux élèves.

 

Encourager l’existence d’une CDSG dans chaque établissement du second degré en inscrivant si besoin cette recommandation dans le protocole visant à développer « les partenariats dans le cadre du déploiement du dispositif classe de défense ». (uniquement M. Blanchet)

 

Encourager le développement de partenariats entre CDSG et unités de la police municipale (M. Blanchet uniquement)

 

 

Instituer un cours obligatoire en classe de seconde sur les enjeux de défense et géopolitiques

 

Mettre en place un cours obligatoire sur les enjeux géopolitiques pour tous les élèves de seconde et dispensé exclusivement par des enseignants de l’Éducation nationale (uniquement Mme Etienne)

 

Mettre en place pour tous les élèves de seconde un module obligatoire sur la défense globale. Ce module serait dispensé par des réservistes citoyens ou opérationnels et décliné en 35 sessions. Il pourrait être ponctué par la participation en fin d’année scolaire à un camp militaire de deux jours sur la base du volontariat. (M. Blanchet uniquement)

 

Renouveler la transmission des questions mémorielles en favorisant l‘apprentissage d’une mémoire « incarnée » qui rende les élèves acteurs de cette transmission

 

Décliner le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations en permettant effectivement à chaque élève de visiter un lieu de mémoire au cours de sa scolarité

 

Permettre aux élèves de participer à une cérémonie patriotique sur le temps scolaire au moins une fois par an (uniquement M. Blanchet).

 

Permettre aux élèves de participer à une cérémonie patriotique sur le temps scolaire au moins une fois par scolarité (uniquement Mme Etienne).

 

Supprimer le caractère férié du 8 mai afin de renforcer sur cette journée la sensibilisation des élèves à l’engagement et au travail de mémoire dans le cadre scolaire. (uniquement M. Blanchet)

 

Encourager la création dans chaque collège et lycée d’une délégation de porte-drapeaux. (uniquement M. Blanchet)

 

Créer les conditions d’un parcours citoyen dynamisé

Clarifier la place du SNU dans l’éducation à la défense nationale

 

- Supprimer le SNU et réinvestir les crédits alloués au profit des élèves et des enseignants (formation continue, remplacements de courte-durée, rémunération des enseignants selon le principe une heure travaillée= une heure payée). (uniquement Mme Etienne) ;

 

-Établir un suivi statistique des jeunes ayant participé aux premières cohortes de l’expérimentation SNU depuis 2019 afin de connaître leur parcours (M. Blanchet uniquement)

 

- Détailler dans les enquêtes annuelles de l’INJEP les problèmes recensés lors des séjours ainsi que le nombre d’encadrants ; (uniquement Mme Etienne) ;

 

­Transmettre au Parlement un audit complet sur le coût d’une potentielle généralisation du SNU ; (uniquement Mme Etienne) ;

 

-Inviter le Gouvernement à remettre au Parlement un « rapport faisant état d'un bilan sur la mise en place du service national universel avant toute évolution du dispositif », ainsi que le prévoit le rapport annexé de la loi de programmation actuelle. (uniquement Mme Etienne).

 

-L’éventuelle généralisation du SNU sur le temps scolaire devra nécessairement être autorisée par un vote du Parlement.

 

Introduire une conscription nationale aux contours redessinés

 

Mettre en place une conscription citoyenne obligatoire de neuf mois pour les hommes et les femmes. (uniquement Mme Etienne)

 

Mettre en place une conscription inspirée du modèle suédois. Les armées émettraient chaque année leur besoin en recrutement d’appelés selon leurs propres capacités d’accueil. (M. Blanchet uniquement).

 

Moderniser et redynamiser les deux premières étapes du parcours de citoyenneté que sont le recensement et la journée défense et citoyenneté (JDC).

Dans l’objectif de prolonger l’éveil aux enjeux de défense au-delà du cycle secondaire, renforcer les études supérieures en lien avec la défense

 

Établir une feuille de route pour l’enseignement supérieur à destination de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD).

Rendre effective la nomination d’un référent enseignement de défense et de sécurité (REDS) dans chaque établissement d’enseignement supérieur et de recherche.

 

Davantage valoriser l’engagement des réservistes afin qu’ils deviennent des vecteurs de sensibilisation aux enjeux de défense dans l’espace public

 

Faciliter l’engagement des enseignants dans les réserves

 

Étendre le modèle de la réserve citoyenne du patrimoine aéronautique aux autres armées afin de permettre aux citoyens intéressés de mettre leurs compétences au service des activités de restauration de l’ensemble des patrimoines militaires.

 

Renforcer la visibilité des réservistes dans l’espace public (M. Blanchet uniquement).

¬affirmer que les réservistes qui le souhaitent ont le droit sans autorisation préalable de l’autorité militaire de porter leur tenue de réserve à l’occasion des cérémonies commémoratives, notamment le 8 mai ; (M. Blanchet uniquement).

¬ faire de l’appartenance à une réserve un nouveau critère de discrimination au sens de l’article L. 225- 1 du Code pénal ; (M. Blanchet uniquement).

¬donner davantage de publicité à la nouvelle médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure (MRV-DSI) ; (M. Blanchet uniquement).

¬davantage mettre à l’honneur les réservistes lors de la Fête nationale.

 

Renforcer l’information et la sensibilisation des citoyens à la défense nationale tout au long de leur vie

 

Afin de favoriser l’inscription des élus aux sessions régionales de l’IHEDN, autoriser l’IHEDN à recevoir de nouveau l’agrément au titre du DIF élus du ministre chargé des collectivités territoriales.

 

Renforcer les contacts entre correspondants défense et DMD en encourageant l’institution d’une réunion trimestrielle obligatoire du DMD avec les correspondants défense du département. Dans cette perspective, la mise sur pied d’un fichier national consolidé des correspondants défense serait bienvenue.

 

Développer les réflexes quotidiens de résilience dans la population

 

Sur le modèle des deux modules de sensibilisation à la stratégie nationale de résilience conçus par le SGDSN pour les agents publics et les élus, concevoir un module de sensibilisation à la stratégie nationale de résilience à destination du grand public.

 

La culture constitue un puissant vecteur de sensibilisation à l’esprit de défense

 

Dans le cadre de l’actualisation du protocole Défense-Culture :

 

- instaurer une gouvernance et une composition homogène des commissions interministérielles culture-armées ;

 

- formaliser dans le protocole la nécessaire ouverture ultérieure au public des bâtiments du MINARM dont la restauration a fait l’objet d’un financement conjoint défense-culture ;

- étoffer les effectifs et moyens de la DELPAT afin de lui permettre de monter en puissance sur ses missions toujours plus nombreuses et complexes ;

 

-renforcer les effectifs et les moyens budgétaires de la MCIC ;

-renforcer l’accueil de productions internationales par la MCIC ;

-actualiser le protocole Défense-Culture en matière d’archives, en y intégrant notamment l’objectif d’intensifier l’exploitation des fonds d’archives audiovisuelles de l’ECPAD ;

-accroître le nombre de professeurs-relais au sein du SHD et de l’ECPAD ;

-intégrer l’ensemble des industries culturelles et créatives au protocole : industrie audiovisuelle, bande-dessinée, webtoons, jeu vidéo et e-sport notamment ;

 

-respecter une charte éthique propre au MINARM préalablement à tout projet de collaboration entre la MCIC et un éditeur de jeu vidéo. Les projets accompagnés devront nécessairement proposer des expériences axées sur la réflexion critique, l’éthique du soldat et la stratégie.

Sensibiliser aux enjeux de défense grâce à la littérature

Encourager les militaires à écrire aux fins de publier leurs œuvres

Renforcer l’éveil critique aux enjeux de défense permis par les musées :

Encourager la signature par la DGESCO d’une convention de partenariat avec le musée de l’air et de l’espace ainsi qu’avec le musée national de la Marine, dans le même esprit que celle signée entre la DGESCO et le musée de l’armée.

Autant que de possible, prévoir des professeurs-relais de l’Éducation nationale dans les musées en lien avec la défense nationale.

Concernant les musées d’armes de l’armée de terre :

-Renforcer les moyens et effectifs de ces musées afin de garantir la présence d’un médiateur professionnel à temps plein par musée ;

-élaborer des visites virtuelles de ces musées et mettre en ligne les inventaires des collections des musées de traditions

Structurer une filière interarmées des officiers conservateurs du patrimoine

Revaloriser l’institution des peintres des armées, via la création de galeries virtuelles en ligne, le renforcement des projets d’expositions itinérantes dans l’espace public et le recrutement au sein de nouvelles formes artistiques comme le street-art ou la bande-dessinée.

 

Encourager les artistes contemporains indépendants non situés dans la sphère défense à réaliser des résidences artistiques dans les institutions culturelles en lien avec la défense

 

Proposer à chaque classe de scolaires visitant l’Assemblée nationale une information sur la possibilité de visiter gratuitement après leur visite du Palais-Bourbon les musées parisiens en lien avec la Défense nationale (musée de l’armée, musée national de la Marine, musée de l’air et de l’espace etc).

 

Amplifier et mieux contrôler la communication des forces

 

Renforcer la publication sur les réseaux sociaux de reportages immersifs réalisés par les officiers communication des SIRPA.

 

Conditionner le développement de partenariats avec des influenceurs extérieurs au strict respect des dispositions de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.


   Annexe 2 : Cartographie des acteurs de l’éducation à la défense


   Annexe 3 : Cartographie des solutions de financement des projets pédagogiques en lien avec la défense s’offrant aux enseignants


 


   Annexe 4 : Synthèse des résultats de la consultation citoyenne sur le rôle de l’éducation dans la défense nationale

  1.   Présentation de la consultation citoyenne

Il a semblé opportun aux rapporteurs de la consultation sur le rôle de l’éducation et la culture dans la défense nationale de consulter directement les citoyens sur leur perception du rôle de l’éducation dans la défense nationale.

L’ouverture de cette consultation citoyenne a été autorisée dans un premier temps par le bureau de la commission de la défense nationale et des forces armées puis dans un second temps par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Il s’agit du second cas de recours à cet outil par des rapporteurs de la commission de la défense nationale et des forces armées, après une première utilisation en 2019 dans le cadre d’une mission d’information relative aux réserves et rapportée par les députés Christophe Blanchet et Jean-François Parigi.

Ouverte du 26 février au 25 mars 2024, la consultation citoyenne a recueilli la participation de 37 819 citoyens. Cette participation excède la participation moyenne des consultations précédemment menées à l’Assemblée nationale.

La consultation citoyenne a pris la forme d’un questionnaire à renseigner en ligne.

Dans un premier temps du questionnaire, les répondants ont été invités à renseigner leurs données démographiques (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, département de résidence), avant d’être interrogés sur leur intérêt personnel pour les enjeux de la défense, les principaux médias utilisés pour se renseigner sur ces enjeux, leur auto-perception de leur niveau de formation à ces questions et enfin sur leur participation à la journée défense et citoyenneté.

Dans un second temps, les répondants devaient choisir leur catégorie d’appartenance, entre « élève ou étudiant(e) » (5 371 réponses, soit 14,20 % des répondants), « enseignant(e) » (4 249 réponses, soit 11,24 %) ou « aucune de ces deux propositions » (28 199 réponses, soit 74,56 %). Grâce à l’usage d’un filtre conditionnel, ils ont ensuite été orientés vers les seules questions qui concernaient leur catégorie.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Dans le double but d’encourager le plus grand nombre de citoyens à participer à la consultation et de faciliter l’exploitation des ressources, vos rapporteurs ont le fait choix de formuler principalement des questions dites « fermées ». Ils ont également permis aux citoyens qui le souhaitaient de préciser librement leur réponse sur certains points par l’intermédiaire de champs optionnels. Les répondants se sont largement saisis de cette possibilité, ce qui témoigne de leur fort intérêt pour l’objet de la mission d’information. Ces commentaires libres, lus et analysés individuellement par le secrétariat de la commission de la Défense nationale et des forces armées sans recours à des outils d’aide à la décision, ont enrichi l’analyse qualitative des résultats.

Au total, en incluant les questions relatives à son profil, un élève ou étudiant pouvait répondre jusqu’à 30 questions ; un enseignant pouvait répondre jusqu’à 31 questions ; enfin, un citoyen ne relevant d’aucune des deux catégories précédentes pouvait répondre jusqu’à 17 questions. Le temps de réponse moyen au questionnaire était d’environ 5 minutes.

Avant de révéler les premiers résultats de la consultation, vos rapporteurs souhaitent préciser que les outils de la consultation citoyenne ne permettent pas de vérifier que les répondants correspondent effectivement à la catégorie dans laquelle ils se sont déclarés. Il est également impossible de se prémunir de réponses multiples par un même répondant à la consultation citoyenne.

Ce type d’exercice a donc une valeur indicative mais n’équivaut pas à un sondage ou à une enquête statistique rigoureuse, qui reste peut-être à conduire. Malgré le nombre élevé de réponses, rien ne peut garantir le caractère représentatif des répondants à la consultation. La communication relative à cette consultation a en effet été très largement faite sur les réseaux sociaux. En conséquence, une surreprésentation des répondants militants n’est pas à exclure.

En outre, toutes les personnes, institutions, administrations, armées, directions et services auditionnés par vos rapporteurs ont été invités à la diffuser au sein de leurs réseaux. De tels relais ont pu contribuer à la surreprésentation de certains profils parmi les répondants. Par ailleurs, la consultation citoyenne n’a pas vocation à se substituer aux auditions de vos rapporteurs ni à l’envoi de questionnaires aux personnes auditionnées.

Afin de restreindre la possibilité pour une même personne de renseigner plusieurs fois de suite le questionnaire, un jeton d’authentification a été mis en place vingt-quatre heures après le lancement de la consultation. À partir du 27 février 2024, chaque répondant devait renseigner une adresse courriel valide lui permettant de recevoir un lien l’invitant à poursuivre le questionnaire. Ce jeton d’authentification garantissait qu’une même adresse courriel n’était pas utilisée plus d’une fois pour renseigner le formulaire. Les réponses n’ayant jamais été appariées à l’adresse courriel utilisée, il ne permettait pas l’identification des répondants. Ce système s’est montré concluant pour garantir le strict anonymat des répondants, tout en renforçant la sincérité de la consultation citoyenne. Sur le total des 37 819 réponses enregistrées, 25 400 (67,16 %) d’entre elles ont été réceptionnées avant la mise en place du jeton d’authentification et 12 419 (32,84 %) l’ont été après la mise en place de ce jeton.

Poursuivant un même objectif de sincérité dans l’analyse des résultats, vos rapporteurs ont décidé de les présenter ci-après, d’une part, de manière globale (sur l’ensemble de la période de la consultation) et d’autre part, en distinguant la période qui précède l’instauration du jeton d’authentification (journée du 26 février) de celle qui la suit (27 février au 25 mars). Ils tiennent ainsi compte de l’ensemble des réponses et mettent en évidence, le cas échéant, les différences statistiques significatives qui seraient apparues entre les deux périodes.

  1.   une enquête ouverte au grand public
    1.   Une majorité d’hommes de 18 à 39 ans issus de tous les départements parmi les répondants

La consultation citoyenne a intéressé, au total, 20 311 hommes (53,71 %) et 15 743 femmes (41,63 %). Avant la mise en place du jeton d’authentification, cette répartition est un peu plus inégalitaire avec 56,33 % d’hommes et 39,15 % de femmes. Après la mise en place du jeton d’authentification, la part des femmes et des hommes se rééquilibre avec 48,33 % d’hommes et 46,70 % de femmes. La part statistique des hommes excède toutefois le poids démographique des hommes dans la société française.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Les citoyens âgés de 18 à 39 ans représentent plus de la moitié des répondants (51,53 %) et ceux âgés de 18 à 49 ans représentent près de trois quarts des répondants (74,34 %). Cette dispersion est toutefois inégale selon les sexes. À quelques classes d’âge près, les hommes ayant réalisé leur service national – aujourd’hui au moins âgés de 45 ans – sont donc peu nombreux à avoir participé à la consultation citoyenne.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Par ailleurs, la répartition dans les classes d’âge est plus homogène après la mise en place du jeton d’authentification. Par exemple, au cours de la deuxième période de la consultation, le nombre de jeunes de moins de 18 ans ayant répondu au questionnaire augmente plus fortement en proportion (+11,98 points), tandis que les catégories 18-49 ans sont relativement moins représentées (–15,69 points).

Répartition dans les classes d’âge
avant et après le jeton d’authentification

(Nombre de répondants)

Classe d’âge

Ensemble

Avant le jeton

Après le jeton

Moins de 18 ans

 1 775

4,69 %

193

0,76 %

1 582

12,74 %

18 à 29 ans

 9 814

25,95 %

 6 852

26,98 %

 2 962

23,85 %

30 à 39 ans

 9 676

25,59 %

 7 161

28,19 %

 2 515

20,25 %

40 à 49 ans

 8 625

22,81 %

 6 178

24,32 %

 2 447

19,70 %

50 à 64 ans

 6 357

16,81 %

 4 157

16,37 %

 2 200

17,71 %

65 à 17 ans

 1 302

3,44 %

 720

2,83 %

 582

4,69 %

75 ans et plus

 270

0,71 %

 139

0,55 %

 131

1,05 %

Total

37 819

100,00 %

25 400

100,00 %

12 419

100,00 %

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Enfin, vos rapporteurs se réjouissent de constater que tous les territoires français sont représentés parmi les répondants, d’autant plus dans des proportions relativement cohérentes et équilibrées avec la répartition de la population. L’objectif de rayonnement de la consultation citoyenne est ainsi atteint, y compris dans des départements aujourd’hui considérés comme des « déserts militaires ».

Une image contenant carte, capture d’écran, texte

Description générée automatiquement

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Absence des profils de jeunes de moins 18 ans parmi le profil « élèves et étudiants » au profit d’étudiants de l’enseignement supérieur public

Parmi l’ensemble des 37 819 répondants, 5 371 (14,20 %) ont déclaré appartenir à la catégorie des élèves et des étudiants. Or, les jeunes âgés de moins de 18 ans ne représentent que 4,69 % des répondants. Ce décalage entre l’âge moyen des répondants et la part du profil « élève ou étudiant(e) » s’explique notamment par la plus faible part des élèves de l’enseignement secondaire. En effet, la part des étudiants de l’enseignement supérieur est la plus importante, avec 3 606 étudiants dont 3 009 dans l’enseignement public. L’ambition de vos rapporteurs de mesurer la perception de l’éducation à la défense par les jeunes écoliers, collégiens et lycéens s’en est donc trouvée relativisée.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Alors que les étudiants de l’enseignement supérieur représentent la quasi-totalité des réponses (91,61 %) avant la mise en place du jeton d’authentification, les élèves du secondaire représentent plus de la moitié (51,81 %) des réponses après celle-ci.

répartition des élèves et des étudiants
selon le niveau d’enseignement

(Nombre de répondants)

Enseignement

Ensemble

Avant le jeton

Après le jeton

Primaire

59

1,10 %

5

0,20 %

54

1,86 %

Secondaire

1 706

31,76 %

202

8,18 %

1 504

51,81 %

Supérieur

3 606

67,14 %

2 261

91,61 %

1 345

43,33 %

Total

5 371

100,00 %

2 468

100,00 %

2 903

100,00 %

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Enfin, 88,05 % des élèves et étudiants ont déclaré ne pas avoir un parent ou un proche exerçant un métier relevant de la défense ou de la sécurité nationale. Cet ordre de grandeur est le même avant et après la mise en place du jeton (90,36 % avant et 86,08 % après). La consultation citoyenne a donc rayonné au-delà du seul cercle de jeunes déjà initiés aux enjeux de défense, ce qui était l’objectif recherché par vos rapporteurs.

  1.   Une certaine homogénéité du profil « enseignants » : une majorité de professeurs d’histoire-géographie de l’enseignement secondaire public

Parmi l’ensemble des répondants, 4 249 (11,24 %) se sont déclarés comme enseignants dont 2 688 professeurs du second degré, 909 professeurs des écoles et 845 enseignants de l’enseignement supérieur ; par ailleurs, 3 713 enseignants exercent dans un établissement public, 332 dans un établissement privé sous contrat et 57 dans un établissement hors contrat. À noter que des enseignants exercent sur plusieurs niveaux et dans plusieurs établissements.


Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Mis à part les professeurs des écoles dont l’enseignement est, par construction, multidisciplinaire, les professeurs du second degré et de l’enseignement supérieur qui ont répondu à la consultation citoyenne enseignent principalement l’histoire-géographie, les mathématiques, le français ainsi que les langues vivantes. Avec l’éducation physique et sportive, les disciplines artistiques et scientifiques expérimentales sont les moins représentées.

Ces représentations ne sont pas incohérentes avec la pratique de l’éducation à la défense dans les faits, dont vos rapporteurs ont constaté qu’elle repose de manière prépondérante sur les enseignants d’histoire-géographie, le plus souvent également chargés de l’éducation morale et civique. Il est raisonnable de penser que ces enseignants se sont particulièrement sentis concernés par l’objet de la consultation citoyenne. À cet égard, vos rapporteurs ont formulé des propositions afin de décloisonner l’éducation à la défense et la faire irriguer l’ensemble des champs disciplinaires, à l’instar des « entrées défense ».

  1.   Parmi les autres profils de répondants, une très forte représentation des cadres et professions intellectuelles supérieures

Parmi l’ensemble des répondants, 28 199 (74,56 %) se sont déclarés comme n’étant ni élève ou étudiant ni enseignant. Les cadres et professions intellectuelles constituent toutefois plus de la moitié des profils de cette catégorie (51,82 %).

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   La CONNAISSANCE ET l’INTÉRÊT POUR LES ENJEUX DE DÉFENSE NATIONALE NE TRADUISENT PAS TOUJOURS UNE ADHÉSION AU PRINCIPE MÊME DE L’ÉDUCATION À LA DÉFENSE DANS LE CADRE SCOLAIRE
    1.   Paradoxalement, les répondants exprimant un intérêt pour les enjeux de défense estiment leur niveau de connaissance des enjeux de défense assez proche de celui des répondants désintéressés par ces enjeux

La consultation citoyenne a réuni des publics plus ou moins intéressés par les enjeux de défense nationale et plus ou moins formés à ces questions.

Sur 37 819 répondants, 20 434 citoyens (54,03 %) se disent intéressés à titre personnel par les enjeux de la défense nationale contre 17 385 qui se déclarent non intéressées (45,97 %). Cette proportion est comparable avant et après l’introduction du jeton d’authentification. Cette hétérogénéité révèle que les citoyens ont plutôt un intérêt pour les questions d’éducation à la défense, en dépit de leur intérêt pour les enjeux de défense eux-mêmes et au-delà d’un cercle de spécialistes, ce dont se réjouissent vos rapporteurs.

Lorsqu’ils sont invités à évaluer leur niveau de formation aux enjeux de défense sur une échelle de 0 (pas du tout informé) à 10 (très informé), les citoyens intéressés par les enjeux de défense se positionnent en moyenne autour de 6 sur 10, tandis que les citoyens qui n’ont pas exprimé un intérêt pour la défense se positionnent en moyenne autour de 5 sur 10. La moyenne est inchangée avant et après l’instauration du jeton d’authentification. En d’autres termes, les citoyens déclarent un niveau de connaissance sensiblement similaire, à 1 point près, peu importe leur intérêt pour la défense nationale.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Les données de la consultation citoyenne ne permettent pas, en l’état, d’expliquer le décalage entre l’intérêt exprimé et la perception du niveau de connaissance. Vos rapporteurs constatent que les citoyens s’estiment, en tout état de cause, moyennement informés sur les enjeux de défense. À ce titre, ils ont formulé des propositions pour renforcer la compréhension collective des citoyens des enjeux de défense et du contexte géopolitique.

Par ailleurs, lorsque les répondants sont interrogés sur les médias qu’ils utilisent pour se renseigner sur les questions de défense, près de sept sur dix (68,85 %) déclarent se renseigner par l’intermédiaire de la presse généraliste. Arrivent ensuite les réseaux sociaux (49,98 %), la radio (34,85 %), les sites et blogs spécialisés (33,86 %), la télévision (26,57 %), les podcasts (19,37 %) et, enfin, la famille et les proches (18,02 %).

En ce qui concerne particulièrement les réseaux sociaux, parmi les répondants qui s’en servent pour se renseigner sur les questions de défense, huit répondants sur dix (81,36 %) utilisent X (ex-Twitter). Suivent Instagram (28,42 %), Facebook (18,27 %), LinkedIn (14,07 %), TikTok (11,54 %), Twitch (10,63 %), Telegram (6,47 %) et Snapchat (2,12 %). Par l’intermédiaire d’un champ libre optionnel, les répondants ont également mentionné Youtube, Mastodon, Bluesky et Reddit.

  1.   Des élèves et étudiants plutôt en demande d’éducation à la défense
    1. Si les élèves et étudiants ont plutôt tous bénéficié de cours d’enseignement moral et civique, seul un sur deux déclare avoir étudié une thématique liée aux enjeux de défense au cours de sa scolarité

La majorité des élèves et étudiants (4 676 sur 5 371 répondants, soit 86,99 %) affirme avoir bénéficié de cours d’enseignement moral et civique au cours de la scolarité. Ce constat est insensible, à plus ou moins 1 point, à la mise en place du jeton d’authentification.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

En revanche, en moyenne, seul un peu plus d’un élève ou étudiant sur deux (54,20 %) déclare avoir étudié des thématiques liées aux enjeux de défense nationale. La tendance s’inverse toutefois avant et après la mise en place du jeton d’authentification. Reste que près de la moitié des jeunes déclare ainsi n’avoir jamais reçu un enseignement des principes et de l’organisation de la défense nationale, pourtant obligatoire et inscrit dans la loi depuis la suspension du service national en 1997. Un constat que dresse également vos rapporteurs dans leur rapport.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1. Les élèves déclarent en majorité n’avoir pas participé à des projets pédagogiques en lien avec la mémoire ou les enjeux de défense nationale mais expriment plutôt leur intérêt pour le faire

En moyenne, près de six élèves ou étudiants sur dix (60,18 %) n’ont pas participé à un projet pédagogique en lien avec la mémoire ou les enjeux de la défense nationale au cours de leur scolarité. Si, d’une part, plus de la moitié des élèves (52,41 %) exprime un intérêt pour ce type de projets, il ressort, d’autre part, que 47,59 % des élèves ou étudiants n’expriment pas un intérêt pour de tels projets. Autrement dit, il n’y a pas de motivation unanime de la part de l’ensemble des jeunes pour de tels projets.

Cette ventilation diverge toutefois avant et après la mise en place du jeton d’authentification. Le nombre d’élèves qui déclarent ne pas être intéressés par des projets pédagogiques en lien avec la mémoire ou les enjeux de défense est plus faible dans la deuxième période (passant de 44,53 % à 29,28 %, soit –15,25 points) et, en parallèle, le nombre d’élèves intéressés par de tels projets augmente (passant de 12,72 % à 33,38 %, soit +20,66 points). La proportion d’élèves ayant réalisé de tels projets, qu’ils en tirent de la satisfaction ou non, demeure toutefois stable selon les deux périodes.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Vos rapporteurs ont formulé des propositions pour répondre à l’attrait de certains élèves de participer à de tels projets pédagogiques. À terme, ils souhaitent renforcer la part des élèves ayant eu l’occasion de prendre part à un projet pédagogique en lien avec la mémoire ou les enjeux de défense.

  1.   Une majorité d’enseignants a exprimé un rejet du principe même d’une éducation à la défense dans le cadre scolaire
    1. La majorité des enseignants estiment que la défense nationale ne doit pas faire l’objet d’un enseignement dispensé dans le cadre scolaire

Près de huit enseignants sur dix (77,29 %) considèrent que la défense nationale ne doit pas faire l’objet d’un enseignement dispensé dans le cadre scolaire. Cette proportion est stable avant et après la mise du jeton d’authentification, même si elle recule légèrement après l’introduction de ce système (respectivement 78,55 % et 74,53 %, soit –4,02 points).

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Le cas échéant, les enseignants estimant que la défense nationale ne doit pas faire l’objet d’un enseignement scolaire ont été invités à en indiquer les raisons par l’intermédiaire d’un champ libre. L’analyse qualitative des 2 028 réponses libres (61,75 % des répondants concernés ont saisi un commentaire libre) fait apparaître cinq motifs principaux. Une même réponse peut être classée dans plus d’un motif.

Outre 125 réponses sans relation directe avec la question, il en ressort que les enseignants estiment que ce n’est pas le rôle de l’école (1 055 réponses) ; qu’il y a d’autres priorités ou qu’il n’y a pas le temps (422 réponses) ; que la défense est déjà enseignée et qu’il n’y a pas besoin d’en faire un enseignement à part entière (286 réponses) ; que les programmes sont surchargés, trop complexes et pas accessibles (199 réponses) ; et, qu’ils n’ont pas la formation adaptée, ni les supports ou que d’autres collègues s’en chargent (24 réponses).

La plupart des réponses libres d’enseignants exprime un rejet de toute interaction entre l’institution scolaire et l’institution militaire. De telles réponses reposent parfois sur une mécompréhension de l’éducation à la défense. Dans leur rapport, vos rapporteurs formulent un certain nombre de propositions pour mieux accompagner et former les enseignants, au-delà des seuls enseignants d’histoire-géographie, à l’éducation à la défense.

  1. Parmi les enseignants qui dispensent l’enseignement moral et civique, la majorité n’enseigne pas les parties relatives à l’éducation à la défense

Parmi l’ensemble des enseignants interrogés, quatre sur dix (40,48 %) sont chargés de l’enseignement moral et civique ; et, parmi eux, moins de la moitié (47,03 %) enseigne la partie du programme consacrée à la défense. À quelques points près, ces proportions sont relativement identiques, avant et après l’introduction du système d’authentification.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Lorsque les enseignants chargés de l’EMC ont indiqué qu’ils n’enseignent pas la partie du programme consacrée à l’éducation à la défense, un champ optionnel leur permettait d’indiquer leurs raisons. L’analyse qualitative des 562 réponses libres (69,47 % des répondants concernés ont saisi un commentaire libre) fait apparaître cinq motifs principaux. Une même réponse peut être classée dans plus d’un motif.

Outre 52 réponses sans relation directe avec la question, les enseignants notent que l’éducation à la défense n’est pas au programme (notamment dans l’enseignement maternel et primaire) ou que les programmes sont déjà surchargés (352 réponses) ; qu’ils ont d’autre priorités (93 réponses) ; qu’ils ne disposent pas d’une formation adaptée ou que d’autres collègues le font (43 réponses) ; que l’éducation à la défense ne ressortit pas du rôle de l’école (30 réponses) ; et, enfin, qu’il s’agit d’un choix personnel (27 réponses). Au regard de ces éléments, vos rapporteurs ont formulé des propositions pour sensibiliser le corps enseignant aux « entrées défense » qui peuvent être mobilisées à l’occasion de l’étude d’éléments du programme scolaire ou universitaire actuel, sans le surcharger.

  1. La majorité des enseignants n’a pas été formée à l’éducation à la défense et ne le regrette pas, que ce soit au titre de la formation initiale ou continue

S’agissant de la formation initiale, près de neuf enseignants sur dix (88,07 %) disent ne pas avoir été formés à l’éducation à la défense, et 69,95 % disent ne pas le regretter. À l’inverse, 11,93 % d’entre eux ont bénéficié d’une formation, dont 4,94 % affirment toutefois que « la formation n’était pas en adéquation avec [leurs] besoins ». Des différences significatives, jusqu’à 5 points, existent avant et après la mise en place du jeton d’authentification, sans toutefois bouleverser ce constat.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

S’agissant de la formation continue, l’ordre de grandeur est relativement similaire. La part des enseignants qui n’ont pas été formés et qui ne le regrettent pas (73,59 %) est toutefois plus forte de près de 4 points par rapport à leur appréciation de la formation initiale. De la même manière que pour les réponses liées à la formation initiale, des écarts sont à noter entre les réponses obtenues avant et après la mise en place du système d’identification.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Vos rapporteurs ont formulé des propositions pour améliorer la formation des enseignants, tout en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur leurs fonctions.

  1.   Une éducation à la défense absente de la scolarité de la majorité des répondants qui considèrent qu’elle ne relève pas du rôle de l’école
    1.   Deux personnes sur trois n’ont pas bénéficié d’enseignements portant sur les enjeux de défense au cours de leur scolarité ou auraient préféré ne pas en bénéficier

Parmi les 28 199 répondants qui ne sont ni élèves ou étudiants ni enseignants, près de deux citoyens sur trois (70,34 %) ont déclaré ne pas avoir bénéficié, pendant leur scolarité, d’enseignements portant sur les enjeux de défense, dont 52,49 % qui, en tout état de cause, n’auraient pas été intéressés. Alors que 18,77 % des répondants ont bénéficié d’un tel enseignement et en sont satisfaits, 10,89 % auraient préféré ne pas en bénéficier et 17,85 % auraient aimé en bénéficier. À noter qu’après la mise ne place du jeton d’authentification, le nombre de personnes qui ont été satisfaites de l’enseignement portant sur les enjeux de défense recule, au profit du nombre de personnes qui auraient aimé en bénéficier.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Trois personnes sur quatre estiment qu’il n’appartient pas à l’institution scolaire de sensibiliser les élèves aux questions de défense sur le temps scolaire

Cette perception de l’éducation à la défense pose la question de la place même d’un tel enseignement au sein de l’institution scolaire. À ce sujet, près de trois citoyens sur quatre (74,68 %) pensent que l’institution scolaire ne doit pas sensibiliser aux questions de défense sur le temps scolaire, dont la majorité (46,75 %) « pas du tout ». Seul un quart des citoyens (25,32 %) estime que l’école doit enseigner les questions de défense et, en l’espèce, seule une minorité (5,97 %) de citoyens sont « complètement d’accord » avec ce postulat. Le système d’authentification est sans effet sur la répartition des réponses.
 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Des Dispositifs d’éducation à la défense dont les niveaux de connaissance et d’adhésion sont très variables
    1.   Appréciation mitigée de la journée défense et citoyenneté

Interrogés sur leur participation à la journée défense et citoyenneté (JDC), la majorité des répondants déclare avoir réalisé cette journée (22 602 citoyens soit 59,76 %). Le reste des citoyens (14 486 soit 38,30 %) n’y a pas participé et seule une minorité ne connait pas le dispositif (731 soit 1,93 %).

Lorsque les citoyens y ont participé, leur appréciation est assez mitigée. Quasiment autant de citoyens la trouvent satisfaisante dans son format actuel (38,09 %), souhaitent sa suppression (32,36 %) et ne la trouvent pas satisfaisante (29,55 %). Cet équilibre est comparable avant et après l’introduction du système d’authentification.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Parmi les citoyens qui ne la trouvent pas satisfaisante dans son format actuel, plus de la moitié (55,32 %) ne souhaitent pas pour autant que la JDC soit davantage consacrée aux questions de défense. La proportion est identique, avant et après l’instauration du système d’authentification. Auditionnée par vos rapporteurs et par la commission de la défense nationale et des forces armées, la direction du service national et de la jeunesse du ministère des armées a notamment annoncé qu’une JDC « rénovée » sera prochainement présentée.

  1.   Participer aux commémorations patriotiques dans le cadre scolaire : une envie des élèves et une réserve des enseignants
    1.   Deux jeunes sur trois ont déjà participé ou aimeraient participer aux cérémonies patriotiques dans le cadre du temps scolaire

Interrogés sur leur participation aux cérémonies commémoratives du 8 mai et du 11 novembre dans le cadre du temps scolaire, en moyenne, plus de deux jeunes sur trois déclarent avoir participé ou aimeraient participer aux cérémonies patriotiques dans le cadre du temps scolaire. En effet, moins de la moitié des jeunes élèves ou étudiants (47,14 %) ont indiqué s’y être déjà rendus tandis que 22,68 % d’entre eux aimeraient le faire, contre 30,18 % qui ne sont pas intéressés. Vos rapporteurs ont formulé des propositions pour rendre les cérémonies patriotiques plus participatives en impliquant davantage les jeunes.

À noter que la proportion de jeunes n’ayant pas déjà participé à une cérémonie commémorative mais qui exprime la volonté de le faire augmente de 13 points avant et après la mise en place du filtre d’authentification, passant de 15,48 % à 28,80 % (+13,32 points), au détriment des jeunes qui ne sont pas intéressés (39,26 % à 22,46 %, –16,80 points).

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Trois enseignants sur quatre n’assistent pas aux commémorations patriotiques avec leurs élèves parce que ce n’est pas leur rôle ou parce que c’est un jour férié

En ce qui concerne les enseignants, 75,05 % d’entre eux déclarent ne pas assister aux commémorations du 8 mai et du 11 novembre avec leurs élèves car ils estiment que ce n’est pas leur rôle (49,00 %) ou que ce sont des jours fériés (26,05 %). Près d’un quart des enseignants (24,95 %) exprime toutefois l’envie d’y participer s’ils le peuvent (20,57 %) et, dans une moindre mesure, à chaque fois (4,38 %). Ces proportions sont similaires, avant et après l’introduction du jeton d’authentification.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Des classes de défense et de sécurité globales méconnues
    1.   Deux enseignants sur trois ne connaissent pas le dispositif des classes de défense et de sécurité globales

Lorsque les enseignants sont interrogés sur le dispositif des classes de défense et de sécurité globales (CDSG), seul un enseignant sur trois connaît le dispositif (33,28 % contre 66,72 %). À quelques dixièmes près, ces proportions sont similaires avant et après la mise en place d’un filtre d’authentification. Cette donnée renforce le constat de vos rapporteurs selon lequel multiples dispositifs d’éducation à la défense sont peu visibles et méconnus.

Parmi les 1 387 enseignants qui connaissent le dispositif mais qui ne sont pas responsables d’une classe, la majorité ne souhaite pas créer une CDSG car ils ne sont pas intéressés par le dispositif (1 037 réponses) ou n’ont pas le temps (188 réponses). D’autres enseignants, par l’intermédiaire d’un champ libre optionnel, font état de leur opposition au dispositif (48 réponses), de l’existence d’une CDSG au sein de leur établissement (19 réponses), de leur intérêt pour le dispositif (12 réponses) et de leur manque de temps ou de moyens (7 réponses) pour en piloter une. Un enseignant indique l’avoir envisagé dans son établissement et avoir subi « trop de critiques de collègues ». Vos rapporteurs ont formulé des propositions pour améliorer la reconnaissance des enseignants responsables des CDSG.

  1.   Le dispositif des classes de défense et de sécurité globales est méconnu des élèves mais, lorsqu’ils y ont participé, ils en sont plutôt satisfaits

Lorsque les 5 371 élèves et étudiants sont interrogés sur le dispositif des classes de défense et de sécurité globales, 4 381 d’entre eux (81,57 %) ne le connaissent pas. Par ailleurs, parmi les 990 élèves ou étudiants connaissant les CDSG (18,43 %), 65 d’entre eux ont eux-mêmes été élèves dans une telle classe. Parmi ces 65 élèves, deux sur trois expriment leur satisfaction, dont 40,00 % sont « très satisfaits » et 27,69 % sont « plutôt satisfaits ». Comme pour les enseignants, à quelques dixièmes près, ces proportions sont similaires sur les deux périodes de la consultation citoyenne.

Ces faibles proportions de connaissance et de participation s’expliquent peut-être par la forte proportion d’étudiants parmi la catégorie des élèves et étudiants. En effet, les CDSG, bien que créées en 2005, ne sont montées en puissance qu’à partir de leur intégration au protocole interministériel développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale en 2016 puis du protocole afférent au développement des classes de défense en 2021. Les répondants, majoritairement étudiants de l’enseignement supérieur, n’étaient probablement déjà plus élèves ou s’apprêtaient à quitter l’enseignement scolaire.

  1.   Le service national universel (SNU) : des résultats qui révèlent une bonne connaissance du dispositif, un souhait d’intégrer davantage les questions de défense et une volonté prépondérante de suppression
    1.   Le SNU est un dispositif plutôt bien connu de l’ensemble des répondants

Plus de neuf citoyens sur dix (98,77 %) (en-dehors des élèves, étudiants et enseignants) indiquent connaître le service national universel. Parmi eux, huit sur dix (88,12 %) disent « tout à fait » connaître le dispositif contre un dixième des citoyens (10,65 %) qui ne le connait que « vaguement ». Ces proportions sont relativement, à quelques points près, similaires avant et après la mise en place du système d’authentification. Indépendamment de l’appréciation qu’ils lui portent, le SNU est donc un dispositif que les citoyens indiquent globalement bien connaître. Les données de la consultation ne permettent pas, en l’état, d’évaluer la qualité des connaissances des citoyens sur le dispositif.


 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Vos rapporteurs relèvent notamment que le niveau de connaissance du SNU (connu par 98,77 % des répondants) est relativement proche voire très légèrement supérieur à celui de la journée défense et citoyenneté (98,04 % des répondants), alors que le SNU est plus récent et ouvert aux seules générations nées après 2002.

Ce niveau de connaissance est toutefois un peu plus faible et moins certain parmi les élèves et étudiants. En moyenne, 59,06 % des jeunes connaissent très bien le SNU (88,12 % pour les autres répondants), 34,31 % n’ont eu qu’une connaissance vague (10,65 % pour les autres répondants) et 6,63 % ne le connaissent pas (1,23 % pour les autres répondants).

Vos rapporteurs constatent que la mise en place du jeton d’authentification a très sensiblement modifié cette distribution. Alors même que la part des jeunes ayant réalisé le SNU est plus forte après la mise en place de ce jeton, la proportion de jeunes connaissant « très bien » le SNU a paradoxalement diminué, passant de 68,88 % à 50,71 % (–18,17 points) ; la part de ceux qui le connaissent « vaguement » est passée de 30,19 % à 37,82 % (+7,63 points) ; et, celle de ceux qui ne connaissent pas le dispositif de 0,93 % à 11,47 % (+10,54 points). La plus forte représentation des jeunes engagés dans le SNU dans cette deuxième période ne permet donc pas d’expliquer cette tendance.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Près de neuf répondants sur dix expriment une opinion négative à l’égard du SNU et souhaitent très majoritairement sa suppression, même si les jeunes ont une position plus réservée

Parmi les 27 853 citoyens qui ne se sont pas déclarés élèves, étudiants ou enseignants qui connaissent le dispositif du SNU, plus de neuf sur dix (95,21 %) estiment que « le SNU n’est pas un bon dispositif et qu’il devrait être supprimé ». La mise en place du système d’authentification est relativement sans effet sur ces proportions.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

S’agissant du profil « élève ou étudiant(e) », l’analyse comparative des résultats obtenus avant et après la mise en place du jeton d’authentification confirme la distorsion identifiée à la précédente question. La distribution des réponses relatives à l’appréciation portée par les élèves ou étudiants au SNU s’inverse à hauteur de près de 48 points. Les enseignements tirés de ces résultats doivent donc être interprétés de manière prudente.

Les données de la consultation citoyenne ne permettent pas, en l’état, d’expliquer de manière certaine la dynamique de ces tendances. Si la proportion d’élèves ou étudiants faisant partie des jeunes engagés au sein du SNU est plus importante dans la deuxième période, cette hypothèse n’est toutefois pas démontrée, ni suffisante, ni exclusive, pour expliquer une variation de près de 48 points. En effet, ces jeunes engagés ne représentent que 17,67 % des élèves ou étudiants connaissant le SNU ayant répondu après la mise en place du jeton d’authentification. Par ailleurs, vos rapporteurs notent qu’une telle différence dans les résultats n’est pas aussi marquée pour les autres questions. Par exemple, malgré la plus forte représentation de ces jeunes dans la deuxième période de la consultation citoyenne, celle-ci ne se traduit pas par une augmentation du niveau de connaissance du dispositif du SNU qui, au contraire, diminue dans la deuxième période de la consultation (voir supra). Au demeurant, les autres profils de répondants n’ont subi que des effets marginaux ou peu significatifs.

Sous cette réserve, en moyenne, les élèves et les étudiants ont une appréciation plus réservée que l’ensemble des citoyens mais demeurent relativement critiques vis-à-vis du service national universel. Sur l’ensemble de la consultation citoyenne, 70,37 % estiment que « le SNU n’est pas un bon dispositif et qu’il devrait être supprimé » et 21,44 % des jeunes apprécient le SNU comme un « bon dispositif ».

En revanche, lorsque la première période (sans jeton) est isolée, 94,60 % des élèves ou étudiants estiment que « le SNU n’est pas un bon dispositif et qu’il devrait être supprimé » et uniquement 3,84 % évaluent le SNU comme un « bon dispositif ». Lorsque la deuxième période (avec jeton) est isolée, le constat est moins définitif : 47,32 % des élèves ou étudiants (–47,29 points par rapport à la première période) souhaitent la suppression du SNU contre 38,17 % (+34,33 points) qui l’évaluent positivement. À noter que la part des jeunes qui n’ont pas d’avis s’accroît de 12,96 points, passant de 1,55 % à 14,51 %.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

Enfin, s’agissant du profil des enseignants, compte tenu des retours parvenus à vos rapporteurs moins de vingt-quatre heures après le lancement de la consultation citoyenne, le questionnaire a été ajusté pour leur permettre de se positionner sur le service national universel. Un nouveau choix de réponse a été ajouté à la question concernant les classes et lycées engagés. Par cette question, vos rapporteurs interrogeaient l’intérêt des enseignants à « mener un projet pédagogique dans le cadre du label « classes et lycées engagés » du service national universel (SNU) ». Les contraintes techniques de la consultation citoyenne empêchant de créer une question après son lancement, c’est à cet endroit que ce point trouvait le mieux s’intégrer. Les enseignants pouvaient alors, le cas échéant, exprimer un rejet du dispositif du service national universel.

Sous cette réserve, il en ressort que 76,49 % des enseignants sont « défavorables au SNU ». Cette proportion est sûrement amoindrie, dans la mesure où le choix de réponse a été ajouté quelques heures après le lancement de la consultation citoyenne et que des enseignants y avaient déjà répondu. À cet égard, la comparaison avant et après la mise en place du jeton d’authentification, laquelle est intervenue de manière quasi-concomitante, montre effectivement un effet de report des réponses « Non, car je n’ai pas le temps » vers « Non, car je suis défavorable au SNU ».

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Les jeunes aimeraient que le SNU aborde davantage les enjeux de défense nationale

Parmi les 5 371 jeunes élèves ou étudiants ayant participé à la consultation citoyenne, 483 jeunes sont engagés au sein du service national universel, dont 342 sur leur temps libre et 141 au sein d’une classe engagée ou d’un lycée engagé. Ce choix d’engagement est le résultat d’une décision personnelle pour 326 d’entre eux, tandis que 16 jeunes sont engagés après une « décision prise uniquement par [leurs] parents ». Ces chiffres montrent donc que la participation au SNU est, en grande majorité (95,32 %), un choix volontaire du jeune. À noter que, parmi les 483 jeunes engagés dans le SNU, 454 ont répondu après la mise en place du jeton d’authentification.

Par ailleurs, en moyenne, plus des trois quarts de ces jeunes (76,81 %) souhaitent que le SNU aborde davantage les enjeux de défense nationale. En revanche, la tendance est inversée entre la première et la deuxième période. La représentativité et la taille de l’échantillon peuvent expliquer, au moins en partie, le renversement de la tendance.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Des conditions de généralisation du SNU différentes, avec ou sans obligation, selon le profil des répondants

À propos de la généralisation et de l’obligation du service national universel, les avis sont partagés entre les citoyens et les élèves et étudiants. À noter que seuls les répondants ayant exprimé un avis positif ou indifférent ont répondu à cette question, dans la mesure où les autres répondants souhaitaient, en tout état de cause, la suppression du SNU.

Ainsi, parmi les citoyens ni élèves ou étudiants ni enseignants qui estiment que le SNU est un bon dispositif ou sont sans avis, plus de la moitié (58,62 %) estime que le SNU devrait être obligatoire sur le temps scolaire et un tiers (32,31 %) considère qu’il doit être généralisé mais sur la base du volontariat. Moins d’un dixième (9,07 %) estiment que la généralisation du SNU est une mauvaise idée. À quelques points près, les résultats sont relativement identiques avant et après l’introduction du système d’authentification.

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

En revanche, parmi les jeunes, si l’appréciation positive à l’égard de la généralisation SNU est plus forte, les conditions de généralisation sont différentes de celles exprimées par les autres citoyens. En effet, hormis 2,42 % qui ne souhaitent pas sa généralisation (contre 9,07 % des citoyens), les jeunes sont plus nombreux à souhaiter une généralisation sans obligation (64,94 %) qu’avec obligation (32,64 %).

À l’instar des autres questions relatives au SNU pour le profil des élèves et étudiants, des différences significatives, jusqu’à 17 points, existent avant et après l’introduction du jeton. Dans le premier temps de la consultation, la majorité relative des jeunes (49,24 %) estiment que rendre obligatoire le SNU pour l’ensemble des jeunes est « une bonne idée ». En revanche, dans le deuxième temps, ils sont majoritaires (67,13 %) à penser que le SNU devrait être proposé à tous les élèves mais sans être obligatoire.

 Au vu des divergences de points de vue sur le service national universel exprimées au cours de la consultation citoyenne et entendues au cours des auditions, vos rapporteurs souhaitent, chacun en ce qui le concerne, que la place du service national universel dans l’éducation à la défense nationale soit clarifiée.

 

Source : Exploitation des résultats de la consultation citoyenne.

  1.   Devenir de la consultation citoyenne

Les données de la consultation citoyenne ont été publiées en open data sur le site Internet de l’Assemblée nationale (questionnaire et données). Elles permettront aux parties prenantes, à des organismes de recherche ou à d’autres institutions de poursuivre le travail d’exploitation des réponses et d’en tirer des enseignements.

 


   Annexe 5 :
Liste des acronymes utilisés dans le rapport

(PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE)

 

A

AAE : armée de l’air et de l’espace

ACADEM : académie de défense de l’École militaire

AEFE : agence de l’enseignement français à l’étranger

AID : agence de l’innovation de défense

ANSSI : agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

ASJC : aux sports jeunes citoyens

B

BAPIM : bureau de l’action pédagogique et de l’information mémorielle

BIA : brevet d’initiation aéronautique

BIMer : brevet d’initiation mer

C

CAP : certificat d’aptitude professionnelle

Capeps : certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive

Capes : certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré

Capet : certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique

CAPLP : certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel

CDSG : classe de défense et de sécurité globales

CEMA : chef d’état-major des armées

CESA : centre d’études stratégiques aérospatiales

CESM : centres d’études stratégiques de la marine

CEVIPOF : centre de recherches politiques de Sciences Po

CGCT : code général des collectivités territoriales

CIAF : comité interministériel aux archives de France

CICP : commission interministérielle de coopération pédagogique

CLE : classes et lycées engagés

CLEMI : centre pour l'éducation aux médias et à l'information

CNFAS : conseil national des fédérations aéronautiques et sportives

CNFEL : conseil national de la formation des élus locaux

CNRD : concours national de la résistance et de la déportation

CODIR : comité de direction

COP : contrat d’objectifs et de performance

COPIL : comité de pilotage

CPEDEF : commission pour l’enseignement de défense

CRPE : concours de recrutement de professeurs des écoles

CSMN : commission scientifique des musées nationaux

CSNJ : centre du service national et de la jeunesse

CSP : conseil supérieur des programmes

D

DCN : division cohésion nationale (état-major des armées)

DELPAT : délégation au patrimoine de l’armée de terre

DGAC : direction générale de l’aviation civile

DGER : direction générale de l’enseignement et de la recherche (ministère de l’agriculture)

DGESCO : direction générale de l’enseignement scolaire

DGESIP : direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle

DGRIS : direction générale des relations internationales et de la stratégie

DGSCGC : direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

DGSE : direction générale de la sécurité extérieure

DICoD : délégation à l’information et à la communication de la défense

DIF : droit individuel à la formation

DIRISI : direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information

DMCA : direction de la mémoire, de la culture et des archives

DMD : délégué militaire départemental

DRAC : direction régionale des affaires culturelles

DSNJ : direction du service national et de la jeunesse

E

EAC : éducation artistique et culturelle

EAJ : escadrille air jeunesse

ECPAD : établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense

EDD : éducation au développement durable

EMA : état-major des armées

EMC : éducation morale et civique

EMI : éducation aux médias et à l’information

ESM : école spéciale militaire

ETPT : équivalent temps plein travaillé

EVS : établissements et vie scolaire

F

FAGE : fédération des associations générales étudiantes

FNAM : fédération nationale André Maginot

FSD : fonctionnaire de sécurité et de défense

G

GIP : groupement d’intérêt public

GN : gendarmerie nationale

H

HGGSP : histoire-géographie, géopolitique, sciences politiques

HIA : hôpital d’instruction des armées

I

IA-IPR : inspecteur d’académie – inspecteur pédagogique régional

IEN-ET/EG : inspecteur de l’éducation nationale – enseignement technique/général

IEP : institut d’études politiques

IESD : institut d’études de stratégie et de défense (université Jean Moulin Lyon III)

IFRI : institut français des relations internationales

IHEDN : institut des hautes études de défense nationale

INGÉSR : inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche

INJEP : institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire

INP : institut national du patrimoine

INSPé : institut national supérieur du professorat et de l’éducation

IRSEM : institut de recherche stratégique de l’École militaire

J

JDC : journée défense et citoyenneté

JDM : journée défense et mémoire

JEMA : journées européennes des métiers d’art

JEP : journées européennes du patrimoine

JNR : journée nationale de la résilience

JSAS : journées sport armées jeunesse

M

MCIC : mission cinéma et industries créatives

MEEF (master) : métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation

MENJ : ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse

MESR : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

MIG : mission d’intérêt général

MINARM : ministère des armées

MIOM : ministère de l’intérieur et des outre-mer

MRIAE : magistère relations internationales et action à l’étranger

MRV-DSI : médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure

MSMV : médaille des services militaires volontaires

O

ONaCVG : office national des combattants et victimes de guerre

OPEX : opérations extérieures

OPPIC : opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture

OTIAD : organisation territoriale interarmées de défense

P

PAF : plan académique de formation

PM : préparation militaire

PMM : préparation militaire marine

PNF : programme national de formation

PSC : projet scientifique et culturel

R

RDE : relai défense établissement

REDS : référent enseignement de défense et de sécurité

RGPP : révision générale des politiques publiques

S

SGA : secrétariat général pour l’administration

SGDSN : secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

SHD : service historique de la défense

SIRPA : service d’information et de relations publiques des armées

SNI : syndicat national des instituteurs

SNSM : société nationale de sauvetage en mer

SNU : service national universel

SSA : service de santé des armées

U

UBFT : union des blessés de la face et de la tête

UNEF : union nationale des étudiants de France

V

VIGINUM : service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères


   Examen en commission

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur « le rôle de l’éducation et de la culture dans la défense nationale » au cours de sa réunion du mercredi 29 mai 2024.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/7ELJRW

 

La commission autorise le dépôt du rapport d’information.

 

 

 


   Annexe : Auditions et déplacements des rapporteurs

 

1.   Auditions

Ministère des armées

 Direction de la mémoire, de la culture et des archives M. Sylvain Mattiucci, directeur et Mme Anne-Gaël Le Mener, cheffe du bureau de l’action pédagogique et de l’information mémorielles ;

 Direction du service national et de la jeunesseM. le général de corps d’armée Pierre-Joseph Givre, directeur ;

État-major des ArméesM. le général de brigade Frédéric Barbry, chef de la division relative à la cohésion nationale ;

État-major de l’armée de TerreM. le général de brigade Philippe Debesse, directeur de la délégation au patrimoine ;

Délégation à l’information et à la communication de la DéfenseMme  Eve- Lise Blanc-Deleuze, cheffe de la mission cinéma et industries créatives ;

Délégation à l’information et à la communication de la DéfenseM. le général de division Laurent Cluzel, directeur adjoint, M. le colonel Emmanuel  Dosseur du Service d'information et de relations publiques de l’armée de terre, M. le capitaine de vaisseau Sébastien Perruchio du Service d'information et de relations publiques de la Marine et M. le colonel Yann Malard du Service d'information et de relations publiques de l’armée de l’Air et de l’Espace ;

Centre d’études stratégiques de la Marine – M. le contre-amiral Samuel  Majou, directeur ;

État-major de l’armée de TerreM. le général de brigade Bruno Louisfert, sous-directeur du pôle recrutement (SDPR armée de Terre) ;

État-major de l’armée de l’air et de l’espaceM. le général de brigade aérienne Emmanuel Boiteau, délégué au patrimoine et rayonnement et M. le général de brigade aérienne Frederick Devanlay, sous-directeur recrutement réserve jeunesse de la direction des Ressources humaines ;

État-major de la Marine nationaleM. le contre-amiral Laurent Berlizot, chef de la division de la cohésion nationale et M. le capitaine de vaisseau Laurent  Machard de Gramont, sous-directeur du pôle recrutement, écoles et formation ;

Office National des Combattants et des Victimes de Guerre Mme Marie- Christine Verdier-Jouclas, directrice générale, M. le général de division (2S) Eric Maury, adjoint à la directrice générale et M. Benjamin Foissey, chef du département de la mémoire et de la citoyenneté ;

Secrétariat général pour l’administrationMme Nathalie Genet-Rouffiac, cheffe du service historique de la défense et M. Laurent Veyssière, directeur de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense ;

Agence de l’innovation de défenseM. le colonel Sébastien de Peyret, adjoint « forces armées » du directeur ;

Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse 

 M. Tristan Lecoq, inspecteur général de l’Éducation nationale (histoire- géographie) ;

 Direction générale de l’enseignement scolaire – M. Édouard Geffray, directeur général, M. Stéphane Colin, délégué pour l'éducation à la défense, M. Vincent Bervas, adjoint au délégué pour l’éducation à la défense et M. Mark Sherringham, président du Conseil supérieur des programmes (CSP) ;

MM. Thierry Lepaon et Roland Blanchet, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche ;

M. David Hélard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, responsable du pôle voie professionnelle et apprentissage et Mme Florence SMITS, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche ;

Direction générale de l’enseignement scolaireM. Jean-Charles Martinetti, conseiller « Histoire et Mémoire » au sein de la mission « éducation artistique et culturelle » (MEAC) et M.  Stéphane Colin, délégué pour l'éducation à la défense ;

 Ministère de la Culture

Direction générale des patrimoines et de l’architectureM. Jean François Hébert, directeur général et Mme Isabelle Chave, sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux ;

Centre national du cinéma et de l’image animée M. Olivier Henrard, directeur général délégué ; MM. Vincent Villette, directeur financier et juridique et Lionel Bertinet, directeur du cinéma, Mmes Béatrice  de  Pastre, directrice-adjointe du patrimoine et Pauline Augrain, directrice du numérique ;

Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer 

Direction générale de la gendarmerie nationale M. le général de division Jean-Pierre Gesnot, commandant de la gendarmerie pour les réserves et la jeunesse et délégué aux réserves de la gendarmerie auprès des armées, délégué à la jeunesse pour la gendarmerie et M. le général de division Jean Lettermann, conseiller pour la communication auprès du directeur général de la gendarmerie nationale et chef du service d’information et de relations publiques des armées-gendarmerie ;

Délégation générale au service national universel

Délégation générale au service national universelMme Corinne Orzechowski, déléguée générale et Mme Emilie Guerel, cheffe de cabinet – responsable de la cellule de suivi des séjours de cohésion ;

Mmes Aurore Cathenoz et Tessa Grondin et MM. Sébastien Brule et Antoine Desgranges, chefs de compagnie dans le cadre du service national universel ;

Services du Premier Ministre

Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) M. le général de corps d’armée Benoît Durieux, directeur ;

Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN)– Direction de la protection et de la sécurité de l’État (PSE)MM. Gabor Arany, sous-directeur adjoint de la planification de sécurité nationale et Jean-Christophe ERARD, délégué pour la stratégie nationale de résilience auprès des collectivités territoriales 

Chercheurs

 Mme Bénédicte Cheron, maître de conférences en histoire contemporaine et M. Maxime Launay, chercheur « Défense et Société » à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire ;

Centre de recherches politiques de Sciences PoMme Anne Muxel, directrice déléguée et directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS ;

Institutions culturelles/ Producteurs de podcasts

 Musée de l’Air et de l’Espace Mme Anne-Catherine Hauglustaine, directrice ;

 Musée de l’Armée M. Henry de Medlege, directeur ;

 Musée national de la Marine M. Thierry Gausseron, directeur ;

M. Fred Marie, rédacteur en chef du Podcast « Défense zone » ;

 M. Alexandre Jubelin, producteur et animateur du podcast « Le Collimateur » ;

Syndicats

Syndicats représentatifs des personnels de l’éducation nationale M. François Pozzo di Borgo, secrétaire général du syndicat national FO des lycées et collèges, Mmes Claire Guéville et Clarisse Mace, Secrétaires nationales du SNES-FSU, M. Frédéric Cuignet Royer, conseiller d'éducation populaire et de jeunesse à la Direction des services départementaux de l’éducation nationale, Mmes Céline Jabot, Bérengère Basset et Nara Cladera et M. Alexandre Riche, membres de la délégation SUD éducation ;

Représentants des syndicats étudiantsMme Hania Hamidi, Secrétaire générale de l’Union nationale des étudiants de France, Mmes Maé Bouteille et Sarah Biche, respectivement vice- présidente chargée des politiques de jeunesse et vice-présidente chargée des affaires sociales, présidente de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), M. Karel Talali, secrétaire général de l’Union étudiante ;

Autres

Secrétariat général de la Garde nationale M. le général de division Louis- Mathieu Gaspari, secrétaire général et la lieutenant Astrid Morin, cheffe de cabinet du secrétaire général ;

Mission du 80ème anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la VictoireM. le général de corps d’armée (2S) Michel Delion, directeur général de la mission Libération ;

Institut national supérieur du professorat et de l’éducation – Académie de Lille Hauts de FranceM. Sébastien Jakubowski, directeur ;

Fédération nationale André Maginot (FNAM)M. René Peter, président et M. Cyril Carnevilliers, président de la commission de la mémoire et de la jeunesse ;

Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT)M. Patrick Remm, président ;

 

2.   Déplacements

Du 24 au 29 mars 2024 : Déplacement en Finlande et en Estonie

 Le 4 avril 2024 : Déplacement à la base aérienne 133 de Nancy –Ochey

Le 11 avril 2024 : Déplacement à Caen et à Cabourg

 

 


([1]) trad. Jacqueline de Romilly, Robert Laffont éditeur, coll. Bouquins, 1 990

([2]) Expression utilisée par Sébastien Jakubowski lors de son audition

([3]) « Observatoire de la génération Z »,

([4]) Discours inaugural du colloque sur les « Forces morales de la Nation » le 28 octobre 2023 à l’École militaire

([5]) Expression notamment utilisée le 10 juin 1990 par Laurent Fabius alors Président de l’Assemblée nationale

([6]) Les rapporteurs renvoient à l’excellente note intitulée « LES ARMÉES ET LES TERRITOIRES FRANÇAIS : ENJEUX, IMPLANTATIONS, RESTRUCTURATIONS » publiée sur la page « Chemins de mémoire » du ministère des armées : https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/sites/default/files/2023-10/LES_ARMEES_ET_LES_TERRITOIRES_ENJEUX_IMPLANTATIONS_RESTRUCTURATIONS.pdf

([7]) Fractures Françaises est le titre d’un ouvrage du géographe Christophe Guilly, paru en 2010, dans lequel ce dernier documente les nombreux clivages traversant la société française, dans ce qui s’apparente à une crise profonde du « vivre-ensemble ».

([8]) Enquête publiée depuis onze ans par Ipsos et son partenaire Sopra Steria pour le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès et l’institut Montaigne

([9]) Anne Muxel, Observatoire de la génération Z, Étude IRSEM N° 89, 2021

([10]) Source :National Defense University finlandaise

([11]) « National Defense is everybody’s business ».

([12]) Expression attribuée à Charles Péguy

([13]) https://eduscol.education.fr/3652/education-la-defense

([14]) LECOQ Tristan, « De Gaulle et la défense nationale. Un modèle de gouvernement », Revue Défense Nationale, 2022/3 (N° 848), p. 69-75. https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2022-3-page-69.htm

([15]) « De la conscription au SNU : les différentes formes du service national », Vie Publique, 14 mars 2023 : https://www.vie-publique.fr/eclairage/272290-de-la-conscription-au-snu-les-differentes-formes-du-service-national

([16]) Interview du général de corps d’armée Benoît Durieux dans Esprit défense n° 8 – été 2023

([17]) https://www.education.gouv.fr/un-carre-regalien-dans-chaque-academie-326017

([18]) Dans la voie professionnelle, des séquences consacrées à la réalisation d’un chef-d’œuvre ont lieu en 1ère et 2ème années pour le CAP et en 1ère et terminale pour le bac professionnel. Le chef-d’œuvre est un projet interdisciplinaire au cours duquel les élèves doivent développer leur créativité et leur sens de l’organisation.

[19] Dans chaque commune, un membre du conseil municipal doit être désigné correspondant défense afin de promouvoir le lien armées-Nation et de développer l’esprit de défense dans la population

([20]) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-journee-defense-et-citoyennete

([21]) https://eduscol.education.fr/3664/classes-de-defense-et-de-securite-globales-classes-et-lycees-engages-cadets

([22]) Audition du Directeur de la division « cohésion nationale » de la Marine nationale par les rapporteurs

([23]) Audition d’Anne Muxel par les rapporteurs

([24]) https://www.defense.gouv.fr/sga/actualites/plus-50-classes-defense-au-feminin-organisees-toute-france

([25]) https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-financement-et-les-demarches

([26]) https://www.isere.gouv.fr/Services-de-l-Etat/Defense/Le-Correspondant-Defense/Le-Correspondant-Defense#:~ : text=Cr%C3%A9%C3%A9e%20en%202001%2C%20par%20le,citoyens%20aux%20questions%20de%20d%C3%A9fense.

([27]) Audition des présidents de la FNAM et de l’UBFT devant vos rapporteurs.

([28]) ADAGE est la plateforme numérique de l’éducation nationale dédiée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle.

([29]) Le bataillon scolaire est une institution organisée dans le cadre de l'école publique en France à partir de 1882. Elle a pour but d'initier les élèves dès le jeune âge à la pratique militaire. L'expérience ne dure que dix ans et prend fin en 18

([30]) https://www.inspe-lille-hdf.fr/actualites/detail-actualite/interroger-et-comprendre-les-liens-ecole-et-defense

([31]) https://www.education.gouv.fr/le-conseil-superieur-des-programmes-41570

([32]) PIX est un service public en ligne permettant d’évaluer, de développer et de certifier ses compétences numériques

([33]) https://www.linkedin.com/posts/karine-rousseaux-59a81296_chapeau-%C3%A0-mes-sp%C3%A9cialit%C3%A9s-g%C3%A9opolitique-en-activity-7181940945620193280-6NQ_?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

([34]) https://theaterofwar.com/projects/theater-of-war

([35]) Anne Muxel, Observatoire de la génération Z, Étude 89, IRSEM, octobre 2021.

([36]) https://www.linkedin.com/posts/karine-rousseaux-59a81296_tout-est-dans-dune-en-ce-moment-sur-activity-7170155710306062337-_jcS?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

([37]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

([38]) https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/offre-pedagogique-des-musees-et-des-lieux-de-memoire

([39]) « Finland in a chang world »

([40]) https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/allemagne/allemagne-l-armee-organise-des-jeux-de-role-pedagogiques-dans-les-ecoles-une-demarche-qui-fait-debat_6470717.html

([41]) https://www.lefigaro.fr/flash-actu/lecornu-veut-remilitariser-le-recensement-et-la-journee-defense-et-citoyennete-20240412

([42]) Article L114-10 du code du service national

[43] « defense will » en anglais

([44]) https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-2736QE.htm

([45]) https://secnumacademie.gouv.fr/

([46]) (https://www.info.gouv.fr/risques/cyber-destabilisation).

[47] La Journée Nationale de la Résilience est une initiative gouvernementale qui vise à la diffusion de la culture du risque et de la résilience auprès de l’ensemble des publics.

([48]) Harris

([49]) Baromètre CSA/Havas 2023

([50]) Mots d’Eve-Lise Blanc Deleuze

([51]) Audition d’Alex Berger, producteur du Bureau des Légendes devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le 27 mars 2024

([52]) Un GIP est une personne morale de droit public dotée de l’autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention approuvée par l’État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé quel qu’en soit le domaine, pour une durée adaptée à ces activités. Le groupement doit nécessairement exercer une activité d’intérêt général.

([53]) Le moissonnage est un mécanisme qui permet de récolter des métadonnées sur un catalogue distant (ou sur une base de données distante) et de les stocker sur un espace local (serveur) pour un accès plus rapide. Cette récolte (ou moissonnage) se fait régulièrement et automatiquement. Pour effectuer ce moissonnage, il faut que l’organisme qui récolte utilise les mêmes protocoles techniques.

([54]) Par ex, La Grande Guerre de Joseph et Loys Roux met à l’honneur l’exceptionnel fonds d’archives des frères Joseph et Loys Roux, prêtres, soldats et photographes, engagés volontaires sur le front dès août 1914. Alors que les Archives du Rhône détiennent l’intégralité du journal de guerre de Loys Roux, comprenant également 1 919 photographies, l’ECPAD conserve, depuis 2021, 998 autres tirages de Joseph et Loys Roux, ainsi que divers documents donnés par les descendants des membres de leur famille. Rassemblant une sélection de 200 clichés et des extraits les plus intéressants du journal de guerre de Loys Roux, le livre forme une sorte d’encyclopédie visuelle de la Grande Guerre, constituée de façon ininterrompue pendant 52 mois. Cet ouvrage est le résultat d’un travail collectif entre l’ECPAD et les Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon, lesquelles ont organisé avec l’établissement une conférence à l’occasion de son lancement, dont la captation est disponible sur la chaine YouTube de l’ECPAD.

([55]) https://www.lefigaro.fr/international/general-pierre-schill-j-encourage-les-militaires-a-ecrire-20230118

([56]) https://www.facebook.com/reel/163901586179678